La fête de l'Être
suprême. — Vilate reçoit chez lui, au pavillon de Flore, Robespierre et le
Tribunal révolutionnaire. — Une jeune mère « folle de gaîté. » — Lendemain de
fête. — Vilate se défie de Barère. — Les mystères de la mère de Dieu. —
Discours de Vadier à la Convention. — Catherine Théot. — Les dévotes de
Robespierre.
Dans le
Paris révolutionnaire où la marche des événements se fait de plus en plus
violente et précipitée, les fêtes républicaines sont des haltes bruyantes et
retentissantes que les pouvoirs publics décrètent et règlent. Quel
spectacle que celui de la ville, le 20 prairial, dès cinq heures du matin, à
l'instant où battait le rappel général ! Des Tuileries au Champ de Mars, sur
les deux rives de la Seine, dans toutes les sections, dans toutes les rues,
les façades des maisons cachées sous d'épais feuillages ornés des « trois
couleurs chéries de la Liberté ». Plus de ces tapisseries lourdes cc qui
avaient le double inconvénient de masquer d'une manière choquante la porte du
riche et celle du simple citoyen et de rendre presque impraticable la plus
grande partie des rues » ; la route libre, au contraire, et « tout l'espace
nécessaire aux lentes évolutions du cortège bien ordonné ». Aux
Tuileries, foule énorme. Sur le Pont-Neuf, le canon tonne. Le moment de se
rendre au Jardin national est arrivé. De toutes parts, sauf par le pont
tournant réservé à la sortie du cortège, les sections entrent dans le jardin.
Les portes du Manège, du Pont national, du pavillon de l'Unité regorgent de
monde. La
Convention paraît. Elle descend majestueusement par le balcon du pavillon de
l'Unité sur l'amphithéâtre adossé à ce pavillon. Un corps nombreux de
musiciens prend place sur les deux rampes du perron. Robespierre,
président de l'Assemblée, monte à la tribune. Quand
il prend la parole, dans cette chaude et claire matinée du dimanche 8 juin
1794, le silence, tout à coup, se fait si profond, l'attention de celte foule
est telle, la diction de l’orateur est si nette et si pure qu'en dépit des
distances, malgré le plein air, on l'entend de toutes parts ; de vifs
applaudissements scandent les périodes éloquentes. L'enthousiasme est
universel. La. voix de Maximilien détache les termes solennels de la
péroraison : « Peuple généreux, veux-tu triompher de tous tes ennemis ?
Pratique la justice et rends à la Divinité le seul culte digne d'elle.
Peuple, livrons-nous aujourd'hui, sous ses auspices, aux justes transports
d'une pure allégresse ; demain, nous combattrons encore les vices et les
tyrans ; nous donnerons au monde l'exemple des vertus républicaines et ce
sera l'honorer encore ». Puis,
tandis que les musiciens exécutent une symphonie, Robespierre, « armé du
flambeau de la Vérité », descend de l'amphithéâtre, s'approche du monument
élevé sur le bassin circulaire et qui représente « le monstre -de l'Athéisme
». Il y met le feu et remonte à la tribune. Pendant que le feu fait son œuvre
et que la figure radieuse de la Sagesse apparaît au lieu et place de
l'Athéisme dévoré par la flamme, Maximilien parle de nouveau au peuple : « Il
est rentré dans le néant, ce monstre que le génie des rois avait vomi sur la
France. Qu'avec lui disparaissent tous les crimes et tous les malheurs du
monde. « Être
des êtres, auteur de la nature, l'esclave abruti, le vil suppôt du
despotisme, l'aristocrate perfide et cruel t'outragent en t'invoquant ; mais
les défenseurs de la Liberté peuvent s'abandonner avec confiance dans ton
sein paternel. Être des êtres, nous n'avons point à t'adresser d'injustes
prières. Tu connais les créatures sorties de tes mains ; leurs besoins
n'échappent pas plus à tes regards que leurs plus secrètes pensées. La haine
de la mauvaise foi et de la tyrannie brûle dans nos cœurs avec l'amour de la
Justice et de la Patrie ; notre sang coule pour la cause de l'Humanité. Voilà
notre prière, voilà nos sacrifices, voilà le culte que nous t'offrons. » Un
roulement de tambours. C'est le moment de partir pour le Champ de Mars ou
Champ de la Réunion. Voici l'ordre et la marche du cortège : un détachement
de cavalerie, précédé de ses trompettes ; les sapeurs-pompiers, les
canonniers, un groupe de cent tambours et élèves de l'Institut national,
vingt-quatre sections marchant sur deux colonnes, de chacune six personnes de
front, les hommes à droite, les femmes et les enfants à gauche, les
bataillons d'adolescents au centre des deux colonnes de leurs sections respectives.
Dans le milieu des vingt-quatre sections, un corps de musique destiné à
l'armée du Nord, dix vieillards, dix mères de famille, dix jeunes filles de
quinze à vingt ans, dix adolescents de quinze à dix-huit ans, dix enfants
mâles au- dessous de neuf ans ; les mères en blanc, le ruban tricolore en
écharpe de droite à gauche, les jeunes filles en blanc comme leurs mères, les
cheveux tressés de fleurs. Les adolescents portent des sabres qu'ils devront
brandir au Champ de Mars. Un corps de musique exécute des airs patriotiques.
