LES FEMMES DE LA RENAISSANCE

LIVRE III. — L'INFLUENCE DES FEMMES

 

CHAPITRE IV. — L'INFLUENCE INTELLECTUELLE (suite).

 

 

L'influence féminine s'est affirmée par des résultats très précis. D'abord elle a donné lieu à l'éclosion de ce qu'on pourrait appeler une littérature technique, c'est-à-dire d'œuvres destinées à prouver la légitimité et la nécessité du pouvoir féminin.

Le type classique est le livre de Boccace, Des Femmes illustres. Boccace vivait dans un temps reculé, qui excuse quelques épigrammes ; il n'en restait pas moins l'écrivain chéri, parce qu'il avait eu le courage de parcourir l'Antiquité, de rompre avec Virgile, d'exalter Didon, et d'extraire, le premier, une foule d'immortels exemples : Cléopâtre, Lucrèce, Sémiramis, Sapho, Athalie. Aussi n'y avait-il rien de plus sûr que de le rééditer[1], de l'amplifier, de le pasticher sous toutes les formes, et Dieu sait si on s'en priva[2] !

Outre cette littérature à la Boccace qui est déjà riche, il faut noter l'apparition d'une grande famille d'écrits serai-philosophiques, semi-historiques, consacrés à la louange du sexe régnant ; les défenseurs ne manquent jamais aux causes triomphantes. Les noms de Bruni, Portio, Lando, Domenichi, bien d'autres encore, mériteraient certainement une petite place dans les mémoires féminines : Benedetto de Cesena démontre spécialement l'honneur et la vertu des femmes, Capella leur excellence, Luigini leur beauté. Le trait commun de la plupart de ces ouvrages est de se réclamer de spéculations très hautes, abstraites, impersonnelles, et cependant de viser plus ou moins secrètement le cœur (l'une certaine femme en particulier. Si Firenzuola dialogue comme Platon lui-même, c'est qu'il a pour idéal la comtesse de Vernio. Nifo compile avec ardeur son traité « de la Cour » sous les auspices du prince et de la princesse de Salerne, et plus spécialement à cause des charmes de Phausine Rea ; Ravisius Textor écrit ses Femmes mémorables et illustres, parce qu'il existe une Jeanne de Vignacourt, mariée au président Gaillard. Nous-même, nous aurions dû nous conformer à cet entraînement et mettre un nom sur le titre de ce livre ; mais nous écrivons pour des lectrices du me siècle.

Sauf par le format, les livres dont nous parlons se ressemblent comme des frères : Chénier pourrait les appeler « des vers nouveaux sur des pensers antiques » : qui en a vu un, en a vu mille. Tous concluent à l'égalité de la femme vis-à-vis de l'homme, sinon à sa supériorité. Il suffit, pour en donner l'idée, d'en citer un, peu célèbre — il n'a jamais été imprimé, et il ne se trouve au complet dans aucun manuscrit de notre connaissance —, mais qui met en jeu deux personnages de premier ordre : il fut écrit pour Vittoria Colonna, par son cousin, le fameux cardinal Pompeo Colonna, vice-chancelier de l'Eglise romaine.

D'abord, très gravement, le cardinal se met en devoir d'accabler sous le poids de l'érudition diverses propositions antiféministes, presque toutes tirées du vieux répertoire du moyen âge : la femme serait-elle un animal imparfait, un être secondaire, incapable de fonctions publiques, tout au plus bon à s'agiter et à commettre des indiscrétions ? Est-ce que, même dans le langage courant, l'usage n'est pas de dire « les hommes » pour parler de l'espèce humaine ? La Bible et Platon n'enseignent-ils pas, d'accord, que l'homme est le prototype de la création, celui qui a reçu la vie et qui la transmet ?... Ces objections réglées, et quelques autres encore, le cardinal aborde la démonstration des mérites féminins.

Il trouve du sel à invoquer des témoignages barbares ; il fait défiler les femmes Sauromathes, les Amazones belliqueuses, les femmes des Baléares, estimées chacune au poids de trois ou quatre hommes en cas d'échanges de guerre, et puis les Lyciennes, par qui se transmettait la noblesse, et les Celtes, chargées de la diplomatie et des fonctions d'arbitres. Là-dessus, il se déclare féministe intempérant, absolu, partisan de l'admissibilité des femmes à tous les emplois ; la gymnastique et l'armée, préconisées par Platon, ne l'effraient pas ; il aurait adoré tout bicyclisme, sans distinction. Si quelque timoré lui objecte les périls moraux du lancement des femmes dans la vie publique, il sourit et s'emporte presque ; il a beau jeu à démontrer ce que valent les hommes laissés à eux tout seuls. Son type, c'est la femme forte, sûre d'elle-même et à. qui sa réserve sert d'armure, la femme énergique qui défie les petites stratégies comme les grandes violences, la femme libérale, juste : quelque chose comme cette jeune Spartiate prisonnière, qui eut l'énergie de paraître aimer son vainqueur et de lui persuader câlinement qu'elle était imprégnée d'un merveilleux secret d'invulnérabilité, et qui se fit ainsi trancher la tête. Justes cieux ! s'écrie tout à coup le cardinal, « où découvrir un type plus accompli de force, de magnanimité que vous-même, à Vittoria ! C'est vous, vous, ô idéal des nobles vertus, qui avez soutenu votre mari, qui l'avez dirigé, exalté !... » Pompeo a tant d'occupations qu'il s'excuse de mettre ici un point d'orgue : il prie la marquise d'agréer son modeste opuscule, hommage l'un cœur chaleureux et convaincu.

Nous devons ajouter que les femmes se montrent reconnaissantes ; dans ce genre de littérature, on ne perd pas son temps, et bien des gens peu intéressants y ont trouvé le chemin du succès. Un bohème, moitié mage et occultiste — ce qui n'était pas rare —, aussi bien soldat que docteur in utrogue, Cornelius Agrippa, fut nommé professeur de Cabale à l'université de Dole ; aussitôt, il dédie à sa souveraine, la Régente des Pays-Bas, Marguerite, un gros livre sur la « Précellence du sexe féminin », un livre savant et convaincant, quoique à certains moments un peu vert. La chaste Marguerite ne s'en vandalise pas plus que Vittoria Colonna ne parait s'être émue de quelques détails scabreux de l'opuscule du cardinal Pompeo ; elle fait donner à Agrippa une bonne chaire, et plus tard, en dépit de bien des aventures, elle lui donna encore le titre d'historiographe impérial de Charles-Quint.

En dehors de ces productions spéciales, qui, comme date, appartiennent presque toutes au début de la décadence, l'influence que les femmes exercent sur la production intellectuelle se caractérise par deux écoles très différentes.

Les Françaises primitives, qui aiment l'ampleur et la vigueur, les femmes de passion, se défient des œuvres de pure imagination ; elles cherchent le vrai. Elles se nourrissent de philosophie et d'histoire, par goût pour l'éclat net, solide, épais même, de la vérité. S'entortiller, se compliquer, se perdre dans l'art et la fadeur, leur parait la pierre de touche des esprits médiocres ; l'art suprême consiste à n'en pas avoir, elles aiment la belle simplicité et le relief naturel aux esprits maîtres du sujet qu'ils traitent et maîtres d'eux-mêmes.

Mais ces femmes-là ne sont pas nombreuses, et elles disparaissent vite. Les hommes capables de répondre à leurs vues ne sont pas bien nombreux, non plus.

L'histoire et la philosophie ont leurs charlatans, qui les compromettent tôt ou tard ; des pédants, des faiseurs de préciosités futiles et sans intérêt, sans parler des fantaisistes et hauts 'généalogistes comme Féron, qui nous décrit avec soin les armoiries d'Adam.

