LES FEMMES DE LA RENAISSANCE

LIVRE DEUXIÈME. — LA VIE DU MONDE

 

CHAPITRE III. — LE SACERDOCE DE LA BEAUTÉ.

 

 

Il faut, pour verser le bonheur, l'extraire d'où il se trouve : de nous-mêmes d'abord, puis des choses environnantes. La raison, désagréable, se plaît à nous montrer les réalités en bloc, et même par leurs revers : l'esthétisme en fait ressortir les beaux côtés. Le laid absolu n'existe pas plus que le beau absolu, et une chimie attentive constate que toutes choses contiennent leur parcelle de beauté et d'amour. Il appartient aux femmes de rechercher cette parcelle. En faisant de nous des êtres sensibles à la moindre apparence de bonheur, elles nous rendent la santé.

Leur premier devoir est de montrer d'abord en elles-mêmes, physiquement et moralement, tout ce qui peut paraître aimabl3, puisque le platonisme n'est pas l'art d'aimer, mais l'art de diriger les hommes vers le bonheur par l'amour. Ensuite elles doivent se servir des éléments qui sont à leur disposition et exprimer de la vie toute la substance du beau. Ou, si on préfère, ce sont des chefs d'orchestre, qui de partout tirent des voix inattendues. Comme cela est noble et difficile ! Comme il y a là de quoi remplir l'existence ! Qu'il faut d'esprit, de science, d'art, pour tirer jusque d'une pierre un accent sympathique ! Le platonisme serait bien étroit, bien insuffisant, il se confondrait avec tous les sentiments déjà connus, s'il se bornait au triomphe de la coquetterie féminine et s'il ne mettait pas la nature entière dans le secret de sa mission...

Ainsi, pour se rendre belles et admirables, les femmes auront à faire état de leurs ressources. Quelles que soient leurs occupations, elles peuvent toujours y mêler quelque chose d'idéal ou en tirer une glorification, s'agirait-il de dîner ou de se promener dans une prairie ; à plus forte raison, s'il s'agit des différentes habitudes de la vie sociable, et, surtout, des occupations intellectuelles. Tout doit s'imprégner par leurs soins d'un sentiment de paix et d'amour, et converger vers le bonheur. Voilà leur talent.

Evidemment, le travail différera suivant les circonstances, les situations, les possibilités, les dispositions. Telle ou telle femme portera son effort d'un côté ou de l'autre, elle se servira de telle ou telle arme ; mais, au fond, elle ne doit en négliger aucune. U nous serait donc impossible de présenter un tableau bien précis ; mais nous allons passer en revue les principales circonstances qui fournissent à une femme du monde ses moyens d'action ; les faits matériels d'abord, suivant l'ordre logique, puis les faits intellectuels.

Dans le domaine physique, le devoir capital des femmes consiste à posséder ce qui plaît aux hommes, car ici nous entrons dans la pure pratique, et il s'agit moins de rechercher l'idéal que de bien poser un hameçon.

La beauté physique n'est pas indispensable pour plaire ; au contraire même, une certaine honnête laideur ne messied pas, platoniquement parlant. Peut-être que, si bien des femmes célèbres, dont nous ne connaissons que le portrait, ressuscitaient, nous ne nous défendrions pas de la fascination qu'elles ont exercée, mais elles sont mortes et nous les trouvons laides : cette laideur a été leur paratonnerre. Disons mieux : on se défie de la vraie beauté : c'est, comme dit sévèrement Anne de France[1], la plus préjudiciable grâce et la moindre que Dieu puisse faire à une femme, surtout à une princesse. La beauté physique prend trop de place, elle mêle fatalement les sentiments et glisse parmi les plus purs un alliage fragile, elle risque toujours de troubler les plans les mieux ourdis ; une princesse belle ne choisit plus ses serviteurs, elle ne sait ni jusqu'où ils iront, ni peut-être jusqu'où elle ira elle-même ; elle asseoit son empire sur des bases bien précaires, puisque moins l'amour est sensuel, plus il dure. Et enfin, les femmes sont ce qu'elles sont, on ne peut pas leur demander de se changer. Mais on peut demander à toute femme, qui connaît son devoir, d'exercer l'art féminin : cet art s'appelle le charme.

Bien des hommes ne comprennent pas le sens de ce mot « charme » ; ils parlent de la beauté en savants ou en épiciers, pas en croyants. Si vous anatomisez les femmes, si vous les jugez de la même façon qu'une aune de calicot, un baudet ou une esclave, vous ne verrez naturellement qu'une forme de chair ; vous pourrez en apprécier la valeur géométrique[2], compter sur vos doigts trente[3] ou trente-six[4] beautés spéciales ; si vous vous piquez d'intellectualisme[5], vous irez peut-être jusqu'à mesurer la boîte crânienne, et ce sera tout. Il vous suffira, comme artiste, de produire la « semblance de la vie[6] », grâce à une analyse méticuleuse ; vous n'apercevrez pas ce qui nous parle, ce qui nous séduit. Le charme ne se traduit ni par l'arithmétique, ni par l'algèbre ; c'est un art (et peut-être le premier de tous) parce qu'il va de l'âme à l'âme plus qu'aucun autre, plus même que la poésie ou la musique : c'est une espèce d'ensorcellement, c'est comme une adresse féminine à jeter tout autour de soi un filet invisible. Il n'est pas purement intellectuel, il s'aide des moyens physiques, il dédaigne toute formule. Les Italiens, qui ont adoré cet art délicieux, ont vainement consacré des écrits innombrables, et souvent fort copieux, à essayer de l'approfondir. Tous les raisonnements tiennent dans cette phrase vague de Firenzuola « Une femme belle est celle qui plaît universellement[7] » ; pas plus que les autres, Firenzuola ne dit pourquoi elle plaît. Ah ! si on parlait d'une bonne ménagère, on cataloguerait facilement ses vertus ; on a souvent compté les talents d'une femme administrateur, hygiéniste, teneuse de livres, éducatrice. D'une femme charmante, jamais ! chacune a son secret. Et cependant l'art du charme est très répandu. Les Italiennes lui doivent d'être les reines du monde — disons, pour satisfaire Montaigne, les « régentes » — ; elles ne l'emportent pas sur les Françaises comme beauté plastique ni comme singularité d'âme, mais il y a parmi elles beaucoup plus de « belles femmes » qu'ailleurs, c'est-à-dire de femmes subjuguantes. Elles sont faites de douceur platonique, elles ont acquis je ne sais quel magnétisme, quel parfum de grâce humaine, si sacré, si nécessaire qu'il semble purifier l'air et faire du monde un temple au lieu d'un hôpital : tels les parfums jadis répandus sur les pieds du Sauveur, bien tachés de poussière humaine[8] !

Comme tous les autres arts, le charme vient de la nature. La première règle pour une femme est de se bien connaître, afin de mettre en œuvre, discrètement, ses dons individuels, notamment ceux qui intéressent l'homme qu'elle vise. Il ne faut pas laisser sentir l'art. Une femme n'a de charme qu'à condition d'agir spontanément, fût-ce de façon imparfaite : on ne saurait trop mettre en relief ce principe, qui explique à lui seul l'évolution de la puissance féminine au XVIe siècle. Tant que les femmes ont affirmé nettement leur action personnelle, en ne prenant conseil que d'elles-mêmes, leur pouvoir n'a cessé de croître, et il a produit d'excellents effets ; lorsque, soit paresse, timidité, instinct de soumission, ou fausse éducation..., elles n'ont plus vu dans le platonisme qu'un art à apprendre, une leçon à se seriner, un maintien convenu, tout a été fini ; les hommes, vraiment virils, ont échappé à leur influence, se sont moqués de ce charme un peu puéril, et elles n'ont plus trouvé à gouverner que le flot des hommes dont il n'y a rien à faire, ceux qui ne se distinguent les uns des autres que par la couleur de leurs pantalons. C'est la conséquence pratique du parallèle qui s'est institué dès le début entre le platonisme vrai et le platonisme de convention, entre Michel-Ange et Bembo, entre la vigoureuse Anne de France, qui consent bien à s'assimiler certains principes délicieux de l'esprit nouveau, sans rien sacrifier ni de son caractère ni de sa race, et l'aimable Marguerite de France, beaucoup plus portée à passer avec armes et bagages aux modes italiennes, afin d'obtenir en France les mêmes résultats qu'en Italie.

Néanmoins, en dehors de l'originalité indispensable et de la diversité essentielle, on peut citer quelques traits constitutifs du charme, que l'expérience ou la tradition paraissent consacrer. Il y en a de physiques et d'intellectuels : nous ne parlerons pour le moment que des premiers.

Une règle générale (si on peut parler de règle) consiste en ce que le charme physique d'une femme résulte entièrement de ce qui accentue son caractère de femme, d'archi-femme. Ainsi, avant tout, il faut exprimer la plus complète, la plus absolue douceur.

Pendant longtemps, le cachet de douceur parut résulter des formes graciles : ovale aristocratique du visage, cou de cygne, taille de guêpe, bref un ensemble de roseau mince et fragile, vrai bijou d'étagère, si délicatement monté que c'était à ne pas oser y toucher et qu'on se demandait comment un être aussi fin avait pu prendre l'habitude de se tenir sur de si petits pieds, de tendre une si petite main : une tournure virginale de quinze ans[9]. Cet idéal si pur persévéra en Espagne[10] ; mais en Italie ce fut un des premiers signes de la décadence, de préférer les formes plus sensuelles. Les Florentins, grands raffineurs d'élégance, résistèrent presque seuls au courant ; le bon Firenzuola ne s'y abandonne pas trop[11], et tout au plus y avait-il à Florence un parti des muscles et de la robustesse, représenté par Michel-Ange. Mais, du côté de Venise, la belle opulence de la chair, lumineuse et chaude, toute en matière et en mollesse, « pleine d'un soulas délicieux[12] », déborda, telle que les païens l'ont célébrée dans leurs chants lyriques, telle que l'Orient la révère : rien ne parut plus doux !

En France, l'esprit, toujours éclectique et indécis, n'était ni assez idéaliste ni assez matérialiste pour prendre parti dans cette querelle.

Autant me plaist la grassette,

Comme me plaist la maigrette[13].

