Et
maintenant, il faut vivre, agir ! tirer le bonheur de toutes les occupations
naturelles et forcées d'une femme, aussi bien et mieux que des meubles ou des
pierres ! Nous voudrions passer en revue le plus grand nombre possible de ces
occupations ; nous montrerions que, petites ou grandes, il n'en est pas une
seule qui ne paraisse à une femme un foyer de joie et de gloire, si elle y
met de l'amour. Tout ce qu'elle fera d'infiniment humble, fût-ce de pétrir du
pain pour son mari ou de lui laver les pieds..., s'anime d'une lumière
prestigieuse le jour où elle agit par esprit d'abnégation, où elle pense que
ce mari n'est pas le seul homme existant au monde, ni une sorte de caporal
domestique, mais qu'il représente l'idée, l'éternelle idée qui chante dans
tout cœur. Nous les avons vues, déjà, dans les jours de lutte, ces nobles
femmes, toutes frissonnantes de dévouement, au chevet du mari malade : il en
est de même dans les jours de bonheur. Elles trouvent leur force dans
l'abstraction ; les choses qui nous entourent changent si bien d'aspect, se
rapetissent ou s'agrandissent tellement, selon que nous les prenons pour ce
qu'elles sont ou que nous les glorifions de pensées d'au-delà ! de pensées,
et non de chimères ! ni de chimères roses, ni de chimères noires ! ni de
dehors trop brillants, ni de revers trop désolés ! C'est principalement dans
la vie domestique que l'abstraction est utile. Il faut tremper ses mains dans
la beauté, remplir ses yeux d'amour, puis regarder les choses hardiment et
véridiquement. Tout parait glacial, vulgaire et positif aux matérialistes,
même le vice ; les femmes doivent — oui, doivent, et non pas seulement
peuvent — tout rendre chaud et gai, — même la vertu. Prenons
au hasard quelques-uns de leurs actes les plus marquants : manger, se
promener, aller à la campagne, occuper son dimanche... De chacun, elles
peuvent faire jaillir l'étincelle sacrée. Nous allons voir comme tout se
transfigure entre leurs mains. Manger,
d'abord. Rien de plus matériel en soi, et rien ne se spiritualise mieux. La mise
en scène d'un dîner de cérémonie caractérise une maison : c'est la pierre de
touche du vrai luxe. On met sur la table les massives et lourdes argenteries,
trésor familial, dont la maîtresse de maison garde la clef et qui comptent
dans la fortune (certaines valent un million). Les jours de gala, la table flamboie d'or massif
; pour les dîners intimes, on se contente d'argent. Le
règlement des menus passe, avec raison, pour si important et si difficile que
des hommes du plus haut mérite se sont appliqués à en fixer les principes ;
Fulvio Orsini ne nous a rien laissé ignorer des meilleures traditions de la
Rome antique. Platina. le Raphaël du genre, a publié, sous les auspices du
cardinal Roverella, un traité qu'on peut citer comme un parfait modèle. Dans
les pays étrangers aux idées nouvelles, les hommes ne songent qu'à leur
bouche, os sublime, selon le mot ironique de Brandt. En Allemagne, la joie,
c'est la ripaille, à rares intervalles, mais énorme. A la fin du siècle,
Montaigne demandait encore, à un ancien ambassadeur en Allemagne, combien de
fois il avait dû s'enivrer pour le service de son roi : l'autre, très
sérieusement, fit le compte, et affirma que, somme toute, il s'en était tiré
en trois fois. La
tradition française était la même. Foires, marchés, pèlerinages, noces,
baptêmes, enterrements, anniversaires, réunions de confréries ou de
corporations, tout servait de prétexte à des mangeailleries villageoises
pleines d'ivresse, souvent égayées par des rixes, aussi bien entre femmes
qu'entre hommes. A la fin d'un de ces festins, nous voyons une présidente de
confrérie traiter on ne peut plus énergiquement un buveur qui l'appelait «
vieille sorcière[1] ». Les châteaux n'aimaient
pas moins la grosse chère[2]. Les historiens devraient bien
consulter les comptes de cuisine ! Sans eux on n'arrivera jamais à asseoir de
sérieux jugements ; nous ne connaissons pas de document humain plus probant,
ni qui établisse plus sûrement la synthèse d'une vie. Malheureusement, les
vieux livres de cuisine français nous offrent un spectacle désolant : c'est
une grande route, où passent des troupeaux de bœufs et de moutons,
d'innombrables volailles, des lapins et des perdrix à la douzaine, le menu
gibier par centaines ; le porc s'y étale en tranches colossales. Et toute la
partie délicate, dans les maisons les plus distinguées, se réduit à quelques
clous de girofle ou de cannelle pour fabriquer de l'hypocras ; quant au vin,
c'est du vin de l'année, tiré au tonneau[3] ! César Borgia dut être bien
surpris, chez Mme de La Trémoille, un vendredi de l'hiver 1498, de voir
défiler un service de deux cent cinquante poissons. Le lendemain, qui était
encore jour maigre, les avenues du château se couvrirent de charretées de
poisson, en l'honneur de la visite du roi Louis XII : il arriva notamment
sept cent cinquante anguilles[4]. C'était dans le pays de
Rabelais. Aussi, en fait de génies tutélaires de la table, on ne connaissait
encore que des spectres affreux, dame Goutte, dame Gravelle ou dame Apoplexie[5], qu'on saluait[6] gaiement[7]. La
philosophie, plus salutaire, vient s'asseoir à leur place. Elle
apprend à dîner par cœur. La
table s'idéalise ; on se préoccupe de la parer et de régaler les yeux en
étalant de beaux oiseaux avec leurs plumes chatoyantes ou gaies, des paons,
des cigognes, ou bien des brochettes de petits oiseaux, très jolies. L'art de
la maîtresse de maison consiste à faire servir dans l'or et le cristal des choses
fines, qui montent un peu la tête, tout en ménageant l'estomac ; d'abord le
dessert, composé de fruits et de sucreries, puis des compositions d'œufs ou
de poisson, des plats légers, où pistaches, poivre, gingembre, romarin, thym,
menthe..., tout ce qui a une douceur ou un parfum s'insinue et se joue en
combinaisons multiples[8]. Comme au Banquet de Platon, on
se met à table non pas pour manger, mais pour causer, parce qu'il n'y a pas
de cadre plus gai, plus chaud, plus tranquille que celui-là. Souvent, dans le
système platoniste, une femme unique préside, et tout aboutit à elle : de ses
yeux pleuvent les amours », c'est-à-dire, selon les convives, « le manger et
le boire, l'ambroisie et le nectar[9] ». Elle donne l'essor ;
les mots s'entrecroisent et partent comme des fusées, ou bien l'esprit
voltige doucement, pendant qu'un petit rire bourdonne. D'un avis unanime, ce
sont des heures charmantes. On se grise de mots : « C'est mon plus grand
vice, » confesse Erasme. Cet art
s'acclimata si bien à la cour de François Ier[10], qu'il devint bientôt la joie
de la France : Marguerite de France nous parle avec enthousiasme de ces
dîners où l'on s'échauffe « plus de paroles que de viande ». L'esprit
français, qui tient toujours un peu à l'estomac, pétille tout naturellement. En
Italie, on avait le défaut de trop soutenir le dîner par des moyens
esthétiques ; on n'osait pas se fier à la conversation tout simplement,
on faisait de la musique, ce qui paraitrait en France une hérésie[11]. Le roi Alphonse de Naples, qui
passa longtemps pour le docteur du bien vivre, compliquait même ses dîners
par toute sorte de raffinements ; après les premiers services, c'était
l'enchantement d'une harmonie aussi douce que la brise de Capri, devant une
mer aux traînées étincelantes, ou bien des mimes, le pulcinella, un
éclat de rire, puis ses hôtes se remettaient à table jusqu'au moment où, la
tête pleine des ondulations capiteuses et des généreuses fumées du falerne,
ils se retiraient en emportant l'argenterie[12]. En
Allemagne, on passait la journée à table, avec une liberté souvent triviale,
et toute cette vieille gaieté du moyen âge, dont les Propos de table de
Luther nous ont conservé un excellent spécimen. Pourtant le Rhin n'est pas si
large et les Alpes ne sont pas si hautes que bientôt de pareilles habitudes
ne parussent choquantes et désastreuses, lorsqu'on put les comparer à la fine
science d'urbanité qui se répandait dans le monde. Beaucoup d'écrivains
s'ingénièrent à polir ces façons, en publiant des manuels de civilité et des
recueils de bons mots. S'ils n'établissaient pas l'art de la conversation,
ils en indiquaient les rudiments, et, en somme, ils réussirent suffisamment
pour qu'en 1549 il ait été nécessaire de remanier la 4e édition du recueil classique
de Gastius et d'en élaguer un certain nombre de plaisanteries qui
paraissaient dépaysées, « vu la calamité des temps ». Ainsi
l'esprit de la table eut tant de succès, que, même en Allemagne, on chercha à
s'en rapprocher ; mais ce qui en fait le sel, l'humour, resta jusqu'à nouvel
ordre une qualité française. Le bal
et la danse, quoique bien plus esthétiques en eux-mêmes, ont été beaucoup
plus difficiles à idéaliser, parce que le côté sensuel y tient plus de place.
Il ne faut rien exagérer pourtant, et les proscrire serait absurde. Rien de
plus ridicule que la jalousie de certains maris — les maris ne craignent pas
assez le ridicule ![13] —. Et c'est d'ailleurs bien
inutile. Une femme avisée ne manque jamais de prétexte pour aller dans le
monde, elle a toujours sous la main une jeune fille à y conduire[14]. On cite bien une jeune dame,
de la propre cour de Louise de Savoie, qui, pour éviter une attaque
d'apoplexie à un vieux mari, eut l'héroïsme de se cloîtrer[15] ; mais ceci est le contraire
même de l'esprit de sociabilité. Pourquoi se forger des chaînes inutiles ?
Vives lui-même, qu'on ne peut pas suspecter, convient que « la danse
accompagne tout naturellement les plaisirs du monde et les dîners ».
