LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

WISSEMBOURG

 

CHAPITRE PREMIER. — RÜLZHEIM.

 

 

I. Custine rejeté sur Landau. Ses premières alarmes. Ses mesures de défense. Il reçoit de nouveau le commandement des deux armées de la Moselle et du Rhin. Mission de Berthelmy. Houchard remplace d'Aboville à l'armée de la Moselle. Custine à Sarrebrück. Indiscipline. — II. Les représentants du peuple. Lettre du général au duc de Brunswick. Querelle avec Montaut, Ruamps et Soubrany. Custine à l'armée du Nord. — III. Landremont à Herxheim. Affaire du 17 mai. Panique. Rôle de Ferrier. Ses démêlés avec Custine. Positions des armées de la Moselle et du Rhin. Le camp de Hornbach.

 

I. Rejeté sur Landau dans les derniers jours de mars 1793, après les combats de Waldalgesheim et de Bingen, coupé de cette ville de Mayence qu'il avait conquise à la République française et qu'il abandonnait avec la certitude qu'elle ne pourrait être secourue et que, dans six mois au plus, elle tomberait fatalement aux mains des Prussiens, Custine fut un instant éperdu. Après s'être vanté de répandre en Allemagne les principes de la Révolution et d'ébranler dans ses fondements le saint Empire germanique, après avoir caracolé par les rues de Francfort en triomphateur, après avoir reçu les clefs de Coblenz et envoyé des lettres de sauvegarde à la Chambre de Wetzlar et à l'Université de Gottingue, il se voyait réduit à regagner précipitamment l'Alsace et à défendre la frontière.

Aussi, plus que jamais, accusait-il tout le monde, excepté lui-même. Pourquoi le laissait-on manquer d'artillerie ? Pourquoi ne lui donnait-on pas la cavalerie qu'il réclamait depuis si longtemps avec les plus vives instances ? Son armée n'existait que sur le papier ; elle n'avait qu'une apparence d'organisation ; et quelle organisation ! Pas d'officiers-généraux, très peu de canons, huit à dix escadrons de dragons et de chasseurs. Voilà où aboutissaient les brillantes mesures de ce Beurnonville dont l'imprévoyance soldatesque avait entassé fautes sur fautes ! Et que d'ennemis s'opposaient à lui ! Plus de quatre-vingt mille, disait-il ; et il les énumérait exactement, comme s'il avait eu sous les yeux l'ordre de bataille des alliés : 39.000 Prussiens, 22.000 Autrichiens, 4 2.000 Hessois. Il calculait le chiffre de leur cavalerie, qui comptait, à n'en pas douter, 50 escadrons de hussards et 20 escadrons de dragons ; il ignorait toutefois le nombre des cuirassiers.

Que faire, s'écriait-il, contre cette irruption ? Comment arrêter cette inondation de barbares esclaves ? Ne fallait-il pas céder au torrent, du moins pendant quelques jours ? Il proposait d'évacuer Lauterbourg, d'évacuer Wissembourg, d'évacuer les lignes de la Lauter qu'il jugeait mauvaises et dégradées[1], d'évacuer Drusenheim et la Basse-Alsace. Il abandonnerait à elles-mêmes les forteresses, Fort-Louis, la Petite-Pierre, Lichtenberg, Strasbourg, Schlestadt ; déjà les administrateurs du Bas-Rhin avaient ordre d'amasser dans ces cinq places tous les magasins du plat pays ; déjà le commandant de Schlestadt devait dresser l'état de ses munitions de guerre et de bouche et prescrire aux habitants de s'approvisionner pour six mois. Custine supposait même qu'il serait rejeté dans la plaine au-delà des gorges de Phalsbourg.

Mais les Austro-Prussiens ne bougèrent pas. Frédéric-Guillaume n'avait d'autre dessein que de prendre Mayence. Wurmser se contentait d'observer Landau, tandis que Brunswick établissait son quartier-général à Edenkoben. Seul, Hohenlohe-Ingelfingen s'avança jusque dans le pays de Deux-Ponts : dans un dîner, qu'il avait offert au roi de Prusse, le duc Charles avait sollicité le secours du généreux prince qu'il appelait le protecteur des peuples germaniques, et Frédéric-Guillaume avait ordonné que Hohenlohe occuperait Hombourg et Deux-Ponts pour préserver de l'invasion française le magnifique château du Carlsberg[2].

Les frayeurs de Custine se calmèrent. Il respira, reprit haleine, et devenu plus froid, plus rassis, il fit sans hâte fébrile, sans précipitation étourdie, ses préparatifs de défense. Il porta son armée en arrière de Landau, entre cette place et Billigheim. Il nomma Gilot commandant de Landau, lui donna une garnison de 7.400 hommes, et lui enjoignit de ne rendre la ville que lorsqu'elle serait un monceau de cendres. Il forma un corps de pionniers qui devait faciliter les communications et diminuer les obstacles de la marche en un pays difficile et montueux : chaque bataillon de l'armée enverrait à Haguenau un soldat sur cinquante, et ce soldat serait choisi parmi les hommes les plus robustes et les plus accoutumés à remuer la terre. Il requit les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Haute-Saône, du Jura, du Doubs, des Vosges de faire occuper les postes de la rive gauche du Rhin par une partie de la garde nationale sédentaire. Il pria le général d'Aboville, qui commandait l'armée de la Moselle[3], de rassembler ses troupes dans le Deux-Ponts et de dresser un camp sous les murs de Bitche : les deux armées devaient se coller aux Vosges, se prêter mutuellement appui, arrêter l'envahisseur dans les montagnes, le forcer à des combats toujours hasardeux en cette région malaisée, et, autant que possible, le prendre à revers. Enfin, il demanda, comme lieutenant, au Conseil exécutif, Achille Du Chastellet, dont il vantait les talents[4], et choisit pour chef d'état-major un officier vaillant et passablement instruit, Baraguey d'Hilliers, qui venait d'organiser à Villefranche la légion des Alpes[5].

