L'attentat contre
Collot d'Herbois. — La loi du 22 prairial. — Les « fournées » de prairial. —
La besogne de Fouquier se complique. — Comment sont rédigés les actes
d'accusation. — Les audiences du Tribunal. — Les chemises rouges. — Les
moulons. — Conspirations des prisons. —Résumé de l'œuvre accomplie par
l'accusateur public et jugement porté sur cette œuvre.
Une partie de ce
chapitre a paru dans la Revue des Idées du 15 octobre 1907, sous le
titre de : Un Episode de la Conjuration de l'Etranger sous
la Terreur, par
Alphonse DUNOYER.
Le 4
prairial an II, à une heure et demie du matin, comme il montait chez lui, rue
Favart, n° 4, le député Collot d'Herbois se trouva en présence d'un homme qui
l'assaillit en criant : « Voilà ta dernière heure ! » et qui lui tira
deux coups de pistolet. Le premier coup rata. Collot, se jetant en arrière,
évita le second. Sa canne tomba. Il se pencha pour la ramasser. L'homme, en
quelques bonds, gravit l'escalier. Une porte se ferma au cinquième étage.
C'est là que logeait l'assassin. La
gouvernante du député, Suzanne Prévôt, qui, au coup de heurtoir frappé par
son maître, était descendue pour l'éclairer, se trouvait, une chandelle à la
main, devant la porte de l'appartement, au troisième au-dessus de l'entresol,
prête à ouvrir. Elle avait vu l'homme passer à côté d'elle, armé d'un
pistolet dans chacune de ses mains qu'il tenait baissées le long des cuisses.
Elle avait entendu le cri et le bruit de la détonation. Elle se précipita
dans l'appartement, ouvrit une croisée et appela dans la cour en criant : «
C'est Admiral ! » La
porte de la maison était restée ouverte ; Collot d'Herbois cria dans la nuit
: « A moi, on m'assassine à coups de pistolet ! » Une patrouille de la
section Lepelletier passait devant le théâtre[1], sur la place. Les citoyens
virent le représentant du peuple, nu-tête, qui gesticulait. A l'instant,
trois de ces braves entrèrent dans la maison et, résolument, gravirent
l'escalier. C'étaient des voisins, du poste de la rue Favart : Nicolas-Éloi
Horgne, architecte, caporal de garde, François Bion, perruquier, Geffroy,
serrurier. Barricadé
chez lui, l'homme entendit qu'on venait l'arrêter. Il hurla : « Avancez,
scélérats, je vous tuerai. » Ils frappèrent à la porte. Collot d'Herbois
monta avec eux. Et, comme il voulait entrer le premier, armé d'un sabre qu'un
volontaire lui avait prêté, le citoyen Geffroy l'en empêcha. Il le saisit par
le bras et lui dit : « Je te commande, au nom du peuple, de rester là. Je
périrai ou je remettrai l'assassin entre les mains de la section. Quand les
vertus sont à l'ordre du jour, la première sans doute et la plus utile à la
Patrie, c'est de délivrer le sol de la liberté d'un pareil monstre ! » La
porte s'ouvre ; un coup de feu part. Le serrurier Geffroy est atteint d'une
balle qui lui traverse l'épaule droite ; on se rue sur l'assassin ; on le
conduit au corps de garde du poste de la rue Favart ; on le fouille. Il y a
dans ses poches trois pièces de monnaie de billon dont deux de deux sous et
une d'un sou, quatre balles de plomb enveloppées dans deux papiers dont un
billet de garde au nom d'Admiral, en date du 27 ventôse, et une paire de
lunettes. Lui est
calme ; c'est un petit homme, solidement bâti. Son visage est sévère. « Il y
a de l'austérité dans son attitude[2]. » Ses
réponses sont nettes et faites d'un ton ferme, avec l'accent chantant et
gaillard des hommes de son pays. Il est du Puy-de-Dôme, natif d'Auzolette,
district d'Issoire. Il se nomme Henri Admiral[3] « ci-devant employé aux
ci-devant loteries ». La
veille, au Comité de Salut public, il a attendu Robespierre, pendant quatre
heures pour l'assassiner. N'ayant pu y réussir, il s'est déterminé à
assassiner Collot d'Herbois. Il se repent bien de l'avoir manqué. Ç'aurait
été une belle journée pour lui. Toute la France l'aurait admiré. Il regrette
d'avoir acheté 90 livres une paire de pistolets, et qu'ils aient raté. Sur-le-champ,
on informe Fouquier-Tinville. Et celui-ci adresse aussitôt à Dumas, président
du Tribunal, le billet suivant : « Paris,
ce 4 prairial de l'an second de la République une et indivisible. « Citoyen
président, « J'ai
l'honneur d'adresser à la Convention un procès-verbal dressé cette nuit,
lequel constate que le nommé Admirai a conçu l'affreux projet d'assassiner
les citoyens Robespierre et Collot d'Herbois ; qu'hier, tout le jour, il a
parcouru la terrasse dite des Feuillans et les avenues du Comité de Salut
public pour joindre le citoyen Robespierre ; que vers une heure et demie de
cette nuit, demeurant dans la même maison du citoyen Collot d'Herbois, ce
forcené l'attendait dans l'escalier et au moment où le citoyen Collot montait
à son appartement, il a tiré sur lui un coup de pistolet qui, heureusement, a
fait long feu et lui a sauvé la vie. « Dès
que j'ai été informé de cet assassinat, j'ai fait traduire le monstre
assassin à la Conciergerie et je me propose de le faire juger aujourd'hui à
deux heures. Salut et fraternité. « A. Q. FOUQUIER, Accusateur public près le
tribunal révolutionnaire. »[4] A 9
heures du matin Dumas, assisté de Girard, commis greffier, interroge Admirai
au Palais de Justice, dans l'une des salles de l'auditoire. Le prévenu répond
sans détours et sur le ton de la simplicité. Il a été garçon au bureau de la
loterie royale ; il a été employé dans la maison du ministre Bertin. Il a
servi en Champagne, comme volontaire, dans le sixième bataillon de Paris. Il
a quitté le bataillon des Filles-Saint-Thomas. Dumas lui demande par qui il a
été placé à la loterie. C'est par le marquis de Manzuy, chambellan de
l'Empereur et directeur de la loterie de Bruxelles. Il l'a vu pour la
dernière fois, le 6 octobre 1789, avec sa femme, sur le chemin de Versailles
à Paris. Pourquoi a-t-il acheté des pistolets ? — Pour l'exécution du
crime commis hier. — Quel était son dessein ? — Assassiner Collot d'Herbois
et Robespierre. Depuis trois jours, il portait sur lui ses pistolets pour
s'en servir à la première occasion. La veille, il est sorti à 9 heures du
matin. Il est allé rue Saint-Honoré, s'est adressé à une fruitière, lui a
demandé à quelle heure Robespierre allait au Comité. « Adressez-vous au fond
de la cour. C'est là qu'il demeure », lui répondit cette femme. Il a fait dix
pas dans la cour, a rencontré un volontaire, le bras en écharpe, et une
citoyenne. Ils lui dirent que Robespierre était occupé et qu'il ne pourrait
lui parler. [Il s'est retiré. S'il avait rencontré le tyran, il eût exécuté
son dessein. De là,
il est allé chez Roulot, restaurateur, au bout de la terrasse des Feuillants,
où il a déjeuné, puis à la Convention, dans les tribunes. Il s'y est endormi.