Seulement il y a danse et danse. L'idéal de la joie platoniste et du bonheur,
ce serait une danse libre et tout à fait intellectuelle 4, d'après un rythme
calme et délicieux, une danse qui fasse jouir de la vie ; en légers vêtements
flottants, nu-pieds, nu-tête, sans ceinture, à l'air doux du printemps, sur
un tapis de gazon, parmi le jaspe et le corail, sous les palmiers aux longues
feuilles, dans le parfum des roses et des pins, une danse enivrante, dont le
mouvement, très pur, s'harmonise à la grande musique de la nature, aux
roucoulements des colombes, aux puissantes arpèges de la mer. La femme qui,
seule, ou la main dans la main de ses compagnes, s'abandonne à ce charme
exquis, à cette douceur magique, qui s'associe à ce rythme impondérable de
toutes choses, ne représente-t-elle pas une déesse du bonheur, et
n'arrive-t-elle pas à incarner pour nous le charme divin de la Nature ? En
pratique, la danse n'atteint guère cet idéal ; cependant, même renfermée dans
un salon et réduite à un art de société, elle peut encore répondre à de hauts
besoins (l'association morale, et devenir pour les femmes un instrument du
charme le plus respectable. Les Italiens, surtout, excellent à lui donner un
air solennel de gravité sentimentale : certaines de leurs fêtes ont marqué
dans l'histoire, par exemple le bal donné à Milan, le 15 octobre 1499, par
François Bernardin Visconti en l'honneur du conquérant Louis XII[16], ou bien, au point de vue du
luxe, le bal par souscription, des gens de maison à Venise, en février 1524[17]. Voilà des œuvres d'art
mémorables ! Mais, en France, on n'a jamais compris cette haute portée du
bal. Quand on donne un bal, on s'inquiète faiblement de la postérité, et
beaucoup d'un certain nombre de petites jouissances présentes, qui font un
peu descendre les femmes de leur piédestal. Il y a
notamment un usage particulier, fort gracieux par lui-même, mais peu céleste
et qui prête à des abus ; c'est celui du baiser. Par
tous pays, les gens bien élevés aiment à baiser respectueusement la main
d'une femme[18]. Les Italiens le font avec
ferveur ; au besoin, ils baiseraient les pieds, et il faut être Allemand[19] pour taxer d'idolâtrie le
baisement appliqué aux mules du pape ! Les italiennes jouent de ce baiser
avec une grâce parfaite, avec toute sorte de petits raffinements : dans une
rencontre banale, elles se borneront à une bonne poignée de main ; mais,
vis-à-vis d'un homme qu'elles veulent honorer, elles seront les premières à
baiser la main, et cela tendrement, sans aucune de ces affectations de
respect qui inspirent quelquefois d'amères réflexions. C'est un usage
charmant, et bien naturel ; mais, en France, il a une couleur toute
différente : les hommes, étant les maîtres, ne s'arrêtent à aucune nuance, il
leur suffit d'avoir à saluer une femme agréable ou à prendre congé d'elle,
pour lui appliquer un baiser sur la bouche, et ils donnent pour motif que ce
procédé leur paraît « amyable et doulx[20] » ! Au bal, c'est
bien autre chose ; chaque figure de danse aboutit à un baiser, et, si l'on
ajoute qu'elle se complique d'entrechats évaporés, il faut reconnaître qu'un
bal français a le goût du terroir. En vrai Français, Louis XII se crut
obligé, au bal de Bernardin Visconti, de baiser à la file toutes les darnes
qu'on lui présenta, autrement dit toute la Lombardie. Ah ! si
l'on écoutait les platonistes et les vrais amis des femmes, les choses
changeraient ! Ils sont outrés de ce spectacle, qui leur gâte leurs joies
intellectuelles. Déjà, dans son temps, Pétrarque s'élevait contre des
habitudes bien moins pertinentes[21] : que dirait-il, grands dieux,
s'il ressuscitait ! Le pis est que ces mœurs françaises font la tache d'huile,
et Castiglione constate qu'elles s'infiltrent en Italie[22], lui qui a vu le temps où l'on
n'osait même pas prendre la main de sa danseuse ! Quant à Vivès, il brosse un
tableau de danses et de baisers -avec sa fougue espagnole : « Que veulent
dire tant de baisers ? Il estoit anciennement licite de présenter seulement
un baiser aux parentes ; maintenant la manière est partout, en Bourgogne et
en Angleterre, de baiser qui on veut... Quant à moy, je voudrois bien scavoir
de quoy sert tant baisotter... A -quoi servent tant de saults que font ces
filles, soutenues des compagnons par sou lis les bras, afin de «regimber plus
hault ? Quel plaisir prennent ces sauterelles à se tormenter ainsi et
demeurer la plus-,part des nuicts sans se soûler et lasser de la danse[23] ? » On
s'est demandé plus d'une fois jusqu'à quel point les bienséances
autorisaient, ou surtout obligeaient, des femmes bien nées à tendre leurs
lèvres à tout venant, ou à se prêter à n'importe quel entrechat[24]. La question est très discutée[25] ; généralement, les gens
les plus sages considèrent qu'on ne peut pas se soustraire absolument à cet
usage, accepté dans la bonne compagnie, mais qu'on peut faire ses réserves,
par exemple, présenter sa joue au lieu de sa bouche[26]. Montaigne plaint de grand cœur
les femmes « d'avoir à prêter leurs lèvres à quiconque a trois valets à sa
suite » ; mais, précisément, une sujétion si banale lui parait, par sa
banalité même, manquer d'intérêt : « La cherté donne goût à la viande[27]. » Il est un peu de ceux qui
voient là un simple acte de courtoisie, auquel une honnête dame n'a rien à
dire[28], ou tout au plus une faveur si
mince qu'il n'y a pas à en faire de bruit[29]. Nous devons ajouter pourtant
que tout le monde n'est pas de cet avis ; et il ne manque pas de dilettantes
qui n'estiment point cette douceur si négligeable ; Ronsard, très
franchement, la trouve exquise et s'y complaît infiniment[30]. Quant à Niel in de
Saint-Gelais, un jour qu'aux petits jeux il a gagné douze baisers, il jure
que c'est bien peu : « Douze est bien peu, au prix de l'infini[31]. » lei
encore, les mœurs l'emportent sur la philosophie, et, sauf des exceptions un
peu isolées, en matière de baisers et de danses rien ne résiste. Les exemples
viennent de partout, de la cour, avec ses bals masqués si libres[32], et du fond des provinces :
témoin cette grève singulière des dames d'Aix en Provence, à qui le parlement
avait interdit, par pudeur, la danse de la volte — une sorte de cancan — et
qui menacèrent alors de se retirer en masse chez le pape, en Avignon ; les
maris apeurés durent obtenir l'annulation de l'arrêt[33]. Les
platonistes ou leurs amis connaissaient trop bien le monde pour entrer
délibérément en campagne contre des abus impossibles à déraciner. Ils se
bornent à en gémir. Il leur parait déplorable devoir des hommes s'amuser
pendant des heures entières à faire les polichinelles aux dépens d'honnêtes
femmes ; ils trouvent absolument ridicule qu'on prétende interdire, dans le
courant de la vie, d'effleurer par un mot, par un geste, par un regard, une
femme qui plaît et qu'au bal tout soit permis[34]. Le
remède, pour eux, consisterait à donner aux femmes des goûts plus sérieux et
plus relevés ; ils croient qu'une femme, habituée aux idées vraiment belles,
saura se placer assez haut, pour se faire aimer, sans se plier aux caprices
du premier venu. Les
huguenots ont suivi une politique différente, et n'ont pas craint d'attaquer
la danse à tour de bras, quelle qu'elle soit ; on dirait qu'ils ne dansent
pas. Ils parlent de rapprochements de bêtes, de confidences désastreuses : «
Voyez, s'écrie le bon Daneau avec horreur, cette dame, tête haute, qui se
guinde, se démène, se branle, qui fait résonner ses pas... » C'est le bal...
Connaissez-vous rien de plus ridicule ?... Mais ce qui l'attire, c'est qu'au
vestiaire elle laisse sa pudeur. en même temps que son manteau, aux mains des
laquais... « Là, les yeux de chacun peuvent choisir, jusques entre les bras
de leurs maris ou de leurs mères, celles que bon leur semble. c'est-à-dire
celles où les adressent leurs convoi- tises ; et celles que les yeux ont
choisies, les mains les lient, et, comme déjà saisis et jouissant de leurs désirs,
ils les baisent, les embrassent, les promènent ; les jeunes gens s'efforçant
de se montrer dispos et gaillards pour faire la fête et caresser avec mille
tours et approches celles qu'ils tiennent, et celles-là ne rendent moindre
peine à leur répondre de même. En la volte, il y a des artifices ordinaires pour
faire bondir et lever si haut celles que l'on tient, qu'aux yeux de la troupe
se découvrent et prostituent les grèves, les tymbres jusques à la cuisse,
sans honte. Le bal aura ses passages, ses revues, ses rapprochements, et, à
la rencontre, les œillades, les cabrioles, les gaîtés redoublées, comme
témoignages de cœurs soulevés d'aise, de se revoir si près de leurs désirs.
Chaque sorte de danse donnera des inventions de plaire, de voir, de toucher
plus privément. Et encore ce sera au son de toutes sortes d'instruments[35]. » Les
huguenots, comme on voit, ne mâchent pas les mots. Mais la danse ne s'en
trouve pas plus mal. D'après les féministes, elle n'est, en soi, ni mauvaise,
ni ridicule : l'art consiste à idéaliser l'œuvre des jambes, comme on a
idéalisé celle de l'estomac ; du reste on convient que, le cerveau se
trouvant plus loin, il y a plus de difficulté. En
revanche, les femmes abandonnent volontiers ce qui n'a pas trait à la
sensibilité : le jeu par exemple. Leurs maris ont la frénésie du jeu : hommes
faits ou enfants[36], oisifs ou gens occupés, tout
le monde joue ; à une table de jeu, il n'y a plus de rangs ; tel grand
seigneur emprunte cent écus à son barbier[37]. Qu'est-ce qu'une salle de jeu
? un endroit où on ne parle pas, où on n'entend que des interjections ou des
jurons. Les femmes admettent bien une partie de dames, d'échecs[38], de trictrac[39] ; ne leur parlez pas du reste.
