L'influence
féminine s'est affirmée par des résultats très précis. D'abord elle a donné
lieu à l'éclosion de ce qu'on pourrait appeler une littérature technique,
c'est-à-dire d'œuvres destinées à prouver la légitimité et la nécessité du
pouvoir féminin. Le type
classique est le livre de Boccace, Des Femmes illustres. Boccace vivait dans
un temps reculé, qui excuse quelques épigrammes ; il n'en restait pas moins
l'écrivain chéri, parce qu'il avait eu le courage de parcourir l'Antiquité,
de rompre avec Virgile, d'exalter Didon, et d'extraire, le premier, une foule
d'immortels exemples : Cléopâtre, Lucrèce, Sémiramis, Sapho, Athalie. Aussi
n'y avait-il rien de plus sûr que de le rééditer[1], de l'amplifier, de le
pasticher sous toutes les formes, et Dieu sait si on s'en priva[2] ! Outre cette
littérature à la Boccace qui est déjà riche, il faut noter l'apparition d'une
grande famille d'écrits serai-philosophiques, semi-historiques, consacrés à
la louange du sexe régnant ; les défenseurs ne manquent jamais aux causes
triomphantes. Les noms de Bruni, Portio, Lando, Domenichi, bien d'autres
encore, mériteraient certainement une petite place dans les mémoires
féminines : Benedetto de Cesena démontre spécialement l'honneur et la vertu
des femmes, Capella leur excellence, Luigini leur beauté. Le trait commun de
la plupart de ces ouvrages est de se réclamer de spéculations très hautes,
abstraites, impersonnelles, et cependant de viser plus ou moins secrètement
le cœur (l'une certaine femme en particulier. Si Firenzuola dialogue comme
Platon lui-même, c'est qu'il a pour idéal la comtesse de Vernio. Nifo compile
avec ardeur son traité « de la Cour » sous les auspices du prince et de la
princesse de Salerne, et plus spécialement à cause des charmes de Phausine
Rea ; Ravisius Textor écrit ses Femmes mémorables et illustres, parce
qu'il existe une Jeanne de Vignacourt, mariée au président Gaillard.
Nous-même, nous aurions dû nous conformer à cet entraînement et mettre un nom
sur le titre de ce livre ; mais nous écrivons pour des lectrices du me
siècle. Sauf
par le format, les livres dont nous parlons se ressemblent comme des frères :
Chénier pourrait les appeler « des vers nouveaux sur des pensers
antiques » : qui en a vu un, en a vu mille. Tous concluent à l'égalité
de la femme vis-à-vis de l'homme, sinon à sa supériorité. Il suffit, pour en
donner l'idée, d'en citer un, peu célèbre — il n'a jamais été imprimé, et il
ne se trouve au complet dans aucun manuscrit de notre connaissance —, mais
qui met en jeu deux personnages de premier ordre : il fut écrit pour Vittoria
Colonna, par son cousin, le fameux cardinal Pompeo Colonna, vice-chancelier
de l'Eglise romaine. D'abord,
très gravement, le cardinal se met en devoir d'accabler sous le poids de
l'érudition diverses propositions antiféministes, presque toutes tirées du
vieux répertoire du moyen âge : la femme serait-elle un animal imparfait, un
être secondaire, incapable de fonctions publiques, tout au plus bon à
s'agiter et à commettre des indiscrétions ? Est-ce que, même dans le langage
courant, l'usage n'est pas de dire « les hommes » pour parler de l'espèce
humaine ? La Bible et Platon n'enseignent-ils pas, d'accord, que l'homme est
le prototype de la création, celui qui a reçu la vie et qui la transmet ?...
Ces objections réglées, et quelques autres encore, le cardinal aborde la
démonstration des mérites féminins. Il
trouve du sel à invoquer des témoignages barbares ; il fait défiler les
femmes Sauromathes, les Amazones belliqueuses, les femmes des Baléares,
estimées chacune au poids de trois ou quatre hommes en cas d'échanges de
guerre, et puis les Lyciennes, par qui se transmettait la noblesse, et les
Celtes, chargées de la diplomatie et des fonctions d'arbitres. Là-dessus, il
se déclare féministe intempérant, absolu, partisan de l'admissibilité des
femmes à tous les emplois ; la gymnastique et l'armée, préconisées par
Platon, ne l'effraient pas ; il aurait adoré tout bicyclisme, sans
distinction. Si quelque timoré lui objecte les périls moraux du lancement des
femmes dans la vie publique, il sourit et s'emporte presque ; il a beau jeu à
démontrer ce que valent les hommes laissés à eux tout seuls. Son type, c'est
la femme forte, sûre d'elle-même et à. qui sa réserve sert d'armure, la femme
énergique qui défie les petites stratégies comme les grandes violences, la
femme libérale, juste : quelque chose comme cette jeune Spartiate
prisonnière, qui eut l'énergie de paraître aimer son vainqueur et de lui
persuader câlinement qu'elle était imprégnée d'un merveilleux secret
d'invulnérabilité, et qui se fit ainsi trancher la tête. Justes cieux !
s'écrie tout à coup le cardinal, « où découvrir un type plus accompli de
force, de magnanimité que vous-même, à Vittoria ! C'est vous, vous, ô idéal
des nobles vertus, qui avez soutenu votre mari, qui l'avez dirigé, exalté !... » Pompeo a tant d'occupations
qu'il s'excuse de mettre ici un point d'orgue : il prie la marquise d'agréer son modeste opuscule, hommage
l'un cœur chaleureux et convaincu. Nous
devons ajouter que les femmes se montrent reconnaissantes ; dans ce genre de
littérature, on ne perd pas son temps, et bien des gens peu intéressants y
ont trouvé le chemin du succès. Un bohème, moitié mage et occultiste — ce qui
n'était pas rare —, aussi bien soldat que docteur in utrogue,
Cornelius Agrippa, fut nommé professeur de Cabale à l'université de Dole ;
aussitôt, il dédie à sa souveraine, la Régente des Pays-Bas, Marguerite, un
gros livre sur la « Précellence du sexe féminin », un livre savant
et convaincant, quoique à certains moments un peu vert. La chaste Marguerite
ne s'en vandalise pas plus que Vittoria Colonna ne parait s'être émue de
quelques détails scabreux de l'opuscule du cardinal Pompeo ; elle fait donner
à Agrippa une bonne chaire, et plus tard, en dépit de bien des aventures,
elle lui donna encore le titre d'historiographe impérial de Charles-Quint. En
dehors de ces productions spéciales, qui, comme date, appartiennent presque
toutes au début de la décadence, l'influence que les femmes exercent sur la
production intellectuelle se caractérise par deux écoles très différentes. Les
Françaises primitives, qui aiment l'ampleur et la vigueur, les femmes de
passion, se défient des œuvres de pure imagination ; elles cherchent le vrai.
