LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

L'EXPÉDITION DE CUSTINE

 

CHAPITRE II. — SPIRE.

 

 

I. Custine. — II. Le plan de Laclos. Les projets de Custine et de Biron. Marche sur Spire. Combat du 30 septembre. — III. Pillage et répression. Générosité française. Les prisonniers à Strasbourg. Lettre de Beaumarchais. — IV. Schwardin à Philippsbourg. Neuvinger à Worms. Contributions. — V. Reculade inattendue de Custine. Proclamations.

 

I. Adam-Philippe de Custine de Sarreck était né le 4 février 1740 à Metz[1]. À sept ans il obtenait une lieutenance au régiment de Saint-Chamond et, en 1748, il assistait au siège de Maëstricht. Il fut réformé l'année suivante ; mais après avoir terminé ses études, il entra comme lieutenant en second au régiment du Roi et fit toutes les campagnes de la guerre de Sept-Ans. Successivement enseigne, lieutenant en premier, capitaine au régiment des dragons de Schomberg, il servait, en 1762, sous les ordres du prince de Montbarey, à l'avant-garde commandée par le comte de Stainville. Nommé après la paix mestre de camp commandant d'un régiment de dragons, qui s'appela désormais Custine-dragons[2], il se rangea parmi les grands faiseurs, parmi ceux qui voulaient introduire dans l'armée française la discipline et la tactique de la Prusse. Il devait, avec MM. de Toulongeon, de Lambesc, de Mirabeau, de Vitry, de Damas, de La Ferté, assister, en 1786, aux manœuvres de Potsdam et de Cörbelitz[3]. Mais bien avant ce voyage, il était entiché du système prussien ; il envoya son fils à l'Académie militaire des Nobles ; il énerva, fatigua son régiment par de ridicules exercices et acquit la réputation d'un chef tracassier, brutal et despotique ; un capitaine qu'il avait malmené se brûla la cervelle de désespoir, et les officiers ne tirent plus à Custine que des visites officielles. On prétend qu'il reçut pour cette raison six réprimandes du ministre en moins d'un an. Néanmoins les bureaux le regardaient comme un fort bon colonel u et comme un homme de grande volonté, sensible et honnête dans sa façon de penser. Choiseul, son compatriote, était son protecteur ; il fit assurer à Mme de Custine, si elle survivait à son mari, une pension de 4.000 livres à titre de douaire (6 avril 1767). Lorsqu'éclata la guerre de l'Indépendance américaine, Custine pria le ministre avec les plus vives instances de lui donner une occasion d'avancement ; il consentait, disait-il au prince de Montbarey, à s'expatrier pour longtemps, s'il était chargé d'expédition soit en second, soit en chef, ou attaché comme maréchal-général des logis à une grande armée, dans quelque pays que ce fût et quelque éloigné qu'il pût être. On le nomma brigadier (8 mars 1780) et mestre de camp commandant du régiment d'infanterie de Saintonge, le futur 82e. Il partit pour l'Amérique avec son nouveau régiment et se distingua pendant le siège de Yorktown où, comme brigadier, il monta la tranchée de deux jours l'un. Aussi fut-il cité comme un officier du meilleur exemple, et il reçut, le 5 décembre 1781, le brevet de maréchal de camp et, le 19 avril 1782, le gouvernement de Toulon vacant par la mort du prince de Marsan.

Il était, à la veille de la Révolution, inspecteur divisionnaire des troupes à cheval en Flandre (1er avril 1788). La noblesse du bailliage de Metz l'envoya aux États-Généraux. Il n'appartint pas au Comité militaire de la Constituante, mais il se déclara très vivement pour les idées nouvelles ; il demanda la suppression de toutes les justices seigneuriales et la liberté absolue du commerce des grains ; il proposa de supprimer la gabelle et de remplacer le produit de cet impôt par des assignats sur le clergé, de faire restituer au trésor public tous les dons constatés dans le Livre rouge[4]. Après la fuite du roi, l'Assemblée le chargea, ainsi que Chassey et Regnier, de recevoir le serment des troupes du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et des Vosges.

Promu lieutenant-générai le 6 octobre 1791 et envoyé, sur sa demande, en Alsace, il comptait obtenir un grand commandement. Le dur et impitoyable colonel était devenu le plus indulgent des généraux : il n'avait pas cessé de rabrouer et de rudoyer les officiers, parfois avec une extrême grossièreté ; mais il flattait et cajolait le soldat[5]. Sa moustache épaisse, énorme, qui l'avait fait surnommer le général Moustache, sa mine martiale, ses airs de franchise, ses façons brusques et familières le rendirent bientôt populaire dans l'armée. Il parlait d'abondance, facilement, rapidement, sur un ton assuré, d'une voix forte et sonore. Aux revues, il recevait lui-même chaque bataillon qui se présentait, le faisait former en carré, de manière que tous pussent l'entendre, le haranguait sans préparation, et rarement il répétait à l'un ce qu'il avait dit à l'autre[6].

