LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

WISSEMBOURG

 

CHAPITRE X. — PIRMASENS.

 

 

René Moreaux. Démonstration du 12 septembre. Conseil de guerre du 13 septembre. Marche de nuit du corps des Vosges. Dispositions de Brunswick. Ardeur des représentants. Déploiement des colonnes. Charge des dragons et des chasseurs. Le ravin du Blümesthal. Déroute. Le général Guillaume. Diversion de Schauenburg.

 

L'armée du Rhin avait repris le poste si important de Nothweiler. Mais, au même instant, l'armée de la Moselle essuyait un cruel revers, et le 14 septembre était pour elle, comme dit un de ses généraux, une journée de malheur et de désastre.

On se rappelle qu'à la nouvelle du succès de Pejacsevich, Landremont avait prié Schauenburg de lui prêter main-forte. Il est essentiel, lui mandait-il, que demain matin, avant le jour, le camp de Hornbach se porte du côté de Pirmasens ; les ennemis sont ici en pointe ; si vous poussez sur Pirmasens, moi sur Nothweiler, ils se verront cernés et nous les chasserons à notre tour[1].

Schauenburg, docile aux pressantes recommandations de Landremont, chargea René Moreaux de tâter Pirmasens. Moreaux remplaçait Pully[2]. C'était un ancien grenadier du régiment d'Auxerrois-infanterie qui avait combattu en Amérique et reçu dans l'affaire de Sainte-Lucie un coup de feu à la jambe droite. Il était, en 1789, entrepreneur de bâtiments à Rocroy, sa ville natale, lorsqu'il fut élu lieutenant-colonel du 1er bataillon des volontaires des Ardennes. Comme Hoche et Sémélé, il avait assisté l'année précédente au siège de Thionville et mérité les éloges de Wimpffen. Houchard lui reprochait, non sans raison, d'avoir échoué devant Leimen et fait une école en se mettant dans le cas d'être repoussé ; mais on le tenait pour un brave sans-culotte, et on l'avait nommé, le 15 mai, général de brigade, puis le 30 juillet, général de division.

Moreaux quitta le camp de Hornbach dans la matinée du 12 septembre. Il était accompagné des commissaires de l'Assemblée, Ehrmann, Richaud et Soubrany, qui désiraient voir de près la vaillance de leurs frères d'armes et partager leurs dangers. Il n'y eut qu'une insignifiante canonnade. Mais les conventionnels trouvèrent que le corps des Vosges avait courage et bon vouloir, et le lendemain, 13 septembre, à trois heures de l'après-midi, dans une conférence qu'ils eurent avec les généraux, ils déclarèrent qu'on devait profiter de l'excellente disposition des troupes et tenter contre l'adversaire une puissante entreprise où les soldats de la liberté déploieraient leur impétuosité naturelle. Freytag proposa d'aller droit à Pirmasens et les trois représentants l'approuvèrent. Moreaux fil quelques objections. Pendant qu'il aborderait Pirmasens, les Prussiens ne pouvaient-ils assaillir Hornbach ? Mais on lui répondit que le camp de Hornbach serait renforcé par trois bataillons de Blieskastel, et le camp de Blieskastel, par trois bataillons de Saint-Imbert. Moreaux céda. Il fut convenu que les troupes de Hornbach partiraient à minuit et qu'elles prendraient la route de Deux-Ponts à Pirmasens. On comptait sur le succès. Mourgoin, l'agent de Bouchotte, jugeait le projet tout ensemble sage et vigoureux. Soubrany et ses collègues ne cessaient de dire qu'on attaquait ainsi les Prussiens sur leurs derrières, qu'on les étonnerait en leur opposant à l'improviste des forces considérables, qu'on les délogerait sûrement de Pirmasens et par suite du Ketterich désormais intenable. Schauenburg applaudissait à cette résolution et s'empressa d'exécuter les ordres des représentants : il envoya trois bataillons à Saint-Imbert, trois autres à Blieskastel, trois autres au camp de Hornbach ; il promit de se jeter le lendemain, à la pointe du jour, sur tous les postes qu'il avait devant lui et d'appuyer par ses démonstrations l'attaque de Pirmasens qui lui semblait très militaire. Vive le mois de septembre, mandait-il à Landremont, déjà l'année dernière il a été l'époque de nos succès ! Le dessein était en effet grand et hardi ; s'il eût réussi, Brunswick, coupé de l'Alsace, subissait un irréparable désastre ; mais les Allemands étaient encore supérieurs aux Français, et le combat de Pirmasens allait démontrer une fois de plus cette supériorité de la tactique prussienne sur l'inexpérience des républicains[3].