Les grandes déesses régnantes et dominantes de l'époque classique, MM°1°8 de Chateaubriand, de Canaples, Diane de Poitiers..., représentaient de fortes races ; un vieux sang robuste bouillonnait assez visiblement dans leurs veines ; mais elles le maîtrisèrent comme elles maîtrisaient tout, elles lui imposèrent une effémination, qui avait bien son charme.

La couleur des cheveux et des sourcils a toujours paru un facteur caractéristique de l'expression des femmes : sans cheveux blonds, pas de douceur. D'après un chroniqueur du XIIe siècle[14], la douce sainte Godelive, de Bruges, était horriblement traitée de « corneille » par sa mégère de belle-mère, à cause de ses cheveux d'ébène ; elle dut à ces cheveux les tribulations qui lui ont valu l'auréole de la sainteté. Bien probablement, les ducs de Bourgogne ont plutôt pensé aux charmantes femmes dont la tête semble un épi mûr, qu'aux exploits de Jason, lorsqu'ils créèrent l'ordre insigne de la Toison d'Or. On ne concevrait pas davantage Botticelli couronnant de noir le printemps, ni Raphaël faisant de ses vierges des déesses de la nuit. Le blond s'imposait[15]. Cependant, ici encore, les Florentins délicats firent des réserves et prirent volontiers le parti des jolies petites têtes brunes, si fines, qu'on rencontre dans les campagnes de l'Ombrie. En France, les cheveux châtains, qui encadrent tant de physionomies exquises, avaient un grand succès[16].

En revanche, il y avait consentement universel à célébrer la blancheur et la fluidité de la peau. Idéalistes ou non, gracieux, élégants ou mélancoliques, qu'ils s'appellent Firenzuola[17] ou Tibaldeo, poètes ou esthéticiens, de quelque pays qu'ils viennent, tous vantent le charme et la douceur des neiges et des roses.

Quant aux yeux, c'est le foyer même du charme ; grâce à eux, le cœur entretient d'exquises conversations, l'âme y chante toute la gamme de ses discours. Les italiens aiment surtout les yeux de cœur, noirs, veloutés, rêveurs ou profonds ; les Français, sans méconnaître le moins du monde le charme d'un regard de créole, préfèrent beaucoup les yeux spirituels, vivants, qui sont le plus souvent de couleur « vaire » ou brun jaune. Sur ce point-là, ils ne transigent guère : ils mettent au-dessus de tout la Française à mine piquante, à traits mobiles, toute pétillante du regard et des lèvres.

Voilà les quelques idées, sommaires et bien vagues, dont les femmes peuvent s'inspirer au point de vue physique.

Elles ont le choix entre tel ou tel de ces traits, ou tout au moins elles peuvent s'en rapprocher. Le conseil n'a rien d'hiératique ; l'important est de réussir ; mais si on manque d'un des instruments de charme à la mode, il vaut mieux ne pas forcer son talent et en chercher un autre. On a vu des femmes plaire rien que par la beauté de leur front, large et d'apparence intellectuelle : Mlle de Vieilleville charmait par un doux petit bégaiement, la blonde Chanteloup par sa délicieuse petite bouche[18]. Une moue délicate, un « petit ris folâtre[19] », des lèvres fines et si rouges qu'on se demande « quelle est la cerise ou la bouche[20] », la tenue du corps, le jeu de la physionomie, tout cela, et bien autre chose encore, peut devenir « fontaine de douceurs amoureuses ». Il faut seulement que, de façon ou d'autre, la femme s'enveloppe de sa douceur, comme d'un voile divin. Léonard de Vinci a quelquefois peint de bonnes ménagères, d'aspect net et précis ; mais cela ne lui plaisait pas ; à son avis, ce n'étaient pas des femmes : l'air hardi, à ce qu'il disait, ne convient qu'aux femmes qui n'en sont plus[21] ; chaque fois qu'il a aimé son modèle, il lui a donné une tenue modeste, le bras devant la poitrine, et il l'a à demi noyé dans une sorte de pénombre. En France, la femme pimpante, sémillante, distinguée, était obligée elle-même de se donner un air de grande douceur enveloppante et un peu langoureuse[22]. Les Français les plus incorrigibles rendent les armes à « un doux et bénin visage[23] », — « un doux regard, un doux maintien. une douce contenance[24] ».

Une autre condition du charme pour les idéalistes, c'est une certaine réserve, une tenue discrète. La femme doit être l'arche sainte, digne de tous les respects. On ne lui en veut pas, si, comme un mimosa, elle se replie dès que les rayons du soleil ne viennent plus la réchauffer, et si elle a peur des ténèbres. On trouve exquise la femme qui ne prodigue pas ses faveurs. A peine si dans le monde platoniste on vante la beauté des épaules[25], et par le fait on ne voit plus se produire dans les rues ou dans les églises, sous les yeux du public vulgaire, certaines libertés de costume, objet immémorial des désespoirs des prédicateurs[26] : les larges décolletages, comme celui de cette bonne Isabeau de Bavière, à qui le moine Jacques Legrant reprochait en pleine chaire de montrer « jusqu'à son nombril » ; les robes à échancrures latérales, les chaussures à longues poulaines, si gênantes qu'il fallait relever fortement ses jupons pour pouvoir marcher... Castiglione se pâme devant la simple petite bottine de velours (l'une dame, qui, le matin, en allant à la messe, croit devoir sauter légèrement un ruisseau. Arétin, expert naturel en pareille matière, affirme que personne n'a plus horreur du décolletage gratuit que les courtisanes[27] ! A force de raffinement et de délicatesse, les femmes paraissaient devenues plus scrupuleuses et plus farouches, parce qu'elles se rendaient compte de ce qu'elles valaient et qu'elles voulaient être aimées, principalement du moins, pour leur âme. Et puis, il arrive aux• grandes dames, comme à d'autres, de friser la quarantaine, et leur prudence esthétique est extrême. Persuadées que la perfection est toujours rare en ce bas monde, elles apprécient l'importance d'une bonne tenue, surtout dans une société blasée, et elles n'ignorent pas combien l'habileté des couturières présente d'intérêt et de garanties.

Ici pourtant se pose une question dont il nous faut dire quelques mots, car, outre qu'elle occupe une certaine place dans l'histoire de l'art, elle induit couramment à apprécier le rôle esthétique des femmes de la Renaissance d'une manière qui ne nous paraît pas tout à fait exacte ; on a peut-être eu le tort de ne pas la traiter avec le sérieux qui lui est dû.

Personne n'ignore que le XVIe siècle a éprouvé un goût immodéré pour les Vénus, qu'il s'en est délecté et pourléché, qu'il en a mis partout, avec une sorte d'ivresse, comme s'il sortait d'une trop longue claustration.

Il faut bien avouer que l'art sévère et grave du moyen âge avait un peu péché par l'excès inverse. A force de puritanisme, il paraissait s'élever au désir, évidemment exagéré, de faire oublier l'existence de la matière : il évidait les formes corporelles jusqu'au point où le corps ne représente plus qu'une pensée, et le vêtement, ensuite, finement, gracieusement drapé, enveloppait cette pensée et contribuait pour ainsi dire à l'immatérialiser. Il fallut l'influence de l'art grec[28] pour renverser les rôles et pour attribuer particulièrement à la beauté corporelle un cachet artistique et vivant. L'esthétique platonicienne contribua dans une large mesure à accentuer ce mouvement, puisqu'elle mettait en honneur la théorie que le corps humain est le type parfait de la beauté terrestre, de même que l'âme humaine est reine du monde. Grâce à Platon, l'homme, plein d'esprit, plein d'amour, plein de liberté, paraissait à lui seul plus intelligent, plus libre, plus digne de culte que la Nature entière ; et comme la Bible nous le donne aussi pour l'image de Dieu, il semblait convenable de l'honorer. On ne peut donc pas dire, même sur ce point, qu'en rompant avec les traditions esthétiques du moyen âge on rompît nécessairement avec ses traditions psychologiques et morales ; le platonisme crut simplement développer et amplifier l'art chrétien, lui procurer tout l'épanouissement superbe dont il était susceptible ; de sorte que, dans les premiers moments, ce fut souvent avec une bonne foi parfaite et avec des intentions hautement spiritualistes qu'on déifia par des nudités les forces vives du monde. Michel-Ange est là pour nous prouver qu'on pouvait glorifier à grands traits, et fort crânement, la figure humaine, sans affaiblir en rien la notion générale de force et de chasteté. Qu'il peigne des hommes ou des femmes, il arrive au même résultat : on dirait qu'en poussant ses lutteurs sur la scène il leur lance cette vieille apostrophe d'un mystique : « Je vous aime, non pas à cause de vos beaux vêtements, mais parce que vous avez beaucoup souffert. » Dira-t-on jamais que son Eve de la Sixtine se laisse aller, par un alanguissement quelconque, aux suggestions du serpent ! Cette femme-là est bien de force à résister par elle-même à un serpent ! Elle aborde fermement la connaissance du bien et du mal, en toute liberté, comme une vraie athlète, avec plus de résolution que de curiosité, parce qu'elle se sent capable de tout porter dans ses flancs, et que, d'ailleurs, personne encore ne lui avait parlé d'enfanter dans la douleur. Michel-Ange a rendu chaste jusqu'à la déplorable mère du genre humain !

Et il est certain que, lorsqu'un artiste de la même école pousse l'audace du réalisme jusqu'à étaler sur le tombeau des rois, en pleine cathédrale de Saint-Denis, les cadavres nus de Louis XII et d'Anne de Bretagne, d'Henri Il et de Catherine de Médicis, il donne une haute et sévère, une admirable leçon de morale, d'une éloquence criante.

Dans ce sens, la vue du corps paraissait absolument esthétique et philosophique, à tel point que toute une génération de précepteurs bien intentionnés, dont Ulrich de Hutten se moque quelque peu, s'est ingéniée à en expliquer la piété aux jeunes gens. C'est ainsi que le bon ecclésiastique, spécialement préposé à l'enseignement de la morale près du jeune François Pr, François de Moulins, insère dans ses manuscrits l'image des Grâces, et apprend à son jeune élève qu'il faut représenter la Charité nue, afin de symboliser ou, plutôt, de faire toucher au vif sa générosité[29].