Bien qu'il se plaignit quelquefois de la goutte et qu'il eût assuré que la campagne de 1792 avancerait la destruction de sa santé[7], il était robuste, actif, infatigable ; aux jours de combat on le voyait partout, et il assurait sérieusement que, même dans les instants de la plus grande dissipation, il avait consacré chaque jour cinq ou six heures au travail[8]. Il se levait très tôt et, après avoir expédié toutes ses lettres et fait vers neuf heures un déjeuner composé de viandes froides, il montait à cheval pour visiter les postes ; il courait toujours ventre à terre et son escorte avait peine à le suivre. A cinq ou six heures du soir, il rentrait pour diner et, après le repas, donnait les ordres qui devaient partir dans la nuit ou le lendemain de grand matin. Sa table était recherchée et son vin exquis : il aimait la bonne chère et buvait sec. Aussi, sans jamais s'enivrer et sans que sa raison en fût aucunement altérée, se montrait-il après le souper plus animé, plus bruyant, plus expansif qu'à l'ordinaire. Il n'écrivait jamais, sinon pour signer son nom, ce qu'il faisait, nous dit un officier, plus avec le bras qu'avec les doigts, comme un homme qui n'a jamais tenu une plume. Mais de son chef, sans aide ni collaboration d'aucune sorte, il dictait ses missives et ses rapports ; il dictait même deux, trois lettres à la fois, sans cesser d'écouter ce qui se disait dans un coin de la salie, et de prendre part à la conversation[9].

Il se regardait, eu effet, connue bon à tout et comme une sorte de César. Financier, orateur, diplomate, général, il était, suivant lui, capable d'une foule d'emplois et presque universel. Il prétendait qu'a l'Assemblée constituante il avait attaqué Necker au faite de la gloire et démontré savamment l'ignorance du contrôleur-général en opérations de finances[10]. Loquace, pérorant volontiers, maniant avec aisance le jargon du jour, parlant un peu a tort et à travers, s'étourdissant de son propre verbiage, il se croyait éloquent et s'imaginait que ses discours entraînaient les troupes et suffisaient à remonter leur moral. Comme Dumouriez, il se vantait d'avoir étudié son Europe et tâté des affaires étrangères, d'âtre politique autant que soldat, de mêler la diplomatie à la guerre, de mener une intrigue tout en faisant son métier de général et, au milieu des combats, de rédiger des mémoires sur les alliances de la France et de donner des avis au ministre des relations extérieures. N'assurait-il pas à la Convention qu'il avait des correspondants qui, par l'adresse et l'intrigue, savaient a se procurer le secret des cours s ? En réalité, de même que Dumouriez, Biron, Favier et ceux qui, sous l'ancien régime, avaient pratiqué le tripot de Berlin, il n'avait d'autre idée que d'abaisser l'Autriche ; comme tous les partisans du système prussien, il crut, après la retraite de Champagne, que Frédéric-Guillaume demanderait l'alliance de la République, se prononcerait contre l'empereur et envahirait la Bohème en la prenant à revers. Pour être libres, disait-il, il faut détruire la puissance de la maison d'Autriche ; sans cette destruction, les souverains coalisés nous entoureront d'intrigues, nous détruiront par des agitations intérieures et, lorsqu'ils nous verront au moment de notre dissolution, ils viendront nous partager[11].

Ses connaissances en administration militaire étaient fort étendues, et il savait pourvoir aux besoins de son armée. Il se glorifiait d'avoir trouvé des moyens à la fois économiques et sains pour vêtir et chausser le soldat. Nul objet, disait-il, quelque minutieux qu'il ait pu paraitre, n'a été négligé dans mes recherches, et il n'est pas un détail militaire sur lequel je n'aie porté un esprit d'inquisiteur. Il proposait un nouveau modèle de souliers et de guêtres, une forme plus commode de culotte, d'habit et de chapeau, un sac qui dégageait l'homme de toute entrave, une marmite carrée en forme de bidon. Il voulait que chaque soldat eût une couverture et affirmait que les couvertures diminueraient plus de la moitié des maladies. Dans sa sollicitude pour le bien-être de ses troupes, il proférait contre les fournisseurs et les commissaires de violentes menaces, et un jour qu'il demandait au ministre une autre espèce de chevaux de peloton, ces chevaux, s'écriait il, laissent nos soldats sans tentes, et le plus grand crime qui ait été commis, est celui de l'homme qui les a fournis et celui de l'homme qui les a reçus : de l'arrivée des tentes dépend la santé du soldat, et celui qui fournit des chevaux incapables de les porter est l'assassin de tous ceux qui succombent à l'intempérie ; je déclare que je livrerai à l'opinion publique et à ses terribles effets l'homme infâme qui fera des spéculations sur cet objet ; fournisseurs et contrôleurs seront annoncés dans les papiers publics ![12]

