LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

WISSEMBOURG

 

CHAPITRE IV. — LES REPRÉSENTANTS.

 

 

Mission de Prieur de la Marne et de Jeanbon Saint-André. Renforts fournis par l'armée de la Moselle à l'armée du Nord. Conférences de Bitche. Désorganisation. Remplacement des officiers nobles. Bouchotte. Les commissaires du pouvoir exécutif. Les représentants du peuple aux armées du Rhin et de la Moselle. Leur conduite à l'égard des ci-devant. Leurs pouvoirs et leur rôle. Gentil, Cusset, Lacoste, Ruamps. Services qu'ils ont rendus. Sentiments de l'armée. L'habit bleu. L'amalgame. L'avancement.

 

Schauenburg était à peine général en chef, qu'il vit son armée bouleversée. Le Comité de salut public, effrayé par la prise de Condé, de Valenciennes et de Mayence, avait envoyé deux de ses membres, Prieur de la Marne et Jeanbon Saint-André, aux frontières de l'Est et du Nord. Les deux commissaires devaient se concerter avec les représentants et les généraux sur le meilleur emploi des forces de la République et porter en Flandre des secours considérables. Le 8 et le 9 août, ils tinrent à Bitche une sorte de conseil de guerre. Les représentants Milhaud, Soubrany, Richaud, Ehrmann, Guyardin, Lacoste et les généraux Beauharnais, Schauenburg, Pully, Hédouville et Guénand[1] assistaient à la conférence.

Prieur et Jeanbon posèrent des questions auxquelles les généraux répondirent : 1° fallait-il envoyer des renforts en Flandre, et les deux armées du Rhin et de la Moselle qui comptaient, l'une, cinquante mille hommes, l'autre, quarante mille, avaient-elles assez de monde pour rafraîchir l'armée du Nord ? Les généraux votèrent unanimement l'affirmative.

2° Devait-on, avant le départ de ces secours, entreprendre une expédition profitable et décisive ? Une armée de républicains ne pouvait-elle tenter la fortune ? Les soldats ne se plaignaient-ils pas de leur inaction ? Ne brûlaient-ils pas de l'impatience du combat ? Ne seraient-ils pas vainqueurs ? Et une fois l'ennemi chassé des gorges, ne vivraient-ils pas à ses dépens ? Ne feraient-ils pas du Palatinat le grenier de la France ? — Les généraux ne partagèrent pas l'avis des représentants. Tous déclarèrent qu'ils n'avaient que des forces inférieures, qu'ils manquaient de cavalerie, qu'ils seraient infailliblement défaits s'ils se hasardaient à livrer bataille dans le Palatinat. Mieux valait, selon eux, approvisionner les places de la frontière et demeurer sur une respectable défensive. Du reste, ajoutaient-ils, ils étaient nobles et, par suite, dépouillés de toute confiance ; même victorieux, ils seraient soupçonnés ; pouvaient-ils mener leurs, troupes à de si grandes entreprises ?

3° Combien d'hommes les armées de la Moselle et du Rhin fourniraient-elles ? — Après une longue discussion, les généraux répondirent qu'elles ne pourraient fournir que 12.000 hommes : celle du Rhin, 7.200 et celle de la Moselle, 4.000. Ce n'était pas assez au gré des commissaires. Ils auraient voulu 30.000 hommes qui seraient arrivés dans le Nord, tout organisés et tout prêts à combattre. Mais ils n'insistèrent pas. Beauharnais, Schauenburg et les autres annonçaient à l'avance l'invasion du Bas-Rhin et de la Moselle, la prise des forteresses, la conquête de l'Alsace et de la Lorraine. Si les conventionnels avaient exigé davantage, n'aurait-on pas rejeté sur eux les futurs échecs ? Les généraux n'essayaient-ils pas de se décharger de toute responsabilité ? Nous vous donnerons, disaient-ils aux commissaires, tout ce que nous avons ; mais signez-nous une réquisition !

4° Combien de cavaliers fourniraient les deux armées ? — A cette question, les généraux se récrièrent. Naguère, Bouchotte désirait tirer de l'armée de la Moselle un peu de cavalerie légère pour l'envoyer dans les Alpes, et Houchard répondait qu'il ne disposait que de 4,700 chevaux pour garder-la frontière entre Bitche et Longwy[2]. Et l'on-voulait aujourd'hui prendre encore de la cavalerie aux deux armées ! Non, après mûre réflexion, les généraux ne pouvaient donner que 100 cavaliers de l'armée du Rhin et les 75 hommes qui formaient à l'armée de la Moselle la compagnie d'artillerie légère du capitaine Détrès.

5° On avait ainsi 11.375 hommes[3]. Mais comment les enverrait-on promptement dans les Flandres ? Fallait-il les envoyer en poste ou les réunir à Fontoy et les faire marcher le long de la frontière ? — Les généraux objectèrent que les troupes tirées du Haut-Rhin ne seraient à Fontoy que dans trois semaines. On résolut de les diriger sur Metz et de là, en poste, sur Péronne. Quant aux troupes extraites de l'armée de la Moselle et de l'armée active du Bas-Rhin, elles marcheraient en corps d'armée et militairement sur Mézières où elles recevraient les instructions de Houchard[4].

Prieur et Jeanbon-Saint-André partirent mécontents. Ils sentaient que les secours accordés par les généraux étaient insuffisants. Mais le 8 août, pendant les conférences de Bitche, le Comité de salut public, redoutant les progrès rapides de Cobourg, arrêtait, de concert avec les ministres, que 30.000 hommes seraient tirés des armées de la Moselle et du Rhin pour être transportés en poste dans un camp intermédiaire à Péronne et à Saint-Quentin, et il consacrait une somme de cinq millions aux frais de l'opération.

Les envoyés du Comité prirent aussitôt de nouvelles mesures. Sans hésitation, sans retard, par voie de réquisition directe, ils tirèrent de l'armée de la Moselle les 30.000 hommes qu'exigeait l'arrêté du 8 août et qui durent se diriger sur-le-champ vers Cambrai[5].

C'est ainsi que l'armée de la Moselle devenait la pépinière des autres armées, et après tout, disaient Hentz et De La Porte, elle ne servait à rien pour l'instant[6]. Mais elle ne comptait plus que 10.000 soldats ; il fallait la réorganiser, lui rendre au moins les deux tiers du monde qu'elle perdait. Prieur et Jeanbon-Saint-André décidèrent qu'elle se grossirait dans le plus bref délai des 11.375 hommes qu'ils avaient obtenus des généraux à la conférence de Bitche, et de 7.000 hommes que l'armée du Rhin fournirait en sus.

L'armée de la Moselle se composait donc en très grande partie de troupes nouvelles et ses bataillons renfermaient une foule de recrues dont l'instruction n'égalait pas la bonne volonté[7]. Aussi Bouchotte se plaignait-il que le service des avant-postes ne se fit pas avec soin ; on l'avait informé que les officiers s'éloignaient de leur détachement et couchaient dans des lits ainsi que les soldats, qu'on se laissait aisément surprendre, qu'on n'avait jamais le temps de se former en bataille. Schauenburg protestait faiblement ; le zèle et la quantité des bons officiers, disait-il, nous sauvent du mal qu'on éprouve de la négligence et de l'ignorance des mauvais. Mais il avouait qu'il y avait dans son armée des paresseux, des insouciants, et que la plupart des officiers étaient neufs et inexpérimentés : les uns avaient quitté leurs foyers pour commander les bataillons ou les compagnies me volontaires, les autres étaient d'anciens capitaines, rouillés par l'inaction et la vie monotone des garnisons ; les sous-officiers, choisis par leurs subordonnés, et encore pleins de reconnaissance, arrêtaient l'action des lois[8].

