Vilate transféré à la
prison du Luxembourg. — Continuation de ses Mémoires. — Il accuse. — Se
méfier des perturbateurs ambitieux qui confisquent à leur profit la crise
révolutionnaire. — Comment Vilate pouvait-il s'évader de l'imbroglio
révolutionnaire ? — Il frémit à la pensée des désastres possibles. — Le
Louvre aurait pu périr dans les flammes ! — Invocation à Voltaire. — Timoléon, tragédie de M.-J. Chénier. —
Rivalité littéraire de Chénier et de Billaud-Varenne. — Mot de David à propos
de Chénier. — Barère ne croyait pas au talent de Chénier. — Une
« première » mouvementée. — Colin d'Harleville, auteur de L'Optimiste,
jugé par Vilate. — Il lit l'Esprit des lois. — Les tyrans destructeurs des
arts et des belles-lettres sont des « génies infernaux ». — Il renie la
Terreur. — Les décemvirs ont été coupables de « tyrannie
nationale ». — Ils ont enlevé aux défenseurs de la patrie la gloire de
leurs triomphes. — La Révolution française doit avoir un terme.
Un mois
plus tard, le 25 brumaire, Vilate écrit dans la prison du Luxembourg où il a
été transféré, son second Mémoire qu'il intitule : Continuation des causes
secrètes de la Révolution du 9 au 10 thermidor. Il
accuse, avec plus d'âpreté encore que dans le premier, « ces usurpateurs de
l'opinion publique qui, par leurs artifices, ont accumulé sur la France tous
les genres de calamités, ces perturbateurs audacieux disposés à tout
sacrifier à leur misérable ambition, qui s'emparent de la crise
révolutionnaire ». Il les montre, « couvrant le sol français
d'inquisiteurs, de bastilles, d'échafauds » tandis qu'ils mettent « à l'ordre
du jour » la probité, la justice, les vertus. Et il s'écrie : « Jusqu'à
quand les hommes seront-ils dupes et victimes de l’abus suborneur des mots ?
» Car les tyrans ne connaissent que trop bien l'art d'en tirer parti. C'est
avec des mots séduisants, des formules endormeuses qu'ils ont trompé des
hommes plus expérimentés que lui, et la Convention elle-même. Comment
donc aurait-il pu s'évader de cet « imbroglio révolutionnaire », de ce « tourbillon
de choses ? » La retraite lui était devenue impossible. Son rôle se bornait à
observer. Parfois, il avait osé des railleries faibles, sans méchanceté. Un
jour, chez Dupin, qui surveillait l'inventaire et la vente de la riche
succession mobilière des fermiers généraux, il avait plaisanté ce député, entouré
de bijoux, d'or et de diamants : « En vérité, mon cher Dupin, on dirait que
tu as trouvé le petit chien de l'un des jolis contes du naïf La Fontaine : tu
sais comme il secoue l'or et les pierreries. » Dupin avait répondu : « Mon
cher Vilate, tu as toujours le petit mot pour rire. » Maintenant
qu'il est en prison, il « frissonne » au seul souvenir des « désastres et des
maux que les idées des décemvirs ont produits. Mot terrible que celui de
Barère à la tribune : « Les Français sont révolutionnaires comme la nature. »
Paroles prophétiques que celles d'Isnard, alors président de la Convention,
lorsqu'il déclarait « que si l'Assemblée était tyrannisée, les
départements voudraient venger les proscrits sur Paris et que le voyageur
chercherait un jour sur les rives de la Seine le lieu où exista cette ville
du monde » ! Vilate
« frémit » à la pensée que le Louvre aurait pu périr dans les flammes. «
Braves Parisiens, je vous interpelle ! Dites si vous avez fait les 14
juillet, les 10 août croyant avancer la ruine du Muséum[1] de l'Univers ! » Au souvenir
des rêveries macabres de Barère songeant à brûler les bibliothèques, pour
libérer le monde du fatras monstrueux des livres et des papiers,
