LES FEMMES DE LA RENAISSANCE

LIVRE DEUXIÈME. — LA VIE DU MONDE

 

CHAPITRE V. — LES RESSOURCES INTELLECTUELLES.

 

 

Qu'une femme soit belle, qu'elle pare toutes choses, qu'elle dégage une impression élevée, c'est à merveille, mais il n'y aurait là qu'un masque trompeur si elle n'entretenait pas en elle-même, avec un soin jaloux, le foyer de l'amour du beau. Castiglione, qui aime donner à ses définitions une précision mathématique, nous dit : « La femme doit vivre de la vie du monde et de la vie des arts, » mettant ainsi en apparence la vie esthétique au second rang ; mais il a bien soin d'ajouter : « Elle doit s'occuper de lettres, de musique, de peinture, danser et festoyer[1], » c'est-à-dire que le cœur doit renverser les rôles, que dans le for intérieur il faut mettre les préoccupations intimes avant les occupations apparentes. La chose est logique. Comment les femmes gouverneraient-elles le monde, si elles en étaient réellement les esclaves ? Pour servir de phare, il faut briller.

Du reste, nous aussi, nous avons le droit de demander où ces dames comptent nous conduire. Leur art consiste à plaire et à endoctriner. Plaire est leur secret, nous le leur laissons ; peu nous importe de savoir si Lucrèce Borgia taillait elle-même ses robes, où et par qui Marie Stuart faisait faire ses chapeaux, ni si les femmes plaisent toujours par ce qui plaît à leurs maris. Mais quand elles parlent de gouverner notre intelligence, il devient très intéressant de savoir comment elles nous accommoderont.

Leurs provisions intellectuelles consistent surtout en impressions d'art, suivant la formule de Castiglione. La peinture — et à plus forte raison les arts manuels inférieurs, dentelle, broderie, tapisserie... — y occupe le dernier rang, conformément au principe universellement admis dans le monde platonicien, que moins un art a besoin de recourir aux sens pour toucher l'âme, plus il est excellent. La musique l'emporte sur la peinture, parce qu'elle transmet directement une impression ; la musique vocale, surtout, représente presque le langage d'âme à âme, avec une très faible proportion de matérialité. La poésie est l'art suprême, la chose vraiment aristocratique ; personne n'aurait l'idée de la comparer à la peinture ni à aucun art manuel. D'un trait, le poète peint à la fois l'âme et le corps[2] ; comme dit Ronsard, « il peint dans les cieux ».

Une femme, pour faire sa provision de bonheur, commencera par vivre dans la familiarité du beau. Les sciences lui sont inutiles ; elle a peu le goût de les cultiver, et encore moins le temps. Mais, de même qu'il lui est nécessaire de déjeuner, elle doit aussi tous les matins donner à son âme un aliment, ne fût-ce qu'une gorgée de beau. Louise de Savoie, en se levant, lisait un psaume « pour embaumer sa journée », selon son expression ; il lui suffisait de cette lecture de quelques instants pour se verser une lumière intérieure qui devait la réchauffer jusqu'au soir.

Du reste, les femmes ont tout particulièrement le devoir de lire : outre qu'il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre ou à ressentir, la vie intellectuelle exige un entraînement continuel, j'oserai dire « une éducation » continuelle. Est-ce qu'un arbre qui refuserait de pomper la sève pourrait fleurir et fructifier et tarderait à élever en l'air des bras de squelette ?

Ainsi, avec une complète liberté d'esprit, aussi grande que la liberté matérielle, mais bien plus difficile à conquérir, une femme s'alimentera par elle-même, elle cherchera la beauté dans le vrai, en dehors de toute convention. Le réel adversaire de la liberté des femmes, ce n'est pas tel ou tel homme, c'est elles-mêmes, à cause de leur frivolité, de leur inconséquence et d'une passion innée pour le superficiel, autrement dit pour la convention ou la mode. Il leur faut une vraie force d'âme pour creuser quelque chose : elles s'abandonnent avec une joie parfaite au miroitement d'une pensée, obscure dans le fond, mais aveuglante dans la forme. Lorsqu'on n'a pas eu grand soin, dans leur enfance, de leur donner le goût de la précision, elles risquent fort de se volatiliser dans des habitudes de curiosité sommaire, comme d'ailleurs beaucoup d'hommes du monde.

Les livres ont joué un rôle majeur dans la psychologie de la Renaissance. Le luxe des livres passait pour le premier de tous : la bibliothèque qualifiait une maison comme l'argenterie. Parmi les femmes, Anne de Bretagne, Louise de Savoie, bien d'autres encore méritent essentiellement le titre de bibliophiles, aimant noblement les beaux livres, à belles miniatures, faits pour elles. On les accusait même de les lire. A cette époque, le parfum d'art qui s'exhalait d'une belle édition paraissait destiné à accentuer la pensée écrite, absolument comme la musique accentuait la pensée verbale : nous sommes devenus plus sages, et nous avons compris que les beaux livres sont des herbiers où il faut laisser sécher les idées pour mieux les conserver.

Il n'a pas manqué de rieurs pour se moquer de cette « suffisance livresque ». « Que de livres !... Ces gens-là veulent donc porter le monde sur leur dos[3] ! Quel gaspillage d'intellectualisme ![4] » Et, en effet, non seulement Marguerite de France croit aux livres, mais elle en raffole ; une bibliothèque lui paraît un sanctuaire.

Tant y en a (de livres) que le seul remembrer

Et les nommer n'est pas en ma puissance,

Mais il faisoit beau voir leur ordonnance...

Et du scavoir qui est dedans

J'en laisse aux folz craindre les accidens...

Des livres fiz ung pillier, et sembloit

Que sa grandeur terre et ciel assembloit[5].

Nous qui écrivons, nous trouvons assez naturel qu'on achète nos livres, qu'on les conserve, et que même on en coupe quelques pages ; si ce sont des femmes qui se chargent de ce soin, nous ne nous en plaignons pas. Nous fouillons obscurément sous terre, comme un mineur, à grands coups de pic ; pourquoi nous plaindrions-nous que, là-haut, au grand soleil, quelqu'un tamise et monnaye-notre métal, et en répande quelque chose dans le monde ?

C'est même une assez agréable surprise de rencontrer çà et là ses propres idées, envolées, et chaudement patronnées par des personnes qui les ont adoptées au point de les croire leur bien propre. Quelquefois c'est un autre écrivain qui veut bien se charger de les adopter ainsi, et alors notre impression peut n'être pas purement agréable ; mais si c'est un lecteur ou une lectrice, nous sommes bien récompensés ! Souvent, notre idée, en circulant, a modifié sa physionomie, et, si quelquefois elle nous paraît affaiblie, il arrive aussi qu'elle acquière plus de force.

Tout le monde ne peut pas écrire ! Les « amateurs » ont un rôle à eux, qui n'est pas celui des « ratés » un rôle de synthèse, de généralisation, de critique, d'appui, de sanction !

Le but de pensée et de vérité que nous poursuivons ne peut être atteint qu'avec l'aide de la conversation, si des femmes distinguées et enthousiastes se chargent de tirer de nos livres ce qu'ils peuvent avoir de bon, et d'en jeter la semence au dehors.

De cette collaboration presque indispensable entre la science pure et la vulgarisation résulte la vie. Comme l'a si bien dit Mme d'Haussonville :

« Un ardent désir de savoir a possédé le XVIe siècle tout entier. L'esprit mobile et flexible des femmes était entraîné dans le courant général. L'érudition a été la passion de cet âge, non pas cette érudition froide et minutieuse qui naît dans les siècles de décadence, et qui n'est souvent que l'appareil stérile d'une science d'école, mais une érudition vivante, intelligente et animée...[6] » c'est-à-dire animée par l'esthétisme.