La principale cause de la désorganisation était le remplacement soudain, précipité, inévitable des officiers nobles. Depuis le 10 août, le soupçon universel planait sur les militaires de cette classe ; on se défiait d'eux ; on les accusait de conserver dans le secret de leur âme le culte de la royauté ; on assurait qu'ils méditaient la trahison. Dès le 6 septembre 1792, le corps du Haut-Rhin sollicitait de la Législative un général qui n'eût pas dans les veines un sang corrompu. Il faut, écrivait Chépy, remplacer par des talents plébéiens tous ceux qui traînent dans les camps des souvenirs de noblesse. La défection de Dumouriez fit déborder la haine qu'inspiraient les ci-devant. De toutes parts on proposa de les exclure des emplois. Ronsin s'écriait que cette perfide désertion devait guérir la France de sa fatale manie de mettre des nobles à la tête de ses armées. Marat voulait qu'on leur défendit de commander les troupes à moins qu'ils n'eussent donné des preuves irrésistibles de civisme. Delacroix obtenait qu'aucun d'eux ne serait admis dans l'armée qui couvrirait la capitale. Prudhomme imputait toutes les défaites à ces gens pourris dans le fumier des cours. La Commune arrêtait qu'ils ne pourraient être fonctionnaires publics. Varlet demandait qu'un décret de la Convention leur interdît d'occuper une seule place. Vinrent les pétitions des sections de Paris et des sociétés populaires. Plus de parjures, disait Pio ; nous avons des citoyens, nous avons des soldats, donc nous avons des généraux. Thémistocle ne possédait que du bon sens et passait sa jeunesse dans les clubs. Les antagonistes de Pyrrhus et d'Annibal ignoraient jusqu'aux premiers éléments de leur métier. Marius était un vrai général sans-culotte. Clodius et César ont été plus pernicieux à leur patrie que toute l'inexpérience et la brutalité de ceux qui ne faisaient pas profession de la conduite de l'Etat et des armées. Le 21 juillet, aux Jacobins, Hébert réclamait le bannissement de tous les nobles ; le peuple devait se rendre à la Convention et demeurer en permanence jusqu'à ce qu'il eût arraché l'expulsion des aristocrates ; plus de nobles, ajoutait Hébert aux applaudissements de toute la salle, les nobles nous assassinent ; destitution des nobles, et nous aurons triomphé ! Trois jours plus tard, Chasles proposait d'anéantir le règne des nobles ; à l'entendre, il fallait les destituer irrévocablement ; on excepterait ceux qui sauraient mériter pendant dix ans l'estime populaire et par ce baptême de régénération recouvrer leurs droits de citoyens. Et le 2 août Valcour opinait que les vieux soldats, les sans-culottes couverts de blessures fussent enfin, après avoir obéi durant trente années, appelés aux premières places de l'armée[9].

Le ministre de la guerre Bouchotte était entièrement jacobin : il recommandait aux clubs d'examiner les choses et les personnes, et de dénoncer et de réprimer les abus comme ils avaient dénoncé et réprimé l'aristocratie[10] ; il engageait l'armée à se défier des faux patriotes qui voulaient la subjuguer par une discipline d'automate et lui soustraire les journaux propres à l'instruire sur les mouvements révolutionnaires[11]. Il entreprit de purger les états-majors et de toucher à la graine d'épinards[12]. Le premier Comité de salut public ne l'appréciait pas ; il trouvait que Bouchotte ne tenait pas les rênes de son département avec l'énergie qu'appelaient les besoins du moment. Cambon déplorait son inertie et son ignorance en matière d'approvisionnements : quand on lui demande combien il a de fusils à sa disposition, quels sont les moyens qu'il prend pour les faire réparer et transporter, on est quinze jours sans avoir de réponse, et tout languit. Dès le 27 mai, Bouchotte offrait sa démission. Mais Beauharnais, que le premier Comité proposait au choix de la Convention, refusa le ministère. Bouchotte resta, et le second Comité le garda, le maintint envers et contre tous : Bouchotte était son homme. Vainement Haussmann proclamait en pleine séance l'ineptie inconcevable du ministre et assurait que ses fautes compromettaient chaque jour le sort de la République. Vainement Dartigoyte le jugeait incapable et indigne de confiance. Boucher et Lequinio prétendirent qu'une cabale s'était formée contre lui. Chabot déclara qu'il pouvait, au moins provisoirement, gouverner la machine et qu'on ne devait pas remplacer un homme qui commençait à se mettre au fait de sa besogne ; Bouchotte, ajoutait-il, est patriote, et c'en est assez. Le 25 juillet, la Convention décidait de dresser le jour suivant une liste de candidats au ministère de la guerre. Mais les députations des Cordeliers et de la Société républicaine du 40 août vinrent plaider à la barre de l'Assemblée la cause de Bouchotte et affirmer son civisme, son intégrité : on employait, pour l'écarter, les manœuvres dont on avait usé contre Pache ; la Convention ferait bien de conserver Bouchotte, et de confier la direction supérieure des administrations à des patriotes et non à des scientifiques. Robespierre appuya les pétitionnaires. Déjà, aux Jacobins il avait pris la défense de Bouchotte qui lui semblait un vrai républicain, un sincère ami de la patrie, animé d'un zèle pur. Il vanta derechef la sévère droiture du ministre ; il jura qu'on imputait aveuglément à Bouchotte les fautes de ses agents et de ses ennemis ; Bouchotte, s'écriait-il, avait la confiance des montagnards ; Bouchotte s'était attiré la haine des aristocrates et des généraux perfides ; Bouchotte ne serait jamais un Beurnonville et il saurait s'opposer aux criminelles menées des nouveaux Dumouriez ; si la Convention voulait donner quelque assiette au gouvernement et de la suite, de la consistance aux opérations de la guerre, elle devait rapporter le décret qui prononçait implicitement le renvoi de Bouchotte. L'Assemblée rapporta le décret au milieu des applaudissements réitérés du public, et le 28 juillet, elle décidait que le ministre pourrait non seulement suspendre et remplacer les officiers-généraux et les officiers des états-majors, mais choisir dans tous les grades, sans être astreint aux dispositions des lois précédentes[13].

Cependant, Bouchotte fut encore attaqué. Le 12 août, Gossuin le traita de mannequin, l'accusa de ne rien faire pour repousser les ennemis, et Delacroix, s'unissant à Gossuin, obtint que le Comité de salut public ferait séance tenante un rapport sur le ministre. Mais Barère protesta sur-le-champ au nom du Comité : Bouchotte était très laborieux ; il joignait un sûr républicanisme à la probité la plus exacte ; il mettait cinq cent mille hommes en mouvement, et l'administration de la guerre n'avait jamais eu, même sous le règne de Louis XIV, un travail aussi considérable[14].