Mais avons-nous besoin d'ajouter que, si l'école spiritualiste et platonicienne tira de la nouvelle idée artistique ces nobles effets, il y eut une autre école d'artistes et d'amateurs, beaucoup plus nombreuse, qui ne vit dans l'étalage des académies qu'un régal d'un tout autre ordre On ne peut pas savoir (et nous ne le demandons pas) quel est le sentiment intime de Dürer, lorsqu'il cherche, lui aussi, à imiter Michel-Ange ; mais ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il n'y réussit pas tout à fait ; il ne sort pas de la vie domestique ; les bonnes dames qu'il nous présente n'ont rien de supra-humain, tant s'en faut[30], ce sont des personnes en rupture de comptoir et de corset, des baigneuses fort positives, une « grande Fortune », qui, malgré ses larges ailes, parait encore mal à l'aise dans ce que Montaigne appelait son « costume d'animal ». Les artistes italiens, à part quelques primitifs, n'ont pas laissé percer en pareil cas le même embarras. A les en croire, ils se meuvent avec une grande aisance au milieu de ces beautés physiques, en parfaits esthètes. Evidemment, beaucoup d'entre eux croyaient les hommes, et surtout les femmes, les plus beaux animaux de la création, et en effet ils nous étalèrent partout, avec une grande virtuosité. Salons, places publiques, promenades, tout, jusqu'aux murs des églises[31], jusqu'aux murs des cathédrales, prit alors une tournure de pseudo-paradis. La fanfare de la chair sonna bravement son triomphe. Il faut ajouter que cette peinture-là était un bon métier, qui rapportait argent et honneur.

Peu à peu, pourtant, la licence excita des murmures, qui s'accentuèrent de jour en jour, et comme Michel-Ange plus que personne avait ennobli le procédé, en écrivant au-dessus même de l'autel particulier des papes la page de philosophie la plus terrible et la plus sublime qu'un pinceau ait jamais écrite, c'est à lui surtout qu'on s'en prit. Certainement, il passa pour l'éditeur responsable de ce nouveau principe d'art, et il fallait que l'accusation fût bien générale et presque au-dessus de la discussion, puisque l'homme le plus à l'affût des courants de la mode, Arétin, se permit de l'invectiver à ce sujet en termes virulents. Après le concile de Trente, une véritable croisade finit par s'organiser dans le noble but de purger les églises des anatomies trop consciencieuses. Il est de bon ton, dans les Joanne, de s'égayer aux dépens du pauvre pape Paul IV, désigné par quelques mauvais plaisants sous l'écrasant sobriquet de « culottier », parce que, dans l'œuvre de Michel-Ange, il a fait timidement gazer quelques détails véridiques, mais réellement inutiles, et parce qu'il a accordé à la sainte Vierge l'aumône d'une robe dont elle manquait. Au risque -d'encourir les mêmes reproches et de devenir la réprobation des Guides passés, présents et futurs, nous oserons confesser qu'il parait difficile de lui donner tort. Le Jugement dernier, bien qu'absolument pur dans son principe, devenait pour les papes -une vraie pierre d'achoppement, du moment où ils entamaient une croisade, fort légitime, de purification artistique ; lorsqu'en 1573 on reprochait à Véronèse d'introduire dans ses Cènes des épisodes peu édifiants, il ne manquait pas d'alléguer l'exemple de la Sixtine[32]. Bien certainement, Calvin se serait montré beaucoup plus rigoureux que Paul IV.

Cet entraînement vers les symphonies du corps n'embarrassa pas que les papes ; il embarrassa aussi les nobles femmes qui voulaient se faire les directrices du mouvement esthétique, ou pour mieux dire l'incarnation même de la beauté et de l'amour. Jusqu'à quel point ces femmes, pénétrées du désir de faire triompher la beauté intellectuelle, ont-elles dû admettre quelques concessions, c'est une question assez épineuse et sur laquelle il nous semble qu'on apporte en général des réponses un peu trop libérales. Quant aux hommes, il n'y a point à douter de leurs goûts matérialistes ; nous savons à merveille, par un nombre suffisant de témoignages intimes[33], de racontars[34] et même de légendes, qu'ils étaient friands d'exhibitions vivantes, qu'ils en réclamaient, qu'il leur en fallait. Pour les satisfaire, l'art s'est appliqué à faire du déshabillé ; certes, les femmes platonistes ne pouvaient que s'insurger. Mais il existe quelques Vénus, sculptées ou peintes, auxquelles l'artiste a certainement voulu donner le ragoût de portraits. Le corps a des touches réalistes, parfois de véritables difformités ; il y a de ces Vénus bossues, ou efflanquées, il y en a de formes écrasantes. Toujours elles portent de beaux bijoux, un collier par exemple. Elles ont leur petit chien à côté d'elles. Détail caractéristique, leur coiffure a été l'objet du soin le plus particulier ; c'est un savant échafaudage de crêpés, d'ondulations et de rouleaux mêlés de bijoux, de manière à bien indiquer qu'il ne s'agit pas d'une déesse des bois, mais d'une femme du monde, d'une femme riche, et même, autant que possible, du grand monde. Certaines toiles célèbres de Titien représentent admirablement ce genre de figures, et il est de tradition presque immémoriale de les prendre pour ce que le peintre semble dire, c'est-à-dire pour des portraits de femmes de marque.

Faut-il croire que la religion du beau, en purifiant tout, a poussé les femmes jusqu'à une coutume aussi extrême ? Nous ne le croyons pas[35].

C'eût été le renversement pur et simple de toute leur tactique, et là-dessus Platon remporte la défaite la plus complète. Même dans ce cénacle d'Urbin où l'on file délicieusement le plus parfait platonisme, il y a un sourire universel lorsqu'un des interlocuteurs, souriant discrètement lui-même, rappelle que le Maître recommandait aux jeunes filles de se livrer à l'exercice de la palestre dans un costume très primitif. Les femmes ne se soucient pas du tout d'une beauté de « troglodytes[36] », et ce serait bien se tromper de croire que les spectacles de Michel-Ange ou de Signorelli leur eussent tourné la tête. Julien de Médicis, que ses amis plaisantent sur la manière dont il cache sa belle, répond avec humour : « Madame, si je la tenais pour belle, je la montrerais sans atours, comme Pâris voulut voir les trois déesses ; mais elle aurait besoin d'être accoutrée des mains mêmes de ces divinités : et puisqu'elle passe pour jolie, j'aime mieux la garder[37]. »

La répugnance pour ce qui ressemble à une publicité, à une vulgarisation, pour ce qui peut tomber sous les yeux de tout le monde, est extrême. Un jour, dans un bal, une jeune fille semblait en proie à une morne préoccupation dont rien ne pouvait l'arracher ; ses amis s'épuisaient vainement en conjectures. On finit par avoir la clef du mystère : « Je songeais, dit-elle, à une pensée qui m'obsède et qui me fâche, et je ne puis l'ôter de mon cœur. C'est que tous les corps devant ressusciter pour le jour du Jugement et comparaître nus devant le tribunal de Dieu, je ne peux pas supporter l'ennui que j'éprouve à penser que je paraîtrai ainsi toute nue[38]. »

D'un autre côté, on ne peut pas nier qu'il n'existe un certain nombre de portraits olympiens. Seulement, ils n'ont rien à faire avec le platonisme, et d'ailleurs beaucoup d'entre eux ont été exécutés sans la collaboration du modèle.

Quand une femme du monde se faisait peindre, elle ne se piquait pas de patience, elle ne voulait pas poser ; voilà, certes, un grand argument ! Il fallait que l'artiste fabriquât hâtivement un crayon, comme on ferait aujourd'hui une photographie ; ensuite le portrait s'exécutait à l'atelier sur ce crayon, et on en tirait une suite de répétitions. Il est clair que, possédant ainsi des têtes de femmes du monde, les artistes ont pu en mésuser, et leur ajouter un costume qui n'était pas dans le programme.

Le jeu nous paraîtrait aujourd'hui d'un goût assez douteux : mais les femmes avaient alors tant de bonté, tant d'esprit, que cette mauvaise plaisanterie les faisait rire toutes les premières, surtout si leur situation personnelle les mettait au-dessus du soupçon, surtout aussi si le portrait était joli et flatteur. Le poète Michel d'Amboise raconte que galamment il offrit à celle qu'il idolâtrait un portrait en Vénus. La demoiselle regarda l'objet avec « quelque plaisir » ; comme, pour sauver les principes, il fallait morigéner le peintre, elle lui demanda où il avait pu la voir dans cette tenue inusitée ; l'autre répondit, en vrai talon rouge :

J'ay ta façon sceue par celuy

Qui est à toy trop plus qu'il n'est à luy.

Comment, s'écria-t-elle ! Mais lui non plus ne m'a jamais vue !

Ronsard, à qui il arriva souvent d'être amoureux, nous dépeint le galant manège. Il va demander à Janet Clouet un portrait de sa belle avec tous les charmes possibles : de visu, il ne connaît d'elle que le gracieux ovale du visage et son long cou de cygne, mais cela ne l'empêche pas de décrire le reste et de commander en toute confiance les détails les plus ravissants. Clouet va faire là un bien joli portrait, mais qui ne sera peut-être pas très ressemblant.

En pareil cas (par un sentiment qui s'explique suffisamment), quand on veut indiquer, sous une forme ou sous une autre, un hommage à la beauté présumée d'une certaine dame en particulier, une discrétion élémentaire commande d'idéaliser un peu le visage de cette (lame. De sorte que, le visage étant le seul point de repère, on peut dire qu'à proprement parler il n'existe pas de portraits de ce genre : il y a des idées, des arrière-pensées, des allusions plus ou moins transparentes. Si l'on en croit la tradition, combien n'aurions-nous pas, par exemple, de portraits de Diane de Poitiers ? Cette noble dame a commandé elle-même un bon nombre de Dianes, qui peuvent passer pour des symboles, pour la glorification de son nom et de son rôle. Mais, sans parler des représentations plus que douteuses, parmi toutes celles dont M. Guiffrey a dressé savamment l'inventaire, nous n'en trouvons pas une seule, même signée des plus illustres noms, qui ressemble réellement... On pourrait excuser ce défaut pour les émaux, même signés de Léonard Limosin ; mais comment l'admettre chez Jean Goujon ? Or voici la Diane superbe du musée du Louvre : faite pour Anet, elle lançait aux quatre coins du ciel le défi triomphant de la beauté humaine, synthétisée par une femme vigoureuse, par une vraie divinité, monumentale, imposante, d'allures dominatrices, entre son cerf et ses chiens, nullement voluptueuse, — arrière-cousine de l'Eve de Michel-Ange, bien que réduite à régner sur les forêts, sur les chiens et sur les hommes. Evidemment la châtelaine elle-même a voulu exalter son symbole, son idéal, sa patronne : Jean Goujon l'a divinisée, chantée, traduite, et du reste nous ne faisons aucune difficulté de constater que, par certaines touches réalistes, il a pris soin de nous rappeler qu'il chantait une divinité terrestre. Est-ce un portrait ? non. Il suffit de comparer cette statue et le masque authentique de Diane de Poitiers sur les médailles. Si Jean Goujon a glissé dans la tête quelque chose de la beauté de la duchesse, c'est avec une mesure bien faite pour dérouter.