La Convention nationale s'avance, entourée d'un ruban tricolore porté par
l'Enfance ornée de violettes, l'Adolescence ornée de myrthe, la Virilité
ornée de chêne, et la Vieillesse ornée de pampre et d'olivier. Chaque
député porte à la main un bouquet d'épis de blé, de fleurs et de fruits. Au
centre de la Convention, un char de forme antique, orné d'un trophée composé
des instruments des arts et métiers et des productions du territoire
français. Huit taureaux, enguirlandés, le traînent. Cent
tambours suivent le char, puis vingt-quatre sections dans le même ordre que
les premières. Au milieu d'elles, le char des Enfants aveugles qui chantent
un hymne à la Divinité ; et, fermant la marche, un corps de cavalerie. Ce long
défilé sort des Tuileries, contourne la statue de la Liberté. La guillotine
chôme ce jour-là. Par la place et par le pont de la Révolution, par le bord
de l'eau, par l'esplanade des Invalides, par l'avenue de l'École-Militaire,
l'immense cortège atteint le Champ de Mars. Là,
d'immenses équipes de terrassiers ont, en quelques jours, dressé une montagne
« fort élevée, avec tous ses accidents[1] ». La
colonne des hommes se déploie à droite, celle des femmes à gauche. Le premier
groupe de tambours se place derrière, en bordure de la Seine. En cercle,
autour de la montagne, un bataillon d'adolescents ; adroite, les groupes de
jeunes filles et les mères de famille, conduisant par la main les enfants de
sept à dix ans. La
représentation nationale occupe la partie la plus élevée de la montagne. Les
musiciens sont au centre. En peu d'instants, de la base au sommet, « dans
toutes ses cavités », la montagne se couvre de citoyens et de citoyennes, de
trophées militaires, de drapeaux, de piques, d'armes de tout genre, de
musiciens dont les instruments brillent au grand soleil. L'hymne
à l'Être suprême est chanté par l'Institut national ; une symphonie est
exécutée. Les vieillards et les adolescents entonnent une première strophe
sur l'air des Marseillais. Ils jurent ensemble de ne poser les armes qu'après
avoir anéanti les ennemis de la République. Tous les hommes, dans la foule
massée sur le Champ de la Réunion, répètent en chœur le refrain. Les mères de
famille et les jeunes filles chantent une seconde strophe. Les jeunes filles
promettent de n'épouser que des citoyens qui auront servi la patrie. Les
mères remercient l'Être Suprême de leur fécondité. Dans la
foule, toutes les femmes répètent en chœur le refrain. La troisième et
dernière strophe est chantée par la foule tout entière. Les mères soulèvent
clans leurs bras les plus jeunes de leurs enfants et les présentent en
hommage à l'Auteur de la Nature. Les jeunes filles jettent des fleurs vers le
Ciel. Les adolescents tirent leurs sabres et jurent d'être vainqueurs. Les
vieillards « ravis » imposent leurs mains sur la tête des adolescents et leur
donnent la bénédiction paternelle. Les canons tonnent. Une allégresse
bruyante et fraternelle jette tous ces hommes, toutes ces femmes, toutes ces
jeunes filles, tous ces enfants dans les bras les uns des autres et la fête
se termine aux cris de : Vive la République ! dont la clameur retentit
longuement le long des berges de la Seine. Cependant
Vilate avait pris sa part des plaisirs de cette belle journée où « la
Divinité semblait tout à la fois appeler les hommes à lui rendre leurs
hommages et descendre au milieu d'eux pour les consoler de leurs malheurs[2] ». Nombreuse
assistance chez le jeune juré, au pavillon de Flore, ce jour-là. Le Tribunal
révolutionnaire est venu y assister à la fête. Le matin, vers neuf heures,
tandis que Vilate se promenait dans les Tuileries, le long de l'esplanade, il
avait rencontré Barère, Collot d'Herbois, Prieur et Carnot qui venaient de
chez lui. Barère ne paraissait pas content. « Nous ne t'avons pas trouvé chez
toi ; nous comptions y déjeuner. » Vilate, aussitôt, les avait engagés à
revenir sur leurs pas. Ils s'y étaient refusés et, l'entraînant quelques pas
avec eux, l'avaient vivement pressé de partager leur repas chez un
restaurateur voisin. « Je
les quittai, dit Vilate. En passant dans la salle de la Liberté, je
rencontrai Robespierre, revêtu du costume de représentant du peuple, tenant à
la main un bouquet mélangé d'épis et de fleurs. Il n'avait pas déjeuné. « Le
cœur plein du sentiment qu'inspirait cette superbe journée, je l'engage de
monter à mon logement. Il accepte sans hésiter. Il fut étonné du concours
immense qui couvrait le jardin des Tuileries. L'espérance et la gaieté
rayonnaient sur tous les visages. Les femmes ajoutaient à l'embellissement
par les parures les plus élégantes. On sentait qu'on célébrait la fête de
l'Auteur de la Nature. Robespierre mangeait peu. Ses regards se portaient
souvent sur ce magnifique spectacle. On le voyait plongé dans l'ivresse de
l'enthousiasme. —
« Voilà la plus intéressante portion de l'humanité, dit-il. L'Univers
est ici rassemblé. 0 nature ! que ta puissance est sublime et délicieuse !