Il était brave et se piquait d'une froide intrépidité. Je suis né assez heureusement, écrivait-il, pour n'avoir jamais ressenti l'impression de la terreur, et même n'avoir jamais connu la sensation de la palpitation ; je dois ces dons à la nature, à une enfance nourrie au milieu des combats et des hasards de la guerre[13]. Il se disait bon officier de cavalerie ; rien de si rare, ajoutait-il, et ma réputation en cette arme est faite dans l'Europe[14]. Que de fois il rappela qu'il avait reçu les félicitations du grand Frédéric et guerroyé dans les deux mondes, sous Maurice  de Saxe et sous Washington ! Que de lois il répéta devant les troupes qu'il était un des plus vieux soldats de l'armée française et par les années de services et par le nombre des campagnes ! Il parlait complaisamment de sa pratique du métier et de ses longues réflexions sur les opérations militaires ; il connaissait, assurait-il, le duc de Brunswick et le maréchal Lacy, et par suite devinait les plans que les alliés forgeaient contre la France[15]. On doit reconnaître qu'il fit de grands efforts pour établir parmi les troupes républicaines une bonne discipline. Plus hardi que Biron et que Dumouriez, il fusilla les mutins et les pillards. Il racontait volontiers que Laudon avait, de sa propre main, cassé la tête à. deux de ses soldats, et par cette exécution sommait e, forcé l'armée autrichienne a changer de chapeau[16].

Toutefois il était médiocre général. Non seulement il L'avait vu que des affaires de poste exécutées par de faibles détachements, et ne possédait pas l'expérience nécessaire au chef d'armée qui combine et entreprend de vastes opérations. Sou seulement il n'avait pas le coup d'œil ni l'instinct de la grande stratégie, quoiqu'il prétendît avoir l'habitude de juger des terrains et assez de goût naturel pour voir de près. Mais il manquait de sang-froid et, selon le mot de Biron, sa tête s'échauffait dans l'exécution. Il avait gardé l'emportement de la jeunesse, et le danger où le jetait son irréflexion achevait de lui ravir sa liberté d'esprit. Il a trop d'ardeur, disait-on de lui au ministère, et l'appréciation était juste : sans Coquebert de Montbret, son aide-de-camp favori, et surtout sans Houchard, il eût agi bien des fois étourdiment et à l'aveugle ; ce furent eux qui, dans les deux premières campagnes de l'armée du Rhin, le continrent et réprimèrent sa longue imprudente[17].

Son plus vilain défaut était la vanité : elle perçait dans tous ses actes et s'étalait naïvement dans ses discours et ses lettres ; furieuse, féroce, implacable, elle ne connaissait pour se satisfaire aucun égard, aucun ménagement. Sans scrupule, sans nul remords, sans le moindre souci de la vérité, Custine dénigrait ses supérieurs et ses égaux, rejetait sur ses intérieurs les fautes qu'il avait commises et les revers qu'il avait causés, embouchait la trompette pour ses propres succès, fussmit.ils les pua insignifiants du monde, s'attribuait tout l'honneur des événements. et léchait dans ses bulletins de telles gasconnades, que ses officiers le qualifiaient entre eux de fanfaron et de charlatan[18]. Il ne soutirait personne au-dessus de lui et voulait commander seul et en chef. Impérieux, tranchant, persuadé qu'il ne pouvait se tromper, il se cabrait à la moindre contradiction, et la plus légère critique le mettait hors des gonds. Rien n'était sacré pour lui, rapporte un officier, lorsqu'on s'avisait de contrarier ses ordres ou de lui faire voir ce qu'il n'avait pas prévu. Aussi tous ceux qui l'entouraient, connaissant son faible et craignant sa colère, lui prodiguaient les compliments et les éloges ; ils lui formaient une cour qui ne cessait de vanter ses mérites, de louer toutes ses démarches et de le proclamer un grand homme : la chose allait très loin et l'on mit dit parfois que les flatteurs s'étaient donné le mot pour se moquer du général et le mystifier.

Tel était Custine en 1792. Son orgueil, ses hâbleries, ses emportements, la jalousie qu'il portait à ses camarades, les querelles d'amour-propre qu'il leur suscitait à tout instant, son malheureux penchant de déprécier autrui et de se surfaire soi-même, avaient indisposé contre lui les bureaux et l'opinion. On hésitait à le nommer général d'armée. C'est un brouillon, écrivaient les jacobins de Strasbourg, il n'a jamais su obéir, et son ambition démesurée, sa conduite sous l'ancien régime, son despotisme habituel sont de puissants motifs de suspicion.