A côté des portraits peints ou sculptés, il y en a aussi d'autres, les portraits écrits, qui faisaient rage ; et même, plus tard, les peintres se sont plaints de la concurrence que leur faisaient ainsi les écrivains[39]. Quoique ce genre de portraits fût nécessairement plus tranquille, on s'est amusé à y chercher des effets physiques ; c'était un régal des beaux esprits de « blasonner », comme ils disaient, telle ou telle partie du corps, et il se peut que certains blasons soient moins anonymes qu'ils n'en ont l'air. Cet art spécial nous a valu un portrait célèbre qui n'a pas cessé de piquer la curiosité des critiques et d'exciter leur sagacité : le philosophe Nifo, extrêmement bien accueilli dans la maison de la jeune Jeanne d'Aragon, où il légitimait sa présence en courtisant platoniquement une des suivantes, voulut offrir à la princesse, avec dédicace en règle, un traité compact sur le Beau ; et, pour donner quelque sel à cet in-folio, il y a inséré un portrait complet, minutieux, impitoyable, absolument pathologique et anatomique, de tous les avantages visibles et invisibles de la jeune personne à qui le livre était dédié. En acceptant la dédicace, la princesse endossait la responsabilité de l'œuvre. Comment a-t-elle pu agréer cette dédicace ? Enigme étrange, à laquelle les commentateurs ont essayé de répondre dans tous les sens, sauf dans le vrai, qui, à notre avis du moins, est très simple.

Tous les critiques sont partis de cette idée que Nifo était un indiscret, — principe assez difficile à défendre, puisqu'une indiscrétion, officiellement autorisée, n'en est plus une, et que, si faute il y a eu, l'absolution ne laisse plus de trace. Or quel était ce soi-disant indiscret ? Un amoureux heureux et fanfaron, disent les uns[40]. Eh quoi ! ce vieux bonhomme, affreux, goutteux, énorme, un peu ridicule, qui se trouvait fort heureux de courtiser une suivante (laquelle se moquait de lui), aurait triomphé ainsi publiquement de la vertu impeccable d'une jeune fille de vingt-huit ans, la perle de l'Italie ! Ce n'eût pas été le cas de s'en vanter : si le fait était vrai, le livre aurait paru sans dédicace.

Bayle a fourni une autre explication, encore plus amusante : il a simplement traduit par « médecin » le surnom honorifique de Nifo « Medici », et moyennant ce léger lapsus il trouve une occasion excellente de tonner contre les médecins qui abusent de la confiance de leurs clientes. Cependant, il n'y aurait toujours pas d'indiscrétion ! Et puis Nifo n'était pas médecin ; et puis, l'eût-il été, il ne se serait pas trouvé beaucoup plus avancé, les femmes, comme nous l'avons dit, ne croyant pas alors au sexe neutre des savants qui nous soignent, et étant infiniment portées à les traiter de vétérinaires plutôt que de philosophes. Elles distinguaient toujours le nu du déshabillé ! Nifo s'est tout bonnement permis la même plaisanterie que Michel d'Amboise, que Ronsard, que tous les idéalistes de second ordre, prêts à adorer intellectuellement la femme, et cependant sensibles aux charmes physiques, ne fût-ce qu'à titre d'hameçon. Il prête à sa platonique princesse, mais dans le sens esthétique et abstrait, un détail de beauté bien propre à accroître le nombre de ses courtisans et à faire rayonner son action philosophique : il agit en bon lieutenant et serviteur, il lui rend un service philosophique, auquel elle ne peut se montrer que fort sensible. Ceux qui ont la patience de lire Nifo trouveront, dans la suite de son livre, un correctif explicite, mais dont le besoin strict ne se faisait pas sentir. Dans un autre chapitre, pour que nul n'en ignore, il s'étend avec feu sur les vertus morales de Jeanne d'Aragon, et il met.au premier rang les deux plus saillantes suivant lui : la beauté qui attire, enflamme, enthousiasme, élève les hommes, la pudeur qui sert de cuirasse et d'armure : « Sur ces deux points, s'écrie-t-il, vous éclipsez toute autre ![41] Pauvre Nifo ! Même auprès de Phausina Rhea, la suivante à laquelle il déclare sans ambages son amour, il ne connaît que le chignon[42] ! Et c'est précisément cette sécurité. un peu offensante, mais parfaite, qui rendait si savoureuse sa plaisanterie près de la princesse !

Au XVIIe siècle aussi, qui était un siècle masculin, on a cru diviniser les hommes, notamment les princes, en les représentant nus. La Bruyère ne peut s'empêcher de rire, lorsque, dans un carrefour, il contemple le chef de l'Etat, le grave Louis XIV, en statue d'Apollon. Il est permis de trouver l'idée ridicule, mais viendra-t-il à la pensée de personne de s'en émouvoir, et La Bruyère, dont nous parlons, s'est-il un seul instant imaginé que Louis XIV se soit mis en peine de léguer à la postérité un torse authentique ?

Cependant, Marguerite de France, qui était toute âme, a eu à ce propos une idée singulière. Évidemment, elle s'est scandalisée à la seule pensée qu'au milieu d'un beau paysage, sur le repoussoir d'une draperie à moitié relevée, on ait prétendu admirer quelque princesse ou duchesse italienne, dans sa simplicité la plus voluptueuse. A ce spectacle ensorcelant, mais qui lui paraissait dégradant, elle a résolu d'en opposer un autre, le spectacle de l'âme. Ce projet lui vint, il est vrai, à un âge où les charmes seuls de l'âme restaient vivants en elle : elle se fit donc peindre, elle aussi, devant un paysage où le soleil se lève (ou se couche), et devant un rideau ; mais au lieu d'être étendue, elle se tient droite. Elle est vêtue de sa chemise, d'ailleurs assez transparente, mais soigneusement fermée autour du cou, et, pour mieux accentuer l'interprétation, elle se mire dans une petite glace à main, par allusion sans doute à son livre le Miroir de l'âme. Elle ne porte ni collier ni brillants : quelques médiocres bijoux négligemment posés sur sa table de toilette indiquent seuls sa qualité : c'est par le corps tout entier, tendre, mais farouche, que l'âme transparaît. Et la morale de cette représentation parut tellement haute que ce petit portrait est resté dans la famille de la princesse comme le vrai portrait, le portrait authentique, intime et pieux[43]. Marguerite a tiré ainsi la morale de l'art, et donné une leçon aux femmes qui se tient un peu trop à la beauté purement plastique.

Tel est aussi, croyons-nous, le mot de l'énigme. Pour triompher, les femmes platonistes ne jettent pas leurs armes, comme on l'a dit plaisamment ; elles les réservent.

Au contraire, dans la seconde partie du siècle, lorsque le platonisme eut disparu avec le féminisme, les scrupules des femmes se modifièrent considérablement. Une transaction s'opéra ; on coupa pour ainsi dire le corps en deux. Le bas resta inférieur, mais le haut (c'est-à-dire le buste) parut supérieur et d'une beauté bonne à exhiber. Nous avons, de la fin du siècle, des portraits de grandes dames conformes à cette mode nouvelle[44]. Peut-être aussi, par esprit de méchanceté, s'est-on amusé à répandre sous cette -forme le portrait de dames dont la réputation de 'beauté était presque publique, comme Gabrielle d'Estrées et sa sœur. Plus la société redevient masculine, plus la femme redevient chair. Et nous n'aurions qu'à constater une fois de plus ce phénomène, si l'on n'assurait que la mode dont nous parlons a pris naissance dans un milieu de demi-platonisme. Diane de Poitiers, à ce qu'il paraît, aurait aimé à exhiber son buste, et c'est même à ce signe particulier que M. Vitet a cru pouvoir la reconnaître dans un portrait de famille de Henri II, actuellement en Angleterre, qui comprend toute la famille royale, c'est-à-dire Henri II, Catherine, sa femme officielle, Diane, sa femme de cœur, et ses -enfants. Nous n'avons pu voir ce portrait, ni par -conséquent vérifier la conjecture de M. Vitet. Mais nous croyons avoir suffisamment démontré que, même au point de vue purement esthétique, les femmes platonistes ne se départirent pas des principes pratiques de conduite qu'elles jugeaient les meilleurs, les plus utiles ; l'exemple isolé de Diane de Poitiers, qu'on ne peut pas citer comme une platoniste accomplie, ne nous semblerait pas suffisant pour prouver le contraire.

H est vrai qu'il leur a fallu quelquefois se plier aux exigences de leur temps, et supporter chez les hommes de leur entourage des habitudes, des propos, qui n'étaient pas pour leur plaire. Il le fallait, sous peine de créer le vide et de causer souvent de pires maux.

L'intimité de la famille autorisait, alors, des libertés vraiment étonnantes. Ainsi, le matin de la fête des Innocents, en décembre, on se croyait permis de surprendre dans son lit une femme de la famille ou de la maison — généralement une jeune femme[45] —, et de lui administrer le fouet à main plate, ce qu'on appelait « l'innocenter ».

Dans une des nouvelles de l'Heptaméron[46], un mari annonce gravement à sa femme « qu'il compte aller dès l'aube innocenter la femme de chambre, pour lui apprendre à être paresseuse », et la bonne dame n'y voit que du feu...