Elles se nourrissent de philosophie et d'histoire, par goût pour l'éclat net,
solide, épais même, de la vérité. S'entortiller, se compliquer, se perdre
dans l'art et la fadeur, leur parait la pierre de touche des esprits
médiocres ; l'art suprême consiste à n'en pas avoir, elles aiment la belle
simplicité et le relief naturel aux esprits maîtres du sujet qu'ils traitent
et maîtres d'eux-mêmes. Mais
ces femmes-là ne sont pas nombreuses, et elles disparaissent vite. Les hommes
capables de répondre à leurs vues ne sont pas bien nombreux, non plus. L'histoire
et la philosophie ont leurs charlatans, qui les compromettent tôt ou tard ;
des pédants, des faiseurs de préciosités futiles et sans intérêt, sans parler
des fantaisistes et hauts 'généalogistes comme Féron, qui nous décrit avec
soin les armoiries d'Adam. Lemaire
de Belges, qui n'a jamais travaillé qu'en vue des femmes graves et qui leur a
dédié, par le menu, tout ce qu'il a écrit, même un Traité des pompes
funèbres antiques et modernes[3], est un de ceux qui abusent de
l'érudition. Il a un appareil superbe, de science magnifiquement étalée et
consciencieusement ennuyeuse ; comment Marguerite d'Autriche, Anne de
Bretagne, Claude de France se seraient-elles défiées d'un personnage
l'apparence si bonne ? Lemaire ne perd pas une occasion de rendre hommage au
sexe féminin ; au besoin, il la fait naître. Il ne cite que des femmes
belles, intelligentes. Près d'Anne de France, il exalte l'honneur et la vertu
; près d'Anne de Bretagne, il chante le passé de la Bretagne[4] ; au total ce n'était
qu'un assez plat courtisan. Et cependant il s'imposait. La
philosophie se tire mieux de l'épreuve ; elle ne se sépare pas de la
littérature et, comme elle, elle se fait aimable et gaie. C'était alors la
mode de rire, même dans les clubs les plus graves. L'Académie florentine
prospérait sous le titre d'« Académie des humides », chacun de ses
membres portait un nom de poisson, et lorsque, selon une règle assez
générale, Lasca, qui en avait été le fondateur, en fut expulsé, il créa, sous
un nom tout aussi joyeux, l'autre « Académie du son », della Crusca. Nous
avons dit combien la philosophie se place hors de pair, dans la société de
cette époque ; bien les gens la préfèrent à l'histoire, parce qu'ils
s'imaginent y rencontrer plus sûrement la vérité ; on lui trouve aussi un
véritable intérêt pratique ; grâce à la science de l'idéal, plus d'un mari
philosophe peut se dire : « Tout est perdu, fors l'honneur. » Du moment où
les femmes vivent de philosophie, il y a assaut de sagesse théorique. Heureux
celui qui peut se faire académiquement comparer à Platon, ou simplement à
Pythagore[5] ! La philosophie porte
partout le flambeau du bonheur : elle appuie la foi et nous représente le
paradis comme le comble de la jouissance esthétique[6] ; le noble évêque Guevara
s'écrie avec enthousiasme : « Dieu a été le premier amoureux du monde,
c'est de lui que nous avons appris à aimer[7] » 2, et l'on voit de
graves professeurs s'exalter, à jour dit, sur le mystère de l'amour.
Cornelius Agrippa ouvre un cours sur le Banquet de Platon par cette tirade :
« Je viens vous expliquer la doctrine qu'a exposée le divin Platon dans son
Banquet, sur l'amour. Mon discours a pour auteur et pour cause l'Amour ; moi,
tout enflammé des éclairs de l'amour, je vous prêche l'Amour. Loin d'ici,
loin de cette respectable leçon, quiconque, embourbé dans les ornières du
monde, créature de Bacchus ou du dieu des jardins, traîne dans la boue, comme
les chiens ou les porcs, l'Amour, ce don divin. Vous, chastes hommes,
consacrés à Diane et à Pallas, salut à vous ! Venez écouter avec
attention le divin mystère[8]. » Philippe
Béroalde va plus loin : il entreprend, « sans fausse honte, » de déduire,
devant ses jeunes élèves, la philosophie de Properce : « Oui, s'écrie-t-il
avec âme, nous louerons l'amour, le dieu seul et avant tout louable, louable
par excellence ; nous vous montrerons que la poésie d'amour et les poètes
d'amour conviennent aux plus graves professeurs, et que ce genre de poème est
digne de faire l'objet d'un cours public et complet dans une université de
lettres. » Et le voilà occupé, pour toute son année, à établir une
distinction entre l'œuvre écrite et l'homme, suivant cet aphorisme de
Catulle, qu'un poète peut parfaitement passer pour honnête, chaste et pieux,
sans que ses œuvres aient la même réputation, pourvu qu'on leur trouve du sel
et de l'esprit. Ovide aussi avait dit : « Ma plume est lascive, ma vie
ne l'est pas. » Béroalde insiste très vivement sur ce principe tutélaire, et,
pour étayer sa démonstration, il s'amuse à lire les passages les plus gaulois
le Platon et de la Bible : « cependant, ajoute-t-il fièrement, tout le
monde lit la Bible[9]. » Outre
qu'elle répandit ainsi la doctrine d'amour, la religion du beau se complut
naturellement dans la beauté de la forme, et elle donna aussi, de ce chef,
une direction très positive. D'abord,
elle mit fort en honneur un genre d'écrits que, pour plus de brièveté, nous
appellerons d'un seul mot la littérature de conversation. On ne s'en étonnera
pas, puisque la conversation servait à la fois de moyen et de but, et qu'elle
paraissait la réalisation du bonheur platonique. Si l'on avait le malheur
d'écrire, on prenait au moins toutes les précautions possibles pour ne pas en
avoir l'air, et certainement bien des auteurs de dialogues, de nouvelles, de
narrations diverses, ne les ont mis sur le papier que pour conserver le
souvenir de conversations réellement tenues, ou, tout au moins, parce (lue,
dans un moment de détresse, où la conversa-l ion leur faisait défaut, ils se
sont trouvés réduits à prendre la plume pour se donner la riposte à eux-mêmes.
Les critiques de notre temps, qui préfèrent parler tous seuls, sous forme de
conférences ou d'articles, sont portés à voir, dans ce mode dialogué, un
artifice de rhétorique ; ils apprécient de la même façon les dialogues de
Platon, et nous voyons de très savants platoniciens citer indistinctement
telle ou telle pensée de l'un des interlocuteurs comme la pensée de Platon,
sans remarquer que dans le même dialogue les divers interlocuteurs expriment
sincèrement des idées différentes. La plupart de ces dialogues sont de vraies
conversations[10] et ont la prétention de
sténographier plus ou moins exactement le pour ou le contre, avec la parfaite
liberté d'allures que ne comporterait pas un exposé dogmatique. Bembo, en
qualité d'éminent causeur, a endossé la responsabilité de plus d'un dialogue écrit[11]. Et c'est ainsi qu'à l'inverse
des habitudes actuelles de nos salons, où, si par hasard la conversation tend
un peu à s'élever, nous empruntons nos idées à l'article paru la veille ou à
la pièce à succès, le salon faisait le Livre, procédé extrêmement favorable à
l'influence féminine ! Le
chef-d'œuvre de cette littérature de conversation est, sans contredit, le
Courtisan de Castiglione, dont on connaît plus de quatre-vingts éditions ou
traductions[12], et dont la vogue presque
intarissable a duré plus d'un siècle. A
mesure, toutefois, que les femmes tombent dans la simple sensibilité
mondaine, la littérature qu'elles inspirent devient un art de forme plutôt
que de pensée, et bientôt il ne reste plus de place que pour la poésie. La
poésie envahit tout ; bien entendu, nous ne parlons pas ici de la grande
poésie, héroïque, destinée aux appétits robustes ; on se délecte dans le
