Le
déboire qui attend presque infailliblement les mères du côté de leurs fils
doit trouver sa compensation du côté des filles... Qu'on nous pardonne
d'entrer dans tous ces détails ! Nous ne pouvons pas faire l'histoire du cœur
des femmes sans pénétrer d'abord, aussi profondément que possible, le secret
de leurs saintes passions maternelles et filiales. Nous sommes partis de
cette solide donnée du mariage à la vieille mode, tout raisonnable et
physique. La- sensibilité des femmes a commencé d'éclore au contact des
misères physiques ; elle a créé la garde-malade et l'aumônière. Puis la mère
est née. L'amour pour ses fils ne peut aboutir qu'à la séparation. Le cœur
féminin va aborder une nouvelle étape, l'amour de la mère pour sa fille. Ici,
aucune ingérence tierce n'est à craindre. La fille appartient à la mère, et
le père même ne cherche pas à se mêler dans leur intimité : « La police
féminine a un train mystérieux, il faut le leur quitter[1]. » Que le père prépare la dot,
voilà tout ce qu'on lui demande[2]. Dans le monde précis et un peu
rude qui sortait du moyen âge, les fonctions se trouvaient très nettement
délimitées. Ce que
le père ignore, nous avons le plus grand intérêt à le connaître. Nous voulons
savoir ce qui se passe entre mère et fille, et comment se forment les femmes
de l'avenir, car c'est aussi le moyen de savoir si la mère a pu se créer dans
son foyer une joie stable, et si elle se loue assez des principes avec
lesquels elle a été élevée pour les appliquer à sa fille. Plus loin, nous
aurons à traiter de questions plus brillantes, d'idées beaucoup plus
hautement artistiques et philosophiques ; nous n'en rencontrerons pas qui
nous fassent mieux connaître l'état intime des âmes féminines. Toutes les
rumeurs sociales bruissent dans la moindre question d'éducation, comme
l'Océan bruit dans un coquillage... Il s'en
faut de beaucoup que les historiens se soient mis d'accord pour nous
apprendre comment on élevait alors les jeunes filles. Un vieux proverbe, faux
d'ailleurs, disait : « La mère nourrit, le père instruit[3], » ce qui signifie, en bon
français, que la mère n'instruit jamais et ne sait que donner à téter ; et
comme, d'autre part, les traités d'éducation ne nous parlent jamais que des
garçons ou, tout au plus, des « enfants[4] », qu'ils ne prononcent
pour ainsi dire pas le mot « filles », quelques historiens ont conclu
qu'on laissait les filles végéter, sans se préoccuper de les instruire ;
d'autres, et non des moindres, MM. Burckhardt[5], Minghetti[6], ont cru au contraire qu'elles
suivaient tout simplement le même programme que les garçons. Nous ne
dirons aucun mal de ces deux opinions si contradictoires, parce qu'elles nous
paraissent toutes deux vraies en un certain sens. La
question d'éducation dépend réellement d'une autre question bien plus haute,
celle que nous nous posons dans ce livre : Quelle doit être la vie des femmes
? Où doivent-elles chercher leur bonheur ? Et d'abord, nous nous heurtons à
un très gros point d'interrogation. Veut-on continuer à marier passivement la
femme comme nous l'avons vu, la laisser presque esclave, — ou la mettre en
état de se défendre ? A-t-on pour but de la rendre obéissante, un miroir des
idées d'autrui, dépourvue de toute idée propre, et d'autant plus heureuse
qu'elle ne connaîtra rien au-delà de l'étroitesse de sa chambre à coucher ?
ou bien croit-on meilleur de la rendre active, instruite, individuelle,
capable de raisonner et d'agir ? La mère devra-t-elle simplement rester une
gardienne provisoire, chargée de conserver une petite fille pour un maître
avéré, qui va la former et l'instruire à sa guise, et à qui elle appartiendra
aussitôt que possible, dès sa première fleur[7] ; ou bien cette mère peut-elle,
sans inconvénient, se rapprocher de sa fille et, précisément parce qu'il
faudra la donner à un autre, l'armer d'indépendance et d'esprit, même en
sachant bien que tôt ou tard on laisse en route quelque pièce de l'armure ?
Voilà toute la question. Et l'éducation en dépend ! Dans le
premier cas, c'est-à-dire suivant le système classique, la mère prépare une
page blanche. Elle n'a pas grand'chose à faire, sinon favoriser une
végétation aussi robuste que possible, un déploiement de force et de beauté,
maintenir le repos le plus absolu, respecter et même prolonger l'enfance[8]. Le programme ne nécessite pas
de longues dissertations ; il consiste à proscrire les moindres tensions
d'esprit, même sous la forme de petits jeux[9], à conserver une simplicité
absolue[10], une vie renfermée[11], à éviter jusqu'aux exercices
physiques un peu accentués. Au point de vue intellectuel, il admet, dans sa
partie artistique, quelques menus travaux d'aiguille (tapisserie,
filet ou autres) ;
de la musique, non pas de la musique suggestive ou légère, mais de la musique
classique ; comme lectures d'agrément, quelques livres élémentaires de piété
et de morale ; comme science, quelques notions de physique, d'agriculture, de
médecine, quelques explications philosophiques sur les grandes questions
morales, telles que le péché originel, la Rédemption, l'immortalité de l'âme
et, en général, le Credo. C'est ainsi qu'on a formé la petite mariée, vigoureuse,
reposée, prosaïque, timide, qu'au début de ce livre nous avons vu conduire à
l'autel. Elle est ignorante, tant mieux ! elle ne fait que naître à la vie,
mais elle apporte comme enjeu une santé solide et un bon équilibre général ;
à treize ans, c'est quelque chose. Le mari fera le reste. Et
qu'on ne croie pas que ce système, pour barbare qu'il puisse paraître à
quelques personnes, passe pour si mal conçu ! Il a de nombreux amis. Les
docteurs du moyen âge, depuis le vénérable Egidio Colonna jusqu'à l'illustre
Gerson, ne se sont pas fait, des besoins de la femme, une autre idée ; Gerson
a même émis cet aphorisme (que, d'ailleurs, il ne faut pas exagérer) : « Tout enseignement pour les
femmes doit être considéré comme suspect[12]. » En cela, ils sont
d'accord avec les médecins, qui engagent tous à pécher par excès de réserve[13]. On a invoqué aussi à l'appui
de cette thèse le grand nom de saint Jean Chrysostome[14], et celui de Lycurgue qui
voulait prolonger jusqu'à dix-huit ans (même en Grèce) l'enfance des jeunes filles et
la consacrer aux soins physiques[15]. Dans ce
système, les mères ne peuvent s'attacher beaucoup à leurs filles, et encore
moins se mêler à leur vie. Une
mère inspirée par son ardent dévouement à une fille unique, et en même temps
très au fait des nécessités réelles de l'existence, Anne de France, a
pourtant montré quel haut parti on pouvait encore tirer de ces données
d'apparence rudimentaire, tout en respectant l'avis des médecins et celui de
Gerson. Elle a consigné ses vues dans un opuscule purement pratique et
intime, à l'usage de sa fille, écrit au jour le jour avec un certain
désordre, selon le hasard des réflexions ou des lectures, sans la moindre
préoccupation de soutenir une thèse, et qui nous livre ex abrupto le secret
de sa pensée. Anne
s'attache à l'éducation, et non à l'instruction : elle désire une éducation
spontanée, et en quelque sorte automatique, qui résulterait simplement, non
pas d'une intimité vraie entre mère et fille, et encore moins d'un sentiment
d'égalité, mais d'une bonne association franche, affectueuse, de manière que
la mère déteigne sur l'enfant « comme le bon vin teint son fût[16] ». Cette
formule si bénigne suppose déjà une culture -d'esprit étendue et une certaine
robustesse d'intelligence. Anne de France entend que l'éducation morale et
philosophique s'opère avec l'aide de Boèce, de Platon, des Pères de l'Eglise,
des philosophes anciens, et, cela va sans dire, d'après le texte des « Enseignements
de saint Louis[17]. » En
revanche, elle ne se soucie pas de développer l'imagination ni la sensibilité
; elle a horreur de l'afféterie, de tout ce qui lui parait sentir la
recherche, le convenu, le théâtral ; elle n'en veut nulle part, ni dans le
costume, où elle repousse aussi bien la fausse simplicité que la fausse
élégance, ni dans la conversation, ni dans les études, ni dans la conduite.