A côté de raffinés comme Bembo, de laborieux comme Lefèvre d'Etaples, d'hébraïsants, d'exégètes attachés à leur glèbe avec une solidité virile, il y eut des esprits brillants, peut-être plus brillants que profonds, mais libres, qui ont fait la synthèse des travaux particuliers et qui leur ont donné une envolée inattendue. Pour les hébraïsants, les exégètes, les philosophes et les historiens de toute catégorie, la dispersion d'intelligence aurait été évidemment chose fatale ; mais cette dispersion est la raison' d'être d'une femme du monde chargée de mettre en circulation les résultats individuels.

Ainsi, le but que doivent se proposer les femmes dans leurs lectures est double : d'abord un but personnel, esthétique, pour se ranimer elles-mêmes et se donner l'élan ; puis un but de direction et d'apostolat, l'art de connaître les âmes, puis de les charmer et de les conduire par la conversation.

Du reste, on ne peut pas, sur la simple vue d'une bibliothèque, se faire une idée du possesseur. Dans les grandes maisons, par exemple chez le roi, il y a des livres d'héritage, d'offrandes, de mode. François Ier achetait les nouveautés italiennes[7], Pontanus, Bembo, Politien[8]. En réalité, il lisait surtout les romans de la Table-Ronde[9].

Les princesses ont aussi, à côté des livres à la mode, les livres qu'il a fallu acheter ou accepter, les livres d'héritage, ceux qu'on a « pour leur dos », comme dit Montaigne. Les rayons s'étalent brillamment dans une grande galerie décorée de la crème des objets d'art[10]. Le fonds commun se compose d'ouvrages élémentaires de piété, d'histoire et de morale ; on trouve encore des romans, des vers, Pétrarque, Boccace, des livres à gravures, qui remplacent trop souvent les charmants manuscrits dont Louise de Savoie resta une des dernières protectrices.

Ceux qu'on lit, ce sont les traités d'histoire, surtout d'histoire romaine, et de médecine pratique[11]. Ensuite, cela varie.

Certaines femmes, comme Anne de France, se nourrissent des Pères de l'Eglise, des philosophes, des moralistes. Beaucoup, tout en aimant les études de ce genre et en se disant hautement philosophes, préfèrent qu'on leur mâche un peu la besogne, et qu'on leur apporte des convictions toutes faites qu'elles n'auront plus qu'à ventiler et à distribuer par la parole. Nombre de traités italiens s'offrent à leur rendre ce petit service ; le roi de ces traités est le livre de Castiglione. le Courtisan. Nommer Castiglione, c'est nommer la Bible du platonisme, le code de l'esthétisme, le Machiavel de l’anti-machiavélisme ; Castiglione se trouve dans les mains de toute femme qui pense à l'idéal.

Au point de vue purement esthétique, les classiques sont en faveur, sauf Virgile, auquel les gens de Mantoue restent seuls fidèles, probablement par esprit local. Ovide, qui a tant et si bien parlé des femmes, prend sa place. Octovien de Saint-Gelais[12] et André de la Vigne l'ont popularisé en France par des traductions : ses éditions illustrées s'écoulent comme on veut, même avec de vieilles gravures. Dans les très hautes sphères esthétiques, on se réclame surtout de Cicéron[13]. Autour de Marguerite de France, les noms favoris sont Térence et Cicéron, Castiglione et Boccace[14].

Les jours de lecture, qui sont principalement (il faut bien le dire) les jours gris de l'existence, ceux où l'on se sent abandonnée de Dieu et des hommes, quand il faut « se remettre en selle », on recherche plutôt une impression légère, douce s'il se peut, ou tout au moins gaie, réconfortante, émouvante... La Bible est très utile pour ouvrir un peu le ciel sans avoir besoin de recourir au moine ou au curé, car une femme intelligente n'aime que les prélats ; ou bien, pour la psychologie, on s'adresse aux poésies, aux nouvelles, aux romans[15]. Un simple sonnet, une petite histoire très courte, mais énergique, affriolante, peuvent suffire à. guérir un marasme sans motifs ; dans les cas plus compliqués, on prend quelque énorme roman, qui captive l'attention pendant de longues heures et qui prête à la vie des reflets roses ou rouges.

La littérature de la Renaissance est bien pourvue de Nouvelles et de Facéties, correspondant à tous les besoins de littérature salée et épicée qui se manifestent chez une femme, même platoniste.

On s'en nourrit sans la moindre vergogne ; il est de bon ton d'en parler, d'en rire, d'en citer des tirades. Souvent quelque abbé de cour, directeur de la conscience de ces dames, et en mal d'évêché, se charge des explications ou de la traduction[16].

Quelques personnes se sont demandé si l'habitude de lectures aussi accentuées n'oblitérait pas à la longue le sens moral, surtout chez les femmes. Brantôme soutient que ç'a été la cause de toutes les perversions. Marguerite de France ne le croyait pas ; elle avait dans l'art une foi si ardente qu'à son avis on donnait une preuve de vigueur d'esprit, en abordant toutes les lectures sans broncher. Son ami Marot le lui a dit, en riant un peu — car, dans le conflit entre la chair et l'esprit, il tenait pour la chair — ; il cite un choix des œuvres réputées les plus perverses[17], et il ajoute :

Tout cela est bonne doctrine,

Et n'y a rien de deffendu.

Marguerite, élevée avec Saint-Gelais et Boccace[18], était réellement vaccinée. De plus, comme quelques femmes de mysticisme étroit, elle ne craignait pas les contrastes : l'âme et le corps dans chaque plateau de la balance, Pétrarque corrigeant Boccace, et vice versa... La bonne humeur, la gaieté font partie de l'hygiène platoniste, et on les prend où elles sont. Les grosses plaisanteries n'amusaient pas ! Un Allemand, qui a fort peiné pour écrire un Eloge de la calvitie, en convient : « Nous sommes ridicules, même quand nous écrivons des choses sérieuses, mais nous ne sommes jamais gais. Si nous voulons plaisanter, on dirait, selon le proverbe, que nous sautons un chameau... » Les écrivains soi-disant amusants sont si ennuyeux ! un vieux philosophe croustillant comme Nifo ! ou ce bon La Perrière, ami de Marguerite, qui dédie ses vers lascifs, ses « cent[19] considérations d'amour », à un greffier des Eaux et Forêts !

Il faut que les femmes en reviennent à Boccace[20], puisqu'il était en possession d'amuser ! Un morceau inédit de Boccace, découvert par hasard, et qui n'était pas remarquable, couvrit de gloire Claricio d'Imola, et fut publié aux frais d'un mécène Milanais, Andrea Calvi, sous les auspices de Léon X, de François Ier[21]... Castiglione[22], Marguerite n'ont garde d'attaquer une pareille renommée ; leur ambition est de la confisquer. Marguerite fit faire une traduction nouvelle de Boccace. Elle-même, on le sait, voulut imiter le dieu : réellement, c'était une très bonne industrie ; pour avoir démarqué Boccace, Firenzuola devint prélat, Bandello évêque de Nérac ; un 'simple sellier, Nicolas, conquit la faveur du roi. Sous des pseudonymes transparents, l'adresse consistait à raconter des histoires vraies. Et cependant Louise de Savoie aimait encore presque autant les « Actes des Apôtres[23] ».

