La
question la plus laborieuse à résoudre pour le féminisme, c'est celle de la
puissance du mari[1]. Légalement, le mari est chef
du ménage ; dans les régions inférieures de la société, cette idée ne souffre
aucune difficulté, le peuple l'applique avec sa logique habituelle ; Rabelais
l'approuve fortement[2]. Rien ne parait plus grotesque
qu'un mari soupçonné d'avoir laissé sa femme « prendre estat » sur
lui[3]. Un ouvrier de Bourges, devant
qui des gens désagréables fredonnent un refrain où on parle d'une femme qui
bat son mari, poursuit en diffamation ses voisins, pour ce simple motif[4]. De très
bonne foi, le mari se considère comme un maitre absolu[5], le seigneur et maître[6], la tête, l'âme de sa femme, de
cette « féminine et faible créature » qu'il daigne introduire chez lui, et
qui lui doit, de par Dieu et la loi, « parfaite amour et obéissance[7] ». Quant à la femme, elle
monte, pour ainsi dire, dans le train qu'un autre conduit. Elle a payé sa
place, et le mariage, froidement, s'allonge devant elle comme une plate-forme
d'ingénieur, hardie, banale, virile ; qu'importent les spectacles de la route
? La mer, frissonnante, peut bien chanter amoureusement sa gamme, le
printemps peut diaprer les steppes, l'orage secouer les ravins ; le rail ;
inflexible et droit, continue sa route, sans tressaillir, sans sourire, sans
broncher, sans penser, mathématiquement. Qu'est-ce
qu'une femme, sinon la servante en cher., ou l'aînée des enfants ? Elle
n'adressera la parole à son maître qu'avec le plus parfait respect ; elle lui
dit : « Monsieur, » ou : « Monsieur mon amy » ; elle est sa « femme et subjecte » ; si
elle lui écrit, elle signe : « Vostre humble obéissante fille el amye[8] ». Le mari lui parle le bâton à la main[9]. Le
bâton, c'est le seul argument compris des femmes ! Bon
cheval, mauvais cheval, veut l'esperon, Bonne
femme, mauvaise femme, veut le baston[10]. Les
prédicateurs parlent des bastonnades avec un sourire[11]. Bien entendu, la maréchaussée
s'en désintéresse. Seulement Marguerite de France trouve un peu déplaisant
qu'une femme, honorée de l'attention du roi, comme la belle Mme de
Chateaubriand, reçoive encore cette correction au logis conjugal[12]. Ce
n'est pas tout : l'autorité du mari se double souvent du despotisme de la
belle-mère. La mère du mari, surtout si elle est veuve, rend la vie
horriblement amère et difficile. D'autre
part, une femme mariée, à quelque abus que se porte son mari, doit se dire
qu'elle ne trouvera de recours nulle part. On a vu de malheureuses femmes,
folles de désespoir, s'enfuir de chez elles, dans les conditions les plus
atroces, et impitoyablement ramenées par leur père, leurs frères, leurs
cousins, par suite de l'effroyable franc-maçonnerie des hommes[13]. Quant à sa mère, une femme
mariée n'a pas à compter sur elle : les deux femmes appartiennent à deux
maisons différentes ; il y a entre elles une frontière, un abîme[14]. Dans les premiers temps du
mariage, un mari permet encore à sa femme d'aller de temps en temps voir sa
mère, pour ne pas paraître un tyran et parce que cela n'a aucun inconvénient[15]. Cependant il fait en sorte que
ces visites se raréfient, et, lorsqu'il n'et pas là, une femme, soucieuse de
son repos et de sa dignité, ne mettrait pas les pieds à la maison maternelle
sans écrire préalablement : « Si c'estoit votre plaisir, je yrois volontiers[16]. » Voilà
la vie des femmes. Comme elle ne comporte pas que des plaisirs, on avait eu
certainement raison de marier les fillettes de très bonne heure, passivement,
avec quelques simples bribes de résignation ou de médecine ; des femmes
élevées par Vivès ne pouvaient qu'être fort malheureuses selon les principes
de mariage acceptés par le même Vivès. Car Vivès non seulement admet le mariage
de bonne heure, mais il est encore de ceux qui croient la femme faite pour
son mari, mineure et irresponsable ; il considère le mari comme l'éditeur[17]. Erasme[18], Jean Bouchet[19], Dolce lui-même, tout le monde
éprouve une impression presque identique. Le
pouvoir du mari, c'est l'arche sainte : bien hardi qui oserait y toucher ! De
même dans les temps modernes, nous avons vu des esthètes, comme Ruskin,
capables de toutes les audaces, sauf de celle-là. — Ruskin ne comprend pas
les femmes (il avait des motifs particuliers de ne pas les aimer) : pourtant,
il s'est échappé à exalter leur rôle, mais, dès qu'il se trouve devant le
mari, il perd contenance, sa franchise disparaît, son verbe se décolore. Comment
expliquer ce phénomène singulier, que tant d'esprits, même généreux et bons,
après avoir compati de tout cœur aux souffrances des femmes, après avoir
proclamé leur intelligence et leur droit à l'existence, hésitent, s'éclipsent
dès qu'il s'agit d'assurer leur liberté dans le ménage ? Ce n'est pas qu'ils
croient avoir tout dit. La Rochefoucauld prétend qu'« il y a peu d'honnêtes
femmes qui ne soient lasses de leur métier » ; il serait aisé de lui répondre
: « Il y a peu d'honnêtes femmes dont le métier ne soit lassant. » Mais que
faire ? On ne veut pas aller comme Platon jusqu'au bout du principe, et
supprimer le mariage : or. pour le mariage, il faut un mari ; c'est une
nécessité gênante, encombrante, désagréable, soit, mais on ne voit pas le
moyen de l'éluder. Il faut aussi une femme ; or, la femme et l'homme ainsi
réunis, il est nécessaire que l'un des deux décide des affaires et donne la
direction. Bien des motifs, même physiques, s'opposent à ce que la femme se
charge de faire vivre la famille et de battre le mari. Ce droit reste donc au
mari. Mais
pénétrons un peu plus vivement la psychologie des ménages du XVIe siècle, et
nous constaterons d'autres phénomènes importants, qui vont nous mettre sur la
voie d'une autre conclusion. D'abord,
à ne juger les choses qu'au point de vue extérieur, qui se plaint du mariage
? l'homme, toujours l'homme. A l'usage, la femme y trouve des compensations,
ou, du moins, des avantages ; pour elle, c'est un état qui mène à tout, à
condition d'en sortir ; et souvent même son attitude extérieurement
conciliante déconcerte les plus chauds paladins du féminisme. Mais le mari a
beau être marié, il ne peut oublier qu'il a quitté la vie pour entrer en
ménage ; la chaîne lui paraît, sinon lourde (elle ne l'est pas pour lui), en
tous cas monotone, uniforme. Comme dit une complainte, le religieux change
d'ordre, le chanoine d'église, le fonctionnaire de fonctions : « mais nous
qui sommes mariés ne pouvons monter ni descendre ![20] » Si nous
interrogeons les époux eux-mêmes, nous constatons que rarement les brouilles
ou les difficultés viennent de faits majeurs, de ceux qui passent pour
irréparables. Le Ciel
semble avoir pris soin de nous armer, pour les questions importantes, d'une
véritable longanimité. Certes, il y a des sots qui voudraient tenir leurs
femmes en chartre privée, sans penser que c'est le plus sûr moyen de les
rendre enragées, et de les laisser à la merci du premier venu, du premier
officier de passage[21]. Ceux-là n'ont que ce qu'ils
méritent. Mais il y a aussi des sages, qui ignorent ce qu'ils n'ont pas
intérêt à connaître ; tout le monde le leur conseille, on fait mieux, on les
y aide ; il doit même exister des dieux spéciaux[22]. Une femme, au contraire, ne
peut guère ignorer les écarts de son mari, qui se manifestent le plus souvent
au grand jour, et parfois dans l'intérieur de la maison. Nous aurions
beaucoup d'histoires à raconter sur le compte des femmes de chambre,
créatures bibliques, mais vraiment trop intéressées[23] — car les tribunaux apprécient
si largement les dommages-intérêts dus en pareille matière, qu'on a vu de
naïves bergères en abuser et se targuer d'un dommage imaginaire[24]. En
Italie, les gens comme il faut avaient un usage simple et sûr, qui consistait
tout simplement à acheter une jeune esclave. Sur le marché de Venise, une
jolie Russe, une belle Circassienne, une Tartare robuste, entre vingt-cinq et
trente ans, valait depuis 6 ducats jusqu'à 87[25] On comprend comme une pareille
institution convient au platonisme : les platoniciens les plus éminents ne
l'ont pas dédaignée. Charles de Médicis naquit ainsi d'une belle
Circassienne, achetée par le grave et esthétique Corne. Eh bien ! une femme
n'aurait pas l'idée, pour un pareil grief, de déserter son foyer[26] ; elle ferait la risée générale[27]. Elle éprouve peut-être une
souffrance intime ; peut-être son cœur va-t-il se refermer un peu plus du
côté de la terre, pour ne s'ouvrir que du côté du ciel[28]. Mais cette épreuve lui servira
; et une femme réellement idéaliste s'en félicite presque. Cela lui apprend à
se faire un front haut et ferme[29], à vivre d'idéal, à mésestimer
les hommes. Les
vraies querelles de ménage naissent de vertus aigres, d'honnêtetés
insupportables[30]. Les hommes sont difficiles :
d'abord, ils trouvent leur femme ennuyeuse ; puis ils la voudraient parfaite.