Elle n'aime que la splendeur de la vérité, la glorification du réel par ses
nobles côtés. Elle veut tremper l'âme d'une jeune fille par l'habitude
d'approfondir ses recherches et ses idées, et d'appuyer toujours son
raisonnement sur des prémisses évidentes, telles que la certitude de la mort
ou l'existence de Dieu[18]. Il
résulte de ces principes, non pas un scepticisme critique, identique à celui
(le Montaigne, de Pascal ou de Descartes, mais, si on peut ainsi dire, un
scepticisme vigoureux et affirmatif, c'est-à-dire le souci absolu, et presque
un peu âpre, de regarder les choses de la vie sans ambages, comme des choses
graves, mais éphémères, et de ne pas leur prêter des couleurs, des formes,
une portée qu'elles n'ont pas, de ne pas les farder. Comme fil conducteur,
Anne de France s'attache à une morale précise et indépendante, qui, fortement
ancrée sur la foi religieuse, défie tout aussi bien les découragements et les
lassitudes que les illusions : au-delà du flot changeant des réalités
mondaines, nûment perçues, elle montre d'autres réalités, qui lui paraissent
aussi nettes, aussi positives, et où elle trouve un ferme point de repère. En
fondant ainsi l'éducation féminine sur l'idée sévère du vrai et sur
l'individualisme, Anne craint l'invasion de l'esthétisme plutôt qu'elle ne la
souhaite. Ce qu'il faut, à son avis, c'est former des femmes énergiques,
vigoureuses de corps et d'esprit ; elle veut développer la volonté et la
fermeté, qui sont des vertus pratiques. Non pas certes que personnellement
elle dédaigne le Beau ! elle a donné assez de preuves du contraire ! Elle a
aimé un art plein de verdeur et de ragoût ; c'est une fine connaisseuse, une
royale protectrice ! elle trouve si naturel le charme des belles choses
qu'elle compte bien en transmettre le goût à sa fille. C'est aussi une
philosophe accomplie, qui lit Platon, précaution que négligeaient des
platoniciennes plus avérées. Mais elle est persuadée que l'ère de la lutte ne
fait que s'ouvrir pour les femmes, et qu'il faut s'armer pour la soutenir.
Elle n'incline aucunement à l'utilitarisme germanique ; elle ne se
contenterait pas des études que préconise Luther, ni du programme de vertu
élémentaire qui suffit à Calvin, mais elle n'a pas confiance non plus dans
l'idéalisme romain. Le monde n'est pas encore assez parfait ! Elle salue avec
joie l'aurore, elle ne croit pas le jour arrivé. Il faut que les femmes ne
s'en tiennent pas au dilettantisme des impressions, qu'elles raisonnent ce
qu'elles aiment, et qu'elles veuillent ce qu'elles raisonnent. Qu'elles
soient des reines, cela serait à merveille ; mais pour le moment il suffit
qu'elles ne se laissent pas écraser. Il leur faut de la volonté, de l'esprit
de suite et de la personnalité. Voilà
un programme assez net. Ces mêmes idées obtiennent en Espagne un succès si
vif qu'on ne se contente pas du terme moyen imaginé par Anne de France, et de
cette éducation toute morale qui laisserait la fille à la mère pendant
quelques très courtes années. Les circonstances pressent les événements
marchent, les idées bouillonnent : on sacrifie une partie des anciens
principes, le repos physique et moral recommandé par les médecins, on
précipite les enfants dans la fournaise. Les fillettes apprennent le latin en
tétant ; puis, l'âme expropriée pour ainsi dire au nom de l'intérêt public,
elles reçoivent un précepteur, à l'âge où elles ne devraient apprendre qu'à
marcher : il faut qu'à sept ans elles puissent tenir une conversation[19], qu'à treize elles aient fini
leurs études et soient en état de se marier. Ce
programme, d'une intensivité qu'on serait tenté, au premier abord, de croire
chimérique, a été non seulement exposé, mais largement pratiqué par un des
hommes les plus en vue de cette époque, Vivès, précepteur des filles
d'Isabelle la Catholique[20]. Vivès suivit en Angleterre
Catherine d'Aragon, et là, dans un pays d'aspirations positives, il put se
croire encore en Espagne, tant il fit fleurir ses idées avec le même feu et
le même enthousiasme. Sa ferveur amena une révolution, ou plutôt, comme le
disait en riant Erasme, un retournement dans la haute société ; les hommes,
qui continuaient à courir les mers et à commercer, tombèrent au second rang,
et les jeunes miss, passées au premier, tirèrent à qui mieux mieux d'étranges
feux «d'artifice ; à treize ans, Jane Grey lisait Platon en grec[21], Marie Stuart prononçait en
public son premier discours latin[22] ; à quatorze, la reine
Elisabeth traduisait une œuvre de Marguerite de France, le Miroir de l'âme
pécheresse ; l'esprit de ces enfants ne connaît point de frontières, et
le même souffle du nord au sud attise les mêmes flammes. Sainte Thérèse, qui
naquit en 1515, est un bien bon spécimen de ses contemporaines. N'ayant plus
de mère et appartenant à une famille de douze enfants, elle ne fut
certainement l'objet d'aucun entraînement spécial, elle marchait avec sa
génération ; or, à six ans, déjà emportée, selon sa propre expression, par «
un violent mouvement d'amour », il fallut l'empêcher d'aller en Afrique, pour
se faire massacrer et gagner le ciel économiquement. Quelles singulières
figures de filles ! Ce qui
pousse en avant, c'est la crainte générale qu'on a du mari, l'urgence
d'arriver en temps utile à un bon état de défense et même de supériorité. Le
spectre du mariage se dresse et fascine éducateurs
et élèves. H faut dire qu'à dix ans des personnes telles qu'Anne de France et
Marguerite de France ont déjà disposé de leur cœur ! De sorte qu'en les accablant de travail, on croit aussi les défendre
contre elles-mêmes. « Les cratères de l'Etna, la caverne de Vulcain, le
Vésuve, l'Olympe ne peuvent comparer leurs feux à ceux du tempérament d'une
jeune personne enflammée par la bonne chère, » s'écrie Vivès. Pour mieux
éteindre ces volcans, Vivès ajoute au régime du travail celui de l'eau et des
légumes, ce qu'il nomme sévèrement le « jeûne perpétuel » de la vie
chrétienne ; il défend de danser, il compte sur les études sérieuses pour
préserver de la vanité et pour ouvrir à l'emportement des esprits de larges
horizons. En somme, il accentue beaucoup plus la note scientifique qu'Anne de
France, mais il tend au même but. Comme elle, il convient, et même très
chaudement, qu'il faut marcher droit au mariage, ne se fiant plus qu'à moitié
au vieil idéal de la virginité[23] ; lui aussi, il a une telle
horreur des vains marivaudages[24], des mièvreries[25], des romans, de la poésie, de
toute sensibilité et sensiblerie, qu'il dispense ses élèves d'apprendre