A l'issue de la séance, il s'est posté sous la galerie qui conduit au Comité
de Salut public. Sous le prétexte d'aller aux nouvelles, il s'est rendu à la
porte extérieure du Comité, où il a attendu Robespierre pour l'assassiner. En
vain. Il s'est, alors, posté sous le vestibule qui sépare la salle-de la
Convention de celle du Comité. Des députés ont passé. Il a demandé leurs
noms. Ce n'était pas ceux qu'il cherchait. Il est sorti. Il a
été au café Marie, au café Gervoise où il a joué aux dames avec un jeune
homme. Il a soupé chez le traiteur Dufie, au coin de la rue Favart. A onze
heures, il est rentré chez lui. Il a attendu que Collot d'Herbois rentrât. On
sait le reste. Dumas
lui pose une dernière question relative aux sommes qu'il employait à des
dépenses journalières « au-delà de ses ressources connues ». Ces sommes sont,
dit-il, le résultat de ses économies et de la vente de ses effets[5]. Sans
perdre de temps, Dumas rédige la note suivante : Attentat Admiral L'affaire
de l'assassin de Robespierre et Collot parait devoir être instruite sous les
rapports suivants : 1°
Par tous les moyens possibles tirer du monstre les aveux qui peuvent jeter du
jour sur les conjurations ; 2°
Considérer cet assassinat sous ses rapports avec l'étranger et avec les
conjurations d'Hébert, Danton et de tout ce qui s'est trouvé dans les prisons
; 3°
Prendre des informations sur ses relations avec les personnes qui ont
appartenu ou pu appartenir aux conjurations ; 4°
S'informer particulièrement des lieux et des personnes qu'il a fréquentés
depuis quinze jours, des conversations qu'il a tenues ; 5°
S'informer comment, âgé de 50 ans, ayant une place, il est parti pour la
Champagne avec le 6e bataillon de Paris ; comment il s'y est comporté,
comment et pourquoi il a quitté le dit bataillon, quelles relations il y a
eues ; 6°
S'il n'aurait pas été de garde au Temple et si, là, l'on n'aurait rien
remarqué dans sa conduite ; 7°
Chercher à découvrir d'où proviennent les pistolets et savoir pourquoi il lui
a été remis de préférence un fusil[6]. On
tient donc un vrai conspirateur. L'acte d'Admiral se rattache à la vaste
conspiration qu'instruisent Dumas et Fouquier-Tinville. Il est, sans doute,
l'agent de l'Etranger, avec de Batz, l'insaisissable de Batz, la terreur des
Comités, de Batz qui a tenté de sauver Louis XVI pendant le trajet du Temple
à l'échafaud, qui a voulu faire évader Marie-Antoinette, de Batz qui, en
pleine Terreur, circulait dans Paris, avait cinq ou six logements et qui
lorsqu'on venait pour l'arrêter, avait quelques instants auparavant vidé les
lieux et quitté son lit encore chaud[7]. Collot
d'Herbois a failli mourir victime de l'or de Pitt et des conspirateurs
royalistes. Mais « le destin de la République a veillé sur ses jours », comme
le dit Barère, devant les tribunes de la Convention bondées et acclamantes. «
Pour cette fois, nous n'avons ni la perte d'un citoyen à déplorer, ni le
Panthéon à ouvrir... Le représentant du peuple d'Herbois est au milieu de
vous[8] ». Ce
soir-là, tandis que Fouquier-Tinville étudiait l'enquête rédigée par deux
commissaires du comité de surveillance de la section Lepelletier après toute
une journée d'investigations chez les gens que fréquentait Admirai, une jeune
fille, Cécile Renault, se présenta dans la maison du menuisier Duplay où
demeurait Maximilien Robespierre, en disant qu'elle le cherchait depuis trois
heures. Il
était neuf heures. La fille aînée de Duplay lui répondit que le député était
absent. Cécile Renault en montra de l'humeur et le prit de haut. Elle
s'étonna qu'il ne fût pas chez lui. Fonctionnaire public il était fait,
disait-elle, pour répondre à tous ceux qui venaient le voir. Des soupçons
s'élevèrent ; le Comité de Sûreté générale n'était pas loin ; on l'y
conduisit. Pendant le trajet, elle déclara nettement que, sous l'ancien
régime, lorsqu'on se présentait chez le roi, on entrait tout de suite. On lui
demanda si elle aimerait mieux avoir un roi. Elle répondit : « Je désire un
roi parce que j'en aime mieux un que cinquante mille tyrans. » Le Comité la
fit fouiller. On ne trouva sur elle que deux petits couteaux en écaille et
ivoire. Mais elle parlait avec exaltation ; on l'écroua à la Conciergerie[9]. Aussitôt
les commissaires de la section allèrent chez elle. Son père l'attendait,
anxieux. On visita sa chambre de jeune fille. « Y avons trouvé, écrivent les
commissaires, au-dessus de son lit une espèce de bannière sur laquelle est
imprimée en grand une couronne entourée de fleurs de lys et sur laquelle est
une croix en papier d'argent... » Renault père et toute sa famille sont
arrêtés. Tandis
que s'instruit la Conspiration, Fouquier-Tinville ne chôme pas. Ce sont,
pendant ce mois de prairial, des fournées qu'il faut mettre en accusation,
fournées venues des départements, composées de gens qui ne se connaissent
pas, aristocrates et sans-culottes, prêtres et ex-prêtres, notaires, clercs
de notaires, commerçants, instituteurs, ouvriers et ouvrières, traduits pour
propos et pour écrits contre-révolutionnaires. — Quelques exemples, parmi la
masse des accusés : Le 2
prairial, c'est un instituteur, Gabriel Delignon, qui s'est écrit une lettre
anonyme où on le compromettait dans une conspiration et qui avait été la
porter à la commune. Mort[10]. — Le 3, c'est le notaire
Jarzoufflet qui n'a pas confiance dans les assignats et qui a connu un
prêtre. Mort[11]. — Le 4 prairial, jour de
l'attentat d'Admirai, c’est la femme Costard qui, désespérée de la mort de
Boyer-Brun qu'elle aimait, avait crié sa douleur dans une lettre au Comité de
Sûreté générale en la terminant par ces mots : « Puisque j'ai perdu mon ami,
frappez, terminez une vie qui m'est odieuse et que je ne puis supporter sans
horreur. Vive le roi ! Vive le roi ! N'ayez pas l'air de croire que je suis
folle ; je ne le suis pas ; je pense tout ce que vous venez de lire et je le
signe de mon sang... » Mort[12]. — Le 6 prairial, un marchand
de poissons, sa femme, une blanchisseuse, Catherine Pérard, condamnés à mort.
Les deux femmes étaient ivres et ont crié : Vive le roi ! On les tient pour
aristocrates bien que, selon l'expression du juge Masson, elles « eussent
l'extérieur le plus sans-culotte[13]. » — Le 8 prairial, un dentiste
qui a dit ne s'occuper que de son état et ne pas savoir ce que c'est que la
Convention nationale. Mort — Un terrassier qui a crié ! Vive le roi ! Vive la
reine ![14] » etc. etc. Ce 6
prairial, Collot d'Herbois et Robespierre paraissent aux Jacobins. Longue
ovation. Ils sont accueillis « avec transport ». Dès qu'ils entrent dans
la salle des séances, « tous les yeux sont fixés sur ces hommes précieux ;
tous les cœurs s'élancent à la fois ; les acclamations de la joie la plus
vive leur prouvent le haut degré d'intérêt qu'ils inspirent.... Le Dieu des
hommes libres veille sur eux... Le peuple n'aura pas à verser de pleurs sur
leur urne funèbre. » Et Robespierre parle : « Je suis de ceux que les
événements qui se sont passés doivent le moins intéresser ; il ne m'est
cependant pas permis de ne pas les envisager sous le rapport de l'intérêt
public... Français ! amis de l'égalité, reposez-vous sur nous du soin
d'employer le peu de vie que la Providence nous accorde à combattre les
ennemis qui nous environnent. Nous jurons par les poignards rougis du sang
des martyrs de la Révolution et, depuis, aiguisés contre nous, d'exterminer
jusqu'au dernier les scélérats qui voudraient nous ravir le bonheur et la
liberté[15]. » Aux «
complots de l'Étranger », Robespierre répondit par la loi du 22 prairial (10 juin 1794). Après
avoir entendu le rapport du paralytique Couthon, « doux de figure et de
langage, » organe du Comité de Salut public, la Convention nationale décréta
: « ART. IER. — Il y aura au Tribunal
révolutionnaire un président et trois vice-présidents, un accusateur public,
quatre substituts de l'accusateur public et douze juges. « ART. II. — Les jurés seront au
nombre de cinquante. « ART. III. — Ces diverses fonctions
seront exercées par les citoyens dont les noms suivent : Dumas, président ;
Coffinhal, Scellier, Naulin, vice-présidents ; Fouquier-Tinville, accusateur
public ; ses quatre substituts ; douze juges et cinquante jurés. « ART. IV. — Le Tribunal
révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple. « ART V. — Les ennemis du peuple sont
ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit
par la ruse. « ART. VI. — Sont réputés ennemis du
peuple ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté ou cherché à
avilir ou a dissoudre la Convention nationale et le gouvernement
révolutionnaire et républicain dont elle est le centre, etc. « ART. VII. — La peine portée contre
tous les délits dont la connaissance appartient au Tribunal révolutionnaire
est la mort. . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . « ART. IX. — Tout citoyen a le droit
de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les
contre-révolutionnaires ; il est tenu de les dénoncer dès qu'il les connaît. . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . « ART. XVI. — La loi donne pour
défenseurs aux patriotes des jurés patriotes ; elle n'en accorde pas aux
conspirateurs[16]. » En
réalité, plus d'instruction ; plus d'interrogatoires ; plus de débats. Les
accusés sont à la merci des jurés. Et nous savons ce que furent ces jurés. Bien
mieux. Il arrivera ceci que, non seulement les accusés ne seront pas
entendus, avant l'audience, à l'instruction, mais qu'ils ne seront pas même
interrogés en séance publique. Le cas, entre autres, se présentera, le 6
messidor, pour trois jeunes bretons du district de Quimper, Perron, Toupin et
Thomas André qui, le jour de leur appel sous les drapeaux, en octobre 1793,
avaient été soupçonnés de s'être amusés à couper l'arbre de la liberté de
Banalec. En réalité, il n'y avait pas de preuves. Mathieu Toupin et Corentin
Perron avaient été condamnés à deux ans de déportation, Thomas André à un an
de réclusion par le tribunal de Quimper. La modération de ces peines fut
dénoncée à Paris, au ministre de la Justice. Les coupables furent renvoyés
devant le Tribunal révolutionnaire par décret de la Convention. Ils
furent condamnés à mort. Le procès-verbal de l'audience porte ces mots écrits
par le commis greffier : « Nota : Il a été impossible d'avoir les noms de
Perron, André et Toupin exactement, parce qu'ils sont bas Bretons et qu'on
n'avait point d'interprètes[17] ». Ceci se passe de
commentaires. La
besogne de Fouquier sera-t-elle simplifiée depuis la loi de prairial ? Au
contraire. La masse des conspirateurs qu'il faut mettre en accusation s'accroît
tellement que l'accusateur public, obligé de faire vite, ne sait plus où
donner de la tête. Il entre dans le bureau des huissiers chargés d'extraire
des prisons les inculpés, en criant et jurant, brisant les cartons, menaçant
et faisant trembler tout le monde : « Si vous n'allez pas, je vous
accrocherai. Je vous ferai accrocher », puis hurlant des injures. Il est
tard. C'est après le diner. Les commis lui font observer, en tremblant,
qu'ils n'auront jamais le temps de transcrire et de signifier tous les actes
d'accusation qu'il leur ordonne de copier pour le lendemain matin. Il leur
répond : « Mettez ce que vous voudrez ! Il y en aura toujours assez !