Il faudrait que chaque matin, comme l'explique un vieil auteur[31], elle mit les pantoufles
d'humilité, la chemise d'honnêteté, le corset de chasteté, les jarretières de
ferme propos, les épingles de patience, etc., et encore il n'est pas prouvé
qu'en pareil cas un mari ne trouverait pas sa femme un peu trop habillée. La
femme aussi part en guerre sur des riens : sur l'âme vulgaire de son mari,
son étroitesse, son matérialisme, son égoïsme[32], ses façons grossières de vieil
étudiant... Comment dénombrer les griefs réels, et même les chimériques ?
Telle femme, au lieu de la « rosée matutine[33] » de son rêve, a épousé un
butor[34]... Telle autre, élevée dans un
château à entendre parler de chasse, estime insultant que son mari l'engage à
faire de la littérature et de la musique : de là, une brouille si absolue,
que le mari finit par renvoyer la dame à son père, lequel la lui renvoie[35]. Celle-ci se monte la tête,
parce que monsieur son époux manque d'appétit, et qu'au lit il passe son
temps à soupirer ; elle échafaude là-dessus tout un monde de suppositions, et
finit par rendre la vie impossible au pauvre homme, — qui ne sut jamais pourquoi
; en réalité, il était inquiet d'un placement d'argent. — Il y a des femmes
odieuses par leur bavardage, par leurs colères[36], par leur vanité[37] ; beaucoup adorent la
contradiction, les coups d'épingle ; à table, un mari, sans y penser, verse
de l'eau dans le verre de sa femme ; la dame passe le verre à un valet, en
disant bruyamment : « Quand il sera sec, je le redemanderai[38]. » Voilà les choses qui tuent
un ménage, qui empoisonnent la vie d'un homme — « femme et vin ont leur
venin[39] » —, qui dégoûtent et
flétrissent les femmes, et les poussent à vivre hors de chez elles, en
pèlerinages ou ailleurs[40]. Il n'y a pas besoin d'être un
saint pour s'accommoder d'une femme peu vertueuse, mais il faut l'être pour
supporter une femme ennuyeuse. Il faut
donc, dans la vie de ménage, beaucoup de sagesse et de prudence, et aussi peu
que possible d'illusions et de passion ; le mariage est le lien le plus sacré
du monde, mais à condition de ne pas en abuser ; il serait bien dangereux de
s'abandonner à la tentation de l'amour ; c'est le fruit défendu : un médecin
philosophe du temps, Champier, l'appelle mortel ; il tue. Outre les
vicissitudes physiques de la vie, l'esprit de l'homme est trop changeant pour
qu'on puisse impunément jouer sa vie sur une tête[41]. L'Europe en eut la preuve
terrifiante. Philippe
le Beau passait pour un ensorceleur de femmes ; sa femme, Jeanne, s'éprit de
lui en Espagnole, à la folie. Pendant un voyage qu'il fit dans les Pays-Bas,
elle finit par tomber dans une sorte de prostration. Un soir, par une nuit
glaciale et farouche, comme il y en a, en novembre, dans la Navarre, cette
pauvre Jeanne, saisie d'une hallucination subite, se précipite dans la cour
du château de Medina del Campo, à demi vêtue : on accourt, le gouverneur
l'arrête, fait fermer la grille. La malheureuse, l'œil fixe, se colle à cette
grille, sans qu'aucune force humaine puisse l'en arracher ; le lendemain
matin, elle s'y trouvait encore, toute pantelante et grelottante, l'œil
hagard ! La reine Isabelle, sa mère, malade à Ségovie, députa en toute hâte
un amiral et un archevêque : ni l'amiral ni l'archevêque ne réussirent à
détacher la pauvre folle de sa grille ; ils n'obtinrent qu'avec bien de la
peine de la faire entrer, pour la nuit suivante, dans un réduit voisin. La
reine seule put mettre fin à cette horrible scène, dont le souvenir fait
encore frissonner l'Espagne. Oui, La Bruyère l'a bien dit : « Les femmes sont
extrêmes ! elles sont meilleures ou pires que nous. » Voici le danger. Aussi
feront-elles bien de se défier de leurs emportements, et de se tenir
au-dessus ou au-dessous du mari avec qui elles doivent vivre. Si
elles sont raisonnables et résignées, comme celles dont nous avons à parler,
et qu'elles ne croient pas à la nécessité d'une passion matrimoniale, alors les
humanistes reprennent leur douce chanson. Ils ne veulent rien rompre par la
violence, mais ils font appel à la finesse. Le
vieux type du mari matamore, même avec son gourdin, n'effraie pas. Il n'y a
rien de tel que de se croire maître incontesté pour jouer le rôle de pantin.
L'imbécile est si persuadé de sa supériorité qu'il n'aperçoit pas les «
aguets » subtils qui le mènent[42]. Il travaille comme un bœuf[43], et sa femme le traite
d'égoïste, d'avare ;,elle le menace, si ses affaires ne vont pas bien : si
tout va bien, elle le « pateline et le dodeline », et l'endort, et, au
lieu de recevoir des coups de bâton, elle reçoit une robe ou un corsage[44] ; elle pleure ou rit suivant
les cas[45], elle enjôle, au besoin, les
amis de ce cher époux[46], elle enjôle même le ciel, car
il suffit, pour avoir la paix, de faire toucher à l'autel, pendant la messe
du vendredi, la chemise que le seigneur et maitre doit mettre le dimanche[47] ; cela n'est pas difficile. On
a toujours dit qu'une « femme est aisée à gouverner, pourvu que ce soit un
homme qui s'en donne la peine » ; l'homme est encore plus facile à gouverner,
pourvu que ce soit une femme qui veuille bien s'en occuper. Bref, il y a
longtemps que les femmes ont escamoté, sans en avoir l'air, le redoutable
problème du ménage. Voilà pourquoi, malgré l'épouvantail des principes, les
femmes estiment le mariage : pourvu qu'elles n'obéissent pas, elles se
résignent à obéir ; voilà pourquoi aussi les plus chauds amis des femmes ne
trouvent pas de meilleur moyen de combattre le mariage que de le conserver.