chefs-d'œuvre ou non, il s'écrie : « Voltaire ! j'en adjure tes mânes 1
Quand, par tes travaux immenses, tu devenais le précurseur de la Révolution,
songeais-tu à presser le jour où les chefs-d'œuvre de ton esprit seront
destinés à être la proie des flammes ? Aurais-tu prévu, en faisant Y Orphelin
de la Chine que le Tartare Gengiskan donnerait des leçons aux législateurs de
ta patrie sur le prix des arts et des lettres ? » Il
dénonce « l'empire exercé par la guillotine sur Melpomène » muse de la
tragédie, l'oppression haletante et la peur où « gémissaient » les talents,
le génie. Il
oppose à l'impuissance littéraire de Barère et de Billaud-Varenne, le « génie
» de Marie-Joseph Chénier, dont la tragédie Timoléon, peu de temps avant le 9
thermidor, était tombée sur les coups d'une « cabale jacobine ». « Il
avait composé une nouvelle tragédie intitulée Timoléon. Ces mots, dans son
Charles IX : des lois et non du sang étaient un vers rongeur au cœur des
tyrans... Robespierre, Billaud-Varenne, tourmentés de ses piqûres dévorantes,
ne voyaient l'auteur de Timoléon qu'avec haine et fureur. Il soumit sa pièce
à l'examen préalable des amateurs ; il convoqua une assemblée nombreuse dans
le salon littéraire du Théâtre de la République. Avant de nous y rendre,
Barère et moi, nous passâmes chez Chénier. L'auteur de la comédie des
Philosophes, Palissot, y était déjà avec d'autres personnes. Après un
déjeuner très frugal et très précipité, nous nous acheminions vers la salle
où nous étions attendus. Chénier commence la lecture de son manuscrit. Sa
déclamation était chaleureuse, bruyante. On écoutait avec autant de silence
que d'intérêt. L'actrice Vestris, inquiète des efforts de poitrine du poète,
l'invitait à baisser de ton ; elle passait son mouchoir sur ses joues
échauffées. Je croyais être reporté à ces jours brillants de la littérature
du siècle passé, dont les anecdotes, embellies dans l'histoire des
spectacles, font tant d'impression sur le cœur vierge du jeune républicain.
Il me semblait voir cette fameuse actrice donner ses petits soins à Voltaire.
Les beautés multipliées de la pièce faisaient naître les plus vifs
applaudissements ; les auditeurs se surprenaient dans les transports de
l'admiration, de l'enthousiasme. « Le
sujet convenait parfaitement aux circonstances. La scène est à Corinthe. Il
s'agissait, chez ce peuple libre, du couronnement de Timophane, le
destructeur de la liberté publique. Le servile Anticlès lui présente le
diadème. Le peuple fait sentir son improbation par le silence terrible du
calme imposant. Timoléon est le héros républicain qui provoque et fait
éclater la vengeance populaire. Timophane est mis en pièces. La liberté est
sauvée. « Le
lendemain, je me trouve placé, dans la société des Jacobins, près David et
Michot. Celui-ci disait à l'autre : « Ah ! la belle tragédie que celle de
Timoléon : c'est un chef-d'œuvre ; demande à Vilate. » Je ne pus m'empêcher
de rendre une justice éclatante aux talents rares et au génie de l'auteur. Le
peintre qui, dès 1789, a montré, par son tableau de Brutus, au jour du
supplice de ses enfants, qu'il ne concevait la liberté que sous un air
ténébreux, nous répond : « Ce Chénier ? une belle tragédie ! c'est
impossible. Son âme a-t-elle jamais pu sentir la liberté pour la bien rendre ? Non, je n'y crois pas. » « A
quelques jours de là, me trouvant avec Barère et Billaud-Varenne, on parle de
Timoléon. Barère ne put dissimuler son humeur : « La pièce ne vaut rien ;
elle n'aura pas l'honneur de la représentation. «