régal d'une belle période musicale qui berce sans émouvoir, dans une sorte de
néant magnifique, dans de somptueuses frivolités, faites pour donner à la
conversation un élan nouveau. Gloire
à l'improvisateur qui, sous les lambris du château, tandis que, dans les
rues, s'élève un vague brouhaha de musiques, de chants ou de processions,
sait instantanément ciseler ou cristalliser l'idée jolie, lancer son petit
vers, fin comme une flèche, éclatant comme une fusée ! Cet homme-là, partout
fêté[13], voit la bienvenue lui sourire
dans tous les yeux ; dans une coupe de cristal rare il ne verse qu'une goutte
d'élixir, mais d'un élixir qui monte les têtes ; il est maitre du monde. Avec
un vers tendre ou spirituel, on fait ce qu'on veut. Bembo a un mot bien
typique : lorsque Vittoria Colonna vient de perdre son mari, il lui dit qu'il
se sent réconcilié avec le siècle, tant il a vu éclore de sonnets à cette
occasion ! Vittoria Colonna, elle-même, dans un tout autre ordre d'idées, en matière
de théologie, écrit aussi à un prélat : « J'ai reçu ce matin votre lettre ;
j'ai vu dans les madrigaux la force de la vérité ! La poésie sert si bien à
tout, qu'un malheureux ambassadeur, à bout d'expédients, pour réclamer ses
traitements arriérés, finit par adresser une dépêche en vers à sa souveraine,
à Marguerite d'Autriche ! un autre mêle des vers à ses dépêches, dans le
simple but de faire la cour à sa princesse. Un agent d'affaires, chargé
d'adresser des renseignements à Vittoria Colonna, prétend qu'il perd la tête en
écrivant à une femme si illustre, et qu'il ne peut s'empêcher de parler en
vers : « Jusqu'à présent, ses parties divines sommeillaient, le nom de la
marquise les fait surgir[14]. » Admirable effet de
l'influence féminine, qui galvanise jusqu'à des clercs d'huissier ! On écrit
en vers à ses enfants[15], on envoie à ses amis des vers,
quelquefois empruntés[16]. Dans
toute cette production poétique, le sonnet tient le rang le plus utile, parce
que, grâce à sa forme étincelante et concise, il fait bien dans une vitrine
parmi les petits trophées du cœur. Il répond admirablement aux goûts des
femmes ; il est bref et net, il porte sur un mot, il permet d'exprimer les
impressions les plus diverses et les plus variables. Aujourd'hui,
nous ne comprenons pas très nettement le succès qu'ont pu obtenir certaines
pièces de circonstance, par exemple les dithyrambes de Molinet dès que
Marguerite d'Autriche met le pied hors de chez elle[17]. Ces bijoux d'autrefois nous
font l'effet de ces perles désenchâssées et mortes, qu'on trouve chez un
brocanteur. Du reste, elles n'ont jamais eu le feu de la passion : on ne leur
demandait que de briller uniformément, et on les enfilait les unes après les
autres, avec l'idée que tant d'éclats douceâtres et alanguis formeraient à la
longue une parure. Quelles parures fines et discrètes, que les mièvreries de
Saint-Gelais ou de Michel d'Amboise, ou les Cent cinq rondeaulx d'amour,
publiés par M. Tross, ou l'Hécatomphile — c'est-à-dire les cent amours
—, et tant d'autres encore[18] ! On avait dans l'oreille un
air d'Ovide[19] ou de Pétrarque, un air fade,
banalement sublime, déjà mille fois utilisé, et on continuait à dévider la
chanson de « l'exquis » chantre de Laure[20], à le piller, à le commenter, à
le torturer[21], en levant les yeux an riel à
la façon des filles de Greuze[22] ; et, ainsi, on se croyait des
dieux[23] ! « J'espère, s'écrie
Arétin en riant aux éclats, que l'âme de Pétrarque n'est pas torturée dans
l'autre monde comme dans celui-ci ! » On était loin des vigoureuses
inspirations réclamées par Pompeo Colonna. Quelques âmes gémissantes
faisaient de secrètes réserves contre l'entraînement de cette sensibilité.
Vittoria Colonna[24], Isabelle d'Este[25] gardaient à Dante une partie de
leur cœur ; mais comment réagir ? On essaya fort gauchement. En France, il se
forma une ligue d'affreux pédants, « escumeurs de latin, » qui, pour se
séparer du vulgaire, pratiquèrent une espèce de jargon prétentieux et
intolérable En Italie, Spagnuoli s'égosilla bien vainement à tonner contre
l'alliance franco-italienne[26]. Capilupi, encore moins adroit,
fit la sottise de s'en prendre aux femmes[27]. Au fond, il avait raison. C'est
aux femmes qu'il appartenait de nous garer d'un si lamentable écueil.
Malheureusement, par suite de cette éternelle timidité et de ce manque
d'énergie qui devaient tuer leur influence, elles se laissèrent tout à fait
ensorceler. Il était écrit qu'elles sauraient vaincre, mais qu'elles ne
profiteraient pas de la victoire : qu'une fois maîtresses du monde, la
faiblesse reprendrait le dessus ; que n'étant plus fouettées par la passion,
elles s'arrêteraient devant une boutique de confiseur... Le
chef-d'œuvre de ces confiseries prétentieuses consistait à élever un monument
de vers à la gloire d'une femme désignée. Jeanne
d'Aragon fut, de son vivant, l'objet d'une déification de ce genre, pour
laquelle l'Académie de’ Dubbiosi de Venise procéda suivant les formes
de la procédure employée à Rome en matière de canonisation : il y eut d'abord
un décret préparatoire, puis un procès sur la proposition faite par quelques
membres de partager l'apothéose entre la délicieuse Jeanne et sa sœur, la
marquise du Guast ; puis, un décret, savamment motivé sur l'opposition que
firent jadis les pontifes romains au projet de Marcellus de dédier à la fois
un temple à la Gloire et à la Vertu, et portant que l'honneur serait réservé
à Jeanne seule, qu'on se bornerait à encenser de quelques allusions la
marquise du Guast. Le
temple fut élevé : en somme, il était dans le plus pur style de la
Renaissance : cosmopolite, artistique, féministe. Il contient d'assez jolis
morceaux : Ruscelli célèbre en vers convenables la charmante Jeanne, adorable
et divine. Mais cela montre seulement combien les plus belles choses ont le
pire destin, lorsque la vie s'en va et qu'on la remplace par du fard. Le
fard, c'est le ramassis de poésies en toutes langues connues ou inconnues,
hongroise, hébraïque, syriaque, slavonne... En réalité, l'idée vraiment
esthétique était absente Il y a
aussi, surtout en France, toute une délicate littérature de caniches et de
petits oiseaux, qui ne manque pas de charme, ni surtout de sensibilité, car
elle est généralement funéraire. Saint-Gelais, Eustorg de Beaulieu, Marot ont
pleuré, à l'instar de Catulle, sur des moineaux, comme celui de l'insensible
Maupas : Las,
il est mort (pleurez-le, damoyselles), Le
passereau de la jeune Maupas ; Ling
aultre oiseau, qui n'a plume qu'aux aisles, L'a
dévoré : le congnoissez-vous pas ? C'est
ce fascheux amour... ...
Par despit, tua le passeron, Quand
il ne sçeut rien faire à la maistresse[28]. Vert-Vert, dont les infortunes n'ont pas
cessé de nous attendrir, est né en ligne droite[29] du perroquet de Marguerite
d'Autriche, qu'on avait laissé mourir pendant une absence de la maîtresse, et
qui, par conséquent, passa pour être mort de désespoir. Du Bellay a consacré
à la mémoire d'un petit chien quelques-uns de ses vers les plus exquis[30]. Bref, comme on le voit, tout
procède d'un sentiment de douceur, à la Berquin ou à la Florian. Le cardinal
de Médicis aime à s'intituler « le chevalier errant ». Les hommes, sous la
fine main qui les mène, semblent de douces brebis, un peu émasculés peut-être,
peut-être incapables d'une nourriture plus substantielle[31], mais polis, doux, gracieux !