Les hommes seuls en médisent, parce qu'habitués dans leur jeunesse à récolter
ce qu'ils ont semé, ils ne prennent pas facilement l'habitude de travailler
pour une petite collectivité. Erasme
a très finement résumé la situation, sous forme d'un dialogue entre une jeune
mariée et une dame de sens rassis[48]. La
première jette les hauts cris : quel enfer que le mariage ; quel métier
d'esclave ! et pour qui, grands dieux ! pour un joueur, pour un brutal, pour
un débauché !... Mieux vaudrait « dormir avec un porc ! » L'autre
la calme : il faut prendre son mari pour ce qu'il est, c'est-à-dire un gros
animal, une espèce d'éléphant, qu'on apprivoise avec un morceau de sucre[49]. Il faut avoir l'air de lui
céder sur quelques petites choses, lui passer quelques goûts, quelques
bizarreries, et surtout faire une forte provision de bonne humeur, se
maintenir « ni oisive ni mélancolique », car le mari redoute
extrêmement l'ennui, peut-être parce qu'il en a l'habitude ; la maussaderie
le rebute, surtout s'il est maussade. Il s'agit de lui laisser ce qu'il a et
de lui donner ce qu'il n'a pas, c'est-à-dire ces jolies choses dont les
femmes sont dotées suivant le nouveau système de civilisation ; on peut même
y mettre un peu de cœur, et alors, un beau jour, on est tout étonnée (car les
hommes ne brillent pas par la finesse) de voir ce gros mari subjugué, et qui,
au lieu de vous considérer comme rien du tout, vous prend pour l'image du bon
Dieu. A partir de ce moment-là, on possède l'amitié cherchée ; et ce n'est
pas très difficile. La
vérité nous force à ajouter pourtant qu'en dehors de cette recette morale,
une autre circonstance a contribué à donner beaucoup de relief aux femmes
dans leur ménage. En
France, comme dans tous les pays d'hégémonie virile, on aimait à ne pas doter
les filles, ou du moins à les mettre à la portion congrue. En se mariant,
elles recevaient une somme représentant un peu ce qu'on aurait appelé, il y a
quelques années, leur bonnet de nuit, ce qu'on nommait alors « un
chapeau de roses[50] », et elles renonçaient à
leur part d'héritage[51], de manière qu'un homme riche
ne trouvait pas extraordinaire d'épouser une fille sans fortune, puisque
c'était l'usage. Louis de La Trémoille épousa ainsi Gabrielle de Bourbon[52]. Du reste, il n'y avait pas,
entre les grosses, les moyennes et les petites fortunes, le même écart qu'aujourd'hui
; avec 3 ou 4.000 livres de revenu[53], qui en vaudraient maintenant
75.000 ou 100.000, on passait pour un nabab. Le mari apportait donc la
fortune, et de plus il garantissait un douaire éventuel sur ses propres
biens, de sorte que la femme entrait réellement chez lui. On était aussi loin
que possible de l'universelle fierté que nous éprouvons à épouser une fille
riche de Cincinnati ou même de Paris. Un
mariage d'argent — pour un homme paraissait honteux et presque infamant. On
plaignait du fond du cœur le mari entretenu par les revenus de sa femme ;
cela ne paraissait plus un ménage[54]. Il n'v a pas de sarcasmes
assez vifs pour le classique « gendre de M. Poirier », le
gentilhomme fringant, tout généalogie et sport, dont la science unique
consiste à perpétrer des brèches financières, que son brave homme de
beau-père, enrichi dans la mélasse, travaille obscurément à réparer[55]. Au
contraire, M. Poirier est fort estimé dans les pays industriels, par exemple
dans les Pays-Bas[56] ; quant aux Italiens, fort
bravement, ils jugent les grosses dots à la fois légitimes et désirables. Ils
ont le courage de leur opinion ; témoin ce médecin de Pistoja, qui, entre
deux jeunes filles, l'une garantie très raisonnable, l'autre moins, mais plus
riche de trois cents écus, n'hésitait pas un instant à choisir la plus riche,
car, à son avis, l'aléa était semblable et la différence signalée ne valait
même pas quelques écus[57]... Aucun Italien ne s'offensait
d'épouser une femme qui lui apportât une dot suffisante pour vivre ; à
Florence, cinquante écus par an représentaient à peu près la vie d'un ménage,
de goûts modestes : or une femme de petite bourgeoisie recevait couramment 2
ou 3.000 florins de dot, c'est-à-dire un revenu d'au moins 150 florins[58]. Les Visconti, les Sforza,
grâce à des dots réputées colossales, introduisirent leurs filles dans les
premières maisons royales d'Europe[59]. Bref, ce système ne laissait
pas que d'exercer même au dehors un certain mirage, et en partant pour les
expéditions d'Italie plus d'un seigneur français se figura avoir un riche
bâton de mariage dans sa giberne[60]. Il
n'est pas très étonnant que ces idées aient fini, en France, par triompher de
toutes les résistances. Louis XI, qui était un élève des Sforza, contribua,
ici comme ailleurs, à briser les attaches des antiques iraditions[61]. Nous avons raconté avec quel sans-gêne
étonnant il fit et défit des mariages, dans le seul but de rémunérer divers
aventuriers, aux frais des familles les plus honorables. Louis
XII, au contraire, réagit contre ces mœurs nouvelles avec une sévérité
ardente. Quoiqu'il se piquât de chevalerie comme personne, il n'admettait pas
que le feu de la passion pût excuser l'enlèvement d'une jeune fille, même
riche — et en pareil cas elle l'était presque toujours[62] —. Sa fermeté n'empêcha pas
quelques exploits pittoresques[63] : mais l'autorité
ecclésiastique lui prêta main-forte, au nom des règles canoniques. Nous
avons même eu occasion de montrer combien Charles VIII avait eu de peine à
faire légitimer après coup son mariage avec l'héritière de la Bretagne[64]. C'est
ainsi qu'à l'époque du triomphe des femmes nous trouvons en France deux maris
d'espèces distinctes. Les
uns, sans méconnaître l'importance de l'argent, s'obstinent à ne pas en faire
la question principale du mariage. Evidemment, qu'une femme n'apportât rien
du tout, cela paraîtrait fâcheux, et dans ce cas-là une fille risque un peu
la « douleur » de coiffer sainte Catherine[65], ou de tomber dans une
situation misérable : la moindre ouvrière tient à se constituer une petite
dot, fût-ce par des chemins un peu détournés[66], et nous savons que les budgets
des princesses distillent goutte à goutte une réponse honnête à ce
desideratum[67]. Mais bien des épouseurs se
contentent d'un prétexte, d'un appoint... Ainsi Louis XII crée comte d'Epinay
François de Melun, pour lui faire épouser Louise de Foix[68] ; Louis de La Trémoille donne
1.200 livres à son serviteur Robert Suriete, pour compenser l'absence de dot
d'une jolie fille, Marie de Briethe[69]... L'autre
école, qui de plus en plus va l'emporter, voit au contraire dans l'argent
l'élément palpable de la vie matrimoniale[70], et elle trouve surtout naïfs
les gens qui s'imaginent qu'une femme leur saura gré d'un sacrifice fait pour
l'épouser ; plus les femmes sont riches, meilleures elles sont, comme dit
Montaigne : il n'y a aucun motif de sacrifier des « commodités » certaines, à
de frivoles hypothèses, telles que la naissance, la beauté, la vertu,
l'esprit... Une
fois lancé sur cette voie, on alla très vite. En Italie notamment,
l'exploitation du mariage prit des proportions grandioses. Rien n'y fit, ni
les clameurs des pères de famille indignés[71], ni divers décrets, tous plus
restrictifs, plus méprisants, plus flétrissants les uns que les autres, du
Sénat de Venise, généralement composé de pères[72]. Pour toute la classe, si
nombreuse, des jeunes gens oisifs, le mariage est le moyen avoué et unique de
s'enrichir, et de garantir son oisiveté, moyen commode, à la portée de toutes
les intelligences ; une bonne prébende, comme le disait Guez de Balzac, qui
n'exige pas qu'on se fasse chanoine, mais qui malheureusement oblige à une
certaine résidence. Cette
mode ne témoignait peut-être pas d'une grande vigueur de sentiments, mais on
ne peut nier qu'elle ne répondît au désir secret des femmes et qu'elle ne
sanctionnât l'évolution de leurs idées. Du jour
où elles alimentent le ménage, les femmes considèrent les rôles comme
renversés, et elles commencent par s'attribuer la plus parfaite liberté :
plus de gêne, de subterfuges, de « chatteries ». Les voilà égales à
leur mari[73], ou supérieures[74], par le côté matériel qui est
l'essence du ménage ; et comme, d'autre part, elles se figurent que
moralement elles valent mieux, qu'elles sont à la fois plus passionnées, plus
chastes et plus fermes, comme on leur cite de toutes parts des exemples de femmes-phénix,
de Cléopâtres[75], elles prennent le parti d'être
des Cléopâtres. Elles consentent, par bonté d'âme, à s'essayer sur le mari
qu'elles ont. Elles font son bonheur, quelquefois même malgré lui, elles vont
« de lingot fruste ou mauvaise monnaie » le transformer en « écu
neuf[76] ». L'autre peut maugréer
dans son for intérieur, se rappeler les anciens principes, s'étonner des
perpétuelles absences de sa femme, du choix de ses relations[77], et même, çà et là, essayer
d'intervenir ; on lui fait vite comprendre que les femmes n'ont pas besoin
d'être tenues en laisse[78] ou en chartre privée, que les
sérails n'existent plus[79]. Elles font son bonheur, pourvu
qu'il se montre docile, qu'il ait conscience de son incapacité, de sa
faiblesse. Et, en effet, qu'il y réfléchisse : que pourrait-il faire, sans
une femme si vertueuse ? Il languirait ! Elle est là, elle règle ses
dépenses, ses plaisirs, les saillies de son caractère ; elle veille comme une
sœur de charité à son hygiène physique et morale, et c'est par ce moyen que
le ménage représente une unité désormais saine et robuste, avec deux corps,
quatre bras et deux âmes[80]. Evidemment,
répétons-le une fois de plus, nous n'entendons pas émettre de règle absolue ;
en parlant des ménages, nous ne voulons pas dire que tous les ménages de
France fussent coulés dans le même moule, et qu'à la même heure, partout, ils
fissent mathématiquement la même chose. Il n'y en a pas deux pareils. La
vérité, c'est que, de façon ou d'autre, un très grand nombre de femmes ne se
laissent plus mettre sous le boisseau, « sous le pied[81] », suivant l'expression
courante. Quant à la manière dont leur direction s'affirme, cela dépend des
cas, des goûts, du vent qui souffle, des circonstances. Une idée favorite de
Marguerite de France, et qu'il aurait été difficile de lui ôter de la tête,
c'est que les femmes pèchent toujours par esprit d'obéissance, par excès de
patience. On a beau lui répondre. que plus d'une fait de nécessité vertu, et
que vis-à-vis d'êtres violents, qui menacent de tout briser, il faut bien
savoir patienter : Marguerite proteste, elle préférerait être battue que
méprisée. Autour d'elle, cette flamboyante déclaration fait rire, et
enthousiasme les femmes : une veuve pétulante prétend qu'elle aimait
tellement son mari, que, s'il l'avait battue, elle croit qu'elle l'aurait tué
: « Autrement dit, riposte Henri d'Albret, vous voulez être maîtresses !