Qu'entend-il par ce vers contre-révolutionnaire : N'est-on
jamais tyran qu'avec un diadème ? « Barère,
qui avait mêlé ses applaudissements à la lecture de la pièce, mais auquel
j'avais déjà rapporté les propos de David, ajoute : « Oui, il n'y a pas de
génie révolutionnaire ; elle manque dans le plan. » — Billaud à Barrère : «
Ne souffrons pas qu'elle soit jouée. » — Barère : « Donnons-lui le
plaisir de quelques répétitions, » Timoléon fut répété plusieurs fois devant
une assemblée nombreuse de spectateurs. Les applaudissements présageaient à
l'auteur le plus heureux succès. Barère, à côté de la Demahi, dans la loge du
ci-devant roi, paraissait distrait, ennuyé. Il sortit vers le milieu de la
pièce aux deux premières représentations ; à la dernière, il n'eut garde de
s'y rendre... On laisse aller la tragédie jusqu'à la scène où Anticlès va
pour placer le bandeau royal sur la tête de Timophane sous prétexte que le
peuple de Corinthe concentre son indignation et que sa colère a besoin d'être
excitée. Voilà qu'un orateur prend la parole et dit : « Si le peuple de
Corinthe eut besoin d'être provoqué pour s'élever contre la tyrannie, c'est
une injure faite au peuple français que de lui offrir cet exemple de
faiblesse et d'inertie. A bas la toile ! que chacun se retire. » Alors une
foule de gens, disséminés dans différents points de la salle, donnent le signal
des applaudissements. On pousse l'horreur jusqu'au point de forcer Chénier à
brûler lui-même, sur le théâtre, le fruit de huit mois de travaux et de
veilles. Le jaloux, le tyran Richelieu fut moins barbare envers Corneille ;
il ne l'abreuva pas de tant d'amertume[2]. » La muse
Thalie n'était pas mieux traitée que la muse Melpomène. Vilate révèle à Colin
d'Harleville, l'auteur de l'Optimiste, pourquoi la représentation de
sa comédie a été supprimée... Tout simplement parce que Barère et Robespierre
ne trouvaient pas bien qu'un ex-noble donnât des leçons de vertu et de
patriotisme à un sans-culotte. « Comme si la nature, ajoute-t-il, ne s'était
pas toujours plu à répandre indistinctement ses trésors sur tous les
individus. » Puis,
il s'en prend aux espions émissaires des Vadier, des Vouland, des Amar, « arrestateurs
généraux de la République », dont l'importune présence « gênait le voisinage
des lieux » où il aimait à déjeuner en bonne compagnie. Il ne parle pas des
espions de Robespierre — et pour cause. Mais il adjure le peuple de prendre
enfin le « ton de dignité » qui lui convient. Sa voix se fait grave et
solennelle : « Peuple,
ne ris pas !... Non : tu n'es pas un composé d'imbéciles, de badauds qu'on
peut mener avec une paille. Il est temps enfin que tes yeux se dessillent.
Vois le système de la tyrannie médité avec l'intention profondément réfléchie
de l'établir sur les ruines de la liberté publique. Sois grand, majestueux,
et, comme le peuple de Corinthe, ne montre ton indignation que par un silence
imposant. Tu n'as pas besoin d'un Timoléon : laisse agir la Convention
nationale qui a su vaincre quelques-uns des tyrans : elle sait ce qu'il faut
faire. Sa gloire est la garantie de son zèle à se rendre digne de toi. Une
assemblée, aussi variée que la nature dans ses éléments, est comme elle
incapable de tromper les hommes... » Il a
des idées fortes. Il lit l'Esprit des lois. « Le
gouvernement révolutionnaire ne doit être qu'une suspension sagement calculée
de certains droits du peuple qu'il ne peut exercer dans des circonstances
difficiles. C'est le danger de la liberté publique en péril qui, seul
nécessite cette institution dictatoriale pour le salut de la patrie.