La Facétie eut un sort moins brillant : le Pogge, Cornazano, toujours chers aux femmes, transmirent beaucoup de leurs histoires à des imitateurs, Domenichi, Delicado, Boistuau, qui les repassèrent ensuite à Shakespeare, à La Fontaine...

L'ancien roman conservait une grande faveur ; il la méritait, en ce sens qu'à un sentimentalisme chevaleresque il alliait un piment suffisant pour qu'une honnête dame pût le laisser traîner sur sa table[24]. Les femmes raffolaient du vénérable roman de cape et d'épée[25], long, filandreux, héroïque ; jadis, au mu° siècle, il avait conquis l'Italie[26]. Il plaisait aux princesses par son côté élevé, aux portières par son intérêt abracadabrant. En pleine efflorescence d'humanisme, d'idées nouvelles et d'esthétisme, on vit reparaître le Roman de la Rose[27], et défiler d'année en année, comme par l'effet d'une évocation effroyable, tous les vieux preux aux profils enthousiastes et lugubres, les tenants du saint Graal et de Mélusine, Lancelot du Lac et Perceforest, et Fier-à-bras, ou bien Perceval, Ponthus, Meliadus, Pierre de Provence, tout ce monde gothique, qui se croyait si mort. Avec eux, ils traînaient leurs parents et amis la Belle Hélaine, Theseus, la Destruction de Troye,le-Preux Hector, Œdipus, Alexander Magnus, ceux-là dignes, jusqu'à un certain point, de coudoyer Platon ; mais aussi Baudouin, le Grant Voyage de Jherusalem, la Congueste... de Trébisonde, dans un temps qui se souciait bien peu des Croisades ! Les Italiens eux-mêmes se jetèrent avec frénésie sur Charlemagne. Il y eut comme une étincelle électrique, réciproque. La France s'éprit de l'Italie au large cœur, l'Italie s'éprit de la France au grand bras ; les femmes du Midi, et les hommes du Nord ! Les platonistes hommes eurent beau trouver l'événement ridicule ; chez Laurent de Médicis, dans le sanctuaire, Pulci eut beau traduire toutes les colères et faire passer aux paladins un mauvais quart d'heure, rien ne résista, et un roman, fort mauvais d'ailleurs, intitulé I reali di Francia, devint la sève de toute une littérature nouvelle.

Les hommes succombèrent à cette mode, parce que les femmes les y poussaient. Du reste, les nations sont comme les veuves, elles aiment les défunts. Depuis que la chevalerie n'existait plus, il était naturel de ne jurer que par elle. Plus notre activité s'affaisse, plus nous nous éprenons de ce que le passé paraît présenter de démesuré. Charlemagne remplit donc l'horizon ; de tendres regards caressèrent les vieilles épées rouillées, et, tandis que de jolies œuvres,, toutes pimpantes, ne parvenaient guère jusqu'au cœur des femmes, les spectres, pour vaincre, n'avaient qu'à paraître. Parfois, ils se présentaient tout nus, dans la grandeur étrange de leur énergique ossature ; d'autres fois, un éditeur intelligent leur faisait quelque toilette, les astiquait, les ornait de petits nœuds roses ou bleus[28]. Combien Amadis, le plus célèbre peut-être de ces romans, subit-il ainsi de préparations ! On avait oublié qu'il venait de France ; il fut espagnol d'abord, puis italien, puis importé en France par une traduction d'Herberay des Essarts, avec un succès fabuleux : « Qui eût dit du mal des Amadis se serait fait conspuer[29]. » De quatre livres, il passa à douze[30]... ; il aurait pu s'allonger indéfiniment, comme certains procès de nos jours.

Ces vieux romans ne sont guère connus aujourd'hui que des érudits ; ouvrons au hasard n'importe lequel : Lancelot du Lac, un des plus classiques[31] : les couleurs sont crues. A côté de virginités mystiques, on voit fumer de grossiers appétits. Femmes et jeunes filles ont du sang dans les veines et ne font rien à moitié, comme toutes les personnes d'éducation un peu primitive ; il suffit d'un instant où son mari a le dos tourné, pour que la reine « Genièvre » esquisse avec Lancelot à la forte moustache un projet de réconciliation, et le brave chevalier n'a pas trop besoin de supplier pour qu'on lui ouvre la fenêtre. Messire Gauvain parlemente fort peu avec la fille du roi de Norgalles, qu'il surprend étendue sur son lit d'hermine, dans un déshabillé virginal, mais ravissant[32] ! Artus oublie très vite« la reyne Genièvre parmi les consolations qu'une jeune fille, « courtoise et de bonnes paroles, » lui apporte dans son cachot[33]...

En fréquentant le beau monde platoniste, le vieux geste contracta des manières un peu plus fines ; le roi Artus finit par s'entourer assez galamment, Roland négligea Charlemagne pour courir après sa bien-aimée : ô horreur, Angélique filait le parfait amour avec un page sarrasin[34] ! L'antique roman torrentueux fit comme le Rhône, il tomba dans un lac bleu.

Malgré tout, les prélats l'excommunièrent toujours, et ils eurent le courage de rompre sur ce point avec les femmes. Ils n'admettaient ni les anciens maîtres, ni les nouveaux, l'élégant Cataneo, le joyeux Boiardo ; rien ne les désarma : ni le succès de romans tels que la Célestine, ni les flatteries. Lorsque l'Arioste offrit au cardinal d'Este son chef-d'œuvre bardé de dithyrambes en l'honneur de tous les Este passés, présents et futurs, l'aimable prélat lui dit : « Où donc avez-vous pris toutes ces bêtises[35] ? »

Bref, les femmes qui lisent, lisent ce qui parles d'amour : voilà' de quoi elles font provision. La philosophie parle d'amour, elles sont philosophes ; romans, facéties, nouvelles, poésies parlent d'amour : elles goûtent aussi cette philosophie. Seulement, les unes ont l'esprit d'amour par philosophie, les autres ont de la philosophie par esprit d'amour, et cela produit entre elles de grandes différences.

Les premières sont froidement sentimentales, on ne gouverne réellement pas avec la froideur ; elles vivent dans l'absolu, — on ne gouverne pas avec l'absolu. Elles perdent le contact avec les -choses, elles n'ont pas la chaleur communicative qui fait les apôtres. Ce sont des princesses, des personnes sacrées, à admirer sans y toucher.

Platon n'a pas dégagé la règle pratique du bonheur, et ses meilleurs amis conviennent que ses idées sociales présentent bien des côtés chimériques.

Mais celles qui philosophent par amour sont les ardentes, les actives, qui savent que le monde obéit aux passions, bonnes ou mauvaises, et que là est le secret de la puissance féminine, beaucoup plus que dans n'importe quel raisonnement. La béatitude de la raison peut être naïve ; la passion a des yeux de lynx. L'amour ne se raisonne pas et ne se fabrique pas, il se reçoit et il se donne ; la vie aussi n'est qu'un perpétuel échange, et le bonheur consiste à vivre, tandis que Platon le cherche dans la contemplation de soi-même et dans l'égoïsme. Pour agir sur autrui, il faut subir l'action d'autrui ; pour rendre heureux les autres, il faut être heureux par les autres. Cette opération manque de logique. Qu'importe ? Rien n'est plus illogique et plus relatif que le bonheur, puisqu'il s'applique à nous. Voilà, pour beaucoup de femmes, la science de la vie, et elles aiment le roman comme un tableau de philosophie, non pas didactique, mais vivant, où le cœur crie au lieu de se laisser disséquer.