Dépêchez-vous ! Il faut que cela marche ! » Si les actes d'accusation sont
signés de lui seulement et non des juges, ses commis le lui font observer : «
Allez toujours, répond-il, on les fera signer ![18] » D'abord,
Fouquier avait rédigé lui-même ou en collaboration avec ses substituts, les
actes d'accusation. Puis, il s'était adjoint un commis, enfin deux. Le nombre
des conspirateurs augmentant d'autant qu'on en guillotinait davantage,
Fouquier, trop absorbé, laisse à ce commis le soin de rédiger les actes
d'accusation[19]. Il se contente de signer au
bas de chaque page, d'ajouter en marge quelques mots, de rectifier, çà et là,
dans le texte. C'est pourquoi on peut constater aujourd'hui (et le
substitut Cambon le fit au procès) que ces actes sont remplis d interlignes, de ratures, de renvois
non approuvés ; de blancs destinés à recevoir les noms d'un plus grand nombre
de victimes et qu’on n'a pas pris la peine de barrer. Des noms d’accusés ont
été rajoutés, par une main étrangère, dans les actes d'accusation,
postérieurement à leur rédaction. Il suffit d'ouvrir certains dossiers du
Tribunal, de la période comprise entre le 22 prairial et le 9 thermidor, pour
être édifié. Et ces
actes n'étaient signifiés que la veille aux intéressés. Fouquier ne le niera
pas, lors de son procès. Il dira qu'il a toujours donné l'ordre de signifier,
le soir, les actes d'accusation. Château, son ancien secrétaire, le
contredira sur ce point en disant : « Il est souvent arrivé qu'à neuf heures
du soir nous ne savions pas les noms de ceux qui seraient mis en jugement le
lendemain. Comment aurions-nous pu leur donner le soir leur acte d'accusation ?[20] » A
l'audience, on ne laissera pas le temps aux accusés de parler. Et il n'y a
qu'eux qui puissent se défendre puisque les avocats n'ont plus le droit de le
faire. Le président demande à un accusé : « As-tu fait telle ou telle chose ?
» Sur sa réponse, négative ou affirmative, le président dit : « A un autre. »
L'accusé veut-il insister, Dumas ou Coffinhal lui crient : « Tu n'as plus la
parole, tu n 'as plus la parole[21]. » Fouquier dira pour se
disculper : « C'était l'affaire du président, cela ne me regarde pas. J'ai
représenté plusieurs fois à Dumas et à Coffinhal qu'ils ne donnaient pas
assez de latitude aux accusés pour se défendre. J'ai eu à ce sujet des
altercations avec Dumas... » Mais au procès de Fouquier, Berthaut[22], secrétaire-greffier du
tribunal de paix de la section du Théâtre-Français, déposera qu'à l'audience
où fut portée l'affaire relative à la conspiration des Carmes, l'accusateur
public (qui
siégeait ce jour-là)
dit à un témoin à décharge : « N'êtes-vous pas de la même section,
l'accusé et vous ? — Oui — Alors Fouquier, avec un air de vivacité : « J'ai
quelque chose contre vous. Vous êtes de la même section. Vous vous soutenez.
» Et il fit en sorte que le témoin ne fût plus entendu. * * * * *
La loi
de prairial était à peine votée que Fouquier-Tinville, obéissant aux
suggestions de Vadier, membre du Comité de Sûreté générale, mettait en
accusation onze habitants de Pamiers, au nombre desquels les deux Darmaing (Jean-Pierre-Jérôme,
homme de loi, et François, ex-avocat du roi). Vadier était originaire de Pamiers. Il exerçait
contre ses compatriotes une rancune personnelle. L'un d'eux, Cazes, avait
refusé sa fille au fils de Vadier. Dans deux lettres, l'une du 4 prairial,
l'autre du 7, Vadier avait exprimé à Fouquier l'espoir qu'ils seraient
condamnés — « Je t'observe que si par malheur ces hommes pouvaient être
acquittés, ce serait une calamité publique... » — Les habitants de Pamiers
furent condamnés à mort, le 23 prairial (11 juin)[23]. Le 26
prairial (14
juin), une fournée
de trente parlementaires de Paris et de Toulouse[24] comparaissait pour avoir, les
25 et 27 septembre 1789, protesté contre les actes de l'Assemblée nationale
relatifs aux parlements. Pas de pièces à conviction. Pas de témoins. Les
mémoires des accusés avaient été laissés par Fouquier dans les papiers du greffe.
Il n'en avait tenu aucun compte. Tous furent condamnés. Or, parmi eux, se
trouvait Fréteau, ex-conseiller au parlement de Paris, qui avait été acquitté
le 27 floréal. Fouquier l'avait repris et remis en accusation. « Fréteau,
dit la réquisition de Fouquier s'est montré l'ennemi du peuple dont il était
le mandataire et il a violé les lois dont l'exécution importe le plus au
salut de l'Empire, en confiant l'éducation de son fils à un conspirateur, à
un de ces hommes animés par le fanatisme le plus cruel, qui avait refusé de
prêter le serment que tout citoyen doit au gouvernement sous lequel il vit[25]... » — Lors de son procès,
Fouquier fut vivement pris à partie au sujet de la mise en accusation de
Fréteau. Nous verrons comment il se défendit. Le 29 prairial
(17
juin), Admirai,
Cécile Renault, son père, son frère, sa tante et 49 autres accusés montaient
au Tribunal. Tous étaient convaincus de s'être rendus « les ennemis du peuple
en participant à la conjuration de l'Etranger et en tentant par l'assassinat,
la famine, la fabrication et l'introduction de faux assignats et de fausse
monnaie, la dépravation de la morale et de l'esprit publics, les soulèvements
dans les prisons, de faire éclater la guerre civile, dissoudre la
représentation nationale, rétablir la royauté ou toute autre domination
tyrannique ». L'audience ne dura que trois heures[26]. Le Tribunal les condamna tous
à la peine de mort, conformément aux articles 5, 6 et 7 de la loi du 22
prairial dont il leur fut fait lecture. Tous devaient être conduits au
supplice et monter sur l'échafaud revêtus d'une chemise rouge, comme
assassins de représentants du peuple. Or, un seul d'entre eux avait commis un
assassinat. L'exécution
des cinquante-quatre, auxquels le nom est resté de chemises rouges, eut lieu
à 4heures du soir, à la barrière de Vincennes[27]. Sauf
Admirai, les cinquante-trois autres condamnés pouvaient être considérés comme
des conspirateurs, non comme des assassins. Pourquoi Fouquier leur
infligea-t-il la chemise rouge ? A son procès, il répondit à cette question :
« Parce que le jugement l'avait prononcé. » Mais le substitut Cambon le nia
et produisit le jugement. Fouquier reprit : « Je prétends que c'est une faute
du greffier parce que le jugement l'a prononcé, » Il fut démenti par Harny,
ancien juge du Tribunal, accusé comme lui : « J'observe que le Tribunal ne
l'a pas prononcé. Je fus étonné quand j'entendis l'ordre de faire des
chemises rouges, je fis des observations, mais on me dit que cela ne me
regardait pas. » En
réalité, c'est le Comité de Salut public qui avait donné cet ordre à
Fouquier-Tinville. L'affaire
des chemises rouges a été souvent racontée et ce n'est pas le lieu d'y
revenir ici. Notons seulement qu'il suffit d'examiner la liste des accusés
pour avoir une idée de l'étrange amalgame confectionné par Fouquier.
L'auvergnat Admirai voisine avec des gens de toutes les conditions et que
bien certainement il n'avait jamais vus, tels que Mme de Sainte-Amaranthe, sa
fille et son fils, tels que le comte de Fleury. Il était détenu au
Luxembourg. Il n'avait pas été question de lui à l'instruction. Il monta sur
les gradins et fut condamné pour avoir écrit, ce jour-là, à Dumas la fameuse
lettre : « Courage, hommes de sang, inventez des conspirations pour envoyer à
l'échafaud le reste des honnêtes gens qui n'ayant rien à se reprocher ont
resté sous vos coups. Tous mes amis ou connaissances intimes, le prince de
Rohan, Bossancourt, Marsan, d'Hauteville, Lécuyer, etc. conspirateurs ! Si
jamais ils avaient pu l'être joignez mon nom aux leurs. Ayant toujours
partagé leurs opinions et leur genre de vie, je dois subir le même sort. Vous
tremblez, âmes de boue, quand vous rencontrez un courage magnanime qui, ne
craignant rien, vous reproche hautement tous les crimes dont vous vous rendez
coupables tous les jours en prononçant des jugements dictés par haine et
vengeance. Tremblez, vils monstres, le moment arrive où vous expierez vos
forfaits. — Signé : Le ci-devant comte de Fleury, détenu au Luxembourg[28]. » Dumas avait montré
cette lettre à Fouquier, en disant : « Tiens ! lis ce billet doux, je crois
que ce gaillard-là est pressé. » « Oui, aurait répondu Fouquier, il
me parait pressé et je vais l'envoyer chercher. » Le fait est qu'il
l'envoya chercher et que le comte de Fleury fut guillotiné le jour même. L'étude
que nous poursuivons étant celle des responsabilités encourues par
Fouquier-Tinville comme accusateur public, et non l'histoire du Tribunal
révolutionnaire, nous ne croyons pas devoir donner ici tout le développement
qu'il peut comporter à un exposé de l'affaire dite des Conspirations des
prisons. Et, comme nous avons tenu à reproduire, dans la seconde partie de
cette étude, les dépositions de l'enquête post-thermidorienne, d'après les
papiers originaux, conservés aux Archives nationales ; que l'ensemble de ces
dépositions nous met à même de comprendre de façon vivante et saisissante
l'action de Fouquier, il nous paraît suffisant de dire ici, en quelques
pages, ce que furent ces Conspirations et quel rôle fut réservé à
l'accusateur public par ses chefs. Au
début de messidor, on compte à Paris, quarante maisons d'arrêt[29]. Elles sont pleines. Comme il
arrive sans cesse des départements de nouveaux accusés, il faut leur trouver
de la place. Cette place, on la fait en vidant les prisons de Paris de
certains « lots » de prisonniers qu'on envoie à la Conciergerie,
puis au Tribunal, puis à l'échafaud. Pour cela, un motif, un prétexte, a été
trouvé : la Conjuration de l'Étranger qui a donné lieu à : 1° la conspiration
de Bicêtre — 2 fournées, l'une de 37 accusés traduits le 28 floréal, l'autre
de 37, traduits le 8 messidor — ; 2° la Conspiration du Luxembourg (4
fournées, la première de 60 accusés jugés le 19 messidor an II ; la seconde
de 50 .accusés jugés le 21 ; la troisième de 46 accusés jugés le 22 ; la
quatrième de 18 accusés jugés le 4 thermidor ; 3° la conspiration des Carmes
(49 accusés jugés le 5 thermidor) ; 4° la conspiration de Saint-Lazare — 3
fournées, la première de 25 accusés jugés le 6 thermidor ; la seconde de 26
accusés jugés le 7 thermidor ; la troisième de 25 accusés jugés le 8
thermidor —. Il y eut enfin, le 9 thermidor, à l'audience présidée par Dumas,
25 accusés, et à celle présidée par Scellier, 23. N'hésitons pas à le dire,
dès maintenant, l'idée de ces conspirations fut la plus sanglante des
mystifications. Les
véritables fauteurs, les agents, en sont les moutons ou espions de prison :
Valagnos, Beausire, Benoit, Boyaval, Dupaumier, Verney, Guyard, Manini,
Coquery, Jobert le Belge - et quelques autres. Nous verrons dans la seconde
partie de cette étude que Fouquier fut en rapport avec ces gredins. Bien des
témoignages, à son procès, s'accordent à dire qu'il se servit d 'eux, qu'il
les encouragea. Ils furent ses auxiliaires et ceux du Comité de Sûreté
générale. Ce fut
Valagnos qui inventa la conspiration de Bicêtre. Valagnos était un ancien
peintre en bâtiment, ancien membre du comité révolutionnaire de la section
Chalier. Il avait été condamné à douze ans de fers pour avoir prévariqué dans
ses fonctions de commissaire à l'habillement. Il avait été incarcéré à
Bicêtre. Il avoua à l'un de ses codétenus[30] qu'il avait « découvert une
conspiration et qu'il espérait que cela lui abrégerait ses douze années de
fers. » Dans une première lettre à son ancien comité, il dénonça quelques
détenus forçats comme lui. Il les représentait comme résolus à s'évader. Cette
lettre resta sans réponse. Il en écrivit une autre au même comité. Il donnait
des détails. C'est en allant au bagne, pendant le trajet de Paris à Brest
qu'aurait lieu l'évasion. Le comité de la section envoya cette seconde lettre
au Comité de Salut public qui la renvoya à Herman, président de la commission
des administrations civiles, police et tribunaux. Par un arrêté du Comité du
Salut public, le 25 prairial, les prisonniers dénoncés étaient renvoyés au
Tribunal révolutionnaire. Le même arrêté autorisait la commission à y
traduire « tous autres individus détenus dans la dite maison de Bicêtre qui
seraient prévenus d'avoir pris part au complot. » Le 26, Lanne, l'adjoint
d'Herman, se transportait à Bicêtre. Fouquier-Tinville l'accompagnait.