Dans le premier moment, il avait offert sa démission, et il informait le Comité de défense générale qu'il attendait son successeur avec impatience[6]. Mais bientôt, ressaisi par l'ambition, il écrivit à ses amis de Paris qu'on devait lui confier le commandement de toute la frontière entre Longwy et Bâle. Le 6 avril, son désir était exaucé ; il redevenait général en chef des deux armées de la Moselle et du Rhin, et il marquait aussitôt à d'Aboville : ce ne sont plus des prières, ce ne sont plus des invitations que je vous adresserai désormais : ce seront des ordres. Et les ordres que reçut d'Aboville furent de former sous Bitche un camp de 6.000 hommes, de rassembler dans le Deux-Ponts la partie disponible de son armée et de pousser avec la plus grande célérité son avant- garde jusqu'à Hombourg.

Pour hâter l'exécution des mesures qu'il avait prescrites, Custine envoya l'adjoint Berthelmy à d'Aboville. Il se rappelait, sans doute, que Frédéric II avait coutume de dépêcher à ses généraux un aide-de-camp qui les dirigeait et leur imposait la volonté du maître. Berthelmy, que Custine nommait un homme probe et vraiment civique, devait anéantir toutes les hésitations, lenteurs et retards ; sa mission durerait jusqu'au jour où l'armée de la Moselle aurait couvert les issues de la frontière et garni les débouchés de la Petite-Pierre et de Bitche[7].

Le vieux d'Aboville ne demeura pas longtemps sous la tutelle de Berthelmy. Le 29 avril, Houchard le remplaçait. Custine jugea que le ministre Bouchotte faisait à Houchard un funeste présent ; l'ancien colonel du 2e chasseurs, disait-il, est excellent pour commander une avant-garde ; je crains qu'il n'échoue dans le commandement d'une armée[8]. Mais il savait que Houchard serait docile et suivrait aveuglément son impulsion. Lui-même se rendit bientôt à l'armée de la Moselle pour la passer en revue et voir de près les officiers-généraux ; dans cet instant critique on ne pouvait plus connaître les hommes.

Il trouva l'armée postée selon ses désirs : deux bataillons près de Sarrelouis ; l'avant-garde, sous les ordres du général Delaage, en avant de Sarrelouis ; dix-huit bataillons et le parc d'artillerie à Forbach ; les carabiniers entre Sarrebrück et Sarreguemines ; trois régiments de cavalerie, de Sarrebrück à Sarrelouis ; six bataillons, ainsi que le 1er dragons et cent hussards de la légion de la Moselle à Blieskastel ; la réserve commandée par Pully, en avant de Bitche, à Hornbach, où elle formait un corps dit le corps des Vosges et communiquait par sa gauche avec Blieskastel et par sa droite avec l'armée du Rhin. C'étaient environ 30.000 hommes qui gardaient les frontières de la Lorraine, et les recrues ne cessaient d'arriver. Mais les troupes ne s'étaient pas remises encore de l'expédition de Trêves. Au mois de janvier, le commissaire national Simon qui les visitait, écrivait que leur indiscipline dépassait toute imagination, que les détails faisaient horreur. Au mois d'avril, elles ne s'étaient pas amendées. Il y avait, sans doute, d'excellents régiments de ligne, comme le 5e, le 22e, et de solides bataillons de volontaires : le 1er de Saône-et-Loire assistait l'année précédente à la canonnade de Valmy ; le 7e de la Meurthe semblait animé du meilleur esprit ; le 2e de Seine-et-Marne était tout à fait remarquable par la composition de ses officiers. Néanmoins l'armée restait désobéissante, insubordonnée, avide de butin. La trop fameuse légion de la Moselle, ce ramassis de voleurs et de brigands, était toujours la terreur du pays de Sarrebrück. On ne voyait dans les marches que des traînards qui s'attardaient aux cabarets. Houchard se plaignait que le pillage fût devenu de mode ; les ordres journaliers, disait-il, ne sont pas lus à la troupe ; quelquefois même personne ne les lit ; les rassemblements des compagnies, les appels, la police, tout est oublié. Les officiers n'osaient réprimander et châtier leurs hommes ; s'ils voulaient se montrer sévères, le soldat les traitait d'aristocrates et menaçait de les dénoncer. Vite un code militaire, s'écriait La Barolière, vite la peine de mort, et que les formes soient promptes ; une tête de moins en sauvera mille ![9]

L'armée du Rhin offrait un spectacle semblable. Custine accusait les officiers d'abandonner leurs compagnies à elles-mêmes et de laisser tout périr ; on devait, ajoutait-il, ranimer la machine pour empêcher une complète désorganisation, et il se promettait d'user d'une sévérité terrible et salutaire[10].

Il n'osa faire les exemples qu'il annonçait. Mais il s'efforça tant bien que mal de discipliner l'armée, de la pourvoir d'artillerie et de cavalerie, de former et de dresser les nouveaux venus. Les commissaires le pressaient de marcher sur Mayence et de dégager la ville assiégée : On ne peut espérer des succès, répondait Custine, qu'avec des troupes exercées.

 

II. Un décret du 30 avril avait nommé quatre représentants du peuple près l'armée de la Moselle : Le Vasseur de la Meurthe, Maignet, Maribon-Montaut et Soubrany. Dix autres représentants étaient attachés à l'armée du Rhin. Ils se partageaient la besogne. Merlin de Thionville et Reubell étaient enfermés dans Mayence. Ferry, Laurent, Ruamps surveillaient le Doubs et les départements du Rhin. Tout ce qui appartenait à la défense des places et au développement des forges, fabriques nationales et manufactures d'armes, était du ressort de Ferry, ancien professeur à l'Ecole du génie de Mézières. Les opérations propres au Comité central de correspondance roulaient sur Louis et Pflieger qui séjournaient à Strasbourg. Les camps, armées et cantonnements étaient dans les attributions de Haussmann, de Du Roy et de Ritter[11].

Tant de commissaires qui portaient sur toutes choses leurs regards soupçonneux, gênaient et importunaient Custine. Il se plaignit à Bouchotte de leur continuelle intervention dans les affaires militaires : les représentants, disait-il, tranchaient les questions sans lui donner avis, et se mêlaient des objets dont il était seul responsable. Il fut bientôt en lutte avec eux[12].