Néanmoins, dès le commencement de la guerre, il fut chargé d'une expédition. Il y avait alors dans le pays de Porrentruy un détachement autrichien que le prince-évêque de Baie, membre du corps germanique, avait obtenu du l'empereur pour le protéger contre les partisans de la Révolution. Mais, d'après un traité signé dans l'année 1780, le prince-évêque s'était engagé solennellement à ne jamais permettre aux ennemis de la France l'entrée de son territoire. Les patriotes du Haut-Rhin et du Doubs réclamèrent l'exécution du traité, et Rengguer, syndic des Etats de Porrentruy, vint à la barre de l'Assemblée législative dénoncer à la fois la tyrannie du prince-évêque et la présence des Impériaux. Custine occupa les gorges de Porrentruy sans trouver de résistance. Mais Ferrier et les jacobins de Belfort et de Huningue lui reprochèrent de n'avoir pas enlevé ni poursuivi la petite troupe autrichienne ; c'est par sa lenteur, disaient les clubistes de Strasbourg, que 309 Autrichiens ont pu sortir de Porrentruy où il était le maitre de les cerner et même de les prendre. Custine se justifia ; il avait mission de ne pas agir hostilement contre des troupes qu'on pouvait regarder comme impériales, puisqu'elles étaient placées à Porrentruy en vertu d'un ordre de l'Empire ; il ne devait donc, qu'occuper le matériel du pays sans y porter la guerre. D'ailleurs n'avait-il pas établi le camp inattaquable de Hésingue qui seul, affirmait-il plus tard, a contenu les Bernois, les Soleuriens et les Bâlois ? N'avait-il pas fait pour la défense de cette frontière un très bon plan que Victor de Broglie, prétendait-il par la suite, avait supprimé et soustrait aux papiers de l'état-major[19] ?

Mais ce qu'il voulait, c'était une armée, et pour avoir cette armée, il obséda le ministère, durant toute l'année 1792, de projets, de plaintes, de dénonciations. On lui préféra successivement La Morlière, Biron, Dumouriez, Kellermann. Chacune de ces nominations excitait son dépit et sa colère. Il devait seconder le vieux La Morlière et jouer près de lui le rôle que Luckner jouait près de Rochambeau à l'armée du Nord. Il se plaignit bientôt de la faiblesse de La Morlière et de l'importance que s'attribuait Victor de Broglie ; à l'entendre, il n'avait pas assez d'autorité ; seul il jugeait sainement la situation ; seul il savait quel parti prendre ; seul il apaisait les troupes par les discours les plus pathétiques ; et, si l'on restait sourd à ses avis, il fallait s'attendre à tout. La Morlière, incapable de soutenir le fardeau du commandement, demanda Custine pour successeur ; Custine, disait-il remplissait ses devoirs avec la plus grande distinction, et l'arillée ne pouvait être confiée a de meilleures mains. La nomination de Custine fut signée, puis aussitôt annulée. Custine se fâcha ; le ministre répondit, pour s'excuser, qu'il avait eu la main forcée et qu'on voit quelquefois céder aux circonstances plutôt qu'à la raison[20].

Ce fut Biron qui remplaça La Morlière. Sur-le-champ Custine écrivit qu'on le nourrissait de couleuvres, qu'on lui donnait de cruels dégoûts, que Biron n'avait ni ces longs services ni son expérience et s'était fait battre honteusement sous les murs de Mons dans la journée du 29 avril : Washington et Rochambeau ont jugé en Amérique que Biron devait être à mes ordres, et on vient de proposer le contraire ! Je puis assurer que je ne compterai jamais dans ma carrière militaire de journée de Mons !

On lui donna le commandement de Landau a la place de Martignac qu'on accusait de connivence avec les émigrés. Il avait à peine gagné son poste qu'il se proclamait le sauveur de Landau. Depuis cinq nuits je ne dormais pas et j'étais excédé de fatigue ; jugez quel a été mon étonnement quand, me présentant devant cette ville, je l'ai trouvée démantelée au point que j'y suis entré à cheval par une des brèches des murailles ! Il assurait qu'on n'avait ni fermé les poternes, ni palissadé les chemins couverts, ni indiqué le lieu de ralliement, ni rien prévu ; mais sans prendre aucun repos, lui, Custine, avait fait murer les poternes, indiquer les lieux de rassemblement, assigner sa place à chacun, poser les pièces d'artillerie ; puis il s'était couché, las et accablé ; à son réveil, les ennemis se trouvaient à quinze cents toises ; il sortit à leur rencontre, les chargea rudement, les mit en fuite[21] !

Il ne cessait en même temps d'afficher son civisme. Un émigré, le baron de Fumel, son ancien ami, lui proposa de livrer la forteresse : vous resterez lieutenant-général, employé, décoré, et, si vous avez besoin de rétablir vos affaires, vous en aurez les moyens. Custine fit imprimer la lettre de Fumel en français et en allemand, et la distribua parmi les troupes et dans tout le département du Bas-Rhin[22].