Les femmes les plus exposées avaient beau recourir à toutes sortes de subterfuges, découcher cette nuit-là ou se lever dès l'aube, elles ne pouvaient guère échapper. Marguerite de France ne l'ignorait pas ; si délicate qu'elle fût, Clément Marot a écrit tout exprès une pièce de vers pour la menacer de l'innocenter « et veoir ce gent corps ». Son neveu, Charles d'Orléans, fait des gorges chaudes à ses dépens, parce que, « s'étant levé trop tard » le jour des Innocents, il a pris impudemment sa revanche le lendemain chez sa pauvre tante et chez une autre dame : « Je ne vous diray pas à ceste heure, écrit-il, tout ce que j'ay veu[47]... » Sa lettre en dit déjà beaucoup. On comprend bien qu'une princesse, habituée à de pareilles pantalonnades, cherche du moins à en relever quelque peu le niveau.

Puisqu'il fallait en arriver à exercer son charme sur la bête humaine par de pareils procédés, les femmes ne se montrent ni pédantes, ni mijaurées. Du reste, si les sensualistes ne pensent qu'au corps, elles ne pensent qu'à l'âme, et nous retrouvons ici, sous une forme nouvelle, la trace de l'idée qu'en donnant leur cœur, leur esprit, leur âme à un homme de leur choix, elles lui ont vraiment donné tout ce qu'elles avaient de cher et de précieux, tout ce qui constituait leur personnalité, et que le reste n'a qu'une importance secondaire. Elles ont prêté leur personne physique à un mari, qui ne s'est pas occupé de pénétrer leur âme : pourquoi à l'homme qui a eu véritablement les prémices de cette âme, songeraient-elles ensuite à refuser des faveurs sans conséquence ? Autant la plus petite liberté leur répugne, quand elle a un mobile banal, matériel, ou qu'elle est forcée, autant la plus grande leur paraît légitime, et même douce, si elle est volontaire, si elle consacre une véritable affection. Telle qui, dans son bain, trouverait plus convenable d'écarter sa femme de chambre[48], ne craindra pas d'y recevoir, en tout honneur, la visite d'un ami[49].

Pourquoi des personnes distinguées se priveraient-elles, à leur petit lever ou à leur petit coucher, de l'agrément d'une conversation intime avec leur ami ? A cela, elles trouvent de délicieux avantages : d'abord, l'intimité même de cette conversation, et puis le ragoût d'esprit et de cœur qu'elle apporte parmi des occupations de toilette purement physiques ; enfin, pour celui qu'on reçoit, c'est le menu profit de l'amour platonique, le petit gage personnel, le lien particulier que les autres n'ont pas. Marguerite de France nous explique qu'elle n'aurait pas pu faire à un homme bien posé et ami du roi, comme Bonnivet, l'affront de le refuser à son « habiller et déshabiller », que, d'ailleurs, il n'y avait aucun mal à ce que Bonnivet « vit occasion d'augmenter son affection[50] », puisque l'amour platonique, précisément, consiste à aimer jusqu'à la limite de l'interdit.

Bref, les personnes vraiment platonistes se servent de la beauté corporelle comme d'un' premier moyen pour développer leur charme. Sous ce rapport, il y a divorce avec les mystiques, qui traitaient le corps de quantité négligeable et encombrante : mais elles se séparent encore plus nettement des sensualistes. Elles voudraient diviniser leur corps et le mettre pour ainsi dire dans une châsse, et le glorifier comme le vêtement de l'âme, comme le serviteur du cœur. Les platonistes de haut vol ont poussé cette idée aussi loin que possible : Michel-Ange identifie à tel point l'âme et le corps, qu'il n'admet même pas la possibilité de rides physiques quand l'âme n'en a pas[51] ; il a eu cette étrange imagination d'artiste de ne jamais apercevoir un pli sur le visage de Vittoria Colonna, tant il avait d'enthousiasme pour la beauté et la jeunesse de son âme ! Lui-même, octogénaire, couturé, balafré, il ne s'est jamais senti flétri ; jusqu'au dernier jour, il n'a pas cessé de monter tout radieux à l'autel du beau, comme ces prêtres dont la tête chenue s'incline devant l'autel de la Perpétuelle Beauté et du Perpétuel Sacrifice, en invoquant « le Dieu qui réjouit leur jeunesse ». On lui a quelquefois reproché d'avoir donné trente ans à la Vierge, même après la mort du Christ ; cela est vrai, et rien ne lui paraissait plus naturel. Pour lui, une femme comme celle-là avait toujours trente ans. Sur ce point, Anne de France n'est pas tout à fait de l'avis de Michel-Ange : c'est une de ses maximes favorites qu'il vaut mieux prendre bravement son parti, et se montrer telle qu'on est, s'habiller « selon l'âge qu'on a », se persuader que la sagesse vaut la beauté. Mais Marguerite de France n'est pas éloignée de croire que quelques détériorations physiques n'altèrent pas chez une femme le rayonnement de la beauté morale, et ne nuisent pas au charme. Voilà bien le fond de la pensée de ces nobles princesses. Malheureusement, la chose n'est pas facile à persuader aux hommes ; La Rochefoucauld ripostera : « Il y a peu de femmes dont le mérite dure plus que la beauté. » Pour les hommes, une femme n'existe plus, si elle peut dire : « Quand j'étais femme ! ... » on la charge de tous les méfaits, on la trouve laide, jalouse, livide, vipérine[52]... Il se peut que la sagesse vaille la beauté, mais que faire alors de sa sagesse ? L'heure de la sagesse passe pour sonner en Italie dès la trentaine[53], et Anne de France ne consent guère que par grâce à attendre jusqu'à quarante ans[54].

En dehors de toute espèce d'idée de coquetterie, par simple sentiment de devoir et de sacerdoce, il est donc très intéressant pour les femmes de n'avoir jamais quarante ans ; la théorie du charme ne serait pas complète si l'on n'y ajoutait pas la science de ne pas vieillir.

Cette science accessoire est pour ainsi dire calquée sur celle de l'amour : elle a aussi ses deux écoles, l'école du vrai, de la franchise, « honneste industrie[55] », qui consiste à ne pas vieillir, et l'école de l'habileté, sournoise, qui cherche à rattraper la jeunesse perdue, à tricher un peu, à réparer les brèches, « un perpétuel trompe-l'œil[56] », comme l'appelle Erasme.

La première exige beaucoup de prévoyance et de prudence. Dès les premières années du mariage, en pleine sécurité, c'est une lutte à mort et de tous les instants contre un ennemi encore imaginaire. Les in-folio, les collections personnelles de recettes servent d'arsenal. La fermeté qu'on oppose à son mari fait partie du programme. Quant aux régimes spéciaux, ils se composent de bains aromatiques, de frictions, bien assujettissantes, bien terrestres, bien ennuyeuses, mais vraiment triomphantes !

Une femme de ce temps-là a pu écrire en toute fierté et en toute vérité : « Les femmes demeurent presque toujours jeunes[57]. » Il y en a qui, à près de soixante-dix ans, méritent encore les suffrages des connaisseurs.

D'autres se sont un peu endormies dans la joie de la jeunesse et ne se réveillent que sous le coup de quelque dur avis, mais alors elles se redressent de toute leur hauteur, comme un tigre blessé, et il n'est acte d'implacable bravoure qu'elles n'accomplissent[58]. Elles se font arracher des dents, elles se font racler l'épiderme jusqu'au sang, elles se matent le teint à force d'avaler du sable, de la cendre[59]... Ce sont des héroïnes de la charité.

Mais si, hélas ! la caducité l'emporte définitivement, et qu'il faille recourir au faux, quel désastre ! Autour d'un faux visage, les malveillants ne voient que faussetés, fausses tapisseries, faux bronzes, fausses conversations ; il n'y a plus ni art, ni platonisme :

Ostez luy le fard et le vice,

Vous luy ostez Filme et le corps[60].

Le cabinet de toilette devient comme un atelier universel d'imitation. On pourrait écrire sur sa porte la sentence, d'ailleurs si parfaitement fausse, de Cennino-Cennini « L'art consiste à créer, ou tout au moins à persuader que ce qui n'est pas est. » N'en parlons point.

Il est évident, au contraire, que l'art honnête de la toilette joue un rôle important dans la pratique du platonisme, à condition de ne pas l'exagérer.

Puisque les femmes doivent être pour le monde des messagers de joie, il faut que les apparences indiquent cette mission. Rien de plus naturel que de donner à une princesse un trousseau magnifique[61] ; ce n'est pas un luxe, c'est l'outil de sa profession. Anne de France convient qu'autrefois[62] on a exagéré la simplicité : chacun doit tenir son rang et faire son devoir ; le monde a droit à ce qui lui appartient, c'est-à-dire à tout, sauf à notre cœur[63] : lui refuser les apparences, affecter une fausse simplicité, c'est commettre un acte « malséant et fort déshonnête[64] » ! La toilette doit être considérée comme une obligation.

Un simple petit « miroir de l'âme », tel que celui de Marguerite de France, ne suffit pas à une apôtre de la beauté. Des miroirs de toute sorte et de tout calibre, caves ou pyramidaux comme des cheminées d'usine, orbiculaires, angulaires, en colonnes ou en spirales, doivent s'emparer d'elle chaque matin et lui donner la notion philosophique et sérieuse de sa personne. Il n'y a rien d'extraordinaire à ce que sa présence, qui doit remuer le monde, mette d'abord en mouvement toute cette industrie.

Le soin des carnations, et notamment des mains, prendra d'abord un certain temps, sans parler des soins hygiéniques. Un léger petit coup de pinceau sur le visage est vite donné, mais il exige un art parfait : ce n'est rien, et c'est tout[65].

En revanche, la coiffure nécessite une patience exemplaire. Qu'on se rappelle ce que nous avons. dit du charme fatal des cheveux blonds. Jamais Véronèse n'a rencontré à Venise une femme brune ! : Quand on parle d'une brune, tout le monde comprend, c'est une dame qui a repris sa couleur, qui n'a plus de prétentions ! Voilà pourquoi jamais les Romaines, à qui Tertullien reprochait d'arborer les couleurs « barbares », jamais nos modernes artistes en coiffure n'ont trouvé de plus suaves recettes de blondissement que Marinello ou Cennini n'en ont fourni à bien des platoniciennes avérées ; le blond vénitien, avec ses beaux reflets mordorés, jouit encore aujourd'hui d'une renommée d'autant plus légitime que la Nature n'est pas parvenue à l'imiter... Une fois les cheveux blondis, on les-étale longuement au soleil pour les faire sécher, puis on aborde la grande opération magistrale proprement dite, celle du coiffeur.