C'est assez mon avis, mais il faudrait que tous les maris s'y accordîssent. »
Marguerite frémit sous ce coup de bâton intellectuel : elle se trouble, elle
trouverait naturel que son mari prît ses ordres, mais elle n'ose pas le dire
: elle recule, elle aussi ; elle admet que l'homme est chef naturel, mais
qu'il n'a pas le droit d'abandonner ou de maltraiter sa femme[82]... Eh quoi ! elle aussi ! elle
avait dit un mot très juste : les femmes manquent de décision, — et elle en
manque toute la première ! Quelques
jeunes personnes, pour se garer de cette difficulté, trouvent avantage à
épouser un mari tant soit peu bête[83], si ce n'est tout à fait.
D'honnêtes gens s'en étonnent, et leur vantent les agréments personnels de
l'esprit, « les trésors de la science, » ils leur demandent quel plaisir
elles se promettent. Ce qu'elles se promettent ! mais, précisément, puisqu'il
s'agit d'un mari, rien ; de l'argent, un nom ! La duchesse de Medina Sidonia
avait épousé ainsi 60.000 ducats de rente, avec un grand d'Espagne ; il est
vrai que ce grand, en rendant visite à l'archevêque, demandait fort poliment
à voir les enfants. Cela n'empêchait pas sa femme d'avoir tout l'esprit
qu'elle voulait. Mais il faut avouer que le remède est extrême, et il serait
préférable qu'une femme se sentit et se crût la force d'entrer en ligne avec
un homme intelligent. Les
mœurs intimes subirent, de la sorte, une transformation profonde. Dans les
petits ménages, la femme continua forcément à cuisiner, à faire le lit, à
laver la tête et les pieds de son mari, mais avec dignité ; dans les grandes
maisons, on perdit l'habitude des matrones sévères et inélégantes, levées dès
l'aurore, constamment gendarmées contre les enfants ou contre les valets, et
qui, pour tout plaisir, ne connaissaient que la joie d'empiler du linge bien
blanc et bien raccommodé, le jour béni du samedi. Comme l'a insignement
observé Fourier, c'est au dédain de ces habitudes de taupe qu'on mesure les
progrès d'une civilisation. Il est
beaucoup plus exquis de se laisser aller à la vie, le sourire aux lèvres, et
de tout dominer, sans en avoir l'air, par une grâce langoureuse de créole. Cette
grâce fleurit, et nous pourrions en citer bien des exemples ; en voici un
spécimen qui nous paraît caractéristique : c'est un simple petit billet
d'Isabelle d'Este à son mari, elle le dicte à un secrétaire : « Mon
seigneur, que Votre Seigneurie ne se moque pas de ma lettre et ne dise pas
que les femmes sont viles, qu'elles ont toujours peur, car la malignité des
autres est bien au-dessus de ma peur et du courage de Votre Seigneurie.
J'aurais écrit cette lettre de ma main, mais il fait si chaud que nous
pensons, si cela dure, en mourir. Le petit garçon va très bien et envoie un
baiser à Votre Seigneurie, et moi je me recommande toujours à elle. Très
désireuse de voir Votre Seigneurie, Isabelle, de ma main propre[84]. Mantoue, 23 juillet. » « De
sa main propre », il y a la signature, et voilà tout ; il fait si chaud
! Mais est-ce que cette quasi-faiblesse ne développe pas précisément un
charme de nature à envelopper même un mari ? Ce
charme enveloppe, et il éloigne ! Vues à distance, ces femmes si distinguées,
drapées dans un vrai stoïcisme sous un faux air d'abandon, en imposent
réellement à leurs seigneurs et maitres et, même vis-à-vis d'eux, se donnent
des aspects de mystère et d'inconnu. Le mari de Vittoria Colonna, qui se
gênait fort peu au logis[85], filait de loin le parfait
amour avec l'authentique marquise, à ce point qu'il composa en son honneur
tout un livre de charmantes poésies, intitulé Livre d'amours. Ce livre n'a
pas été livré à la publicité et il s'est perdu. Brantôme regrette vivement sa
disparition, parce que, dit-il, ç'aurait été l'occasion de voir de la poésie
d'amour conjugal, et de savoir si elle doit s'inspirer de sentiments
platonistes ou non, d'amour céleste ou d'amour légitimement terrestre[86]. Eh !
mon Dieu ! la question qui préoccupe l3rantôme, nous croyons pouvoir la
résoudre ! les femmes dès lors deviennent philosophes, elles ont pris leur
parti de savoir beaucoup de choses, et de vivre pourtant, au lieu, comme
jadis, de se diminuer, de s'humilier, de se mettre à la remorque. Elles sont
devenues des vestales quant au mariage, si l'on peut ainsi dire, et elles
considèrent que leur vraie mission consiste à répandre au dehors le
trop-plein d'amour dont elles frissonnent ; car c'est toujours à défaut
d'hommes que les femmes se font féministes. Dans le monde, elles vont devenir
« des déesses », et on ne pourra plus vivre sans elles. François
Ier, dans une cour sans femmes, se trouva des airs de satrape, ses jardins
lui parurent sans fleurs[87] » : il appela, il attira des
jeunes femmes, et les traita « comme des déesses au ciel ». Il leur
montra leur mission nouvelle. Et
cependant, quels dégoûts intimes et insoupçonnés montent aux lèvres de ces
femmes divines ! Je ne sais si le nombre des femmes lasses de leurs maris
était plus grand qu'à présent, mais il était déjà grand : longtemps, la
fierté, le haut sentiment du devoir mondain veillaient sur elles, comme ces
grandes statues de vertus braves et presque menaçantes que les sculpteurs
d'autrefois plaçaient volontiers devant un tombeau, aux deux bouts d'un
cadavre. Mais, après avoir accompli dans l'ombre, obscurément et dévotement,
la mission pour laquelle on les avait prises, c'est-à-dire tenu la maison,
loyalement soigné le maître, administré cataplasmes et laxatifs, donné des
enfants, perpétué une race (qu'on nous passe le mot) en bonnes poulinières, occupé
humblement le bout de table, il arrive un moment où ce devoir primitif est
accompli ; et alors elles surgissent comme d'une léthargie, elles regardent
le soleil et lui demandent où il convient de s'envoler pour vivre. Elles sont
nées pour semer des fleurs derrière elles. Leurs enfants ont été ces fleurs,
douloureusement arrachées à leurs entrailles, jetées dans l'avenir. Il reste
à arracher encore de leurs cœurs, avec une joie plus vivifiante, des fleurs
immatérielles, fleurs de l'amour, fleurs du bonheur, enfants de leur pensée,
leurs vrais enfants, car, si pour concevoir dans la chair la femme est un
être passif, pour concevoir dans l'âme elle prend sa revanche ; elle devient
l'être actif. À elle de semer ! Alors,
elles n'ont plus « l'âge des anges », comme disait Alfred de Vigny,
c'est-à-dire quinze ans : généralement, elles en peuvent avouer trente, l'âge