Fouquier dressa une liste et l'envoya à Lanne avec ces mots : « Citoyen,
ci-joint l'état des prévenus trouvés dans notre opération. Je t'invite à me
faire passer demain, à dix ou onze heures au plus tard, toutes les pièces de
cette affaire, notamment les arrêtés[31]. » Le 27, Lanne recopiait la
liste ; il l'envoyait à Fouquier. Il lui envoyait en même temps l'arrêté
pris, le 25, par le Comité de Salut public et la liste des détenus que ce
comité envoyait devant le Tribunal révolutionnaire. En tout, 37 accusés qui, le
28 prairial, montèrent au Tribunal. L'acte d'accusation de Fouquier porte que
le but de ce complot est « de s'emparer des citoyens formant la force armée
de la maison d'arrêt de Bicêtre, de forcer les portes de la dite maison pour
aller poignarder les représentants du peuple, membres des Comités de Salut
public et de Sûreté générale de la Convention, de leur arracher le cœur, le
griller et le manger, et faire mourir les plus marquants dans un tonneau
garni de pointes... » On n'entendit pas de témoins mais on entendit le forçat
Valagnos. Les 37 de Bicêtre furent condamnés et exécutés. Fouquier, à son
procès, dira que c'étaient des criminels, qu'ils étaient condamnés aux fers.
Mauvaise raison. Avaient-ils conspiré ou non ? S'ils n'ont tenté que de
s'évader, ils ne méritaient pas la guillotine. Le chirurgien en chef de
Bicêtre, Brunet, témoin au procès de Fouquier, dira : « La conspiration que
les égorgeurs ont imaginée est une fausseté, je dirai même une calomnie. La
loi avait atteint des coupables. Ils devaient sans doute subir leur jugement.
Mais, nulle puissance, à moins qu'un nouveau délit n'eût été prouvé, ne
pouvait frapper des êtres qui expiaient la peine due à leurs délits... »
Brunet, parcourant, plusieurs fois par jour, les salles, les chambres, les cabanons,
savait à quoi s'en tenir sur l'état de la prison, sans doute. Et Deschamps,
l'économe, déposera que, lorsqu'on vint enlever les prisonniers pour les
traduire au Tribunal, l'un deux, âgé de 79 ans, eut une peur telle qu'il se
coupa le ventre avec son rasoir. * * * * *
Le 17
messidor, le Comité de Salut public arrête qu'il sera fait chaque jour, par
la commission que préside Herman, un rapport à l'accusateur public sur la
conduite des détenus dans les diverses prisons de Paris. Le Tribunal
révolutionnaire sera tenu, conformément à la loi, de juger dans les
vingt-quatre heures ceux qui auraient tenté la révolte et auraient excité la
fermentation[32]. Le 18,
Fouquier écrivait à Subleyras, président de la commission populaire, au
Muséum (le
Louvre) : « Je
t'envoie ci-joint une liste des conspirateurs de la maison d'arrêt du
Luxembourg que je me propose de faire mettre demain en jugement. Je t'invite,
en conséquence, à me transmettre tous les renseignements que tu pourrais
avoir sur ces individus[33]. » Le même
jour, il écrivait au Comité de Salut public pour lui annoncer qu'il « mettrait,
le lendemain, en jugement les conspirateurs du Luxembourg, dans la salle de
la Liberté. » A onze
heures du soir, ce 18 messidor, tandis que la prison est endormie et que tout
y repose, une force armée considérable envahit la grande cour. Épouvante. On
entend des appels dans les chambres, des pas précipités dans les escaliers.
Cent cinquante-six[34] prisonniers sont transférés à
la maison de justice, comptés et entassés à la Conciergerie en attendant
l'heure de l'audience. Le président Dumas a fait élever dans la salle du
Tribunal un énorme échafaudage[35] dont les gradins s'élèvent
jusqu'aux corniches du plafond et remplissent une grande partie de
l'enceinte. C'est sur cet échafaudage qu'il compte faire monter les
conspirateurs du Luxembourg. Mais
Fouquier est allé, cette nuit-là, au Comité. Il a vu Collot d'Herbois,
Billaud, Saint-Just, Robespierre, et il a été décidé qu'au lieu d'être jugés
en masse (ce qui pourrait soulever dans le public une émotion trop violente)
les cent cinquante-six seraient jugés en trois lots. L'échafaudage fut donc
démoli. A 9
heures du matin, le 19 messidor, les détenus de la première fournée reçoivent
leur acte d'accusation. A 10 heures, ils montent sur les gradins, au nombre
de soixante. A 3 heures, ils sont tous jugés, et tous envoyés à la
guillotine. Mme de Boisgelin, descendant du Tribunal et traversant la cour,
dit à ceux des prisonniers qui n'ont pas été jugés, ce jour-là : « On ne nous
a pas laissé parler. Ce sera votre tour demain[36]. » A cette
audience avait été condamné un Maurin (Jean-Dominique), « 47 ans, né à Barcelonnette,
département des Basses-Alpes, avant la Révolution teneur de livres chez
divers négociants et, depuis, régisseur de la terre d'Halluin appartenant à
la duchesse d'Estissac et agent de l'ex-maréchale de Biron » dit le jugement.
Or, l'acte d'accusation porte : « Jean Dominique Morin, ci-devant
quartier maître, âgé de 47 ans, né à Barcelonnette, département des
Basses-Alpes ». L'accusé, entendant lire le réquisitoire et comprenant
qu'il y avait erreur, protesta : « Ce n'est pas moi. » Il fut
condamné. Mais Fouquier requit[37] sur-le-champ et le Tribunal
ordonna que Morin, Louis-Clerc, serait mis en jugement, lui aussi. Celui-là
fut guillotiné trois jours après son homonyme, le 22 messidor[38]. Il fit partie de la troisième
fournée du Luxembourg. Au procès de Fouquier, un témoin, Vauchelet, dira que
Morin « pouvait si peu être compris dans cette prétendue conspiration qu'il
n'était pas de la prison du Luxembourg. » Le
Tribunal, à l'audience du 9 messidor, n'avait entendu que 5 témoins ;
c'étaient quatre moutons — Boyaval[39], Meunier, Verney, Benoit — et
un porte-clefs du Luxembourg, Lesenne. Ce dernier avait déclaré qu'il n'y
avait pas eu de conspiration. Fouquier aussitôt, requit son arrestation. Le
Suisse du Luxembourg, Nicolas Strahl et d'autres déposeront plus tard au
procès de Fouquier-Tinville qu'aucune conspiration n'avait existé dans la
prison et que tout était calme. « Ces conspirations, dira Strahl, n'ont
existé que dans les feuilles publiques. » Un
homme qui l'échappa belle, ce fut Jean Martin, homme de loi, compris dans la
troisième fournée de la prétendue conspiration du Luxembourg, celle du 22
messidor[40]. Il fut acquitté, peut-être
parce qu'il dit avoir connu « le projet effectué en partie par Grammont de
faire une scène dans la prison ». Après la chute de Robespierre, il adressa,
le 13 thermidor, au Comité de Salut public un rapport très curieux où il
racontait de saisissante façon la séance du Tribunal, le jour où il comparut.