Comme les tyrans doivent pâlir à l'idée de cette fête ![3] » Vilate
ajoute que ce fut là toute la conversation de Maximilien. C'est peu après sa
sortie que le Tribunal parut. Et c'est au milieu de la redoutable assemblée
de ces hommes, qu'entra soudain, « folle de gaieté, brillante
d'attraits, tenant par la main un petit enfant plein d'intérêt », la
jolie maîtresse de Sempronius Gracchus Vilate, la rivale de la Demahi et de
la Bonne foi. « Elle
n'eut pas peur de se trouver au milieu de cette redoutable société ! La
compagnie commençant à défiler, elle s'empara du bouquet de Robespierre qu'il
avait oublié sur un fauteuil[4]. » Le
lendemain de la fête de l'Etre Suprême, Vilate siégeait au Tribunal. Une
fournée de douze accusés était envoyée à l'échafaud par lui et par les autres
jurés. C'étaient les quatre Depons, Louis, ex-chevalier de Saint-Louis ;
René, son fils, « officier de marine des États-Unis d'Amérique » ; Élisabeth,
ex-religieuse ; Marguerite, ex-religieuse, tous habitant le Puy-de-Dôme, à
Pragoulin. Avec eux, au banc des prévenus, Claude Rougane, dit Prinsat,
soixante-quinze ans, demeurant à Cusset, dans, l'Allier, ancien lieutenant
criminel et lieutenant de police de la juridiction de Cusset, puis président
du bureau de conciliation de Cusset ; Weytard-Fontbouilland, ancien
entreposeur de tabacs à Cusset ; Chapus-Dubost, ancien commissaire du roi
près le tribunal de Cusset ; sa femme, leurs deux fils, habitant Cusset ;
enfin, un ancien maître des comptes à Dijon -et- un ex-curé. Grébeauval,
le substitut de Fouquier-Tinville, qui soutenait l'accusation, avait relevé
contre eux des charges graves : enrôlements faits pour le compte des émigrés
; intelligences entretenues avec eux ; propos contre-révolutionnaires ; longs
voyages entrepris par le fils Depons en 1791 et en 1792 à l'étranger ;
fausses nouvelles répandues par lui au sujet de la prise de Toulon ;
Chapus-Dubost, père, était un « coryphée » des conciliabules
contre-révolutionnaires tenus dans la maison de Depons dont les deux fils «
ont suivi les traces de leur père dans la carrière de l'aristocratie ». —
Tous seront exécutés sur la place publique de la « ci-devant porte Antoine[5] ». Avant
le vote de la loi du 22 prairial, Robespierre, répondant à l'amendement
proposé pour l'article XIII[6], avait dit : « L'article est
tout en faveur des patriotes. Le jury est la conscience de la République. » Parmi
les cinquante membres du nouveau jury, figurait Vilate. Dès le
lendemain, 23 prairial (11 juin), sa conscience eut à se prononcer sur le cas de
dix accusés, des habitants de Pamiers prévenus d'être les principaux artisans
des mouvements contre-révolutionnaires suscités dans la commune de Pamiers et
d'avoir été salariés par la liste civile. C'étaient
des hommes de loi, Darmaing, ancien avocat du roi dans la sénéchaussée de
Pamiers ; son père, homme de loi ; les deux La Rue, également hommes de loi ;
Palmade-Fraxine, ci-devant lieutenant particulier civil ; les deux
Montsirbent, l'un ancien greffier, l'autre apothicaire. Tous furent condamnés
à mort[7]. Le 25,
Vilate jugeait dix-sept accusés : Sibilot, officier municipal de Belleville,
près Paris, Léonard Thouards, peintre à Belleville, Mollard, boucher à
Lagnieu (Ain), Pernay, dit Bou-doux, ébéniste
à Lyon, Julie Rochon, femme Chéron, demeurant rue du Plâtre, à Paris, du
Castellier, ex-curé, Bizet, garçon jardinier et volontaire à l'armée du Nord
; Dorlange, colporteur, sans domicile ; Bogars, marchand à Sarrelibre (Moselle) ; Marin, instituteur à Paris ;
Gory de Chaux-Descures, ex-noble ; Magnant, gendarme des tribunaux, à Paris ;
Baurès, domestique, son frère, domestique, les deux Bance, imprimeurs à Lyon
; la femme Janisson, fileuse à l'atelier de chanvrerie des Jacobins, rue
Saint-Jacques[8]. Les accusés sont prévenus
d'avoir empêché l'approvisionnement de Paris en arrêtant ses subsistances,
d'avoir fait usage de faux passeports, d'avoir joué un rôle dans la rébellion