Elles préfèrent les embrassements dont se plaignent Daneau, Vivès et les
maris. Pour
les personnes de condition modeste, il y a un moyen usuel de produire son
effet de charme : c'est d'aller à la messe, surtout le dimanche, à la messe
élégante : cela leur tient lieu de salon. Bien
entendu, nous ne parlons pas ici des sentiments religieux, mais du procédé
extérieur pour capter les hommes. On se
rend à l'église comme à un rendez-vous général et familial. Dieu est le bon
père, qui réunit ses enfants une fois par semaine ; le dimanche est le jour
consacré aux impressions élevées, à la jouissance en commun des choses qui
font la vie, le jour esthétique, le jour de la musique, des belles fresques,
des déploiements d'élégance. On traite le temple avec une affectueuse
familiarité, contre laquelle les prédicateurs protestent vainement depuis
bien longtemps. Dans
les pays du Nord, cette familiarité comporte en effet des scènes assez
déplaisantes, et le clergé prend beaucoup de peine pour en restreindre les
abus. A Tournay, par exemple, il paraissait très désagréable aux vicaires de
la cathédrale de servir tous les ans de mannequins pour la procession
grotesque des saints Innocents, et d'être ensuite sacrés évêques des fous
dans un cabaret ; ils obtinrent la suppression de la fête en 1489. Mais la
grosse gaîté n'était pas morte : tout le monde, y compris les principaux
personnages de la ville, prit fait et cause pour les enfants dépossédés d'un
si vénérable privilège ; et la fermentation se traduisit encore en 1498 par
un charivari nocturne qui rendit fort soucieux le parlement de Paris[40]. Dans le
Midi, on n'a pas à craindre de pareilles excentricités : l'église est le
temple du beau, parce qu'elle appartient aux femmes. La foule arrive,
bariolée, houleuse, bruyante ; il faut du temps avant que chaque rame ait pu
installer ses atours[41] sur son coussin, à l'endroit
convenable pour bien voir et bien entendre[42]. Alors s'élève un bourdonnement
confus de bavardages plus ou moins discrets, un bruit de rires étouffés, de
coussins qui s'agitent : « Il n'est meilleur lieu à devis que l'église[43] » ; on dirait un concert
de « pies prises au piège ». Les dames s'appellent : « Jeanne, Catherine,
Françoise... » Une dame qui arrive en retard veut se glisser devant une
autre, arrivée d'avance[44], l'orchestre domine avec peine
tous ces bruits ; les oremus restent en souffrance. Beaucoup d'hommes,
debout dans les bas-côtés, se croient à la Bourse et causent de leurs
affaires[45] ; il fut un temps où les
gandins arrivaient l'épervier au poing, ou avec leur chien ; d'autres,
immobiles, machinaux, pensent on ne sait à quoi, peut-être à rien[46]. Beaucoup regardent, dans la
nef, les roulis multicolores, les chignons frisottés, les petits chapeaux. On
lorgne un beau corset bleu à lacets jaunes et à manches vertes, bien
décolleté. Les dames ont le talent de se tenir droites, dans une pose avantageuse
qui va du profil au demi-profil, les yeux brillants et quelquefois furtifs.
Voilà ce qui s'appelle une grand'messe ou l'alentour d'un confessionnal à la
mode[47]. Ainsi
s'établit de la manière la plus parfaite, aux pieds des autels, beaucoup
mieux que dans n'importe quel palais, la belle égalité philosophique ; les
coteries même disparaissent ; une femme qui a peiné à son rouet toute la
semaine s'étale à côté de la grande dame, dans le même sentiment d'élégance,
d'oisiveté et d'art. Pour peu qu'on ait la moindre étincelle de sensibilité
ou d'amour du beau, l'église devient le pays du rêve, le point de départ de
tout ce qui nous pousse en haut. L'église gothique, avec ses grands traits
verticaux, lins et aériens, enlève l'âme dans une sorte de modulation
mystique : l'église italienne a quelque chose de plus chaud, de plus humain
et de vraiment intime : les femmes, illustres ou modestes, y éprouvent un
sentiment tout à fait délicieux ; elles contemplent, avec une tendre
confiance, la madone imperturbable qui a vu déjà passer bien des générations
et qui continue à les regarder du fond du mur avec son sourire de femme, ce
sourire infiniment doux, d'une tenace et universelle miséricorde, qui
s'adresse en même temps aux enfants et aux morts, à quiconque souffre, aime,
pleure ou rit, un sourire embaumé comme un encens de purification et de grâce
: les Italiens aiment l'appareil des temples, les marbres vibrants de soleil,
les voûtes demi-sombres où l'âme peut se dévoiler sans blasphème, et toutes
ces petites chapelles retirées, où chacun trouve son saint et vient pendre
son pauvre cœur tel qu'il est, souvent ému, défailli, comme le total ex-voto
de la vie. Il y a, dans ces splendeurs cachées, dans le charme de la musique
mystique, qui s'élève au milieu des peintures, des sculptures, des ornements
dorés et des parfums, au milieu du passé et de l'avenir, une volupté tout à
fait douce. C'est avec une profonde philosophie que Caviceo[48] place derrière un autel le
premier entretien de sa belle et de son héros : certainement, en
s'enveloppant de ce voile délicat et pudique, l'amour prend un caractère
sacré. Aussi l'église devient-elle, en toute miséricorde, le refuge (les âmes
sensibles et chastes, et même de quelques-autres[49]. Anne de Rohan donne des
rendez-vous à son fiancé, dans la chapelle d'Amboise[50], une jeune-fille d'Orléans se
sert machiavéliquement d'un cordelier pour attirer un étudiant qu'elle aime[51]. Pontanus nous dépeint les
longues méditations des dames de Naples, bien après que le dernier des
cierges s'est éteint dans la nef sombre[52]. On pourrait citer mille traits
de ce genre : François Ier, poursuivant de sa dévotion une charmante enfant
dans l'église d'Amboise[53] ; Panurge attaché par Rabelais
aux pas d'une noble darne, lui offrant pieusement de l'eau bénite, lui
glissant pendant la messe des billets incendiaires, et lui jouant les tours
les plus pendables pour se faire remarquer ; le poète Crétin, furieux que les
offices de Lyon tournent à l'avantage presque exclusif des jeunes élégants ou
des gros banquiers... Les
pèlerinages aussi peuvent devenir, pour les artistes du bonheur, une source
d'émotions ex-q aises. L'auteur de l'Imitation a dit qu'à beaucoup pèleriner
on se sanctifie rarement. Au moment des pardons, les porches des églises
disparaissent en effet derrière la fumée des rôtisseries ou les baraques de
foire ; et un vieil auteur se plaint que les regards ne puissent même plus se
croiser[54]. Mais comme l'esprit esthétique
transfigure ces pardons grossiers et en tire des effets ravissants ! Ce ne
sont plus des peintures ou des sculptures que regardent les cœurs troublés et
les cœurs purs ; ils pénètrent le ciel limpide. Heureux les purs ! La
douce, la tendre Isabelle d'Este part ainsi, pour aller porter son âme à
travers les campagnes de l'Ombrie, vers les calmes et glorieux nids de paix
et d'art, de Loreto et d'Assisi... C'était au premier printemps, par des
journées radieuses, transparentes : chaque matin, après la messe, la petite
caravane se remet en marche avec son escorte pittoresque, pieusement,
tranquillement, idéalement ; elle fait halte, pendant les fêtes de Pâques,
chez le duc et la duchesse d'Urbin, dans le joli palais de Gubbio, tout
souriant du haut de ses jardins et de ses fontaines[55]. La
femme, qui a su vivre ces heures de pur enthousiasme, a eu conscience qu'elle
accomplissait une bonne partie du rêve ; elle parvenait à rassembler deux
forces disparates, les forces de la nature et les forces du cœur, et elle en
combinait un amour conforme au verbe de Platon et au pinceau de Raphaël. Dans
leurs rapports avec la nature, les platonistes cherchent surtout à l'élever
et à la sentimentaliser, ils ne l'aiment point mâle et sévère, ils la veulent
féminine. Ils ne
lui demandent pas de s'affirmer par d'immenses horizons, par un déploiement
de vigueur sauvage ; indomptée, elle leur déplaît : autant dire un écrasant
mécanisme qui s'agiterait et se torturerait sans but, tandis que la pensée
humaine doit le posséder et le dominer : au contraire, plus elle s'assouplit,
plus elle se fait docile, attentive et presque tendre, mieux elle répond à
leur attente. Ils n'apprécient point les choses de la Nature, mais ils
estiment une belle journée radieuse, un bel horizon, les fleurs qui
embaument, les mers qui étincellent, caressent ou bercent, les bourgeons
éclatant de sève et de vie, parce que cette vie, c'est la nôtre ; Platon a
indiqué le besoin qu'il éprouvait d'un pareil cadre dans le célèbre prologue
de Phèdre, lorsque Socrate et son ami, en suivant l'Ilissus, vont
s'asseoir près d'un temple des Muses, à l'ombre d'un haut platane, sur un de
ces gazons épais où les pas marquent leur trace : sous l'âpre poussée du
soleil ardent, la vie crie et chante de toutes parts, le murmure de l'eau se
mêle aux cris des cigales et à des myriades de bourdonnements confus ; des
senteurs de toute sorte peuplent l'air et font respirer la vie, mais au
milieu de cette symphonie profonde de tous les êtres l'esprit des philosophes
règne. Il s'en
faut donc de beaucoup qu'on considère l'homme comme l'ennemi de la Nature ;
il en est l'ami et le maître. La Nature nous parle, et nous lui parlons, nous
en subissons l'action au plus haut degré. Non seulement le climat, la
température, la beauté de l'horizon exercent sur nous une influence majeure,
comme l'ont si bien compris les moines amateurs de larges horizons et de
nobles sommets, mais on peut dire qu'il n'y a pas un arbre, pas une plante,
qui n'influe sur nous par son voisinage. L'amour de la nature rayonne,
quoique à un degré moindre, comme l'amour d'une femme, comme tout amour. II