Lemaire de Belges, qui n'a jamais travaillé qu'en vue des femmes graves et qui leur a dédié, par le menu, tout ce qu'il a écrit, même un Traité des pompes funèbres antiques et modernes[3], est un de ceux qui abusent de l'érudition. Il a un appareil superbe, de science magnifiquement étalée et consciencieusement ennuyeuse ; comment Marguerite d'Autriche, Anne de Bretagne, Claude de France se seraient-elles défiées d'un personnage l'apparence si bonne ? Lemaire ne perd pas une occasion de rendre hommage au sexe féminin ; au besoin, il la fait naître. Il ne cite que des femmes belles, intelligentes. Près d'Anne de France, il exalte l'honneur et la vertu ; près d'Anne de Bretagne, il chante le passé de la Bretagne[4] ; au total ce n'était qu'un assez plat courtisan. Et cependant il s'imposait.

La philosophie se tire mieux de l'épreuve ; elle ne se sépare pas de la littérature et, comme elle, elle se fait aimable et gaie. C'était alors la mode de rire, même dans les clubs les plus graves. L'Académie florentine prospérait sous le titre d'« Académie des humides », chacun de ses membres portait un nom de poisson, et lorsque, selon une règle assez générale, Lasca, qui en avait été le fondateur, en fut expulsé, il créa, sous un nom tout aussi joyeux, l'autre « Académie du son », della Crusca.

Nous avons dit combien la philosophie se place hors de pair, dans la société de cette époque ; bien les gens la préfèrent à l'histoire, parce qu'ils s'imaginent y rencontrer plus sûrement la vérité ; on lui trouve aussi un véritable intérêt pratique ; grâce à la science de l'idéal, plus d'un mari philosophe peut se dire : « Tout est perdu, fors l'honneur. » Du moment où les femmes vivent de philosophie, il y a assaut de sagesse théorique. Heureux celui qui peut se faire académiquement comparer à Platon, ou simplement à Pythagore[5] ! La philosophie porte partout le flambeau du bonheur : elle appuie la foi et nous représente le paradis comme le comble de la jouissance esthétique[6] ; le noble évêque Guevara s'écrie avec enthousiasme : « Dieu a été le premier amoureux du monde, c'est de lui que nous avons appris à aimer[7] » 2, et l'on voit de graves professeurs s'exalter, à jour dit, sur le mystère de l'amour. Cornelius Agrippa ouvre un cours sur le Banquet de Platon par cette tirade : « Je viens vous expliquer la doctrine qu'a exposée le divin Platon dans son Banquet, sur l'amour. Mon discours a pour auteur et pour cause l'Amour ; moi, tout enflammé des éclairs de l'amour, je vous prêche l'Amour. Loin d'ici, loin de cette respectable leçon, quiconque, embourbé dans les ornières du monde, créature de Bacchus ou du dieu des jardins, traîne dans la boue, comme les chiens ou les porcs, l'Amour, ce don divin. Vous, chastes hommes, consacrés à Diane et à Pallas, salut à vous ! Venez écouter avec attention le divin mystère[8]. »

Philippe Béroalde va plus loin : il entreprend, « sans fausse honte, » de déduire, devant ses jeunes élèves, la philosophie de Properce : « Oui, s'écrie-t-il avec âme, nous louerons l'amour, le dieu seul et avant tout louable, louable par excellence ; nous vous montrerons que la poésie d'amour et les poètes d'amour conviennent aux plus graves professeurs, et que ce genre de poème est digne de faire l'objet d'un cours public et complet dans une université de lettres. » Et le voilà occupé, pour toute son année, à établir une distinction entre l'œuvre écrite et l'homme, suivant cet aphorisme de Catulle, qu'un poète peut parfaitement passer pour honnête, chaste et pieux, sans que ses œuvres aient la même réputation, pourvu qu'on leur trouve du sel et de l'esprit. Ovide aussi avait dit : « Ma plume est lascive, ma vie ne l'est pas. » Béroalde insiste très vivement sur ce principe tutélaire, et, pour étayer sa démonstration, il s'amuse à lire les passages les plus gaulois le Platon et de la Bible : « cependant, ajoute-t-il fièrement, tout le monde lit la Bible[9]. »

Outre qu'elle répandit ainsi la doctrine d'amour, la religion du beau se complut naturellement dans la beauté de la forme, et elle donna aussi, de ce chef, une direction très positive.

D'abord, elle mit fort en honneur un genre d'écrits que, pour plus de brièveté, nous appellerons d'un seul mot la littérature de conversation. On ne s'en étonnera pas, puisque la conversation servait à la fois de moyen et de but, et qu'elle paraissait la réalisation du bonheur platonique. Si l'on avait le malheur d'écrire, on prenait au moins toutes les précautions possibles pour ne pas en avoir l'air, et certainement bien des auteurs de dialogues, de nouvelles, de narrations diverses, ne les ont mis sur le papier que pour conserver le souvenir de conversations réellement tenues, ou, tout au moins, parce (lue, dans un moment de détresse, où la conversa-l ion leur faisait défaut, ils se sont trouvés réduits à prendre la plume pour se donner la riposte à eux-mêmes. Les critiques de notre temps, qui préfèrent parler tous seuls, sous forme de conférences ou d'articles, sont portés à voir, dans ce mode dialogué, un artifice de rhétorique ; ils apprécient de la même façon les dialogues de Platon, et nous voyons de très savants platoniciens citer indistinctement telle ou telle pensée de l'un des interlocuteurs comme la pensée de Platon, sans remarquer que dans le même dialogue les divers interlocuteurs expriment sincèrement des idées différentes. La plupart de ces dialogues sont de vraies conversations[10] et ont la prétention de sténographier plus ou moins exactement le pour ou le contre, avec la parfaite liberté d'allures que ne comporterait pas un exposé dogmatique. Bembo, en qualité d'éminent causeur, a endossé la responsabilité de plus d'un dialogue écrit[11]. Et c'est ainsi qu'à l'inverse des habitudes actuelles de nos salons, où, si par hasard la conversation tend un peu à s'élever, nous empruntons nos idées à l'article paru la veille ou à la pièce à succès, le salon faisait le Livre, procédé extrêmement favorable à l'influence féminine !

Le chef-d'œuvre de cette littérature de conversation est, sans contredit, le Courtisan de Castiglione, dont on connaît plus de quatre-vingts éditions ou traductions[12], et dont la vogue presque intarissable a duré plus d'un siècle.

A mesure, toutefois, que les femmes tombent dans la simple sensibilité mondaine, la littérature qu'elles inspirent devient un art de forme plutôt que de pensée, et bientôt il ne reste plus de place que pour la poésie. La poésie envahit tout ; bien entendu, nous ne parlons pas ici de la grande poésie, héroïque, destinée aux appétits robustes ; on se délecte dans le régal d'une belle période musicale qui berce sans émouvoir, dans une sorte de néant magnifique, dans de somptueuses frivolités, faites pour donner à la conversation un élan nouveau.