On leur reproche de perdre leurs griffes, qu'on se rassure ! Pour peu qu'on
touche il leur intérêt ou à leur amour-propre, il y a encore place pour une
rhétorique réaliste ! Écoutez, derrière le théâtre (ou même devant), Politien,
l'ange délicieux, appeler un obscur contradicteur, nommé Mabilius : «
crasseux, cadavérique, proie des teignes[32]... » et ainsi de suite. Puisque
nous avons commencé la confession des femmes au point de vue intellectuel,
achevons-la. Elles
firent plus que polir à outrance leurs amis fidèles ; peu à peu, par
entraînement, elles se laissèrent aller à prendre elles-mêmes tendrement la
plume, avec l'arrière-pensée de faire profiter le public des trésors de leur
sensibilité. Mon
Dieu, écrire un livre, même en vers, n'est pas un crime. Mais comment les
femmes ne comprenaient-elles pas qu'en se donnant des airs publics et
professionnels elles rompaient précisément avec leur système ? Elles
pouvaient, il est vrai, invoquer l'exemple de l'Espagne, où leurs semblables
n'éprouvaient aucun scrupule à se manifester dans la science. Mais la
situation de l'Espagne était tout à fait différente : là, il s'agissait de
femmes de haut vol, qui abordaient des régions purement scientifiques avec
une vigueur extraordinaire ; des femmes du monde éclatantes et célèbres, la
marquise de Monteagudo, clona Maria Pacheco de Mendoza[33], la jolie Isabelle de Cordoue,
plus riche encore en latin, en grec et en hébreu qu'en biens terrestres,
Catherine Ribera, le chantre de l'amour et de la foi, ou bien les deux «
professeurs » de rhétorique aux universités (le Salamanque et d'Alcala, ou Beatrix
de Galindo, qui enseignait le latin à la reine, ou Isabelle de Rosères, qui
prêchait dans la cathédrale de Tolède, qui vint à Rome convertir les juifs et
commenter Jean Scott devant un parterre de cardinaux ébahis ; Loysa Sygea,
encore, la plus illustre de toutes, (l'abord enfant prodigue, puis Père de
l'Eglise, qui parlait les langues les plus inédites... Voilà des femmes
pleines de sève et d'énergie, que personne ne s'étonne de voir prendre de
haute lutte le premier rang dans les sphères du beau langage, de la
philosophie, de la théologie ; mais vraiment sont-ce bien des femmes ? ou
plutôt apportent-elles quelque chose de nouveau à l'humanité ? Sont-ce des
apôtres du bonheur ? Non, elles prêchent la raison, mieux, aussi bien ou plus
mal que les hommes, voilà tout. L'idéal de la France[34] et de l'Italie[35] est différent ; il exige plus
de discrétion. Les femmes peuvent être tout aussi instruites ; la science du
latin est si répandue parmi elles, même au fond des campagnes[36], qu'on ne s'en vante plus ;
beaucoup abordent l'hébreu[37] ; on va jusqu'à dire que la
rhétorique leur est une vertu aussi nécessaire, sinon davantage, que la
chasteté[38]. Seulement, on reste
invinciblement fidèle à la maxime que les femmes doivent régner par le charme
plutôt que par le raisonnement, et, s'il est nécessaire de s'armer pour la
lutte, leur habileté suprême consistera toujours à paraître désarmées, à
garder leur esprit libre et aimable, toute la fleur de leur bonne éducation,
à rester grandes dames et « amateurs ». Est-ce
au moment où les délicats des délicats se garaient de l'imprimé comme d'une
faute de goût, comme de ce que Montaigne appelle un « embesoignement oisif »,
que les femmes devaient descendre dans l'arène et s'adresser au cœur d'un
passant banal et distrait ? Violer leur pensée en l'imprimant ? On petit
parler au public pour les choses viriles, pour les déductions logiques de
vérité, pour le martelage du raisonnement, pour l'histoire, la philosophie,
la théologie, pour tout ce qui est de fer et de roc. Mais le sentiment a des
grâces qui ne fleurissent bien qu'en serre ; les vraies femmes de ce temps-là
ont des airs d'orchidées, singulières et rares, d'orchidées à parfums
subtils, et qui se replieraient sur elles-mêmes au premier souffle. La même
pudeur qui défend les finesses de leur corps contre tout œil indiscret et qui
ne sourit qu'aux amis semble envelopper leur âme. Il ne leur déplaît pas de
s'entendre appeler les dépositaires de la « bonne doctrine[39] », ou mime de se voir
attribuer plaisamment quelque jolie œuvre qu'il est évident qu'elles n'ont
point faite ; Arétin est un bien adroit et amusant flatteur de faire demander
par l'acteur, en prologue d'une de ses comédies les plus épicées, si la pièce
n'a pas pour auteur Vittoria Colonna ou Veronica Gambara[40]. Mais la femme la plus savante,
la plus instruite du monde, Marguerite de Savoie par exemple, ne laissera
jamais vanter que sa « divine bonté[41] ». Les nobles dames ne
prennent pas plus la plume, qu'une bonne maitresse de maison n'a besoin de
prendre un balai ; elles dictent volontiers jusqu'à des lettres intimes, avec
la belle nonchalance de Talleyrand, qui, du reste, lui aussi, entendait assez
bien son métier. Si elles se surprennent à écrire, c'est par distraction
pure, après avoir peint, sculpté, fait de la tapisserie, joué de la harpe,
chanté[42], que sais-je ? dansé, caracolé
; alors, elles pensent à leur âme, si elles en ont le loisir, elles lisent un
psaume ou une nouvelle[43], ou bien, pour « fuir
l'oisiveté », pour se débarrasser de l'obsession d'une idée qui les
persécute, les voilà qui cisèlent artistiquement leur idée sous la forme d'un
sonnet. Ainsi comprise, la poésie est l'art divin ! et bien peu de femmes ont
su y résister, du moment où cela leur paraît la même chose que de peindre un
éventail ! Marguerite
d'Autriche[44] s'est plu à graver, dans de
petites poésies, le souvenir des épreuves de sa vie, et même — dans
l'intimité absolue — elle n'a pas dédaigné d'adresser quelques épîtres en
vers à ses fidèles ou à ses fonctionnaires[45]. L'aimable Graville, la belle
Chateaubriand, si prisée de François Ier, excellaient dans ce passe-temps,
et, quand on voit Suzanne de Bourbon[46] elle-même payer son tribut, on
peut bien penser que la mode fut générale[47]. Mais de là à se proclamer
poète, il y avait un abîme, et, lorsqu'il fut franchi, la décadence apparut,
parce que l'art exquis et primesautier fit aussitôt place à l'affectation.
Aux femmes purement charmantes succédèrent des bas-bleus, telles que Mme de
Morel et ses trois filles, ou Mme des Roches. Il y eut des « femmes écrivains
», et l'académie des Valois trouva tout naturel de les admettre[48]. Lyon a
été la capitale de la poésie féminine, et certainement c'est là qu'on peut le
mieux apprécier comment et pourquoi les femmes tombèrent dans ce petit
travers, de devenir -des écrivains patentés. Ce ne fut pas tout à fait leur
faute ; elles ne cédèrent que le jour où elles ne purent plus exercer
autrement leur influence. Lyon
était la ville riche, aimable, élégante, rivale de Paris pour les couturières[49], la « Florence française »...
Elle recevait souvent la cour. Anne de
France, comme souveraine des environs, y avait d'abord exercé une influence
très directe ; puis Marguerite de France y vint plus d'une fois, et
volontiers, comme en pays ami. Les
Lyonnaises, jalouses du « grand et immortel los » que s'étaient acquis leurs
voisines les Italiennes, voulurent aussi s'imposer aux hommes et faire
l'honneur de la France dans le présent et l'avenir[50]. Tout devint musique et poésie,
poésie et musique[51]. Marguerite de France sourit
fort à ce jasement universel. Jusque-là, et sauf le développement un peu
excessif de la sensibilité, rien de plus légitime et de plus naturel : les
maris faisaient fonction d'archivistes, ils classaient avec piété les papiers
de leurs femmes et cultivaient leurs réputations. Un jour vint pourtant où il
parut funeste de laisser à de seuls maris la garde de tant de trésors. Du
Moulin, le secrétaire de Marguerite, se chargea de porter un coup aux pudeurs
féminines : sur la demande expresse d'un mari, il publia les œuvres de Mme
Pernette du Guillet, qui venait de mourir ; il eut bien soin d'indiquer qu'il
entendait ainsi rendre un hommage collectif à tant « de belles et vertueuses
Lyonnaises » ; il provoquait les autres à des confidences. Les
vers de Pernette du Guillet, un peu blancs, un peu sublunaires, n'avaient
rien de particulièrement flatteur pour le mari qui les avait si bien gardés.