l'italien et le français : il les veut individuelles, énergiques. Mais, en
véritable Espagnol, enthousiaste, stoïque, il aime ces natures passionnées. Il
ressemble un peu à ce président qui, officiellement, interrompait un avocat
trop agressif, et qui, tout bas, lui disait de continuer. Il a peur des
incandescences, mais il y voit l'instrument de la régénération. Ces petites filles
de treize ans, rompues à la lecture de l'Ecriture sainte, bardées d'histoire
et de morale, de Xénophon et de Sénèque, il les lance à la conquête du monde,
pour faire leur métier de femmes ; il veut qu'en abordant l'exégèse biblique
elles se composent à elles-mêmes une religion philosophique et qu'elles
sachent apprécier rationnellement le catholicisme comme la source de justice
et de science, et comme la seule panacée sociale[26]. Voilà ce qu'il prêche aux
filles d'Isabelle la Catholique. Luther a-t-il plus tranché dans le vif, et
tracé un programme plus nouveau et plus magnifique ? Achevons
de peindre Vivès, et avec lui beaucoup de jeunes femmes de la génération
nouvelle, en ajoutant qu'il ne dédaigne aucunement la science pratique de
cuisine courante, d'économie domestique, de médecine usuelle[27]. On pourrait croire qu'il n'a
de feu que pour la Bible, et il ne manque pas de mauvais plaisants pour jeter
la pierre à ses femmes latinistes[28] ; au contraire, il prêche la
cuisine, mais c'est au détriment des chiffons et des poupées. « Eh quoi,
s'écrie-t-il, une main un peu noire de charbon ne vaut-elle pas une blanche
main ouverte à tout venant ! ... » Pour sa joie parfaite, il faut qu'un père
ou une mère tombe malade ; alors on verra sa latiniste, en tablier blanc,
apporter une tisane qu'elle a confectionnée elle-même, et y ajouter un de ces
sourires, grâce auxquels on avalerait une pharmacie. Voilà, d'après lui, le
cachet de son système : l'intelligence utile, le dévouement physique et moral[29]. L'école
italienne s'inspire bien plus directement du besoin d'idéal ; elle repousse
la passion comme dangereuse, et vise à la simple sensibilité. Elle aussi,
elle prétend s'appuyer sur des notions de vérité précise, mais plus
élémentaires ; et elle ne les donne pas comme des connaissances, parce qu'à
son avis le but que doit se proposer une femme n'est pas de savoir, mais de
sentir et de juger. Son éducation est avant tout une éducation d'impressions,
d'enthousiasme, où la vérité scientifique n'intervient que pour fournir du
lest et empêcher une sérénité exagérée ou une trop grande confiance dans la
vie. Douce, élégante, elle conserve comme un arrière-parfum de cette noble
ville de Rome, où des prélats délicats et cérémonieux, gourmets, mais non
cuisiniers, laissaient l'argent arriver jusqu'à eux par d'immenses aqueducs
intellectuels, et se chargeaient de l'écouler en pompeuses cascades. Des
mains noires de charbon ! un lazzarone en rougirait ! Il n'y a que des
princesses en Italie. Dolce,
italien suprême, prend, pour former une italienne, les éléments convenus :
chasteté, pudeur, réserve, recueillement, étude suivie (et surtout
très libre, sans coupures)
des classiques et des Pères de l'Eglise[30], et de tout cela il vous
modèlera ce qu'il pourra imaginer de plus doux. L'oisiveté
et la mélancolie, voilà ses deux grandes ennemies ; l'amour, point. Pourquoi
éviterait-on de cultiver soigneusement chez une jeune fille la faculté
d'aimer, puisque, comme femme, elle y trouvera sa principale ressource ?
Repousser l'idée de l'amour, éviter même de prononcer le mot, et puis, comme
Vivès, s'ingénier à créer des dérivatifs à outrance, c'est, d'après Dolce, un
procédé naïf et très peu sûr ; il vaut bien mieux aborder nettement la
question et amortir d'avance les chocs en faisant sucer la substance
adoucissante du platonisme, en montrant d'une part le corps misérable, le vil
amour terrestre, et, de l'autre, le bel amour divin, éthéré[31]. Les femmes peuvent se perdre
par la passion, mais elles peuvent se sauver par la sensibilité de manière
que Dolce les nourrit des classiques du genre : Virgile, un choix d'Horace,
Dante, Pétrarque, Bembo, Sannazar, et surtout, avant tout, Castiglione[32]. Ses contradicteurs trouvent, à
leur tour, ce système un peu hardi ; ils lui reprochent d'aller au-devant du
péril, de mettre dans des mains encore très faibles le grand glaive à deux
tranchants, qui blesse souvent des mains plus solides... A cette objection,
Dolce fait, au nom du Beau, la même réponse que Vivès faisait au nom du Vrai.
Il croit, lui aussi, qu'une libre éducation est mieux faite pour créer des âmes
résistantes. Il cite, à l'appui de sa thèse, Corinne et mille autres héroïnes
antiques, impeccables par littérature, et dans les temps présents, les quatre
filles de la reine Isabelle, élèves de Vivès[33] ; toutes quatre, en effet,
également accomplies, et, du reste, également malheureuses... mais peut-on
raisonnablement leur en vouloir de leurs malheurs ? Ainsi,
d'après Dolce, pour les jeunes filles, pas d'études abstraites ou sévères, « drogueries
vaines et inutiles, » qui ne peuvent que les assujettir aux hommes. « Il
ne faut qu'éveiller un peu et réchauffer les facultés qui sont dans les
femmes. » Pour « commander à la baguette », il leur suffira de rester ce
qu'elles sont, avec leurs dons naturels[34]. A quoi bon leur apprendre, par
exemple, la chronologie exacte et les subtilités de l'histoire ? il faut leur
apprendre à lire l'histoire, à ressentir dans le récit exact des faits
l'impression des émotions poignantes et des combats moraux que l'historien,
nécessairement, indique d'un trait plus ou moins léger, et puis à relier les
événements dans leur tête, et à en tirer la substance, la haute logique
morale. En philosophie, elles n'ont pas besoin de grands principes
métaphysiques ; mais il leur importe de comprendre que le malheur existe,
qu'il y a partout des souffrances, souvent cachées et cependant trop réelles.
La femme conspire avec le ciel ! Il suffit d'émonder les épines qui la gênent
; elle poussera naturellement vers la lumière, elle pompera, comme une fleur,
le suc de la terre, c'est-à-dire l'amour. Le froment, qui doit être mis sous
la meule, pour faire du pain, a besoin de rudes labours ; une belle fleur
délicate ne demande souvent qu'un peu de terre et beaucoup de ciel. Ainsi,
en effet, s'épanouirent, presque spontanément, tant de délicieuses
Italiennes, heureuses de vivre, joie et félicité du monde, pétries de poésie,
d'archéologie, de rhétorique, de philosophie ; toutes attiques à treize ans.