Il avait prié Brunswick de comprendre le traître Boos dans un échange de prisonniers[13], et sa lettre prodiguait à l'auteur du Manifeste les compliments et les louanges ; il le qualifiait d'Altesse Sérénissime et vantait sa grande âme ; il assurait que la sagesse de Guillaume-Ferdinand, sa philosophie, son amour pour le peuple de son duché l'appelaient à être le soutien de l'opprimé et le pacificateur du monde[14]. Cette missive excita l'indignation de Maribon-Montaut, de Ruamps et de Soubrany. Quoi ! un général français rendait hommage aux vertus de Brunswick ! Une pareille lettre ne suffisait-elle pas pour lui retirer toute confiance ! Et cet homme osait se dire le sauveur de la patrie ! Il osait rêver la dictature, écrire à la Convention qu'il fallait au pays un homme à grand caractère[15] ! Et l'assemblée entendait avec indifférence cette profession de foi ! Elle ne punissait pas cet excès d'audace, n'envoyait pas le coupable au tribunal révolutionnaire ! Elle ne se souvenait donc ni de Lafayette, ni de Dumouriez ! Elle laisserait Custine tenter à lui seul, ce que tous les rois coalisés de l'Europe avaient inutilement tenté !

Les commissaires interpellèrent Custine en présence de son état-major. Il leur répondit qu'il ne pouvait écrire à Brunswick une lettre injurieuse. Mais, lui dit Montaut, il y avait, entre les injures et les flagorneries, un style noble et fier qui convient au général d'une armée républicaine, et ce style, vous ne l'avez pas pris. Custine s'échauffa. Je suis républicain, s'écriait-il, et je hais les rois. — Soit, répliquèrent les représentants, mais vous devez comprendre l'horreur que le nom seul des rois inspire aux républicains. Jamais le peuple français ne reconnaîtra dans Brunswick le pacificateur du monde ; jamais il ne louera la vertu, la philosophie des despotes qui veulent étouffer le génie de la liberté dans son berceau. Si nos armées étaient bien conduites, elles dicteraient elles-mêmes les conditions de la paix. Custine offrit sa démission à plusieurs reprises. Les commissaires lui répondirent froidement qu'ils ne pouvaient l'accepter, mais que le sort de la France ne dépendait pas d'un individu. Enfin, voyant que Custine parlait trop haut, ils lui rappelèrent qu'ils étaient les représentants de la nation[16].

Le général manda sur-le-champ cet entretien à la Convention. Devait-on, disait-il, mépriser tous les rois parce qu'ils ont eu le malheur de naître sur le trône ! Mais, puisqu'il avait perdu la confiance des commissaires, puisque Montaut et ses collègues l'accusaient de développer dans sa lettre à Brunswick des sentiments indignes d'un républicain, il ne pouvait plus commander les armées françaises, et il attendait un successeur[17].

L'assemblée accueillit par des murmures le titre d'Altesse Sérénissime que Custine donnait à Brunswick. Toutefois, elle parut blâmer ses commissaires, et plusieurs membres demandèrent leur rappel : Custine était l'unique général de la République, et l'armée du Nord le réclamait à grands cris comme le seul qui pût remplacer Dampierre, et arrêter la marche victorieuse de Cobourg. Le 13 mai, à deux heures du matin, le Comité de salut public conférait à Custine le commandement des armées du Nord et des Ardennes, et le même jour, dans la séance de la Convention, il déclarait par la voix de Barère que la lettre du général au duc de Brunswick ne contenait rien de suspect. On ne pouvait, disait Barère, désapprouver Montaut et ses deux collègues ; ils avaient agi par excès de zèle ; ils pensaient avec raison qu'un général ne doit jamais politiquer avec l'ennemi ; mais n'avaient-ils pas dépassé les bornes et ne s'étaient-ils pas emportés trop passionnément contre un homme dont les sentiments républicains ne faisaient aucun doute ? Custine, ajoutait-il, avait su résister à la manie diplomatique, établir la discipline, assurer la comptabilité, imposer les assignats ; il avait envoyé le plus exactement les états de revue ; le Comité cédait au désir de l'armée du Nord veuve de son général ; Custine irait en Flandre ; Diettmann commanderait provisoirement l'armée du Rhin et serait subordonné à Houchard[18].

 

III. Custine accepta : il quittait avec regret une armée qu'il avait, disait-il, organisée, et un pays où il servait depuis le commencement de la guerre ; mais les ordres du Comité étaient précis ; il partait donc pour prouver son obéissance[19].

Par malheur, avant de s'éloigner, il s'avisa de tenter une fois encore la fortune des armes. Il avait eu le 6 mai un léger avantage. Il voulait introduire dans Landau un certain nombre de recrues, et pour faciliter l'opération, il avait chargé Landremont, qui commandait son avant-garde, d'occuper l'adversaire sur un autre point. Au lieu de faire une simple feinte, Landremont agit offensivement afin de montrer aux ennemis un petit essai du courage des républicains. Le 6 mai, à cinq heures du matin, il marcha sur Rheinzabern et refoula un avant-poste autrichien. Sa troupe formait deux colonnes qui devaient tourner Herxheim, l'une par la droite, l'autre par la gauche. Mais Seriziat, qui dirigeait la colonne de droite, commença l'attaque une heure trop tôt : sa cavalerie impatiente se jeta dans Herxheim à bride abattue, sans attendre de signal, et il dut la suivre en faisant un feu violent d'artillerie et de mousqueterie. Les Impériaux purent se sauver dans la forêt voisine et gagner Rülzheim. L'affaire était néanmoins honorable pour les Français. L'ennemi laissait plus de deux cents morts et blessés sur le terrain, et L'infanterie légère, commandée par Delmas et Ferino, avait déployé la plus brillante valeur ; les chasseurs du Rhin, disait Landremont, et les volontaires du 1er bataillon de la Corrèze ont chassé tout ce qui se trouvait devant eux[20].