Qu'est-ce donc que les objections sans cesse répétées aux oreilles des amis
de la liberté ? Nous sommes en révolution. Attendez que la révolution soit
faite. C'est le gouvernement révolutionnaire qui occasionne ces choses. » Il
flétrit les « tyrans révolutionnaires » — qu'il a servis et dont il a été
l'ami —, « destructeurs des arts et des belles-lettres, génies infernaux
plus redoutables que ceux de Milton et qui voulaient brûler les bibliothèques
pour laisser le peuple dans l'éternelle obscurité des ténèbres de
l'intelligence ». Vilate
évoque maintenant les séances du Tribunal révolutionnaire, les fournées
d'accusés amenés, « de tous les cantons de la République, surpris de se
trouver réunis dans une même affaire, des Pyrénées orientales aux bords de
l'Escaut, des rives du Rhin à celles de la Gironde, tous envoyés à
l'échafaud, tous condamnés sans être jugés, tous au moins jugés sans être
entendus, plusieurs même sans être accusés[3]. » Il se hâte d'ajouter : « Je
n'ai siégé dans aucune fournée. Depuis l'affaire de Danton, je me suis
éloigné du Tribunal. Je n'ai été et ne serai jamais l'instrument d'aucun
parti, d'aucune haine, d'aucune vengeance. Il est des, jurés de ces temps
restés maîtres, comme moi, de leur conscience, placés au Tribunal actuel. » Il
renie la Terreur, de toutes ses forces, avec toute l'éloquence dont il est
capable. Son imagination ne veut plus se souvenir du spectacle des « cruautés
sans nombre dont la scène du monde a été ensanglantée à Arras, Marseille,
Cambrai, Saumur, Lyon, Nantes, Orange. Elle est forcée de quitter ces objets
trop révoltants pour l'humanité trompée et fondant en larmes[4] ». Il
dénonce ses anciens collaborateurs, ceux qui, avec lui, ont été les
auxiliaires de Fouquier-Tinville. Il montre « l'institution, sur tous les
points de la République, de ces bureaux d'inquisition plus redoutables que le
conseil inquisitorial de Venise, sous le titre de comités de surveillance,
composés, la plupart, de ces esprits inquiets et soupçonneux qui, comme la
plaie des sauterelles de l’Egypte, se sont introduits tout à coup dans les
maisons, furetant tous les coins des appartements, forçant le secret des
armoires, déchirant le voile moral des mystères de la couche nuptiale,
brisant le cachet des lettres, des dépôts, des testaments, se précipitant sur
le moindre chiffon pour trouver des signes de conspiration dans des phrases
oiseuses, dérobant les assignats, l'or, l'argent, les bijoux, forçant les
voyageurs, comme les monstres au temps d'Hercule, à détourner leur route des
villes et des villages. « Quel
jour de deuil que celui où chacun, tremblant d'avoir des gravures, des
tableaux, des statues, des livres, des manuscrits, des lettres de l'amitié,
de l'amour, de la parenté, de la reconnaissance, fut porté à vouer tous ces
monuments des affections tendres de la nature, des arts, des talents et du
génie, à la destruction éternelle du fer et du feu ! « Quel
jour de deuil que celui où, sous prétexte de l'intérêt de la République, l'on
vit ce nombre prodigieux d'incarcérations du créancier par le débiteur, de
l'amant favorisé par le rival rebuté, du mari outragé par l'adultère impuni,
de l'artiste habile par l'artisan jaloux, des maîtres par leurs domestiques,
du juge impartial par le plaideur condamné, du militaire d'un grade supérieur
par son inférieur envieux ! On a vu tous ces maux[5]. » On sent
qu'il n'a plus rien à ménager. Il dénonce avec une verve désespérée et il
attaque sans relâche les auteurs de tous ces maux. Il les nomme : Barère,
Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, Vadier, Vouland, Amar, Robespierre,
Couthon, Saint-Just. Ces hommes sont « coupables de tyrannie nationale ». Ce
sont eux les véritables conjurés. Ils ont préparé leur coup de longue main,
dans l'ombre, contre la souveraineté du peuple. Ils se sont rendus criminels
par leurs discours « imposteurs et fallacieux », par leurs
rédactions « louangeuses et philanthropiques de lois atroces et
arbitraires », par leur mépris de la vie humaine. Ils ont été des «
organisateurs de meurtre, des excitateurs de pillages, des entrepreneurs de
massacres, des affameurs du peuple ». Ils ont alimenté la guerre civile ; ils
l'ont éternisée. Ils ont
proclamé, « avec emphase », la liberté, l'égalité, la fraternité ; mais ils
ont foulé aux pieds ces trois vertus sociales. Ils ont dit à autrui : « Si tu
ne penses pas comme moi, je te condamne à mort. » De
Paris à la France, « comme du centre les rayons vont à la circonférence »,