On sentait le livre. Le Pogge nous raconte l'histoire d'un brave homme, marchand et Milanais, c'est-à-dire doublement calme, qui pensa périr de chagrin à la suite d'une lecture sur la Mort de Roland : pourtant Roland était mort depuis sept cents ans ! A plus forte raison, les femmes ont-elles le droit de se montrer sensibles.

Aussi, quand elles lisent, attachent-elles le plus grand prix aux formes extérieures qui produisent une impression ; elles en sont plus touchées que des idées. La femme de Guillaume Budé déclarait aimer les livres de son mari, non pas à cause de ce qu'ils pouvaient renfermer, mais parce qu'elle les considérait comme des enfants de son mari. Les femmes adorent les magnificences d'expression, la rhétorique, le rythme, la « beauté couturière » du langage ; la poésie leur semble l'enchantement suprême, parce qu'elle répond en même temps à leur besoin personnel de sensibilité et à leur mission, qui consiste précisément à semer dans la vie un peu de charme, c'est-à-dire un peu de poésie extérieure.

Du reste, ce qu'on nommait poésie, nous l'appellerions volontiers musique. La poésie n'est, alors, qu'un perpétuel libretto ; les paroles donnent le mètre, la cadence, l'impression (surtout l'impression), et l'on admet qu'elles conservent un caractère un peu effacé, que l'idée y flotte à l'état incertain, plutôt trahie qu'accusée par l'harmonie du dehors. Notre grand Lamartine, avec sa pensée haute et indécise, a bien été, même pour nous, le premier des poètes. Au contraire, la mélodie musicale a pour but de saisir hardiment tous ces mots, de les préciser, de les rendre intenses, de les faire briller et ressortir. L'emploi principal, ou même exclusif, des voix humaines accentue encore ce relief ; les arêtes délicates de la voix, profilées avec une extrême adresse, semblent dessiner les contours de l'âme.

Les admirables inspirations de Vittoria et de ses prédécesseurs nous toucheront à jamais ! Dans cette vieille musique idéaliste, tout un monde insaisissable, nos vœux, notre amour, nos douleurs poignantes, nos prières jaillissent en gerbe, éclatent dans le ciel comme un feu d'artifice : « Dieu ne nous a rien donné de plus agréable, de plus doux, s'écriait un poète : c'est la messagère céleste, la consolatrice de tous les maux[36]. »

On remit en musique et on chanta les sonnets de Pétrarque, composés, d'ailleurs, dans ce but : Théodore Riccio donna un accompagnement de la fameuse romance Italia mia, Ciprian van Rore du sonnet Fontana di dolore, Albergo d'ira[37]. Ronsard aussi écrivit ses rimes sonores pour la musique : Baïf alla, comme on sait, jusqu'à proposer de transformer l'écriture en une sorte de notation, et lorsque s'institua son académie, les compositeurs de musique, et même les simples chanteurs, y entrèrent au même titre que les poètes. L'art consiste à donner à la pensée toute la beauté extérieure dont elle est susceptible... Les philosophes comptent la musique métrique (c'est-à-dire la poésie) ou vocale comme une partie de la philosophie[38]. L'art, ainsi intellectualisé, devient bien une religion. Au Vatican. Raphaël peint le Parnasse et Apollon chantant comme un vieux barde[39]. Dans toutes les peintures du Paradis que nous avons pu voir, nous n'avons rencontré ni une palette, ni un ébauchoir, ni même une tribune aux harangues, ni un encrier : rien que la pure conversation directe avec Dieu par la contemplation et la musique. Et quoi de plus délicieux que les petits chœurs d'anges, imaginés par Jean Bellini aux pieds de ses madones, comme l'encens du monde ? Melozzo donne un orgue pour attribut à une reine[40], Titien en donne un à ses Vénus. Il semble que ce soit le cachet du bonheur.

Le peuple lui-même était étrangement épris des harmonies intellectuelles. En Italie, nombre de poètes passèrent leur vie sur les carrefours, comme Homère. Aurelio Brandiolini, par exemple, qui célébrait sur les places de Vérone les héros antiques, en vint, soutenu par les acclamations populaires, à exécuter de véritables tours de force, tels que de chanter en vers les trente-sept livres de l’Histoire naturelle de Pline. Le célèbre Bernardo Accolti tenait ses assises de ville en ville, sur la place ; dès qu'il arrivait, la foule s'amassait, les affaires étaient suspendues, les boutiques bien au loin se fermaient, les balcons commençaient à s'illuminer, la police accourait assurer l'ordre ; perçant la foule par faveur, clos notables formaient autour du poète comme une garde d'honneur ; et, cependant, sous la lampe de quelque madone ensommeillée, vers le ciel lumineux, au milieu du silence de la foule, la voix du poète s'élevait, appuyée d'une guitare, chantant l'amour[41].

Rien ne caractérise mieux l'époque que cette passion populaire pour les musiciens, les poètes et les bouffons. Loin de s'abaisser au contact de la foule, la poésie semblait y prendre plus d'ampleur. Un pur virgilien, nommé Andrea Marone, comme Virgile, ne se sentait à l'aise que sur une borne : dans cette posture, l'inspiration le saisissait comme une sibylle antique ou un fakir ; ses veines se gonflaient. la sueur perlait, une pantomime expressive de tout son être accentuait son chant, ses yeux lançaient des éclairs, il semblait qu'une partie de son individualité sortit de lui-même et se répandit sur ses auditeurs en pluie de flamme[42].

Presque toutes les femmes ont aimé la musique, car les hommes sont très accessibles à ce charme de l'oreille. Même en France, malgré la médiocrité de l'éducation esthétique, on ne se figure pas ce que les hameaux recélaient alors de harpistes et de tabourins[43]. La duchesse d'Orléans, à Blois, patronnait un flot de « guiterneux », ménétriers, ou trompettes[44] plus ou moins authentiques, sans compter les guitaristes de passage, toujours bien accueillis ; elle avait, comme toutes les princesses, son orchestre particulier[45], et deux beaux tabourins, à plaque de vermeil, si beaux, que, pendant ses couches, elle les faisait jouer aux pieds de son lit. Ce lui fut un grand crève-cœur d'avoir à licencier, par un sage motif d'économie, la chapelle ducale, et même un des tabourins ; l'ancien maître de chapelle, Pierre de Vervel, resta toujours son ami[46].

Nous avons montré, jadis, Louise de Savoie, une cithare en main, entourée d'une harpe, d'un orgue et de tout un orchestre[47]. Louise Labé approuvait les jeunes filles de consacrer à la musique le meilleur de leur temps[48]. On ne comprenait pas qu'une femme, en possession de ce moyen divin de séduction[49], pût le négliger ; lorsque Mme de Hauteville se faisait prier pour déployer sa voix magnifique[50], on lui reprochait cette fausse modestie comme une sorte d'erreur professionnelle. Le matin, Marie d'Angleterre, près de Louis XII, son vieux mari exténué, chantait avec une guitare, et le pauvre prince se sentait revivre, tant il y prenait « plaisir mirifique[51] » ; Marguerite de France, qui nous a laissé des milliers de vers, se mettait évidemment à la poésie comme on se met aujourd'hui au piano, pour laisser errer sa pensée : à défaut de sa bouche, ses doigts chantaient. Il est fort probable que beaucoup de femmes se sont ainsi livrées à leurs inspirations, moitié musique, moitié poésie.