de « la ci-devant Lyon », d'avoir aidé à l'émigration. L'instituteur
a refusé le serment. Bizet, le volontaire à l'armée du Nord, fait prisonnier
par les Hollandais, « a eu la lâcheté de s'engager parmi eux et de porter les
armes contre la République ». Le curé du Castellier a cherché à allumer la
guerre civile « avec les torches du fanatisme ». La femme Chéron a tenté
d'exciter des tumultes et des séditions, lors de la distribution du beurre,
en disant : « Vive la République ! et pas de beurre à la maison ! » D'autres
ont fait des signes d'intelligence aux détenus des prisons, vendu des
ouvrages contre-révolutionnaires et des libelles séditieux. D'autres, enfin,
ont fait passer du numéraire aux ennemis du dehors. A l'unanimité, les deux
femmes et le colporteur sont acquittés. Quant aux autres, ils subiront la
peine capitale. Leur exécution aura lieu sur la « place de la porte ci-devant
Antoine ». « Depuis
la loi du 22 prairial, affirmera plus tard Vilate, je n'avais siégé qu'un
petit nombre de fois dans des affaires d'un petit nombre d'accusés, jamais
dans aucune fournée[9]. » Dix-sept prévenus, dans
une même audience, ne constituent pas pour lui une fournée. Peut-être
applique-t-il exclusivement ce terme aux cinquante-quatre « complices du
baron de Batz ou de la conjuration de l'étranger », jugés par le
Tribunal révolutionnaire, le 28 prairial et conduits au supplice le 29,
revêtus de la chemise rouge des parricides[10]. L'avis de convocation des jurés
de jugement conservé aux Archives nationales porte, pour ce jour-là, le nom
de Vilate. Siégea-t-il ? Le fait est douteux, le procès-verbal d'audience ne
mentionnant que le nombre des jurés qui sont entrés en séance et taisant
leurs noms. Leur nombre est de sept, minimum exigé par la loi de prairial. Peut-être
se fit-il récuser. Sa situation devenait délicate, difficile même. Protégé
par Robespierre, il avait de bonnes raisons de se défier de Barère et de
redouter Billaud-Varenne. Mais
l'heure était critique pour Robespierre lui-même. Le
vieux Vadier, rusé comme un ancien procureur, Vadier qui, à Clichy ; chez
Barère « se mêlait des jeux perfides de l'amour », qui, au Tribunal
révolutionnaire, caché avec Vouland derrière les jurés, avait joui du
spectacle de Danton, Camille Desmoulins, Fabre d'Églantine, Philippeaux,
Hérault de Séchelles assis sur les gradins des accusés et mis hors les
débats, Vadier, le 27 prairial, portait à Robespierre un coup perfide et
redoutable. Robespierre
présidait la séance de la Convention. Divers décrets avaient été rendus. Au
nom des Comités de Sûreté générale et de Salut public, Vadier vint présenter
le rapport suivant : « Citoyens, c'est au moment où la République française
s'élève majestueusement sur les débris de la royauté, où la vertu succède au
crime et la morale publique au règne passager des factions ; c'est lorsque
les soldats de la liberté franchissent les Alpes et les Pyrénées au pas de
charge, volent au-devant des escadrons ennemis et les renversent à la
baïonnette ; c'est lorsque le génie révolutionnaire frappe de sa massue les
conspirateurs et les traîtres et que les trônes ébranlés ne laissent aux
tyrans d'autre perspective que l'échafaud ; enfin, c'est au moment où le
peuple français rend grâces de tant de bienfaits à l'Être Suprême et proclame
le principe consolateur de l'Immortalité de l'âme ; c'est dans ce moment que
des hommes pervers conspirent dans l'ombre, qu'ils méditent froidement les
assassinats et calculent toutes les chances qui peuvent enfanter les fléaux
et les calamités publiques. Le plus redoutable de leurs ateliers est celui,
sans doute, 'où s'aiguisent les poignards de la superstition, où s'allument
les torches du fanatisme. C'est dans ces laboratoires du crime, dans ces
écoles de la Vendée qu'on a enflammé les fragiles cerveaux de tant de pieux
assassins, dont la nomenclature remplit les pages des annales théocratiques.
Citoyens, la cruauté des prêtres fut toujours en mesure de leur cupidité.