du « diable au corps », celui où l'on doit savoir administrer son âme et son
cœur. L'espèce
de révolution qu'elles accomplissent n'a rien d'inédit ; il y a toujours eu,
et il y aura toujours, des femmes de trente ans, et qui le sauront ; mais
celles-ci sont, en outre, des psychologues et des raffinées, qui veulent se
bien rendre compte du phénomène, et qui en mesurent l'intensité avec un
véritable dilettantisme, car il leur semble qu'elles entrent dans la vie. Les
enfants, qui avaient été la raison d'être du ménage, vont partir ou sont
partis... Dès qu'il a pu, le fils, le premier, ce cher petit garçon que la
mère aimait, a demandé et obtenu un peu de fortune, et il a disparu : on
n'entend plus guère parler de lui ; maintenant il a ses affaires, ses
plaisirs[88], et il écrit, en post-scriptum
tendre, mais un peu pressé : « Madame, je me suis oblié de vous escrire
commant j'ai sceu que m'aviez faict un petit frère, quy a nom Guy. Je vous
supplie, Madame, faictes le bien nourir, car je l'aime bien[89]. » Parfois, on apprend
qu'au loin la Mort a brutalement brisé le dernier lien, et aux mots, vraiment
héroïques, qui jaillissent alors de certains cœurs de mères viriles, on
s'aperçoit combien toutes ces âmes se sont bronzées et combien, dans la vie
austère, les plus nobles d'entre elles, les plus aimées, ont été obligées de
contracter la cruelle, mais admirable, habitude de l'immolation du cœur,
jusque dans ses dernières fibres. Gabrielle de Bourbon annonce à ses
officiers la mort de son fils unique, tué à Marignan ; elle dit très haut : «
à cette bataille que le roi a gagnée, » elle ajoute plus bas : « dont nous
sommes à bien grande douleur[90] ». Que,
lorsque tout leur manque ainsi, des femmes douces et faites pour aimer se
répandent au dehors, semblables aux abeilles du bon Dieu, pour butiner un peu
de miel et travailler à la ruche commune, cela n'est pas bien surprenant :
elles préfèrent « être aimées un peu par beaucoup de gens, que beaucoup
par un seul[91] », surtout qui ne les aime
pas ! Pour ce
butinage, le mariage arrive ainsi à leur servir d'abri ; c'est comme la hutte
où se logent les chasseurs pour mieux attirer le gibier, et pour se garantir
des intempéries. Elles se louent de l'avoir. Et cependant, avant de suivre
les femmes affranchies dans le rôle qu'elles vont jouer, à l'instar des
hommes, hors du ménage, nous avons encore à examiner une dernière objection
de principe, qui a bien pu en arrêter quelques-unes. Beaucoup
de moralistes, même sans parti pris anti-féministe, reprochent aux femmes
d'aimer le monde par horreur du mariage : à les en croire, l'apostolat
mondain où les femmes veulent se lancer ne serait pour elles qu'un moyen de
fuir leurs devoirs intérieurs. Cela
n'est pas tout à fait exact, et, sans même recourir à des raisonnements qu'on
devine, nous ne voulons d'autre preuve des bonnes dispositions des femmes que
leur désir très clair de ne pas pousser au-delà d'une certaine limite la
séparation d'avec leurs maris. Elles veulent bien rendre la chaîne plus
légère et même élastique. Mais nous avons déjà vu qu'elles défendaient
l'institution du mariage, qu'elles soignaient avec passion leur mari malade :
et il est certain qu'elles ne désirent pas le perdre. Le
divorce naquit dans les pays masculins. Il parut un progrès, parce que
jusque-là l'opinion se montrait étrangement cruelle à l'égard des femmes
séparées. Il n'y avait pour elles ni pitié ni justice. Le mari les
abandonnait sans vergogne, et c'est à elles qu'on donnait toujours tort. A
Venise, pour empêcher les séparations, le Sénat, évidemment convaincu que les
hommes n'y étaient pour rien, prescrivait encore, en 1543, un régime très
simple, qui consistait à enterrer en bloc-toutes les femmes séparées : on les
obligeait à porter un costume spécial, comme les lépreux, et on leur
défendait l'accès de tout lieu de réunion. Le clergé s'insurgea. Finalement,
l'auguste Sénat se contenta d'un supplice plus bénin ; il plaça les
infortunées sous la surveillance, non pas de la haute police, mais de leur
ex-mari[92]. Eh bien
! le jour où les procédés vénitiens ne-parurent plus de mise, dans les pays
où l'homme faisait la loi on consentit à admettre que la femme, étant un être
secondaire, avait besoin d'être possédée et occupée ; au lieu de l'accabler,
lorsqu'elle se trouvait sans maître, on daigna lui rendre justice, au point
de lui accorder un nouveau seigneur. Calvin, généreux, lui permit, en cas
d'authentique abandon, de contracter un autre lien[93]. Dans
les pays romains, on plaint les femmes abandonnées. Mais le mariage reste
intangible et unique : aussi une femme du pays où les femmes gouvernent
n'a-t-elle aucun intérêt à se placer dans une situation fausse. Tout ce que
peut la charité romaine, c'est de lui ouvrir des maisons de refuge-pour lui
assurer une retraite honorable et solitaire. La vraie manière de se
débarrasser d'un mari, c'est de le garder. Les
femmes, même les plus philosophes[94], ne trouvent pas non plus
d'intérêt sérieux à être veuves. Certainement,
il faut en rabattre un peu des démonstrations théâtrales qui sont d'usage à
un chevet mortuaire. C'est une vieille habitude, qui vient du temps où il
était convenu qu'en perdant son maître on perdait tout : ces pauvres femmes
s'effondrent, avec un frémissement de sensibilité, moitié comique, moitié
touchant. C'est ainsi qu'elles accueillent leur liberté ; on dirait qu'elles
n'ont plus qu'à mourir elles-mêmes, surtout si elles sont jeunes, et pendant
quelque temps chacun semble de cet avis ; d'une voix lugubre et larmoyante,
leurs amis rappellent les exemples les plus épouvantables : Artémise, qui but
dans une cruche d'eau les cendres de son mari ; Portia, fille de Caton, femme
de Brutus, qui, en apprenant la défaite et la mort de Brutus, faute de
trouver un coutelas sous la main, n'en chercha pas, et avala des charbons
ardents[95]. Celles qui se sont bonnement
coupé une veine ou le cou, ou qui se sont logé avec simplicité un poignard
dans le cœur, ne comptent plus. On comprend tout ce qu'il y a de délicat et
d'aristocratique dans le procédé de la veuve du Malabar. Sans
ses enfants qui, après l'avoir rattachée au mariage, la rattachaient à
l'existence, Louise de Savoie serait morte sur le cadavre de son mari ; c'est
du moins ce qu'assure son chambellan, Jean de Saint-Gelais, à qui on ne
pouvait reprocher que d'être trop au fait des goûts intimes de sa maîtresse.