En France, on avait eu longtemps à cet égard de singulières habitudes. Une femme se donnait un coup de peigne, probablement fort sommaire, passait un capuchon, qu'elle n'allait plus quitter de la journée, même à l'intérieur, et courait à la messe. Cela se voyait encore au temps d'Anne de Bretagne : personnellement, cette bonne reine fut fidèle au capuchon jusqu'à la mort.

Grâce au ciel, Marie d'Angleterre apporta à Louis XII de beaux cheveux blonds, d'ailleurs très vrais, et la mode du chapeau[66]. Puis, malgré les invectives de quelques gens de peu tels que le poète Coquillart, la coiffure féminine atteignit des hauteurs de plus en plus compliquées ; c'étaient des crêpages, de légers coups de fer, des insertions de faux cheveux, des sinuosités pleines de bijoux, à la mode italienne[67]. La recherche du charme intellectualiste se manifesta chez quelques dames par un agrandissement factice du front : pour devenir philosophe, il suffisait de raser légèrement les premiers cheveux, et de relever fortement les autres en arrière[68]. Les coiffeurs, devenus glorieux et propriétaires, allongèrent leurs vitrines et inventèrent ces belles têtes de bois que nous n'avons pas cessé d'admirer[69].

Qu'une coiffure dure trois heures[70], il n'y a rien à dire : ces heures pourraient paraitre mortelles, sans la ressource de la conversation. La patiente s'installe en conséquence, vêtue d'une chemisette de toile fine, assez décolletée, qui ne gêne pas ses mouvements ; c'est l'heure où elle montre son cœur à ses amis.

Il ne reste ensuite qu'à s'habiller, c'est-à-dire à passer une casaque de damas à larges manches, ouverte très bas en carré : dans cette ouverture, les femmes de chambre glissent une pièce de poitrine, généralement rouge, qu'elles lacent avec soin, de manière à bien mouler les formes ; au besoin, elles ajoutent quelques cambrures artificielles, et serrent fortement la taille[71].

Dans les très grandes maisons de vieux style, c'était le couturier en personne qui présidait à cette dernière évolution ; il saluait avec une génuflexion, et dictait l'arrêt du jour ; les filles de service, aidées des écuyers, s'empressaient autour de la dame et lui passaient un puissant harnais de drap d'or cramoisi, sorte de gaine épaisse, vrai carcan, traîtreusement soutenu depuis la fin du XVe siècle par quelques buscs ou baleines, origine subreptice du corset[72]. On met autour du cou un collier d'or, de rubis, d'émeraudes ou de diamants, et sur la tête un « atour[73] ».

Nul de ces détails n'est indifférent, puisque tout ceci a un but élevé. Et précisément nous attendons les femmes à ce détour pour les juger : ou plutôt leur robe les juge ! Auront-elles le courage de s'habiller d'une idée, à leur guise, de faire de leur vêtement quelque chose de vivant et de personnel, ou bien vont-elles, avec une coquetterie banale, copier, revêtir l'uniforme qui traîne dans les rues ? Le courage de s'habiller soi-même parait futile : il est grand et rare, il caractérise une femme, il montre si elle s'élève au-dessus de son tailleur, si elle se connaît, si elle réfléchit, si elle a un sentiment d'art, si elle est résolue à apporter dans le monde son esprit, sa beauté propres. Vive la liberté ! Vive la vérité ! Anne de France et bien d'autres s'insurgent contre la frénésie de sveltesse, étouffante en été, glaciale en hiver, qui ne tient aucun compte des besoins physiques, qui prétend même dissimuler les maternités[74]. Si, du moins, l'esthétisme ramenait à l'art grec, c'est-à-dire aux larges vêtements, très dignes, très commodes, sains, élégants ! Ou si, comme le demandait poétiquement Louise Labé. au lieu de s'enfermer dans un carcan, les femmes daignaient ressembler à un cornet de feuilles qui s'ouvre de soi-même pour porter des fruits[75] ! Mais non ; on se rapproche de l'art grec, en ce sens qu'on prétend traduire les formes par des gaines collantes ; seulement, c'est un collant baleiné et fabriqué[76]. N'importe la santé, ni même la vie ; à des grâces, peut-être imparfaites, mais primesautières et vibrantes, on préfère un idéal tout capitonné. Car, hélas ! chez la plupart des femmes, un dialogue de Platon ne pèse pas beaucoup à côté d'un dialogue de couturier. Un mot d'ordre régit tout : sous Louis XII, on ne voit que collets montés, sous François Ier[77] que robes décolletées en carré par devant et hardiment ouvertes en pointe dans le dos[78].

L'esprit philosophique, en effaçant les frontières, se traduisit par l'internationalisme des modes[79].

On sut dans toute l'Europe occidentale qu'une mode, consacrée par Isabelle de Mantoue, était une mode lancée, que les Parisiennes excellaient à marier les couleurs vives[80], qu'elles se cachaient ridiculement le visage sous des voiles épais[81]. Il fut d'extrêmement bon ton de s'habiller un jour à la française, un autre jour à l'allemande, à l'italienne, ou à la grecque[82].

Les platoniciens se plaignirent un peu de cette application mondaine de leurs idées : ils ne comprenaient pas ainsi le cosmopolitisme. Rapprocher les esprits des hommes, jeter dans les cœurs aux quatre coins de l'horizon des ferments vraiment humains d'affection, d'entente fraternelle et de douceur par l'amour commun du beau, très bien. Mais ces mascarades[83], quelle plaisanterie ! Sous ce rapport, leur autorité échoua : il en fallait une plus forte. Le roi François Ier fronça le sourcil en voyant apparaître à la cour des mantilles espagnoles ; il avait ses raisons de ne pas les aimer. Il dit qu'il croyait se trouver parmi des diables. Ce seul mot fit ce que tous les raisonnements n'auraient pu faire ; les atours espagnols s'empilèrent dans les armoires, jusqu'à un changement de politique[84].

La préoccupation intellectuelle fit cependant sa trouée, et on voulut tenir compte jusqu'à un certain point du principe de Platon[85], qu'il faut vêtir l'âme plutôt que le corps : c'est-à-dire qu'on proclama une corrélation entre la couleur des jupes et l'état de l'âme. Personne n'ignore qu'il y a des symphonies physiques qui s'imposent, que le pâle va aux pâles, le sombre aux bilieuses, les tons vifs aux visages un peu rouges[86]. Mais on pense rarement, on ne se donne pas la peine de penser qu'il puisse y avoir pour les âmes une symphonie semblable, beaucoup plus haute, beaucoup plus intéressante et beaucoup plus nécessaire à observer, car le teint se corrige d'un coup de pinceau, tandis qu'il faut soutenir l'âme. M. Jules Lemaitre, esprit bien français et qu'on aime toujours à citer en matière de bon sens, a eu de nos jours cette vision : « Nos pères, qui portaient des dentelles, des plumes, des habits rouges, bleus, gorge de pigeon, vert pomme et lilas tendre, devaient se sentir plus enclins à la joie, en se voyant fleuris comme des parterres. Le jour où la mode nous forcerait de nous promener dans les rues en habit zinzolin, nous serions sauvés du doute et de la désespérance[87]. »

Cela est philosophiquement vrai. il faut rappeler ici que nous ne pouvons pas nous isoler : nous dépendons à un haut degré du monde qui nous entoure ; la joie intérieure que nous cherchons à créer a besoin de s'appuyer sur une joie extérieure ; le soleil, le bleu du ciel, le ramage des fleurs, la clarté de l'air et de la lumière, l'immense gaieté et l'immense chaleur de la nature nous pressent et nous pénètrent ; jamais un ciel gris et un horizon terne ne se réfléchiront dans notre âme en traits de feu.

Il faut, il est bon que les hommes et surtout les femmes nous montrent, aussi, de la joie et une vie communicatives ; qu'il ne soit pas nécessaire de s'ingénier à deviner la physionomie individuelle, sous l'apparence maussade d'une banale coupe d'habit, détachée d'un prospectus et jetée sur toutes les épaules ; il faut que chacun vive et s'épanouisse d'une manière palpable, comme les fleurs, les oiseaux et les fruits. La religion catholique a eu cette vue profonde : elle maintient et développe, avec l'apparat de ses cérémonies, les chapes d'or qui brillent d'un éclat sombre, et tout ce rouge, et tout ce blanc, et tout ce bleu, qui ont pour but de nous faire oublier que les hommes qui pontifient, qui chantent, qui s'agitent, sont des hommes, et de nous les présenter comme la fleur même de nos idées, comme l'essence de nos prières intimes, de nos amours. De cette belle nécessité de fleurir la vie, nous n'avons conservé qu'un symbole triste, le deuil. On peut dire qu'avec leur costume constamment lamentable les hommes promènent partout l'idée du désenchantement, de la banalité atroce et du deuil perpétuel de l'âme : il n'y a rien d'un homme en eux, ils vont par les rues comme les rouages démontés d'une unique machine...

Et cet abandonnement ne tient pas à des questions matérielles de commodité ou d'économie : il n'y a pas une femme, si misérable qu'elle soit, qui ne puisse, si elle le veut, se relever elle-même par un symbole de sa vie. Telle est, du moins, l'opinion des femmes du XVIe siècle. Pour elles, chaque couleur parle de l'âme et parle à l'âme : c'est la cocarde de la patrie intime, ou, pour mieux dire, un signal de chemin de fer ; blanc, on peut passer ! cela signifie un cœur libre, une âme détachée ou tout au moins pleine de jeunesse[88] ; vert, une âme printanière, en pleine sève de doux espoirs avoués : feuille morte, un complet désespoir ! Le drap d'or, le bijou d'or, grande mode du jour, représentent l'éclat du soleil, la large joie de la vie ! approche qui veut, pour se réchauffer et se réjouir. Le bleu céleste, pour les Italiens, c'est la foi, le bonheur suave, éthéré ; pour les Français, un amour tendre et heureux[89]. Le noir passe pour triste ; cependant cette couleur, impossible à déteindre, symbolise la constance, la fermeté, et, par conséquent, elle a ses amis. Pourquoi la restreindre au deuil, comme si les sentiments morts étaient seuls éternels ? Marguerite, qui l'aime et la cultive, proteste :

Le noir, souvent, se porte pour plaisir,

Et plus souvent que pour peine et tourment.