Portés à ce triste métier par lâcheté ou par égoïsme, ils s'y maintiennent
par l'hypocrisie et la bassesse. » Après
force plaisanteries sur les prêtres et sur la religion, dont l'Assemblée
s'égaya bruyamment, Vadier vient au fait. Il dénonce « une école primaire de
fanatisme, découverte dans la rue Contrescarpe, section de l'Observatoire, n°
1078, au troisième étage ». Là « réside une fille âgée de soixante-neuf ans,
nommée Catherine Théot, qui ose s'appeler la religion chrétienne et la mère
de Dieu. On sait que le mot grec « théos » signifie la
Divinité, comme Jéhovah, Adonaï et beaucoup d'autres qui expriment les divers
attributs de l'Être Suprême ». De sa
place de président de la Convention, Robespierre écoute avec un sentiment de
dégoût le récit que Vadier débite, de son air froid et glacial, au grand
divertissement de l'Assemblée. Les applaudissements et les rires soulignent
les allusions faites par l'orateur au culte rétabli de la Divinité. « On
voit dans ce réduit un essaim nombreux de bigotes et de nigauds se grouper
autour de cette ridicule pagode... On y voit des mesmériens, des illuminés,
de ces cagots atrabilaires et vaporeux qui, avec un cœur froid pour la
Patrie, ont la tête chaude et bien disposée à la troubler ou à la trahir. Il
y en a chez qui on a trouvé des correspondances, à Londres, avec des prêtres
émigrés. On remarque surtout qu'il n'y a pas un seul patriote dans cette
bande : elle n'est composée que de royalistes, d'usuriers, de fous,
d'égoïstes, de muscadins, de contre-révolutionnaires des deux sexes. La mère
Catherine est le pivot de cette société dangereuse ; elle se dit inspirée de
Dieu et promet en son nom l'Immortalité de l'âme et du corps à ceux qu'elle
aura initiés dans ses mystères. » L'homme
« aux soixante ans de vertu[11] » raconte minutieusement
les cérémonies, de la réception des élus. « Il fallait être en état de grâce,
faire abnégation des plaisirs temporels pour approcher de la Sainte Mère, se
prosterner devant elle et, pour obtenir l'immortalité, baiser sept fois sa face
vénérable ». Ces baisers se distribuaient en forme circulaire : « deux au
front, deux aux tempes, deux aux joues ; le septième, complément des dons du
Saint-Esprit, s'appliquait respectueusement sur le menton de la prophétesse
que les catéchumènes suçaient avec une sorte de volupté ». Ce baiser était «
le symbole des sept sceaux de l'Apocalypse, des sept plaies d'Égypte, des
sept sacrements de la loi nouvelle, des sept allégresses et des sept douleurs
de la Vierge, car tout va par sept dans le jargon mystique des prédictions et
des oracles ». Il
continuait. Sa grosse verve était lâchée au milieu des éclats de rires de la
Convention. L'Assemblée s'amusait énormément. C'était du délire. « La
mère Catherine se dit choisie pour enfanter le Verbe divin ; c'est la pierre
angulaire du royaume de Dieu sur la terre ; c'est elle qui choisit les élus,
qui doit commander aux soldats du dieu des armées ; son trône doit être
miraculeusement érigé près du Panthéon, au local ci-devant destiné aux écoles
de droit. C'est de là que cette immortelle doit régir l'Univers. Un seul
éclair doit réduire en poudre les trônes, les armées et tous les mécréants de
la terre, aplanir les montagnes et dessécher les mers. C'est une nouvelle
Ève, qui doit réparer les malheurs causés au genre humain par nos premiers
parents et réaliser la rédemption qui n'avait existé, dit-elle, qu'en figure. « La
population du globe sera réduite à cent quarante mille élus par la Sainte
Mère (c'est encore un nombre de sept fois vingt), immortels comme elle ; ils
chanteront ses louanges et jouiront sans fin, au paradis terrestre qu'elle va
rétablir, de l'éclat radieux de son antique virginité. « Tel
est, citoyens, l'abrégé d'un tas d'inepties qu'on a été forcé de relater dans
les procès-verbaux et interrogatoires recueillis par votre Comité. L'arme du
ridicule, le sentiment de la pitié sont les seuls remèdes sans doute dont la
raison peut faire usage contre ces jongleries fanatiques ; aussi vos Comités
les eussent-ils méprisées si, par un anneau dangereux, elles ne se rattachaient
au cercle des conspirations qui se sont reproduites sous tant de formes pour
nous ramener à la tyrannie. C'est sous ce rapport seulement que nous allons
les envisager. Observons d'abord que c'est à cet anneau que tient l'infernale
tactique des assassinats et la théorie des poignards... » Il
évoque alors la Saint-Barthélemy, les Vêpres siciliennes, la Conspiration des
poudres, les autodafés et « tant d'autres horreurs religieuses qui ont
abreuvé la terre de sang humain pendant dix-huit siècles ». Il dénonce « les
scélérates singeries » des prêtres, armes meurtrières aux mains des ennemis
de la République ; Pitt qui envoie sur les côtes de France « une
cargaison de poignards destinés pour Paris » ; les crucifix, les
rosaires, les sacré-cœurs « signes de ralliement des conspirateurs » ;
il flétrit « le monstre Admiral, assassin de Collot d'Herbois et
commensal du baron de Batz, payeur général de l'armée des fripons, des
traîtres et des assassins ». Il fait
frémir d'horreur l'Assemblée en lui montrant les périls qui la menacent, si
elle laisse subsister « un atelier de fanatisme, une manufacture de fous et
une pépinière de Cordays ». « ...