est donc bon et juste de ne pas négliger cette source si importante de
sensibilité. La nature nous charme, elle aussi, parce qu'elle nous sourit et
qu'on la sent aimable, parce qu'une force supérieure donne un sens à ses
rochers orgueilleux et dirige les feux d'artifice de ses volcans. Il nous
parait agréable (surtout dans les pays chauds) de nous tailler dans l'ampleur
du monde, un peu trop vaste pour nous, une demeure particulière, de nous
prolonger par exemple à travers les bois par des ouvertures droites qui
portent au loin l'effet de notre volonté, de teindre et de transformer les
fleurs, de tout marquer du sceau unique ; ainsi on élague ce qui sent
l'imperfection ou la rudesse, on ne laisse voir qu'enchaînement et affection
; car, selon le mot d'un homme de ce temps-là, si l'on vient à la campagne,
ce n'est pas pour « descendre de la lumière dans les ténèbres[56] ». Salut
! palais, jardins, paradis de délices, Dont
les beaultez font ignorer les vices[57]. Dans
ces conditions, les femmes, les philosophes, les prélats considèrent la
campagne comme un cadre parfait pour la vie intellectuelle. On y jouit de
soi-même plus complètement qu'à la ville — et cependant la vie citadine
n'était pas aussi affairée qu'aujourd'hui ! —. Les redoutables heures de
solitude contribueront elles-mêmes à cet agrément, si on sait y glisser un
délicieux égoïsme ; elles permettront de récapituler bien des pensées
passagères, de les déguster, de s'en servir le festin à soi tout seul, selon
la préoccupation sublime de Lucullus, un jour que, par hasard, il dînait seul
: « Est-ce que Lucullus ne reçoit pas aujourd'hui Lucullus ? » Nous
retrouvons donc à la campagne la même mise en scène qu'à la ville, les mêmes
meubles, la même argenterie, mais dressée sous le plafond lumineux d'un ciel
d'été ; la même danse, mais à la clarté des torches et des étoiles[58]. Tout respire et tout pense :
les arbres, artistement taillés, tendent derrière des statues leur draperie
sombre, de jolies allées se profilent ou disparaissent entre les dédales de
lauriers, de thyms, de romarins, une cascade légère tombe à petit bruit d'un
rocher un peu mignard, et vite elle s'enfuit, sans tempête, dans la miniature
d'un pré bien fauché. Ou bien, si la fortune du propriétaire est de force à
se mesurer royalement avec la nature, ce sont de larges décors, de splendides
villas, gloire de Rome, comme cette villa d'Este, à Tivoli, sorte de
Versailles avant la lettre, si émouvante aujourd'hui encore dans la vie
posthume de ses ombrages dépeuplés, de ses fontaines sans eau, de ses marbres
brisés. Il faut
même noter ce phénomène singulier que la bonté et la générosité de la Nature
paraissent aux esthéticiens une chose due. On n'aime la nature pour elle-même
que dans les pays où elle se montre marâtre ; les Lombards, les Français, les
Anglais, en sortant de villes enfumées et laborieuses, ne craignaient pas de
vivre au fond d'un solennel domaine et de se mêler à la rusticité ; on les
voyait sur la place de leur village, causer, se distraire avec les
laboureurs. A Paris, on raffolait de fleurs naturelles, les statisticiens en
évaluaient la consommation annuelle à 15.000 écus d'or[59], l'Université même les
préférait aux feuillages en papier. Les gens du Midi, au contraire, enfants
gâtés d'une terre qui rend même ce qu'on ne lui donne pas, foulent aux pieds
les roses ou les violettes, sans penser à les ramasser. Les peintres italiens
ornent les manuscrits de volutes savantes et d'or ; les femmes encadrent leur
visage d'or et de perles[60], elles n'estiment les fleurs
que pour les morbidesses du parfum ; beaucoup jonchent leur alcôve de lys, de
roses et de violettes[61], comme quintessence de douceur.
Mais on avait horreur de la vie de la campagne. Castiglione n'a qu'un mot
pour qualifier l'existence des gentilshommes-farmers : « C'est
indécent[62] ». Quant à Marguerite de
France, sa grosse injure, son qualificatif démonstratif à l'égard d'un cœur
récalcitrant, est celui-ci : « Ô cœur dur, rural et champestre[63] ! » Il ne
faut pas s'attendre à trouver, non plus, parmi les platonistes le goût des
animaux ; lest femmes n'apprécient que l'animal d'alcôve, petite bote
affectueuse, obéissante, bien à elles, qui reçoit passivement leurs baisers
et sur qui elles peuvent placer en toute sûreté une partie de leur tendresse
: un oiseau, un carlin. Je dis un, car l'unité est presque la règle ; à quoi
bon une foule d'animaux de tout poil, même élégants, comme ceux qui
remplissent les toiles de Véronèse ? Une femme aime bien mieux un seul petit
chien, qu'elle porte sur son bras, contre son cœur, qui couche avec elle,
avec qui elle se fait peindre[64] : « Qui m'aime, aime mon
chien[65]. » La Vénus du Prado, de
Titien, est nue, mais elle conserve les ornements indispensables : collier de
perles, instrument de musique, petit chien. Marguerite écrit gaiement à M. de
Montmorency qu'elle garde « les meubles » de sa nièce, c'est-à-dire « son
perroquet et ses filles[66] ». La mort de l'oiseau chéri ou
du petit carlin est un événement cruel. On le pleure : un petit chien si
fidèle ! qui pourrait en remontrer à tant d'hommes[67] ! A peine si quelqu'un se
permet de parler des puces du défunt, du poil qu'il semait partout, et des
autres emplois que des femmes pourraient trouver pour leur cœur[68]. On
n'aime pas les troupeaux d'animaux, sauf peut-être à titre de décor lointain
: des troupeaux de paons, de cerfs... comme chez le roi de Naples[69], ou chez le cardinal d'Amboise.
Anne de France avait établi une sorte de jardin d'acclimatation, où elle
acclimata les dindons, et elle élevait des perroquets[70]. Mais cela n'a rien à faire
avec l'esthétisme. La vie
à la campagne nous amène à aborder la grave question de l'utilité des
exercices physiques pour les femmes. Question beaucoup plus difficile à
trancher qu'elle ne paraît au premier abord ! Allez donc demander à tant de châtelaines
françaises de vieux style, cuirassées de hâle, robustes aux intempéries,
coureuses de bois, d'abandonner les exercices violents : la chasse,
l'escrime, le pugilat, la paume, sous prétexte qu'elles y gaspillent leur
charme ? Elles n'en croiront rien. Et cependant, après mûre discussion, le
cénacle d'Urbin juge ces exercices-là tout à fait incompatibles avec le sens
féminin[71]. Il faut
venir à Lyon pour qu'une femme jolie et spirituelle, comme Louise Labé, se
pose en « Brada-mante », en « Marphise », et vante ses cavalcades, ses coups
de lance ! Toute italienne bien née déteste des allures aussi hommasses.
Lorsque Charles VIII arriva à Naples, la princesse de Melphes, pour complaire
aux goûts du barbare, lui présenta sa fille à cheval, mais montée de façon à
ne « pas faire tort à son sexe[72] ». Il y a là un problème de
pure esthétique ; non pas que les femmes, comme Isabelle d'Este et autres,
manquent d'énergie ; au besoin, elles donneront des preuves d'une vigueur
inouïe ; Marguerite de France, en Espagne, dans sa passion de servir son frère,
enfourcha un cheval et courut jusqu'à la frontière avec une endurance, une
prestesse, que les services de poste ont rarement atteintes ; seulement, si,
sous le coup d'une ardeur véhémente, elles accomplissent ces prodiges, elles
ne s'en vantent pas. Quel charme aurait pour nous Marguerite, malgré tout son
héroïsme, s'il nous fallait la voir, bride abattue, à califourchon sur son
bidet ? On ne peut pas citer une femme-militaire, d'un tempérament plus
énergique que Catherine Sforza : craignait-elle de coucher sur la dure, de
passer des nuits en plein air ?... Eh bien ! dès qu'elle a une heure de
tranquillité, elle accrédite avec solennité chez ses voisins un brocanteur
juif chargé de lui découvrir un certain duvet à matelas, qui passe pour
exceptionnellement moelleux[73]. La
défaveur, très nette, des exercices violents chez les femmes, eut son
contre-coup chez les hommes et diminua infiniment l'ardeur pour tout ce qui
était sportif ou athlétique. Même autour de Jules Il, on se moqua, à gorges déployées,
d'un jeune cardinal qui, au lieu de montrer à ses visiteurs des livres, des
tableaux ou des monnaies, les emmenait sauter dans son jardin[74]. En France, on perdit tout à
fait — du moins dans le monde de la cour — le goût des exploits violents. On
parlait bien devant les dames le langage des romans, vertu des armes,
noblesse de la vertu, et, en disant cela, les jeunes gens brandissaient une
épée inoffensive. Les tournois furent en faveur, comme une parade propre à
séduire les yeux féminins, et simplement décorative, à moins d'accident. Il y
avait des passes en habits d'argent, d'autres en habits rouges, verts, bleus
; à la fin, le vainqueur, suivi de pages, faisait au galop le tour de la
piste, sur du sable fin, pour recueillir les bravos. Malgré tout, les femmes
apprécièrent peu ce reste de barbarie ; elles ne voyaient pas la nécessité
philosophique de se harnacher d'une lance et d'un cheval, pour courir le
grand prix de la vie ; d'après elles, ce grand prix s'appelle « repos et joie
souveraine[75] » ; il ne se gagne ni au galop
ni à la vapeur. La
question de la chasse donne lieu à des appréciations assez diverses. La
chasse plaît à l'homme comme la guerre ; pour lui, elle est noble, elle est
sainte, puisqu'elle a pour but de verser le sang ; sous ce rapport, elle
déplaît aux platonistes. Mais, d'autre part, l'homme est né pour se battre,
et en définitive on ne peut que l'encourager à user sa combativité contre des
animaux, créés précisément pour être tués par lui. L'état de boucher n'a rien
de criminel ; mieux vaut tuer un veau qu'un homme, et un sanglier qu'un veau.