La floraison fut universelle, sauf sur un point, à Venise, pays
demi-germanique, demi-oriental, où l'on s'obstinait à séquestrer les enfants
jusqu'au jour de leur mariage, sans rien montrer d'elles que des paquets de
mousseline le dimanche[35]. Il ne semble pourtant pas qu'à
Venise il y ait eu plus d'anges qu'ailleurs, et on n'a pas réussi à y
ressusciter le type, désormais méconnu, des matrones hypnotisées par l'aspect
sévère de leur mari et par l'idée de la mort... L'Italie s'est peuplée de
fées, qui pensent noblement à tous les hommes, et qui portent admirablement
leur double parure : de beaux bijoux et un bel esprit. Bembo l'a dit : « Une
petite fille doit apprendre le latin ; cela met le comble à ses charmes[36]. » Louise
de Savoie éleva sa fille Marguerite suivant ces principes italiens, à une
époque où la France ne les comprenait pas encore ; Marguerite fleurit ; elle
sut un peu de tout (et même trop), notamment de la philosophie, de la théologie,
elle apprit du latin, de l'hébreu, de l'italien, de l'espagnol ; mais elle ne
savait parler que français[37]. A neuf
ans, elle était infiniment déliée et faite ; à treize, elle inspirait tant
d'admiration qu'on la trouvait « plutôt persane que française[38] » ... On ne
s'aperçut pas tout de suite des inconvénients du système, qui étaient de
développer chez les femmes une soit de Tantale, d'exciter la trépidation
inquiète, la nervosité, dont les anciens docteurs de l'école de Gerson
prétendaient se garer, et que Vivès avait cru éviter en tendant les efforts
vers un but précis. On ne fut frappé que des avantages immédiats. Erasme
gémit, à fendre l'âme, devant les petites filles qu'il rencontre encore dans
les Pays-Bas, pauvres êtres ignares, lippues, fortes en chair, montées sur de
hauts talons pour paraître déjà grandes, bien enjuponnées, harnachées et
empanachées de rubans. avec des airs de péronnelles
inconscientes : « Je me demande, s'écrie-t-il, si ce sont des poupées, des
singes ou des filles[39]. » Comme il aurait voulu
secouer tout cela, et y ingurgiter un peu de grec ou de français, ne fût-ce
qu'un peu de latin ! Un
homme naïf disait à Marguerite : « Entre les hommes et vous, les
fonctions varient, mais les vertus doivent être égales. » Il se trompait
: les vertus des femmes doivent être supérieures. Mais si
les femmes se croient appelées à gouverner au lieu d'obéir, ou si du moins
elles ne doivent qu'une obéissance raisonnée, si elles ne sont plus la chose
encombrante dont un père se débarrassait le plus tôt possible et qu'un homme
recevait en toute propriété de corps et d'âme, si elles désirent compter, si
on se figure le mariage comme le rapprochement de deux personnes également
libres, comme la fin et non comme le commencement de l'éducation, si la femme
n'est plus l'élève de son mari et s'il vaut mieux qu'elle arrive toute
instruite, une conséquence bien naturelle va s'imposer, quoi qu'on puisse
dire[40] ou penser : les femmes se
marieront plus tard, elles voudront choisir de même que les hommes, et poser
leurs conditions, elles s'imagineront ainsi être plus libres et probablement
faire une meilleure affaire, car elles sont devenues-femmes d'esprit. On eut
la bonne fortune de découvrir qu'en somme Lycurgue préférait le mariage à
vingt ans, de sorte que, dans les familles les plus aristocratiques et les
plus traditionnelles, on se résigna parfaitement à attendre jusqu'à dix-sept
ans[41], et que les personnes hardies
trouvèrent « moderne » de se marier beaucoup plus tard ; Marguerite de Savoie
ne se maria qu'à trente-sept ans. Cette
réforme si importante n'aboutit pas à créer tout à fait ce que nous sommes
convenus d'appeler la « vie de jeune fille ». La
théorie italienne a beau enguirlander la vie et conserver l'heureuse
ignorance des problèmes physiologiques, il n'était pas facile à une Française
d'aller jusque-là et de garder cette belle innocence
[42], étant entourée de gens qui
appelaient le-, choses par leur nom[43] avec aussi peu d'idéalisme
qu'au temps où elle naissait toute mariée. La vie
de jeune fille n'était pas la douce fiction qui permet toutes les espérances
et dissimule les réalités ; c'était plutôt un apprentissage : et après tout,
puisque la femme doit remplir dans l'humanité une mission personnelle, qui
consistera à remettre à neuf, à recoudre les cœurs, il semble qu'elle ait
autant besoin de cet apprentissage qu'une blanchisseuse ou une couturière. L'art
ne peut mieux s'apprendre que dans la condition virginale[44]. Dès
lors, il devient exact de dire que les jeun, filles reçoivent la même
éducation que les homme-, seulement, elles la reçoivent plus complètement
puisqu'elles débutent plus tard dans la vie. D'abord,
elles ont des professeurs hommes, ou même un précepteur[45]. Marguerite de France n'eut que
des précepteurs, comme son frère : singulière anomalie, dans un temps où les
femmes se piquaient d'en remontrer aux hommes ! nous ne chercherons pas à
l'expliquer. Les humanistes les plus admirateurs de l'esprit féministe ont
horreur des institutrices[46], et n'admettent pas qu'on
discute le monopole d'enseignement ; même en Espagne, pays des femmes
savantes, Vivès tient à un enseignement masculin[47]. Le rôle
de précepteurs de femmes n'est pourtant pas bien achalandé ; il échoit
souvent à des personnages d'ordre plus ou moins secondaire[48], qui le prennent assez
gaiement, et jusque dans des maisons princières on a quelque peine à y
retenir un homme sérieux[49]. Ces
jeunes gens se transforment volontiers en amis et en camarades ; Brantôme les
accuse de mille travers et va jusqu'à les comparer aux médecins et aux
apothicaires[50] ; on en a même vu, parait-il,
enlever leurs élèves, mais il faut croire que c'est pur accident, et que leur
gaîté prend ordinairement un tour plus délicat. Eustorg de Beaulieu rappelle
en riant à une de ses élèves, maintenant mariée et grave mère de famille à
Tulle, le temps où elle rêvait de sa leçon, et où elle disait qu'elle aimait
mieux aller au clavecin qu'à confesse[51]. Une autre de ses élèves, la
jeune Hélène Gondy, de Lyon, l'appelait plaisamment « son Hector » ; il
acceptait, mais à condition expresse de ne pas mourir bêtement pour elle,
comme « l'autre Hector[52] ». Une troisième, Mlle de
Tournon, se mit en tête de faire un évêque de ce brave professeur, si jovial
et si aimable ; cette fois, Eustorg se mit en travers et déclara carrément
qu'il se sentait le crâne trop épais[53]. On
suivait donc le conseil de Dolce ; la mélancolie était bannie. Mais je ne
sais si on distinguait d'une manière transcendante les deux espèces d'amour,
ni si les jeunes maîtres possédaient l'art exquis de ne faire fleurir que la
chimère et la douceur. En France et ailleurs, à ce qu'il semble, ils
traitaient plutôt leurs élèves virilement, par la bravoure des idées ; c'est
du moins l'impression que nous laisse Erasme dans ses dialogues : la Jeune
Fille et l'Amoureux, l'Adolescent et la Courtisane. Brantôme leur reproche
une certaine tendance à se servir particulièrement des passages scabreux de
la Bible ou des auteurs, pour enseigner la théologie et le beau langage. Les
jeunes filles arrivent ainsi à une parfaite indépendance d'esprit. On ne peut
même pas les comparer aux Américaines actuelles, car leur vieux fond français
encore vert et presque un peu sauvage se mélange étonnamment de quintessences
italiennes. Beaucoup d'entre elles, à partir d'un certain âge, vont mener
grand train leurs études, Pétrarque, Erasme leur paraissent un peu eau claire
; elles préfèrent travailler avec le Pogge ou Boccace. Les conversations sont
intrépides[54]. Ah ! il n'y a pas à se gêner
avec elles ! On s'amuse ferme. Elles
se jettent sur les romans, les nouvelles, les comédies[55] ; il leur semble que ces belles
intrigues, ces passions échevelées constituent la vie idéale[56]. Ce sont des demi-vierges. «
Avec tous ces romans lascivieux, vous n'aurez virginité entière[57]. » Dire
l'indignation et la douleur des gens de vieux style à ce spectacle est chose
impossible[58]. « J'aimerais mieux, crie