Sachez encore, citoyens, que la prétendue Mère de Dieu n'est que la pièce
curieuse de cet atelier, qu'elle n'est là que pour le mécanisme des grimaces
et pour la partie matérielle des cérémonies ; mais le moral de l'institution,
le substantiel de sa doctrine, l'explication du sens des oracles, des
prophéties et des écritures, tout cela est confié à des mains plus exercées
et bien plus dangereuses... « C'est
un ex-moine qui est chargé de cette partie, un moine qui a déjà marqué dans
la Révolution par les écarts d'une imagination déréglée, un cénobite dont la
solitude du cloître a creusé le cerveau et embrouillé l'entendement, qui ne
rêve que des prophéties et n'enfante que les plus sinistres augures ; une
bile noire provoque en lui des visions extatiques et des prédictions
effrayantes ; sa tête est imbibée de sombres passages d'Ezéchiel et d'Isaïe ;
il applique aux événements actuels les figures de l'Apocalypse et le sens le
plus hyperbolique de l 'Écriture ; en un mot, on ne voit que du noir dans les
esquisses de son pinceau. « Ce
moine est le nommé dom Antoine-Christophe Gerle, ex-chartreux, député à
l'Assemblée constituante. » Dom
Gerle avait siégé à gauche ; il avait proposé à l'Assemblée d'ériger la
religion catholique en religion d'État. Vadier, dans son discours, se garde
bien d'omettre « ce trait de fanatisme » ; mais, ce qu'il passe
volontairement sous silence, c'est que dom Gerle, sur les instances de ses
collègues de la gauche, avait, dès le lendemain, retiré sa proposition. Vadier
continue : « On
a trouvé dans les papiers de ce moine des lettres de quelque nouvelle
Alacoque, dont le style mystique peut donner une idée des élèves et de l
'instituteur. Ce n'est que pour remplir ce but que je me permets de citer des
choses ridicules par elles-mêmes et qui seraient peu analogues à la gravité
du sujet, c'est-à-dire aux conspirations affligeantes dont j'ai à vous
entretenir. Voici des fragments de ces lettres : « Ô Gerle, cher fils
Gerle, chéri de Dieu, digne amour du Seigneur... (les rires
interrompent l’orateur) c'est sur ta tête, sur ce front paisible où doit être posé ce
diadème digne de ta candeur... Vis à jamais, cher frère, dans le cœur de tes
deux petites sœurs... (Nouveaux éclats de rire.) Elles t'engagent à venir
déjeuner avec elles demain, jour de décadi, sur les neuf heures et demie, ni
plus tôt, ni plus tard... Mille choses agréables au cher fils de la part de
ses deux colombes... (On rit.)[12] » Chez
l'un des habitués de la maison de Catherine Théot, Étienne-Louis Quesvremont,
surnommé Lamotte, médecin de la famille d'Orléans, « disciple de Mesmer
et grand magnétiseur », les agents du Comité de Sûreté générale avaient
saisi quantité de papiers, d'estampes, de lettres relatifs aux Mystères de
la Mère de Dieu. Vadier
s'en servait pour affirmer que la secte avait des ramifications sur toute
l'étendue du territoire de la République. Beaucoup de militaires, avant de
partir, s'étaient fait initier aux Mystères ; des familles y avaient apporte
leurs enfants nouveau-nés. Une
jeune et jolie femme, Marie-Madeleine Amblard, veuve Godefroy, jouait le rôle
d'éclaireuse. Du ton psalmodié d'une visitandine à l 'épitre de la messe,
elle lisait les passages de la Bible, vêtue de blanc comme les vestales, le
visage recouvert d'un voile transparent. Elle était destinée à remplacer, «
par une substitution escamotée » la vieille Catherine Théot, lorsque
celle-ci, au moment de sa mort, devait rajeunir, pleine de grâces. On tenait
également toute prête, pour succéder dans l'office d'éclaireuse à la veuve
Godefroy, une jeune fille de dix-huit ans, nommée Rose, belle et fraîche
comme la fleur dont elle portait le nom. Mais ce
n’était pas seulement à Paris que les contre-révolutionnaires avaient « établi
des ateliers de fanatisme ». On en avait découvert à Versailles et à
Marly. « De grands seigneurs, des dames de haut parage, des prêtres et
de lâches valets s’exerçaient à des manœuvres superstitieuses, à des
opérations cabalistiques. C’est chez la ci-devant marquise de Chastenois
qu'était le noyau de ce criminel rassemblement. » Vadier
dénonçait les « collaborateurs » de la marquise, tous « correspondants
d'émigrés qui ont leurs relations à Londres » et dont plus de trente
avaient été arrêtés. Il donnait la nomenclature des « livres, bijoux,
emblèmes magiques saisis chez elle ». Il
trouvait des effets oratoires d'un comique irrésistible et déchaînait les
rires de la Convention en énumérant ces objets : un médaillon représentant «
le portrait de la scélérate Antoinette », une médaille de la Vierge et de
l'archange Michel, un livre de sorcellerie, les Clavicules du rabbi
Salomon, les prophéties de Michel Nostradamus, un livre de magie, l'Enchiridion,
une amulette en carton triangulaire ornée de faveurs, des cahiers
d'invocations cabalistiques. Au château de Saint-Cloud, les agents du Comité
avaient découvert un tableau « mystérieusement caché derrière un lit »,
soustrait à l'inventaire du mobilier de la maison, peint par « la femme
Lebrun, maîtresse du traître Galonné » et représentant le portrait en
