La nuit du 9
thermidor. — Vilate apprend la chute de Robespierre, l'arrestation de
Fouquier-Tinville. — Il peut laisser toute espérance. — Il veut espérer. — Il
occupe ses longues veilles de prisonnier à écrire trois Mémoires dans
lesquels il se disculpe, il accuse, il dénonce. — Il doit au peuple sa
Justification. — Il pleure sa jeunesse « séduite et détrompée ». — Comme
les jeunes Gracques, il a été victime de son inexpérience. — Les combats
politiques sont des « combats à morts ». — Robespierre fut moins tyrannique
que Barère, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne. — Courage et énergie du peuple
français. — L'humanité est en deuil. — Vilate dira toute la vérité. —Examen
de ses actes. — Il s'absout lui-même et sent « son cœur soulagé ». — Il a eu
le « courage de faire son devoir ». — Il est « digne de la liberté ». —
Adresse à la Convention nationale.
Dans la
nuit tragique du 9 thermidor, tandis que le tocsin sonne à l'Hôtel de Ville,
que Léonard Bourdon et Legendre courent à travers Paris et réveillent les
sections, que les Arcis, Saint-Martin, les Gravilliers, l'Homme-Armé, la
Cité, Montmartre, la Place Vendôme s'ébranlent à leur appel et viennent jurer
à la Convention de ne reconnaître d'autre autorité que la sienne, qu'Henriot
est mis hors la loi, que Barras est nommé commandant de la force armée, que les colonnes
conventionnelles débouchent sur la place de la Grève presque vide et
ruisselante encore de l'averse torrentielle tombée à minuit ; qu'une
escarmouche s'engage sur les quais entre les troupes de Barras et les
canonniers restés autour d'Hanriot, que Léonard Bourdon entre à l'Hôtel de
Ville parle grand escalier du centre et parvient jusqu'à la salle de
l'Égalité, Vilate et ses compagnons de captivité vivent des heures
d'angoisse. Un peu
après deux heures du matin, ils apprennent la victoire de la Convention sur
Robespierre et sur la Commune rebelle. Les nouvelles leur arrivent
contradictoires. Maximilien, dit-on, s'est brûlé la cervelle. Puis, on
raconte que Léonard Bourdon, choisissant dans la troupe qu'il conduisait un
jeune gendarme de vingt ans, Merda, lui avait désigné Maximilien assis dans
un fauteuil, la partie droite de son corps tournée de profil, vers la place
de Grève. Merda, armé d'un pistolet, avait fait feu ; Robespierre s'était
affaissé, la mâchoire fracassée. Vilate,
le lendemain, savait tout : la Commune cernée par les sections, le suicide
d'Hanriot, celui de Lebas, la mort de Robespierre jeune, tombé, en fuyant,
d'une corniche de l'Hôtel de Ville, la blessure de Couthon, l'arrestation de
Saint-Just, la fuite de Coffinhal, l'effroyable agonie de Maximilien, sa mort
sur l'échafaud, place de la Révolution, devant cette statue de la Liberté
qu'il avait voulue, pour la fête de l'Etre Suprême, entourée d'arcs de
triomphe, de fontaines d'eaux jaillissantes, « consacrées à l'Utilité
publique »... Le 14
thermidor (1er avril),
Vilate apprenait l'arrestation de Fouquier-Tinville ; quelques décades plus
tard, la réorganisation du Tribunal révolutionnaire, l'abrogation de la loi
de prairial, la victoire complète des Thermidoriens. Barère,
Billaud-Varenne, Vouland, Vadier, Dupin, Collot d'Herbois, tous ceux qu'il
avait lieu de redouter, étaient vivants. Ils avaient tué Robespierre. Vilate
pouvait laisser toute espérance. Il
voulut espérer. Il occupa ses longues journées et ses interminables nuits de
prisonnier à écrire sa justification. Il composa trois Mémoires dans lesquels
il se disculpa, il accusa, il dénonça. Le
premier de ces mémoires, écrit à la Force, porte la date du 15 vendémiaire,
an III. Il est intitulé : Causes secrètes de la Révolution du 9 au 10
thermidor, par Vilate, ex-juré au Tribunal révolutionnaire, détenu à la
Force. Il lui
donne comme épigraphe ces paroles de Barère : « La