Pernette avoue avec sincérité qu'elle n'a pas connu le bonheur ; et comment
aurait-elle pu le connaître ? Elle s'éparpillait sur tant de choses ! elle
parlait toutes les langues, elle jouait de tous les instruments, et, de plus,
elle avait de la beauté ! Les sentiments qu'elle exprime oscillent simplement
de la volupté très douce à l'amertume. Louise
Labé, gloire de Lyon ! a mieux servi sa cause. Nous remplirions plusieurs
pages de la liste de ses vertus : blonde, riche, élégante, danseuse,
chanteuse, écuyère, italianiste, elle traînait après elle un tel flot
d'admirateurs, de commentateurs, de panégyristes, de biographes, de
glossateurs, que sa mort n'arrêta pas l'élan et provoqua un tombeau de vers. On n'a
pas cessé de discuter sur le compte de cette femme passionnante ; on a même
rompu des lances relativement à sa vertu, dont feu M. de Ruolz se porta jadis
le garant et le paladin, mais que deux érudits, pourtant Lyonnais, MM.
Gaullieur et Gonon, ont depuis lors battue en brèche assez lourdement. Cela
nous importe peu, car, même théoriquement, nous ne revendiquons pas Louise
Labé comme une des gloires du pur platonisme ; elle monte trop à cheval et
s'en vante trop, elle a des airs bravaches et faussement langoureux, elle
sent la décadence ! Et cependant, quoiqu'elle n'ait pas fait, comme Pernette
du Guillet, le léger effort d'attendre d'être morte pour publier ses vers,
elle affecte encore une modestie qui précisément nous déplaît. Ce n'est pas
son mari qui la pousse à paraître, ce sont ses amis ; ils insistent, ils
jurent de « boire la moitié de la honte » ; alors, « pour ne pas sortir
seule, » elle dédie son livre à une autre femme, Clémence de Bourges. A part
ces minauderies, Louise est franchement persuadée des bienfaits de la
domination féminine, et on sent qu'en affrontant la publicité elle obéit à un
sentiment de devoir ; elle fait tête à l'ennemi, comme un brave capitaine qui
se jette hors des remparts pour rallier ses troupes un peu débordées. Elle
conjure les femmes de ne point se laisser dépouiller de « l'honneste
liberté » si péniblement conquise : liberté de savoir, de penser, de
travailler, de briller. Le bonheur ! elle ne se fait plus l'illusion de le
promettre à coup sûr, ou du moins elle est revenue du rêve de l'absolu ; mais
elle se dit qu'au moins « on peut adoucir le long voyage[52] ». Elle ne perd pas de vue
que c'est la fonction des femmes de répandre la douceur et la poésie, de
mitiger les insociabilités, (l'inspirer l'énergie ! L'expérience déjà faite
ne lui parait pas décourageante, bien au contraire ; la vie intellectuelle
prend de jour en jour une ampleur plus magnifique, et cette ampleur est le
résultat de l'action des femmes ! le pendule de toute la grande vie
intellectuelle, c'est l'amour. Ainsi dit Louise Labé. Tullia
d'Aragona, qui soutient, en d'autres termes. la même théorie, est une des
rares Italiennes qui n'aient point redouté la réputation de femme auteur ;
probablement, parce qu'elle se trouvait déjà en marge du monde. En général,
elle n'emploie pas beaucoup de circonlocutions et va droit au but avec une
éloquence vigoureuse. Ses poésies, presque toutes adressées à des hommes,
traitent des sujets les plus graves, notamment de sujets religieux. Tullia
possède cette grande supériorité de connaître à fond l'humanité ; Calvin et
Ochino ne sont à côté d'elles que des échappés de sacristie, et elle leur
reproche avec quelque raison de frapper à tort et à travers, sans distinguer
ce qui est sérieux de ce qui est inoffensif. Quant à elle, quelle sagesse[53] ! Le poète Arrighi ne peut
s'empêcher de s'écrier : « Vittoria Colonna est une lune, Tullia un soleil. »
Elle célèbre l'amour pur sur le vrai ton lyrique et énergique : « la folie
magnifique, la folie admirable, qui suscite seule les grandes entreprises[54] ! » Tandis que trop
souvent les femmes immaculées, Vittoria Colonna, Veronica Gambara, nous
étouffent de sensibilité langoureuse : « Quand j'étais heureuse en
aimant... j'exhalais avec des accents pieux et calmes les concerts de mon
cœur... », Tullia, dégagée depuis longtemps de ce calme et de ces illusions
religieuses, suit qu'il faut vouloir et qu'il faut agir ; elle ne demande pas
l'impossible, mais, en revanche, vaillamment elle excommunie Boccace et ses Nouvelles
scélérates, devant qui les timides femmes du monde s'inclinent jusqu'à
terre. Dans un dialogue avec deux messieurs, elle raisonne de l'amour sur un
ton tout à. fait platoniste, elle en scrute la casuistique : « La fin de
l'amour en est-elle le terme ?... Vaut-il mieux aimer ou être aimée ? »
Elle préfère être aimée, cette fine artiste, parce qu'en aimant on subit
l'impulsion, tandis qu'en étant aimée on la donne. Les femmes qui ont
vraiment aimé seront peut-être d'un avis différent ; et, cependant,
voilà bien, formulée en une ligne, le grand débat du temps. L'art des femmes
aurait dû être de se faire aimer et de donner l'impulsion ; elles se
sont prises souvent à leurs rets, elles ont aimé et, par suite, au lieu de
recevoir, elles ont donné. « Le cœur a des raisons que la raison ne conne pas
! » Ces
quelques spécimens de l'œuvre littéraire des femmes suffisent à nous montrer
qu'en somme, sauf en Espagne, la littérature féminine sort de l'amour pour
rentrer à l'amour. On ne peut pas attribuer à ces divers écrits une bien
grande influence sur la crise intellectuelle de la Renaissance ; ils ne font
guère que développer plus ou moins intuitivement la philosophie platoniste. En
revanche, les femmes, par l'action individuelle et personnelle, ont exercé
une influence intellectuelle énorme, surtout en Italie. Elles portent leur
grâce là où les théologiens du moyen âge, qui se nommaient volontiers les « docteurs
des pauvres[55] », ne pénétraient pas,
parmi les pauvretés du cœur ! Elles répandent ce vernis de douceur étrange,
singulière, dont la trace n'a pas disparu[56] ; elles intellectualisent la
société[57], et, dans un pays
essentiellement désigné pour devenir la proie de l'or et du luxe, elles
retardent le moment où l'on n'appréciera plus les hommes qu'à la dorure de
leurs lambris ou à l'épaisseur de leurs tapis. Au nord
des Alpes, on ne peut pas très facilement mesurer les effets de leur action.