On en a été quelquefois excédé[52]. Il était agaçant de rencontrer certaines personnes toujours un refrain sur les lèvres. Sitôt entré dans un salon, vous vous voyiez menacé d'un instrument, il fallait vous exécuter. Et puis, combien d'amateurs feraient mieux de se cadenasser que d'aller chevroter leurs romances !

On a reproché aussi à la musique un effet engourdissant, on a été jusqu'à l'appeler un art de décadence, on soutenait que les anciens Mèdes avaient péri par amour de la musique[53]... Castiglione s'emporte presque à ce sujet : « Quoi ! la musique amollit ! Mais, je vous prie, Alexandre, Socrate, Epaminondas, Thémistocle n'étaient-ils pas musiciens ? Lycurgue l'était presque ! La harpe a-t-elle empêché Achille de verser du sang, puisque c'est là que vous voulez en arriver ? Amollir ! Mais, sans la musique, comment louer Dieu ? Qui réconforterait le laboureur hélé à sa charrue, la paysanne à son rouet, le marin dans la tempête, le voyageur sur sa longue route, la nourrice dans la fatigue des veilles près d'un berceau ? La musique est, au contraire, le charme de la vie et son lustre, son salut[54] ! « Aucun art ne correspond mieux aux besoins de notre sensibilité et ne nous apporte plus librement des impressions vives et variées. Elle adoucit, elle calme, elle pénètre, elle émeut ou bien elle enthousiasme, elle nous enlève au ciel par ses coups d'aile rapides, véhéments, pressants[55]. »

Castiglione traite presque la musique comme l'amour : ce sont pour lui deux termes si proches que vraiment on ne sait si, à son avis, la chanson ne l'emporte pas sur l'amour.

Pour ce qu'on lui demande, c'est-à-dire un peu de bonheur, la musique est une œuvre de sentiment plutôt que de science[56]. Des notes un peu osées ou même imparfaites se pardonnent, si elles fusent, pétillent et passionnent : on attaque nettement, on file très doucement la fugue finale, en partie double. L'idéal, c'est d'entendre dans un salon une voix bien timbrée, chaude, soutenue par une simple guitare[57] ; ou plutôt de voir cette voix, car la guitare, qui n'est pas disgracieuse comme le piano, s'anime, fait corps avec la chanteuse, et toute la personne vibre.

Pour les idéalistes de tout à fait premier ordre, la musique flamande, française, allemande, l'emporte sur la musique italienne, parce qu'elle exprime des idées, tandis que la musique italienne ne va guère au-delà du sentiment, ou même de la sensation. Rome même se laisse conquérir par les gens du Nord[58]. Au milieu de bien des artistes distingués et souvent admirables[59], la grande figure de Jean de Ockeghem, mort à Tours en 1495[60], nous apparaît comme celle du patriarche qui, plus que personne, « ennoblit[61] » son art.

Son successeur, un Flamand élevé à la même école — mais dont nous avions oublié jusqu'au nom, en perdant sa tradition —, Josquin de Prez, attaché à la chapelle de Sixte IV, devint Romain par adoption et ne quitta Rome qu'en 1508 pour aller à Ferrare. Josquin est l'homme de la règle, de la perfection, habile à enchaîner les dissonances, à faire cheminer les voix les unes parmi les autres. Des arcanes sombres d'un sanctuaire, son inspiration profonde surgit clairement pour s'épanouir en couleurs brillantes et douces ; il lance des phrases multicolores qui décrivent leur parabole sans se confondre et sans se nuire ; blanches, vertes, rouges..., c'est toujours la même flamme.

Beaucoup d'Italiens critiquaient, comme systématique et mystique, l'emploi exclusif des voix humaines. Ils voulaient au moins un instrument : la grande viole (devenue notre violoncelle), ou le violino, dont le célèbre Amati tira, vers 1540, le violon... C'est un violino que Raphaël met dans la main de ses chanteurs, qui s'identifient avec l'instrument par un élan passionné[62].

Dans les petites cours, on cultive la musique de chambre[63] ; heureux Etats ! Aucune affaire ne l'emporte sur la recherche d'un bon musicien4, c'est bien le règne du dilettantisme. La cour de Ferrare passait pour un Conservatoire ; elle avait un orchestre célèbre[64] à qui César Borgia emprunta des violonistes en partant pour la France[65]. On avait soin d'encadrer l'exécution des morceaux avec toutes les précautions imaginables et le respect le plus parfait ; il ne s'agissait pas de s'empiler dans une salle, trop chaude ou trop froide, de se serrer, de s'asseoir de travers pour écouter de la musique à l'heure. Voici comment Lorenzo Costa nous peint la salle de concert : tranquillement accroupies sur un tapis de gazon, à l'ombre d'arbres au très léger feuillage, sans soleil et sans brise, les femmes forment centre : elles dialoguent d'amour pur. Tout respire leur propre douceur. Elles couronnent de fleurs un agneau et un bœuf ; le paysage semble étendre la vie dans un horizon presque sans bornes, que coupe une nappe d'eau limpide aussi bleue que le ciel. Au milieu, discrètement, on fait de la musique ou bien l'on écrit des stances. Personne ne prête attention (tant le charme est profond !) à un groupe militaire, assez lointain, qui repousse une incursion, ni à un beau chevalier, solitaire et très élégant, occupé à tuer délicatement un reptile, ni à certains groupes égarés sous la feuillée, vers l'extrême frontière du platonisme.

La musique purement instrumentale, ou à grand orchestre, répond aux sentiments vulgaires ; elle sert à faire danser ou à faire manger, comme dans les banquets de Véronèse. Elle représente les voix de la Nature. On la comprend principalement sur l'eau[66], et alors les gens sages eux-mêmes y trouvent un des bonheurs de la vie. C'est la joie des pays de volupté : « La musique éteinte, il faut faire la prière[67]. » A Venise, dès que les vieilles coupoles, les hauts bronzes et les longues façades, décor d'un bal bigarré, s'estompent de brume, on dirait que la ville nage dans la musique : mille cloches carillonnent l'Ave Maria ; des bruits, enchevêtrés, de sérénades et de concerts, s'élèvent des palais, des ruelles, de tous les coins : la mer y répond ; sur la surface polie du Grand Canal glisse, à fleur d'eau, une société bruyante ; une barque illuminée clapote sous une fenêtre, avec un orchestre ou un chœur. Étrange enivrement Bien des Italiens pieux, comme Alberto Pio[68], le trouvent si doux qu'ils aiment à le transporter dans les églises. Pourquoi pas ? Ces symphonies vibrantes ne suivent pas de très près, dit-on, les textes sacrés, elles ne sont pas toujours de premier ordre ; « on entend les enfants hennir, le ténor mugir, les contrepoints braire, les contraltos crier, les basses racler le fond d'un puits », et les puritains ne reconnaissent plus là le grave sentiment religieux, la « prononciation modulée, la parfaite énonciation, qui fait pénétrer les paroles dans l'esprit[69] » ; c'est une musique d'étourdissement : mais s'il faut, pour notre bonheur, que tout nous prenne à la fois, par la sensation et le sentiment, pourquoi nous le défendre ?