Une suprême attaque contre le ministre eut lieu dans les derniers jours de 1793. Le 30 novembre, Bourdon de l'Oise informa l'Assemblée que les commis de Bouchotte allaient aux Cordeliers et ailleurs dénoncer et calomnier les députés. Cette fois encore, et avec plus de chaleur que jamais, Barère fit le panégyrique de Bouchotte : Bouchotte avait la passion de la liberté, Bouchotte s'était engagé dans la voie de la Révolution, Bouchotte se rendait assidûment au Comité pour recevoir ses ordres. Bourdon ne se rebuta pas ; le 4 décembre, il demandait la suppression des ministères et notamment du ministère de la guerre dont les agents, disait-il, entravaient les mesures des représentants. Robespierre répondit sèchement que le Comité surveillait les ministres et que le caractère de Bouchotte opposait à tous les conspirateurs une barrière insurmontable[15].

Fort de l'appui du Comité, Bouchotte frappa sans ménagement, sans pitié les officiers nobles. Il voulait patriotiser l'armée. Puisque les hommes de talent et d'expérience n'approuvaient pas la République montagnarde, il fallait, suivant Bouchotte, choisir d'autres hommes qui sauraient faire aller le système populaire ; ceux-là n'auraient pas d'abord de grandes facultés ; mais peu à peu ils se développeraient ; n'avaient-ils pas le premier de tous les moyens, la volonté d'aller ? Oui, disait Bouchotte, en ce moment il faut tirer parti du moral, il faut inspirer la confiance, et pour l'inspirer, se montrer à la hauteur de la Révolution ; il faut écouter son cœur et non son esprit ; le régime actuel est celui des sans-culottes, et pour qu'il dure, les sans-culottes doivent occuper toutes les places sans exception[16].

Afin de mieux républicaniser et sans-culottiser le corps des officiers, Bouchotte envoya dans les armées des agents ou commissaires dits du pouvoir exécutif, mais qui ne dépendaient en réalité que de l'administration de la guerre et ne correspondaient qu'avec le ministre ou avec son secrétaire-général Vincent et ses adjoints Jourdeuil et Sijas. Ces commissaires devaient, selon leurs instructions, surveiller le matériel et le personnel[17]. Dans toutes ses lettres, Bouchotte leur recommandait de s'attacher à connaître les officiers, de connaître les bons et les mauvais, d'entretenir le patriotisme des soldats, de répandre les journaux ou, comme on disait alors, les papiers nouvelles ou les papiers publics, le Père Duchesne et le Journal de la Montagne[18].

Ils surent s'acquitter de leurs fonctions et garantir le soldat des poisons du fédéralisme. Ils dénoncèrent les officiers nobles et ceux qu'ils soupçonnaient de royalisme, ces hommes indignes du beau nom de républicains, ces êtres corrompus qui déshonoraient l'armée et qu'on devait expulser au plus tôt, sans user de demi-mesures ni de partis mitoyens et conciliatoires.

Ils dénoncèrent le chef de l'état-major de l'armée de la Moselle, Hédouville ; cet Hédouville, écrivaient-ils, avait été la créature des Lameth, de Luckner, de Berthier ; il était mielleux, perfide, plein d'une impudence anticivique et de principes dangereux qui révolteraient les plus froids patriotes, et s'il travaillait bien, ce n'était pas dans le genre patriotique ; tout l'état-major portait la teinte de son opinion[19].

Ils dénoncèrent Custine qu'ils qualifiaient de traître, d'intrigant, de bourreau-né de la République, de complice des royalistes, des feuillants, des rolandistes et des aristocrates de toutes couleurs. Custine, assuraient-ils, avait fait autant de mal que Dumouriez. Et sa tête est encore sur ses épaules ! Que disons-nous ! Il va commander l'armée du Nord ! Ils envoyèrent à Paris le factum du lieutenant Forel qui se prénommait Misobasile ou ennemi des rois, et prétendait que Custine avait engagé le combat du 17 mai pour redonner des fers à la nation. L'un d'eux, Gateau, mandait à Vincent, six jours avant la reddition de Mayence, que Custine avait livré la garnison à la férocité des brigands couronnés[20].

Ils dénoncèrent Houchard, l'accusèrent de maltraiter ses soldats et d'avoir transpercé de son épée un pauvre maraudeur qui volait des choux[21].

Ils dénoncèrent Beauharnais, et lorsque la Convention l'élut ministre à la place de Bouchotte, leur patron et protecteur, ils jetèrent les hauts cris : les Jacobins des bureaux voudraient-ils travailler sous un homme qui ne partageait pas leurs principes[22] ?

La plupart des officiers nobles que les commissaires du pouvoir exécutif poursuivaient de leurs dénonciations, rendaient cependant à la République de fidèles et loyaux services. Ils s'entendaient aux choses de la guerre et en savaient plus long sur leur métier que les officiers de naissance roturière ; les chasser, c'était désorganiser l'armée.

Aussi les représentants du peuple refusèrent-ils d'abord de les renvoyer[23]. Blaux plaidait leur cause avec ardeur : puisqu'ils restaient à leur poste, malgré les dégoûts qu'ils essuyaient à chaque instant, n'aimaient-ils pas sincèrement la patrie, et dès lors ne pouvait-on les conserver ? Blaux blâmait le ministre d'enlever à l'armée ses vrais défenseurs ; selon lui, ceux qu'on devait destituer, c'étaient les muscadins, et non les officiers dont les soldats, les chefs, les représentants attestaient le civisme et la vaillance. Jusqu'au dernier moment, les commissaires de la Convention gardèrent les généraux qu'ils voyaient de près et qu'ils savaient expérimentés et instruits. Ils disaient avec Richaud qu'entre les généraux et leurs délateurs ils n'hésitaient pas : les dénonciations, presque toujours vagues ou erronées, venaient d'ambitieux qui désiraient de l'avancement, et quant aux généraux, s'il était difficile de lire dans leur âme, ils montraient de bonnes intentions et de l'activité. Les représentants gardèrent donc Schauenburg. Ils gardèrent Pully que Moreaux, blessé, n'avait pu remplacer ; son républicanisme n'était pas très décidé ; mais il avait de l'intelligence, des talents militaires, la parfaite connaissance du pays, et il leur semblait très propre à diriger le courage des troupes du camp de Hornbach. Ils gardèrent d'Aboville, le véritable vainqueur de Valmy ; il était absolument nécessaire. Ils gardèrent Landremont et d'Arandes : il est malheureux qu'ils soient des ci-devant, mais il serait peut-être plus malheureux qu'une loi générale les force à la retraite. Ils gardèrent Hédouville et affirmèrent la pureté de ses principes : pourquoi le destituer ? Ces changements paralysent tout. Ils gardèrent le jeune et valeureux Desaix. Ils gardèrent Campagnol qui commandait le 1er bataillon de Lot-et-Garonne avec autant de courage que de prudence[24].