censure des écrits et la tyrannie de l’opinion furent, dans tous les temps,
les symptômes qui annoncèrent la perte de la liberté. Et le droit indéfini de
penser, d'écrire et de croire ce qu'on veut, est le signe auquel on va
reconnaître qu'il existe une représentation populaire. » Il
commence ainsi : « Je dois au peuple ma justification ; elle dérive des
causes secrètes des 9 et 10 thermidor. » C’est « l'enthousiasme
du beau et de la vertu, aliment ordinaire d'un cœur neuf et sensible,
enflammé par l'espoir de la régénération d'un grand peuple, annoncée et
promise avec tout l'éclat, tout le prestige de l'amour de l'humanité » qui l
'a cc lancé dans la carrière révolutionnaire et porté à figurer, sans s'en
apercevoir, dans ces scènes tragiques décorées des noms de vertu et de
patriotisme ». Mais il
a perdu ses illusions. Il était sensible, donc, aveugle. Il devient
raisonnable. Le malheur a « exercé » son âme ; et c'est au fond des cachots
que, « revenue à la réalité des choses imparfaites du monde, cette âme
découvre le vide et l'erreur de ces espérances abstraites d'une perfection
chimérique, étrangère aux passions des hommes ». Il a eu
le courage « d'inspirer des défiances ». Les Mahomet, les Omar « redoutant
sa langue véridique et babillarde » l'ont précipité, quelques jours « avant
leur chute inattendue, dans une des mille et mille bastilles dont ils avaient
couvert chaque point de la République ». Il ne
doute pas — ou il feint de ne pas douter — que la Vérité, « grâce à la
liberté de la presse » ne sorte, toute nue, du « tombeau des vivants ». Il
croirait violer « les droits sacrés de la patrie », s'il ne disait pas ce
qu'il sait. ... «
Mon intérêt n'est rien. Si mon innocence résulte des choses cachées que je
vais divulguer, le danger imminent auquel je me dévoue me conseillerait le
silence ; j'ai la satisfaction de préparer des matériaux à l'Histoire. » Nous
avons vu quelle fraîcheur d'impressions, quelle jeunesse enthousiaste il
portait en lui lorsqu'il arrivait d'Ahun au mois de mars 1792. Nous avons dit
ce qu'il espérait de la Révolution, pour le bonheur « d'un grand peuple »... et pour lui-même. Nous avons retracé les portraits
dessinés par lui de Robespierre, de Barère, de Collot d'Herbois, de
Billaud-Varenne. Nous savons ce qu'il pensait d'eux. Dans son cachot de la
Force il pleure amèrement « sa jeunesse séduite et détrompée ». Il se repent
des « jeux perfides de l'Amour ». La jeune mère « folle de gaieté, brillante
d'attraits, et le jeune enfant plein d'intérêt » sont déjà loin, dans les
brumes du passé et dans les nuits sanglantes de Thermidor. Il fait de la
philosophie de l'histoire avec rage et il lit les œuvres de Montesquieu, «
cet Hercule de la politique ». Il
dénonce le « décemvirat, à la tête duquel s'est trouvé un nouvel Appius Claudius
». Entre le Comité de Salut public et le décemvirat de Rome, identité
parfaite, démontrée par un passage de l'Esprit des Lois et « par la tyrannie momentanée
sous laquelle a gémi toute la France ». Les meneurs de ce décemvirat,
Robespierre, Collot d'Herbois, Barère, Couthon, Billaud-Varenne, Saint-Just,
ont toujours été parfaitement d'accord pour subjuguer la Convention, la
nation tout entière. Avec
quelle aisance il jette par-dessus bord Robespierre qui avait signé son ordre
d'élargissement le 8 thermidor ! Mais Maximilien est vaincu. Vilate a été à
bonne école, celle de Barère de Vieuzac. « Ne
sont-ce pas eux (les décemvirs), dit-il, qui ont surpris à la Convention nationale le décret qui
les autorisait à mettre ses membres en arrestation ? Ils se sont aidés
mutuellement de leurs forces respectives. Collot disait de Saint-Just : « Ce
jeune et vigoureux athlète de la Révolution ». Barère défendait
Robespierre des attaques du manifeste du duc d'York où on le taxait d'aspirer