Scellier présidait. Royer remplaçait Fouquier-Tinville. Boyaval, mouton,
commença par déposer, puis Verney, guichetier du Luxembourg, dénonciateur
actif, puis Benoît, autre mouton. Voici,
par exemple, un petit dialogue entre le président et un accusé, Goursault : Le
président : « Pourquoi es-tu arrêté ? — Je l'ignore. » — Le président : « Es-tu
noble ? — Non, je suis fils d'un laboureur. » — Le président : « C'est
bon ; on connaît la moralité d'un administrateur de loteries ; tu n'as pas la
parole. » L'interrogatoire
fut mené aussi rondement pour chacun des 46 accusés. * * * * *
Le 21
messidor, aux Jacobins, Robespierre reprenait 1 affaire des conspirations. Il
parlait des « cabales dirigées sourdement contre le gouvernement
révolutionnaire et' des menées de ces traîtres qui brûlent de semer la
division parmi les patriotes ». D'après lui, la victoire de Fleurus, toute
récente, menaçait d'induire l'esprit public à l'indulgence. « Il est naturel
de s'endormir après la victoire... La véritable victoire est celle que les
amis de la liberté remportent sur les factions ». Il faut donc que
l'extermination des conspirateurs continue. C'est
un conspirateur que ce Jean-Claude Pelchet, architecte, ancien inspecteur des
bâtiments du roi, qui comparaît au Tribunal, le 25 messidor, parce qu'un
nommé Dodin, son dénonciateur, a déclaré que, pendant un voyage qu'ils
firent, de Versailles à Paris, l'architecte a manifesté les sentiments les
plus royalistes et les plus opposés aux principes de la Révolution... Les
témoins ne furent pas assignés. Fouquier écrivit à son substitut que leur
comparution ne lui paraissait pas indispensable et qu'il devait tout faire
pour que l'accusé ne fût pas mis hors des débats. La note de Fouquier est au
dossier[41]. Ce sont
des conspiratrices que les seize carmélites de Compiègne accusées de
fanatisme, avec le citoyen Mulot de la Ménardière, bourgeois de Compiègne,
poète bien médiocre qui avait envoyé à l'une des religieuses, sa cousine, de
petits vers contre-révolutionnaires. Il était marié. Fouquier, dans son acte
d'accusation, le qualifie « d'ex-prêtre réfractaire. » Et il n'avait jamais
été prêtre. Dans l'acte d'accusation, il devient « le chef d'un rassemblement
contre-révolutionnaire à Compiègne, d'une espèce de foyer de Vendée. Sa correspondance
avec ces femmes soumises à sa volonté dépose des principes et des sentiments
contre-révolutionnaires qui l'animaient et on y remarque surtout cette
fourberie profonde familière à ces tartufes accoutumés à donner leurs
passions pour règle de la volonté du ciel[42] ». Des pièces sont alléguées
contre lui qui ne sont pas de son écriture. Fouquier n'a plus le temps
matériel d'identifier les pièces. Toutes
les religieuses sont envoyées à la mort, même celles contre qui il n'y a
rien, même les deux sœurs tourières. * * * * *
1er
thermidor (19 juillet 1794). — Trois générations d'une même famille sont sur les gradins du
tribunal. C'est ce que Fouquier appelle « la conspiration Magon ».
J. B. Magon de la Balue, négociant, ex-noble (81 ans), Luc Magon de Labélinaye,
négociant, ex-noble (80 ans) ; Erasme-Charles-Auguste-Lalande Magon, son fils ; Françoise
Magon sa fille, femme de Saint-Pern ; Saint-Pern ; François-Joseph Cornulier (22 ans) et sa femme (même âge) ; Amélie-Laurence-Céleste,
fille de Saint-Pern — et d'autres. Le fils Saint-Pern (17 ans) est traduit au Tribunal. Il
proteste, dit son âge ; sa sœur et sa mère confirment ses dires. Alors, Dumas
: « Citoyens jurés ! Vous voyez bien qu'en ce moment, il conspire ; car
il a plus de dix-sept ans[43]. » Il est condamné. Mais on
lui laisse ses dix-sept ans dans le jugement. Et c'était son père que
visait l'acte d'accusation. Ici, la responsabilité de Fouquier est
directement engagée. Dans cet acte, on lit : « N° 5, Saint-Pern — sans
prénoms, ni qualités ; n° 6, femme Saint-Pern[44] ». Dans les questions posées
aux jurés, on lit : « n° 5. Jean-Baptiste-Marie Bertrand Saint-Pern, âgé de
dix-sept ans, natif de Rennes, demeurant à Paris, ex-noble, sans état. » Les
prénoms et le reste ont été ajoutés postérieurement. L'acte d'accusation
visait le père, mais avec une telle imprécision que c'est le fils qui a été
condamné. Irrégularité criminelle ! Il y a plus. La fille, sœur du jeune
Saint-Pern, a été condamnée sur l'acte d'accusation de son mari. Et la
responsabilité de Fouquier est, ici, plus lourde encore. L'acte porte : «
Cornuillier, gendre de Saint-Pern et sa femme était (sic) aussi complice de la
conspiration Magon et l'un (sic) des assassins du peuple dans la journée du
10 août. » Mme Cornulier
était enceinte de sept mois. Son exécution fut différée. Huit jours après,
c'était la chute de Robespierre. Remise en liberté, elle vint témoigner
contre Fouquier. Nous entendrons sa déposition dans la seconde partie de
cette étude. Le procès-verbal de l'audience où sa famille avait été condamnée
ne portait pas les noms des jurés. Mais elle les revoyait toujours dans son
souvenir : Prieur, Châtelet, Renaudin, accusés à leur tour. Et elle fournit
contre eux une preuve irréfutable, le papier dans lequel son mari lui avait
envoyé ses cheveux avant de mourir et qui n'était autre que la liste de ces
jurés du 1er thermidor. Fouquier s'écriera : « Je n'ai pas siégé. »
Mais l'acte d'accusation était de lui. Et Lohier, juré, son co-accusé, dira :
« L'acte d'accusation ne me regarde pas. » Avec
les Magon, un vrai sans-culotte, avocat, le citoyen Duchesne dit Duquesne « membre
de la société des sans-culottes de Versailles, » traduit comme conspirateur,
bien que son perruquier, homme influent, eût certifié qu'il était « l'ami
le plus chaud de la Révolution ». Mystère ! Il fut condamné à mort. A noter
aussi, avec les Magon, le commis greffier Legris, triste complice de tant
d'irrégularités, de tant de jugements en blanc, Legris en qui Fouquier voyait
« un agent du conspirateur d'Havré auprès de Magon la Balue[45] ». Il fut arrêté chez lui à 5
heures du matin, dans son lit ; et conduit à 7 heures à la Conciergerie. A 9
heures, son acte d'accusation lui était signifié ; à 10 heures, il montait
sur les gradins du Tribunal ; à 2 heures, il n'existait plus[46]. Cette exécution sommaire
terrifia le greffe. Il se sentit entamé. A qui le tour ? Ni le greffier ni
les commis survivants ne pardonnèrent à l'accusateur public. Nous verrons, au
procès, les terribles et nettes accusations de Pâris et de Wolff. Le 4
thermidor, dernière fournée du Luxembourg. Dans cette fournée, les dames de
Noailles « cassées de vieillesse et sourdes ». Le président leur demande
leurs noms. Elles ne l'entendent pas. On les fait approcher. Elles finissent
par comprendre, disent leurs noms ; on les fait remonter sur les gradins[47]... Elles sont condamnées et
guillotinées. — Joseph Meynard-Mellet (17 ans) pris pour le jeune de Maillé et guillotiné à sa
place. Erreur de noms. Le jeune de Maillé fut, d'ailleurs, lui aussi,
guillotiné le 6 thermidor. Il avait lancé un poisson pourri à la tête du
traiteur, pendant un repas, à la prison... Les témoins à cette audience ?
Toujours les mêmes : Boyaval, Benoît, Beausire. Voici
comment Benoit racontera plus tard sa déposition au Tribunal, ce jour-là. « ...
Le 4 thermidor, un huissier vint avec un gendarme me prendre aux Carmes pour
aller encore au Tribunal. Pour cette fois, on ne m'y fit plus répéter ce que
je savais de la Conspiration de Gramont ; on me demanda seulement si je
connaissois les accusés. J'en connaissois trois. Je dis, sans haine comme
sans crainte, ce que j'en savois ; et j'engageai le Tribunal à ne pas s'en
rapporter à ma seule déposition et à envoyer chercher leurs camarades de
chambre qui rendroient le même témoignage à la vérité. Qu'à l'égard des
autres, je ne les connaissois que pour demeurer au Luxembourg. « Comment
interrogeoit-on les accusés auxquels on ne faisoit aucun reproche d'être de
cette nouvelle conspiration ? On leur demandoit seulement s'ils avoient eu
connaissance d'une conspiration qui avoit existé au Luxembourg et qui
existoit encore au moment même et s'ils l'avoient dénoncée. Sur la négative
ou l'affirmative on passoit à un autre. » Et il
ajoute — n'oublions pas que ceci est écrit après thermidor, qu'il est
incarcéré et qu'il défend sa tête : « Quelle
manière de juger les hommes ! Combien les jurés doivent se reprocher la mort
de ceux qu'ils n'ont pas entendus dans leurs, défenses !... » ... « Je
me suis rappelé, écrit encore Benoit, que, chaque fois que nous allions en
témoignage, Boyaval passoit toujours beaucoup de tems, et seul, dans le
cabinet de l'accusateur public du Tribunal. Tout fait présumer qu'il étoit au
fait de tout ce qui se passoit... En revenant du Tribunal, le 4 thermidor, je
demandai à Boyaval comment se portoit un de ses anciens camarades de chambre
qui a été aussi le mien. « Nous le ferons guillotiner aussi bientôt,
celui-là, » répondit Boyaval. C'est pour la première fournée ainsi que Fossès
et son beau-père. J'ai été ces jours-ci, deux fois, au Comité de Salut public
et j'y fus même encore hier et c'est moi qui suis chargé de cela. Nous allons
les mener bon train. Nous en laissons quelques-uns comme cela pour amorcer
les autres et nous les ramassons ensuite en pelote[48]... » Benoît
cherchait, en écrivant ces lignes, à dégager sa responsabilité ; mais des
lettres de lui, adressées à Fouquier-Tinville, restent dansles dossiers des
Archives, telles que celle-ci : « Citoyen,
j'ai une déclaration à te faire qui peut-être seroit utile à la chose
publique car il faut terracer l'hydre de l'aristocratie dans tous ses points.