Mais Bouchotte l'emporta sur les représentants, et eux-mêmes finirent par reconnaître qu'il était impossible de confier à des ci-devant la direction des armées. Le cri de trahison retentissait partout et l'opinion publique se prononçait contre les castes privilégiées avec une puissance irrésistible. Quelques-uns des officiers nobles ne pouvaient renier leur passé monarchique, prendre les façons du sans-culottisme et cacher le dépit qu'ils éprouvaient de commander à des officiers plébéiens. Il est encore de ces messieurs en petit nombre, écrivait-on de l'armée de la Moselle, qui conservent le ton, l'esprit et le faste de l'ancien régime ; ils aiment l'adulation ; ils ne sortent point sans une grande suite ; ils ont le propos dur, et l'on accusait des chefs de brigade ou d'escadron du corps des Vosges d'avoir servi d'aides-de-camp à Narbonne et à Valence[25]. Enfin, beaucoup de ces aristocrates se savaient guettés, espionnés, et craignaient le tribunal révolutionnaire. La plupart des généraux qui ont figuré sur notre scène politique, lisaient-ils dans le Batave du 3 août, sont actuellement dans les prisons, occupés à méditer sur la fragilité des grandeurs humaines. Ils ne pensaient donc qu'à sauver leur tête et se souciaient, selon le mot d'un représentant, plus de leur propre sûreté que de la chose publique. Ils refusaient tout avancement, ou s'ils acceptaient le commandement qu'on leur imposait, ils disaient, comme Schauenburg, que leur origine les ferait environner de soupçons. Ils s'effrayaient de leur responsabilité ; ils n'osaient agir hardiment et avec vigueur ; ceux mêmes qui les défendaient, leur reprochaient de se tenir toujours sur une extrême réserve et de n'avoir pas cette humeur entreprenante, résolue, qui sied à l'homme de guerre, et des lignes de la Lauter on mandait au Journal de la Montagne qu'ils étaient tièdes, qu'ils mettaient dans leurs actes je ne sais quel air de mollesse et d'apathie, qu'ils laissaient détraquer la machine, qu'on devait par une loi claire, positive, ou les rassurer ou, ce qui valait mieux, les frapper. Comment voulez-vous, s'écriait Génissieu, que, dans leur situation précaire, ils servent avec zèle la patrie ?[26]

Toutefois les représentants eurent raison de laisser quelque temps les nobles à la tête des troupes. Certes, ils ont commis des fautes ; ils ont fait des choix malheureux ; ils ont parfois, sans le vouloir, jeté le désordre dans les armées ; leur impatience impétueuse demandait toujours une victoire qui tardait et devait tarder encore jusqu'à la fin de l'année 1793 ; leur fougue imprudente causa le désastre de Pirmasens et les passages déplorables du Rhin. Quelques-uns abusèrent des pouvoirs illimités dont la Convention les avait investis. La loi du 9 avril leur permettait d'employer autant d'agents qu'il leur plairait ; les dépenses extraordinaires qu'ils autorisaient seraient acquittées par le Trésor public, et tous leurs arrêtés mis à exécution, s'ils étaient adressés dans les vingt-quatre heures à l'Assemblée ou au Comité de salut public. Puis un décret du 30 avril leur avait donné le droit de requérir les gardes nationales des départements, de nommer sur-le-champ à toutes les fonctions vacantes, selon le mode usuel d'avancement, et, en cas d'urgence ou si les sujets manquaient, de confier les emplois pour quinze jours à ceux qu'ils jugeraient dignes, de suspendre et de remplacer provisoirement les agents militaires, de faire arrêter les généraux et d'envoyer au tribunal révolutionnaire quiconque conspirerait contre la République et machinerait la désorganisation de l'armée. Enfin, un décret du 16 mai enjoignit aux corps administratifs et municipaux d'exécuter toutes les délibérations qu'ils auraient prises. Ils étaient quatre auprès de chaque armée et on les renouvelait mensuellement par moitié. Mais leur autorité ne cessa de grandir : le décret du 30 avril portait qu'ils ne pourraient agir qu'au nombre de deux ; par un décret du 29 août, ils purent seuls et de leur propre impulsion prendre des arrêtés.

Armés d'une semblable puissance, plusieurs de ces hommes éprouvèrent une sorte de vertige et leur âme ne sut garder l'équilibre.

Gentil eut le bon esprit de demander son rappel et d'avouer qu'il n'y voyait goutte[27].

Cusset se rendit méprisable par son outrecuidance et ses habitudes de crapule. Il annonçait aux populations que la Convention avait mis à son côté une plume de fer avec laquelle il devait écrire dans le sang autrichien, et il reprochait brutalement à Schauenburg la stagnation de l'armée de la Moselle. A l'entendre, quarante mille Autrichiens se trouvaient au camp d'Arlon ; l'incivisme, la trahison étaient partout ; il y avait dans la petite ville républicaine de Thionville une immensité d'aristocrates de tout genre et dans les villages patriotes de la frontière beaucoup de scélératesse. Mais les jacobins de Metz attestaient qu'au lieu de remplir sa mission, il s'enivrait à Beauregard et oubliait sa dignité dans les fumées du vin de Champagne et du brandevin des Ardennes[28].

Jean-Baptiste Lacoste était un énergumène, un forcené qui dégoûta par ses violences son collègue Guyardin le meilleur des humains : il proposait de décapiter le quart des Alsaciens, de ne garder dans les départements du Rhin que ceux qui avaient pris une part active à la Révolution et de chasser tous les autres, après avoir séquestré leurs biens[29].

Baudot avait de l'esprit, des talents, de l'amabilité ; mais il était jeune et sans expérience ; gâté par Lacoste, il ne parlait plus que de fusillade, de guillotine, et sans cesse il disait : Il faut fusiller... Je ferai guillotiner[30]. La probité de Ruamps et son patriotisme étaient à toute épreuve ; on loue ses vertus publiques et privées ; mais à l'armée du Rhin, en plusieurs circonstances, il se conduisit comme un fou. Cet homme qui manquait de lumières, se grisait de son autorité souveraine[31].

Les représentants envoyés en Alsace avant Saint-Just et Le Bas, croyaient se rendre populaires ; ils affectèrent le ton soldatesque et agirent à la hussarde ; ils tranchèrent lestement et de la façon la plus irréfléchie les affaires les plus épineuses, et un témoin véridique, un de leurs propres auxiliaires, nous assure qu'ils avaient peu d'ordre dans les idées et peu d'aptitude au travail, qu'ils ne se réunissaient que pour pérorer et qu'aucun d'eux ne savait écouter. Ils s'imaginèrent qu'on vaincrait les alliés en les inondant d'un flot d'agricoles,. ils suspendirent les généraux à tort et à travers ; ils laissèrent les intrigants et les mauvais sujets quitter leur poste et déblatérer au club de Wissembourg contre les chefs. L'armée les avait attendus comme des anges libérateurs ; elle les maudit à leur départ, et Ruamps fut maltraité, non par les généraux qu'il avait vexés et tourmentés, non par les officiers qu'il avait persécutés, mais par les soldats qu'il avait flagornés[32].