Quelques jours plus tard, on le chargeait de diriger le camp de Soissons. Il se récria. Lui, l'officier-général le plus expérimenté de l'armée, aller à Soissons, dans ce camp inactif, à longue distance de la frontière ! Abandonner le théâtre des combats pour rentrer dans l'intérieur ! S'éloigner des dangers ! Fuir l'ennemi dont l'aspect ne l'étonna jamais ! La municipalité et le club de Landau appuyaient sa requête : Custine avait l'affection des citoyens et de la troupe ; Landau voulait le garder ; notre cœur ne palpite que pour notre mère la France, et nous verserons avec plaisir notre sang pour la sauver sous le commandement de notre loyal général Custine qui est la terreur des ennemis de la liberté ![23]

C'était le 9 août que Landau affirmait ainsi son patriotisme français et sa confiance en Custine. La monarchie s'écroulait le lendemain. Un des premiers actes du Conseil exécutif provisoire fut de laisser à Landau un défenseur que le vœu général semblait y fixer, et lorsque les commissaires de l'Assemblée législative reçurent le serment de Custine, ils le nommèrent l'incorruptible[24]. Du coup, il s'imagina qu'il succéderait à Lafayette fugitif. Dumouriez fut nommé. Je suis loin, écrivit Custine au ministre, de ne pas croire aux talents de Dumouriez. Mais en ai-je moins montré que lui ? N'êtes-vous pas convaincu que sans les dispositions que j'ai préparées, l'Alsace eût été envahie ? Ai-je moins Prouvé de patriotisme, moins d'attachement à la chose publique, et, tout étant égal, une grande ancienneté, une grande expérience, une grande habitude du commandement ne donnent-elles pas des droits ?[25]

Huit jours après, Kellermann remplaçait Luckner l'armée du Centre. Custine, ulcéré, exhala de nouvelles plaintes, protesta contre l'arbitraire injuste qu'on exerçait sur lui. Je le déclare nettement, la nomination de Biron, celle de Dumouriez étaient de grands désagréments ; mais celle de Kellermann est le coup de pied de l'âne, et, pour le recevoir, il faut vouloir, comme je le veux en effet, le succès entier de la Révolution, et il ajoutait : Quelle folie fera Dumouriez ? Brave sans doute, mais incapable de former ou de suivre un projet ; pas plus d'habitude que Kellermann à manier des troupes. Et Kellermann ! Un homme de cette incapacité ! Quel plan peut-il sortir de sa tête ? Je le vois déjà en Bourgogne, si les ennemis font une marche sur lui ![26]

L'aimable Biron s'efforça de l'apaiser et de lui faire rendre justice. Il assura le ministre de la guerre que son lieutenant méritait une satisfaction ; sans doute Custine avait la bile très vive : mais, après tout, il ne s'affligeait pas sans raison, puisqu'il se voyait préférer dans l'espace de deux mois trois lieutenants-généraux, ses cadets ; on devait donc, pour le consoler et le radoucir, lui donner le commandement des troupes qui campaient à Wissembourg et à Lauterbourg et qui formeraient dorénavant une armée dite armée des Vosges : Ménagez-le bien, disait Biron, car il est précieux à conserver, et ce serait une perte irréparable. Le lb septembre, Custine était nommé général de l'armée des Vosges, à condition de se conformer aux ordres et instructions de Biron[27].

 

II. Blum avait de l'esprit, des connaissances militaires, une bravoure à toute épreuve ; mais il joignait à tant de qualités beaucoup d'irrésolution et de nonchalance. Accoutumé aux succès de boudoir, amolli par sa vie de galantes aventures et d'équipées romanesques, il était en outre dégoûté de la guerre depuis l'affaire du 29 avril et hanté par la crainte de hasarder la sûreté de l'Alsace. Il se contenta d'observer le corps autrichien qu'Esterhazy commandait dans le Brisgau et de surveiller inquiètement les cantons suisses. Custine, au contraire, voulait se signaler par une action d'éclat et montrer au grand jour les talents qu'il croyait avoir. C'est à nous, disait-il, à disposer des faibles moyens qui nous restent, de manière a prouver que nous étions dignes d'être chargés du salut de l'empire[28]. Il résolut de tenter la fortune sur le flanc ou sur les derrières de la grande armée austro-prussienne qui marchait sur Paris.