Il y a une résistance trop forte : le monde masculin se laisse difficilement
entamer ; les hommes frémissent, il semble qu'on leur arrache l'âme, ou qu'on
veuille les dégrader, en leur proposant de se soumettre, à quoi ? à une sorte
de bonté intellectuelle ! Ils ne veulent pas entendre parler des femmes, pour
l'esprit. Les Allemands ne leur reconnaissent aucune intelligence en dehors
du ménage[58]. Ce que les Italiens appellent
intelligence, ils l'appellent, eux, bavardage, rouerie, esprit de
contradiction[59] ! Ils repoussent ces
satisfactions-là, ils n'entendent pas se laisser tondre par Dalila[60], ils diraient volontiers, comme
un fier personnage de M. de Curel, qu'il n'y a qu'égoïsme au monde, et que
l'égoïsme qui crée la vie vaut mieux que celui qui s'emploie à consoler de
vivre. En fait de poésie, ils sont d'avis d'accueillir les galantes aubades
en leur versant un seau d'eau[61]. Et si les Italiens parlent de
barbarie, « de gens sans cervelle[62] », on leur répondra, un
jour de bataille, en leur montrant ce que pèse un peuple sensible et
cérébral. Erasme qualifie d'Italien « quiconque est honnête et docte[63] » : à merveille, mais où en
sont arrivés les Italiens avec ces belles idées ? Ils raisonnent, ils ne se
battent plus[64]. Ne me parlez pas des
Vénitiens, disait Louis XII, « ils ne savent pas mourir[65] ». Savoir mourir, voilà la vie. Virile,
sévère, frugale, pauvre, rustique souvent jusqu'à la grossièreté, l'Allemagne
soutenait en ces termes, contre le paradoxe intellectuel, la vieille guerre
orgueilleuse de l'empire contre le sacerdoce, et l'abîme se creusait une fois
de plus entre les corps et les esprits, entre la matière et l'âme, la force
et la liberté. Des bords du Rhin, on lança contre les fragiles vœux de
l'italianisme de furieuses volées de projectiles. Brandt publia cette fameuse
Nef des fous, dix-sept fois rééditée de 1494 à 1520, et qui fut aussi
traduite, aussi copiée, aussi imitée dans le monde germanique que Pétrarque
l'était dans le monde latin ; œuvre injuste et amère, où défilent, comme dans
une baraque de foire, tous les petits profils grotesques, qui faisaient la
joie de l'esprit et du cœur ; non seulement, cela va sans dire, les vieilles têtes
de turc, comme le médecin ou l'astrologue[66], mais les types nouveaux, le
savant à lunettes, en train de cuisiner sa réputation sous prétexte de Platon
ou de Ménandre ; l'homme du monde, vrai bâton de cosmétique, mais bel esprit,
amoureux, évaporé, occultiste : tout, jusqu'aux explorateurs, dans un temps
où l'on ne rêvait que libre-échange et suppression de frontières, au temps de
Colomb et de Vasco de Gama. Le vieil Allemand ne voit, dans la plupart de ces
chercheurs d'aventures, que des voyageurs autour de leur chambre ou de vils
conférenciers, et parmi ceux qui voyagent réellement il distingue déjà, avant
Sterne, les désœuvrés, les curieux, les menteurs, les orgueilleux, les vains,
les vaporeux, les voyageurs forcés, les voyageurs malfaiteurs et félons, le
voyageur innocent et infortuné, le voyageur simple. On n'oublie guère que le
voyageur sentimental[67]. Quant
aux « poètes », inutile de dire si un vrai Allemand bafoue ces gens en us,
sorte de Tartarins intellectuels, qui, en réalité, épousent des femmes
vieilles et même riches[68]. Et,
là-dessus, les têtes s'échauffaient, on constatait la décadence des mœurs, la
désertion' des campagnes, l'afflux de la population dans les villes, et on
s'en prenait à Rome, tête du mouvement : Rome sans gouvernail, Rome sans
boussole, alliée à l'esprit nouveau dont elle devait périr[69]. Puis,
quelques années après, lorsque, malgré tout, la marée montante finit par
faire sentir sa force, l'antagonisme changea de face. On se mit à reprocher à
la science italienne un caractère d'apparat superficiel. On rit de la
bibliophilie. Ah ! vraiment, Ptolémée Philadelphe a été un bien grand homme
de réunir 40.000 volumes à Alexandrie ! autant vaudrait un âne chargé de
guitares et qui :e croirait musicien[70] ! Soit : mais on ne s'en tient
pas là, et vraiment, malgré tout ce que nous savons des violences de l'esprit
de parti, nous ne pouvons pas nous défendre d'un certain étonnement, en
entendant un homme tel que Marot jeter, de haut, à la Rome de Léon X, l'épithète
d'« ignorante », ou Mélancthon traiter l'Italie de « ténébreuse Egypte, en
proie aux pires ennemis des lettres et de l'étude ». Il semble qu'on aurait
pu s'attendre à toutes les accusations, sauf à celle-ci. Or ces
idées allemandes étaient à demi françaises, de sorte que, dans cet ardent
assaut réciproque, l'Allemagne impériale et l'Italie papale, malgré quelques
brèches, conservèrent assez bien leurs positions, tandis que la France,
tiraillée par deux impulsions contraires, s'émiettait. Aux portes mêmes de
Lyon, la douce cité féministe, les germanistes et les huguenots répondaient
brutalement à toute la poésie des femmes par le mot de d'Aubigné : « Quand
le rossignol a des petits, il ne chante plus. » Outre
beaucoup de gens graves et à peu près tous les hommes politiques, partisans
de l'autorité et même de la force, le dilettantisme italien trouva encore en
France pour ardents adversaires les tenants de la vieille gauloiserie[71], qui continuaient à aimer les
déshabillés naturalistes[72], les synthèses[73] ou les analyses de la chair[74]. Il semblait qu'on leur fit
injure de vouloir leur imposer un pétrarquisme guindé et gêné pour les
alanguir[75]. Pourtant, si le pétrarquisme
n'apportait pas grand'chose, il n'était pas bien coupable d'amollir certaines
verdeurs, et de remplacer par ses propres fadaises les fadaises de tant
d'illustres inconnus, les Jean Picart, les Etienne Clavier et autres[76]. Dans un
milieu aussi troublé que l'était alors la France, nous serions donc portés à
conclure que l'influence intellectuelle des femmes fut négative, dans le sens
scientifique du mot. Les femmes agirent comme M. Pasteur. Notre âme était
remuée, agitée, accablée par une foule de microbes inaperçus : elles ne nous
ont pas apporté une formule positive de santé, mais elles ont cherché à
stériliser les mauvais germes, à faire de l'air pur et de l'eau claire. Même
après les bourrasques du XVIe siècle, on ne peut pas dire qu'il ne soit pas
resté vestige de leur effort. Car c'est le caractère de la France d'être un
pays complexe et facile, où rien ne triomphe, mais où tout réussit, où rien
ne subsiste, mais où rien ne se perd ; aujourd'hui encore, à Paris, il suffit
de passer une heure en voiture pour traverser les quatre ou cinq derniers
siècles de notre histoire. Le féminisme du XVIe siècle a apporté et laissé
une nouvelle couche de traditions ; on ne pouvait pas lui demander davantage. La
violence de l'opposition nous porte aussi à excuser quelque peu la timidité
que nous avons signalée chez les femmes haut placées ; les vraies audaces ne
pouvaient réellement venir que d'eu bas. Nous avons vu combien Marguerite de
France, appelée à vivre dans le cercle restreint d'une élite, avait de peine
à s'orienter, puisqu'elle ne trouvait autour d'elle que des contradicteurs.