Néanmoins, quels que soient leurs torts, les représentants eurent du courage, de l'application, du patriotisme. Ils payèrent constamment de leur personne avec la même valeur que les plus braves grenadiers, et l'on vit Soubrany, à la bataille d'Arlon, marcher au premier rang et se jeter dans la mêlée sous le feu le plus meurtrier. Ils hâtèrent l'arrivée des chevaux que l'entrepreneur Lanchère devait fournir, et ils obtinrent de Bouchotte la formation de deux compagnies d'artillerie légère et de quatre nouvelles compagnies de pionniers. Ils conseillèrent — et leur conseil fut suivi — de dégarnir les places et d'envoyer les garnisons à la frontière. -Ils requirent les gardes nationales de faire le service militaire dans les villes et les camps, et leur allouèrent le même traitement qu'aux troupes soldées par la République. Ils demandèrent des fusils. Ils développèrent la manufacture d'armes de Klingenthal en augmentant à la fois le nombre et le salaire des ouvriers. Ils rehaussèrent le crédit des assignats ; ils dénoncèrent les fournisseurs qui livraient des marchandises de la plus mauvaise qualité ; ils menacèrent de peines rigoureuses tous les fripons, agioteurs, accapareurs qui poussaient à l'excès dans les départements du Rhin l'audace de la cupidité. Ils assurèrent le service des subsistances et des approvisionnements de toute espèce ; ils firent amener les blés dans les dépôts de l'armée ; ils stimulèrent, éperonnèrent les administrations. Grâce à leurs soins infatigables, les forteresses et les magasins échelonnés dans l'intérieur du pays reçurent les grains et les fourrages dont l'envahisseur aurait pu s'emparer ; grâce à leurs réquisitions incessantes, les soldats ne manquèrent jamais de vivres et de munitions ; sans la présence des députés aux armées, a dit justement Soubrany, elles n'auraient jamais été pourvues de ce qui était nécessaire[33].

De même qu'ils gardaient les généraux suspendus par Bouchotte, ils réclamaient quelquefois contre les arrêtés qu'ils jugeaient inutiles et funestes. Lorsque le ministre, cédant aux instances de Houchard, appelait en Flandre les carabiniers, ils retenaient à l'armée de la Moselle ces deux régiments qui comprenaient plus de la moitié de la cavalerie de ligne[34]. Le Comité faisait décider le 5 septembre que tous ceux qui avaient servi dans la maison militaire de Louis XVI et de ses frères ou dans la garde décrétée par la Législative, devaient se retirer à vingt lieues des frontières. Les états-majors se dépeuplèrent incontinent, et des sujets excellents, tout ce qu'il y avait de plus intrépide, s'éloignèrent des camps, au grand désespoir des généraux. Les représentants n'hésitèrent pas à surseoir provisoirement à l'exécution du décret ; ils autorisèrent les soldats et officiers de toute arme et de tout grade à rejoindre leurs corps : n'y avait-il pas dans le nombre des hommes de cœur et surtout de ces gardes-françaises qui s'étaient si bien battus pour établir la République et affermir la liberté[35] ?

Ils rendirent l'armée entièrement républicaine. A la voix des représentants, elle accueillait sans murmurer le décret qui défendait la vente du numéraire. Elle recevait sa solde en criant Vivent les assignats, la République et point de roi ! Elle attendait la constitution de 1793, comme la manne céleste et l'acclamait avec transport comme le gage assuré de ses triomphes. Elle saluait, au camp de Hornbach, les commissaires du pouvoir exécutif par les cris de Vive la République ! Vivent les Parisiens ! et les agents de Bouchotte racontent que les soldats s'arrachaient le Journal de la Montagne et le Père Duchesne et qu'ils auraient sacrifié gaiement deux jours de leur paie pour avoir trois exemplaires de ces papiers par compagnie. Les volontaires du 1er bataillon de l'Ain s'amusaient à juger en conseil de guerre un mannequin de Dumouriez et, après l'avoir attaché pendant quatre heures à un arbre de la route, le brûlaient sur un bûcher. Ceux du 4e bataillon du Jura sommaient, du poste de Bundenthal, les administrateurs de leur département, de se réunir autour de la sainte Montagne. Ceux du 2e bataillon du Doubs félicitaient la Convention de la bienfaisante révolution du 31 mai et applaudissaient à la mesure sage et ferme qui purgeait d'une manière si admirable la représentation. La République une et indivisible, écrivait un officier à Gasparin, est notre seul point de ralliement[36].

Ce fut surtout après l'écrasement de la Gironde que les représentants du peuple acquirent une grande influence dans les armées. La journée du 31 mai avait produit sur les âmes une impression profonde. Les conventionnels ne manquèrent pas de porter aux nues cette victoire de la Montagne sur le Marais, et presque tous les officiers se déclarèrent, comme eux, bons et francs montagnards. Ceux qui naguère étaient rudes et brusques, se radoucirent, traitèrent avec indulgence les subordonnés qu'ils avaient dédaignés et rabroués. Ceux qui ne parlaient qu'avec regret de l'ancienne armée royale, devinrent d'enragés démocrates et correspondirent avec les sociétés populaires de Metz et de Strasbourg[37].

Les commissaires répandirent ainsi parmi les troupes une fâcheuse exaltation. L'armée, comme la Convention, comme la nation même, fut en proie aux factions. Il y eut dans les camps des maratistes qui, par la hardiesse de leurs opinions, par la force de leurs poumons, se firent une réputation de beaux parleurs et de révolutionnaires ardents. Pas une ville de garnison, pas un lieu de cantonnement qui n'eût son club. Les militaires y dominaient, et ils insultaient, opprimaient, chassaient les citoyens qu'ils qualifiaient de modérés et de fédéralistes ; ils se disputaient entre eux avec un acharnement frénétique ; ils envoyaient adresse sur adresse et dénonciation sur dénonciation à l'Assemblée, à la Commune, au ministre de la guerre, aux Sociétés de Paris et des départements. Beaucoup, surtout les jeunes gens et, comme dit Alexandre Courtois, les officiers imberbes et viciés de l'esprit d'intrigue, ne cherchaient qu'à monter en grade et ne demandaient la destitution de leurs chefs que pour se mettre à leur place. Mais tous les dissentiments politiques, de même que toutes les querelles particulières, étaient oubliés dès que tonnait le canon, et en face des Autrichiens, les partis n'existaient plus : il n'y avait que des Français, des républicains, des soldats déterminés à vendre chèrement leur vie ; et combien d'actions héroïques éclatèrent aux jours de combat dans ces orageuses armées de la Moselle et du Rhin que déchirait l'anarchie[38] !

Enfin, les représentants firent exécuter les décrets de la Convention, et notamment celui du 30 avril qui renvoyait des cantonnements et des camps toutes les femmes, à l'exception des blanchisseuses et des vivandières[39]. Ils effacèrent le désaccord entre les troupes de ligne et les volontaires. Les officiers des régiments ne renonçaient pas de bon cœur à l'uniforme de la monarchie et ils gardaient sur l'habit bleu les boutons blancs et les épaulettes blanches ; on les voyait, hors du service, endosser l'habit blanc et se coiffer d'un chapeau au panache vert ou noir, surmonté de quelques plumes blanches. Les moindres agents singeaient les officiers. Les commis de l'administration portaient l'épaulette et le sabre. Chacun, écrit Schauenburg, se masquait aux dépens de l'ordre et de la raison. Les soldats mêmes étaient vêtus parfois avec une ridicule coquetterie. Les représentants rappelèrent l'armée à la simplicité républicaine. Ils prohibèrent les emblèmes de la royauté. Ils imposèrent l'habit national à toutes les troupes, et ils menacèrent de destituer ceux qui n'adopteraient pas les couleurs de la liberté ou qui n'auraient pas sur l'uniforme bleu les boutons à la République et les épaulettes jaunes. Ils interdirent aux états-majors les plumets ou pompons blancs[40]. Ils pressèrent, comme ils disaient, la fusion de l'armée, et commencèrent le mode d'amalgame autorisé le 11 juin et décrété le 12 août par la Convention ; sous leurs yeux, à l'armée de la Moselle, Hédouville formait déjà des demi-brigades[41].