Dans la nuit du 13 au 14 septembre, 14.000 hommes quittèrent le camp de Hornbach en très bon ordre et s'engagèrent au milieu d'un profond silence sur la route qui mène de Deux-Ponts à Pirmasens. Mais bientôt Moreaux avoua ses inquiétudes : il espérait faire des prisonniers, et les ennemis ne paraissaient pas. Avaient-ils appris le départ de l'armée ? Avaient-ils entendu le roulement de l'artillerie répété par l'écho des montagnes ? Evidemment ils étaient sur leurs gardes, et on ne les prendrait pas au dépourvu. Toutefois l'ardeur de ses troupes et le courage qu'elles annonçaient, firent oublier à Moreaux ce qu'il nommait un léger malheur. Enfin, à l'aube, l'avant-garde aperçut quelques patrouilles. Elle voulut les chasser sans bruit ; elles avaient du canon et tirèrent à pleines volées. Brunswick était donc averti et il essaierait de se mettre en mesure. Mais on pouvait le gagner de vitesse. Le général Guillaume gui commandait l'avant-garde, hâta sa marche, et, suivant la chaussée par Staffelhof et Faehrbach, arriva promptement en vue de Pirmasens.

Le duc de Brunswick allait monter à cheval vers six heures et demie lorsqu'un chasseur, arrivant ventre à terre, l'informa que la tête des colonnes françaises avait atteint la Briqueterie de l'Ours. Brunswick prévoyait une attaque ; la veille, il disait à Massenbach que l'adversaire tenterait probablement de l'assaillir sur ses derrières, et le major lui répondait qu'un général républicain était incapable d'une si audacieuse pensée. Le duc ne fut donc pas étonné, et toujours calme, froid, plein de présence d'esprit au fort du danger, il pourvut sur-le-champ aux dispositions les plus urgentes. Le régiment des dragons de Tschiersky et le régiment des cuirassiers de Borstell, formant dix escadrons, se jetèrent sur la chaussée entre le Steinbach et le Blümesthal ; ils devaient arrêter l'agresseur aussi longtemps que possible et donner à l'infanterie prussienne le temps d'accourir de toutes parts et de se ranger en arrière, sur la Husterhöhe. Des batteries d'artillerie volante allèrent au galop s'établir en divers endroits, les unes pour faire face à l'ennemi, les autres pour le prendre en écharpe. La batterie du lieutenant Hahn, une des batteries de Valmy, s'installa sur la route en avant de la cavalerie. Les deux batteries de Wundersitz et de Pototzky garnirent la Hustérhohe. Deux canons de la batterie Pototzky, appuyés par un bataillon de grenadiers que le duc conduisit en personne, se placèrent au Ruppertswald à droite de la chaussée. Plus haut, sur la lisière du bois qui longeait le Steinbach, se postèrent un canon et un obusier de la batterie de Wundersitz : ces deux pièces qui flanquaient la gauche de l'assaillant, lui causèrent un grand mal, et, dit un officier, le gênèrent beaucoup pour l'arrangement de ses colonnes.

Il était neuf heures, et l'avant-garde française, commandée par Guillaume, entrait à Faehrbach. Le général avait fait battre la charge à trois kilomètres du camp prussien et ses soldats, épuisés, respiraient à peine. Ils s'arrêtèrent pendant que le capitaine Debelle mettait en batterie ses six pièces d'artillerie légère et engageait une vive canonnade. Peu à peu arriva l'artillerie du parc, composée de vingt-deux pièces de position ; le général Mauscourt qui la commandait, la fit jouer aussitôt, et, durant près de deux heures, un feu des plus violents régna des deux côtés ; mais, écrit un volontaire, ce feu qui produisait un bruit épouvantable, n'eut d'autre effet que d'étourdir, et quelques hommes seuls furent atteints.

Cependant Moreaux tenait conseil de guerre dans une ferme. Guillaume, Freylag, Lequoy, les représentants Soubrany, Richaud, Ehrmann assistaient à la délibération. Moreaux déclara qu'on devait, comme dans la journée du 42 septembre, opérer une simple reconnaissance ; on comptait surprendre les ennemis, mais ils avaient eu le loisir de se préparer et tiraient de toutes parts ; il était impossible de les culbuter même par un choc énergique. Les conventionnels, et surtout le fougueux Soubrany, se récrièrent. Ils opposèrent, rapporte un témoin, à ces sages représentations les plus fortes et les plus justes, la plus vive résistance et crurent qu'il était aussi facile de monter sur les retranchements que dans la tribune aux harangues. Suivant eux, l'occasion était belle et il fallait la saisir ; l'armée montrait une ardente et patriotique impatience ; elle forcerait la position à la baïonnette ; bref, ils prenaient tout sur eux, et, au nom de la patrie, ils ordonnaient l'attaque. Moreaux n'hésita plus.