Lorsque son platonisme effrayé arriva enfin, vers 1540[77], à formuler comme en Italie une
direction positive par la plume d'Héret de la Maisonneuve, et qu'il en
résulta des passes d'armes, Marguerite louvoya prudemment, goûta Iléroêt,
goûta son adversaire La Borderie. Et cependant, on sentit le frein[78], et autour d'elle il fallut
chanter l'amour sur un mode plus philosophique. Le sauvage Des Périers
lui-même, type de l'homme qui aime à donner un coup de dent[79], se vit réduit à traduire le Lysis
de Platon, sous ce titre anodin : « Queste d'amytié[80]. » La
victoire resta ainsi modeste et indécise, un peu en disproportion avec le
grand enthousiasme qu'on avait déployé. Les beaux traités triomphaux sur
l'excellence et le mérite transcendant des femmes, ces pierres sacrées,
débris du culte, dolmens abandonnés, sont presque tous italiens. Marguerite
manifestait une certaine réprobation quand elle entendait mal parler des
femmes ; mais elle n'inspira pas, comme Vittoria Colonna et comme lien
d'autres, de glorieux dithyrambes. On continua, en France, à discourir très
librement pour ou contre les femmes. C'était
même un vieux jeu français de société, que celui-là : chacun y disait son
mot, quitte à changer de camp[81], et l'on se passait une foule
de vieux clichés plus ou moins amusants : « Eve était femme ; Dieu s'est fait
homme ! Il n'y a pas de femmes parmi les prêtres ! Il est bien commode de
coucher seul ! Je n'ai jamais été ni amoureux ni marié, grâces à Dieu[82]. » Un instant, au XVe
siècle, on avait pu croire que le niveau intellectuel de ce petit jeu
s'élèverait, enfin, jusqu'au mode italien ; un Normand, nommé Martin Le
Franc, que ses fonctions de secrétaire de Félix V avaient rendu à demi
pontifical, jota un instant le grand mot qui allait faire flamber l'Italie :
« Les femmes sont les apôtres du bonheur, parce qu'elles sont les apôtres de
l'amour universel et nécessaire. » Quelques petites académies ou puys
d'amour, éparses en Picardie et en Flandre, s'enflammèrent sur cette
idée, mais sans en rien tirer de mieux qu'un encouragement au ramage de
l'ancienne chevalerie, qu'elles se piquaient de continuer ; puis les
farouches manifestations allemandes vinrent donner le coup de massue, et,
lorsque l'opinion s'éprit de Brandt et de Geyler, les féministes français
rougirent et se donnèrent des airs récalcitrants[83]. On n'éleva donc pas de
monuments à la gloire des femmes, et même un chef-d'œuvre de notre art de
gravure, une Nef absolument charmante, parue vers 1500[84], est consacrée à leur
dénigrement : c'est une série de petits tableaux, qui représentent d'abord
Eve, l'inévitable, puis la coquetterie, la musique, les dîners, les parfums,
l'amour. L'auteur ne va pas jusqu'à dire qu'il trouve tout cela ennuyeux,
mais il insinue qu'à son avis ce n'est pas parmi de pareilles frivolités
qu'il faut aller chercher une idée sérieuse. Les
Français veulent bien reconnaître aux femmes certaines qualités morales : la
bonté, le dévouement ; une femme qui n'aurait qu'une chemise, la donnerait[85], on le sait. Un écrivain met
dans la bouche d'Eve un cri de dévouement sublime, au moment où elle est
chassée du Paradis : « Tue-moi ! crie-t-elle à Adam ; peut-être que Dieu
te remettra dans le Paradis ![86] » Néanmoins, elle l'en avait fait
chasser. Mais, en grande majorité, les Français, fort injustement, croient la légèreté, la variabilité, le défaut d'originalité, des défauts inhérents au
sexe et non point seulement le résultat d'une fâcheuse éducation ; si des
femmes instruites citent Platon ou saint Thomas, on se moque d'elles, on ne
veut pas croire qu'elles aient un avis personnel, on raconte qu'elles se sont
fait « seriner », que « la doctrine leur reste sur la langue,
qu'elles n'ont rien de naturel, qu'elles disparaissent sous l'art ». Il
semble qu'une femme soit frappée de l'incapacité radicale d'éprouver une idée
individuelle[87]. Montaigne, qui se vante
pourtant d'être platonicien et anti-épicurien[88], résumera très bien tous ces
vieux préjugés en refusant net de prendre la femme pour autre chose qu'un
joli animal. Sa vertu — pour la femme, car ce n'est pas celle de Montaigne —,
c'est la fidélité corporelle ; l'idéal, Anne de Bretagne faisant de la
tapisserie dans la chambre conjugale[89]. Montaigne admet, à la rigueur,
que la coquetterie féminine peut arriver à ennoblir l'amour, mais sans en
changer la destination : « On fait quelque chose sans les grâces de
l'esprit, rien sans les grâces corporelles[90]. » Ainsi les voix romaines
et papales rompaient en visière à une foule d'idées préconçues en
revendiquant pour les femmes le droit absolu de sortir du fard et du
cosmétique. Les Françaises ne se sont pas assez nettement affirmées. On accepte leurs services pour des œuvres domestiques, souvent délicates et difficiles, qui nécessitent beaucoup d'intelligence, mais qui sont considérées comme serviles ou tout au moins comme inférieures ; puis, dès qu'elles tendent à s'élever au-dessus de ce servage, on les arrête, on les renvoie à leur paresse et à leur frivolité, on leur persuade qu'elles n'ont aucun droit à défendre les grandes causes que les hommes désertent trop souvent, et elles le croient. A tant d'hommes inutiles, on s'empresse d'ajouter des femmes inutiles[91] ! Mais n'est-ce pas un abus de les ensevelir ainsi toutes vivantes, pour les empêcher de paraître ? Est-il permis d'infliger à la moitié de l'espèce humaine un malaise d'autant plus affreux que, la plupart du temps, la victime ne se l'explique pas à elle-même ? Une femme, ayant tout ce qu'il faut en apparence pour le plus parfait bonheur, et cependant réellement malheureuse et malade à force de vide, s'écriait, auprès de nous : « Il me manque quelque chose ! il y a dans mon âme des facultés étouffées, inutiles, trop de choses qui ne se développent pas et qui ne servent à rien ni à personne[92]. » Combien y en a-t-il eu, à toutes les époques, de ces âmes de femmes, profondes, vides, éternellement vierges, qui souffrent de ne pas se donner, qui, pudiquement, vivent repliées ! et pourquoi ? pour le seul profit de l'égoïsme des hommes ! « Non, cela ne doit pas être, ripostait avec feu un spiritualiste convaincu. Si les hommes se plaignent de se voir égalés ou surpassés, tant pis pour eux ! qu'ils s'en prennent à eux-mêmes ! c'est qu'ils ne sont pas dignes de leurs femmes ![93] » Celui qui tenait ce langage n'était pas Français ; c'était un prélat romain, Jean Monti, secrétaire apostolique. |
[1]
Joseph Betussi, François Serdonati le rééditèrent ainsi.
[2]
P. P. de Ribera n'a pas exalté moins de 845 femmes. Voir encore Phil. de
Bergame, Capacio, Charles Pinto, Lud. Domenichi, Scardeoni, Thotnassini,
Brantôme, etc.
[3]
Ms. fr. 22326.
[4]
Temple d'honneur et de vertus, dédié à Anne de France. Il entreprit d'écrire
pour Anne de Bretagne les Annales de Bretagne. Il rêvait une histoire des Grecs
et des Turcs pour la même princesse.
[5]
Longueil, Discours du 8 des nones de septembre 1514.
[6]
De Deliciis paradisi.
[7]
L., II, p. 164.
[8]
Henrici Cornelii Agrippa oratio, in prælectionem Convivii Platonis, Amoris
laudem continena, dans ses Opera, édition de Lyon, t. II, p. 1062.
[9]
F° 4 v° et suiv. — Archives historiques, I, 322.
[10]
Castiglione fit revoir par Bembo les conversations qu'il lui attribuait (lettre
du 20 octobre 1518).
[11]
Dialogues de Léonicus ; de Castiglione.
[12]
Ciani.
[13]
Luzio, pp. 89 et suiv.
[14]
Lettere volgari, p. 8.
[15]
Frémy.
[16]
Les canzone espagnoles, insérées par Lucrèce Borgia dans ses lettres à Bembo,
ne sont peut-être pas d'elle. (Gregorovius, I, 77.)
[17]
Faictz et ditz, f° 29 v°, 30, 111 v°.
[18]
Castiglione, cet arbitre du goût, consacre six pages d'excellents dystiques
latins à dissuader sa belle d'aller aux bains de mer. H lui dépeint avec charme
les monstres marins, qui s'avancent vers les jeunes filles, non seulement pour
les livrer en pâture aux poissons, mais pour les enlacer d'abord, dans la
torture de leurs embrassements et le reste... « Allons plutôt, soupire-t-il,
vers le doux fleuve, dans l'ombre épaisse, parmi les fleurs. Embaumés,
couronnés de nos couleurs préférées, nous laisserons l'eau laver tes pieds de
neige..., le zéphyr découvrira tes flancs de marbre... Ô ma chère Ame, les
dieux sylvestres sentiront la morsure de num amour, l'eau même du fleuve
brûlera de mes flammes ; que personne ne sache où nous portons nos pas ! La
foule ôte leur charme aux rochers et aux bois... Laissons aller à la mer les
jeunes écervelées. Nous, tout bas, dissimulons notre route. Et si, sur les
flots, tu entends un murmure, ah ! mon amour, de suite cache-toi dans mon sein
! » (Serassi, II, 300.)
[19]
Duplessis. Virgile est fort démodé, cependant on en signale encore çà et là des
traductions, par exemple I sei primi
libri.