Ainsi la chasse était un expédient utile. Mais
dans un temps attique, dans un temps divin, où la douceur infinie du beau
finissait par pénétrer jusqu'à la moelle des hommes, on devenait plus
exigeant, et on se demandait si de la chasse on pouvait tirer une idée
éclatante : ou bien s'il ne suffisait pas, pour faire la part de l'animalité,
de vaguer sans but, de prendre l'air sans prétexte, de cavalcader sous les
yeux des femmes, fût-ce avec l'apparence trop évidente d'un homme qui promène
sa bête ? Peut-être cela valait-il mieux. D'un
autre côté, à Rome on aimait la chasse. Les
chasses de la campagne romaine étaient célèbres d'ancienne date. Le chevreuil
passait pour y être très vite, le sanglier très dur ; les lévriers des
équipages appartenaient à ces races sacrées et savantes qui ne s'acquièrent
pas à prix d'or, et dont potentats ou princesses sollicitent des rejetons
avec une bassesse parfaite[76]. De plus, le luxe un peu
matériel de la chasse, faute de pompes militaires, paraissait nécessaire aux
intérêts politiques de la papauté, et par conséquent aux intérêts religieux,
vis-à-vis de certains hauts personnages plus accessibles à de-pareils
arguments qu'à ceux de la théologie : et. il ne faut pas l'oublier, les
prélats romains sont, malheureusement pour eux, des hommes politiques en même
temps que des esthéticiens ; tout en se liguant avec les femmes, il leur faut
compter avec les hommes : la chasse offerte par Paul II à Borso d'Este, en 1471,
est restée justement célèbre dans les fastes de 1'Eglise. Ainsi, il
s'agissait moins de-tuer des animaux que de sauver des âmes, et on peut dire
que la chasse tendait, sous ce rapport, à un but intellectuel. Les
grands papes de la Renaissance ne la cultivèrent pourtant qu'avec une
certaine tiédeur : Alexandre VI, quoique excellent écuyer, chassa peu et
médiocrement. C'est à peine si Jules II, çà et là, s'en allait dans les
vignes ; marin de naissance, il préférait jeter au large ses filets, comme
saint Pierre. Léon X caracolait davantage, à cause de ses menaces d'obésité[77] ; il chassait avec soin,
avec éclat, avec son amour habituel de la perfection, mais sans ce qui fait
l'art, ce je ne sais quoi que les chasseurs appellent « le feu sacré » ou le
« diable au corps ». et que les amis du beau appellent l'amour. C'était un Florentin,
et bien évidemment il n'attribuait pas au chasseur le beau rôle : en
galopant, il ne pouvait pas s'imaginer qu'il chevauchât des idées. On dirait
que, pour les gens comme lui, la Nature est vraiment femme ; ils voudraient
la mettre sous verre... En revanche, nombre de prélats[78] réchauffent la chasse de leur
enthousiasme, ils la diaprent de poésie, ils y portent leur gravité, leur
douceur, leur décorum. Dès que les vieilles murailles de la Rome barbare ou
les travertins du Colisée rougeoient (les premiers feux du jour, ou que les
vieux arcs de triomphe secouent une fois de plus leur poussière devant le
sourire des monts de la Sabine, un brillant cortège fait retentir sous le
sabot des chevaux les dalles pontificales. Voici de grands esprits qui
passent : la fière Catherine Sforza, Tebaldeo, le poète habile à parcourir
les sentiers des forêts, Pontanus, veneur méthodique, philosophe silencieux,
ou bien l'honneur de Venise, le sémillant Bembo, un peu fiévreux, car il veut
« percer » le sanglier, trancher la hure et en faire honneur à la Vierge des
bois « en vers qui passeront à la postérité » ; voici la blonde Lucrèce
Borgia, « gloire de sa race », près de qui s'empresse Hercule Strozzi, qui
écrit eu ce moment pour elle son grand poème la Chasse, moitié chasse
et moitié politique. Qui encore ? l'omnipotent cardinal Ascanio Sforza,
vice-chancelier de l'Eglise Romaine, tout fougueux, tout plein de l'animation
juvénile qu'il conservera, à travers les plus cruelles épreuves, jusqu'au
jour du grand repos dans l'église Santa-Maria del Popolo ; puis le cardinal
Adriano Castelli, le spirituel diplomate, moissonneur de cœurs, l'humaniste
admirable qui va célébrer cette chasse. Ces femmes, ces prélats chantent la
gloire de Diane ; il leur semble que la noble déesse guide en personne leur
longue théorie, parmi les tombeaux, dans le silence majestueux de ce grand désert
romain, où de longs aqueducs, végétation étrange, promènent leur mélancolique
décor. Elle
a relevé sa chlamyde peinte, Ses
cheveux d'or flottent aux vents, Des
cothurnes de pourpre lui couvrent les jambes, Son
carquois doré résonne sur l'épaule. Ascagne
réunit ses cohortes, Seul,
très attentif entre tous. Haut
perchés, tous ces hommes montent des chevaux de Lybie. C'est
fait : au pied de la montagne, le sanglier est débusqué, les lévriers volent,
les chasseurs, dispersés, galopent par monts, par vaux, solides,
infatigables... enfin, des cris ! des aboiements, des hurlements de chiens
blessés ! Victoire ! le cardinal Ascagne apparait, l'œil en feu, le teint
rouge, l'habit rouge, la dague plus rouge que tout, près du sanglier rouge.
C'est l'apparition épique et enivrante. Les chiens se bousculent, les
piqueurs s'agitent, les chasseurs débusquent de tous les côtés. Soudain, le
calme s'est fait ; comme par enchantement, un repas exquis se trouve servi ;
la douceur philosophique des guitares, la voix des chanteurs, les
applaudissements des convives réveillent seuls l'écho alangui, pendant que
circulent les larges flacons d'un vin généreux. Le cardinal Castelli se lève,
et entonne, dans son beau latin pindarique, un hymne en l'honneur du
triomphateur, « gloire superbe du sénat pourpré ». Rien de plus chrétien et
de plus doux que cet hymne de chasse. Le cardinal rappelle comment le
Rédempteur, « empereur de la vraie religion », a dissipé les divinités
vaines et consolé l'humanité périssante, comment Il a apporté la vie, la
force, la joie... Ascagne répond par cette invocation : Ô
Diane, vierge patronne des bois et des forêts, Que
tu veuilles te nommer Proserpine qui reluit dans la nuit, Ou
Lucine, Hécate, ou la douce Junon, Dictynna
ou Trivia, Toi
qui soutiens à chaque heure ma vie laborieuse, Toujours
je te tiendrai dans mon cœur ! Puis le
soir arrive, l'ombre s'étend... Bientôt des piaffements joyeux retentissent
sur la Voie Sacrée : ce sont les maîtres de Rome, que les ombres de Tibère et
de Constantin saluent dans la nuit... Pendant
qu'à Rome la chasse s'alliait ainsi à la poésie, on devine qu'en France elle
ne prenait pas un pareil essor... Le bon Louis XII, sagement régnant,
n'aurait pas eu grand effort à faire pour donner à ses exploits un caractère
sérieux et calme, car sa santé l'obligeait à chasser en litière, et plus
souvent avec des oiseaux qu'avec des chiens ; même, au chenil de Blois,
l'esprit poétique opéra sa timide trouée : les poètes de la cour exaltèrent
les faucons et les chiens royaux, n'ayant pas à leur disposition la
mythologie romaine, ni les ombres de Tibère et de Constantin ; on honora
d'une charmante épitaphe le vénérable Chailly, doyen du chenil, type de
probité et d'honneur, qui, après avoir suivi le roi jusqu'en guerre, avait
doucement achevé sa vie près de la reine Anne ; on chanta aussi l'illustre
faucon Muguet, terreur des hérons, « petit de corps, mais de cœur tout rempli
» : Trois
passetemps parfaits a eu Louis douzième : Triboulet
et Chailly, et je fus le troisième[79]. Mais
toute cette belle poésie ne célébrait que le cœur des animaux ; elle
n'empêchait pas le gibier d'être tué, elle laissait à la chasse son cachet
primitif, qui continuait à froisser la sensibilité[80], et ne permettait pas de faire
jaillir la moindre étincelle de vie morale. Un
homme se rencontra, qui prit le parti héroïque de réformer les chasses
françaises dans le sens romain. Cet homme était Guillaume Budé,
générale-nient connu comme fondateur du Collège de France, et pourtant aussi
bon chasseur qu'helléniste, et sous ce rapport, aussi digne de gloire, Budé
incarne avec éclat.la genèse intellectuelle de beaucoup d'hommes de sa
génération. Fils de
hauts fonctionnaires, il avait suivi la filière habituelle[81] : un précepteur, les maîtres à
la mode, un grec spécial, Georges Hermonyme, venu en ligne droite de
Lacédémone, pour lui faire balbutier l'alphabet grec, à raison de 500 écus
par mois ; mais ni Lefèvre d'Etaples n'avait pu faire de lui un philosophe,
ni Fra Giocondo, un mathématicien. Puis Budé, ayant un peu flâné sur les
bancs longanimes de l'Université de Lois d'Orléans, s'était résigné à suivre
la voie paternelle ; en dehors de la chasse, on ne lui connaissait ni science
ni passion, sauf pour la pèche. C'est ainsi qu'il alla à Rome comme
secrétaire d'ambassade, lors de l'avènement de Jules Il. Il y trouva son
chemin de Damas. La splendeur esthétique lui apparut et le saisit ; il
éprouva cette commotion électrique, ce renversement d'idées, que, de tout temps,
l'esprit du beau, subitement révélé, a infligés à certains esprits d'élite :
il revint tout autre. Il se fit apôtre : il résigna ambassades, fonctions de
secrétaire du roi, il refusa même une retraite confortable au parlement, pour
se consacrer -à la noble vie intellectuelle, dont la lumière lui avait rempli
le cœur. Il
renonça à tout, sauf à la chasse. Et c'est alors que se posa dans son esprit,
avec une intensité particulière, le cruel problème de la rendre spirituelle. Il y a
fait une réponse des plus originales, et il nous l'a communiquée sous forme
d'une conversation, vraie ou supposée, entre lui et le roi François Ier.
Cette conversation eut même un certain succès : écrite en latin (à la romaine), elle a eu l'honneur d'être
traduite par le grand traducteur de la cour, Louis Le Roy : M. Chevreul l'a
rééditée de nos jours. Budé a
une idée tout à fait simple, et propre, croit-il, à impressionner François Ier.