Ce furent les représentants qui tirèrent de l'obscurité la plupart des hommes destinés à s'illustrer sur les champs de bataille. La loi portait que le tiers des places vacantes serait accordé à l'ancienneté de service à grade égal[42]. Qu'arrivait-il ? Si l'on avait besoin de choisir un sergent, on nommait le plus ancien caporal, un blanchisseur de la compagnie ou un vieux soldat qui avait grisonné sous le harnois. Le lendemain, il fallait un sous-lieutenant, et le blanchisseur devenait sous-lieutenant. Huit jours plus tard, il était chef de bataillon ou de brigade. Mais ordinairement, cet homme ne savait ni lire ni écrire ; il n'avait plus la force de faire quoi que ce fût ; il ne pouvait commander. Nous avons, disaient les représentants, des officiers et sous-officiers incapables de remplir leurs fonctions ; le service en souffre, et cela provient de leur ineptie, de leur faiblesse et de leur négligence. Et le général Krieg s'indignait que des ignorants, des illettrés eussent sous leurs ordres des compagnies et des bataillons : quelle confiance voulez-vous qu'on ait dans des chefs de cette espèce, auxquels depuis trente et quarante ans on n'a pas osé confier seulement la bourse de l'ordinaire d'une chambrée, ni quatre hommes de garde, puisqu'ils ont passé tout le temps de leur service, soit au cabaret, soit à l'hôpital ou à la prison[43] ?

Ce système ne dura pas. On l'abandonna pour se jeter dans l'autre excès. Sans tenir compte de l'ancienneté de service ou de grade, les représentants conférèrent les places d'officiers supérieurs dans les bataillons, les régiments et les états-majors. Ils se trompèrent souvent, car beaucoup de gens, et des plus habiles, redoutaient l'avancement, fuyaient les regards des conventionnels, et se faisaient petits et modestes. Ils excitèrent des mécontentements. Les avancements arbitraires, disait Beauharnais, sont une grande cause de désorganisation et l'esprit républicain n'est pas assez répandu parmi les vieux militaires pour qu'ils ne soient pas sensibles à des passe-droits. Un lieutenant-colonel de volontaires devenait général de brigade sans avoir passé par les grades inférieurs et enlevait d'emblée par le seul vote de son bataillon ce qu'un officier des troupes de ligne ne pouvait obtenir après trente années de services dans les emplois subalternes. Des hommes, écrivait Krieg, qui, toute leur vie, ne s'étaient appliqués qu'à un art mécanique, au commerce ou à la chicane, arrivaient comme des éclairs du fond de leur boutique ou de leur atelier à la tête des armées. Mais les représentants surent revenir de leurs erreurs ; ils étaient les grades qu'ils avaient donnés et qui n'étaient que provisoires ; ils abaissaient celui qu'ils avaient élevé et le rendaient à sa brigade ou à son bataillon ; ils suspendaient tous ceux qu'ils jugeaient incapables. Le remède, reconnaît Saint-Cyr, était bien près du mal, et c'est de ce nouveau mode d'avancement que sortirent les meilleurs généraux de la République. Quelle belle promotion que celle du 19 mai, faite au surlendemain de Rülzheim, par les représentants Ruamps, Du Roy, Ritter, Laurent, Haussmann et Ferry ! Landremont, général de division ; Colle, Méquillet, Meynier, Michaud, Loubat, Delmas, d'Arlandes, Glarke, généraux de brigade ; Miribel, Desaix, Tholmé, Malet, Demont, adjudants-généraux, avec grade de lieutenant-colonel ! N'étaient-ce pas les plus dignes et les plus méritants de l'armée du Rhin[44] ?

 

 

 



[1] Guénand, disait Schauenburg, joint aux vertus civiques la zèle, les talents et la judiciaire la plus recommandable, non seulement pour l'instruction, mais pour des opérations plus étendues, et j'apprécie dans cet officier la vraie connaissance de l'homme. Grou et Valmont demandaient pour lui, le 22 juin, le grade de maréchal-de-camp, parce qu'il faisait depuis deux mois le service d'officier-général. Mais le 1er septembre, il annonçait que, noble, il quittait le service.

[2] Houchard à Deforgue, 22 juin (A. G.).

[3] L'armée de la Moselle fournit 1.000 hommes de la garnison de Longwy, 2.000 de celle de Metz, 1.000 de celle de Thionville, et les 75 canonniers de Détrès ; l'armée du Rhin : 4.000 hommes de l'armée active du Bas-Rhin, 2.000 de la division du Haut-Rhin, 1.200 tirés des garnisons et 100 chevaux. Prieur et Jeanbon remplacèrent les troupes de Metz et de Thionville par des troupes de réquisition ; ils envoyèrent à Metz la cavalerie de la légion de la Moselle ; l'infanterie de cette légion qui comptait 700 déserteurs prussiens et autrichiens, fut dirigée sur les Pyrénées.

[4] Lettre de Prieur et Jeanbon au Comité, 9 août, et Rapport, 7-8, 31-37.

[5] Prieur et Jeanbon, Rapport, 9. Mais il faut ajouter que sur les 30.000 hommes, 22.000 seulement rejoignirent l'armée du Nord. Les circonstances, écrivait Bouchotte au Comité (29 août, A. G.), dérangent un peu les dispositions que vous avez prises et je crois que les forces extraites ne s'élèveront pas à plus de 22.000 hommes ; ceci va contrarier Houchard qui comptait sur 30.000 hommes.

[6] Rec. Aulard, IV, 581 ; cf. Prieur et Jeanbon à Bouchotte, 11 août (A. G.).

[7] Hédouville à Bouchotte, 14 août (A. G.).

[8] Bouchotte à Schauenburg, 1er septembre ; Schauenburg à Bouchotte, 8 sept., et à Houchard, 12 juin (A. G.).

[9] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 195, p. 42 et 76 ; Chépy à Le Brun (mars 1793) ; Ronsin au Comité, 5 avril (A. G.) ; Moniteur, 8 septembre 1792, 4 et 9 avril, 5 et 17 juin, 1er juillet 1793 ; Journal de la Montagne, n° 53, 55, 64, 68 ; Le Batave, n° 176 (9 août).

[10] Circulaire de Bouchotte aux sociétés populaires, 21 septembre, à la suite du décret du 13 septembre par lequel les clubs devaient envoyer au Comité de salut public la liste de tous les agents infidèles dont l'incivisme était connu.

[11] Bouchotte à ses concitoyens aux armées, 2 août.

[12] Mot de Milhaud aux Jacobins, 21 nov. 1793.

[13] Rec. Aulard, IV, 482, 526 ; Le Batave, 28 mai ; Moniteur, séances du 30 mai et des 8 et 13 juin (n° du 31 mai, des 9 et 16 juin) ; Journal de la Montagne, n° 39 (discours de Chabot aux Jacobins, 5 juillet ; Moniteur, séances des 25 et 26 juillet (n° du 27 et du 28) ; Journal de la Montagne, n° 41 (Robespierre aux Jacobins, 10 juillet) ; décret du 28 juillet.

[14] Séance du 12 août (Moniteur du 14).

[15] Séances du 30 nov. et du 4 déc. (Moniteur des 2 et 6 déc.).

[16] Bouchotte à Krieg, 9 août (A. G.).