ils ont donné le signal des délations, des incarcérations arbitraires, des
persécutions. Ils ont provoqué des troubles plus sanglants que ceux de la
Ligue. Us ont mis la Terreur « à l'ordre du jour ». Ils ont
attribué les victoires des armées républicaines « à l'activité des supplices,
à l'effusion horrible du sang ». Ils ont enlevé aux défenseurs de la Patrie
la gloire de leurs triomphes. Ils ont voulu flétrir leurs lauriers. Ils ont
tenté de rendre le peuple cruel et féroce, en l'accoutumant à des spectacles « destructeurs
de l'espèce humaine. » Ils ont tenté de tuer en lui « les principes de
douceur, d'humanité, de probité » ; ils ont nié la vérité ; ils ont sali la
bonne renommée, « jeté l'incertitude dans l'esprit des pères de famille
sur l'éducation, la profession à donner à leurs enfants ». Ils ont « arraché
du cœur de l'homme le désir de l'union conjugale et celui de la paternité par
la crainte de faire des malheureux[6] ». Leur
but ? Détruire la République, établir leur despotisme. « Ils ont été des
tyrans pour se perpétuer dans la tyrannie. » Vers la
fin de ces Mémoires, l'attaque se fait plus directe, plus acerbe. Elle vise
nettement Billaud-Varenne, « ce nouveau Catilina, ce fils audacieux de
la discorde et du crime, le poignard d’une main, la torche incendiée de l
'autre, la tête échevelée et ses cheveux changés en couleuvres ». Vilate
l'interpelle : « Quoi donc ! comme le lion couvert et dégouttant de sang, tu
veux régner toujours, par le carnage, au milieu des déserts, à l'aspect des
cadavres palpitants ! Malheureux ! tu veux donc couvrir ta patrie des membres
déchirés de la Liberté publique ? Qu'a-t-elle de commun avec toi, si ce n'est
ta haine pour elle ? Sauve-toi si tu peux, mais ne renouvelle pas les fureurs
du plus effronté conjurateur ![7] » Puis,
le ton s'adoucit. Après un souvenir ému donné, en passant, à la mémoire de
Camille Desmoulins et de Philippeaux, « dont les restes perdus et confondus
ne peuvent être entourés de quelques faibles arbustes », il termine ainsi : « La
Révolution doit avoir un terme. La mort et la destruction ne doivent pas
rester ses éternelles compagnes. Fut-il jamais, pour
aucun peuple de la terre, une plus belle époque d'organisation sociale ? Les
armées françaises victorieuses de tous les rois de l'Europe, les bornes de la
République reculées jusqu'au Rhin ; l'Espagne et l'Italie n'ayant plus, dans
les Pyrénées et les Alpes, que les limites tracées par la nature. Quels
triomphes ! Faut-il, parce que nous sommes maîtres de donner la paix au Monde,
conserver éternellement la guerre parmi nous ? « Le ciel n'offrit jamais une plus belle occasion aux hommes d'acquérir de la gloire et les hommes ne peuvent souhaiter un temps plus favorable pour se signaler. Qu'ils seraient inexcusables les législateurs qui, pouvant régénérer un État, négligeraient de le faire ! Ils ont deux chemins ouverts devant eux : s'ils marchent dans l'un, ils passent une vie éloignée d'inquiétudes et d'appréhensions ; ils font le bonheur d'un grand peuple et ils conservent, après la mort, une apothéose immortelle : s'ils s'enfoncent dans l'autre, ils ne trouvent que remords, traverses, alarmes continuelles ; leur trépas est suivi d'une infamie éternelle ; l'histoire les tient perpétuellement sur l'échafaud de la postérité qui les exècre[8]. » |
[1]
Le Louvre.
[2]
Causes secrètes, p. 240. — La tragédie de Timoléon, en trois actes, avec
des chœurs, musique de Méhul, ne fut représentée devant le public qu'après la
chute de Robespierre. L'auteur continuait de donner, au théâtre, des leçons
d'humanité comme il l'avait fait, sans succès d'ailleurs, dans ses pièces
précédentes de Caius Gracchus, de Fénelon. Il y disait :
La tyrannie
altière et de meurtres avide
D'un masque
révéré couvre son front livide,
Usurpant sans
pudeur le nom de liberté,
Houle au sein de
Corinthe un char ensanglanté...
Il est temps
d'abjurer ces coupables maximes
Il faut des lois, des mœurs et non pas des victimes !...
Le comité de Salut public fit suspendre les
représentations. Tous les manuscrits de la pièce, qui n’était pas encore
imprimée, furent saisis et brûlés ; une seule copie échappa aux recherches ;
elle fut conservée par Mme Vestris et servit, en 1795, pour l'impression de
cette tragédie.
[3]
Causes secrètes, p. 249.
[4]
Causes secrètes, p. 251.
[5]
Causes secrètes, p. 254.
[6]
Causes secrètes, p. 259.
[7]
Causes secrètes, p. 269.
[8]
Causes secrètes, p. 270.