Benoist. Ce 21 messidor l'an II de la République une et indivisible[49]. » * * * * *
Benoît
était passé le 23 messidor aux Carmes[50]. Il occupait dans cette prison
une chambre particulière où il pouvait écrire. Il fait, aux Carmes, la même
besogne qu'au Luxembourg. Le concierge Roblâtre, une brute qui tourmente les
prisonniers pour les pousser à l'exaspération, a reçu l'ordre de le traiter
avec des égards. Pour mieux surprendre la confiance des détenus et les
incliner aux confidences, Benoît raconte aux uns qu'il vient du département
d'Eure-et-Loir, aux autres, du Calvados, aux autres, de l'Eure tandis qu'il
arrive en droite ligne de la prison du Luxembourg. Il a la liberté d'aller et
de venir, d'entrer et de sortir ; il a un cachet aux armes de la Nation. Un
autre mouton des Carmes, c'est le citoyen Manuel[51]. Fouquier, à l'audience, lui
aurait dit : « Allons, patriote Manuel, éclaire le Tribunal sur les
intentions perfides de ces scélérats. » Manuel, alors, regardant les accusés
sur les gradins, expliquait, à propos de chacun d'eux, ce qu'il avait
remarqué, en prison, sur leur conduite. Fouquier, au dire de
Gouget-Deslandres, se serait « frotté les mains en signe du plus parfait
contentement... » En
réalité, la conspiration dite des Carmes semble avoir été absolument
imaginaire. Elle n'a dû son origine qu'au projet de fuite tenté par cinq ou
six détenus qui avaient trouvé une corde dans le clocher, et qui, à l'aide de
cette corde, transformée en échelle, avaient risqué l'évasion.
L'administrateur de police Faro et Arbeltier, officier de paix, vinrent aux
Carmes le 30 messidor. Ils interrogèrent les détenus. Virolle, chirurgien,
soupçonné d'être le principal conspirateur, nia les propos qu'on lui avait
fait tenir à l'égard de Robespierre et du Comité de Salut public. Un autre,
Champagnier, fut dénoncé aussi. On dressa une liste de 49 conspirateurs.
Virolle, le chirurgien, désespéré, se jeta par une fenêtre et se tua. Il fut
remplacé par un autre, Bourgeois, ex-avocat. Les 49 comparurent le 5
thermidor (23 juillet)
au Tribunal. Trois seulement furent acquittés. L'acte d'accusation de
Fouquier est rédigé avec un laisser-aller, avec une précipitation visibles.
Il ne fournit aucune preuve... « Virol, détenu dans la maison des Carmes,
était le chef de cette nouvelle conspiration qui coïncidait avec celles des
maisons d'arrêt de Bicêtre et du Luxembourg. Il paroît aussi que les
conspirateurs des deux premières maisons avaient des intelligences et des
correspondances secrètes dans celle des Carmes[52]... » Il y a de tout dans
la liste des accusés : ex-nobles, négociant, instituteur, ex-prêtres,
marchand de fer, coutelier, boutiquier, mercier, homme de loi, tapissier,
matelots, domestique, un prince, Louis-Armand-Constantin de Montbazon-Rohan,
ex-vice-amiral. Le procès-verbal d'audience porte le nom de Fouquier-Tinville
comme présent aux débats[53]. Nous verrons, au Procès, par
des dépositions de témoins, qu'il prit plusieurs fois la parole contre les
accusés. En
dépit de l'extrême crédulité du public, le système de la conspiration Dillon,
Grammont, etc. s'usait. « On rougissait, dira Réal, d'en revenir à ce moyen
banal... » On imagina un complot, à Saint-Lazare. Les dénonciateurs furent
Manini, Italien, « homme de lettres » et le serrurier Coquery. D'après leurs
dires, « les prisonniers devaient s'évader et assassiner les membres du
Comité de Salut public. » Pour donner une preuve matérielle du complot,
Coquery scia le barreau d'une fenêtre. Le 23 messidor, lendemain de la
troisième fournée du Luxembourg, l'administrateur Faro fut chargé de faire
une enquête à Saint-Lazare. Il entendit Manini, Coquery, Desisnards, Allain,
Gauthier, Scelle et Semé, le concierge. On remplaça Semé par un homme sûr,
l'ancien guichetier du Luxembourg, Verney, qui se vantait de « f... les
prisonniers au pas à Saint-Lazare comme il l'avait fait au Luxembourg ». On
adjoignit à ces agents provocateurs Jobert le Belge, Pépin Dégrouhette, Roger
La Pointe, Lepêcheux, Robinet, Horace Molin. Ils firent des listes et, aux
audiences du Tribunal, servirent de témoins. Pépin Dégrouhette se signala
particulièrement. Il avait été juge au Tribunal du 17 août, puis incarcéré
pour s'être malhonnêtement enrichi dans ces fonctions. Il rentrait ivre, le soir
en revenant de l'audience, se vantait d'avoir été embrassé par Fouquier,
d'être tout-puissant au Tribunal. Il était haï et redouté. L'acte
d'accusation, pour la Conspiration de Saint-Lazare, porte 80 noms, dont deux
rayés. On procéda, en trois fois (6, 7 et 8 thermidor). Dans la fournée du 6, le jeune
Fortuné-Charles-Louis-François de Maillé (âgé de 17 ans), qui avait jeté à la tête du
traiteur un poisson pourri qu'on lui avait servi. Le jeune Mellet, qu'on
avait pris pour lui, avait — nous l'avons vu — été guillotiné le 4 thermidor.
Dans cette fournée de 25 accusés mis en jugement le 6 thermidor, et tous condamnés,
citons encore l'abbesse de Montmartre, Marie-Louise de Laval-Montmorency,
âgée de 72 ans, et la jeune Isabelle Pigret de Meursin, âgée de 21 ans,
paralysée des jambes. Elles furent condamnées comme complices du projet de
l'évasion. Comment cette femme de 72 ans et cette jeune femme paralysée
auraient-elles pu s'évader par la fenêtre sciée par Coquery ? Mmes de
Meursin, Joly de Fleury et Saint-Aignan se déclarèrent enceintes. Mme de
Saint-Aignan fut, seule, reconnue par les officiers de santé. Elle était
détenue avec son mari. Pour les autres, « il est impossible, écrivait
Coffinhal, en renvoi sur la minute du jugement, que dans la maison d'arrêt de
Lazare, les hommes communiquent avec les femmes... » Mais elles étaient, tout
de même, poursuivies et condamnées pour avoir conspiré avec eux ! Dans la
journée du 7 thermidor, 26 accusés, 25 condamnés. Ici encore, une erreur de
nom et de personne : Mme de Mayet[54] amenée à l'audience pour la
vicomtesse de Maillé. Mme de Mayet n'en fut pas moins condamnée à mort et
exécutée. Quant à la vicomtesse de Maillé (trente-neuf ans), on revint deux
jours après la chercher dans sa prison. Elle fut conduite au Tribunal. Elle
figure la dernière, sous le n° 23, dans la liste de l'audience présidée par
Scellier, le 9 thermidor. En entrant dans la salle de l'audience, elle vit
les gradins où s'était assis trois jours auparavant son jeune fils. Elle
s'évanouit. Le peuple — si on peut appeler « le peuple » les
amateurs des grandes séances du Tribunal révolutionnaire — le peuple murmura
et manifesta en sa faveur. Les juges la remirent à une audience suivante.