Le roi n'était pas bien savant, mais il avait beaucoup de bonne volonté et
une grande confiance dans les idées nouvelles, notamment dans celles de son
ami ; pour réconcilier la chasse avec la science, Budé lui propose simplement
d'adopter le latin comme langue de vénerie. Au premier abord, François Ier ne
comprend pas très bien le sel de cette proposition ; cependant, il ne dit pas
non ; et même, en y réfléchissant, il remarque qu'elle vient à point ; il y a
des personnes qui s'agitent pour supprimer le latin de la procédure, sous prétexte de la rendre claire : voilà un bon moyen de leur fermer la
bouche, en leur montrant que le latin peut servir à tout, du moment où il peut servir à l'argot du turf. L'histoire
ne nous dit pas si François Ier harangua ses chiens en vers latins ;
cependant la semence jetée par Budé ne fut pas perdue, et un autre savant,
commentateur d'Aristote et d'Hippocrate, Michel-Ange Blondo, reprit la même
thèse en sous-œuvre : dans un savant traité de vénerie en latin, Blondo
montre combien il importe aux chasseurs d'être lettrés ; il scrute, à leur
usage, toutes les matières canines depuis les temps les plus reculés : races,
hygiène, maladies, dressage, sur tous ces points il relie noblement le fil de
la tradition ; il n'oublie pas non plus la biographie des chasseurs les plus
illustres, jusques et y compris François Ier, et parmi eux, naturellement, il
cite avec honneur tant de nobles femmes passionnées pour la chasse, et pour
qui cela a presque toujours été comme une consécration de virginité : la
belle Atalante, contemptrice du mariage ; Calixto, fille d'un roi d'Arcadie ;
Aréthuse, fille du centaure Hippechrome ; Amimone, nymphe bretonne, fille de
Damans ; mille autres vestales encore, inutiles à rappeler, dit-il, étant «
fort connues de tous les chasseurs dignes de ce nom[82] ». Après une pareille
énumération, on pourrait être tenté de croire en effet que, tout au moins
pour les femmes, la chasse élève l'âme et a des vertus platoniques. Malgré
tout, les femmes artistes en charme ne pensent pas qu'elle mérite de leur
part encouragement ni sympathie. En quoi ce sport a-t-il une efficacité
morale particulière ? il a, au contraire, l'inconvénient de donner un aspect
un peu viril, d'émousser chez une femme tout ce qui fait l'essence de la
douceur platoniste[83]. La
grande chasse à courre n'est plus le fait que de quelques dames trop
vigoureuses et un peu vieux-jeu[84], comme Marguerite d'Autriche[85], qui était si fière de ses
têtes de loup empaillées[86] ; ou Anne de France, veneuse
passionnée et classique, qu'un de ses fidèles compagnons d'équipage, le
sénéchal de Normandie, qualifie avec enthousiasme grande maîtresse de ce « beau
métier[87] », mais qu'il appelle
aussi sa dernière représentante. Anne chassait, comme elle faisait tout ;
froidement et méthodiquement, elle vérifiait de ses yeux la piste, elle
ordonnait l'attaque, puis elle partait avec les chiens, et tout d'un coup
s'échauffait, s'animait, criait, donnait fort bien son coup d'épieu. C'est
grâce à de telles allures qu'elle s'est toujours fait inexactement juger,
même par ses amis intimes, et qu'elle s'est donné une réputation toute
virile, alors que dans le fond de son cœur elle était infiniment femme, et
femme philosophe. Le très
grand nombre de ses contemporaines se seraient bien gardées de l'imiter, et
si elles prirent leur parti de la chasse, ce fut par raison. Personnellement,
elles ne pratiquaient guère que la chasse à l'oiseau[88]. Il leur était indifférent
qu'on galopât ou qu'on tuât plus ou moins ; mais elles aimaient les alentours
de la chasse, les soirées, favorables au flirt, quand les chasseurs n'ont pas
trop faim ou trop sommeil, les lendemains, jours de repos, où le laisser aller
de la campagne permet de se lever tôt, de descendre à l'air frais, presque
sans coiffure et sans mouches, le teint net, le sang à la peau, d'expédier
rapidement une messe de chasse, et de se mettre à bavarder à l'ombre, sur les
mérites respectifs des chiens et des oiseaux, jusqu'à l'heure du déjeuner[89]. En somme, pour les femmes
platonistes, la vraie chasse, la bonne, c'est celle où l'on chasse le moins.
Si les hommes tiennent absolument à répandre du sang, qu'ils fassent vite !
qu'ils remplissent leur parc de cerfs domestiqués et qu'un beau matin ils en
massacrent une partie. Mais, de grâce, qu'ils ne parlent plus de leurs ruses
d'Apache ou de leur concours d'instinct avec les animaux ! Vraiment, s'écrie
Marguerite de France, la prise d'un cerf vaut-elle « le travail d'un
prince ?[90] » autant celui d'un maçon
ou d'un paysan ! La
conclusion, c'est que, si on ne veut pas vivre au chenil, il n'y a qu'à ne
plus chasser ; et elle est plus logique que l'effort tenté par Budé ou par
Blondo pour infuser aux chasseurs de hautes et bizarres idées qui ne valent
pas un bon piqueur. Comme
toutes choses humaines, les théories charmantes que nous venons d'exposer ont
d'ailleurs leur revers ; il est certain qu'à force de subordonner la nature,
de la rendre gracieuse, aimable, de la pomponner et de la transfigurer, on
arrive assez bien à en perdre même la notion. Un paysage devient un salon
Lemaire de Belges et autres ne nous entretiennent que de branches
doucettement branlantes, de feuillettes bruissantes, de l'automne palissant,
de cabanes où de faux bergers en fausses peaux de bique écoutent souffler la bise
de l'hiver avec un ravissement qu'on a peine à ne pas se figurer un peu faux[91]. Si au moins ces fadeurs
menaient toujours à l'idéal ! Mais non ; les naïves bergères font beaucoup de
façons à toutes les heures, sauf à celle du berger, lorsque ce serait
peut-être le cas d'en faire... L'école
voluptueuse de Venise, coloriste, naturaliste, un peu païenne, a beaucoup
mieux exprimé nos relations avec la nature. Elle ne nous ouvre plus une
simple alcôve, mais une immense usine de volupté, d'où s'élèvent mille
aspirations profondes et un souffle pénétrant. Giorgione et Titien ont
merveilleusement rendu la poésie de ces horizons pleins d'amour ! De la mer
molle, ou des mousses brûlées, ou des prés en fleurs, tels que leur pinceau
nous les montre, des voix montent en clameur, et il ne manque plus que
l'ancienne mythologie ingénieuse pour personnifier toutes les unions
indéchiffrables, indéchiffrées, dont o'n sent que le monde physique tire
chaque jour sa vie et sa soif impérieuse de renouvellement. Les épicuriens se
laissent glisser au caprice d'un coup de rame[92] et se bornent à donner leur
note, qui est bien légère dans cette colossale orchestration. Les
platonistes, au contraire, ne veulent pas se laisser entrainer, et ils
combattent la nature tout en la caressant, préférant trop la soumettre que
trop lui obéir. A leur avis, sauvage ou voluptueuse, elle tuerait l'homme.
C'est une esclave, faite pour nous subir, qui médite sa vengeance et qui veut
ou sucer notre sang ou le répandre : on la range parmi les esclaves. Il faut
enfin dire un mot d'une vie qui tient le milieu entre la vie des champs et
celle de la ville, la vie d'eaux et de bains de mer. En France, la mode s'en
introduit difficilement : la bonne société préfère l'existence large et
confortable de château, mais les eaux sont fort à la mode en Italie. Sauf à
l'église, il n'y a pas de théâtre où chacun puisse mieux se rencontrer, et se
prendre plus au sérieux sans mentir : une piscine représente l'idéal de
l'égalité ; on y entre, on y figure, on en sort, tout le monde s'y trouve
aussi prince que son voisin c'est un salon libre, où des gens qui, hors de
là, ne se connaissent pas, bons amis, familiers, ont tous une même pensée,
celle d'exprimer leur vie goutte à goutte, comme la source voisine. On a
attribué à des motifs bien divers la difficulté avec laquelle l'usage des
eaux s'est acclimaté en France. Suivant une vieille tradition, beaucoup de
prédicateurs du XVIe siècle tonnent encore contre l'habitude de se baigner.
Sur trente femmes qui vont se baigner, dit celui-ci, il n'y en a pas une qui
puisse se dire chaste. « Ô funeste lavage, fécond en mortels principes, »
s'exclame un autre[93]. « Femmes qui vous étuvez, dit.
Olivier Maillard, je vous convoque aux étuves de l'Enfer[94]. » Les calvinistes renchérirent
sur ces indignations, et plus d'un médecin même s'est cru tenu à une certaine
réserve. A la fin d'un long traité d'hygiène, Gazius dit : « Il me reste à
parler des bains, ce que je ferai brièvement, car l'usage n'en existe pas
chez nous, et d'ailleurs c'est un plaisir qui ne va pas sans danger ;
peut-être vaudrait-il mieux n'en pas parler de peur de paraître y pousser.