Malgré tout, on préfère ne pas s'amuser en noir. Rabelais n'admet, dans l'abbaye de Thélème, que des habits rutilants ; il veut qu'il y ait une couleur par jour, et qu'on égrène des journées blanches, roses, jaunes, rouges, vertes..., pas de noires.

C'est ainsi que l'art du tailleur arrive lui-même, pour peu qu'on le veuille, à dégager son parfum de vie et d'idéal. Malheureusement, il a un ennemi cruel, puissant, qui s'opposera continuellement à ses envolées, qui le maintiendra toujours dans la matérialité. Cet ennemi, c'est la passion grossière pour le luxe, le goût terrible de substituer un simple appareil de richesse à l'appareil de l'art et du sentiment.

Les Français ne guérirent plus de cette fièvre.

Lorsque Charles VIII se trouva en face de la cour de Ludovic le More, toute surchargée d'aiguillettes d'or et de bijoux[90], l'armée française éprouva un frisson...

Dès lors, les prédicateurs eurent beau se liguer avec les philosophes, démontrer l'immense vulgarité du luxe, et ses déplorables effets moraux, les législateurs eurent beau faire des lois[91], le sort en fut jeté.

On était ébloui, fasciné. ; par la richesse ; on ne avait pas et on ne voulait pas savoir ce qu'elle recouvrait de misères, combien de femmes, et des Plus nobles, se ruinaient vainement[92], combien d'autres vivaient d'expédients inavoués[93].

Certes, le luxe lui-même a sa gloire : il se trouve des gazetiers pour crier aux échos les merveilles des grands jours : Mlle Bulcano, en drap blanc à garnitures d'or et ceinture d'or ; l'Excellence comtesse Maddaloni, en velours rouge ; l'Excellence comtesse du Rugo, en drap rouge avec gros collier d'or[94]... » Il faut même dire que, supérieures en cela à quelques-unes des nôtres, ces chroniques devaient passer à la postérité[95]. Et cependant c'est naturellement la mort du platonisme, la perte de tout ce qu'il aime, de tout ce qu'il veut. Le bel éloge de qualifier une darne par le drap ou le velours dont elle se couvre le buste ou les jambes ! Dans cette chute profonde du goût, on en arrive à apprécier le culte des vêtements collants, car, puisqu'il n'y a plus que les poupées, encore vaut-il mieux qu'elles paraissent articulées. Et que peut-on demander de sérieux, quelle noble idée ou quel but mémorable peut-on proposer à une femme esclave de ses gants, de ses chapeaux, de ses bijoux, qui passe une partie de sa journée en tête à tête avec sa couturière ou avec son bijoutier ?...

Cest anneau est du temps passé

Ce ruby est mal enchassé,

Ce saintureau n'est pas fort gent.

Ma troussoire n'est que d'argent,

J'en vueil une batue en or... »,

et ainsi de suite, indéfiniment : voilà ses conversations, elle ne s'appartient plus, elle abdique. Il parait que Satan se plaignait, au fond des enfers, de ne plus voir circuler comme autrefois des robes « ouvertes jusqu'au milieu de la sainture », il maudissait le platonisme ! Qu'il se rassure ! Il lui reste encore de « tendrelets spectacles » ! et son collègue Lucifer se charge de le réconforter, en lui montrant la ligue de la vanité qui monte à l'assaut du beau, cette force presque invincible de l'argent, combattue, proscrite par en haut, triomphante par en bas, et pullulante de toutes parts, sous les formes les plus mesquines de la jalousie et de la coquetterie,... parmi les bonnes ménagères, qui n'ont rien saisi ni rien retenu des idées nouvelles, sinon l'instinct de se fagoter -pour jouer à la comtesse ou à la duchesse,... parmi les savetières qui se font « pompeuses et avenantes » à l'instar des bourgeoises[96].

Malheureusement, le roi prit parti pour la vanité ; la France officielle s'allia aux adversaires les plus dangereux du philosophisme romain et du luxe intellectuel, aux Milanais, dont la chamarrure et les fanfreluches divertissaient l'Italie entière, aux Vénitiens, gens somptueux. La lutte se poursuivit sous cette forme entre la jouissance et l'esthétisme. Elle n'effrayait pas les Platonistes : ils s'y attendaient, comme dit Castiglione, « il y a des sots partout ».

Seulement, de toutes les batailles, celle-ci est la plus difficile, parce que la pierre de séparation qui distingue la coquetterie et le devoir mondain n'apparaît pas toujours très nettement. Quelques rares personnes ont le don d'allier merveilleusement les deux tendances. Ce sont en général des Italiennes. A un bal célèbre donné par la cour de France en 1518, deux femmes, deux Italiennes, furent reines, reines de beauté, reines de charme : l'une, Clara Visconti Pusterla, vouée au blanc, et admirablement éclatante dans sa blancheur formée de broderies d'argent et de nœuds de perles ; l'autre, une sœur du comte Borromée, de Milan, toute en drap d'or et ruisselante de diamants[97]. Néanmoins, on sent combien ces succès de forme sont secondaires et précaires, et combien les femmes auraient tort de les prendre pour base réelle de leur influence. Ce n'est qu'un moyen.

Le luxe de l'habitation et du mobilier suit à peu près les mêmes règles que celui du costume ; car dans une maison bien ordonnée tout se rapporte aux personnes qui l'habitent. La maison est comme un vêtement agrandi, le vêtement de notre vie contre les saisons, contre la nuit, contre les indiscrétions de la vie extérieure. Peu importent, ici encore, les dispositions de symétrie et les calculs d'atelier : la maison doit exercer un charme, et il y en a de laides qui plaisent infiniment.

Elle plaît, pourvu qu'elle présente une physionomie originale et homogène, que l'habitant y ait mis quelque chose de sa vie et de son amour, qu'elle ne soit pas seulement un étagement classique et régulier de pierres établi sur quelque coin de terre, ou un hochet factice de décorations vaniteuses et sans objet ; si elle est sérieusement articulée, si elle offre des saillies, des angles, des retraits motivés, qui la fassent pour ainsi dire respirer. Voilà sa première règle : une vigueur masculine.

La seconde règle, la règle féminine, c'est que la maison présente un grand aspect de douceur, qu'elle paraisse aimable. li est fort important qu'elle ne tranche pas sur le paysage ; elle doit s'allier à lui, épouser en quelque sorte la nature ambiante, de manière à déborder et à se prolonger au loin par un rayonnement d'influence. Cet accord résulte en général de concessions réciproques, de manière que, dans une nature gaie, on ne mettra pas une maison triste, que dans un site forestier ou sévère, mais ample, on étalera une large demeure, sans colifichets, dominant les communs et les abords, qu'on ne fera pas de dorure et de polychromie sur un ciel gris, qu'on ne construira pas une église en style de hammam, ni une bourse en forme de temple grec. La maison, quelle qu'elle soit, doit sourire, d'un sourire franc et loyal : par sa façade, par ses abords, elle parle aux honnêtes gens qui passent et leur envoie un regard d'amitié.

A l'intérieur, la meubler, c'est-à-dire la rendre habitable, y attacher partout des sourires et des souvenirs, c'est encore s'agrandir, se compléter soi-même ; et ici doit intervenir absolument l'art de la femme. Une maison humaine ne comporte pas de prétentions à orgueilleuse pérennité. Chaque saison qui passe tend à la détruire et lui donne son assaut ; tandis que les choses de la nature se renouvellent sans cesse par un mouvement automatique de vie latente, il faut qu'à chaque instant nous reconstruisions plus ou moins notre abri, sous peine de le voir s'effriter et tomber sous nos yeux. C'est comme un des fruits de notre vie. Il faut donc que. tout en étant aussi solide que possible, et en sachant nous rappeler les êtres avec lesquels il a successivement vécu, il se montre souple et qu'il traduise notre vie présente, ne fût-ce que par des nuances fugitives, conformes aux diverses impressions de notre existence et qui périront avec nous.

C'est dans ce sens que le haut goût des prélats et des femmes s'est donné libre et glorieuse carrière. On sent si bien, quand on aime le beau, que chaque chose autour de nous doit traduire quelque éclair de pensée ! Une chaise, un fauteuil, un pan de tapisserie, tout doit nous parler et nous exhorter à vivre de la vie du cœur, sans nous laisser accabler ni engourdir. A Rome, terre classique de cette maîtrise[98], à Naples même, le rayonnement s'étend ainsi presque sans limites, et, détail exquis, il atteint si bien son objet qu'un peuple, admirablement sensible, doux, sans besoins physiques, enthousiaste, s'éprend lui-même de ces gloires de salon, dont il n'entrevoit pourtant que le reflet, et se met à l'unisson. On espère toucher au moment où l'humanité entière goûtera au beau, on la croit née pour vivre sous d'illustres lambris, parmi les palmiers, les sources jaillissantes et les merveilles d'art. Aujourd'hui encore, le dernier des cochers de fiacre, en Italie, s'enorgueillit des objets d'art de sa cité ! Aussi que de diplomatie chez Isabelle de Mantoue, pour s'entourer d'objets splendides ! Que de précautions chez Vittoria Colonna pour la simple commande d'un coffret[99] ! On goûte également le charme de réunir et de collectionner quelque objet, des antiques, des diamants, des tableaux, des faïences, de l'argenterie[100], pourvu que la chose soit belle ou rare, qu'elle apporte son idée d'art ou son évocation du passé, qu'elle ajoute à l'atticisme de la vie, qu'elle joue son rôle dans le culte des délicatesses, en un mot pourvu qu'on l'aime. La vie ainsi, rayonnante et superbe, prend cette grandeur, cette douceur, dont notre génération surprenait encore le secret, au temps où les palais, à Rome, gardaient leurs galeries, les villas leurs frêles files de lauriers-roses, les ruines leur majesté. Luxe vrai et splendide, bien fait pour élever les esprits ! Il n'est pas étonnant que le désir d'y participer se répandît sur le monde, et que, par-delà des frontières toutes matérielles, les cœurs se prissent ensemble d'un bel élan vers la beauté. Cette décoration de la vie contribua pour une large part au sentiment :d'unité humaine qui se manifesta alors et qui paraissait si extraordinaire : aujourd'hui, nous n'en comprenons pas très bien l'importance, parce que, grâce au rapprochement mécanique des distances, tous les hommes sont devenus matériellement voisins, et d'ailleurs mauvais voisins : un vernis d'uniformité a tout recouvert, tilles de basse-cour et princesses lisent souvent la même littérature, portent à peu près le même chapeau, se marient au même âge et avec les mêmes idées. Mais ce fut alors une grande nouveauté, au milieu des extrêmes diversités nationales et des libertés individuelles, de créer un rapprochement d'idées, une communion d'amour, dont les femmes se trouvaient les messagères naturelles.