Sans ses scrupules religieux, la belle Isabelle Richisentia se tuait sur le
corps de Raymond de Cardofta[96]. Bouchet[97] et Moncetto[98], surnommé Lycurgue[99], se demandent avec angoisse
s'ils détermineront Marie d'Angleterre à vivre, après la mort de Louis XII ;
ils lui citent Lucrèce, Pénélope et autres : Moncetto s'épuise à lui en
parler dans toutes les langues connues, et en vers ; sans le jeune Anglais, qu'elle
allait épouser quinze jours après, Marie, peut-être, serait morte... Il est
d'usage que ces veuves, raisonnablement, se décident enfin à vivre, sur les
instances de leur entourage ; mais il est d'usage aussi qu'elles mènent au
moins un deuil tapageur[100]. Il faut
d'abord étudier la manière d'enterrer son mari. H y a
des silencieuses, comme Anne de France, qui se bornent à faire célébrer un
grand office très digne[101] et qui n'ont pas l'air de
pleurer, car elles ne parlent ni de boire la poudre des os du cadavre, ni de
passer le reste de leur existence dans le lit du défunt ; Anne de France
trouvait même ces « folies inutiles, indignes et détestables ; » elle ne comprenait
qu'un deuil simple, muet, durable[102]... Mais plus d'une fois on a pu
s'étonner du nombre de larmes que peuvent contenir les yeux des femmes. « Elles
ont beau s'écheveler et s'égratigner, je m'en vais à l'oreille d'une femme de
chambre et d'un secrétaire : Comment étaient-ils ? Comment ont-ils vécu
ensemble ?... Nous aimerions mieux qu'on rie de notre mort, pourvu qu'on nous
rie pendant la vie[103]. » Une
Espagnole, la comtesse de Consentana, en notifiant officiellement à ses
vassaux la mort de son mari, signe : « La triste et mal fortunée
comtesse », et, pour mieux accuser son trouble, elle met deux pâtés
d'encre à la place de son nom. Les vassaux facétieux répondent à « leur
triste et plus que très malheureuse comtesse » par une adresse, que, dans
leur trouble, ils signent tous d'énormes paraphes : on en rit de Bilbao à
Gibraltar[104] ! Ainsi
une veuve ne néglige rien pour bien montrer combien elle déplore de rester
seule. A cette première constatation, il faut en ajouter une seconde, non
moins évidente : presque toutes les veuves mettent un soin extrême à tenir
leur mari pour vivant ; tant il est vrai que leur programme consiste à agir à
l'ombre d'un mari peu gênant et qu'elles ne gênent pas. De tous
les genres de maris, le mari mort est celui qui nécessiterait la monographie
la plus spéciale. Pour peu que sa vie ait laissé quelque chose à exploiter,
sa veuve exerce une profession en vue. Telle femme qui vivait notoirement à
l'état de sage froideur, si ce n'est de discorde, passera ses nuits et ses
jours à célébrer la gloire et les souvenirs du défunt : son identification de
cœur est si profonde, que bientôt, devenue veuve de grand homme, elle
s'élèvera dans une atmosphère supérieure[105] : les grandeurs que le défunt
n'avait peut-être pas, d'abord elle les lui donne, puis elle les prend pour
elle-même, et elle se consume dans la flamme de cet amour ; du reste, elle se
trouve quelquefois réellement à l'âge posthume de l'amour. Marguerite
de France se consola assez franchement de la perte du duc d'Alençon ; mais
Vittoria Colonna ne cessa jamais d'adresser des sonnets à son capitaine, et,
quand on la pressait de se remarier, sa réponse était simple : ‘Mon mari
Ferdinand, qui vous parait mort, ne l'est pas pour moi[106]. » Diane de Poitiers a
manié ce principe d'outre-tombe avec une extrême virtuosité : elle n'a jamais
été veuve. Son mari était mort, assurément, mais elle exhibait comme devise
une flèche, toujours verdoyante, sortant d'un tombeau avec ces mots : «
Restée seule, elle vit en lui. » Encore en 1558, au moment de ses plus grands
triomphes mondains, elle lui restait fidèle, sous cette forme. Voilà
donc un second point acquis et très important : une femme du monde fait pour
ainsi dire empailler l'âme de son mari, et, en principe, elle se considère
toujours comme mariée. Quant à
l'emploi du veuvage, il y a deux écoles : d'abord la veuve classique,
traditionnelle, qui n'appartient plus au monde, et qui s'ensevelit dans la
maternité ou la charité. Celle-là ne fait que continuer la ménagère de vieux
style. Le XVIe siècle en a encore produit un bon nombre : par exemple, Anne
de Polignac, qui, dans sa retraite de Verteuil, où elle vivait entre ses
enfants et une belle bibliothèque, émerveilla par sa tenue et sa dignité
l'empereur Charles-Quint ; ou encore Charlotte d'Albret, la veuve de César
Borgia, un peu plus mondaine, et naturellement amie du faste, des splendides
vaisselles, des bijoux magnifiques, d'un nombreux serviteur[107]. Ces
veuves sont des administrateurs de premier -ordre ; au point de vue des
intérêts de la famille, il est bon, comme dit un proverbe, que « le mari
aille premier en terre[108] ». Elles excellent à faire
valoir leur argent ; quelquefois même, un peu d'usure ne leur déplaît pas[109] ; Charlotte d'Albret n'en avait
pas horreur. Il n'aurait pas fait bon non plus tabler sur leur soi-disant
faiblesse ; quelques-unes étaient de taille à monter sur des remparts comme
Catherine Sforza. Après la mort de Grisegonelle Frottier, divers de ses
parents conjurèrent d'enlever par un -coup de force la seigneurie du Blanc,
qui lui appartenait ; sa veuve, Françoise d'Amboise, l'apprit ;
immédiatement, elle fit appel à l'ordre des « picaulx », une confrérie de
chevaliers poitevins qui se chargeait de défendre la veuve et l'orphelin : au
lieu de s'en remettre au pied boiteux de la justice, elle organisa une
expédition et ruina ses adversaires[110]. Malgré le caractère un peu
énergique du procédé, Louis XII en fut touché, et voulut bien pardonner. La
plupart de ces bonnes veuves passent une partie de leur vie dans des
chapelles de couvent, et c'est de ce côté-là que se produit une fissure à
leur esprit d'économie, car, selon de pieux auteurs, le diable se faufile
dans les sacristies[111]. Elles y rencontrent un frère
lai, chargé de faire fructifier les bonnes âmes ; elles commencent par
envoyer quelques belles tourtes en échange d'un De Profundis ; puis,
peu à peu, elles se décident à fonder une chapelle, puis à la faire peindre,
puis à la doter de quelque revenu[112]... Ou bien
elles reçoivent de bonnes religieuses des lettres charmantes : « Nous sommes
de pauvres femmes que votre départ laisse en détresse, et nous pouvons dire
que nous avons perdu tout notre bien. Nous portons encore les manteaux que
vous nous avez faits et nous allons sans pelisses, selon notre usage. Le
couvent n'a pas varié depuis votre départ..., si ce n'est que nous souffrons
cruellement du froid pendant l'hiver[113]. » Bien
des veuves graves et viriles, après avoir été mêlées aux affaires, ne
profitent de leur veuvage que pour oublier un monde où leur cœur n'a pas trouvé
sa pâture. Sitôt en règle avec les devoirs inévitables, c'est un plaisir pour
elles de distribuer leurs biens et de s'en aller. On ne saurait croire
combien le rêve de quelques années douces, paisibles, consacrées à l'âme,
hante le cœur des femmes que la mauvaise étoile d'une trop haute naissance a
jetées dans les affaires politiques ! Ainsi
aurait voulu finir Marguerite d'Autriche[114]. Ainsi finirent deux exquises
princesses de la maison de Lorraine : Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon,
qui d'abord s'attacha à un hôpital, puis au rude ordre des Clarisses[115] : Philippe de Gueldre,
entrée aussi chez les Clarisses, dès que son fils fut sur le trône ; elle y
vécut vingt-sept ans, dans la dernière des humilités, se qualifiant elle-même
de « ver de terre », quoique ses compagnes continuassent à
l'appeler « notre Révérende Mère la Reine[116] ». La
génération nouvelle verra peu de ces sublimes modesties. La plupart des
veuves vivent dans le monde[117] ; mais la liberté dont elles
jouissent, elles la paient cher et, en somme, elles n'en ont pas autant que
les femmes mariées. Elles sont gaies, et ne pèchent pas par les sacristies ;
elles n'arborent pas le vieux bonnet classique, encore cher aux Anglaises, un
bonnet à dégoûter du veuvage. Est-ce un crime ? non ; et cependant on ne leur
pardonnera pas la moindre incartade, ni l'apparence d'une incartade. Les
hommes voient dans toute veuve une perverse ou une hypocrite, et ils ne se
gênent pas pour le dire. Un médecin marchandait une mule, en présence d'une
dame veuve, et il ajoutait : « Je la veux veuve » ; comme le
marchand ne comprenait point : « Oui, veuve, c'est-à-dire grasse, coureuse et
mangeuse[118]. » C'est un dicton que, « si on
trouve sa femme un peu trop maigre, il faut la faire veuve[119] ». Une veuve ne représente
rien que de matériel ; et, du moment où « Monsieur Danger[120] » n'est plus là, il semble
que le péché lui-même perde son arome. On engage les veuves à ne fréquenter