Moi, qui n'ai jamais pris un bain, je ne m'en porte pas plus mal, grâce à
Dieu. » Cependant, Gazius, pour ne pas se brouiller avec les anciens, ni avec
les Arabes, ni avec ses confrères, finit par reconnaitre que l'eau froide est
en usage « dans des pays très distingués » ; pour sa part, il
ne voit même aucun inconvénient à une douche, suivie de frictions ou de
massage[95]. Mais il
faut bien comprendre ce discours, plutôt moral qu'hygiénique. Nous
retrouvons ici, à l'improviste, des principes déjà connus. Ni les
prédicateurs, ni les calvinistes ne veulent admettre qu'un motif utilitaire
puisse induire une femme qui se respecte à se dépouiller de ses vêtements, ou
quasi, soit en plein air[96], à l'antique[97], soit dans un de ces
établissements publics de bains, qu'on annonçait tous les matins dans les
carrefours entre les artichauts et le fromage[98], et où la police tolérait
quelques indiscrétions. Beaucoup d'historiens ont conclu sans ambages que
calvinistes ou prédicateurs avaient horreur de l'eau ; ce n'est pas
absolument exact ; ils recommandaient les bains à domicile. Ainsi un canon du
concile de Bâle invite les particuliers à installer des salles de bain dans
leurs maisons[99]. Les platonistes partageaient
d'autant plus vivement l'avis du concile de Bâle, qu'ils traitaient leur
corps avec des égards pour ainsi dire sacerdotaux, et qu'aucune délicatesse
ne leur paraissait excessive pour forger l'arme du délicieux amour. Quelques femmes
subtiles préféraient à l'eau les moyens secs — poudres, pâtes, râblures
d'épiderme[100] —, ce qui permet encore de dire
« qu'elles ne se lavaient pas les mains » ; mais la plupart devaient beaucoup
à l'eau, et la salle consacrée à cette régénération était un sanctuaire. On
connaît les petites salles de bain du XIIIe siècle ou du commencement de ce
siècle, toutes tendues de glaces. L'idolâtrie du XVIe siècle a été moins
éclatante, mais non moins ardente ; Raphaël en personne a décoré la salle de
bains de Bibbiena, et on sait que le charmant prélat avait choisi pour thème
de ses fresques l'histoire de Vénus et de Cupidon[101]. Dans
une de ses lettres les plus amusantes, Mme de Sévigné gémit de la nécessité de
prendre des douches à Vichy ; elle trouvait cet état « humiliant », et, pour
se donner du courage, elle avait la singulière idée de s'entourer de ses deux
femmes de chambre, afin de « voir des figures de connaissance ». En même
temps, elle faisait cacher derrière un rideau son médecin, qui était homme
d'esprit, afin de causer avec lui pendant l'opération. Nous
ignorons les impressions des descendantes de Mm" de Sévigné, mais nous
savons que ses aïeules étaient, de ce chef, fort délicates. Marguerite de
France, pour ne pas perdre de vue l'histoire de la chaste Suzanne, s'en fit
faire un surtout de table[102]. On
devine donc la réserve qui s'imposait en matière d'hydrothérapie. Mais,
d'autre part. les amis de l'antiquité remirent l'eau en honneur ; des savants
démontrèrent que les Romains l'avaient beaucoup aimée ; les membres du haut
clergé s'en tirent les apôtres. Georges d'Amboise et ses frères multiplièrent
les fontaines à Rouen[103], à Blois, à Gaillon, à
Clermont... comme le pape le faisait à Rome. Quant
aux eaux minérales, c'est sous les auspices du pape et du Sénat de Venise que
parut le grand guide officiel, in-folio[104], où l'on peut voir qu'il y a
des eaux pour toutes les maladies, comme des saints pour toutes les misères[105], mais qu'il ne faut pas s'y
risquer sans consulter qui de droit. Voulant
aller aux eaux, vous interpellez un médecin ; si c'est un spécialiste comme
Savonarole, il verra tout par des yeux aquatiques, et commencera votre
initiation à domicile par des bains (l'espèces variées, oléagineux, vineux,
laiteux, de feu, d'air comprimé ; un beau matin, il vous dira que les eaux
minérales se transportent mal, qu'il est las de vous faire boire de l'eau
gâtée, et il vous expédiera à telle source[106]. La
plupart des eaux italiennes, du moins celles qui sont achalandées, ont le bon
goût de couler dans une ville ou à peu près, et on a la chance d'y retrouver
des figures de connaissance, ne fût-ce que parmi les habitués. Sous Louis
XII, la ville de Gênes se révolta parce que son capitaine français, le sire
de Roquebertin, au lieu de s'occuper d'affaires, d'ailleurs ennuyeuses,
passait sa vie aux eaux d'Acqui[107]. Néanmoins,
une femme distinguée commence par s'assurer une bonne escorte
d'accompagnateurs ; c'est ainsi que Marguerite de France avait entraîné à
Cauterets toute sa troupe. Ensuite elle subit les dernières exhortations de
son docteur, homme méticuleux, intelligent, qui ne parait pas se fier outre
mesure ni à ses confrères, ni à sa cliente, et qui la catéchise, qui lui fait
lire l'in-folio : il lui signale huit ennemis qui la guetteront à l'arrivée :
céphalalgie, insomnie et autres, il lui apprend comment en étudiant bien ses
petits vices intimes, en ne perdant pas de vue un seul instant son ventre ou
telle autre partie de sa personne, elle arrivera à la victoire. Puis il
consulte avec circonspection l'état du ciel, des étoiles, des vents, de la
température. la carte des épidémies, il s'assure de la qualité de l'année — car
il y a des années où les eaux tuent leurs malades ou les mènent à mal —, et
enfin il prononce l'exeat. On
secoue ces visions terrestres, et on s'envole. Tant pis si c'est vers la
Porretta, près de Bologne, station très fréquentée, mais très purgative ;
cependant, l'esprit du beau sait tout idéaliser, et un agréable poète,
Battista de Mantoue, s'est chargé de montrer toutes les satisfactions morales
ou esthétiques qu'on peut trouver à boire trois verres d'eau laxative, puis à
laisser faire la nature. Il
dépeint ce manège en fort beaux vers : Loin
de vous, le lit et ses joies. Allez,
venez, avancez-vous à pas lents... etc. Du
reste, l'idée de vous rajeunir, la pensée de récupérer par de si petits
sacrifices un esprit libre, un cœur chaud, un corps souple, de voir les rides
s'évanouir d'elles-mêmes, bref k programme même du devoir de beauté poétise
bien des choses et mérite bien que vous vous imposiez vingt et un jours
d'efforts[108]. N'importe, les gens à la mode
préfèrent les stations où l'on se baigne à celles où l'on boit. La vie
des eaux présente cet admirable avantage qu'on y jouit de la liberté la plus
parfaite ; nulle part, on ne se voit mieux, on ne cause plus intimement, on
ne profite plus à fond les uns des autres. -C'est ce qui lui donne un prix
infini ! Les hommes qui ont suivi la princesse de leur cœur n'ont absolument
rien à faire que de se consacrer à elle, car ils ne se font frictionner ou
purger que par acquit.de conscience. Que de bons moments, entre deux verres
d'eau, pour s'élever l'esprit ou pour raconter des histoires ! plusieurs
recueils de Nouvelles sont nés près d'une source[109]... C'est à une saison de
Lucques, en avril 1538, que Vittoria Colonna fit la connaissance de
Carnesecchi, l'aventureux théologien, et se lança avec lui dans les plus
hautes spéculations religieuses[110]... Chacun suit sa voie, et les
gens qui n'aiment pas les maris y sont encore moins gênés qu'ailleurs[111]. Irons-nous
jusqu'à dire que le platonisme dominait sans partage les baigneurs italiens ?
Non[112], mais c'était déjà quelque
chose qu'il eût sa place. On ne voit pas qu'une vertu beaucoup plus pure ait
régné au nord des Alpes, parmi les races vertueuses. Les allures des bains de
Baden, en Argovie, ont scandalisé jusqu'à Brantôme[113]. Un Florentin[114], qui croyait la vie de Florence
déjà agréable, nous a raconté avec une stupéfaction naïve ses impressions ;
dès en débarquant, il est tout ébaubi. Le beau platonisme de sa province,
toujours flanqué de maris jaloux et d'Impedimenta de toute sorte, lui parait
un pur enfantillage, un fantôme, une fleur sèche, une arabesque dans les
espaces, en face de ces manières boulevardières, qui, du reste, ne lui
déplaisent pas : « Bravo ! s'écrie-t-il, voilà qui est platonicien,
puisque Platon prêche la communauté des femmes. Ici les maris prennent tout,
absolument tout, du bon côté. Quelle véritable sagesse ! Ces Allemands ne se
torturent pas pour des soupçons, ils jouissent du présent. » Et lii-dessus,
quoique Florentin, il nous décrit les charmes de Baden avec un véritable
enthousiasme : les rues élégantes, où on ne voit pas trace d'infirmités
(Baden était recommandé aux femmes sans enfants), des femmes du monde
exquises, des hommes en habits (l'or et d'argent, des beautés un peu
exotiques, débarquées, sans qu'on sache trop d'où, avec un laquais et une ou
deux femmes de chambre, çà et là quelques nobles abbesses, de piété
raisonnable... Quel vertige ! C'est à qui se précipitera vers le plaisir ! Les
gens sérieux, qui se soignent et qui désirent se guérir, prennent trois ou
quatre bains par jour ; ceux-là vivent comme des canards. Il y a pour le
vulgaire des piscines communes on ne peut plus pittoresques, mais chaque
hôtel décent possède une piscine masculine, et une piscine féminine avec un
promenoir où les hommes sont admis en peignoir. Dire la gaieté qui y règne
est chose impossible : là-dedans, on cause, on rit, on mange, on boit, on
danse en rond ; les messieurs jettent des pièces d'argent que les baigneuses
attrapent du bout des doigts ou dans leur chemisette de lin, avec des
contorsions et des batailles. Parfois, quand une société se connaît bien,
elle finit par fraterniser dans un réceptacle unique, ce qui est beaucoup
plus amusant et ce qui plaît aux médecins, parce qu'il n'y a pas de bains
plus consciencieux. Honni soit qui mal y pense ! Le
soir, une vaste prairie sert de casino ; on continue à y danser en rond, à y
chanter ; on entremêle ces ébats de divertissements variés, tels que le jeu
de la balle à grelots, qui donne lieu à toute sorte de bousculades. Voilà Baden. Il se produit ceci de singulier : le platonisme passe pour compliqué, pour savant, et même il se croit tel ; l'anti-platonisme, au contraire, affecte des airs de la plus complète simplicité : or, chaque fois qu'on les met en présence, c'est le platonisme qui est le plus naïf. |
[1]
JJ 230, 185 ; 231, 162, et passim.
[2]
Les jours ordinaires, chez Marie de Clèves, on absorbait facilement la moitié
d'un veau, le quart d'un bœuf, cinq ou six moutons, et des douzaines de
poulets. (Histoire de Louis XII, II, 246 ; Titres, 761.)
[3]
Titres Orléans, 878.
[4]
Chartrier de Thouars.
[5]
Eloi d'Amerval ; Cardanus, I, 221, 225.
[6]
La goutte, s'écrie-t-on, elle est reine, elle est noble ! c'est une synthèse de
maux. Elle est discrète et courtoise ; elle ne s'attaque qu'aux parties
montrables de l'individu. Elle n'a rien de hideux comme la lèpre. Elle purifie
l'homme et exalte sa valeur morale comme toute douleur, plus que toute douleur.
Pourquoi est-elle l'ennemie des grands dîners ? et des veilles ? et de toutes
les tensions charmantes de l'esprit et du corps ? (Cardanus, De male medendi
usu, grief 95.) Une belle cantilène allemande lui est dédiée :
Ô reine Goutte,
ô déesse toute-puissante,
A qui
n'inspires-tu pas de craintes ? Ta divinité
Ne fléchit pas
devant Jupiter,
Devant le ciel,
la mer ou la terre.
Ecoute, ô
déesse, les prières de ceux qui t'implorent
Rends la paix
aux pieds des goutteux,
Rends la bonne
santé,
Apporte les
forces du corps.
(Podagræ laus.)