Vivès, voir une jeune fille sourde et aveugle que surexcitée ainsi comme à
plaisir. » Si encore on alléguait des satisfactions artistiques !... Mais
tous ces romans ne ressemblaient guère aux fines analyses modernes, qui sont
quelquefois des chefs-d'œuvre de philosophie ; c'était un tissu d'aventures
plus invraisemblables les unes que les autres. Vivès ne comprend pas comment,
ne fût-ce qu'au simple point de vue du goût, des jeunes filles de bon sens
peuvent se passionner pour des choses si extravagantes, un chevalier mort et
qui ressuscite à la page suivante, un homme qui massacre cent ennemis à lui
tout seul..., et comment on peut prendre pour un demi-dieu l'auteur de
pareilles billevesées. Il prie en grâce les mères d'intervenir, de se donner
la peine de parcourir un livre avant de le laisser à leurs filles ; mais les
mères ont l'habitude de vivre de leur côté, et puis une femme du monde a tant
d'occupations ! Il supplie les prédicateurs, il s'indigne presque de les
entendre pompeusement aligner des phrases sur le dogme, au lieu de s'attaquer
hardiment aux questions vivantes, et de faire leur procès aux lectures
absurdes ou perverses[59]. Mais les prédicateurs
continuent à prêcher. Anne de
France voit les choses plus froidement ; elle comprend bien qu'il faut
quelquefois sortir des Pères de l'Eglise, ne fût-ce que pour y rentrer, et
elle ne désespère pas de trouver une solution pratique. Son rêve est bien
simple, c'est le rêve qu'on continue à faire et qui est toujours un rêve :
avoir de bons romans pour les jeunes filles, des récits honnêtes, droits,
remplis de la philosophie pratique de la vie, et en même temps intéressants,
dramatiques, émouvants. Elle nous a même laissé un spécimen, un peu
archaïque, de ce qu'elle désirait : c'est un roman historique, brodé sur un
passage de Froissard. Il s'agit d'un malheureux capitaine de Brest, M. Du
Châtel, dont les Anglais, avec une mauvaise foi insigne, menacent de tuer le
fils, s'il ne leur rend pas la ville. Ce sujet, éminemment patriotique, donne
lieu à un petit récit, court, simple, agrémenté d'un nombre suffisant
d'images, et réellement inoffensif. Au début, Mme Du Châtel s'évanouit :
puis, c'est elle, au contraire, en vraie femme, qui a toute la force et qui
soutient son mari tremblant par des mots de matrone romaine, ou de superbes
appels à la miséricorde divine, « quoique, dise-t-elle, les enfants soient
avant tout fils et tilles de leurs mères ». — Jetée là au passage, combien
cette timide revendication est touchante !... — L'histoire se continue ainsi
parmi des alternatives de force et de faiblesse. Au sortir d'un long
évanouissement, la pauvre mère apprend la mort de son fils : « Que la volonté
de Dieu se fasse ! dit-elle sans une larme ; que Notre-Seigneur ait son., me
! » Et elle va prendre le deuil, et, une fois seule, elle pleure[60] !... Voilà
un roman de jeunes filles. Malheureusement,
à dix-huit ou vingt ans, on ne vi t plus d'intellectualité, et, en somme,
bons ou mauvais, les romans finissent par pâlir à côté d'un certain roman
pratique, où il faut bien jouer son rôle et qui réclame toute l'attention. Non pas
assurément que les jeunes personnes en arrivent à se dorer la pilule et à
modifier l'idée première du mariage ; au contraire, plus elles la raisonnent,
plus elles pèsent le fort et le faible dans une aussi juste balance que les
hommes. Très souvent, des princesses de sang royal ont aimé de simples
gentilshommes, ou même moins : jamais elles n'en ont épousé. On sait trop
qu'amour et mariage sont deux termes différents, et que certains vieux
livres, conservés dans les bibliothèques, soutiennent encore que les femmes
mariées, « ayant ce que les pucelles semblent chercher[61], » doivent rester au logis et
ne plus s'exhiber pour le plaisir d'autrui[62], ni même pour le leur.
Autrefois, une fille de dix ans, comprimée et renfermée, pouvait se figurer
le mariage comme une source de « liberté et de plaisir[63] » : ces biens, maintenant qu'on
les a, on tient à les garder. Certes, il faut savoir gré aux hommes de vous
apporter leur nom et leur fortune, mais il y en a de si bizarres ! on ne
saurait prendre trop de précautions. Tel bon jeune homme, d'aspect très doux,
peut se transformer en mari insupportable. C'est
donc avec une sagesse mêlée de dilettantisme que ces Américaines du XVIe
siècle partent à la conquête de la Toison d'or. Peu empêtrées de parents qui
se croient quittes le jour où ils ont versé une dot, elles sentent combien il
est agréable d'agir pour son propre compte, de se faire voir, de causer,
rire, danser, caracoler[64], de vivre, en un mot, sans rien
demander à personne. Pourtant, la délicatesse et l'onction latines se
trahissent par des préjugés ; tirer de l'arc, se plastronner à l'escrime ou
simplement se faire photographier en naïades, on n'a pas encore ces ressources
! Les pauvres filles ne triomphent que par la grâce, par l'enthousiasme, bien
latinement, quitte à perdre çà et là un peu de duvet. Les
douairières poussent des cris : comment ! se jeter ainsi à la tête des hommes
! quel scandale ! et quelle sottise ! Croit-on donc les hommes assez stupides
pour ne pas tenir compte des qualités sérieuses ? Pour s'amuser, oui, on aime
ce genre-là ; pour se marier, non ; c'est Cendrillon qui attire les princes
charmants. Anne de France cite à ce sujet un exemple : trois jeunes
Allemands, fleur de distinction, arrivèrent un jour du fond de leur Sibérie,
dans l'unique but d'épouser d'un seul coup les trois demoiselles de Poitiers,
dont on disait merveilles. Ce fut un désastre, quand ils se trouvèrent,
chacun pour leur compte, en face de chacune de ces demoiselles. La première
s'était tellement serré la taille qu'elle pensa tomber inanimée dans les bras
de son interlocuteur, qui s'en trouva extrêmement gêné ; la seconde parla en
vraie linotte ; la troisième étala un peu naïvement une sentimentalité à la
dernière mode : si bien que, sans s'être donné le mot, les trois Germains se
retrouvèrent botte à botte sur la route de la Germanie. Et Anne conclut avec
raison : « N'aurait-il pas mieux valu conserver une allure pesante ?[65] » Reste à
savoir si l'allure pesante serait raisonnable, et si une princesse, même de
haut parage, peut se donner le luxe d'attendre au coin du feu que l'homme de
ses rêves veuille bien apparaître. Malheureusement, on croit le contraire. On
a remarqué que, si les hommes n'épousent pas souvent ce qui leur plaît, ils
n'épousent pas toujours ce qui leur déplaît. Voilà simplement pourquoi la
flirtation s'impose. L'art
du flirt est fort raffiné, et cependant on ne saurait croire combien il a
fallu peu de temps pour le mener à la perfection. Tout le monde s'en mêle :
les princesses même veulent se figurer qu'elles choisissent... La
jeune fille fait ses débuts dans le monde de deux façons. Si elle n'a pas de
mère, ou si ses parents trouvent avantage à se séparer d'elle[66], il y a en France un usage
patriarcal, et tout à fait particulier[67], qui consiste à se mettre au
service d'une « dame » ou « damoiselle » de bonne réputation. Cet usage
passait pour si bon, qu'Anne de France avait recommandé éventuellement à sa
fille de s'y conformer, bien que l'héritière du duché de Bourbon n'eût certes
pas besoin, pour se faire valoir, d'entrer au service de quelqu'un[68]. Anne
elle-même et Anne de Bretagne tinrent ainsi des « écoles de mœurs »,
sorte de pensionnat mondain, où les jeunes gens ne parlaient aux jeunes
filles que genou en terre, à l'ancienne mode[69], et dont la sévérité un peu
conventuelle[70] paraissait atténuée par l'idée
qu'une si bonne place et une vertu si bien garantie ne manqueraient pas de
tenter les épouseurs les plus difficiles. Mais cette institution, qui devait
servir de réserve contre les mœurs nouvelles, suivit, au contraire, le cours
de ces mœurs ; l’« escadron volant » de Catherine de
Médicis, comme on l'appelait, perdit tout à fait la forme de pensionnat, et
s'acquitta de son service à la hussarde. Le plus
souvent, c'est à' côté de sa mère qu'une fille part à la découverte du mari.