à la dictature, au patriarcat, où on le traitait d'égorgeur. Ils se sont
entendus à repousser Magenthies, lorsqu'en homme
libre, il venait redemander à la Convention nationale et la liberté
d'elle-même et la souveraineté du peuple. Ils se sont entendus à défendre
leurs satellites, d'Aubigny, Lebon, etc. On ne finirait pas à recueillir tous
les traits qui démontrent l'évidence de leur conjuration. Ce décemvirat, sous
prétexte de régénérer les mœurs du peuple français, avait réellement conçu
l'idée immense de réaliser le projet agraire. Ils avaient devant leurs yeux
l'exemple des jeunes Gracques qui devinrent victimes de leur inexpérience « Ils
ont suivi l'exemple de Sylla qui, dans le même dessein, employa les
proscriptions, les confiscations. En effet, la France fut bientôt couverte
d'espions, de sbires, de bastilles, d'échafauds. Ils ne lui auraient laissé
qu'une population de veuves et d'orphelins. N'a-t-on pas encore entendu
Barère, depuis le 10 thermidor, parler du partage des terres confisquées ? « Les
membres de la Convention ont été frappés du spectacle des calamités
publiques. Mais ils ont aussi craint pour eux-mêmes. Le jour où les meneurs,
au Comité de Salut public, ne pouvant soutenir leur système de proscription
générale que par de plus grandes proscriptions », ont désigné pour l'échafaud
les plus en vue parmi les représentants du peuple, sans pouvoir s'entendre
sur le choix de leurs victimes, ce jour-là, le décemvirat a été coupé en deux
tronçons. Dans l'un, Robespierre, Couthon, Saint-Just ; dans l'autre, Barère,
Collot d'Herbois, Billaud-Varenne. Vilate accuse les membres du gouvernement
révolutionnaire de s'être « rendus coupables, envers la Nation, du crime de
tyrannie ». En vain ceux, parmi les tyrans qui vivent encore, diront-ils
qu'ils ont dénoncé Maximilien et Saint-Just. « Ils n'ont cessé d'être leurs
complices. Ils ne les ont dénoncés qu'au moment où ils sont devenus leurs
rivaux, où ils ont craint de partager leur infamie, où ils ont espéré de
devenir leurs dignes successeurs... N'ont-ils pas continué leurs fureurs,
même avec plus d'effervescence, quatre décades après l'éloignement de
Robespierre du Comité ? Les supplices ont été plus nombreux depuis son
absence du décemvirat. Vainement, enfin, veulent-ils s'excuser sur le
prétendu mérite- d'avoir sauvé des dangers le vaisseau de la Révolution,
voguant au milieu des orages ? Ne sont-ce pas eux qui, par leurs excès en
tous genres, ont formé ces orages, qui l'ont menacé et lancé dans sa route,
au milieu des écueils sur lesquels il a failli échouer ? Le courage, la
force, l'énergie, la sagesse du Peuple français et de la Convention, voilà
les sauveurs du vaisseau de la Révolution, malgré les tempêtes dont ces
hommes politiques l'avaient assailli pour s'en rendre les maîtres. « Quel
tableau de régénération nationale ! Des villes renversées, d'autres désertes,
des contrées fertiles ravagées par les guerres civiles et les incendies, les
îles enlevées, les monuments détruits, l'adultère flétrissant les familles,
les mers couvertes d'exilés, le commerce et les arts en désespoir fuyant chez
l'étranger ; les rivages des fleuves de l'Océan couverts de cadavres de tout
sexe, de tout âge, jusqu'aux enfants à la mamelle ; les rochers teints de
sang, la multitude sans subsistance, couverte de haillons ; les biens, les
talents, les honneurs devenus des crimes ; les délateurs en possession des
récompenses ; la vertu une cause infaillible de mort... L'humanité en deuil
se couvre d'un voile lugubre[1]... » Vilate
tient à dire toute la vérité. Il croit faire œuvre utile. Malheur à ceux que
cette vérité blessera ! Jeune encore, il « préfère à la vie, l'honneur,
l'estime de ses concitoyens. Plutôt la mort que de rester encore plus
longtemps sous le poids affreux des soupçons, de l'erreur, de la calomnie ».