[7]
La goutte était très répandue. Ainsi Louise de Savoie était goutteuse.
[8]
Platina, p. 21, 170.
[9]
Arétin, Lettere, V, 323.
[10]
Brantôme, III, 93.
[11]
Montaigne. liv. III, ch. VIII.
[12]
Pontanus, De Conviventia. Opera, p. 141.
[13]
Le Doctrinal.
[14]
JJ. 231, f° 169.
[15]
Hept., Nouvelle 13. Voir Louise de Savoie, p. 295.
[16]
Prato.
[17]
Volpi, p. 181.
[18]
En entrant chez une dame, on lui baise les mains, et même on emploie volontiers
cette gracieuse périphrase pour rappeler le souvenir d'une première
présentation : « La première fois que je lui baisai les mains. »
[19]
Hütten, V, 417.
[20]
Michel d'Amboise. Epistres, f° 23.
[21]
H. Drudonis, De Vanitate sallationum. Cf. Bonne responce, p. 11.
[22]
Amante, p. 195.
[23]
Cité par Rosselot, I, 147.
[24]
Pour civiliser ses États, Pierre le Grand exigea que ses sujets et ses sujettes
apprissent â danser, et lui-même commandait les manœuvres, militairement. Il
obligeait les dames à se faire baiser sur la bouche par les danseurs.
(Waliszewski, Pierre le Grand, p. 461.)
[25]
Melin de Saint-Gelais, II, 117.
[26]
Montaiglon, VIII, 305.
[27]
Liv. III, ch. V.
[28]
Du Bellay, II, 127.
[29]
Hept., Nouvelle 54.
[30]
I, 230.
Ou soit d'un
baiser sec, ou d'un baiser humide,
D'un baiser
court ou long, ou d'un baiser qui guide
L'âme dessus la
bouche et laisse trespasser
Le baiseur...
Ou d'un baiser
donné comme les colombelles.
[31]
I, 200.
[32]
M. de Saint-Gelais, I, 167.
[33]
Billon, p. 58.
[34]
Agrippa, De Vanitate, ch. XVIII ; la grant Nef.
[35]
Ch. X.
[36]
Voir Louise de Savoie, p. 295.
[37]
Chartrier de Thouars, compte d'avril 1509, bons du 30 janvier 1511 ; Cardano, De
Vita propria, 14, De Ludo alex, ch. XXIX ; Eloi d'Amerval ; ms. fr. 1863,
f0 1 (miniature) et passim ; Castiglione, p. 223.
[38]
Castiglione.
[39]
Comptes de Marie de Clèves.
[40]
Ms. fr. 2915, f° 54 ; Bibl. de l'Ecole des chartes, III, 512.
[41]
Guevara.
[42]
Montaiglon, VIII, 304.
[43]
Eustorg de Beaulieu, rondeau XX ; Bareleta.
[44]
Saint Bernardin de Sienne (Thureau-Dangin, p. 194).
[45]
Le P. Chérot, p. 525 : la grant Nef.
[46]
La Nef (1497), p. 36, 36 v°.
[47]
Anne de France, p. 64 ; Amante, p. 171 ; Arétin, De la Ruffianaria.
[48]
F° 45 et suiv.
[49]
Cl. Marot, p. 311-312.
[50]
Hept., Nouvelle 21.
[51]
Bonav. des Périers, Nouvelle 114. Cf. Garin ; l'Advocat des darnes ; JJ,
230, 138 v°.
[52]
De Liberis.
Templa
pudicitiam maculant, ni rite peractis
Rebus abis :
templi noria sœpe more est.
[53]
Hept., Nouvelle 42.
[54]
Plaidoyers et arrests, p. 265.
[55]
Luzio, pp. 72 et suiv.
[56]
Pontanus, De Cultu. Opera (édition de juin 1518), p. 140.
[57]
Marguerite de France, édition Le Franc, p. 150.
[58]
Fresques du palais Borromeo, à Milan.
[59]
Bonnardot, p. 34.
[60]
Cataneo, Marsifa, ch. I, fin.
[61]
Firenzuola, Della bellezza, p. 406. Charles VIII en jonchait son lit.
[62]
P. 174, 178.
[63]
Oraison de l’âme, édition Jouaust, 81.
[64]
Marguerite de France, Dessin à Chantilly ; Lemaire de Belges, l'Amant vert
(sur le perroquet de Marguerite d'Autriche) ; L. Catti, f° 3 (Ad Avem Lydiæ).
[65]
Billon, p. 72 v°.
[66]
Genin. p. 232.
[67]
Billon.
[68]
Guevara. Epistres, pp. 349, 351.
[69]
Pontanus, De pascendis domi.
[70]
Navagero.
[71]
Castiglione, p. 575. Cependant les femmes jouaient à la balle. en Lombardie.
(Fresque de Besozzo, palais Borromeo, à Milan).
[72]
Brantôme, VIII, 142.
[73]
Pasolini. III. 102, n° 237.
[74]
Castiglione, p. 175. — Billon, p. 61.
[75]
Marguerite de France, éd. Le Franc, p. 155.
[76]
« Illustrissime et Excellentissime dame, ma dame la plus respectée, écrit la
comtesse de Forli à la duchesse de Ferrare ; les relations sûres, les
informations parfaites que m'apportent une infinité de personnes, de l'extrême
bonté, de la rare munificence de Votre Excellence, m'inspirent l'audace de
m'adresser à Elle en confiance. Je sais que l'Illustrissime Sv' votre époux et
votre Illustrissime Seigneurie adorent la chasse et les oiseaux, et que vous
avez toujours en abondance des chiens de toute sorte, excellents, parfaits. Je
prie très vivement Votre Excellence qu'elle daigne me faire un très beau et
très précieux cadeau, c'est-à-dire une paire de levriers bien dressés et grands
coureurs, suffisants pour les chevreuils de la campagne romaine, qui sont très
vites : une paire de bons limiers et une paire de braques à autours, bons et
tels que j'espère dire, devant leurs prouesses, quand ils prendront leur bête :
« Voilà les chiens que m'a donnés l'Illustrissime duchesse de Ferrare. » Je
sais que Votre Excellence ne m'enverra rien que d'excellent... » Elle
recommande vivement le fauconnier qu'elle envoie polir les ramener et
probablement pour les choisir. (Lettre de Catherine Sforza à la duchesse de
Ferrare, 1481. Pasolini, II, n° 173.
[77]
Andin, II. 447, etc.
[78]
Martial d'Auvergne, Vigiles.
[79]
L'auteur a recueilli les diverses pièces, encore inédites, où sont célébrés ces
chiens et oiseaux de Louis XII.
[80]
Agrippa, De Vanilate, ch. LXXVII.
[81]
D. Rebitté.
[82]
F° 26.
[83]
Michel d'Amboise, f° 39.
Kathin alloit
bien montée a la chasse,
Portant espieu.
Cupido la pourchasse
Avecques son
arc, et luy dit : « Combatons,
Puisqu'ainsi est
que nous avons bastons. »
Elle respond : «
Amours, que pense tu ?
Longtemps y a
que je t'ay courbatu
Sans entre armée
: a présent, je le suis ;
Retourne-t-en,
et plus ne me poursuis,
Car seure je
suis que tu seroys batu. »
[84]
Voir les détails que nous avons donnés sur les chasses de Marie de Clèves, Histoire
de Louis XII, I, 240.
[85]
Ms. des Echecs amoureux, de Louise de Savoie, miniature, f° 116.
[86]
Le Glay, Lettres, I, 38, 284.
[87]
Le Livre de la chasse.
[88]
Dunoyer de Noirmont, III, 87.
[89]
G. Crétin, Débat.
[90]
Éd. Le Franc, p. 148.
[91]
Thibaut, pp. 196 et suiv.
[92]
Stultifere naves (1500), grav. 6. Les critiques représentent presque
toujours l'épicurisme en bateau.
[93]
Dialogiemi Heroïnarum, p. 18.
[94]
Sermon 28.
[95]
F° 21 v°, 23.
[96]
Pétrarque, éd. Léouzon Le Duc, pp. 280, 281.
[97]
Ciacconius, p. 71.
[98]
Les Cris de Paris.
C'est à l'image
saincte Jame
Ou se vont
baigner ces femmes ;
Et baignez, et
estuvez, allez.
Bien servies
vous y serez.
De varletz, de
chambrière,
De la dame bonne
chère.
Allez tost, les
baings sont prestz.
[99]
Convivalium sermonum, p. 38.
[100]
Bonnaffé, Revue des Deux Mondes, 1893, p. 619.
[101]
Ch. Ravaisson-Mollien, les Manuscrits, ms. C.. p. 1 v° ; Ronsard, 1,251
; Ch. Ephrussi, les Bains de femmes. p. 15 ; C. Celtis, Urbs
Norimberga, ch. IV ; ms. fr. 143, f° 104 v°.
[102]
La Ferrière, Marguerite d'Angoulême, p. 123.
[103]
Voir not. Archives municipales de Rouen, 241 bis.
[104]
Ouvrage, pour notre époque. où l'usage des eaux minérales est si répandu,
très utile aux médecins, mais plus encore à toutes autres personnes, et très
agréable.
[105]
Exemple : « Le bain de Saint-Barthélemy : Un homme de Feltre, nommé Pétrarque,
à la suite d'un accident au genou, ayant été soigné par une série je ne dirai
pas de rebouteurs, mais de destructeurs, éprouva de vives douleurs : un
écoulement se produisit ; on y appliqua des astringents et des remèdes froids ;
il en résulta une induration, qui ne lui permettait plus de marcher sans bâton
et béquille. Au bout de deux ans, il vint nie voir ; je lui prescrivis les
bains. Il s'en trouva si bien qu'au bout de quinze jours il repartit sans
béquille. » (De balneis, 1563.
[106]
Cardanus, De malo medendi usu, 49e grief.
[107]
Jean d'Auton, IV, 93.
[108]
Sylvarum, liv. VIII, s. IV.
[109]
Not. Sabadino degli Arienti.
[110]
Carteggio, p. 159.
[111]
Hept., Prologue.
[112]
Gregorovius a publié dans Lucrèce Borgia (I, 28) le récit d'une fête des plus
libres offerte, à Sienne, à d'aimables baigneuses, et d'où les maris et les
frères avaient été exclus.
[113]
IX, 295.
[114]
Le Pogge.