Ce combat de Herxheim encouragea Custine. Il résolut de frapper un grand coup, de faire contre les lignes autrichiennes une éclatante démonstration, de couronner la fin de son commandement d'Alsace par un succès retentissant. Les deux armées de la Moselle et du Rhin eurent ordre de se porter en avant dans la journée du 17 mai : il fallait, disait Custine, les aguerrir, augmenter leur ardeur, leur donner les moyens de tenter de plus hardies entreprises ; il fallait montrer aux coalisés, par une attaque leste et vigoureuse, qu'ils avaient devant eux des républicains qui ne leur laissaient pas de repos ; il fallait les étriller et accroître le dégoût qui naissait parmi les troupes prussiennes.

Le but du général Moustache était d'enlever un corps de trois bataillons et de trois escadrons que les Autrichiens avaient poussé vers Rülzheim. Mais, pour que l'opération réussît, il fallait contenir de toutes parts les alliés. Custine mit en branle l'armée de la Moselle. Houchard dut, le 17 mai, au matin, avec trois brigades d'infanterie et sa cavalerie entière, débusquer les Prussiens de Limbach en les prenant à revers ; puis se porter vivement sur le Carlsberg et, après avoir fait ses efforts pour détruire les ennemis, se retirer tranquillement sur sa position primitive. Custine l'engageait à faire un grand nombre de prisonniers : ce sont des Prussiens ; il ne faut pas tout tuer ; quant aux Autrichiens et aux Hessois, je vous les abandonne, faites-en chair à pâté : phrase malheureuse qui fut tournée plus tard contre Custine et devint un des griefs principaux de ses adversaires politiques[21].

Pully seconderait Houchard. Sa division porterait en face de Deux-Ponts une tête de colonne ; une autre colonne attaquerait les ennemis à Pirmasens en tâchant de tomber sur leurs derrières ; le mouvement terminé, Pully rentrerait dans son camp[22].

Restait l'armée du Rhin. Falck, avec neuf bataillons et quelques cavaliers, se dirigerait sur Annweiler pour inquiéter les Prussiens. La garnison de Landau, appuyée par le colonel O'Meara et le 6e bataillon d'infanterie légère, occuperait Queichheim, jetterait des tirailleurs dans les vignes de Nussdorf et de Dammheim, et ferait jusqu'à la nuit close de nombreux simulacres de marches pour alarmer les Impériaux. Chambarlhiac, qui commandait Fort-Vauban, ci-devant Fort-Louis, opérerait une semblable démonstration sur la rive droite du Rhin : il s'efforcerait de refouler tous les postes autrichiens, mais se bornerait à des menaces[23].

Ferrier, qui conduisait la droite de l'armée, avait pour instruction de s'engager lorsqu'il entendrait la canonnade tonner à Rülzheim : certain de n'être pas tourné sur son flanc droit, il pousserait en avant, placerait ses troupes en échelons et chasserait les Autrichiens de la forêt de Bienwald, puis de Rheinzabern. Quant à Custine, il se proposait d'attaquer Rülzheim et de faire main basse sur les Impériaux qui gardaient ce village.

Ces dispositions furent exécutées sur presque tous les points mollement et sans entrain. Pully attaqua plusieurs postes en avant de Deux-Ponts et à Contwig sur la-route de Pirmasens, et fit quelques prisonniers[24].

Houchard se porta sur Limbach ; il vit de loin les Prussiens se replier vers Hombourg ; mais à une lieue et demie du Carlsberg, il commanda la retraite. Pourquoi se serait-il emparé du château ? Custine lui prescrivait de lâcher la position sitôt qu'elle serait prise. Dès lors, à quoi bon la prendre ? Fallait-il sacrifier inutilement quelques braves gens pour s'établir sur une montagne qu'on abandonnerait ensuite ? Les représentants Maignet, Montaut, Soubrany accompagnaient l'armée ; ils refusèrent absolument de se prononcer ; ils s'étaient fait une loi, disaient-ils, de ne se mêler des opérations militaires que lorsqu'elles pourraient compromettre le salut de la République ; mais ils mandèrent à Paris que les Prussiens avaient fui et que les républicains, fatigués de poursuivre des fuyards, et désireux de se battre, n'avaient reçu qu'avec douleur l'ordre de regagner leurs cantonnements[25].

Falck imita Houchard. Il entra dans Annweiler à dix heures du matin et passa la journée à charger sur des voitures toute l'avoine qu'il trouva ; au soir, il rebroussait chemin sans avoir tiré un coup de fusil[26].

La garnison de Landau fit tranquillement une promenade hors des murs.

Chambarlhiac voulait traverser le Rhin. Mais les artilleurs autrichiens, postes sur la rive droite, ouvrirent leur feu sur les premières barques qui tentaient le passage, et malgré les menaces du capitaine et du lieutenant des pontonniers, les bateliers refusèrent de démarrer. Néanmoins, écrivait Chambarlhiac, le but de Custine était rempli, puisqu'on avait attiré du monde dans cette partie[27].

Custine enfin, qui se réservait, comme à Spire, le rôle principal, échoua piteusement. Il était parti le 16 mai, à huit heures du soir avec Diettmann, vingt-six bataillons d'infanterie, trois régiments de cavalerie, trois régiments de dragons et deux régiments de chasseurs à cheval. Mais les inévitables lenteurs d'un état-major qui entrait en exercice et opérait pour la première fois, avaient singulièrement retardé la marche. Les soldats, fatigués, accablés par la chaleur du matin, n'avaient ni eau dans leurs gourdes, ni rien pour se rafraîchir. Sans tenir compte de leur lassitude, le général ordonna de marcher plus vite encore. Au sortir d'Insheim apparurent les premiers postes autrichiens ; ils se retirèrent aussitôt. Custine remarqua leur bonne contenance : Les Autrichiens, dit-il à Baraguey d'Hilliers, sont prévenus de notre attaque, nous ne trouverons rien. On était aux abords de Herxheim. Delmas mit en fuite un détachement de pandours qui tentaient de résister, et le 10e régiment de chasseurs à cheval entra dans le village. A peine cette troupe débouchait-elle de Herxheim qu'elle vit s'avancer à sa rencontre les dragons de l'Empereur et trois escadrons de la légion Mirabeau. Elle chargea sur-le-champ, sans reconnaître l'adversaire, et fut rompue. Custine envoya le 9e régiment de chasseurs à son secours. Malgré le feu de l'artillerie que les Impériaux avaient cachée dans les seigles, le 9e chasseurs s'élança résolument, culbuta les dragons de l'Empereur et les hussards de Mirabeau, s'empara des deux canons du bataillon Gyulai, et se laissa, dans l'ardeur de la poursuite, entraîner jusqu'à Rülzheim. Mais, accueilli presque à bout portant par une fusillade bien nourrie, chargé par la réserve de la cavalerie autrichienne, il dut bientôt tourner bride et abandonner les canons qu'il avait pris. Custine le rallia, arrêta les Impériaux et se retira sur sa colonne d'infanterie.