que des chapelles désertes, à contempler pendant la nuit le crucifix[121]. Cette pitié part quelquefois
d'un bon naturel : mais souvent elle est odieuse, d'autant plus que tout le
monde, même les plus intimes serviteurs, se croit en droit d'y mêler des
suggestions pitoyables[122]. Anne de France s'indigne de
cette trahison universelle, qui révolte sa droiture[123]. Et
pourtant, à cette tyrannie-là la société en ajoute encore une autre. On
n'admet guère qu'une veuve se remarie[124]. Autant on lui eût reproché de
ne pas trouver un premier mari[125], autant on lui reprocherait
d'en trouver un second[126]. On lui pardonnerait plutôt une
faiblesse, un entraînement, qu'un nouveau lien. Qu'est-ce que cette femme qui
n'a pas eu trop d'un mari, et à qui cela ne suffit pas[127] ? Dans le peuple, on lui
fait un beau charivari. Marguerite de France brava le préjugé et se remaria :
c'était bien le fait d'une femme philosophe. Mais, en général, les veuves
sont encore retenues dans le veuvage par diverses considérations : d'abord,
la difficulté matérielle de trouver un mari. Les hommes font volontiers la
cour à une veuve, mais bien peu se dévouent à l'épouser ; une femme qui n'est
plus jeune, « une gerbe surbattue, » qui n'a plus rien à donner et qui a pris
des habitudes personnelles, c'est l'antipode de la petite fille de douze ans,
si recherchée ! Ensuite, la veuve elle-même jouit d'une vie tranquille et
large, grâce au douaire qu'un second mariage lui ferait perdre ; parfois elle
a reçu la totalité de la fortune de son mari, à condition de se consacrer aux
enfants[128]. Sur toutes choses, elle
possède l'autorité qui appartenait au défunt[129], et même il n'est pas rare que
le testament du mari lui lègue expressément cette autorité[130]. L'inconvénient de cette vie
d'affaires et de commandement, c'est précisément que la femme y perd un peu
de sa fleur de grâce et de douceur ; elle n'a plus besoin d'agir par la
persuasion et l'amour, puisqu'elle a la force en main, de sorte qu'elle devient
une sorte d'homme et qu'elle contracte quelques-uns des défauts dont elle
avait souffert chez son mari. Aussi on comprend très bien qu'une femme, qui
veut rester femme, s'ingénie, pour sa sécurité, pour son charme, à vivre à
l'ombre d'une chère mémoire, et qu'elle cultive avec le plus grand soin son
mari posthume. Là est sa véritable force. La
femme de la Renaissance, femme essentiellement fine, et savante en tout ce
qu'elle doit savoir, est donc d'une sincérité absolue, et il faut la croire,
lorsqu'elle dit du bien du mariage. Elle considère cette institution comme
parfaitement conciliable avec l'accomplissement d'une mission mondaine et
même comme favorable, presque comme indispensable. Elle n'a pas plus de
raison de cesser d'être mariée que de cesser de boire, de manger ou de
digérer : cela ne lie pas l'âme. Les idéalistes diffèrent des utilitaires en
ce qu'ils trouvent seulement qu'il y a assez d'un mariage, tandis que les
autres prétendent qu'il n'y en a jamais assez : les uns se voilent la face si
une veuve, insuffisamment éthérée, passe au bras d'un nouveau mari ; les
seconds applaudissent et s'imaginent par cette opération enchaîner la bête ;
cela nous intéresse peu. Le seul résultat important à constater, c'est qu'une
femme peut, sans cesser d'être femme, se rendre libre de son cœur et de son
activité, aussi bien qu'un homme. Quand elle arrive à cet état de liberté,
elle en rapporte tout l'honneur au mariage ; elle le bénit, au lieu de penser
qu'elle doit tout à elle-même ; le mariage est, comme beaucoup de choses
humaines, un mécanisme apte à produire la liberté, apte à produire la tyrannie,
et les femmes en ont simplement changé la direction. Elles exercent les pouvoirs intimes et domestiques ; leur rival, ce n'est pas le mari (on s'arrange avec lui), c'est l'homme qui soigne leur corps ou leur âme, et auquel par faiblesse, par paresse, elles sont portées à s'attacher comme un lierre anémique. Pour marquer leur place en ce monde, il faut, qu'elles-mêmes sachent se procurer ce qui fait le bonheur ; la santé du corps et de l'âme. Respectées de corps, il leur restait à se respecter d'âme, et à montrer que le vrai christianisme consiste à donner la force et la liberté, non à les ôter. |
[1]
Sermon nouveau ; les XV joyes.
[2]
Stapfer, Rabelais, p. 275.
[3]
Bouchet, Epistres morales, f° 21 ; Guevara, le Doctrinal des nouveaux
mariez ; Bigorne qui menge tous les hommes qui font le commandement de
leurs femmes.
[4]
JJ. 219, 33.
[5]
Müntz, Renaissance, III, 63.
[6]
Bareleta, f° 131, ch. IV.
[7]
Eust. Deschamps, Miroir de l'âme ; Anne de France, p. 48.
[8]
Lettre de Mme Bourré du Plessis ; Joubert, p. 221.
[9]
Dolce.
[10]
G. Meurier.
[11]
Bareleta, f° 6, 4e semaine de carême.
[12]
Genin, Lettres, p. 149.
[13]
JJ. 230, 52 ; 234 90 ; Gratien du Pont, f° 62.
[14]
Changy, pp.259, 254 ; Bouchet, Triumphes, f° 15.
[15]
Le Doctrinal des nouveaux maries.
[16]
Lettre de Mme Bourré du Plessis.
[17]
De l'Office du mari, ch. VII.
[18]
Uxor Memphigenos.
[19]
Espitres morales, f° 21 v°.
[20]
Le trop tost marié.
[21]
Alione, la Conqueste.
[22]
Erasme, Eloge de la folie ; Cardano, De Prudentia, ch. CVII ;
Guevara. A la longue, les meilleures choses elles-mêmes deviennent fastidieuses
: les hommes finissent par croire qu'ils se sacrifient. « Christ ne mourut
qu'une fois pour son Eglise nous, nous mourons tous les jours pour nos femmes,
» s'écrie un mari avec Arne ; ce à quoi une femme riposte : « Allez donc faire
campagne et coucher un mois sur la dure ; et vous ne serez pas fâché de
retrouver votre bon lit ! On n'apprécie ses aises qu'à condition de les perdre.
» (Hept., Nouvelle 54.)
[23]
JJ. 230, 136 v°.
[24]
P. Babillet : JJ, 235, 141 ; 230, 77, 214 v°, 191 ; 231, 5 ; 232, 21 v°, etc.,
etc.
[25]
Molmenti : Müntz, la Renaissance... de Charles VIII, p. 29 ; Amante, p.
199.
[26]
JJ. 233, 56.
[27]
JJ. 230, 75 v°.
[28]
Dolce.
[29]
Louise de Savoie, Vittoria Colonna, etc.
[30]
La grant Nef.
[31]
O. de la Marche.
[32]
Songe creux.
[33]
Le Doctrinal ; Guevara.
[34]
L. de Lincy.
Femme bonne qui
a mauvais mari
A souvent le
cœur marry...
Femme aime tant
comme elle peut,
Et homme comme
il veut.
[35]
Erasme, Dialogue matrimonial.
[36]
Les Ténèbres de mariage ; Gratien du Pont, etc.
[37]
Anne de France, pp. 50-57, 61-63.
[38]
Une femme, agacée que son mari lise le soir dans son lit, crie à la servante :
« Eh bien ! apporte-moi ma quenouille. » (Billon, pp. 69, 85.)
[39]
Proverbe (L. de Lincy).
[40]
Billon, p. 79 v°.
[41]
« Celluy qui n'ayme celluy duquel il est aymé est tenu homicide, et non
seulement homicide, mais aussi sacrilège et larron. » (Champier, De vraye
Amour.)
[42]
E. Deschamps, le Miroir.
[43]
Collerye, Sermon.
Il se commence à
soucyer
Et à chagrin
s'associer.
II plaint la
teste, puis les dents.
Et a les
oreilles pendans
Ne plus ne moins
comme un lymier.
[44]
Champier, De vraye Amour.
[45]
Proverbe (L. de Lincy).
[46]
Anne de France, pp. 48, 77 ; Guevara ; Dolce.
[47]
Evangile des quenouilles, p. 74.
[48]
Dialogue matrimonial.
[49]
Vous avez été chercher une petite pensionnaire, un ange qui n'osait lever les
yeux, et qu'on eût dite toute confite de candeur... Elle faisait ses réflexions
; elle vous attirait dans le traquenard, parce que votre situation, votre
fortune... lui convenaient, mais bien résolue, dans le fond de son âme, à vous
« dresser » plus tard ; elle le dit en confidence à ses amies :
« L'on dompte bien les
chevaux effrenez I »
(L'Amye de court ; J. d'Ivry, les Secretz.)
[50]
L'Heptaméron fait allusion à cette coutume et à ce mot.
[51]
Renonciation de Mme des Serpens, Archives du Collège héraldique, Orléanais,
n° 1064.
[52]
J. Bouchet, Annales d'Aquitaine, 121.
[53]
JJ. 234, 58 v°.
[54]
Garin, Songe creux ; Stulti fera navis, 60 ; Bouchet, Epistres
morales, f° 27.
[55]
Songe creux ; le Doctrinal des nouveaux mariez.
[56]
Cardani, Opera, II, 241.
[57]
Domenichi, p. 32.
[58]
Müntz, la Renaissance au temps de Charles VIII, p. 56.
[59]
Bianca-Maria Sforza, avec 400.000 ducats de numéraire et 100.000 ducats de
bijoux, épousa l'empereur Maximilien. Alexandre VI donna 300.000 ducats à sa
fille Lucrèce ; Catherine Sforza en reçut 10.000 ; Vittoria Colonna, 14.000 et
1.540 ducats de diamants.
[60]
Louis d'Orléans devint seigneur d'Asti, par Valentine de Milan ; Antonio
Piccolomini, duc d'Amalfi, par Marie d'Aragon (ms. lat. 4688) ; Louis de
Luxembourg, prince d'Altamura, par Aliénor de Baux (v. notre édition de Jean
d'Auton).
[61]
Jeanne de France.
[62]
Affaires de Mme de Martenville, de la Roche ; JJ. 234, 31 ; 233, f° 112, 113 r°
et v° ; Affaire de Jeanne de Cirières (Mme de Rochambeau ; Marchegay).
[63]
V. nos livres : la Veille de la Réforme
— Procédures politiques.