pied du fils de Louis XVI au Temple. Vadier
donnait à entendre que ce tableau pouvait être « réservé à servir au
système de la prétendue Mère de Dieu. C'est l'inauguration de ce tableau aux
Écoles de Droit, près du Panthéon, qui devait être le prélude de
l'enfantement miraculeux du verbe divin et de l'accomplissement des
prophéties ». (Nouveaux éclats de rire.) Donc,
l'affaire de la Mère de Dieu, d'après l'orateur, envisagée sous le rapport
religieux, ne méritait que le mépris ou la pitié. C'est
sous le rapport politique qu'elle devait attirer toute l'attention de
l'Assemblée. Après une longue énumération des crimes commis contre la
République naissante par la faction de l'Autriche et par celle de Pitt, après
l'évocation des « massacres du Champ de Mars, de Nancy et du 10 août »,
du « volcan horrible de la Vendée », des troubles de Nîmes, de
Montauban, de la Lozère et d'Avignon, d'Arles et du camp de Jalès, Vadier
dénonce dom Gerle comme un ami de Chaumette et de Danton. Il dénonce
Quesvremont, dit Lamotte, comme un des « commensaux de d'Orléans,
mesmérien et empirique », comme un ami de « l'illuminé Bergasse »,
qui, après le départ de l'Assemblée pour Paris, se rendait tous les matins,
en costume de député, dans la cour des Menus, à Versailles, pour y chanter le
refrain de Nina : Mon bien-aimé ne revient pas, sous les fenêtres du
roi absent. Il
dénonce la sœur du duc d'Orléans, la duchesse de Bourbon, auprès de qui
Bergasse résidait à Petit-Bourg et dont « il avait échauffé le cerveau
par les prestiges du somnambulisme ». Dom Gerle, d'après Vadier, était,
lui aussi, l'ami de Bergasse ; il avait « des habitudes » à
Petit-Bourg, où lui écrivaient « si tendrement et si mystiquement ses
deux petites sœurs, ses deux jeunes colombes ». Si le roi de Prusse,
Frédéric-Guillaume, était « devenu le jouet du machiavélisme des
cabinets de Vienne et de Pétersbourg et du patelinage des fanatiques »,
c'est tout bonnement qu'il était « illuminé et embêté par cette ridicule
secte ». Des
mesures urgentes devaient être prises. Tout acte de clémence serait « une
barbarie, un crime de lèse-humanité envers le peuple ». Les fanatiques « de
ce vieux tabernacle » avaient été arrêtés le mois précédent, sur un rapport
de Sénar. Les agents du Comité de Sûreté générale, pour s'introduire chez
Catherine Théot, avaient dû subir les épreuves du noviciat, assister, graves et
convaincus en apparence, aux risibles cérémonies. Pourtant dom Gerle avait
deviné « leur mandat à leur contenance » ; se défiant de leurs intentions, il
avait essayé de s'éclipser. Mais les agents l'avaient forcé de remonter
l'escalier ; ils avaient exhibé leur mandat, requis la force armée, procédé à
l'interrogatoire et à l'arrestation des quatorze personnes réunies dans
l'appartement de la rue Contrescarpe, y compris Catherine Théot et
l'ex-chartreux. « Il
me semble voir, terminait Vadier, l'Anglais spéculant dans son comptoir
politique sur les folies religieuses à Paris comme sur les achats de noirs
dans la Guinée. C'est dans les esprits faibles, dans les âmes crédules, c'est
dans les fanatiques pervers qu'il a recruté un nouveau genre de
contre-révolutionnaires plus dangereux, parce qu'ils sont plus imperceptibles
à la police publique. C'est là que l'Anglais a cherché des auxiliaires, des
perturbateurs, des chefs de mécontents, des recruteurs de Vendée, et des
assassins. C'est par là qu'il a espéré d'attirer l'esprit public
révolutionnaire, de détourner vers les idées superstitieuses les esprits
portés aux opinions politiques et de faire un jour, à Paris, une Vendée plus
nombreuse et plus horrible que celle qui a fait tant de maux sur les bords de
la Loire[13]. » Il
concluait en proposant l'envoi au Tribunal révolutionnaire de dom Gerle, de
Catherine Théot, d'Étienne-Louis-Quesvremont, de Marie-Madeleine Amblard, de
la marquise de Chastenois. La
Convention adopta ses conclusions et ordonna l'impression de ce rapport, qui
l'avait beaucoup divertie et qu'elle avait si longuement applaudi. Elle
décida qu'il serait envoyé aux armées et à toutes les communes de la
République. Chacun des membres de l'Assemblée en aurait six exemplaires. D'après
M. Hamel[14], Robespierre ressentit un
immense dégoût en se trouvant condamné comme président à entendre les
plaisanteries de Vadier, « sous lesquelles se cachait une grande iniquité ».
Pour Maximilien, le rapprochement perfide imaginé par cet ancien procureur,
son implacable ennemi, entre le culte de l'Etre Suprême et les mômeries
indécentes de la rue Contrescarpe était une première tentative faite pour
avilir les principes qu'il avait proclames, pour ternir l'heureuse impression
de la journée du 20 prairial. En
aucun endroit du discours de Vadier, Robespierre n'était nommé, non plus que
la fête de l'Etre Suprême ; mais, sous les développements emphatiques de la
parodie religieuse dont le rapporteur avait égayé la Convention, Maximilien
put sentir les allusions cachées, hostiles, prêtes à frapper. Il
savait ce que ses ennemis pensaient de lui, ce qu'ils préparaient contre lui.