Cette colonne, que commandait Diettmann, s'acheminait à une lieue derrière l'avant-garde, dans les bas-fonds qui bordent le Klingbach, et après une marche pénible, elle sortait du vallon et atteignait la hauteur. Mais le bataillon de tête, le 11e des volontaires du Doubs, n'avait pas encore vu la guerre. A l'instant où il se déployait sur le plateau, deux pièces de canon arrivaient au galop et soulevaient un gros nuage de poussière. Dans le même temps accourait le 9e régiment de chasseurs en pleine déroute, puis se montraient le 40e chasseurs, ainsi que Custine et son état-major. Le bataillon du Doubs, croyant avoir les Autrichiens sur les bras, fait un feu roulant de toutes ses armes et se met à fuir. Le 2e bataillon du Haut-Rhin, composé pour la moitié de recrues qui n'avaient quitté leurs villages que depuis quinze jours, imite l'exemple des volontaires francs-comtois. Lui aussi tire sur les chasseurs, puis lâche pied. La panique saisit la colonne d'infanterie. On n'entend partout qu'une clameur d'effroi : saute qui peut ! nous sommes perdus ! Bataillons et pelotons se renversent les uns sur les autres. En moins d'un quart d'heure, six mille hommes se répandent, s'éparpillent dans le vallon du Klingbach et se précipitent à toutes jambes vers la route de Wissembourg, criant à la trahison, jetant leurs havresacs, leurs gibernes et leurs fusils, pour courir plus vite.

Un monticule dérobait aux ennemis cette débandade inattendue. Le désordre fut promptement réparé. Custine, Baraguey d'Hilliers, les principaux officiers, les représentants, Haussmann, Du Roy, Ferry, allaient de tous côtés rallier les fuyards. Français, disait Custine, ne faites point feu, c'est votre cavalerie ! Baraguey d'Hilliers gagnait l'extrémité du vallon et agitait un drapeau qu'il avait ramassé. Des officiers et des sous-officiers de serre-file de l'infanterie se détachaient de leurs bataillons et, le sabre à la main, secondaient les efforts du chef d'état-major. Le 3e et le 46e de ligne, le 1er des volontaires de l'Ain, plusieurs autres encore restaient fermes au milieu de la dispersion générale et gardaient leurs rangs. Le lieutenant-colonel Mengaud avait, au bout de cinq minutes, ramené le 26 bataillon du Haut-Rhin. Bref, après quelques moments d'affreux désarroi, les brigades, remises de leur frayeur, se reformèrent, se rapprochèrent, et la cavalerie, elle aussi rassurée, vint s'abriter derrière l'infanterie[28].

Pendant ce temps Landremont repoussait les Autrichiens qui venaient de Germersheim. La retraite qu'il fit avec autant d'intelligence que de valeur, sans se laisser entamer, lui valut, outre les éloges de Custine, le grade de général de division. Ainsi que lui se signalèrent, dans cette journée, le vieux Lafarelle, qui reçut au front une grave contusion, le colonel Labarbette et le lieutenant-colonel Neuilly, du 44e dragons, le capitaine Desaix et un homme qui fut un des instruments les plus utiles de Napoléon, Clarke, alors lieutenant-colonel du 2e cavalerie. Clarke avait eu son cheval tué sous lui ; il prit le fusil d'un blessé et se rangea dans le 2e bataillon du Haut-Rhin, qu'il ne quitta qu'à la fin de l'action. Les représentants, admirant son sang-froid, le nommèrent sur-le-champ général de brigade, puis le firent chef de l'état-major. L'affaire du 17 mai est la dernière à laquelle ait assisté le futur duc de Feltre[29].

Durant l'échauffourée, qu'avait fait Ferrier qui commandait la droite ? Il devait s'ébranler dès qu'il entendrait le canon. Mais vainement Ferino l'avertit que le signal était donné. Vainement, un aide-de-camp ; envoyé par Custine, l'informa que le moment de l'attaque était venu. Ferrier ne bougea pas. L'aide-de-camp lui proposa de pousser une reconnaissance. Votre général, s'écria Ferrier, m'a député un trop jeune maître pour me dicter ma leçon, et il resta, comme auparavant, inactif, inerte. Il ne fit marcher ses bataillons qu'avec une lenteur extrême. Il prit les plus minutieuses précautions pour assaillir les postes autrichiens épars dans la forêt de Bienwald, et s'arrêta sur la rive droite du Klingbach, à l'entrée du bois de Herxheim. Baraguey d'Hilliers l'accuse d'avoir causé le désastre par son silence inouï, par sa lâcheté, par sa trahison ; Ferrier, dit-il, avait l'ordre précis d'attaquer vigoureusement l'ennemi en avant de lui ; il se tint sur la défensive, ne montra aucune troupe hors des bois, ne lira pas un coup de canon[30].