Gloire à l'improvisateur qui, sous les lambris du château, tandis que, dans les rues, s'élève un vague brouhaha de musiques, de chants ou de processions, sait instantanément ciseler ou cristalliser l'idée jolie, lancer son petit vers, fin comme une flèche, éclatant comme une fusée ! Cet homme-là, partout fêté[13], voit la bienvenue lui sourire dans tous les yeux ; dans une coupe de cristal rare il ne verse qu'une goutte d'élixir, mais d'un élixir qui monte les têtes ; il est maitre du monde. Avec un vers tendre ou spirituel, on fait ce qu'on veut. Bembo a un mot bien typique : lorsque Vittoria Colonna vient de perdre son mari, il lui dit qu'il se sent réconcilié avec le siècle, tant il a vu éclore de sonnets à cette occasion ! Vittoria Colonna, elle-même, dans un tout autre ordre d'idées, en matière de théologie, écrit aussi à un prélat : « J'ai reçu ce matin votre lettre ; j'ai vu dans les madrigaux la force de la vérité ! La poésie sert si bien à tout, qu'un malheureux ambassadeur, à bout d'expédients, pour réclamer ses traitements arriérés, finit par adresser une dépêche en vers à sa souveraine, à Marguerite d'Autriche ! un autre mêle des vers à ses dépêches, dans le simple but de faire la cour à sa princesse. Un agent d'affaires, chargé d'adresser des renseignements à Vittoria Colonna, prétend qu'il perd la tête en écrivant à une femme si illustre, et qu'il ne peut s'empêcher de parler en vers : « Jusqu'à présent, ses parties divines sommeillaient, le nom de la marquise les fait surgir[14]. » Admirable effet de l'influence féminine, qui galvanise jusqu'à des clercs d'huissier ! On écrit en vers à ses enfants[15], on envoie à ses amis des vers, quelquefois empruntés[16].

Dans toute cette production poétique, le sonnet tient le rang le plus utile, parce que, grâce à sa forme étincelante et concise, il fait bien dans une vitrine parmi les petits trophées du cœur. Il répond admirablement aux goûts des femmes ; il est bref et net, il porte sur un mot, il permet d'exprimer les impressions les plus diverses et les plus variables.

Aujourd'hui, nous ne comprenons pas très nettement le succès qu'ont pu obtenir certaines pièces de circonstance, par exemple les dithyrambes de Molinet dès que Marguerite d'Autriche met le pied hors de chez elle[17]. Ces bijoux d'autrefois nous font l'effet de ces perles désenchâssées et mortes, qu'on trouve chez un brocanteur. Du reste, elles n'ont jamais eu le feu de la passion : on ne leur demandait que de briller uniformément, et on les enfilait les unes après les autres, avec l'idée que tant d'éclats douceâtres et alanguis formeraient à la longue une parure. Quelles parures fines et discrètes, que les mièvreries de Saint-Gelais ou de Michel d'Amboise, ou les Cent cinq rondeaulx d'amour, publiés par M. Tross, ou l'Hécatomphile — c'est-à-dire les cent amours —, et tant d'autres encore[18] ! On avait dans l'oreille un air d'Ovide[19] ou de Pétrarque, un air fade, banalement sublime, déjà mille fois utilisé, et on continuait à dévider la chanson de « l'exquis » chantre de Laure[20], à le piller, à le commenter, à le torturer[21], en levant les yeux an riel à la façon des filles de Greuze[22] ; et, ainsi, on se croyait des dieux[23] ! « J'espère, s'écrie Arétin en riant aux éclats, que l'âme de Pétrarque n'est pas torturée dans l'autre monde comme dans celui-ci ! » On était loin des vigoureuses inspirations réclamées par Pompeo Colonna. Quelques âmes gémissantes faisaient de secrètes réserves contre l'entraînement de cette sensibilité. Vittoria Colonna[24], Isabelle d'Este[25] gardaient à Dante une partie de leur cœur ; mais comment réagir ? On essaya fort gauchement. En France, il se forma une ligue d'affreux pédants, « escumeurs de latin, » qui, pour se séparer du vulgaire, pratiquèrent une espèce de jargon prétentieux et intolérable En Italie, Spagnuoli s'égosilla bien vainement à tonner contre l'alliance franco-italienne[26]. Capilupi, encore moins adroit, fit la sottise de s'en prendre aux femmes[27]. Au fond, il avait raison.

C'est aux femmes qu'il appartenait de nous garer d'un si lamentable écueil. Malheureusement, par suite de cette éternelle timidité et de ce manque d'énergie qui devaient tuer leur influence, elles se laissèrent tout à fait ensorceler. Il était écrit qu'elles sauraient vaincre, mais qu'elles ne profiteraient pas de la victoire : qu'une fois maîtresses du monde, la faiblesse reprendrait le dessus ; que n'étant plus fouettées par la passion, elles s'arrêteraient devant une boutique de confiseur...

Le chef-d'œuvre de ces confiseries prétentieuses consistait à élever un monument de vers à la gloire d'une femme désignée.

Jeanne d'Aragon fut, de son vivant, l'objet d'une déification de ce genre, pour laquelle l'Académie de’ Dubbiosi de Venise procéda suivant les formes de la procédure employée à Rome en matière de canonisation : il y eut d'abord un décret préparatoire, puis un procès sur la proposition faite par quelques membres de partager l'apothéose entre la délicieuse Jeanne et sa sœur, la marquise du Guast ; puis, un décret, savamment motivé sur l'opposition que firent jadis les pontifes romains au projet de Marcellus de dédier à la fois un temple à la Gloire et à la Vertu, et portant que l'honneur serait réservé à Jeanne seule, qu'on se bornerait à encenser de quelques allusions la marquise du Guast.

Le temple fut élevé : en somme, il était dans le plus pur style de la Renaissance : cosmopolite, artistique, féministe. Il contient d'assez jolis morceaux : Ruscelli célèbre en vers convenables la charmante Jeanne, adorable et divine. Mais cela montre seulement combien les plus belles choses ont le pire destin, lorsque la vie s'en va et qu'on la remplace par du fard. Le fard, c'est le ramassis de poésies en toutes langues connues ou inconnues, hongroise, hébraïque, syriaque, slavonne... En réalité, l'idée vraiment esthétique était absente

Il y a aussi, surtout en France, toute une délicate littérature de caniches et de petits oiseaux, qui ne manque pas de charme, ni surtout de sensibilité, car elle est généralement funéraire. Saint-Gelais, Eustorg de Beaulieu, Marot ont pleuré, à l'instar de Catulle, sur des moineaux, comme celui de l'insensible Maupas :

Las, il est mort (pleurez-le, damoyselles),

Le passereau de la jeune Maupas ;

Ling aultre oiseau, qui n'a plume qu'aux aisles,

L'a dévoré : le congnoissez-vous pas ?

C'est ce fascheux amour...

... Par despit, tua le passeron,

Quand il ne sçeut rien faire à la maistresse[28].

Vert-Vert, dont les infortunes n'ont pas cessé de nous attendrir, est né en ligne droite[29] du perroquet de Marguerite d'Autriche, qu'on avait laissé mourir pendant une absence de la maîtresse, et qui, par conséquent, passa pour être mort de désespoir. Du Bellay a consacré à la mémoire d'un petit chien quelques-uns de ses vers les plus exquis[30]. Bref, comme on le voit, tout procède d'un sentiment de douceur, à la Berquin ou à la Florian. Le cardinal de Médicis aime à s'intituler « le chevalier errant ». Les hommes, sous la fine main qui les mène, semblent de douces brebis, un peu émasculés peut-être, peut-être incapables d'une nourriture plus substantielle[31], mais polis, doux, gracieux ! On leur reproche de perdre leurs griffes, qu'on se rassure ! Pour peu qu'on touche il leur intérêt ou à leur amour-propre, il y a encore place pour une rhétorique réaliste ! Écoutez, derrière le théâtre (ou même devant), Politien, l'ange délicieux, appeler un obscur contradicteur, nommé Mabilius : « crasseux, cadavérique, proie des teignes[32]... » et ainsi de suite.

Puisque nous avons commencé la confession des femmes au point de vue intellectuel, achevons-la.

Elles firent plus que polir à outrance leurs amis fidèles ; peu à peu, par entraînement, elles se laissèrent aller à prendre elles-mêmes tendrement la plume, avec l'arrière-pensée de faire profiter le public des trésors de leur sensibilité.

Mon Dieu, écrire un livre, même en vers, n'est pas un crime. Mais comment les femmes ne comprenaient-elles pas qu'en se donnant des airs publics et professionnels elles rompaient précisément avec leur système ?