Les procédés de conquête varient tellement qu'on ne nous demandera pas d'en
débrouiller les principes. Toutes ces jeunes filles rivalisent de chic. Elles
ne parlent pas à leurs mères sans bêler : « Madame ma mère, » ou sans dire : « Sauve
votre grâce, Madame, » d'une manière décente et bécasse[71]. Beaucoup montrent leurs dents
à chaque instant ; elles rient de tout, d'un mot, d'une mouche, d'un monsieur
à qui il manque des cheveux[72]... Comme l'une rit, les autres
rient, et on trouve cela très spirituel. Elles s'entendent à « posément
conduire leurs yeux verdz, pleins de doulceur, ni peu ni trop ouverts[73]... » Elles portent de belles
robes, monumentales, et qui néanmoins, par un prodige d'habileté, semblent
plutôt accompagner que vêtir le corps. Quelques personnes âgées (Vivès par
exemple) prennent
au tragique leurs doigts chargés de bagues, leurs oreilles percées (barbarement,
n'est-il pas vrai ?)
et ces fins, ces légers coups de pinceau qui font façade sur le visage, et
ces parfums subtils qui sortent on ne sait d'où ; elles voient là une erreur
et même pis, une sottise ; elles accusent vivement les mères, elles leur
reprochent une foule de choses, de tarir la bonté et la charité naturelles de
leurs filles, par des habitudes de dépense, et de pousser à un faux luxe,
vulgaire et clinquant, qui n'est ni beau ni vertueux, et qui n'exerce aucune
action matrimoniale, — du moins, on l'espère, car ce serait une grande
imprudence de s'écarter ainsi de la réalité, et de préparer un mariage par du
fard ou par de faux appâts[74]. Mais
les mères de famille sont des femmes élégantes, habituées à briller, et qui
n'y voient aucun niai ; puis, elles sont trop bonnes mères, en somme, pour ne
pas souhaiter du succès à leur progéniture, et pour ne pas applaudir à un vol
hardi. Elles rêvent, elles aussi, d'un prince charmant, elles
s'enthousiasment, et cet enthousiasme s'aligne clairement dans leur tête sous
la forme d'espérances positives. Le père, lui, devient maussade et ne
considère que la mise de jeu : il est de l'avis des douairières, et il estime
assez les hommes pour les croire surtout attentifs aux qualités sérieuses ;
si bien qu'afin d'arranger une bonne fois cette perpétuelle querelle de
ménage un grand plaisantin. Coquillart, propose d'habiller les jeunes filles
en robes mi-parti père, mi-parti mère. Lorsqu'une
jeune fille sait bien se lancer, certaines mères sont prises d'une sorte de
fanatisme ; nous avons tort de dire fanatisme ; en réalité, c'est un nouvel
accès de la bonté et du besoin de se-dévouer dont les femmes sont possédées,
car, si elles réfléchissaient, elles se rendraient bien compte que
personnellement elles n'ont rien à gagner à un mariage brillant de leur
fille. Quelques-unes
poussent le dévouement jusqu'à la servilité, elles s'effacent, elles marchent
par derrière, avec la tenue et la componction de femmes de chambre. Voilà une
bonté que les femmes d'autrefois n'auraient pas comprise. Anne de France
suffoque, rien que d'en parler. Elle a commandé des armées, bravé des
diplomates, joué avec les hommes, mâté les parlements, manié des Etats
Généraux, remué tout son pays, jamais elle n'a été émue ; mais ici elle perd
son sang-froid : « C'est besterie..., c'est oultrecuidance à la fille,
et à la mère parfaicte follie ![75]... » Baisers,
caresses, secrets rendez-vous, cadeaux, billets doux, envois de rondeaux ou
de ballades, œillades, chansons plus que gaies, tout fait du flirt français
une œuvre exquise et d'un charme essentiellement capiteux[76]. La bonne demoiselle pudibonde,
qui baisse les yeux dans la rue, ne s'effarouche pas du tout, entre hommes,
d'une plaisanterie un peu gauloise : Aucunes sont, qui, en humbles manières, Avec
les folz jouent leurs jarretières[77]. Le
soir, « à la chandelle, » dans le recoin des grandes cheminées, jeunes gens
et jeunes filles s'assoient sans façon sur les genoux les uns des autres,
pour rire et bavarder. Les personnes qui n'en sont plus là ont de plus en
plus de peine à se faire à ces ébats virginaux. Jean Bouchet les peint avec
émotion, dans son livre les Regnars traversant les voies périlleuses,
à une époque où c'était encore l'enfance de l'art. On pardonne assez
volontiers aux jeunes hommes ; ils trouvent une occasion de s'amuser, ils en
profitent : du reste, ils jouent le rôle passif. Mais les jeunes filles !