Pourtant, ce Ferrier n'était pas incapable. Très méthodique et tellement circonspect qu'il paraissait timide et irrésolu, il réparait son indécision par sa bravoure et sa connaissance du métier. Ni fort aimable, ni fort sociable, écrit l'indulgent Biron, il est très patriote et très militaire, et cela doit faire passer sur le reste. Il avait un beau renom de jacobinisme ; lorsqu'il commandait dans le Vaucluse, il acceptait la présidence du club d'Orange, et l'on prétendait qu'il avait dansé avec Jourdan Coupe-Tête une farandole que les émigrés ne lui pardonneraient pas. Le camp de Huningue le demandait comme général à l'Assemblée législative. Les journalistes, et surtout Laveaux, exaltaient son caractère civique, assuraient qu'il parlait en républicain dans les sociétés populaires, qu'il était digne de conduire des sans-culottes, qu'il ne se plaignait jamais de l'indiscipline de ses troupes, qu'il ne jouait pas au grand seigneur, qu'il traitait ses soldats sans morgue, comme s'il eût été leur camarade et leur ami. Mais une ambition insatiable dévorait Ferrier ; il frondait ses chefs, ne cessait de les contredire et de les dénigrer, et, secrètement, par tous les moyens, même les plus vils, cherchait à les supplanter. On l'accusait de correspondre sous main avec Ronsin et Vincent et de faire le délateur. Depuis longtemps, il détestait Custine. Il avait organisé le détachement qui chassa les Autrichiens des gorges de Porrentruy vers la fin d'avril 1792, et il fut très mortifié que Custine reçût le commandement de l'expédition. Il déchaîna contre son rival les clubs de Belfort et de Huningue qu'il tenait sous son ascendant et qui reprochèrent à Custine d'avoir permis aux Impériaux d'échapper. Le général Moustache lui rendit la pareille ; il proposa de lui confier la défense de Landau, mais il le nommait le plus grand brouillon, le plus grand bavard et l'homme le plus incapable du monde, absolument impropre à former un plan de guerre et à l'exécuter[31].

Dès le lendemain du combat de Rülzheim, Custine appelait Ferrier à Wissembourg et l'apostrophait en termes sanglants : Vous n'avez pas exécuté mes instructions et vous avez fait preuve d'ineptie ou de mauvaise volonté. Ferrier répondit sans s'émouvoir à ces invectives : Diettmann, disait-il, commandait dorénavant l'armée du Rhin, et Custine n'avait plus aucune autorité ; lui, Ferrier, ne devait de compte qu'à Diettmann, et s'il se présentait au quartier-général, c'était pour montrer qu'il savait obéir. On veut, ajoutait-il, contrôler ma conduite ; c'est moi qui contrôlerai celle des autres ; votre état-major met une telle négligence dans son service qu'il ne m'a pas donné la série des mots d'ordre pour la seconde quinzaine du mois de mai. Custine sortit des gonds, et, dans sa lettre au ministre de la guerre, déclara qu'il n'avait vu paraître aucune des troupes de Ferrier à la journée de Rülzheim. Ferrier se vengea ; il dénonça Custine et envoya son confident, l'adjudant-général Cousso, soutenir à Paris sa dénonciation[32]. Custine releva le défi : Si Ferrier, écrivait-il, n'a pas suivi mes ordres, s'il n'a pas tourné le flanc gauche des ennemis, s'il s'est arrêté à l'entrée du bois d'Herxheim, il doit payer de sa tète. Il a beau m'accuser d'impéritie ; il n'est que peu d'individus dans l'armée qui doutent de la sienne, et il priait la Convention de le débarrasser de ce frelon qui bourdonnait sans cesse à ses oreilles[33].

Rülzheim fut le dernier acte de Custine en Alsace. Selon sa coutume, il pallia son échec : il voulait n'entreprendre l'opération que dans les premiers jours de juin, lorsque ses troupes seraient plus exercées, et il eût sûrement remporté le plus brillant succès ; il avait brusqué l'affaire parce que les ennemis auraient pu profiter de son départ pour assaillir inopinément Diettmann qui ne connaissait pas le pays ; enfin, il avait eu pendant la marche des coliques affreuses et il éprouvait encore des douleurs très vives qui ne le laissaient dormir ni jour ni nuit. Mais ce revers du 17 mai fut une des causes de sa perle. Dans quelles mains nous trouvons-nous ! mandait un officier à Euloge Schneider[34], et trois mois plus tard, devant le tribunal révolutionnaire, Gateau accusait Custine d'avoir conçu l'attaque de Rülzheim pour décourager les troupes et précipiter la reddition de Mayence.

Mais les Jacobins exaltés étaient les seuls qui murmuraient contre Custine. Lorsque, le 23 mai, le général Moustache dit adieu à l'Alsace, il emporta les regrets de l'armée du Rhin. Le soldat aimait ses façons familières et gaillardes : il appréciait ses talents ; il le tenait pour l'unique homme de guerre qu'eût alors la République. Quelques méchants et désorganisateurs, écrit un officier, ont cherché à peindre Custine comme un traître, et parfois il a été forcé à une grande dureté qu'on appelle despotisme ; mais sa juste fermeté, la bonne tenue de son armée, ses sentiments républicains lui ont valu l'estime et l'amour du soldat[35].

On ne doit pas oublier qu'il avait fixé pour longtemps, sur de belles et importantes positions, les emplacements des armées. Il avait réparé les anciennes lignes de Wissembourg en plusieurs points, à Saint-Remy, au moulin de Bienwald, à Scheibenhard. Loin d'occuper fortement la rive gauche de la Lauter, et d'y construire trop de redoutes, comme firent ses successeurs, il avait mis la plus grande partie de l'armée du Rhin sur les hauteurs avantageuses de l'autre bord, au camp du Geissberg, en arrière de Wissembourg. Il avait envoyé la gauche dans les gorges de Lembach, jusqu'à Fischbach et Dahn, pour défendre la route de Bitche et tous les débouchés des Vosges. Enfin, il avait créé la division qu'on nomma le corps des Vosges, et qui fut commandée d'abord par Pully, ensuite par René Moreaux. Ce corps des Vosges avait son quartier-général à Hornbach, entre les deux ruisseaux de la Horn et de la Schwalb ; il occupait les villages voisins de Hornbach et poussait jusqu'au Ketterich. Il protégeait Bitche contre un ennemi qui viendrait de Deux-Ponts et de Hombourg ; il préservait le revers des Vosges, assurait la gauche des lignes de Wissembourg, couvrait la communication entre la Lorraine et l'Alsace, reliait à l'armée du Rhin l'armée de la Moselle, dont il formait la droite. La position de Hornbach, inattaquable de front, était donc superbe, selon le mot de Pully, et, comme dit un officier prussien, excellemment choisie, non seulement à cause de sa propre force, mais parce qu'elle répondait à de grands desseins : en s'installant à Hornbach et au poste avancé du Ketterich, tout en s'appuyant au Rhin, les Français étaient maîtres de la montagne et pouvaient s'établir avec avantage partout où il leur plairait, sur la rive droite de la Lauter[36].