Bien renseigné par Vilate, il devait être au courant des propos qui couraient
sur son compte. Le jour où, sur l'accusation de Louvet, Maximilien s'était
défendu à la Convention devant des tribunes « remplies d'une foule
prodigieuse de femmes extasiées applaudissant avec le transport de la
dévotion », le jeune Sempronius Gracchus s'était trouvé, à l'issue de la
séance, près du café Debelle, avec Haballt Saint-Etienne. Celui-ci avait dit
: « Quel homme que ce Robespierre avec toutes ses femmes ! C'est un
prêtre qui veut devenir un dieu. » Au café Payen, ils avaient abordé
Manuel, « qui n'aimait pas les rois, car ce n'étaient pas des hommes »,
et dont les paroles avaient été celles-ci : « Avez-vous vu
Robespierre, avec toutes ses dévotes ? » Rabaut avait repris : a Il faut un
article demain dans la Chronique et le peindre comme un prêtre. » Manuel : « Oui,
car les prêtres sont, comme les rois, des charlatans. » Après
la chute de Robespierre, Vilate écrira : « Robespierre, continuellement
environné de ses femmes, ressemblait à un pontife dictant ses oracles. Ici,
ses motions étaient converties en décrets ; là, ses propositions devenaient
des arrêtés. Le signal des applaudissements partait toujours du milieu d'elles
et ils se répercutaient dans tous les points de la salle avec l'enthousiasme
de l'idolâtrie. » Maximilien
savait tout le parti que la malveillance allait tirer du discours de Vadier.
Il savait que, quinze ans auparavant, sous la monarchie, la police s'était
déjà occupée de Catherine Théot, que cette pauvre folle avait passé quelque
temps à la Bastille et qu'elle avait été enfermée à l'Hôpital, qu'il n'y
avait rien, dans ses actes, qui fût de nature à inquiéter ni la Convention ni
les comités, qu'elle était impuissante « à rallumer le fanatisme presque
éteint ». Vadier
ne se tint pas pour battu. Le 8 thermidor, il revint à la charge contre
Maximilien. Quant à Vilate, nous verrons plus loin comment il interpréta les Mystères de la Mère de Dieu et de quelle façon il les « dévoila ». |
[1]
Journal de Paris, n° du 22 prairial an Il.
[2]
Vilate, Causes secrètes, p. 196.
[3]
Vilate, Causes secrètes, p. 197.
[4]
Vilate, Causes secrètes, p. 197.
[5]
Archives nationales, W 381, n° 881.
[6]
Art. XIII. S'il existe des preuves, soit matérielles, soit morales,
indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins,
à moins que cette formalité ne paraisse nécessaire, soit pour découvrir des
complices, soit pour d'autres considérations majeures d'intérêt public. (Moniteur
du 24 prairial an II.)
[7]
Archives nationales, W 383, n° 891.
[8]
Archives nationales, W 385, n° 805.
[9]
Vilate, Causes secrètes, p. 199. Cette affirmation est postérieure à la
chute de Robespierre.
[10]
Pour bien comprendre l'importance que Vilate donnera à l'accusation qui sera,
plus tard, portée contre lui d'avoir siégé « dans des fournées » et fait
exécuter « des feux de file », il faut se faire une idée exacte de l'affaire
dite des Chemises rouges.
Un Auvergnat tombé dans la misère, Admiral, avait tiré,
sans l'atteindre, deux coups de pistolet sur Collot d'Herbois, la nuit, dans
son escalier. Il avait été arrêté. — Une jeune fille de vingt ans, Cécile
Renault, mécontente et un peu exaltée dans ses sentiments royalistes, s'était
présentée le même jour chez Robespierre pour lui parler. On l'avait arrêtée et
fouillée. Elle avait dans ses poches deux petits couteaux d'écaillé et
d'ivoire. — Fouquier-Tinville, réalisant le vœu exprimé par Couthon, dans le rapport
fait à la Convention sur la loi de prairial, dressa son acte -d'accusation, en
vertu des ordres du Comité de Salut public, de telle sorte qu'avec Admiral et
Cécile Renault, cinquante-deux autres personnes furent envoyées à l'échafaud,
comme complices de la. Conjuration de l'Étranger. — Dans cette, grande fournée
étaient compris des gens qui ne s'étaient jamais vus, des hommes et des femmes
de toutes les conditions sociales, entre autres les belles dames de
Sainte-Amaranthe, Sartine fils, des administrateurs de police, tels que
Michonis, Marino, Soulès et Froidure, l'épicier Cortey, galant avec les dames,
et qui, détenu à la Force, envoyait des baisers à la princesse de Monaco, ce
qui choqua beaucoup le marquis de Pons ; des cultivateurs, un musicien, un
banquier et le comte de Fleury, âgé de vingt-trois ans, célèbre par son billet
au président Dumas, où, le traitant « d'âme de bouc », il demandait à ce
magistrat d'être envoyé à l'échafaud.
[11]
Surnom de Vadier.
[12]
Moniteur, n° du 29 prairial an II.
[13]
Moniteur, n° du 29 prairial an II.
[14]
Histoire de Robespierre, III, p. 591.