Elles pouvaient, il est vrai, invoquer l'exemple de l'Espagne, où leurs semblables n'éprouvaient aucun scrupule à se manifester dans la science. Mais la situation de l'Espagne était tout à fait différente : là, il s'agissait de femmes de haut vol, qui abordaient des régions purement scientifiques avec une vigueur extraordinaire ; des femmes du monde éclatantes et célèbres, la marquise de Monteagudo, clona Maria Pacheco de Mendoza[33], la jolie Isabelle de Cordoue, plus riche encore en latin, en grec et en hébreu qu'en biens terrestres, Catherine Ribera, le chantre de l'amour et de la foi, ou bien les deux « professeurs » de rhétorique aux universités (le Salamanque et d'Alcala, ou Beatrix de Galindo, qui enseignait le latin à la reine, ou Isabelle de Rosères, qui prêchait dans la cathédrale de Tolède, qui vint à Rome convertir les juifs et commenter Jean Scott devant un parterre de cardinaux ébahis ; Loysa Sygea, encore, la plus illustre de toutes, (l'abord enfant prodigue, puis Père de l'Eglise, qui parlait les langues les plus inédites... Voilà des femmes pleines de sève et d'énergie, que personne ne s'étonne de voir prendre de haute lutte le premier rang dans les sphères du beau langage, de la philosophie, de la théologie ; mais vraiment sont-ce bien des femmes ? ou plutôt apportent-elles quelque chose de nouveau à l'humanité ? Sont-ce des apôtres du bonheur ? Non, elles prêchent la raison, mieux, aussi bien ou plus mal que les hommes, voilà tout. L'idéal de la France[34] et de l'Italie[35] est différent ; il exige plus de discrétion. Les femmes peuvent être tout aussi instruites ; la science du latin est si répandue parmi elles, même au fond des campagnes[36], qu'on ne s'en vante plus ; beaucoup abordent l'hébreu[37] ; on va jusqu'à dire que la rhétorique leur est une vertu aussi nécessaire, sinon davantage, que la chasteté[38]. Seulement, on reste invinciblement fidèle à la maxime que les femmes doivent régner par le charme plutôt que par le raisonnement, et, s'il est nécessaire de s'armer pour la lutte, leur habileté suprême consistera toujours à paraître désarmées, à garder leur esprit libre et aimable, toute la fleur de leur bonne éducation, à rester grandes dames et « amateurs ».

Est-ce au moment où les délicats des délicats se garaient de l'imprimé comme d'une faute de goût, comme de ce que Montaigne appelle un « embesoignement oisif », que les femmes devaient descendre dans l'arène et s'adresser au cœur d'un passant banal et distrait ? Violer leur pensée en l'imprimant ? On petit parler au public pour les choses viriles, pour les déductions logiques de vérité, pour le martelage du raisonnement, pour l'histoire, la philosophie, la théologie, pour tout ce qui est de fer et de roc. Mais le sentiment a des grâces qui ne fleurissent bien qu'en serre ; les vraies femmes de ce temps-là ont des airs d'orchidées, singulières et rares, d'orchidées à parfums subtils, et qui se replieraient sur elles-mêmes au premier souffle. La même pudeur qui défend les finesses de leur corps contre tout œil indiscret et qui ne sourit qu'aux amis semble envelopper leur âme. Il ne leur déplaît pas de s'entendre appeler les dépositaires de la « bonne doctrine[39] », ou mime de se voir attribuer plaisamment quelque jolie œuvre qu'il est évident qu'elles n'ont point faite ; Arétin est un bien adroit et amusant flatteur de faire demander par l'acteur, en prologue d'une de ses comédies les plus épicées, si la pièce n'a pas pour auteur Vittoria Colonna ou Veronica Gambara[40]. Mais la femme la plus savante, la plus instruite du monde, Marguerite de Savoie par exemple, ne laissera jamais vanter que sa « divine bonté[41] ». Les nobles dames ne prennent pas plus la plume, qu'une bonne maitresse de maison n'a besoin de prendre un balai ; elles dictent volontiers jusqu'à des lettres intimes, avec la belle nonchalance de Talleyrand, qui, du reste, lui aussi, entendait assez bien son métier. Si elles se surprennent à écrire, c'est par distraction pure, après avoir peint, sculpté, fait de la tapisserie, joué de la harpe, chanté[42], que sais-je ? dansé, caracolé ; alors, elles pensent à leur âme, si elles en ont le loisir, elles lisent un psaume ou une nouvelle[43], ou bien, pour « fuir l'oisiveté », pour se débarrasser de l'obsession d'une idée qui les persécute, les voilà qui cisèlent artistiquement leur idée sous la forme d'un sonnet. Ainsi comprise, la poésie est l'art divin ! et bien peu de femmes ont su y résister, du moment où cela leur paraît la même chose que de peindre un éventail !

Marguerite d'Autriche[44] s'est plu à graver, dans de petites poésies, le souvenir des épreuves de sa vie, et même — dans l'intimité absolue — elle n'a pas dédaigné d'adresser quelques épîtres en vers à ses fidèles ou à ses fonctionnaires[45]. L'aimable Graville, la belle Chateaubriand, si prisée de François Ier, excellaient dans ce passe-temps, et, quand on voit Suzanne de Bourbon[46] elle-même payer son tribut, on peut bien penser que la mode fut générale[47]. Mais de là à se proclamer poète, il y avait un abîme, et, lorsqu'il fut franchi, la décadence apparut, parce que l'art exquis et primesautier fit aussitôt place à l'affectation. Aux femmes purement charmantes succédèrent des bas-bleus, telles que Mme de Morel et ses trois filles, ou Mme des Roches. Il y eut des « femmes écrivains », et l'académie des Valois trouva tout naturel de les admettre[48].

Lyon a été la capitale de la poésie féminine, et certainement c'est là qu'on peut le mieux apprécier comment et pourquoi les femmes tombèrent dans ce petit travers, de devenir -des écrivains patentés. Ce ne fut pas tout à fait leur faute ; elles ne cédèrent que le jour où elles ne purent plus exercer autrement leur influence.

Lyon était la ville riche, aimable, élégante, rivale de Paris pour les couturières[49], la « Florence française »... Elle recevait souvent la cour.

Anne de France, comme souveraine des environs, y avait d'abord exercé une influence très directe ; puis Marguerite de France y vint plus d'une fois, et volontiers, comme en pays ami.

Les Lyonnaises, jalouses du « grand et immortel los » que s'étaient acquis leurs voisines les Italiennes, voulurent aussi s'imposer aux hommes et faire l'honneur de la France dans le présent et l'avenir[50]. Tout devint musique et poésie, poésie et musique[51]. Marguerite de France sourit fort à ce jasement universel. Jusque-là, et sauf le développement un peu excessif de la sensibilité, rien de plus légitime et de plus naturel : les maris faisaient fonction d'archivistes, ils classaient avec piété les papiers de leurs femmes et cultivaient leurs réputations. Un jour vint pourtant où il parut funeste de laisser à de seuls maris la garde de tant de trésors. Du Moulin, le secrétaire de Marguerite, se chargea de porter un coup aux pudeurs féminines : sur la demande expresse d'un mari, il publia les œuvres de Mme Pernette du Guillet, qui venait de mourir ; il eut bien soin d'indiquer qu'il entendait ainsi rendre un hommage collectif à tant « de belles et vertueuses Lyonnaises » ; il provoquait les autres à des confidences.

Les vers de Pernette du Guillet, un peu blancs, un peu sublunaires, n'avaient rien de particulièrement flatteur pour le mari qui les avait si bien gardés. Pernette avoue avec sincérité qu'elle n'a pas connu le bonheur ; et comment aurait-elle pu le connaître ? Elle s'éparpillait sur tant de choses ! elle parlait toutes les langues, elle jouait de tous les instruments, et, de plus, elle avait de la beauté ! Les sentiments qu'elle exprime oscillent simplement de la volupté très douce à l'amertume.