Elle fut transportée à l'hospice de l'Évêché. Le lendemain était le 10
thermidor. Elle était sauvée. Nous l'entendrons déposer au procès de
Fouquier-Tinville. C'est à
l'audience du 7 thermidor, en tête de liste, que figuraient Antoine Roucher,
littérateur, et son ami le poète André Chénier. On sait leur histoire et
comment ils allèrent au supplice. On connait aussi les vers écrits par André
Chénier à Saint-Lazare, ces beaux vers véhéments de la Jeune captive,
ce cri immortel de colère lancé par un honnête homme impuissant à la face de
ses bourreaux : Mourir
sans vider mon carquois, Sans
percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange Ces
bourreaux barbouilleurs de lois, Ces
vers cadavéreux de la France asservie, Égorgée
![55]
. . . . . . . . . . . . . . . * * * * *
Signalons
encore, sur la liste des vingt-cinq condamnés du 7 thermidor, Louis Sers,
cinquante ans, capitaine d'infanterie, commandant de Chandernagor. Coffinhal,
révisant et corrigeant la liste des accusés pour poser les questions au jury,
a écrit en marge devant le nom de Louis Sers, ces mots : « Capitaine
d'infenterie, commendant de Chambarnagot. » A cette
audience, trois témoins seulement, trois moutons : Manini, « écrivain artiste
», Pépin Desgrouettes, que nous connaissons et qui s'intitule défenseur
officieux ; Coquery, serrurier. Dans la
troisième fournée, celle du 8, 25 accusés, 23 condamnés parmi lesquels les
deux Trudaine, Charles-Louis, vingt-neuf ans et Charles-Michel, vingt-huit
ans, et Jean-Simon Loizerolles condamné pour son fils François. Ici l'erreur
n'est pas imputable à Fouquier. Coffinhal, qui présidait l'audience, ce
jour-là, et le commis-greffier doivent, seuls, porter la responsabilité des
surcharges qui existent sur la feuille des questions posées au jury, et qui
ont servi à la rédaction du jugement. La première pièce de ce cahier[56] est une liste générale des
détenus de Saint-Lazare, numérotés de la main de l'accusateur public, mis en
accusation par lui. On y lit : « N° 18, Loizerole fils. » Il n'est pas
question du père. Sur l'acte d'accusation, signé par Fouquicr, il y a, dans
la liste des accusés : « N° 5, François-Simon Loizerolles fils, âgé de 22
ans, né à Paris, y demeurant rue Victor, n° 82. » Il n'est pas question du
père. Et, dans le corps de cet acte d'accusation : « Loizerolles, Primpin (un
des accusés) et autres, les prêtres Brognard et Broquet n'ont cessé depuis la
Révolution de montrer la haine et l'aversion la plus prononcée contre la
souveraineté du peuple et de l'égalité. » C'est tout. — Cependant, sur la
minute des questions posées au jury, la main de Coffinhal a corrigé et écrit Jean,
au lieu de François ; père au lieu de fils ; soixante et un ans
au lieu de 22. La main de Coffinhal a ajouté les mots ancien lieutenant du
baillage de l’Arsenal, ex-noble, qui s'appliquent au père. Le
procès-verbal d'audience et le jugement[57] reproduisent la rédaction
adoptée, imposée par Coffinhal. Le père
se sacrifia pour son fils, sans protester et, stoïquement, il se laissa
guillotiner à sa place. Fouquier, mis en accusation après le 9 thermidor, se
défendra de cette criminelle erreur en disant : «... Depuis l'odieuse loi du
22 prairial, il n'y avait plus d'interrogatoire secret pour se procurer les
prénoms et les qualités des prévenus traduits au tribunal ; il fallait
envoyer dans les différentes maisons d'arrêt où ils étaient et celui qui a
été à Lazare pour y prendre les prénoms, l'âge et les qualités de Loizerolles
père n'a pas eu l'attention de demander s'il y avait plusieurs Loizerolles et
il a pris les prénoms et les qualités du fils qui s'est présenté au lieu de
ceux du père, quoique sa note porte bien Loizerolles père ; ces prénoms,
qualités et âge ont été remplis par le secrétaire du parquet tels qu'ils ont
été rapportés... » Fouquier,
ici, s'embrouille. Car, sur la liste générale des prisonniers de
Saint-Lazare, extraits pour être envoyés au Tribunal, on peut lire encore
aujourd'hui, au n° 18, le nom de Loizerolles fils, et nulle part, il n'est
question de celui du père. Mais là où Fouquier aura raison, c'est lorsqu'il
incriminera Coffinhal et le commis-greffier : « Cette omission et ce délit,
s'ils existent véritablement sont un fait personnel au président Coffinhal et
au commis-greffier chargé de l'audience, et non au substitut de l'accusateur
public qui, non plus que ce dernier, ne signent jamais les minutes des
jugements, et n'en peuvent être responsables à aucun titre. » Nous entendrons
la déposition du fils Loizerolles au procès de Fouquier. Pour
terminer, rappelons que le 7 thermidor (25 juillet), à 6 heures du soir, aux
Oiseaux, prison tranquille où les détenus payaient très cher leur pension, et
où il semble qu'on ait voulu jusqu’alors les oublier, on entendit une rumeur
dans la rue. Un immense chariot, traîné par quatre chevaux, était arrêté
devant la porte. Quatre gendarmes, un huissier du Tribunal révolutionnaire
entrèrent 'dans la prison. Le concierge dut sonner la cloche. A cet appel,
les prisonniers se rassemblèrent dans la cour[58]. On fit l'appel. Onze
prisonniers furent désignés pour monter sur le chariot. Parmi eux : la
princesse de Chimay, les comtesses de Narbonne-Pelet et Raymond-Narbonne ; le
comte de Clermont-Tonnerre (74 ans), le marquis de Crussol d'Amboise, M. Siméon de Saint-Simon,
évêque d'Agde (70 ans).
Quand ces onze furent montés, le chariot s'ébranla et fut à Port-Libre et au
Plessis. C'est au Plessis qu'il « chargea » Thérèse-Françoise de
Stainville, princesse de Grimaldi-Monaco (26 ans), celle que Fouquier nomme
la femme Monaco, dans une lettre du même jour adressée aux membres de la
Commission populaire, en leur réclamant des pièces contre un certain nombre
d'individus tels que « Crussol d'Amboise, Clermont-Tonnerre, la femme Chimay,
Saint-Simon, la femme Quérrohen, la femme Monaco », etc., car il n'a pas reçu
les dites pièces et « ces particuliers seront mis demain en jugement »[59]. La
princesse de Monaco se déclara enceinte. Le lendemain, elle se rétracta. Elle
avait voulu gagner du temps pour écrire à ses enfants et leur envoyer ses
cheveux. L'arrêt qui la déclare non enceinte et qui ordonne son exécution est
du 9 thermidor[60]. Elle dut faire partie de la
dernière charrette. En
résumé : L'accusateur
public, surmené, débordé, ne peut plus rédiger lui-même ses actes
d'accusation. Il les fait rédiger par ses secrétaires. Ces actes ne
contiennent même plus l'apparence d'une preuve. Des familles entières sont
envoyées à la guillotine. Motif ? Elles ont conspiré. Où ? Quand ? Comment ?
Rien ne le dit. Fouquier-Tinville
met en accusation, la veille pour le lendemain, des fournées d'accusés. Des
quantités de pièces lui manquent. Il les réclame. Il les veut sur-le-champ.
Mais le temps matériel fait défaut. Et il a reçu l'ordre de dresser son
réquisitoire pour le lendemain. Des erreurs sur les personnes se produisent.
Erreurs criminelles, irréparables puisqu'il n'y a qu'une sanction : la
guillotine. Un tel est accusé pour un tel, condamné pour un tel, guillotiné
pour un tel. Tout cela est aujourd'hui, aisé à contrôler. Les dossiers
subsistent, aux Archives. Fouquier-Tinville
est en rapports de service avec les moulons, agents provocateurs, espions de
prisons. Ces gredins déposent aux débats, si toutefois on peut appeler débats
des audiences de quelques heures, où soixante accusés sont jugés en une
après-dînée et condamnés à mort. Il y a plus. Pour certaines de ces
audiences, les moutons seuls comparaissent comme témoins. Exemple :
l'audience du 19 messidor (première fournée du Luxembourg), 60 accusés, tous
condamnés ; 5 témoins seulement dont quatre moutons et un porte-clefs,
Lesenne qui, ne se sentant pas le cœur de mentir, dit qu'il n'a pas connu de
conspiration dans la prison. Fouquier le fait arrêter séance tenante. Autre
exemple : la deuxième fournée de Saint-Lazare, le 7 thermidor. Trois témoins,
trois moutons : Manini, Pépin Desgrouettes, Coquery. Sur les
procès-verbaux d'audience, les jurés ne sont même plus désignés par leurs
noms. Craignent-ils les responsabilités futures, si le régime change ?
N'a-t-on pas même eu le temps ou pris la peine d'inscrire leurs noms ?
Mystère. Que
Fouquier, tout entraîné qu'il soit à sa besogne, tout endurci qu'il puisse
être, se sente excédé ; qu'il constate que lui et son parquet sont surmenés au-delà
des limites des forces humaines ; qu'il n'y voie plus clair dans cette
atmosphère de fièvre et de sang où il vit ; qu'il se déclare fourbu ; qu'il
dise aux buvetiers du Tribunal, les Morisan, dans un moment d'épanchements et
d'écœurement : « J'aimerais mieux labourer la terre ! » tout cela est
vraisemblable et humain. Il n'en reste pas moins à son poste. Et il tient à y
rester. S'il
réfléchit, s'il pense, s'il songe, — quelle œuvre accomplie depuis seize mois
! Tout ce sang ! Toute cette frénésie rouge ! Toutes ces têtes qui « tombent
! » Toutes ces existences humaines fauchées ! Ces jeunes femmes ! Ces
jeunes filles ! Ces vieillards ! Ces jeunes hommes ! Tant de vies humaines,
pour un complot imaginaire... ou douteux ! Mais,
qu'il réprouve son œuvre, qu'il comprenne que trop est trop et que l'heure
est prochaine où il faudra rendre des comptes — car tout se paie et la
violence attire la violence — cela n'apparait pas. Rien, dans son attitude de
fonctionnaire tenace, exact et solide au poste ne l'indique. Or, le drame politique en est à son dernier acte. Nous voici arrivés au 9 thermidor. |
[1]
L'Opéra-comique national.
[2]
Arch. nat., W. 389, dossier 904.
[3]
Il signe Admiral.
[4]
Arch. nat., W. 389, dossier 904.
[5]
Arch. nat., W. 389, dossier 904.
[6]
Fusil qui lui avait été remis trois mois auparavant par son capitaine, à la
section Lepelletier.
[7]
CAMPARDON, Le
Tribunal révolutionnaire, I, p. 363.
[8]
Moniteur, n° du 5 prairial, an II.
[9]
Arch. nat., W. 389, dossier 904.
[10]
Arch. nat. W. 369, n° 824.
[11]
W. 370, n° 832.
[12]
W. 374, n° 835.
[13]
W. 372, n° 840.
[14]
W. 373, n° 843.
[15]
Moniteur, numéro du 10 prairial, an II.
[16]
Moniteur, numéro du 24 prairial, an II.
[17]
Arch. nat. W. 395, n° 916, 2e partie, pièce 78.
[18]
Déposition Contât au Procès de Fouquier.
[19]
Déposition Toutain au Procès de Fouquier.
[20]
Déposition Château au Procès de Fouquier.
[21]
Déposition Brunet, marchand de vin, au Procès de Fouquier.
[22]
Déposition Berthaut, 2 germinal, an III.
[23]
Arch. nat. W. 383, dossier 891. Noter que parmi ces condamnés il y en eut un,
Larue, qui ne fut même pas interrogé.
[24]
W. 386, dossier 897.
[25]
Un prêtre non assermenté. W. 386, dossier 897, pièce 135.
[26]
Fouquier dit cinq heures ; mais il ne siégea pas.