[17] Voir la correspondance de Bouchotte avec les commissaires, 22 mai, 14 juin, 30 août, etc. L'armée du Rhin eut d'abord deux commissaires du pouvoir exécutif, Garnerin et Gateau (cf. sur Garnerin le tome IV de Wallon, Les représentants en mission, 1890, p. 452, et sur Gateau, intime ami de Saint-Just et, comme lui, originaire de Blérancourt, l'Intermédiaire du 25 août 1891), et celle de la Moselle, quatre : François Gémond, qui fut bientôt rappelé ; Grammont, qui regagna Paris le 1er mai pour devenir chef au bureau central du ministère et qui fut remplacé par Grou (Louis-Guillaume-Jean-Baptiste), ancien capitaine de dragons ; Valmont qui, l'année précédente, parcourait les armées de l'Argonne et de la Belgique (Retraite de Brunswick, 144), et Mourgoin, que les commissaires nommaient le plus pur et le plus chaud patriote, guidé par la sagesse et la maturité des réflexions (Ehrmann, Richaud et Soubrany à Bouchotte, 26 août). Ces commissaires furent rappelés le 23 août lorsqu'on décréta la réquisition ; mais le 11 septembre, sur la proposition de Barère, le Conseil exécutif eut de nouveau la permission d'envoyer des agents qui seraient sous la surveillance des commissaires de la Convention et qui devaient répandre partout les lumières et purifier l'opinion qui, semblable à l'atmosphère, se corrompait de deux en deux mois. Le Conseil exécutif provisoire eut désormais deux agents auprès de chaque armée : ce furent, à l'armée de la Moselle, Mourgoin et Delteil ; à l'armée du Rhin, Berger et Renkin. Ce dernier écrivait le 22 septembre, à Bouchotte, que Dièche — le commandant de Strasbourg — devait être soutenu par une forte garnison de sans-culottes ; des Parisiens surtout, bien prononcés ; et si l'on joint à cela une promenade patriotique de l'armée révolutionnaire, accompagnée de quelques guillotines, le mal se trouvera coupé dans sa source.

[18] Cf. sur le Père Duchesne aux armées, les discours de Montaut et de Momoro (Moniteur du 29 oct.). Pache, le premier, avait envoyé des journaux dans les camps et il faisait distribuer, tous les jours, 6.000 exemplaires du Bulletin de la Convention (500 aux armées du Nord, des Ardennes, de la Moselle, du Rhin, des Vosges, des Pyrénées et de l'Intérieur, 400 à celle du Var, 300 à celle des Alpes, etc. A. N., DXL, 28).

[19] Cf. leurs lettres du 25 mai et des 4, 12 et 25 juin à Bouchotte (A. G.).

[20] Dénonciation de Misobasile Forel, lieutenant de la 1re compagnie du 2e bataillon du Puy-de-Dôme, 18 mai ; Gateau à Bouchotte, 29 juin, à Vincent, 17 juillet (A. G.), et discours aux Jacobins, 5 juillet.

[21] Cf. la lettre désespérée de Houchard à Bouchotte sur cette calomnie de Valmont, 7 août (A. G.).

[22] Grou, Mourgoin, Valmont à Duverger, 19 juin (A. G.). Ils dénonçaient même les commissaires de la Convention, leur nombreux cortège de secrétaires et d'adjoints, leur luxe : cinq décharges d'artillerie annoncent partout leur arrivée ou leur départ, et les superbes chevaux de la princesse de Nassau-Sarrebrück, estimés de trois à cinq mille livres l'un dans l'autre, ont l'honneur de porter gratis les représentants d'un peuple libre ennemi du faste. (Lettre du 9 juin à Bouchotte. A. G.)

[23] Le 30 avril quatre représentants avaient été envoyés à l'armée de la Moselle : Le Vasseur de la Meurthe (qui fut remplacé, le 22 juin, par Gentil du Mont-Blanc), Maignet, Montaut et Soubrany, auxquels on adjoignit, le 29 juin, Cusset, — qui prétendait avoir des intelligences dans Luxembourg, — et dix représentants à l'armée du Rhin (outre Merlin et Reubell), Ferry, Laurent, Ruamps, Louis, Pflieger, Haussmann, Du Roy, Ritter. Le 19 juillet, le Comité renouvela les missions. Jusqu'au 5 novembre, les représentants à l'armée de la Moselle furent Richaud, Soubrany, Ehrmann, Cusset (Hermand ne fit que passer dans les premiers jours d'août}, et à l'armée du Rhin : Ruamps, — qui restait seul de l'ancienne mission, — Borie, Milhaud, tous trois désignés, le 19 juillet, par le Comité, et Niou qui fut adjoint le 29 août. Mallarmé fut nommé, le 23 août, par la Convention, pour exécuter, de concert avec les représentants, le décret de réquisition. Avant lui, le 25 juillet, J.-B. Lacoste et Guyardin avaient été pareillement adjoints aux représentants près des deux armées, pour faire le remplacement des garnisons. Ruamps, Borie, Milhaud, Niou, Mallarmé, Guyardin ont retracé, dans un rapport confus, leurs actes auxquels ils associent Lacoste. Ajoutons que Lacoste et Mallarmé partis pour Paris afin de demander la suspension du général Landremont, furent, par un arrêté du Comité, en date du 6 octobre, maintenus aux armées de la Moselle et du Rhin. et investis de tout pouvoir pour requérir les armes et les gardes nationales des départements environnants, destituer et remplacer les généraux suspects et autres agents, sauver Landau et les lignes de Wissembourg.

[24] Blaux à ses collègues, 7 avril 1793 (A. G. et Rec. Aulard, III, 149) ; Bô à Bouchotte, 9 nov. ; Richaud, Ehrmann et Soubrany au Comité, 13 août, et à Bouchotte, 26 août ; Lacoste et ses collègues au Comité, 19 août ; Richaud à Barère, 2 sept. Montaut, Maignet, Soubrany, Gentil à Bouchotte, 10 juillet, etc. (A. G.). Cf. Garnerin aux Jacobins, 20 juin A. G. : Les vices ni les vertus ne sont point départis sans exception à telle caste ; rendons hommage aux principes, mais n'éloignons pas des hommes qui ne nous ont encore rendu que des services ; éloignons les traîtres, quelle que soit leur origine.

[25] Lavallette, Mém., I, 144 ; lettre du 28 juin (Journal de la Montagne, n° 40) ; Thuillier à Barère, 10 oct. (A. N. A. F. II, 30).

[26] Le Batave, 3 août ; Journal de la Montagne, n° 104 ; lettre de Richaud ; séance du 12 sept. Moniteur du 15 ; Gateau à Bouchotte, 29 juin (A. G. il faut exclure tous ces hommes d'ancien régime dont le cœur ne peut aller de front avec leurs devoirs et chez lesquels quelques talents d'exercice ne peuvent compenser la répugnance qu'ils mettent à les remplir.) Cf. Prieur et Jeanbon au Comité, 12 août ; Lacoste à Barère, 19 août ; et la belle lettre du général d'Aboville aux représentants à l'armée de la Moselle, 17 août. : On ne peut qu'approuver la méfiance générale de la nation contre tous les ci-devant nobles indistinctement. Je cède sans murmure une place où, devenu suspect, il ne me serait plus possible de rendre les mêmes services qu'un successeur qui aura la confiance. Je me bornerai, comme Bélisaire, à faire des vœux pour la prospérité de ma patrie. (A. G.) Voir aussi la lettre d'Auguste, soldat dans l'armée des Vosges. Lettres de soldats 1792-1793, p. L. G. Pélissier, p. 5.