Louise Labé, gloire de Lyon ! a mieux servi sa cause. Nous remplirions plusieurs pages de la liste de ses vertus : blonde, riche, élégante, danseuse, chanteuse, écuyère, italianiste, elle traînait après elle un tel flot d'admirateurs, de commentateurs, de panégyristes, de biographes, de glossateurs, que sa mort n'arrêta pas l'élan et provoqua un tombeau de vers.

On n'a pas cessé de discuter sur le compte de cette femme passionnante ; on a même rompu des lances relativement à sa vertu, dont feu M. de Ruolz se porta jadis le garant et le paladin, mais que deux érudits, pourtant Lyonnais, MM. Gaullieur et Gonon, ont depuis lors battue en brèche assez lourdement. Cela nous importe peu, car, même théoriquement, nous ne revendiquons pas Louise Labé comme une des gloires du pur platonisme ; elle monte trop à cheval et s'en vante trop, elle a des airs bravaches et faussement langoureux, elle sent la décadence ! Et cependant, quoiqu'elle n'ait pas fait, comme Pernette du Guillet, le léger effort d'attendre d'être morte pour publier ses vers, elle affecte encore une modestie qui précisément nous déplaît. Ce n'est pas son mari qui la pousse à paraître, ce sont ses amis ; ils insistent, ils jurent de « boire la moitié de la honte » ; alors, « pour ne pas sortir seule, » elle dédie son livre à une autre femme, Clémence de Bourges.

A part ces minauderies, Louise est franchement persuadée des bienfaits de la domination féminine, et on sent qu'en affrontant la publicité elle obéit à un sentiment de devoir ; elle fait tête à l'ennemi, comme un brave capitaine qui se jette hors des remparts pour rallier ses troupes un peu débordées. Elle conjure les femmes de ne point se laisser dépouiller de « l'honneste liberté » si péniblement conquise : liberté de savoir, de penser, de travailler, de briller. Le bonheur ! elle ne se fait plus l'illusion de le promettre à coup sûr, ou du moins elle est revenue du rêve de l'absolu ; mais elle se dit qu'au moins « on peut adoucir le long voyage[52] ». Elle ne perd pas de vue que c'est la fonction des femmes de répandre la douceur et la poésie, de mitiger les insociabilités, (l'inspirer l'énergie ! L'expérience déjà faite ne lui parait pas décourageante, bien au contraire ; la vie intellectuelle prend de jour en jour une ampleur plus magnifique, et cette ampleur est le résultat de l'action des femmes ! le pendule de toute la grande vie intellectuelle, c'est l'amour. Ainsi dit Louise Labé.

Tullia d'Aragona, qui soutient, en d'autres termes. la même théorie, est une des rares Italiennes qui n'aient point redouté la réputation de femme auteur ; probablement, parce qu'elle se trouvait déjà en marge du monde. En général, elle n'emploie pas beaucoup de circonlocutions et va droit au but avec une éloquence vigoureuse. Ses poésies, presque toutes adressées à des hommes, traitent des sujets les plus graves, notamment de sujets religieux. Tullia possède cette grande supériorité de connaître à fond l'humanité ; Calvin et Ochino ne sont à côté d'elles que des échappés de sacristie, et elle leur reproche avec quelque raison de frapper à tort et à travers, sans distinguer ce qui est sérieux de ce qui est inoffensif. Quant à elle, quelle sagesse[53] ! Le poète Arrighi ne peut s'empêcher de s'écrier : « Vittoria Colonna est une lune, Tullia un soleil. » Elle célèbre l'amour pur sur le vrai ton lyrique et énergique : « la folie magnifique, la folie admirable, qui suscite seule les grandes entreprises[54] ! » Tandis que trop souvent les femmes immaculées, Vittoria Colonna, Veronica Gambara, nous étouffent de sensibilité langoureuse : « Quand j'étais heureuse en aimant... j'exhalais avec des accents pieux et calmes les concerts de mon cœur... », Tullia, dégagée depuis longtemps de ce calme et de ces illusions religieuses, suit qu'il faut vouloir et qu'il faut agir ; elle ne demande pas l'impossible, mais, en revanche, vaillamment elle excommunie Boccace et ses Nouvelles scélérates, devant qui les timides femmes du monde s'inclinent jusqu'à terre. Dans un dialogue avec deux messieurs, elle raisonne de l'amour sur un ton tout à. fait platoniste, elle en scrute la casuistique : « La fin de l'amour en est-elle le terme ?... Vaut-il mieux aimer ou être aimée ? » Elle préfère être aimée, cette fine artiste, parce qu'en aimant on subit l'impulsion, tandis qu'en étant aimée on la donne. Les femmes qui ont vraiment aimé seront peut-être d'un avis différent ; et, cependant, voilà bien, formulée en une ligne, le grand débat du temps. L'art des femmes aurait dû être de se faire aimer et de donner l'impulsion ; elles se sont prises souvent à leurs rets, elles ont aimé et, par suite, au lieu de recevoir, elles ont donné. « Le cœur a des raisons que la raison ne conne pas ! »

Ces quelques spécimens de l'œuvre littéraire des femmes suffisent à nous montrer qu'en somme, sauf en Espagne, la littérature féminine sort de l'amour pour rentrer à l'amour. On ne peut pas attribuer à ces divers écrits une bien grande influence sur la crise intellectuelle de la Renaissance ; ils ne font guère que développer plus ou moins intuitivement la philosophie platoniste.

En revanche, les femmes, par l'action individuelle et personnelle, ont exercé une influence intellectuelle énorme, surtout en Italie. Elles portent leur grâce là où les théologiens du moyen âge, qui se nommaient volontiers les « docteurs des pauvres[55] », ne pénétraient pas, parmi les pauvretés du cœur ! Elles répandent ce vernis de douceur étrange, singulière, dont la trace n'a pas disparu[56] ; elles intellectualisent la société[57], et, dans un pays essentiellement désigné pour devenir la proie de l'or et du luxe, elles retardent le moment où l'on n'appréciera plus les hommes qu'à la dorure de leurs lambris ou à l'épaisseur de leurs tapis.

Au nord des Alpes, on ne peut pas très facilement mesurer les effets de leur action. Il y a une résistance trop forte : le monde masculin se laisse difficilement entamer ; les hommes frémissent, il semble qu'on leur arrache l'âme, ou qu'on veuille les dégrader, en leur proposant de se soumettre, à quoi ? à une sorte de bonté intellectuelle ! Ils ne veulent pas entendre parler des femmes, pour l'esprit. Les Allemands ne leur reconnaissent aucune intelligence en dehors du ménage[58]. Ce que les Italiens appellent intelligence, ils l'appellent, eux, bavardage, rouerie, esprit de contradiction[59] ! Ils repoussent ces satisfactions-là, ils n'entendent pas se laisser tondre par Dalila[60], ils diraient volontiers, comme un fier personnage de M. de Curel, qu'il n'y a qu'égoïsme au monde, et que l'égoïsme qui crée la vie vaut mieux que celui qui s'emploie à consoler de vivre. En fait de poésie, ils sont d'avis d'accueillir les galantes aubades en leur versant un seau d'eau[61]. Et si les Italiens parlent de barbarie, « de gens sans cervelle[62] », on leur répondra, un jour de bataille, en leur montrant ce que pèse un peuple sensible et cérébral. Erasme qualifie d'Italien « quiconque est honnête et docte[63] » : à merveille, mais où en sont arrivés les Italiens avec ces belles idées ? Ils raisonnent, ils ne se battent plus[64]. Ne me parlez pas des Vénitiens, disait Louis XII, « ils ne savent pas mourir[65] ». Savoir mourir, voilà la vie.