Même la musique de danse peut ennoblir la danse et devenir un élément d'enthousiasme, de paix, de joie. C'est ce que disait à merveille Mme de Sillé à un chanoine, assis près d'elle, qui riait de voir des hommes sauter et un autre s'époumonner à. les faire sauter en soufflant dans un morceau de bois percé : « Comment, vous ignorez donc le pouvoir de la musique ! Le son de ce bois nous pénètre l'esprit, puis l'esprit commande au corps, et ces pantalonnades sont l'expression de l'âme. Préféreriez-vous jouer à la paume ? » Le chanoine se tut, d'autant plus qu'il saisit des regards obliques dirigés sur lui, et qu'il se vit menacé d'être traîné dans la danse par représailles... Même à tout ce tapage de la danse, aux harpes, luths, orgues, manicordions, échiquiers, psaltérions, rebecs, guitares, tabourins, grandes violes, flageolets[70]... on demande un peu d'expression. Le harpiste que Mantegna nous montre, faisant danser les Muses, y met toute son âme ; il danse le premier[71].

Ce serait le cas de parler aussi du théâtre, mais nous en dirons peu de chose, attendu qu'il n'exerçait pas alors, à beaucoup près, la même action qu'à présent. Et surtout les femmes n'y participaient que comme fraction du public. Ce fut surtout l'art des prélats, qui le transformèrent avec autant de soin que les femmes en mettaient à conserver les vieux romans. Ainsi se départagèrent les deux grands pouvoirs platonistes, les prélats prêts à marcher en avant, les femmes volontiers retardataires.

Le théâtre, avec ses allures modernes, s'empara de l'Italie au XVe siècle[72], et Rome en fut presque la patrie. Pomponius Lætus, le fournisseur attitré des pièces de Plaute et de Térence, mourut quelques jours après Savonarole. Les cendres du moine avaient été jetées au vent : Rome entière voulut conduire les restes de Lætus à Ara-Cœli, puisque c'est une œuvre chrétienne de faire aimer la vie.

La palme de l'art théâtral revint sans conteste à Bernardo Dovizio da Bibbiena, qui s'avisa de secouer le joug des traductions et d'écrire une simple imitation de Plaute, la Calandra.

Bibbiena[73] était un des types les meilleurs de ce monde des prélats, que, malgré tout, nous ne pouvons pas séparer de celui (les femmes. Il appartenait à l'étroite intimité de Léon X, ayant été élevé avec lui (quoique, d'ailleurs, fils de paysan). Il avait un entrain et une verve qui, d'après Paul Jove, « faisaient perdre le sens aux gens les plus graves » ; il triomphait surtout à table. D'ailleurs, un de ces hommes effrayants qui mènent de front labeur et plaisirs. Devenu cardinal, il déploya une grande activité, fut légat, prédicateur de croisade, et mourut à cinquante ans ; il a laissé un bon nombre d'opuscules, de poésies, de lettres : mais c'est le théâtre qui l'illustra.

On ne saurait imaginer le bruit que fit la première représentation de sa Calandra, à Urbin, au centre du platonisme. Tout avait été combiné avec le soin et l'adresse d'amateurs parfaits.

La scène représentait des monuments en stuc et des trompe-l'œil exécutés par des artistes tels qu'on en possédait alors. La salle, rattachée au décor, figurait des fortifications, et les spectateurs s'y prélassaient commodément sur de bons tapis, au milieu de lustres et de guirlandes de fleurs. L'orchestre, invisible. se faisait entendre tantôt d'un côté, tantôt de l'autre.

Les organisateurs ne négligèrent rien non plus pour soutenir la pièce elle-même par une grande variété de spectacles : un lever de rideau joué par des enfants ; un prologue ; quatre pantomimes d'entr'acte : l'histoire de Jason, avec des taureaux de baudruche à naseaux fumants ; Vénus, entourée d'amours ; Neptune, dans les flammes, tiré par des monstres fantastiques ; Junon, entourée d'une nuée d'oiseaux tellement vrais qu'un instant Castiglione, qui les avait fait faire, les crut naturels[74]. Tout cela dansait des pas savants, avait des trucs imprévus. A la fin, un amour récita des stances, q Iliaques violes cachées chantèrent une romance sans paroles, quatre voix conclurent par un hymne Cupidon.

En somme, si les femmes n'avaient pas la direct ion de ce régal platonique, elles n'y perdaient rien : la fête leur était dédiée, tout avait pour but la glorification de l'amour idéal. Une pareille représenta-l ion prenait un caractère élevé et presque solennel, dans le genre des représentations actuelles de Bayreuth.

La Calandra était-elle un chef-d'œuvre ? Non : l’intrigue tient à une équivoque entre deux jumeaux, Frère et sœur, qui changent de costume suivant les besoins ; Bibbiena a tiré de là des situations risquées, des mots verts, des explications embrouillées[75]. Mais elle obtint un succès immense. On la représenta encore à Urbin en 1513, puis au Vatican à propos d'une visite d'Isabelle d'Este. Sur cette scène suprême, ses hardiesses éclatèrent au grand jour de la critique et scandalisèrent quelques cardinaux ; mais, d'un autre côté, son interprétation fut si splendide, « comme élégance théâtrale, comme esprit, solidité et gaîté[76], » que l'enthousiasme déborda ; la marquise Isabelle n'eut point de repos jusqu'à ce qu'elle eût organisé à Mantoue une représentation semblable. Cet événement se produisit en 1520. Depuis lors, d'innombrables éditions ont popularisé la Calandra, que la ville de Lyon choisissait encore, bien des années après, pour ses galas en l'honneur de Catherine de Médicis.

La perfection du théâtre atteignit son apogée au Vatican, sous Léon X. L'habileté des acteurs, tous gens du monde, leur jeu sobre, attique, sans trace de métier, fit de cet art un délice esthétique. Toutefois, les femmes ne paraissaient pas sur la scène. Leurs rôles étaient tenus par des hommes, et à ce titre nous devons présenter à nos lectrices un jeune prélat, attaché de nonciature, Thomas Inghirami, qui fut, à la cour de Léon X, le coryphée des rôles de femme. Florentin et ami intime du pape[77], qui a tenu (personne ne l'ignore) à se faire peindre avec lui par Raphaël, écrivain parfait, au point qu'Erasme l'appelle « le Cicéron du siècle[78] », Inghirami aurait pu occuper une place de premier ordre dans cette illustre génération, si son dilettantisme aimablement nonchalant ne l'eût porté à croire qu'on abuse de la plume ; il se bornait à briller dans la conversation, et là il était inimitable ; Bembo, Sadolet ne parlent de lui qu'avec enthousiasme, et, (lu reste, dans un des milieux les plus connaisseurs, mais les plus difficiles, qui aient jamais existé, il se fit, comme causeur, une renommée européenne. S'il n'avait pas la gaieté extraordinaire de Bibbiena, il parlait avec une passion, un esprit, un feu éblouissants ; ses grands yeux, noirs comme le charbon, ont une puissance incroyable ; on sent que son cœur lance des éclairs.

Il aima le théâtre ardemment. Un jour, chez le cardinal de Saint-Georges, dans le rôle de Phèdre, de l'Hippolyte de Sénèque, il transporta tellement les assistants par sa distinction, et surtout par sa flamme, que le nom de « Phèdre » lui resta invinciblement attaché. Il fut prédicateur, savant bibliothécaire du Vatican, digne évêque de Raguse ; n'importe, d'un bout à l'autre de l'Europe, on ne connut plus que « Phèdre », ou tout au plus « Thomas Phèdre ». Seulement, on masculinisa le nom ; c'est ainsi qu'Erasme écrit : « J'ai connu et aimé Phèdre » (Phœdrum).