[27]
Le 11 prairial, lendemain de la fête de l'Etre Suprême, la guillotine avait été
transportée de la place de la Révolution à la place Saint-Antoine, en face du
lieu occupé par l'ancienne Bastille. Le 26, sur la réclamation des habitants du
quartier, elle fut transportée à la barrière de Vincennes.
[28]
Arch. nat. W. 389, dossier 904.
[29]
M. Wallon, donne d'après Proussinalle (Histoire secrète du Tribunal
révolutionnaire, t. I, p. 298) la liste des prisons de Paris : La Grande
Force, la Petite Force, Sainte Pélagie, les Madelonnettes, l'Abbaye, les
Capucins, Bicêtre, la Salpêtrière, la Mairie, le Luxembourg, la Bourbe, la
Caserne, rue de Vaugirard, Picpus, les Anglaises, rue de Lourcine, les
Anglaises, faubourg Saint-Antoine, les Écossais, Saint-Lazare, la maison
Belhomme, les Bénédictins anglais, le collège du Plessis, la maison de Répression,
la maison Coignard, la maison Mallay, les Fermes, la caserne des Petits-Pères,
la caserne rue de Sèvres, la maison des Oiseaux, la caserne des Carmes, le
collège des Quatre-Nations, Montaigu, Port-Royal, maison Escourbiac, hôtel
Talaru, Vincennes, maison Lachapelle, hospice de l'Evêché, maison Brunet, les
Anglaises, rue Saint-Victor, maison Piquenot, rue de Bercy, et la Conciergerie.
On doit ajouter le dépôt dans les quarante-huit sections (WALLON, Tribunal
révolutionnaire, t. IV, p. 263.)
[30]
Guillot, défenseur près des tribunaux. W. 501, 2e dossier, p. 132.
[31]
Arch. nat. W. 500. 1er dossier, pièce 5.
[32]
Arch. nat. W. 500, dossier 3, p. 79 et W. 501 dossier 1, p. 55.
[33]
W. 501, 1er dossier, p. 45.
[34]
La liste, en trois colonnes, transcrite sur une grande pancarte, existe aux
Archives (W 400, dossier 941, pièce 82). Elle porte ces mots : le Comité de
Salut public de la Convention, par arrêté du 17 messidor. En réalité elle
contient 156 noms de prisonniers à extraire du Luxembourg et à transférer à la
Conciergerie.
[35]
C'est cet échafaudage (échafaud) que M. Thiers a confondu avec la guillotine
dans son Histoire de la Révolution française, 9e édition, Fume, 1839, p.
138, quand il dit : « Il fallut renouveler à Fouquier-Tinville une seconde fois
l'ordre d'enlever la guillotine de la salle du Tribunal ».
[36]
Déposition Jobert, au Procès de Fouquier.
[37]
« L'accusateur public requiert et le Tribunal ordonne qu'il lui sera donné acte
de l'accusation verbale par lui portée contre Morin. » W. 409, dossier 941.
(Procès-verbal d'audience).
[38]
Ses prénoms étaient Louis-Clerc.
[39]
Boyaval était, avec Benoit, un des grands faiseurs de listes. Tailleur d'habits
et lieutenant d'infanterie légère, homme borné, bavard et menteur, Boyaval se
vantait d'être chargé de faire ces listes. Tantôt il disait qu'il avait des
ordres des administrateurs de police, tantôt de Robespierre, tantôt de
Fouquier. Au Tribunal, il venait déposer comme témoin contre ceux qu'il avait
dénoncés.
[40]
Sur la liste des malheureux, enlevés dans la nuit du 18 au 19, se trouvait
Pierre-Charles Machet-Velye, ex-intendant des bâtiments de Monsieur. Peu
communicatif, toujours enfermé dans sa chambre, vivant très isolé et tout
occupé d'un procès qu'il avait avec un ancien procureur au Parlement,
Machet-Velye avait reçu, dans sa prison, la nouvelle du gain de son procès. Il
fut guillotiné le 22 messidor, comme complice de la conspiration de Grammont,
qui avait été exécuté quatre mois avant son arrivée au Luxembourg ! (V.
Déposition Réal, au Procès Fouquier).
Le 21 messidor, cinquante accusés parurent au Tribunal
comme prévenus de la conspiration du Luxembourg ; ce fut la seconde fournée.
L'un des accusés, Pierre-Louis Moreau, architecte et chevalier de Saint-Louis,
était le beau-frère du poète Ducis ; celui-ci écrivit à Fouquier la lettre
suivante, pour intercéder auprès de lui en faveur de son parent :
« Paris, 20 messidor, an II : Citoyen, je ne sollicite
point votre justice, je ferais injure à votre intégrité si connue, mais je cède
aux larmes de ma femme ; le sort de son frère doit être décidé demain par le
Tribunal révolutionnaire : c'est le citoyen Moreau, ci-devant architecte de la
ville de Paris. Il a toujours été soumis et fidèle aux lois de la patrie, il a
payé tout ce qu'on lui a demandé, et notamment trente mille francs pour la
guerre de la Vendée ; on n'a rien trouvé contre lui dans ses papiers, sur
lesquels le scellé a été mis à la ville et à la campagne. Il n'est entré dans
aucun complot ; il cultivait, avant sa détention, un bien d'émigré dont il paye
la rente à la nation ; c'est un bon père de famille tendrement aimé de sa femme
et de ses filles ; nous espérons, juste et incorruptible citoyen, que vous le
rendrez bientôt à nos bras et à nos yeux qui l'attendent. Nous sommes sûrs que
vous mettrez son innocence dans tout son jour. Agréez l'assurance de toute ma
vénération et de toute ma confiance dans vos lumières et dans vos vertus. Signé
: Ducis, de la ci-devant Académie française » (Arch. nat., W. 93), Moreau
fut condamné à mort. (CAMPARDON,
I, p. 382.)
[41]
Arch. nat. W. 114, n° 919, 3e partie.
[42]
Arch. nat. W. 421, n° 956, pièce 125.
[43]
Déposition Ducray au Procès de Fouquier.
[44]
Arch. nat. W. 423, n° 958, 2e partie, pièce 41.
[45]
« Legris se disant intendant du conspirateur d'Havré était son agent auprès de
Magon la Balue pour lui procurer les fonds nécessaires à l'exécution de ses
trames liberticides. Il lui procura au mois de mars 1792 une somme de
trente-deux mille trois cent soixante et quinze. On le voit sortir du
territoire français pour se rendre à Mons pour conférer avec d'Havré et sa
femme sur l'exécution de ses complots. Enfin on le voit prodiguer, dans les
mois de février, mars, avril et may 1792, les dénominations féodales et
contre-révolutionnaires de duc et de duchesse à ces infâmes conspirateurs et se
qualifier, au bas de ses lettres, intendant de M. le duc d'Havré ; le masque de
patriotisme dont il s'est couvert et l'audace qu'il a eue d'oser prétendre à la
confiance d'un tribunal qui punit les conspirateurs sans distinction ne fera
que rendre plus terrible le châtiment qui l'attend et servira de leçon à ceux
qui oseront l'imiter ». (Signé A. Q. Fouquier). W. 423, n° 958, 2e partie.
[46]
Déposition Tavernier au Procès de Fouquier.
[47]
Déposition Julien au Procès de Fouquier.
[48]
Extrait du mémoire pour le citoyen Pierre-Guillaume Benoist ci-devant détenu en
la maison d'arrêt du Luxembourg, transféré aux Carmes le 23 messidor et de là à
Pélagie, le 27 thermidor par ordre du Comité de Sûreté générale (W. 501, 2e
dossier, pièce 146 et dernière).
[49]
Arch. nat. W. 501, 1er dossier, pièce 27.
Voici encore une lettre de Benoist (et il y en a
d'autres dans le même carton).
(Au citoyen accusateur public du Tribunal
révolutionnaire à Paris).
« Ce 25 messidor l'an II de la république une et
indivisible.
« Citoyen,
« Je crois devoir te dénoncer tous les scélérats
qui cherchent à avilir la Convention. Un particulier sur lequel j'ai donné des
renseignements, le 23 de ce mois, au concierge de la maison d'arrêt du
Luxembourg a dit en présence de deux citoyens que je lui ai désignés que les
Comités de Salut public et de Sûreté générale avaient fait enfermer des
scélérats dans la maison du Luxembourg pour se défaire des honnêtes gens afin
de gouverner seuls et despotiquement. Je ne t'écris cette lettre que dans la crainte
qu'il n'en eût pas fait part au comité de Sûreté générale ou à toi. Salut et
fraternité. Benoist. J'ai beaucoup d'autres choses dont je dois te faire part,
mais au moment où je t'écrivois j'ai été transféré aux Carmes et j'ai été
malade depuis ce temps mais demain j'espère être mieux et te faire part ainsi
qu'aux Comités de Sûreté générale et de Salut public de tout ce que je sais. »
(W. 501, 1er dossier, pièce 33.)
[50]
Donc, dès le lendemain de la 3e fournée du Luxembourg. Ce rapprochement de
dates est significatif.
[51]
Voir déposition Gouget-Deslandres, juge au Tribunal de cassation, au Procès de
Fouquier.
[52]
Sauf Virolle et Champagnier, aucun des accusés ne fut interrogé dans l'enquête.
Aucun interrogatoire au dossier.
[53]
Arch. nat. W. 429, n° 965, 2e partie, pièce 95.
[54]
Louise-Élisabeth-Gabrielle Mathy-Simon, veuve de Mayet.
[55]
André Chénier. Dernières poésies. Saint-Lazare. (La jeune Captive).
[56]
Arch. nat. W. 431, n° 968.
[57]
Ils sont de la main de Jacques Derbez, commis greffier. W. 431, n° 968.
[58]
Mémoires sur les prisons, t. II, p. 189.
[59]
Arch. nat. F7 4.436, liasse T, p. 9.
[60]
Arch. nat. W. 432, dossier 971, 2e partie, pièce 47.