Il a le « sentiment de son innocence ». Il prie ceux qui liront ses Mémoires
d'apporter « la plus sévère attention sur toute sa conduite ». Est-il
coupable d'avoir accepté la place de juré au Tribunal révolutionnaire ? Il sait
depuis longtemps que ce titre inspire « d'odieuses préventions ». Mais, s'il
a pu, s'il a dû accepter d'aussi redoutables fonctions, c'est dans « l'intérêt
majestueux de la puissance nationale luttant contre tous les rois de l'Europe
altérés de domination ». Il fallait punir les ennemis de la Patrie et de
l'Humanité. D'ailleurs, le Tribunal révolutionnaire était alors présidé « par
l'homme vertueux et sensible qui préside celui d'aujourd'hui »... Flatterie adroite à l'égard de Claude-Emmanuel.
Dobsen, qui présidait le nouveau Tribunal révolutionnaire devant lequel
Vilate s'attendait chaque jour à paraître. Il est
vrai qu'il a été « continué, même sous la loi arbitraire du 22 prairial ».
Mais il en appelle « à la conscience de tous les hommes vrais et probes. »
Logé aux Tuileries, connu de ceux qui jouaient les premiers rôles sur la
scène du monde, pouvait-il voir la Vérité au milieu des nuages brillants dont
elle était environnée ? Une force invincible ne l'entraînait-elle pas malgré
lui, « atome emporté violemment par un torrent rapide » ? Il
estime que ce chef d'accusation ne peut être admis judiciairement, qu'il est « du
ressort de l'opinion, comme un point de morale ». Et il
pense que cela suffit. Il rappelle « sa conduite honorable envers
Camille Desmoulins, son éloignement du Tribunal depuis sa perte ». Il défie
ceux qui chercheront dans les archives d'y trouver la preuve qu'il ait été
l'instrument d'un parti[2]. Est-il
coupable d'avoir connu Robespierre, Barère, Billaud et autres, et lui
ferait-on un crime d'avoir su, sans le dévoiler, leur projet de décimer la
Convention nationale ? Il
répond à cette question que la Convention, elle aussi, a connu Robespierre,
qu'elle lui a. donné sa confiance, qu'elle aussi a contribué à l'erreur et à
la crédulité communes à bien des citoyens. « Qui n'aurait pas mis de
l'intérêt, peut-être de l'orgueil, à rapprocher, à lui donner un déjeuner frugal,
le jour de la fête de l'Être Suprême ? » Il nie avoir jamais été lié avec
Maximilien. « Le tyran n'était pas homme tt liaisons. » Loin
d'être complice des crimes des conspirateurs, Vilate veut prouver que ces
crimes l'ont révolté et qu'il a travaillé à les divulguer. « J'ai recueilli
les noms de toutes les victimes pour ce but salutaire. J'ai dévoilé
publiquement leurs projets par des indiscrétions affectées, même envers
plusieurs députés. J'ai dû agir avec cette prudence parce que, les découvrir
avec un prétexte de leur façon, m'aurait conduit à l'échafaud avant les
proscrits. » Ce sont
ces « indiscrétions affectées » qui l'ont perdu. Mais de combien
d'indiscrétions analogues ne s'est-il pas rendu coupable avant d'être
suspecté par Billaud-Varenne ? Il néglige de nous le dire. Sa réputation
d'espion et de mouchard du Comité de Salut public, logé aux Tuileries, à côté
du Comité, est si fortement établie qu'il ne pourra s'en laver. Il affirme
que Dossonville, qui l'arrêta, avait connaissance du complot ourdi contre la
Convention. S'il a été arrêté, lui, Vilate, c'est pour avoir dévoilé ce
complot. Sans quoi, dans quel but l'eût-on privé de la liberté ? Enfin,
peut-on l'accuser d'avoir eu le mauvais dessein « d'entrer dans la
conjuration de Robespierre et de la Commune, » aux journées des 9 et 10
thermidor ? Ce
serait puéril. Il était dans les fers dès le 3. Il affirme que « sa conduite
antérieure » démontre ce qu'il aurait fait. Un fait
le gène. C'est sa mise en liberté ordonnée par la Commune, la nuit du 8 au 9
thermidor, sur l'ordre de Robespierre. Quand, après lui avoir présenté son