Malheureusement, dès 1505, les correspondances de Rome retentissent d'une nouvelle lamentable : Phèdre engraisse, Phèdre est gros. « Tant mieux, riposte en grec Bembo, nous lui souhaitons deux jumeaux. » Le portrait du Palais Pitti nous le montre, en effet, ce superbe type platoniste dé pseudo-femme, déjà un peu large ! On voit qu'il a été beau, certes ! Ses yeux continuent à flamboyer et jettent vers le plafond leur regard toujours fougueux ; il a encore sa belle main potelée, sa bouche spirituelle : et pourtant, assis à sa table, il n'a plus l'air que d'un beau prélat.

C'est ainsi que s'irradiant de Rome, sous les auspices de femmes comme Isabelle d'Este[79], ou de connaisseurs comme Louis de Gonzague, évêque de Mantoue[80], l'art du théâtre régna noblement dans les cours et les châteaux d'Italie[81], sans rien perdre de son cachet élégant et artistique. II se prêtait à tout avec une extrême souplesse, et il allait, de l'opéra-ballet en plein air[82] à la comédie ou à la tragédie. Mais il prit, comme les Nouvelles et les Romans, un caractère licencieux et même cynique, que tout le monde trouva naturel. Ainsi, à Turin, au commencement du carême de 1537, on représentait une comédie des plus osées : « Quelle fête lui font les dames d'ici ! » s'exclame un témoin. A Foligno, le préfet pontifical, un certain Orlino, réglait lui-même la mise à la scène du Marescalco, pièce d'Arétin fort légère, et aussitôt après la représentation ce digne suppôt de la « tyrannie » pontificale écrivait à l'auteu r pour en réclamer une autre semblable. La Ruffiana de Salviano et bien d'autres pièces plus que libres obtinrent d'éclatants applaudissements. Quelques personnes s'émurent, déclarèrent le théâtre un foyer d'immoralité. Le Sénat de Venise, par décret du 29 décembre 1509, interdit toute représentation, même dans un salon, fût-ce une récitation d'églogue, et cela sous peine d'un an de prison et d'exil, « irrémissible » disait le texte — toutefois, d'après un post-scriptum secret, le Sénat se réservait de prononcer la peine, et à une forte majorité —. La Calandra n'en fut pas moins représentée à Venise, en 152i, sans aucun incident[83]...

Le théâtre italien, n'ayant pas pour lui les femmes, réussit peu en France[84].

On vivait sur les vieux Mystères ; l'entreprise venait habituellement d'un couvent[85], d'une ville, et, à l'inverse de l'Italie, elle conservait un caractère d'enseignement patriotique et moral plutôt que d'œuvre d’art[86] ; ainsi nous voyons Louis XII faire grâce à un impresario, pour quelque peccadille criminelle, en raison de l'excellence de sa profession[87].

Italianistes et platonistes français respectèrent cette tradition. En 1506, sous les yeux de Louise de Savoie, la ville d'Amboise fit représenter un mystère de la Passion, « le plus beau qu'on pût trouver ». Un prêtre jouait le rôle du Christ ; la représentation dura huit jours, et avec un tel succès que, deux ans après, M. de Longueville voulut la recommencer à Châteaudun et entretint même à ce propos une correspondance aigre-douce avec les édiles d'Amboise, qu'il accusait de confisquer le texte. Ce mystère avait coûté fort cher : la ville mit cinq ans — ce qui paraissait alors énorme — à amortir un emprunt de 4.000 livres contracté à cette occasion[88]. On ne voit pas que Louise de Savoie, qui habitait le château, ait, en quoi que ce soit, contribué à la dépense, comme le faisait M. de Longueville à Châteaudun ; elle n'y contredit pas non plus, et. vers le milieu du siècle, c'est encore sous les yeux d'une femme tout à fait platoniste, la seconde Marguerite de France, à Bourges, qu'on signale les dernières assises connues de l'art des Mystères[89].

La première Marguerite, si hardie sur les autres points, conserva en matière de théâtre une remarquable réserve. Elle se borna à tenter un genre intermédiaire : des comédies religieuses, espèce de moralités italianisées, plus faciles à représenter, moins massives que les anciens Mystères, et d'ailleurs ni très pieuses, ni très gaies, ni très propres à saisir vivement le public. De sorte que le théâtre conserva longtemps les traces de son caractère initial. Voltaire encore dédiait une tragédie au pape et enrageait de ne pouvoir se faire représenter à Genève. Le seul genre cosmopolite est celui des farces, pochades, arlequinades, charges de carnaval, auxquelles les plus glorieux platonistes de Florence ont attaché leur nom[90]. Arlequin et Polichinelle ont toujours réussi en France[91] : « Ils ont de quoi faire rire sans se chatouiller[92], » mais ils n'apportaient rien de nouveau. Il y avait beaux jours que la farce française florissait sur les tréteaux : ce n'était qu'une concurrence.

En résumé, comme on voit, les femmes de la Renaissance ne s'ingénièrent à être ni savantes, ni bas-bleus. Elles écrémèrent simplement les livres et les œuvres d'art pour en tirer ce qui convenait à leur mission, c'est-à-dire de quoi causer et réchauffer leur enthousiasme. Elles n'ont pas été jusqu'à ce qu'on appelle « l'humanisme », comme les prélats : elles se sont bornées, à aimer le beau intellectuel, plus que le beau plastique ; elles ont cultivé les lectures sentimentales et passionnées, elles ont goûté la beauté de la forme avec une sensibilité extrême. Elles agissaient en femmes instruites, et surtout en femmes sensibles, en femmes qui veulent plaire, noblement fidèles à leur pur programme d'amour élevé.

 

 

 



[1] P. 378.

[2] H. Salel, p. 52.

[3] La granl Nef des folz.

[4] Eloi d'Amerval.

[5] Les Prisons.

[6] Ms. fr. 2545 1, f* 1 v° ; Quentin-Bauchart, p. 8.

[7] Recueil factice de 1538, de publications italiennes, lui ayant appartenu (Bibl. Nat. rés. Ysd. 1210-1211).

[8] Ces charmants petits volumes, reliés avec art, à la marque de la salamandre sur le plat, existent encore à la Bibl. Nat. rés. Z 735 (Bembo, Epistolarun), Z 1079 (Bembo, Prose). Z 1958 (Montanus, Opera), Z 1947 (Pontanus, Opera).

[9] Louise de Savoie.

[10] Voir M. L. Delisle, Cabinet des manuscrits : Inventaire de Marguerite d'Autriche.

[11] Lucrèce Borgia n'apporta à Ferrare, pour son usage personnel, que des Heures élégantes, quelques livres de piété, un manuel d'histoire, un recueil de chansons, un Dante, un petit Pétrarque (Gregorovius, pièces, n° 65).

[12] Ms. fr. 815 (exempt. de Louise de Savoie)

[13] Voir not. Castiglione, qui est tout à fait cicéronien et qui a emprunté à Cicéron des passages entiers. Une traduction du De Officiis fut publiée à Lyon dès le 11 février 1493-94.

[14] Gruget, Dédicace de l'Heptaméron.

[15] Calvitii laus ; IX, 43.

[16] Brantôme. Allusion très transparente à Louise de Savoie, à sa fille et à Octovien de Saint-Gelais, dans Corn. Agrippa, lettre du 1er mai 1526.

[17] La Fiummella, de Boccace, l'églogue de Virgile sur l'Amour à l'Antique, Formosum pastor, la Célestine (1re épître du Coq-à-l'Âne).

[18] Corn. Agrippa.

[19] Chiffre fatidique, depuis Boccace.