comme elles s'aventurent, avec quelle gaillardise elles écornent, au moins de
cœur, ce qui leur reste de demi-virginité[78] ! Ce
serait une erreur de supposer qu'à force de flirt l'élément de l'amour finira
par s'introduire dans le mariage. Ces demoiselles ne se soucient point de
glisser dans le ménage le principe de l'amour terrestre, c'est-à-dire un
germe de divorce. Leur idéal consiste à s'éprendre d'un homme riche et bien
posé, et, en cela, il a un caractère respectable et rassurant. A ce moment,
les jeunes filles travaillent pour leur propre compte, comme, plus tard,
elles devront travailler pour l'humanité. M. Bourget a retrouvé, en Amérique,
les diverses variétés du flirt du XVIe siècle : la professional
beauty, beauté grecque ; la jeune fille à idées, ou candidat-programme ;
la jeune fille bon garçon ; l'équilibrée ou philosophique ; la coquette ;
l'ambitieuse ; toutes sont ambitieuses et un peu coquettes, et même la
philosophique ne met l'idéal qu'au second plan. Mais
voilà qu'au milieu de ce charmant manège de coquetterie et de simple
sensibilité la passion quelquefois éclate, la passion, ce grand péril des
races latines, et cette grâce éternelle ! On avait bien cru dominer le cœur
par le calcul, ensorceler l'amour par la philosophie ; ils brisent leurs
liens ! Et ici les rôles ne sont plus tels qu'on voudrait les distribuer :
cette génération va gâter le platonisme ! Souvent, c'est la femme qui, au
lieu de faire fonctions d'idole, va aimer. Les Françaises, les Espagnoles
portent dans leurs veines terribles un sang qu'elles ne parviennent pas
toujours à maîtriser, le vieux sang des chevaliers ou des campagnards ; elles
se meurtrissent aux mailles invisibles de la vie moderne. Presque
infailliblement, au second acte, on voit entrer en scène la soubrette, la « confidente
» des tragédies, bonne âme, indulgente à tous comme à elle-même, dévouée, et
pas plus sotte qu'il ne faut, bien persuadée que toute intrigue présente un
avantage[79]. La mère a ses affaires, sa
dignité, qui l'empêchent de rien savoir, tandis
qu'avec une soubrette ce sont des conversations intimes, une ouverture
réciproque de cœur, une étude en commun des choses de la vie[80]... ! Heureux encore si quelque
valet en herbe, admis sur la foi de sa mine naïve, n'ajoute pas son mot[81] ! Sainte
Thérèse se lança ainsi magistralement dans les remous de l'existence à l'aide
d'une soubrette, dès l'âge de quinze ans. Son père la fit mettre au couvent,
mais les murailles ne l'arrêtèrent pas ; elle fit je ne sais quoi, elle perça
les toits, elle souleva les grilles... Il fallut l'expédier dans un site
sédatif, chez un oncle plein des Pères de l'Eglise, et tout à fait digne de
Vives ; elle revint de chez lui avec une passion religieuse, elle s'évada
encore une fois, ce fut pour entrer au Carmel par la fenêtre. Elle avait à ce
moment dix-huit ans, et ses épreuves, ses résipiscences, ses révoltes ne
faisaient encore que commencer ; il fallut dix-huit autres années de lutte pour
que ce caractère, plein de tempêtes, arrivât à se fondre dans la douceur
définitive... Malheureusement,
les amourettes de jeunes filles ont quelquefois des conséquences plus graves.
Le théâtre, le roman nous montrent des passes assez fâcheuses ; dans une
comédie de Parabosco, la mère arrive un peu en retard. Gaies,
bruyantes, lancées dans la vie[82], les pauvres enfants ne
prétendent pas à des vertus viriles que les hommes n'ont pas[83]. Est-ce leur faute, puisqu'on
les a élevées comme des hommes ? Si
elles se trompent, ce n'est pas perversement, c'est comme un jeune oiseau,
battu par l'orage à sa première sortie : pour ne courir aucun risque, il ne
faudrait jamais sortir, comme le voulaient les primitifs éducateurs[84]. Au XVIe
siècle, il y a des braves gens qui désireraient encore que les jeunes filles
redevinssent sourdes-muettes, qu'elles constituassent « Notre-Dame garde et
concierge de leur cœur[85] ». Mais ce langage-là n'a pas
grand succès. Les
conseillers avisés, les prédicateurs pratiques, qui prêchent des retraites
et qui connaissent le monde, s'adressent aux jeunes filles elles-mêmes, et
cherchent à toucher la fibre de l'intérêt. Le grave Jean Raulin, du haut
d'une des chaires les plus élégantes de Paris, leur tient le raisonnement
suivant : « Epouser une veuve, soit ! Pas d'éclat, pas d'anneau d'or, pas de
bénédictions, mais enfin c'est un mariage ; tandis qu'une pseudo-jeune tille
qui se présente à l'autel !... Ah ! Mesdemoiselles, gardez votre pureté
jusqu'à l'heure des épousailles matérielles ou spirituelles ! C'est le trésor
précieux qu'il faut à tout prix sauver, et pour bien des motifs : à cause de
la fragilité humaine, selon le mot de la quatrième Epître aux Corinthiens : «
Nous avons ce trésor dans des vases bien minces ; » à cause de son
inappréciable valeur, selon le mot de l'Ecclésiaste, chapitre XXVI : « On ne
saurait estimer à son vrai poids une âme continente ; » à cause de
l'irréparabilité du mal, selon le mot de saint Jérôme :« Dieu peut tout, sauf
refaire une vierge après sa ruine[86]. » Souvent on se prend à regretter la vie des champs, et on s'imagine que la fidélité à un système d'éducation plus énergique aurait donné de meilleurs résultats. Certainement, il aurait mieux valu faire des femmes franchement passionnées que coquettes, eu purement mondaines. Mais il suffit de jeter un regard de bonne foi sur la vie des campagnards pour s'assurer que l'utilitarisme n'élève pas les mœurs. Oui, vues de loin, les mignardises champêtres paraissent toutes d'amour et de cristal : vaches et cochons se rencontrent au pré ou sur la foire ; les fiancés se rencontrent, de même, à l'église, à la danse, à l'issue de ces soirées d'hiver, si honnies des prédicateurs ! que dis-je, chaque soir et chaque matin, si le cœur leur en dit ; et on peut se faire de petits cadeaux, et s'envoyer racler de la viole ou pincer de la guitare[87], sans que personne y trouve à redire, sauf peut-être un rival, avec qui on est quitte pour quelques coups de poing, tout au plus un coup de couteau. Une jeune fille du monde, croyez-le, ne détesterait pas qu'on échangeât pour elle quelques bons coups de sabre, elle a une tendance à trouver l'existence trop claire. Reste à savoir si c'est réellement élever la vie que la ramener ainsi à ses éléments primitifs[88]. Les idéalistes ne le pensent pas. |
[1]
Montaigne.
[2]
Bouchet, Epistres, f° 24.
[3]
Le Tasse, Dialogue le Père de famille, p. 159.
[4]
Jean Bouchet, les Triumphes, f° 23.
[5]
Edition française, II, 143.
[6]
P. 5 et suiv.
[7]
La Contr’amye de court, p. 163 ; le Tasse ; Barbaro, f° 7 ; Recueil
de Montaiglon, III, 134 ; Sainte-Marthe, dans l'Heptaméron de
Montaiglon, I, 41 ; Gaguin, De varus... incommodis.
[8]
« Ma tille est en l'aage auquel les loix excusent les plus eschauffées de se
marier. Elle est d'une complexion tardive, mince et molle, et a esté par sa
mère eslevée de mesure, d'une forme retirée et particulière ; si qu'elle ne
commence encore qu'a se desniaiser de la naïveté de l'enfance. » (Montaigne.)
[9]
Pontanus, De Liberis ; Vegio, liv. III, ch. XII-XV.