acte de libération, on lui a demandé où il allait se rendre, il a écrit : « à
la Commune ». Charge
grave contre lui ? En apparence, oui. En réalité, non. — Car il ne
s'embarrasse d'aucun argument. — Seuls, ceux qui ignorent ses sentiments et
sa conduite ont pu conjecturer qu'il prendrait le parti de Robespierre, dans
la nuit du 9 thermidor, et qu'il profiterait de sa liberté pour se remettre à
son service. Si c'est dans cet espoir qu'ils ont voulu le libérer, ces
gens-là le connaissaient bien mal. Peut-il donc être « responsable de
l'opinion erronée, que l'ignorance a pu former sur ses principes » ? Oui, il
a écrit qu'il se rendrait à la Commune. Mais, qui n'en eût fait autant parmi
les détenus de la Force ? « Le désir de briser mes chaînes, le défaut de
connaissance de ce qui se passait, la curiosité d'acquérir cette
connaissance, le respect dû aux autorités constituées, tout a pu me
déterminer à souscrire ce qu'on a voulu que je souscrivisse. » « Le
respect des autorités constituées ! » Voilà bien tout Vilate. Ce n'est que
par respect des autorités constituées qu'il a siégé au tribunal, qu'il s'est
amusé à Clichy avec Barère, Vadier, Dupin, représentants du peuple, qu'il a
été un des espions du Comité de Salut public !... D'ailleurs,
la preuve que les « conjurés » ne le croyaient pas disposé à favoriser leur
attentat c'est que le 9, au soir, ils l'ont laissé à la Force. Et il
s'absout lui-même. « ...
A mesure que je descends dans ma conscience et que je l'examine, je sens mon
cœur soulagé, en me convainquant de plus en plus de mon innocence. Je le sens
avec toute la force d'une âme neuve qui a bien mérité, qui a eu le courage de
faire son devoir ; je suis digne de la liberté et de la jouissance des
dispositions douces, humaines, justes et républicaines avec lesquelles la
Convention va, enfin, assurer le bonheur des Français. « La
détention d'un citoyen opprimé est une calamité publique. Au printemps de mon
âge, instruit par le malheur à me défier des hommes, je peux être utile. Je
demande à l'être[3]. » Dans sa
péroraison, il s'adresse à la Convention. Il lui donne des conseils de
sagesse et d'union. « Ô législateurs, permettez à ma faible voix de s'élever jusqu'à vous !... Ralliez-vous au centre d'un système politique, libre, sage et sans exagération ; cessez toutes ces divisions intestines qui déchirent votre sein et dont le spectacle scandaleux afflige, inquiète et consterne le peuple, en même temps qu'il fait la joie de ses ennemis et des vôtres ; suivez l'exemple des valeureux guerriers qui versent leur sang sous les drapeaux de la victoire... Organisez le gouvernement avec la stabilité salutaire de la distinction des pouvoirs, sans laquelle il n'y a ni liberté publique et individuelle, ni égalité même devant les lois, ni sûreté d'industrie et de propriété ; mais bien des défiances, des factions, des délations, des bastilles, des échafauds et des guerres civiles. L'histoire n'offre pas inutilement l'expérience des siècles. Les cinq années de révolution que le, peuple vient de parcourir ne doivent non plus être une vaine expérience. Alors vous verrez finir d'elles-mêmes toutes les divisions, se réunir tous les partis. Ceux que le char révolutionnaire a effrayés et blessés dans sa marche rapide et violente, et qui en désirent le ralentissement ; ceux qui l'ont conduit et sauvé au travers des écueils avec la hardiesse sans laquelle il eût été renversé, et qui tremblent de le voir rétrograder, tous mettant leur félicité dans l’heureuse impossibilité d'exercer des vengeances alternatives, concourront enfin à la paix publique, en faisant renaître la circulation des subsistances, les arts, le commerce et les sciences et toutes les parties vivifiantes d'un État vraiment libre et florissant[4]. » |