Virile, sévère, frugale, pauvre, rustique souvent jusqu'à la grossièreté, l'Allemagne soutenait en ces termes, contre le paradoxe intellectuel, la vieille guerre orgueilleuse de l'empire contre le sacerdoce, et l'abîme se creusait une fois de plus entre les corps et les esprits, entre la matière et l'âme, la force et la liberté. Des bords du Rhin, on lança contre les fragiles vœux de l'italianisme de furieuses volées de projectiles. Brandt publia cette fameuse Nef des fous, dix-sept fois rééditée de 1494 à 1520, et qui fut aussi traduite, aussi copiée, aussi imitée dans le monde germanique que Pétrarque l'était dans le monde latin ; œuvre injuste et amère, où défilent, comme dans une baraque de foire, tous les petits profils grotesques, qui faisaient la joie de l'esprit et du cœur ; non seulement, cela va sans dire, les vieilles têtes de turc, comme le médecin ou l'astrologue[66], mais les types nouveaux, le savant à lunettes, en train de cuisiner sa réputation sous prétexte de Platon ou de Ménandre ; l'homme du monde, vrai bâton de cosmétique, mais bel esprit, amoureux, évaporé, occultiste : tout, jusqu'aux explorateurs, dans un temps où l'on ne rêvait que libre-échange et suppression de frontières, au temps de Colomb et de Vasco de Gama. Le vieil Allemand ne voit, dans la plupart de ces chercheurs d'aventures, que des voyageurs autour de leur chambre ou de vils conférenciers, et parmi ceux qui voyagent réellement il distingue déjà, avant Sterne, les désœuvrés, les curieux, les menteurs, les orgueilleux, les vains, les vaporeux, les voyageurs forcés, les voyageurs malfaiteurs et félons, le voyageur innocent et infortuné, le voyageur simple. On n'oublie guère que le voyageur sentimental[67].

Quant aux « poètes », inutile de dire si un vrai Allemand bafoue ces gens en us, sorte de Tartarins intellectuels, qui, en réalité, épousent des femmes vieilles et même riches[68].

Et, là-dessus, les têtes s'échauffaient, on constatait la décadence des mœurs, la désertion' des campagnes, l'afflux de la population dans les villes, et on s'en prenait à Rome, tête du mouvement : Rome sans gouvernail, Rome sans boussole, alliée à l'esprit nouveau dont elle devait périr[69].

Puis, quelques années après, lorsque, malgré tout, la marée montante finit par faire sentir sa force, l'antagonisme changea de face. On se mit à reprocher à la science italienne un caractère d'apparat superficiel. On rit de la bibliophilie. Ah ! vraiment, Ptolémée Philadelphe a été un bien grand homme de réunir 40.000 volumes à Alexandrie ! autant vaudrait un âne chargé de guitares et qui :e croirait musicien[70] ! Soit : mais on ne s'en tient pas là, et vraiment, malgré tout ce que nous savons des violences de l'esprit de parti, nous ne pouvons pas nous défendre d'un certain étonnement, en entendant un homme tel que Marot jeter, de haut, à la Rome de Léon X, l'épithète d'« ignorante », ou Mélancthon traiter l'Italie de « ténébreuse Egypte, en proie aux pires ennemis des lettres et de l'étude ». Il semble qu'on aurait pu s'attendre à toutes les accusations, sauf à celle-ci.

Or ces idées allemandes étaient à demi françaises, de sorte que, dans cet ardent assaut réciproque, l'Allemagne impériale et l'Italie papale, malgré quelques brèches, conservèrent assez bien leurs positions, tandis que la France, tiraillée par deux impulsions contraires, s'émiettait. Aux portes mêmes de Lyon, la douce cité féministe, les germanistes et les huguenots répondaient brutalement à toute la poésie des femmes par le mot de d'Aubigné : « Quand le rossignol a des petits, il ne chante plus. »

Outre beaucoup de gens graves et à peu près tous les hommes politiques, partisans de l'autorité et même de la force, le dilettantisme italien trouva encore en France pour ardents adversaires les tenants de la vieille gauloiserie[71], qui continuaient à aimer les déshabillés naturalistes[72], les synthèses[73] ou les analyses de la chair[74]. Il semblait qu'on leur fit injure de vouloir leur imposer un pétrarquisme guindé et gêné pour les alanguir[75]. Pourtant, si le pétrarquisme n'apportait pas grand'chose, il n'était pas bien coupable d'amollir certaines verdeurs, et de remplacer par ses propres fadaises les fadaises de tant d'illustres inconnus, les Jean Picart, les Etienne Clavier et autres[76].

Dans un milieu aussi troublé que l'était alors la France, nous serions donc portés à conclure que l'influence intellectuelle des femmes fut négative, dans le sens scientifique du mot. Les femmes agirent comme M. Pasteur. Notre âme était remuée, agitée, accablée par une foule de microbes inaperçus : elles ne nous ont pas apporté une formule positive de santé, mais elles ont cherché à stériliser les mauvais germes, à faire de l'air pur et de l'eau claire.

Même après les bourrasques du XVIe siècle, on ne peut pas dire qu'il ne soit pas resté vestige de leur effort. Car c'est le caractère de la France d'être un pays complexe et facile, où rien ne triomphe, mais où tout réussit, où rien ne subsiste, mais où rien ne se perd ; aujourd'hui encore, à Paris, il suffit de passer une heure en voiture pour traverser les quatre ou cinq derniers siècles de notre histoire. Le féminisme du XVIe siècle a apporté et laissé une nouvelle couche de traditions ; on ne pouvait pas lui demander davantage.

La violence de l'opposition nous porte aussi à excuser quelque peu la timidité que nous avons signalée chez les femmes haut placées ; les vraies audaces ne pouvaient réellement venir que d'eu bas. Nous avons vu combien Marguerite de France, appelée à vivre dans le cercle restreint d'une élite, avait de peine à s'orienter, puisqu'elle ne trouvait autour d'elle que des contradicteurs. Lorsque son platonisme effrayé arriva enfin, vers 1540[77], à formuler comme en Italie une direction positive par la plume d'Héret de la Maisonneuve, et qu'il en résulta des passes d'armes, Marguerite louvoya prudemment, goûta Iléroêt, goûta son adversaire La Borderie. Et cependant, on sentit le frein[78], et autour d'elle il fallut chanter l'amour sur un mode plus philosophique. Le sauvage Des Périers lui-même, type de l'homme qui aime à donner un coup de dent[79], se vit réduit à traduire le Lysis de Platon, sous ce titre anodin : « Queste d'amytié[80]. »

La victoire resta ainsi modeste et indécise, un peu en disproportion avec le grand enthousiasme qu'on avait déployé. Les beaux traités triomphaux sur l'excellence et le mérite transcendant des femmes, ces pierres sacrées, débris du culte, dolmens abandonnés, sont presque tous italiens. Marguerite manifestait une certaine réprobation quand elle entendait mal parler des femmes ; mais elle n'inspira pas, comme Vittoria Colonna et comme lien d'autres, de glorieux dithyrambes. On continua, en France, à discourir très librement pour ou contre les femmes.