[27] Gentil à Dumas, 18 et 19 juillet (A. N. AF II, 246).

[28] Cusset, Compte rendu, 3, 80-83 ; Le Batave, n° 247 ; cf. ses lettres (Moniteur, 6 sept.) et l'Expédition de Custine, 160-161.

[29] Lacoste au Comité, 4 frimaire an II (A. N. AF II 247) ; note de Legrand (A. G.).

[30] Note de Legrand (A. G.).

[31] Note de Legrand (A. G.).

[32] Note de Legrand (A. G.).

[33] Note de Legrand ; Montaut à Bouchotte, 23 juin ; Haussmann au Comité, 15 avril et 4 mai (A. N. DXLII, 4) ; Le Vasseur et Maignet au Comité, 28 juin ; Jeanbon-Saint-André et Prieur de la Marne au Comité, 4 et 12 août ; proclamation de Jeanbon, Prieur, Soubrany, Ehrmann, Richaud, 10 août (A. G.) ; Moniteur 2 oct. (lettre des représentants près l'armée de la Moselle) ; Compte rendu par Ruamps, Borie, etc., 31, 83, etc. ; Doniol, Dix-neuf lettres de Soubrany, 1867, p. 23.

[34] Houchard aux représentants, 13 avril ; Richaud, Ehrmann, Soubrany à Bouchotte, 26 août ; arrêté des mêmes, 27 août ; Jourdeuil au ministre, 1er septembre (A. G.) ; le 27 septembre, le Comité de salut public ordonnait que les carabiniers seraient envoyés à l'armée du Nord et que le ministre de la guerre ne pourrait sous aucun prétexte retarder d'un instant l'exécution de cet arrêté ; les représentants gardèrent les carabiniers à l'armée de la Moselle.

[35] Décret du 5 sept. art. VIII ; Landremont à Schauenburg, 25 sept. (A. G.) ; arrêté du 29 sept. pris par Guyardin, Niou, Mallarmé, Lacoste, Ruamps, Borie et Milhaud (A. G.) ; un décret du 6 octobre décida que ceux qui avaient servi comme sous-officiers et soldats dans les gardes françaises, les grenadiers à cheval et les gendarmes de Lunéville, ne seraient pas compris dans les dispositions du décret du 5 septembre.

[36] Le Batave, n° 83, 89, 100 (le 1er dragons à Houchard) ; Journal de la Montagne, n° 39, 53, 54, 57 ; Moniteur, 11 juillet ; Grou, Valmont, Mourgoin à Bouchotte, 22, 25, 27 juin ; lettre du 2e bataillon du Doubs à la Convention, 18 juillet (A. G.).

[37] Lecomte, L'Observateur impartial aux armées de Rhin et Moselle, 1797, p. 6 ; cf. Richaud, Ehrmann et Soubrany au Comité, 15 août.

[38] Le Batave, n° 239 et note de Legrand (A. G.).

[39] Cf. sur les femmes dans les premières armées de la République : Trahison de Dumouriez, 54. Le décret du 30 avril ne gardait que les blanchisseuses et les vivandières. Il y avait quatre blanchisseuses par bataillon. Elles devaient, ainsi que les vivandières, porter sur le bras gauche une plaque de fer blanc où étaient écrits les mots : blanchisseuse ou vivandière de tel bataillon (ordre d'Hédouville, 10 juin (A. G.).

[40] Montaut, Maignet, Soubrany, Le Vasseur à Houchard, 2j6 mai ; Schauenburg à Houchard, 12 juin ; ordres de Hédouville et de l'état-major, 5 et 10 juin ; les commissaires du pouvoir exécutif à Bouchotte, 20 et 27 juin (A. G.). Le 6 mai, la Convention avait décrété qu'à partir du 15 juin les officiers d'infanterie ne porteraient d'autre uniforme que l'uniforme aux couleurs nationales, déjà décrété par la loi du 23 février. Le 24 août, le Comité de salut public arrêtait que tous les officiers des ci-devant troupes de ligne qui n'auraient pas pris l'uni-' forme conformément à la loi, ou qui auraient conservé quelques signes de l'ancien uniforme, seraient, sur-le-champ, destitués. Cet arrêté, converti en décret le 29 août, fut envoyé, dans les premiers jours de septembre, à tous les généraux, par Prosper Sijas, adjoint de la 4e division du département de la guerre.

[41] Cf. Rec. Aulard, IV, 15. Voici peut-être la première tentative d'amalgame. Elle fut opérée à l'armée de la Moselle, 1re demi-brigade : 4e bataillon : 13e bal. inf. légère, ¹/₆ de la légion de la Moselle ; 2e bataillon : comp. franches de Billard, de Saint-Maurice, de Millon, 1re du Louvre, ¹/₆ d'inf. de la légion de la Moselle ; 3e bataillon : 1er bat. des chasseurs de Reims, 1/6 d'inf. de la légion. — 2e demi-brigade : 1er bataillon : 15e bat. d'inf. légère (employé à la Vendée) ; ¹/₆ de la légion ; — 2e bat. : compagnie franche de Guillaume, 3e comp. franche du Louvre, 1re comp. franche de l'Observatoire, 1re comp. franche des Bons-Tireurs, ¹/₆ de la légion ; — 3e bat. : comp. franche de Metz, 4e comp. franche du Louvre, comp. franche des Sans-Culottes, ¹/₆ de la légion.

[42] D'après la loi du 23 février 1793 (section II, art. 1-7, du mode d'avancement), l'emploi de colonel ou chef de brigade appartenait toujours au chef de bataillon le plus ancien, d'abord de service, puis de grade, et ainsi alternativement. Les caporaux étaient choisis à la majorité absolue, dans tout le bataillon, par la compagnie où la place était vacante. Pour tous les autres grades, l'avancement avait lieu de deux manières ; le tiers, par ancienneté de service à grade égal, et les deux tiers au choix ou à l'élection. Lorsque trois capitaines, trois lieutenants, trois sous-lieutenants, trois sergents avaient été nommés, le premier à l'ancienneté, et les deux autres au choix, on reprenait le tour de l'ancienneté pour la quatrième nomination et le choix pour les deux suivantes, et ainsi de suite. Le chef de bataillon était élu par tout le bataillon ; les autres places étaient données par la compagnie où vaquait l'emploi.

[43] Haussmann, Ferry, Du Roy, Louis et Pflieger au Comité, 15 mai (A. N. AFII 247) ; Haussmann et Du Roy au Comité, 24 mai (Rec. Aulard, IV, 315) ; Krieg à Bouchotte, 9 août ; cf. Deville et Milhaud au Comité, 13 juin ; Gateau à Bouchotte, 29 juin (A. G.). Le mode d'avancement, écrivait Gateau, élève aux premières places une foule d'anciens serviteurs qui n'y sont pas propres par le défaut de lumières.

[44] Krieg à Bouchotte, 9 août ; Beauharnais au Comité, 18r juin (A. G.) ; nominations provisoires faites par Ruamps, Du Roy, Ritter, Laurent, Haussmann et Ferry, 19 mai [A. N. AF II 247) ; Saint-Cyr, Mém., I, 81-86.