 

 

 



[1] Lettre que Laveaux reproduisit le 20 juillet dans le Journal de la Montagne pour prouver que Custine voulait décourager les patriotes. Selon Legrand, le général ne pensait pas à cette retraite : il avait le plus grand besoin de fourrages et de farines ; il voulait faire peur aux administrations et stimuler leur zèle.

[2] Massenbach, Memoiren, 1803, I, 175-176 ; Remling, Die Rheinpfalz in der Revolutionszeit, 1865, I, p. 319-326 ; Gesch. der Kriege in Europa, I, 181-185.

[3] Cf. L'expédition de Custine, 249.

[4] Custine au Conseil exécutif, 12 mai (A. G.). Cf. sur Du Chastellet, Trahison de Dumouriez, 14.

[5] Louis Baraguey d'Hilliers, successivement volontaire au 53e rég. (1783), sous-lieutenant (1er avril 1784), lieutenant en 2e (23 nov. 1787), lieutenant en 1er (1er avril 1791), démissionnaire (1er mai 1791), capitaine au 11e d'inf. (15 nov. 1791), aide-de-camp de Crillon (10 févr. 1792) et de La Bourdonnaye (27 mai 1792), lieutenant-colonel de légion (28 juillet 1792), avait été nommé général de brigade le 4 avril 1793. Il fut suspendu le 27 juin suivant, remis en activité le 1er prairial an III, destitué et arrêté le 19 vendémiaire an IV, réintégré le 23 brumaire an IV, et promu général de division le 20 ventôse an V. Cf. sur lui les Mém. de Lavallette (1831, I, 97-119) ; Lavallette, le futur directeur-général des postes, servait alors dans la légion des Alpes et suivit Baraguey d'Hilliers à l'armée du Rhin comme sous-lieutenant au 93e régiment et aide-de-camp. Un des officiers de d'Hilliers le juge ainsi : c'est un homme rempli de l'amour de sa patrie et de génie qui, je suis sûr un jour sera un grand général ; il en a tous les moyens.

[6] Il s'imaginait que ce serait Deprez-Crassier. Cf. sur ce point et sur tout ce qui précède sa correspondance dans les premiers jours d'avril (A. G.).

[7] Custine à d'Aboville, 9, 11, 12 avril ; au Comité de salut publié et à Bouchotte, 12 avril (A. G.).

[8] Custine à Bouchotte, 15 avril (A. G.).

[9] Blaux à ses collègues, 6 et 7 avril (Rec. Aulard ou Recueil des Actes du Comité de salut public avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire, III, 130 et 149) ; d'Aboville au ministre, 26 avril (A. G.) ; Simon et Grégoire à Le Brun, 12 janvier (A. N. Fie 40-41) ; Schauenburg à Houchard, 12 juin ; La Barolière aux citoyens., 19 avril (A. G.) ; Correspondance des jacobins, n° 188, 22 avril, Houchard à l'avant-garde ; cf. Expédition de Custine, 159-172, l'état de cette même armée, et Trahison de Dumouriez, 52-54, l'état de l'armée de la Belgique.

[10] Custine à Le Brun, 10 avril (A. E.).

[11] Recueil Aulard, IV, 135.

[12] Custine à Bouchotte, 1er mai (A. G.).

[13] Mayence, 178-179.

[14] Custine à Brunswick, 5 mai (A. N. D. XLII 4) ; Moniteur, 14 mai ; Révolutions de Paris, n° 201, p. 346 (il y a dans cette lettre, dit Prudhomme, des expressions qui sentent l'esclavage) ; Le Batave, n° 90 (avec des notes de Custine qui servent de correctif et d'explication ; il assure, par exemple, qu'il voulait dire que la philosophie de Brunswick l'appelait avant la guerre à être le pacificateur du monde). Plus tard, dans une adresse du 30 juin à la Convention, les Jacobins de Strasbourg reprochèrent à Custine de prodiguer l'encens et les caresses à Brunswick, au lieu de le battre.

[15] Cf. Expédition de Custine, 263, la lettre où Custine demandait, à mots couverts, de pleins pouvoirs pour sauver la France.

[16] Rec. Aulard, IV, 16-17, 65.

[17] Moniteur, 14 mai 1793.

[18] Moniteur, 15 mai ; Le Batave, n° 90 ; Rec. Aulard, IV. 129 et 137.

[19] Custine à Houchard et au Conseil exécutif, 15 mai (A. G.) ; cf. Moniteur, 20 mai.