[64]
Comme nous l'avons montré dans notre Histoire de Louis XII, t. II.
[65]
Alione, not. Louange à sainte Catherine.
[66]
Alione a fait là-dessus une chanson :
Qui veut ouir
belle chanson
D'une fillette
de Lyon
Qui d'amour fut
requise,
Ale houe !
En venant de
l'église.
Mais elle en fut
reprise !
Ale houe !
Un bon copain
lui voulut donner
Cent florins
pour la marier,
Mais (Pourvu)
qu'elle fût s'amie
Ale houe !
Prenez-les, je
vous prie ;
De cœur les vous
octroie.
Ale houe !
A sa mère s'en
conseilla,
Qui lui dit que
bien la gardera
De cette
maladie.
Ale houe !
Il peut bien
dire pie,
Car il ne l'aura
mie.
Ale houe !
Les amoureux du
temps présent
Font des
promesses largement,
Et montrent main
garnie.
Ale houe !
Mais folle est
qui s'y fie :
Trop coûte la
folie !
Ale houe ! »
La fillette ne
voulut pas
Son conseil
croire, en celui cas ;
Car elle eut
plus Brant joie,
Ale houe !
De gagner sa
monnaie,
Cent florins de
Savoie.
Ale houe !
Cent florins
sont beaux et luisants ;
S'elle eust
fille vint et cincq ans,
Voire toute sa
vie,
Ale houe !
Toute sa
fillerie
N'en vaudrait la
moitié.
Ale houe !
[67]
Ms. fr. 26113, n° 1234, 1235 ; fr. 26110, f° 748, etc.
[68]
Fr. 2917, 23.
[69]
9 nov. 1508. Archives de Thouars.
[70]
Billon, p. 83 ; Champier.
[71]
Matth. Bossus à Bessarion : De immoderato mulierum cultu, dans H.
Drudonis. Practica.
[72]
Décrets de 1505, avril 1535, 1551 (Molmenti).
[73]
Un des amis de Marguerite de France, le respectable La Perrière, tonne encore
contre les mariages dus à l'argent ou à la beauté, qui n'aboutissent qu'à
mettre « ung renart en ung ermitage » (n° 93, 96).
[74]
Champier ; Gracien du Pont.
[75]
Castiglione.
[76]
Hept., Nouvelle 54.
[77]
JJ. 219, 45 ; le Doctrinal ; les XV joyes, n° 7, 8.
[78]
Guevara, l'Horloge ; id., Epitres, I, 271, 245 ; Dolce, pp. 10,
31.
[79]
Changy, p. 211.
[80]
L. Labé, p. 52.
[81]
Billon, p. 81.
[82]
Hept., Nouvelle 37.
[83]
La Contr'amye de court, p.181 ; Practica, IV, p. 175 ; Hept.
; Cl. Marot, épître XXX ; Navagero, Opera, p. 363.
[84]
Luzio, p. 137.
[85]
Pompeo Colonna. — Le lit de Vittoria Colonna, conservé à Naples au palais
Pescara, est extraordinairement large.
[86]
I, 184, 197.
[87]
Brantôme.
[88]
La orant Nef.
[89]
Les La Trémoille, III, 216.
[90]
Lettres manuscrites. Archives de Thouars.
[91]
Une dame de Florence, Alessandra Bardi, en apprenant la mort subite d'un de ses
fils, écrivait, à un autre de ses fils, cette belle lettre, si résignée : « Mon
doux fils, j'ai appris comment, le 23 du mois dernier, il a plu à Celui qui m'a
donné Matteo de le rappeler à Lui, en pleine connaissance, en pleine possession
de la grâce, avec tous les sacrements nécessaires à un bon et fidèle chrétien.
J'ai éprouvé une extrême amertume d'être privée d'un tel fils, et il me semble
que sa mort m'a causé un grand dommage, outre l'amour filial, et de même à vous
deux, mes fils, qui êtes réduits à si petit nombre. Je loue et remercie le
Seigneur de tout ce qui est sa volonté. » (Müntz, Histoire de la Renaissance,
t. I, p. 18.)
[92]
Volpi, p. 267.
[93]
Epistolæ, p. 177.
[94]
Billon, p. 80.
[95]
Nifo, De Amore, ch. CII.
[96]
Nifo, De Amore, ch. CII.
[97]
Épistres ép. 14e.
[98]
Epistola consolatoria.
[99]
M. de La Liborlière (cité par Quentin Bauchart, les Femmes bibliophiles,
II, 463).
[100]
L'agent de Mantoue rend ainsi compte de sa visite de condoléance à la duchesse
d'Urbin : « Je la trouvai dans sa chambre, avec ses dames, toute en noir, les
fenêtres fermées, la pièce éclairée par un seul flambeau posé par terre ; elle
était assise sur un coussin, un voile noir sur la tête, la robe montante, ou
tout au moins la poitrine couverte d'un voile jusqu'au menton... Elle me tendit
la main et ses larmes tout ensemble ; un moment se passa avant que ses sanglots
et les miens nous permissent de parler. Je lui remis la lettre de Votre
Seigneurie et lui fis ma visite, mes condoléances et mes encouragements en
quelques paroles, pour ne pas trop la retenir dans cette douleur. Je lui fis
aussi les recommandations et offres dont j'étais chargé par mon Illustrissime
Seigneur. Les unes et les autres lui furent agréables. » Ensuite, on parla de
Mantoue, de la famille Gonzague ; la duchesse retint l'ambassadeur plus de deux
heures. Le lendemain, nouvelle visite de plus de trois heures : cette fois,
l'esprit reprit le dessus, on échangea de beaux raisonnements ; et
l'ambassadeur réussit à faire rire la duchesse. (7 mai 1508. Luzio, p. 183.
Bembo et Castiglione racontent également ce deuil.)
[101]
La Vauguyon, f° 31.
[102]
P. 115, 117.
[103]
Montaigne, liv. II, ch. XXXV.
Quant â lui, il ne désire ni pleurs, ni oraison funèbre : « Je renonce dès
à présent aux favorables témoignages qu'on me voudra donner, non parce que j'en
seray digne, mais parce que je serai mort. »
[104]
Guevara, p. 278.
[105]
Nifo, ch. XCII.
[106]
Nifo, ch. CII.
[107]
Bonaffé.
[108]
L. de Lincy.
[109]
Christine de Pisan ; Firenzuola, Nouvelle 10 ; Bareleta, f° 41, ch. II.
[110]
JJ, 235, 21.
[111]
Changy, p. 289 : Facetus.
[112]
Firenzuola, Nouvelle 10.
[113]
8 juin 1508. Sœurs Domicella et Elena, de Forli, à Catherine Sforza. (Pasolini,
Caterina Sforza, III, n° 1336).
[114]
Baux, p. 118.
[115]
Yves Magistri, p. 260.
[116]
Quentin Bauchart, les Femmes bibliophiles, II, 368 et s,
[117]
Camer, dans Amante, p. 199.
[118]
Brantôme, VII, 167.
[119]
Brantôme, VII, 168.
[120]
Arresta amorum.
[121]
Vivès : Bouchet, Triumphes, f° 55 v° ; Epistres, f° 19 v°.
[122]
JJ. 233, 77 v° ; 112, 217, n° 142 : Hept., Nouvelle 49, etc.
[123]
P. 117. Elle-même cependant employait au besoin les arguments les plus
convaincants. Elle avait confisqué les bijoux de sa cousine, la comtesse de
Montpensier, qui passait pour une veuve un peu surexcitable, et elle refusait
de les lui rendre (Bibl. de l'Institut, ms. Godefroy 255, f° 3-4).
[124]
Les XV joyes du mariage dénombraient, au contraire, parmi les calamités
domestiques le fait de revenir de guerre après une longue captivité et de
trouver sa femme affublée d'un nouveau seigneur et maitre (n° 12).
[125]
« Il n'y a homme pour toi », injure d'un paysan à une femme dans une rixe.
JJ. 234, 15.
[126]
La Vauguyon, 31 ; Changy, p. 148 ; Bouchet, Epistres, f° 19 v° ; le
Tasse, p. 146.
[127]
Bouchet, les Regnars : Barbaro, f° 1 ; les XV joyes, 14.
[128]
Firenzuola, Nouvelle 10.
[129]
Dolce.
[130]
« Soiés obéissant à. vostre mère, portés luy honneur et révérence, et prenés
garde de luy complaire en tout ce que vous pou-rés, commé le luy debvés, tant
parce que c'est le commandement de Dieu, que je scay qu'elle le mérite, et que
le debvés faire sy voulés réussir à bonne fin, car, l'aiant cognue, je scay
qu'elle vous conseillera sy bien qu'en serés contens. » (Instruction du duc de
Nemours.)