[20]
Lemaire ; Graf, p. 32 ; Cian, p. 217.
[21]
Franco.
[22]
Éloge de la folie, p. 289.
[23]
Domenichi.
[24]
Dante col silo et forma de l’Inferno tratta dalla intessa descrittione del
Poeta. 1515, 2e édition Aldine, dédiée à la marquise de Pescara.
[25]
Petrarca (il), In Tusculano, per A Paganino di Paganini, 1521, avec une
lettre de l'imprimeur à Izabella de Gonzaga.
[26]
Sylvarum, lib. II, s. II ; lib. VII, sil. III, IV. Son poème contre les
poètes impudiques fut édité dès 1508 à Francfort-sur-l'Oder, et traduit en 1562
par N. Bonyer en France.
[27]
Cento Virgilianus, Egloga IV, De Natura mulierum.
[28]
Cl. Marot, p. 292.
[29]
Nous signalons ce rapprochement, que nous ne croyons pas avoir encore été fait.
[30]
II, 352.
Mon Dieu, quel
plaisir c'estoit,
Quand Peloton se
grattoit,
Faisant tinter
sa sonnette,
Avec sa teste
folette !
Quel plaisir,
quand Peloton
Cheminoit sur un
baston,
Ou, coifé d'un
petit linge,
Assis comme un
petit singe,
Se tenoit,
mignardelet,
D'un maintien
damoiselet !
Ou, sur les
pieds de derrière,
Portant la pique
guerrière,
Marchoit d'un
front asseuré
Avec un pas
mesuré.
[31]
Arétin, La Pippa, Cf. Borinski.
[32]
Opera, Lyon, 1534 ; t. III, p. 284.
[33]
Prescott, II, 267.
[34]
Allut. En Allemagne aussi M. Janssen (I, 65-68) cite des femmes très lettrées,
mais toutes sont des religieuses.
[35]
Citons Félicie de la Rovère, la célèbre Mlle Trivulce, les trois filles du
comte Matteo Maria Boiardo, capables de tenir tête à n'importe quel savant,
Honorata Pecci, de Sienne, qui aborde sans sourciller les plus hautes
discussions philosophiques (Firenzuola), et mille autres.
[36]
P. de Lesnauderie, la Louange de mariage. En 1500, dans le village d'Auvilliers
en Normandie, une fillette de quatorze ans, Jeanne la Fournette, aussi experte
en latin que le clerc de la paroisse, chantait au lutrin Ténèbres.
[37]
Rousselot, p. 182.
[38]
Nifo, De Principe, ch. XXIX.
[39]
Rabelais, II, VIII.
[40]
La Cortigiana.
[41]
Discours de court.
[42]
Ms. fr. 599, f° 79 v°, 17 v°, 40 ; f° 86, 29, 42, 20, 27 v° ; f° 13, 53 v°, 34,
18 v°, 22, 22 v°, 53 v°, 58, 42.
[43]
Cf. Louise de Savoie.
[44]
Anne de France, p. 80 ; Jean Bouchet, le Temple, f° 9, 9 v°.
[45]
Lemaire de Belges, Épître de l'amant vert ; fr. 12077, f° 103 v°.
[46]
E. Picot, Catalogue, III, 334.
[47]
Du Moulin nous cite un bon nombre de dames poètes dans le monde de la
magistrature et dans l'entourage de Marguerite.
[48]
Frémy, p. 173, pp. 152 et suiv. Cf. Panégyric, Marconville.
[49]
Ms. fr. 1121, f° 48.
[50]
Citons Jeanne Gaillarde, Jeanne Flore, Jeanne Creste, Jacqueline Stuart, Marie
de Pierre Vive et surtout Clémence de Bourges, Pernette du Guillet, Marguerite
du Bourg et ses filles, Claudine et Sybille Scève, chantées par Jean Marot,
sœurs de Maurice Scève, l'auteur de la Délie.
[51]
« Les vers sont le clairon, mais la prose est l'épée. » (L. Veuillot.)
[52]
Débat de folie.
[53]
Rime, p. 9, 39 v°.
[54]
Louise Labé.
[55]
Sermones aurei funebres, cunctos alios excellentes, noviter inventi. Pro
dectore. Sermo IV. Paris, P. Gaudoul, 1519, in-18.
[56]
Navis, édition 1494, f° 2 v°.
[57]
Cf. Arv. Barine, Journal des Débats, 2 décembre 1896.
[58]
Vers de Brandt, sur l'Apologia de Monti.
[59]
Brandt, p. 52.
[60]
Brandt, p. 54 et suiv.
[61]
Édition 1497, f° 40 v°.
[62]
Pontanus, Dialogi, Florence, 1580, p. 7.
[63]
I, 379.
[64]
« Gli Italiani, col lor saper lettere, baver mostrato poco valer nell' arme, da
un tempo in qua. » (Castiglione, liv. I.)
[65]
Sanuto.
[66]
Navis. Édition de Bâle, 1498, f° 63, 75.
[67]
Geyler, f° 21 et suiv.
[68]
Hütten, Epistolæ, p. 267. Tout en plaisantant, Hütten traduit assez
fidèlement les opinions d'une partie de l'Allemagne, qui ne s'aperçut pas de
son sarcasme.
[69]
La Nef des folz, 1497, pp. 90, 98.
[70]
Navicula sive speculum fatuorum de Jean Geyler et Jacques Other, f° 1
v°.
[71]
Jean Marot, p. 237 ; les Dictz de Salomon, le Sermon de saint Jambon, la
Fleur de toutes joyeusetez, etc., sans parler de Rabelais.
[72]
Voir not. Méon, p. 53, 119.
[73]
Coquillart : Contre-blason de d'Estrées, dédié à Louise d'Albret (en 1514).
[74]
Blasons du corps féminin, par Eustorg de Beaulieu, un des protégés de
Marguerite, à qui il adressa une épitre.
[75]
Rondeaux de Robertet, extraits de Pétrarque.
[76]
Nombre de ces œuvres sont inédites. En voici un échantillon : Jeunes
tendrons, aux poignans mamellettes, etc.
[77]
Le Franc.
[78]
Dès 1546, Delahaye, un ancien imprimeur d'Alençon, devenu « Silvius »,
pouvait louer Marguerite du service qu'elle venait de rendre à l'esprit
français : Le grossier Cupidon, dit-il, régnait en maître, lorsque l'Amour
vrai, descendu du Ciel pour le chasser, trouva chez la princesse son
hôtellerie, « et doulcernent se mist sur une haye ». (I, 103.) Selon lui,
Marguerite avait réussi à régler les appétits et à introduire pratiquement dans
la poésie l'amour philosophique.
[79]
I, 89.
[80]
P. 46 et suiv.
[81]
Le Fèvre, puis Eustorg de Beaulieu.
[82]
Voir G. Paris, Romania de 1887, pp. 383 et suiv. ; le Champion des
dames ; Louange des femmes, p. 6 ; Guill. Alexis ; Gratien du Pont,
f° 22 ; E. Deschamps, III, 308 ; V, 300.
[83]
Champier, le Mariage, la Nef des princes. Voir encore la polémique de
Bouchard et Tiraqueau, sur la valeur morale des femmes en 1513-1515 (Rabelais,
édition Didot, p. 7).
[84]
Stultifere naves.
[85]
Martin Le Franc.
[86]
Vita Ade et Eve, s. l. n. d.
[87]
Montaigne, liv. III, ch. III : Des trois commerces.
[88]
Liv. I, ch. LI ; liv. III, ch. V.
[89]
Poèmes en forme d'épîtres (Ms. de la Bibl. imp. de Saint-Pétersbourg), f° 40
v°, 58 v°, 1 v°. Cf. Epistre de Fausis Andrelin de Forly.
[90]
Liv. III, ch. III.
[91]
M. le marquis Costa de Beauregard, p. 31.
[92]
Costa de Beauregard, pp. 32, 34.
[93]
Apologia. Cf. Sermon joyeulx, Rec. Montaiglon, III, 261.