C'était même un vieux jeu français de société, que celui-là : chacun y disait son mot, quitte à changer de camp[81], et l'on se passait une foule de vieux clichés plus ou moins amusants : « Eve était femme ; Dieu s'est fait homme ! Il n'y a pas de femmes parmi les prêtres ! Il est bien commode de coucher seul ! Je n'ai jamais été ni amoureux ni marié, grâces à Dieu[82]. » Un instant, au XVe siècle, on avait pu croire que le niveau intellectuel de ce petit jeu s'élèverait, enfin, jusqu'au mode italien ; un Normand, nommé Martin Le Franc, que ses fonctions de secrétaire de Félix V avaient rendu à demi pontifical, jota un instant le grand mot qui allait faire flamber l'Italie : « Les femmes sont les apôtres du bonheur, parce qu'elles sont les apôtres de l'amour universel et nécessaire. » Quelques petites académies ou puys d'amour, éparses en Picardie et en Flandre, s'enflammèrent sur cette idée, mais sans en rien tirer de mieux qu'un encouragement au ramage de l'ancienne chevalerie, qu'elles se piquaient de continuer ; puis les farouches manifestations allemandes vinrent donner le coup de massue, et, lorsque l'opinion s'éprit de Brandt et de Geyler, les féministes français rougirent et se donnèrent des airs récalcitrants[83]. On n'éleva donc pas de monuments à la gloire des femmes, et même un chef-d'œuvre de notre art de gravure, une Nef absolument charmante, parue vers 1500[84], est consacrée à leur dénigrement : c'est une série de petits tableaux, qui représentent d'abord Eve, l'inévitable, puis la coquetterie, la musique, les dîners, les parfums, l'amour. L'auteur ne va pas jusqu'à dire qu'il trouve tout cela ennuyeux, mais il insinue qu'à son avis ce n'est pas parmi de pareilles frivolités qu'il faut aller chercher une idée sérieuse.

Les Français veulent bien reconnaître aux femmes certaines qualités morales : la bonté, le dévouement ; une femme qui n'aurait qu'une chemise, la donnerait[85], on le sait. Un écrivain met dans la bouche d'Eve un cri de dévouement sublime, au moment où elle est chassée du Paradis : « Tue-moi ! crie-t-elle à Adam ; peut-être que Dieu te remettra dans le Paradis ![86] » Néanmoins, elle l'en avait fait chasser. Mais, en grande majorité, les Français, fort injustement, croient la légèreté, la variabilité, le défaut d'originalité, des défauts inhérents au sexe et non point seulement le résultat d'une fâcheuse éducation ; si des femmes instruites citent Platon ou saint Thomas, on se moque d'elles, on ne veut pas croire qu'elles aient un avis personnel, on raconte qu'elles se sont fait « seriner », que « la doctrine leur reste sur la langue, qu'elles n'ont rien de naturel, qu'elles disparaissent sous l'art ». Il semble qu'une femme soit frappée de l'incapacité radicale d'éprouver une idée individuelle[87]. Montaigne, qui se vante pourtant d'être platonicien et anti-épicurien[88], résumera très bien tous ces vieux préjugés en refusant net de prendre la femme pour autre chose qu'un joli animal. Sa vertu — pour la femme, car ce n'est pas celle de Montaigne —, c'est la fidélité corporelle ; l'idéal, Anne de Bretagne faisant de la tapisserie dans la chambre conjugale[89]. Montaigne admet, à la rigueur, que la coquetterie féminine peut arriver à ennoblir l'amour, mais sans en changer la destination : « On fait quelque chose sans les grâces de l'esprit, rien sans les grâces corporelles[90]. » Ainsi les voix romaines et papales rompaient en visière à une foule d'idées préconçues en revendiquant pour les femmes le droit absolu de sortir du fard et du cosmétique.

Les Françaises ne se sont pas assez nettement affirmées. On accepte leurs services pour des œuvres domestiques, souvent délicates et difficiles, qui nécessitent beaucoup d'intelligence, mais qui sont considérées comme serviles ou tout au moins comme inférieures ; puis, dès qu'elles tendent à s'élever au-dessus de ce servage, on les arrête, on les renvoie à leur paresse et à leur frivolité, on leur persuade qu'elles n'ont aucun droit à défendre les grandes causes que les hommes désertent trop souvent, et elles le croient. A tant d'hommes inutiles, on s'empresse d'ajouter des femmes inutiles[91] ! Mais n'est-ce pas un abus de les ensevelir ainsi toutes vivantes, pour les empêcher de paraître ? Est-il permis d'infliger à la moitié de l'espèce humaine un malaise d'autant plus affreux que, la plupart du temps, la victime ne se l'explique pas à elle-même ? Une femme, ayant tout ce qu'il faut en apparence pour le plus parfait bonheur, et cependant réellement malheureuse et malade à force de vide, s'écriait, auprès de nous : « Il me manque quelque chose ! il y a dans mon âme des facultés étouffées, inutiles, trop de choses qui ne se développent pas et qui ne servent à rien ni à personne[92]. » Combien y en a-t-il eu, à toutes les époques, de ces âmes de femmes, profondes, vides, éternellement vierges, qui souffrent de ne pas se donner, qui, pudiquement, vivent repliées ! et pourquoi ? pour le seul profit de l'égoïsme des hommes ! « Non, cela ne doit pas être, ripostait avec feu un spiritualiste convaincu. Si les hommes se plaignent de se voir égalés ou surpassés, tant pis pour eux ! qu'ils s'en prennent à eux-mêmes ! c'est qu'ils ne sont pas dignes de leurs femmes ![93] » Celui qui tenait ce langage n'était pas Français ; c'était un prélat romain, Jean Monti, secrétaire apostolique.

 

 

 



[1] Joseph Betussi, François Serdonati le rééditèrent ainsi.

[2] P. P. de Ribera n'a pas exalté moins de 845 femmes. Voir encore Phil. de Bergame, Capacio, Charles Pinto, Lud. Domenichi, Scardeoni, Thotnassini, Brantôme, etc.

[3] Ms. fr. 22326.

[4] Temple d'honneur et de vertus, dédié à Anne de France. Il entreprit d'écrire pour Anne de Bretagne les Annales de Bretagne. Il rêvait une histoire des Grecs et des Turcs pour la même princesse.

[5] Longueil, Discours du 8 des nones de septembre 1514.

[6] De Deliciis paradisi.

[7] L., II, p. 164.

[8] Henrici Cornelii Agrippa oratio, in prælectionem Convivii Platonis, Amoris laudem continena, dans ses Opera, édition de Lyon, t. II, p. 1062.

[9] F° 4 v° et suiv. — Archives historiques, I, 322.

[10] Castiglione fit revoir par Bembo les conversations qu'il lui attribuait (lettre du 20 octobre 1518).

[11] Dialogues de Léonicus ; de Castiglione.

[12] Ciani.

[13] Luzio, pp. 89 et suiv.

[14] Lettere volgari, p. 8.

[15] Frémy.

[16] Les canzone espagnoles, insérées par Lucrèce Borgia dans ses lettres à Bembo, ne sont peut-être pas d'elle. (Gregorovius, I, 77.)

[17] Faictz et ditz, f° 29 v°, 30, 111 v°.

[18] Castiglione, cet arbitre du goût, consacre six pages d'excellents dystiques latins à dissuader sa belle d'aller aux bains de mer. H lui dépeint avec charme les monstres marins, qui s'avancent vers les jeunes filles, non seulement pour les livrer en pâture aux poissons, mais pour les enlacer d'abord, dans la torture de leurs embrassements et le reste... « Allons plutôt, soupire-t-il, vers le doux fleuve, dans l'ombre épaisse, parmi les fleurs. Embaumés, couronnés de nos couleurs préférées, nous laisserons l'eau laver tes pieds de neige..., le zéphyr découvrira tes flancs de marbre... Ô ma chère Ame, les dieux sylvestres sentiront la morsure de num amour, l'eau même du fleuve brûlera de mes flammes ; que personne ne sache où nous portons nos pas ! La foule ôte leur charme aux rochers et aux bois... Laissons aller à la mer les jeunes écervelées. Nous, tout bas, dissimulons notre route. Et si, sur les flots, tu entends un murmure, ah ! mon amour, de suite cache-toi dans mon sein ! » (Serassi, II, 300.)