[20] Lemaire de Belges (Temple d'honneur), Bouchet (Temple de Bonne Renommée, 72 v°), Brantôme.

[21] Claricio, Amoroso visione. En 1521, Andrea Calvi paya de même une édition d'œuvres inédites de Vegio (Convivium deorum).

[22] Préface et liv. I.

[23] Hept., 7e journée.

[24] Bareleta.

[25] La duchesse d'Orléans les aimait tellement que son mari ne trouve pas de plus galant cadeau à lui faire que le roman de Troïlus et Criséïda, et un jour elle envoie un exprès courir en toute hâte après une dame de la cour qui, après avoir emprunté un Clériadus, oubliait de le rendre, comme il arrive souvent. (Voir notre Histoire de Louis XII, t. I.

[26] Gaston Paris. Histoire poétique.

[27] Bouchet le célèbre (Temple de Bonne Renommée). Lazare de Baïf le vante à Charles IX (lez Passetems, p. 56) ; Molinet lui donne un vernis religieux, Clément Marot le badigeonne au goût du jour et l'édite à nouveau.

[28] Voir Firmin Didot, Essai de classification.

[29] Lanoue.

[30] L'onziesme livre... (1555).

[31] La lecture de Lancelot du Lac a inspiré à Dante, comme on sait, le délicieux passage sur Françoise de Rimini.

[32] F° 99.

[33] F° 129.

[34] Gebhart, Préface de Don Quichotte, I, p. 10.

[35] Ginguené, IX, 355. Il avait pu les prendre dans la bibliothèque du Palais. (Cappelli.)

[36] De juc. Musicæ laudibus. Un bois, trois fois répété dans les Illustrations de Gaule (édition de 1528), représente la France sur un trône, ayant le Malheur sous ses pieds. A sa droite est la Noblesse, figurée par une jeune fille jouant du violon ; Asa gauche, le Peuple, sous les traits d'un jeune homme, jouant de la guitare.

[37] A. Graf, p. 37.

[38] Agrippa, De Vanitate, ch. XVII.

[39] Vatican.

[40] National Gallery.

[41] Tiraboschi, VI, p. 2, p. 157, 236.

[42] Tiraboschi, VII, p. 1, p. 211.

[43] JJ. 234, f° 73 v°.

[44] Histoire de Louis XII, I, 244.

[45] B. Prost, Arch. hist., I, 436.

[46] Histoire de Louis XII, I, 242.

[47] Ms. fr. 143, f° 65 v°.

[48] P. 4.

[49] Si bien traduit par Jean Bellini, dans sa Jeune fille chantant, d'Hampton-Court Palace ; Castiglione, pp. 115, 118.

[50] Billon, p. 156.

[51] Bouchet, 14e Épître familière.

[52] Castiglione, p. 182-183.

[53] C. Agrippa ; Bonav. des Périers, Nouvelle 40.

[54] P. 127-130. pp. 175, 178.

[55] P. 72.

[56] On peut dire la même chose de la peinture ombrienne, toujours jeune, parce que, par-delà les habiletés techniques, elle était purement en âme.

[57] Castiglione, p. 98, 316, 377.

[58] Charles VIII fut même obligé de se livrer à des démarches comminatoires pour se faire restituer un chanteur et un joueur de luth qu'on lui avait débauché quand il traversa Florence. (Ant. de la marquise de Barat, n° 71.)

[59] Fétis ; Bern. Prost, Arch. hist., t. I ; Utilissima musicales regule, etc.

[60] Ockeghem, comme on l'a dit, « insuffle dans sa musique une âme chantante, il l'enveloppe d'un corps harmonique vigoureusement membré, et il la revêt d'un fin tissu de développements thématiques, ingénieux, d'imitations plus ou moins serrées, plus ou moins larges. On trouve dans les morceaux d'Ockeghem, souvent dans leurs voix intermédiaires, des périodes entières remplies du plus admirable développement mélodique, et d'une douceur et d'une profondeur d'expression extraordinaires. Ses harmonies sont assez fréquemment singulières et antiques, mais elles ont de l'éclat et du corps. Il dispose aussi les terminaisons de ses morceaux d'une manière parfois surprenante et étrange, mais certainement aussi très intéressante. » (R. Eitner cité par M. Brenet.)

[61] ILemaire de Belges, Épître à Fr. Le Rouge.

[62] L'Harmonie, par Paul Véronèse (fresque de Masera) ; le Parnasse, le couronnement de la Vierge, par Raphaël (Vatican) ; F.-A. Gruyer, 128, 138 ; Bottée de Toulmon, 36.

[63] Luzio, p. 110.

[64] Cf. Pietro Canal. Mantegna l'a dessiné dans une vignette, en tête des Stances de Tebaldeo (Venise, 1522).

[65] F.-A. Gruyer, II, 151.

[66] Stultifere nases, grav. 3.

[67] Proverbe napolitain.

[68] Erasme, IX, 1159.

[69] Erasme, t. IX, ch. II, 55 ; Agrippa, De Vanitate, ch. XVII.

[70] Eloi d'Amerval.

[71] Musée du Louvre.

[72] Vasari, Paul Jove. Cependant M. d'Ancona, t. I, pp. 268 et suiv., a montré que les assertions de Vasari à cet égard sont trop absolues, et qu'au XVIe siècle les représentations religieuses gardèrent encore un rôle important en Italie.

[73] Le Musée de Madrid possède son magnifique portrait par Raphaël.

[74] Castiglione, Lettere, I, 156.

[75] Dejob, p. 275.

[76] Paul Jove.

[77] Né en 1470, comme lui.

[78] Gruyer, Raphaël, II, 23.

[79] Luzio, p. 213.

[80] Umb. Rossi.

[81] Luzio, p. 271.

[82] Un opéra-ballet fut offert en plein air par Bergonce de Botta, dans son parc de Tortona, A l'occasion du mariage d'Isabelle d'Aragon (Félix Clément, p. 467.) Cf. Yriarte, Venise, p. 187.

[83] Volpi, p. 234.

[84] A Metz, en 1502, le public interrompit violemment et rendit impossible la représentation d'une des pièces de Térence qui se jouaient couramment à Rome ; la représentation ne put se continuer que le lendemain, devant une réunion d'élite, composée en bonne partie de membres du clergé.

[85] JJ. 234, 48.

[86] Mystères de la Passion (publié par MM. Gaston Péris et G. Raynaud), des Trois Dons, joué en 1509 (publié par MM. Giraud et Chevalier), de saint André, joué en 1512 (publié par M. Marcelin Richard), de sainte Barbe (M. Petit de Julleville, I, pp. 350 et suiv.), de saint Eustache, joué en 1504 (publié par M. l'abbé Paul Guillaume), etc.

[87] Bulletin des bibliophiles bretons, 1re année, p. 53

[88] L'abbé Chevalier, Inventaire des Archives d'Amboise, p. 210-213. 363-364 (octobre, novembre 1508).

[89] Pierre, Mémoire lu à la Sorbonne, 1895.

[90] Laurent de Médicis, Pic de la Mirandole, Agnolo Divizio da Bibbiena. Bernardo Ruccellaï, Machiavel et autres : c'était un défilé singulier, incohérent, burlesque, de personnages hétéroclites, diables, morts, nymphes, courtisans, vieux maris, jeunes femmes, religieuses en goguette, chasseurs et chasseresses, pages, vents.

[91] Emile Picot, Père Gringoire : Farces d'Alione, rééditées par M. Cotronei.

[92] Montaigne.