Entrez à Bruxelles, dans le palais de Marguerite d'Autriche, si vous n'y retrouvez pas Rome ou Florence, vous comprendrez de suite que l'éminent esprit d'une princesse a pourtant réuni là ce qui charme l'existence : une vaste bibliothèque, pleine de romans, d'histoire et de poésie ; des meubles vraiment précieux, des bustes graves, des miroirs éclatants, les portraits de tous les princes et princesses du temps, et, à côté d'eux, les portraits des fous connus ; un fouillis de vie et d'idées ; diverses généalogies de la maison d'Autriche, un trophée de plumes des Indes aux couleurs ardentes, des têtes de loup hirsutes et farouches, de larges éventails, des armures brillantes, des cristaux, des coffrets inestimables, des médailles, des chandeliers majestueux, des objets de jaspe ou de pierre dure ; sur les murs, d'admirables tapisseries de Flandre lamées d'or ou d'argent ; par terre, de chauds tapis profonds ; çà et là des tableaux de prix, disséminés[101] ! La curiosité, sollicitée de toutes parts, ne sait de prime abord où se fixer pour admirer. Et ces divers objets, si individuels, s'animent et vivent ensemble en une sorte de haute et grande existence collective : l'esprit unique qui a découvert leurs affinités semble les pénétrer, les fait vibrer à l'unisson et pénètre ainsi l'âme du visiteur.

Par cette grande science de parer d'intellectualité les conditions matérielles de l'existence, on obtient un premier résultat : celui de faire aimer la vie. On y arrive si bien que la tristesse se cache, la joie soutient tout de son énergique archet. On ne peut que se montrer gai et aimable. S'il arrive qu'on ait à se faire enterrer, c'est à grand orchestre, avec l'étincellement de mille cierges et une pompe toute lyrique. Au cas où par hasard on désirerait un enterrement funèbre, il serait bon de le dire dans son testament et de compter les cierges soi-même ; mais, la plupart du temps, on tient à mourir galamment et on ne songe pas à priver ses amis d'un régal honorable ni à économiser sur ses héritiers[102].

 

 

 



[1] P. 121.

[2] Cf. Alain de Lille.

[3] Nevizan.

[4] Bretin, p. 40 v°.

[5] Le Secret des secrets d'Aristote.

[6] Albert Dürer. Rappelons qu'Albert Dürer n'eut aucun succès auprès de Marguerite d'Autriche. — Cf. Louise de Savoie, l'Idée du Beau.

[7] 1er Dialogue.

[8] Luigini, p. 67.

[9] Anne de Graville, ms. fr. 1397, 14. — Clément Marot, p. 202.

[10] Montaigne, Apologie de R. de Sebonde.

[11] Firenzuola, 2e Dialogue ; Æneas Silvius, dans Practica, p. 169 ; Baptista Mantuanus, Sylvarum, lib. VIII, s. II, Votum : Louise de Savoie, etc.

[12] Le Pérégrin, f° 1 v° ; Billon, p. 139.

[13] Ronsard.

[14] Acta Sanctorum, 6 juillet. Cf. Houdoy.

[15] Firenzuola, p. 394.

[16] Bouchet, Épitaphe de Gabrielle de Bourbon.

[17] 2e Dialogue.

[18] Firenzuola, pp. 394. 401, 406 ; Billon, p. 138 ; Bouchet, Épitaphe de Gabrielle de Bourbon ; Houdoy, pp. 41-46, 52 ; Luigini, p. 67 ; Agrippa ; Lemaire, Jugement de Pâris, etc.

[19] Cl. Marot, Du ris de madamoyselle d'Allebret.

[20] Saint-Gelais, I, 213.

[21] Ravaisson, les Manuscrits de Léonard de Vinci, ms. 2038, f° 17 v°.

[22] Champier, Gouvernement de mariage, ch. XIV ; Ronsard ; Montaigne, Apologie de R. de Sebonde, et ch. XVI.

[23] Bouchet, Épitaphe de Gabrielle de Bourbon.

[24] Ronsard, t. I, p. 102.

[25] Billon, p. 138.

[26] Robert de Blois. etc.

[27] La Pippa.

[28] Salomon Reinach ; Müntz, III, i26.

[29] Ms. fr. 1863, f° 1 v°.

[30] M. Ch. Ephrussi, Albert Dürer : les Bains de femmes ; Thausing, pp. 113 et suiv., p. 329.

[31] M. E. Müntz (Histoire de l'art pendant la Renaissance) a reproduit, t. III, p. 126, un Martyre de saint Laurent, par Bandinelli, type fort curieux d'une réunion d'académies.

[32] A. Baschet.

[33] Nuda eris, et nullo legmine bella geres (Pontanus, Ad Stellam Eridanorum, lib. I), etc.

[34] Burchard ; Henri Estienne, Apologie, ch. XII.

[35] M. Houdoy (p. 90) cite l'inventaire des meubles de Philippe de Clèves, seigneur de Ravenstein, comme contenant des portraits de femmes du monde en Vénus ; mais le texte de cet inventaire, récemment publié par M. Finot (Inventaire, t. VIII), ne nous a mis sur la trace de rien de pareil.

[36] Ms. fr. 2447.

[37] Castiglione, p. 361.

[38] Castiglione, p. 274.

[39] M. de Boislisle, Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1896, p. 211.

[40] Voir sur ce point un intéressant article de M. Paléologue, dans la Revue de Paris, 1896.

[41] De Pulchro, ch. CLXIX.

[42] De Re aulica.

[43] Ce portrait, peint par un Italien, n'existe plus, niais une excellente copie en miniature exécutée sous Henri IV (petit-fils de Marguerite' se trouve dans le précieux manuscrit connu sous le nom de Livre d'heures de Catherine de Médicis. Les autres miniatures de ce manuscrit sont faites d'après des portraits français, et ne comportent aucune interprétation de si haute envolée. Louise de Savoie est représentée en veuve, dans le costume classique, sévère et engoncé, sur un fond uni, d'après un portrait français.

[44] Voir à ce sujet nos articles dans la Revue de l'Art ancien et moderne (10 décembre 1897, 10 janvier 1898), et les reproductions qui y sont jointes.

[45] Ajoutons que les chemises de nuit n'étaient pas encore en usage (Voir not. Hept., Nouvelle 62).

[46] Nouvelle 45.

[47] Ms. fr. 2915, f° 54.

[48] Olivier Maillard, sermon 36.

[49] La Fleur de toutes joyeusetez ; Brantôme, IX, 633.

[50] Hept., Nouvelle 4.

[51] Condivi, p. 57.

[52] Ph. Bernaldi, In anum maledicam.

[53] Hept., Nouvelle 35 : Pontanus, De Cultu, p. 139.

[54] P. 107, 108.

[55] Louise Labé, Débat de folie.

[56] Eloge de la folie, p. 44.

[57] Louise Labé, Débat de folie.

[58] Castiglione.

[59] Montaigne.

[60] Ronsard. VIII, 132.

[61] Mariéjol, p. 256.

[62] V. Christine de Pisan.

[63] Guevara.

[64] P. 25.

[65] Remonstrance charitables ; Castiglione ; Agrippa, De Vanitate, XXVI ; La Perrière, Miroir, p, 93.

[66] Mme de Villermont, pp. 335, 341 ; Müntz, III, p. 8, 116.

[67] L. Labé, p. 58.

[68] M. G. Gruyer, Revue des Deux Mondes, 1883, p. 623.

[69] Recueil de Montaiglon, XIII, pp.53 et suiv.

[70] Coquillart.

[71] Jehan de Paris ; Eustache Deschamps ; Martin Le Franc.

[72] Montaiglon, XIII, 45.

[73] Jehan de Paris, p. 119.

[74] Anne de France, p. 27 ; Elqi d'Amerval ; Montaigne.

[75] P. 58.

[76] Castiglione, p. 378.

[77] Quicherat, Jean d'Auton, etc.

[78] La Nef des folz (1497), p. 39 v°.

[79] Nifo, De Aurore.

[80] Budé, l’Institution, p. 182 v° ; l'Advocat des dames.

[81] Eust. Deschamps, III, 308 ; L. Labé, Débat de folie.

[82] L. Labé, p. 58.

[83] Castiglione.

[84] Bouchot, Femmes de Brantôme, p. 69-70.

[85] L. Bayfii, Rei vestiariæ, ch. II.

[86] Nifo.

[87] Impressions de théâtre, 1re série.

[88] L. Labé, p. 58.

[89] Rabelais : Cl. Marot, Épistre des jarretières blanches ; Quentin-Bauchard, I, 31 ; Nifo, De Aurore, ch. IX.

[90] A. de la Vigne.

[91] L'Advocat des dames ; Pragmatica... di Perugia, 1505 ; Luzio et Renier, Il Lusso.

[92] M. de Wyzewa, Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1896 (à propos de MM. Luzio et Renier).

[93] L'Alione, dans une de ses farces, a raconté la plaisante histoire d'une darne lombarde, et pas la première venue, qui accorde tout à un militaire français de passage, sur la simple promesse d'une robe de velours vénitien, et à qui le drôle remet ensuite six écus, sous prétexte (pie pour une dame d'occasion une robe d'occasion suffit. (Alione, Farma de la dona. Alione n'est ni anti-français ni anti-lombard.)

[94] Amante. p. 173 ; cf. Müntz. III, 177, 641.

[95] Amante, p. 176 ; Croce, p. 143.

[96] Eloi d'Amerval.

[97] Bonnardot, p. 98.

[98] Burckhardt, II, 135.

[99] Carteggio, p. 90.

[100] Pontanus, p. 139 v°, et De Muneribus.

[101] Inventaire de Marguerite d'Autriche.

[102] Peignot, Testaments, I, 192 ; Pasolini, III, 538 ; Éloge de la folie, pp. 128, 153.