[19] Duplessis. Virgile est fort démodé, cependant on en signale encore çà et là des traductions, par exemple I sei primi  libri.

[20] Lemaire ; Graf, p. 32 ; Cian, p. 217.

[21] Franco.

[22] Éloge de la folie, p. 289.

[23] Domenichi.

[24] Dante col silo et forma de l’Inferno tratta dalla intessa descrittione del Poeta. 1515, 2e édition Aldine, dédiée à la marquise de Pescara.

[25] Petrarca (il), In Tusculano, per A Paganino di Paganini, 1521, avec une lettre de l'imprimeur à Izabella de Gonzaga.

[26] Sylvarum, lib. II, s. II ; lib. VII, sil. III, IV. Son poème contre les poètes impudiques fut édité dès 1508 à Francfort-sur-l'Oder, et traduit en 1562 par N. Bonyer en France.

[27] Cento Virgilianus, Egloga IV, De Natura mulierum.

[28] Cl. Marot, p. 292.

[29] Nous signalons ce rapprochement, que nous ne croyons pas avoir encore été fait.

[30] II, 352.

Mon Dieu, quel plaisir c'estoit,

Quand Peloton se grattoit,

Faisant tinter sa sonnette,

Avec sa teste folette !

Quel plaisir, quand Peloton

Cheminoit sur un baston,

Ou, coifé d'un petit linge,

Assis comme un petit singe,

Se tenoit, mignardelet,

D'un maintien damoiselet !

Ou, sur les pieds de derrière,

Portant la pique guerrière,

Marchoit d'un front asseuré

Avec un pas mesuré.

[31] Arétin, La Pippa, Cf. Borinski.

[32] Opera, Lyon, 1534 ; t. III, p. 284.

[33] Prescott, II, 267.

[34] Allut. En Allemagne aussi M. Janssen (I, 65-68) cite des femmes très lettrées, mais toutes sont des religieuses.

[35] Citons Félicie de la Rovère, la célèbre Mlle Trivulce, les trois filles du comte Matteo Maria Boiardo, capables de tenir tête à n'importe quel savant, Honorata Pecci, de Sienne, qui aborde sans sourciller les plus hautes discussions philosophiques (Firenzuola), et mille autres.

[36] P. de Lesnauderie, la Louange de mariage. En 1500, dans le village d'Auvilliers en Normandie, une fillette de quatorze ans, Jeanne la Fournette, aussi experte en latin que le clerc de la paroisse, chantait au lutrin Ténèbres.

[37] Rousselot, p. 182.

[38] Nifo, De Principe, ch. XXIX.

[39] Rabelais, II, VIII.

[40] La Cortigiana.

[41] Discours de court.

[42] Ms. fr. 599, f° 79 v°, 17 v°, 40 ; f° 86, 29, 42, 20, 27 v° ; f° 13, 53 v°, 34, 18 v°, 22, 22 v°, 53 v°, 58, 42.

[43] Cf. Louise de Savoie.

[44] Anne de France, p. 80 ; Jean Bouchet, le Temple, f° 9, 9 v°.

[45] Lemaire de Belges, Épître de l'amant vert ; fr. 12077, f° 103 v°.

[46] E. Picot, Catalogue, III, 334.

[47] Du Moulin nous cite un bon nombre de dames poètes dans le monde de la magistrature et dans l'entourage de Marguerite.

[48] Frémy, p. 173, pp. 152 et suiv. Cf. Panégyric, Marconville.

[49] Ms. fr. 1121, f° 48.

[50] Citons Jeanne Gaillarde, Jeanne Flore, Jeanne Creste, Jacqueline Stuart, Marie de Pierre Vive et surtout Clémence de Bourges, Pernette du Guillet, Marguerite du Bourg et ses filles, Claudine et Sybille Scève, chantées par Jean Marot, sœurs de Maurice Scève, l'auteur de la Délie.

[51] « Les vers sont le clairon, mais la prose est l'épée. » (L. Veuillot.)

[52] Débat de folie.

[53] Rime, p. 9, 39 v°.

[54] Louise Labé.

[55] Sermones aurei funebres, cunctos alios excellentes, noviter inventi. Pro dectore. Sermo IV. Paris, P. Gaudoul, 1519, in-18.

[56] Navis, édition 1494, f° 2 v°.

[57] Cf. Arv. Barine, Journal des Débats, 2 décembre 1896.

[58] Vers de Brandt, sur l'Apologia de Monti.

[59] Brandt, p. 52.

[60] Brandt, p. 54 et suiv.

[61] Édition 1497, f° 40 v°.

[62] Pontanus, Dialogi, Florence, 1580, p. 7.

[63] I, 379.

[64] « Gli Italiani, col lor saper lettere, baver mostrato poco valer nell' arme, da un tempo in qua. » (Castiglione, liv. I.)

[65] Sanuto.

[66] Navis. Édition de Bâle, 1498, f° 63, 75.

[67] Geyler, f° 21 et suiv.

[68] Hütten, Epistolæ, p. 267. Tout en plaisantant, Hütten traduit assez fidèlement les opinions d'une partie de l'Allemagne, qui ne s'aperçut pas de son sarcasme.

[69] La Nef des folz, 1497, pp. 90, 98.

[70] Navicula sive speculum fatuorum de Jean Geyler et Jacques Other, f° 1 v°.

[71] Jean Marot, p. 237 ; les Dictz de Salomon, le Sermon de saint Jambon, la Fleur de toutes joyeusetez, etc., sans parler de Rabelais.

[72] Voir not. Méon, p. 53, 119.

[73] Coquillart : Contre-blason de d'Estrées, dédié à Louise d'Albret (en 1514).

[74] Blasons du corps féminin, par Eustorg de Beaulieu, un des protégés de Marguerite, à qui il adressa une épitre.

[75] Rondeaux de Robertet, extraits de Pétrarque.

[76] Nombre de ces œuvres sont inédites. En voici un échantillon : Jeunes tendrons, aux poignans mamellettes, etc.

[77] Le Franc.

[78] Dès 1546, Delahaye, un ancien imprimeur d'Alençon, devenu « Silvius », pouvait louer Marguerite du service qu'elle venait de rendre à l'esprit français : Le grossier Cupidon, dit-il, régnait en maître, lorsque l'Amour vrai, descendu du Ciel pour le chasser, trouva chez la princesse son hôtellerie, « et doulcernent se mist sur une haye ». (I, 103.) Selon lui, Marguerite avait réussi à régler les appétits et à introduire pratiquement dans la poésie l'amour philosophique.

[79] I, 89.

[80] P. 46 et suiv.

[81] Le Fèvre, puis Eustorg de Beaulieu.

[82] Voir G. Paris, Romania de 1887, pp. 383 et suiv. ; le Champion des dames ; Louange des femmes, p. 6 ; Guill. Alexis ; Gratien du Pont, f° 22 ; E. Deschamps, III, 308 ; V, 300.

[83] Champier, le Mariage, la Nef des princes. Voir encore la polémique de Bouchard et Tiraqueau, sur la valeur morale des femmes en 1513-1515 (Rabelais, édition Didot, p. 7).

[84] Stultifere naves.

[85] Martin Le Franc.

[86] Vita Ade et Eve, s. l. n. d.

[87] Montaigne, liv. III, ch. III : Des trois commerces.

[88] Liv. I, ch. LI ; liv. III, ch. V.

[89] Poèmes en forme d'épîtres (Ms. de la Bibl. imp. de Saint-Pétersbourg), f° 40 v°, 58 v°, 1 v°. Cf. Epistre de Fausis Andrelin de Forly.

[90] Liv. III, ch. III.

[91] M. le marquis Costa de Beauregard, p. 31.

[92] Costa de Beauregard, pp. 32, 34.

[93] Apologia. Cf. Sermon joyeulx, Rec. Montaiglon, III, 261.