[20] Lettres de Custine (Moniteur, 14 mai ; Batave, 15 et 18 mai), de Landremont aux représentants et à ses troupes, 7 mai ; de Montaut, Ruamps et Soubrany à la Convention, 8 mai (A. N. DXLII 4) ; de Chassaignac (De Seilhac, Les bataillons de volontaires de la Corrèze, 1882, p. 51). Charles Seriziat, d'abord commandant du 1er bataillon de Rhône-et-Loire, puis adjudant-général, avait pris part à l'expédition de Trêves (Expédition de Custine, 166) et Beurnonville le protégeait. Il s'est toujours parfaitement conduit, rapporte Legrand, mais ses ennemis voulaient le perdre. (Cf. au procès de Custine la déposition de Treutel, Moniteur, 3 sept.). Il était depuis le 1er février 1793 général de brigade. Le 7 mai, il fut suspendu par Haussmann, Montaut, Ruamps et Soubrany. C'était Ruamps qui l'attaquait avec le plus de violence : Ce Seriziat, écrivait-il, disait au commencement de la guerre qu'il voulait faire la guerre à tous les jacobins ; ami servile de Broglie, il protesta contre la suspension du roi, et au lieu d'être suspendu lui-même, fut nommé commandant amovible à Bitche, puis général de brigade, et envoyé comme commandant à Strasbourg, d'où il fut chassé par le vœu des jacobins ; à Herxheim, il a donné des preuves de son ineptie et de sa perfidie en n'exécutant aucun des ordres donnés par Landremont ; nous le suspendîmes et, cependant, il a été nommé, par un ordre du 11 juin, général de brigade dans l'armée des Alpes. (Ruamps au Comité, 19 juin, A. N. DXLII, 4.)

[21] Cf. le procès de Custine, Moniteur, 19 août 1793.

[22] Custine à Pully, 15 mai (A. G.).

[23] D'Hilliers à Gilot, à O'Meara, à Chambarlhiac, 16 mai (A. G.). Dominique-André Chambarlhiac avait été successivement cadet au Régiment du Roi (janvier 1763), lieutenant en second à l'École de Mézières (1773), ingénieur (18 janvier 1775), capitaine (30 mars 1786), lieutenant-colonel (8 novembre 1792). Le 1er germinal an III, il était nommé chef de brigade-directeur des fortifications ; le 6 frimaire an V, général de brigade à l'armée d'Italie. Un agent de Bouchotte, Garnerin, le regardait comme un des plus chauds et des plus zélés défenseurs de la République par ses principes prononcés et par ses talents militaires. (Garnerin aux jacobins, 20 juin 1793, A. G.)

[24] Mémoire de Pully (A. G.).

[25] Lettre des représentants, 19 mai (Moniteur du 25) et rapport d'Hédouville, 20 mai (A. G.).

[26] Falck à d'Hilliers, 18 mai (A. G.).

[27] Chambarlhiac à d'Hilliers, 17 mai ; Gebler, Oesterr. milit. Zeitchrift, 1834, IV, p. 13.

[28] Cf. sur l'affaire de Rülzheim la lettre de Custine du 18 mai (Moniteur du 23), la lettre des représentants Haussmann, Du Roy, Ferry et celle de Mengaud du même jour, la relation d'Hilliers, 20 brum. an IV (A. G.] ; Gouvion Saint-Cyr, I, 56-62 ; Lavallette, Mém., I, 121 ; Gay-Vernon, Custine et Houchard, 158-164 ; D'Ecquevilly, I, 72-75 ; De Vivie, Un cadet en 1792, Charles de Cornier, 1886, p. 24-25 ; Gesch. der Kriege in Europa, I, 194-195 ; Gebler, Oest. milit. Z., 1834, IV, p. 11. Le lieutenant-colonel du 11e bataillon du Doubs, Pergaud, fut arrêté et se fit justice en se donnant la mort. Les Français eurent 400 morts et blessés ; les Impériaux, 129.

[29] Cf. Saint-Cyr et surtout Lavallette, I, 124 : Clarke joignait au goût et à l'habitude du travail d'état-major toute la souplesse d'un homme qui veut parvenir et cet esprit de conduite dont on accuse les Irlandais.

[30] Note de Legrand et relation de Baraguey d'Hilliers (A. G.).

[31] Biron à Servan, 22 sept. 1792 ; Custine à Biron, 8 sept., et à Pache, 14 nov. 1792 (A. G.) ; Expédition de Custine, 3. Cf. le Journal de la Montagne, n° 28, 29, 33, 88 ; le jugement que portent sur Ferrier le 27 octobre 1792 Guyton, Prieur et Deydier (A. G.) ; Aulard, Soc. des Jacobins, 1892, II, 123, et le rapport de Gateau (24 juin, A. G. : on lui reproche d'être tremblant dans l'exécution). Ferrier, dit Legrand, attaché de vieille date à d'Orléans, était toujours, malgré ses efforts, suspect d'intriguer en faveur de ce prince. Avec de l'esprit, il s'est constamment trompé sur les moyens ; avec des talents, et tout en discutant le plan d'une opération militaire, il n'en a jamais exécuté une passable ; brave comme individu, il était irrésolu et indécis comme chef ; il s'est retiré paisible dans ses foyers, bien corrigé de l'ambition de paraître sur un grand théâtre. Joseph Ferrier du Châtelet était né, le 25 mai 1739, à Bavilliers, près de Belfort ; successivement mousquetaire (avril 1754), lieutenant au régiment de Bouillon (1er février 1757), capitaine dans la légion de Soubise (1er juillet 1766), employé dans l'état-major (1770), lieutenant-colonel d'infanterie (17 juin 1770), lieutenant-colonel des grenadiers royaux de la Guyenne avec rang de colonel (8 avril 1779), il avait été promu maréchal-de-camp le 21 septembre 1788 et lieutenant-général le 7 septembre 1792. Il fut réformé le 17 octobre 1793 et retraité le 1er vendémiaire an VIII. Il ne mourut que le 29 novembre 1828, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans.

[32] Aussi Ferrier et Cousso étaient-ils exécrés des officiers de l'armée du Rhin. En 1817, Cousso, devenu très royaliste, se présenta dans les salons de Gouvion Saint-Cyr, alors ministre de la guerre ; les officiers lui firent un très mauvais accueil, et Rapp le nomma tout haut le dénonciateur de Custine. Cousso s'éloigna sans avoir parlé au ministre. (Gay-Vernon, 167-168.)

[33] Custine au président de la Convention, 23 juin, Moniteur du 27.

[34] Argos, 1er juin 1793, p. 465.

[35] Lavallette, Mém., I, 122 ; lettre de Grandjean, 17 juin 1793.

[36] Mémoire de Pully (A. G.) ; [Massenbach], Kurze Uebersicht des Feldzuges im Jahr 1793 zwischen dem Rhein und der Saar, 1793, p. 10 et 30.