Tandis que les Français se disposaient à livrer bataille, Brunswick, entendant au loin une canonnade, s'imaginait qu'ils dirigeaient leur principal effort sur Hohenlohe, à Deux-Ponts, et qu'ils se borneraient à faire une démonstration contre Pirmasens. Il avait mandé ses généraux sur la Husterhöhe et leur communiquait ses instructions : il allait, sous la protection de son artillerie, assaillir les républicains avec la plus grande vigueur ; ou leur attaque était réelle, et il les refoulerait, grâce à son canon et à la bravoure prussienne ; ou elle était fausse et il donnerait de l'air à Hohenlohe. Mais, pendant qu'il annonce sa résolution, le feu des carmagnoles se tait tout à coup. Brunswick s'étonne de ce silence soudain, braque sa lorgnette sur la chaussée et voit l'artillerie française se porter vers la route et les têtes de colonnes déboucher de Faehrbach à pas précipités. Incontinent, il fait avancer les batteries de Pototzky et de Wundersitz ; il leur joint les canons des bataillons ; il appelle la batterie volante de Hahn à son aile gauche. Presque toute l'artillerie prussienne est ainsi rangée sur une seule ligne et prête à saluer les assaillants par une grêle de boulets-. La cavalerie s'écarte ; les cuirassiers de Borstell, passant dans les intervalles de l'infanterie, se portent derrière le régiment Henri ; les dragons de Tschiersky se forment, à gauche, en échiquier.

Moreaux avait, à l'abri de fermes entourées de vergers, distribué ses troupes en trois colonnes. Guillaume commande la colonne de droite ; Freytag, celle du centre ; Lequoy, celle de gauche. L'artillerie du parc et les pièces de 4 attachées aux bataillons remplissent les intervalles entre les colonnes. Les représentants du peuple vont de rangs en rangs ; ils enflamment les courages ; ils disent que l'instant est venu de chasser les esclaves des tyrans, et se placent chacun en tête d'une colonne, à côté des généraux. La charge bat. Les colonnes s'ébranlent aux cris de Vive la Nation ! Vive la République ! A bas la tyrannie ! Elles semblent avoir des ailes ; lorsque Moreaux ordonne de les déployer et de les mettre en bataille, elles ont parcouru la moitié de la distance et elles marchent sous un feu terrible avec la plus franche gaieté.

Déjà la cavalerie se mesurait avec les dragons de Tschiersky. Elle appartenait à la colonne de gauche et se composait du 9e régiment de chasseurs et du 14e régiment de dragons. Elle s'élance au galop, devance la colonne de droite, qu'elle traverse dans les intervalles des pelotons, et par le Blumesthal et le Schachberg arrive comme la foudre sur les escadrons de Tschiersky qui se portaient sur deux lignes à sa rencontre ; elle les enfonce, elles les pousse les uns sur les autres, elle culbute un escadron des cuirassiers de Borstell qui tente de lés dégager, elle les cloue au mur de la ville.

La colonne de droite suit au pas de course la cavalerie victorieuse. Elle comprend la compagnie franche de Guillaume, que commande le fils du général, deux compagnies de grenadiers du 8e d'infanterie, le 4e bataillon des volontaires de la Haute-Saône et le 30e régiment de ligne. La compagnie franche de Guillaume et les deux compagnies de grenadiers s'avancent jusqu'aux palissades de la ville qui n'est gardée que par deux cents hommes ; elles touchent à la porte Neuve ; elles pénètrent dans les jardins ; elles vont s'emparer de Pirmasens. Soudain le jeune Guillaume se retourne : Général, dit-il à son père, l'armée se retire et votre colonne vous abandonne !

Moreaux et ses lieutenants, ne connaissant guère le terrain, n'avaient pas prévu que les colonnes manqueraient d'espace pour se développer[4]. Trois bataillons, chargés d'emporter le Steinbach, reculent sous le feu des tirailleurs prussiens et des deux canons que Brunswick avait postés à la lisière du bois. Ils se rejettent sur la colonne de gauche, celle-ci sur la colonne du centre, celle du centre sur celle de droite, et toutes les colonnes dans le ravin du Blümesthal. Aucune ne voulait fuir ; aucune ne croyait faire un faux mouvement ni causer du désordre ; toutes suivaient la même pente et dans le ravin même les tambours battaient encore la charge. Mais en un clin d'œil, en un tour de main, comme dit Moreaux, malgré les cris et les ordres réitérés du général en chef, malgré les jurons de Freytag, les bataillons et les compagnies se choquèrent, se mêlèrent, se confondirent. Les canons, les caissons tombèrent au fond du ravin en écrasant les soldats. On entendit les clameurs habituelles : Nous sommes trahis ! et Sauve qui peut !