Laclos qui régentait à Châlons le maréchal Luckner, méditait alors une diversion semblable et proposait au ministre une campagne dans l'Est. Ou tirerait du Doubs, du Jura, de la Haute-Saône, des Vosges 12.000 hommes qui tiendraient garnison dans les forteresses d'Alsace. Dès lors l'armée de Biron et de Custine, comprenant 20.000 soldats de ligue et volontaires nationaux, pourrait se jeter sur les Autrichiens qui se trouvaient à Germersheim ; elle les culbuterait, se saisirait de Philippsbourg où elle laisserait des forces suffisantes et remettrait en état les anciennes fortifications, puis se porterait directement sur Trèves, descendrait la Moselle jusqu'à Coblenz, en brûlant les magasins et établissements militaires, reviendrait sur la rive droite du Rhin par Mayence, attaquerait le fort de Kehl sur ses derrières, et de là marcherait droit sur la Franconie pour y tout désarmer et ne reculer que devant les forces autrichiennes du Brisgau.

Biron et Custine jugèrent le plan de Laclos trop vaste et trop dangereux : c'était, disaient-ils, courir les aventures, s'exposer à d'incalculables périls, abandonner l'Alsace à des volontaires qui ne seraient ni organisés, ni armés, ni vêtus. Il valait mieux, à leur avis, au lieu d'engager cette grosse partie, se diriger aussitôt vers la Sarre, sur Trèves, sur Thionville, couper les communications de l'armée prussienne, détruire ses moyens de subsistance et la forcer à rebrousser chemin. Custine serait chargé de l'expédition ; il aurait un corps de 13.000 hommes aussi bon et aussi bien outillé que notre misère le permettait ; il attaquerait les troupes qui lui faisaient face ou simulerait une irruption dans le Palatinat, puis se rejetterait vers la Moselle pour débloquer Thionville et prendre les Prussiens à revers : le succès de ce détachement pouvait délivrer la France. Le ministre Servan approuva le plan de Biron et de Custine. Une armée, écrivait-il, commandée par un chef intelligent, pourrait, en se plaçant sur le flanc des ennemis et en les privant de leurs vivres, leur causer de grands embarras et les obliger à rétrograder avec promptitude. Telle était aussi l'idée de Dumouriez qui, vers cette époque, amusait et usait les Prussiens dans leur camp de la Lune. Il priait Biron de détacher de l'armée du Rhin un corps de 15.000 hommes qui marcherait avec la plus grande diligence sur Metz et de là sur Toul et Bar-le-Duc pour intercepter aux Prussiens le chemin de Verdun : Nous tenons les ennemis, disait-il, et sous quinze jours nous pourrons ruiner leur armée et terminer la guerre[29].

Après réflexion, Custine et Biron changèrent d'avis. L'un jugeait l'entreprise trop difficile ; l'autre prétendait qu'il n'aurait plus à sa disposition que huit bataillons de volontaires et qu'il resterait entièrement à découvert contre l'attaque d'un corps autrichien venu du Palatinat ou du Brisgau[30]. Mais Spire n'est qu'a six lieues de Landau et les magasins considérables des Autrichiens n'avaient depuis le 10 septembre d'autre garde que les 2.000 hommes qui formaient le régiment mayençais et 1.000 soldats du bataillon autrichien de Gyulai. Le poste, avoue Esterhazy, était en l'air, et vainement la bourgeoisie de Spire, justement alarmée, avait prié les Impériaux de déplacer les magasins et de les faire transporter à Ketsch, sur la rive droite du Rhin[31].

Custine crut l'occasion favorable. Les ennemis, marquait-il à Biron, ont totalement disparu et tous mes émissaires me rapportent qu'il ne reste que quelques centaines de Croates. Il fallait donc marcher sur Spire, s'emparer des magasins, détruire les fours des Autrichiens et imposer à la ville, c'est-à-dire au Magistrat et au clergé, une contribution. Biron applaudit à ce projet : oui, Custine ferait sur Spire une course plus sûre ; l'expédition, menée entre le Rhin d'un côté, et Landau de l'autre, assurait la tranquillité de la frontière et n'offrait aucun risque : mais il ne fallait pas la prolonger ; elle ne serait qu'un coup de main rapidement entrepris ; on devait brûler les magasins, puis se retirer sur Landau sans perdre de temps ; Custine imposerait une contribution à l'évêque et au clergé de Spire qui avaient fait tant de mal à la France ; mais il porterait jusqu'à la coquetterie les ménagements pour le peuple et il prêcherait d'avance les soldats, les exhorterait à tenir la meilleure conduite[32].

L'expédition, approuvée par Servan qui conseillait à Custine de faire sa pointe avec chaleur[33], était fixée au 22 septembre. 14.300 hommes devaient y prendre part, et l'adjoint Marco avait les ordres de marche tout prêts dans son bureau et sous clef. Mais la pluie, cette même pluie froide et insalubre qui faisait de l'Argonne un cloaque et transperçait dans leurs bivouacs fangeux les Prussiens grelottants, suspendit le départ de Custine. Le temps, disait-il, est affreux, abominable ; il a inondé le camp et mouillé horriblement les soldats ; on croirait que les cataractes des cieux sont ouvertes et qu'ils se fondent en eau ; les plaines et les vallons sont tout submergés ; le Rhin est débordé et présente un spectacle effrayant. Se porter en avant, ce serait vouloir remplir nos hôpitaux et rester dans les boues.