[10]
Montaiglon, Anc. poésies, 18, le Doctrinal, qui prêche cette
thèse, dut être imprimé à Angoulême, vers 1492 (Catalogue Rothschild, I, 369) ;
Garin, Complainte.
[11]
Pontanus, De Liberis.
Quid tibi
præcipiam molles vitare fenestras !
Ad culpas
aditum laxa fenestra facit.
Libera mens,
captiva tamen sint lumins, quando
Hanc animo
invenit sceva libido viam.
Cogite
fallaceis, animus ne peccet, 'praos,
Cogite,
libertas ne peritura cadat.
Pellite
materiam, primasque extinguite flammas.
[12]
Thibaut, pp. 74, 77
[13]
Mercato, p. 15.
[14]
« Prenez soin de vos filles ; qu'elles soient toujours au logis, douces,
pieuses, méprisant l'argent et les ornements extérieurs. Et ainsi vous
préserverez non seulement ces jeunes filles, mais les hommes qui un jour les
conduiront, et vous assurerez une bonne postérité par une souche solide. »
[15]
Barbari, f° 7.
[16]
Enseignements, p. 93 ; La Vauguyon, f° 24 v° ; Marillac.
[17]
P. 20, 31.
[18]
P. 92-93, 105, 113.
[19]
De Ratione, I, 463.
[20]
De Ratione, I, 6 ; Prescott, II, 262.
[21]
Rousselot, I, 166.
[22]
Brantôme, VII, 406.
[23]
Thibault, p. 84-85.
[24]
Thibault, p. 79.
[25]
Voir à ce sujet Mariéjol, pp. 39 et suiv.
[26]
Thibaut, p. 33.
[27]
De Officio mariti, Il, ch. III, p. 623.
[28]
« D'une mule qui brait et d'une tille qui parle latin, délivrez-nous.
Seigneur. » (Bouchot, Femmes, p. rit. Cf. Leroux de Lincy, Proverbes.
[29]
T. II, liv. I, ch. III.
[30]
C'est à un docteur de la haute culture que Renée de France confie ses filles,
en la personne d'Olympia Morata, enfant prodige, illustrée par les discours
latins et grecs, de la plus grande éloquence, qu'elle prononça à treize ans. A
moins de quinze ans, les élèves d'Olympia parurent en état de jouer devant le
pape une comédie de Térence. Cette éducation par le théâtre se complétait par
de graves lectures d'Ovide et de Cicéron, et un moine grec, connu pour libéral,
Francesco Porto, passa sur le tout un dernier vernis. Il n'y avait rien là
d'oisif ni de mélancolique (Rodocanachi, p. 181-183).
[31]
P. 20.
[32]
P. 17.
[33]
P. 10, 12.
[34]
Montaigne, qui, d'ailleurs, tire de ces prémisses des conclusions toutes
différentes.
[35]
Vecellio ; Molmenti ; Yriarte.
[36]
Epistolæ, p. 219.
[37]
Lettre de Vergerio.
[38]
Sainte-Marthe, p. 77 ; Hept., édition Montaiglon, I, 39, 78, 79.
[39]
Christiani Matrimonii institutio : De Pueris.
[40]
Bouchet., Epistres, f° 24.
[41]
Retardons l'âge du mariage, s'écrie M. Legouvé, « si nous voulons les
jeunes filles libres dans leur choix et libres dans leur vie ».
[42]
Sur les avantages de ce vieux principe, voir le remarquable livre de Mme la
Vicomtesse d'Adhémar, pp. 209, 211, 184.
[43]
Le Gautier, p. 380.
[44]
Erasme, Dialogue matrimonial.
[45]
Dolce, Dialogo, p. 17.
[46]
Præter naturam est, feminam in rnasculos habere imperiurn (Érasme). « Je
permets à la femme d'apprendre ; d'enseigner jamais » (Brunonis Opera,
Parisiis, 1524 ; in Timoth., II, ch. II, p. 389, cité par M. Thibaut).
[47]
Il dédia à son élève son De Ratione studii puerilis et son De
Institutione feminæ christianæ. Il écrivit, en 1526, un livre sur les
questions sociales : De Subventione pauperum sive de humanis necessitatibus.
Il prit le parti de Catherine d'Aragon lors de sa répudiation et, par suite,
fut obligé de quitter l'Angleterre. C'était un catholique libéral, très
anti-luthérien (Thibaut, Quid de puellis instituendis senserit Vives).
Sur Vivès, voir Historisches Jahrbuch, h. XV, h. II.
[48]
Luzio, p. 215.
[49]
Luzio, p. 188.
[50]
IX, 566, 543.
[51]
Rondeau LXIX.
[52]
Rondeau LXXXVII.
[53]
Rondeau LIV.
[54]
Straparole.
[55]
Agrippa, De Vanitate, ch. LXXI ; Marcouville, Recueil, p. 112.
[56]
Vivès, IV, 86-87 ; II, 659.
[57]
Bouchet, Epistres, f° 27 v°.
[58]
Erasme, Christ. Matrim., V, 594, 598 ;
Vivès, De Institutione, liv. I, ch. XIII, p. 686.
[59]
Della institutione, f° 19 v°.
[60]
Epistre consolatoire, à la suite des Enseignements.
[61]
Changy, p. 211.
[62]
Bouchet, les Triumphes, f° 16.
[63]
Madeleine des Roches.
[64]
L. Labé ; Luzio, p. 6.
[65]
P. 39-40.
[66]
Les La Trémoille pendant cinq siècles, III, 216.
[67]
Montaigne.
[68]
P. 14.
[69]
Billon, p. 56 v°.
[70]
La Vauguyon, f° 32.
[71]
Érasme, V, 594.
[72]
Vivès, liv. I, ch. XI.
[73]
L'Amye de court.
[74]
Vivès, liv. I, ch. VIII
; Thibaut, p. 38.
Nil est
simplicitate prius.
'bec placet ;
haud ulla est quœsitze gratia forme
Qum studio
peccas, simplicitate places,
Nulla est
ornandi, nuits est, mihi erede, parandi
Gloria,
naturfe est forma, nec anis opus ;
Ars odio
digna est, ubi nullo fine tenetur.
(Pontanus, De Amore conjugali, p. 50 v°.)
[75]
P. 118.
[76]
Bouchet, Epistres, f° 27 v° ; les Triumphes,
f° 52 v° ; le P. Chérot, p. 539, etc.
[77]
Bouchet.
[78]
Champier, le Gouvernement de mariage, ch. XIX.
[79]
Pérégrin.
[80]
Cornelius Agrippa ; Anne de France, p. 83, Vegio, liv. III, ch. VIII ; Vespasiano,
cité par Müntz, I, 12, etc.
[81]
Vegio.
[82]
Vegio ; Vivès ; Songe doré.
[83]
Nifo admire sincèrement les princesses qui arrivent au mariage avec une vertu
indemne (De Principe, ch. XXIX).
[84]
Cf. Vegio, liv. III, ch. XV-XVI.
[85]
Bouchet, Epistres, 27 v°.
[86]
Sermones dominicales, f° 14, ch. II.
[87]
JJ. 232, f° 1 v°.
[88]
Voir not. JJ. 230, 181, 153, 43 v°, 56 v° ; Z10 18, etc. JJ. 230, 150 v° ; 234,
147 v°, 43 v°, 153 ; 233, 58 v° ; 235, 80 ; 231, f° 169. Eust. de Beaulieu, Sermon nouveau ; JJ. 231, 164 v°.