Brunswick profite du désarroi des colonnes françaises pour les accabler par le feu de la mousqueterie et de la mitraille : il fait venir sur la gauche les deux bataillons de son régiment avec leurs canons ainsi que les batteries de Hahn et de Wundersitz ; il établit à la Nouvelle-Briqueterie l'artillerie de la brigade du prince de Bade, accourue en toute hâte du Ketterich. Canonnés de front par Brunswick et sur leur flanc droit par le prince de Bade, les républicains ne pensent plus qu'à s'échapper ; l'ennemi, dit l'un d'eux, semblait multiplier son artillerie ; on en trouvait partout.

Bientôt l'armée entière se disperse et s'éparpille : la cavalerie qui touchait de l'épée la muraille de Pirmasens, l'infanterie de Guillaume, la colonne de Freytag et celle de Lequoy. A une heure de l'après-midi le corps des Vosges n'est plus qu'un troupeau de fuyards. On ne peut, raconte un des vaincus, dépeindre la terreur qui s'empare de tous : ces mêmes hommes qui, une heure auparavant, auraient franchi tous les obstacles et affronté mille morts, on les voyait maintenant épouvantés par leur ombre, par le vol d'un oiseau.

Guillaume couvrit tant bien que mal la retraite. Blessé à l'épaule par un éclat d'obus, il ne pouvait s'aider de son bras droit, et on dut le hisser sur un cheval. Son fils, frappé de trois coups de sabre, s'affaissait sans connaissance au pied d'un arbre et les Prussiens le capturaient. Pourtant, avec quatre compagnies de volontaires que commandait le chef de bataillon Guillot et quelque cavalerie que le capitaine Geoffroy du 9e chasseurs et le capitaine Perrin du 14e dragons parvinrent à rallier, le brave Guillaume sauva l'ambulance et l'artillerie légère[5].

Mais la déroute était complète, et, disent les représentants, affreuse, désespérante. Malgré les difficultés d'un sol coupé de ravins et de fondrières, les dragons de Tschiersky, les cuirassiers de Borstell, les hussards de Wolfradt, qui s'étaient mis aux trousses des fugitifs, firent près de deux mille prisonniers. Le reste des républicains, harassé, mourant de faim et de soif, regagna le camp de Hornbach dans la soirée. Le drapeau du 30e régiment y arriva sans autre escorte que trois officiers et un fourrier. La confusion était si grande qu'on dormit pêle-mêle, où l'on voulut, et qu'on ne chercha son bataillon que le lendemain. Beaucoup ne rentrèrent que trois ou quatre jours après le désastre ; ils avaient poussé jusqu'à Bitche, à Sarreguemines, à Phalsbourg[6].

Par bonheur, Schauenburg avec fait une efficace démonstration contre Hohenlohe. Le prince désirait suivre les Français sur Pirmasens avec cinq bataillons et quinze escadrons. Mais, dès la pointe du jour, tous ses postes étaient attaqués. Le colonel Radot, du 14e dragons, jeta des boulets sur Deux-Ponts. Un détachement, parti de Blieskastel, inquiéta les avant-postes de Birnbach. Un autre détachement plus considérable, venu de Rohrbach, assaillit à Limbach le général Köhler. Deux colonnes du camp de Saint-Imbert engagèrent l'une à Spiesen, une longue canonnade, l'autre, à Bidstock, un vif combat de cavalerie contre les troupes de Kalkreuth. Aussi Hohenlohe ne put-il troubler ni couper la retraite de Moreaux[7].

 

 

 



[1] Landremont à Schauenburg, 11 sept. (A. G.).

[2] Le Vasseur, président du tribunal révolutionnaire du district de Sarrebourg, avait, après la prise du Ketterich, dénoncé Pully à son frère, le conventionnel Le Vasseur de la Meurthe (Moniteur, 30 août) : Pully, disait-il, voulait livrer Bitche et avait émigré. Vainement Pully répondit qu'il n'avait pas émigré (4 sept., Moniteur, du 12). Dénoncé, le 2 septembre aux Jacobins, par Auger qui demandait son arrestation (Journal de la Montagne, n° 95), il fut suspendu le 5 septembre et le 12, les représentants annonçaient qu'il se rendait, sur-le-champ, au Comité, pour exposer sa conduite. Cf. sur Moreaux le livre de son petit-fils, Léon Moreaux, Le Général René Moreaux et l'armée de la Moselle, 1792-1793, 1886, passim.