Il ne quitta Landau que le 29 septembre à dix heures du Soir. Avant de partir, il avait fait lire à ses troupes une proclamation longue, emphatique, mais chaleureuse, sonore, et qui devait leur donner courage et confiance. Il se présentait comme un guerrier blanchi sous le harnais et assagi par l'expérience, comme un patriote, un défenseur de la liberté et de l'égalité, qui ne reconnaissait d'autre loi que celle de l'assemblée nationale aux sublimes lumières. Il jurait de détruire les despotes. Il recommandait la discipline, l'obéissance, la sobriété Les soldats, ses camarades, ses amis, ses frères d'armes, ne devaient ni se livrer à la mollesse, ni se borner à des libations en l'honneur de la liberté ; ils apprendraient à vivre de privations et s'accoutumeraient à la rigueur des saisons ; ils respecteraient les personnes et les propriétés ; ils ne combattraient que les tyrans et leurs satellites : le Français offre d'une main le symbole de la paix et de l'autre plonge ses armes dans le sein de l'oppresseur !

Les troupes suivirent le même chemin jusqu'à l'abbaye de Heimbach. Là, elles se divisèrent en trois colonnes. Celle de droite, conduite par Munnier et flanquée par l'avant-garde du colonel Houchard. marcha vers le village de Berghausen. Le centre, commandé par le général de Blou, s'engagea sur la chaussée qui mène droit à Spire. La colonne de gauche, dirigée par 'leu-viager, devait traverser des bois et se porter par le Rinkenberger Hof au nord de Spire pour fermer aux ennemis la toute de Worms.

Les 3.000 soldats qui gardaient Spire et les magasins, avaient pour chef le colonel mayençais Winckelmann. C'était un homme d'esprit aventureux et d'imagination exaltée qui ne rêvait que combats et conquêtes. Il prétendait que les hommes ne devaient être gouvernés que par le fer et le feu, que le pur despotisme était le meilleur des régimes, et, lorsqu'il entendait les mots de liberté et de droits de l'homme, il tombait dans clos accès de rage. Il demandait qu'on établit dans tous les états des tribunaux militaires d'inquisition qui auraient pouvoir d'arrêter et de pendre les patriotes sans autre forme de procès. Il avait fait un plan pour brûler Paris sans qu'il fût possible aux jacobins de s'échapper. Ce fanatisme ne déplaisait pas à la cour de Mayence et avait valu son commandement à Winckelmann[34].

Depuis quelques jours le colonel prévoyait l'attaque de Custine ; mais, dans sa folle présomption, et sans même songer aux moyens d'assurer sa retraite, sans donner d'instructions à ses officiers, il déclara qu'il attendrait les ennemis, quel que fût leur nombre, et se moquait de la canaille française. Le 29 septembre, au soir, un paysan de Berghausen l'avertit de l'approche des ennemis : Custine avait si mal gardé le secret que le malin même les femmes de Landau, en plein marché, s'entretenaient de l'expédition. Winckelmann avait encore le temps de se retirer par le Rehbach sur Worms et Mannheim ou de se jeter dans Mayence. Il aima mieux se défendre. Le lendemain, à neuf heures du matin, lorsque la colonne du centre, commandée par le général de Blou, déboucha près de la chapelle de la Vierge, elle trouva les Austro-Mayençais rangés en ordre de bataille, la droite appuyée à l'escarpement qui domine la porte de Worms, la gauche se prolongeant vers des jardins entourés de fortes haies. Les grenadiers qui formaient l'avant-garde de cette colonne, reculèrent, non sans désordre ; mais les officiers, entre autres l'intrépide Vidalot-Dusirat, coururent en avant et rappelèrent les soldats qui se déployèrent aussitôt en tirailleurs.

Bientôt arriva la colonne de droite conduite par Munnier. Le colonel Houchard refoula la cavalerie autrichienne dans la ville ; puis, lorsqu'elle sortit de Spire par une porte opposée, il la cerna et la força de se rendre.

Enfin, la colonne de gauche, que menait Neuvinger, parut à son tour. Elle avait fait un grand circuit et perdu trois heures en poussant des reconnaissances contre quelques piquets de uhlans qui se retiraient sur Worms. Custine se trouvait à cette colonne qui ne devait jouer d'abord qu'un rôle d'observation. Mais de Blou, chargé de la principale attaque, avait commis sottises sur sottises depuis son départ de Landau. Le général eu chef changea sa destination personnelle et résolut de prendre à l'action une part décisive. Pour mieux faire rejaillir sur lui tout l'éclat de la journée et enlever le succès par la puissance de son artillerie, il appela près de lui, durant la marelle, tous les canons de la colonne du centre.