[3] Moreaux et les représentants au Comité, et à Schauenburg ; Schauenburg aux représentants et à Landremont ; Mourgoin à Bouchotte, 13 sept. (A. G.) ; Massenbach, Mém., 194-195.

[4] Je devais croire, écrit Schauenburg (A la Convention, p. 5), que Moreaux avait une connaissance exacte de la position des ennemis, de leurs forces et qu'il ferait toutes les dispositions nécessaires, pour attaquer avec succès. Legrand dit de même ; Ce ne sont pas les représentants qui ont dirigé la marche et ordonné chaque mouvement. Mais a-t-on jamais attaqué un camp considérable d'un seul côté, comme on le fit en cette circonstance ? Mais jamais en présence de l'ennemi a-t-on fait marcher tout un corps d'armée comme en procession et entre deux montagnes escarpées ? Mais a-t-on jamais ordonné un déplacement d'armée en présence de l'ennemi dans un vallon resserré où un seul bataillon n'eût pu se mettre en bataille ?

[5] Paul Guillaume, fils de paysan, était né le 4 mai 1744, à Courcelles-Chaussy (Moselle). Après avoir servi dans le corps des mineurs de 1761 à 1764, il entra au régiment de Toul-artillerie et y resta huit ans. En 1772, il se reniait en Prusse où il obtenait le grade de capitaine et devenait examinateur des élèves de l'artillerie et du génie. De retour en France (1782), il fut nommé professeur au corps de la gendarmerie ; il enseignait la tactique et les évolutions. En 1788, on l'appela à Paris pour la rédaction des nouvelles manœuvres. Après la réforme de la gendarmerie, il se retira dans la Moselle, à Vaudoncourt, près de Boulay. Procureur de la commune, commandant de la garde nationale, électeur du département, commissaire chargé d'estimer les biens nationaux et de surveiller les municipalités dans leur travail sur les contributions foncières et mobilières, il demanda du service après la déclaration de guerre et fut nommé par Luckner capitaine-commandant de la première compagnie franche de l'armée de la Moselle. Ce fut lui qui forma cette compagnie, qui lui fournit les galons et le prix de la façon des uniformes. Il assista au siège de Thionville et, sous les ordres de Krieg, détruisit les magasins des ennemis et enleva leurs bateaux. Employé sans cesse, avec sa compagnie, aux avant- postes de l'armée de la Moselle, sous Frégeville et sous Pully, il attira sur lui l'attention des représentants Soubrany, Ehrmann et Richaud, qui le nommèrent chef de brigade (16 juillet 1793), lui donnèrent le commandement en second de l'avant-garde et, le 5 septembre, l'élevèrent au grade de général de brigade provisoire.

[6] Cf. sur la bataille de Pirmasens, Un Volontaire de 1791, p. 132-137 ; Léon Moreaux, René Moreaux, 47-55 ; toute la correspondance du 13, du 14 et du 15 sept. ; le rapport de Duvignau ; la relation de Guillaume (reproduite à peu près dans sa brochure Paul Guillaume à la Convention nationale) et sa lettre au Comité, 13 octobre ; la lettre de Moreaux à Schauenburg, 17 sept. ; celle des représentants à Soubrany, Richaud, Ehrmann au Comité, 15 sept. (A. G.) ; celle de Bouchotte à la Convention (Moniteur du 23 sept.) ; L'Observateur impartial, p. 10 ; Gesch. der Kriege in Europa, I, 216-220 ; Grawert, Ausführliche Beschreibung der Schlacht von Pirmasenz. Les Prussiens n'avaient que 7 officiers et 161 soldats morts ou blessés. Le corps des Vosges avait 226 blessés et perdait 1.788 hommes tués ou prisonniers, 301 chevaux, 19 canons, 29 caissons. Etaient présents à la bataille ; 30e inf. ; 4e Haute-Saône ; 3e bat. de la République ; comp. franche de Guillaume ; 2e de l'Observatoire ; 3e du Louvre ; 9e chasseurs à cheval ; 14e dragons ; 1er inf. : 1er Meuse ; 24e inf. ; 6e Haute-Saône ; 4e Manche ; 2e Moselle ; 4e Seine-Inférieure ; détachement du 1er Yonne attaché à l'artillerie ; 96e inf. ; 3e Manche ; 9e Meurthe ; 4e caval. ; 102e inf. ; chasseurs des Bons-Tireurs (A. G.).

[7] Cf. les lettres des généraux à la date (A. G.) et Schauenburg à la Convention, 5.