A peine arrivé, Custine mit ses pièces en batterie. Mais les artilleurs manquaient d'expérience ; ils calculèrent mal leur distance, tâtonnèrent longtemps avant de trouver un emplacement convenable, et lorsqu'ils furent à portée de l'adversaire, environ à 800 mètres, ils avaient épuisé presque toutes leurs cartouches. Enfin, Custine fit occuper un pli de terrain qui découvrait et dominait toute la ligne austro-mayençaise. Dès les premiers boulets qui tombèrent au milieu de ses troupes, Winckelmann ordonna la retraite et rentra précipitamment dans la ville.

Custine voulait enfoncer les portes par le canon. Mais, comptant sur l'ardeur française, il n'hésita pas à commander l'assaut. Les soldats brisèrent les portes à coups de hache. Un aide-de-camp de Biron, André de Rutan, entra le premier dans Spire. Des Autrichiens l'entourèrent en criant : prisonnier ! prisonnier ! Rutan piqua des deux : Comment ! un aide-de-camp français prisonnier ! ; il leva son sabre, fendit le crime à un officier, renversa trois soldats qui tentaient de l'arrêter et regagna sa troupe sous une grêle de balles. On devait le surnommer le héros de Spire, et Biron lui fit don d'une dragonne tricolore pour lui marquer son estime[35].

Cependant un vif combat s'engageait dans les rues de Spire. Les Autrichiens s'arrêtaient. au milieu de la ville et tiraient par les fenêtres des maisons. Les Français, épouvantés[36], prenaient la fuite. Mais Custine place en tête de la colonne d'attaque deux pièces rie huit et des obusiers. Il exhorte les soldats, les accable de reproches et d'injures, les frappe du plat de son épée et parvient, non sans une peine extrême, à les arrêter et à les rallier derrière l'artillerie. Winckelmann quitta Spire avec tous ses canons et ses caissons de munitions et se dirigea vers le Rhin par la plaine de Rheinhausen. Il croyait trouver des barques qui le porteraient à l'autre bord. Mais dès le commencement de l'action les bateliers avaient pris le large, et ni prières ni promesses ne purent les décider à regagner la rive gauche. Les Austro-Mayençais longèrent tristement la berge. Le Rhin avait débordé ; ils s'enfoncèrent jusqu'aux genoux dans des marais ; une quarantaine qui tentèrent de passer le fleuve à la nage se noyèrent. Pressés comme dans un cul-de-sac, entre le Rhin infranchissable et l'ennemi qui venait de tous côtés, ils mirent bas les armes à huit heures du soir. Ce fut Clarke, le futur ministre de l'Empire, alors chef d'escadron au 2e régiment de cavalerie, qui porta la sommation. Les Français ne purent s'emparer des canons que Winckelmann avait embourbés ou jetés dans le Rhin ; mais ils prirent cinq drapeaux qui furent offerts à la Convention. L'assemblée fit suspendre ces trophées aux voûtes de la salle de ses séances[37].

 

III. La prise de Spire était un succès brillant el, selon l'expression de Dumouriez, digne du bon temps des armées françaises. Custine avait mené l'opération avec vigueur et, pour emprunter un de ses mots favoris, avec nerf. Il se donna le ridicule d'écrire à Paris qu'a la tin de la journée il mourait de lassitude parce qu'il était resté vingt-deux heures à cheval sans mettre pied à terre. Mais il prodigua sa personne et montra le courage d'un simple grenadier ; comme dit Gay de Vernon, à cette époque et à la tête de troupes novices et soupçonneuses, un général devait donner l'exemple presque aussi souvent que la dilection[38].

Il devait même, à l'occasion, user d'une effrayante sévérité. Custine se vantait d'avoir apaisé la fureur des soldats : dans une ville emportée de vive force, il ne s'est pas commis une seule action dont ils aient à rougir, et Condorcet célébrait après lui cette armée républicaine assez maitresse de son courage, assez supérieure à ses ressentiments pour épargner les soldats et les habitants, respectant les personnes et les propriétés, et ne souillant la victoire d'aucun crime ni d'aucune injustice[39].

Il fallut bientôt en rabattre et chanter la palinodie. Custine avait, après le combat, laissé toute l'armée entrer et s'entasser dans Spire. Les rues furent encombrées, obstruées, et, au milieu de cette confusion extrême, le service des distributions devint impossible. Les soldats, en quête de vivres, couraient de tous côtés. Ceux-ci forçaient les portes des boulangeries, des boucheries, des auberges ; ceux-là pénétraient dans les caves où le vin coulait à flots et leur montait jusqu'à la cheville ; d'autres emportaient de grosses bottes de paille pour bivouaquer sur le pavé. Les cavaliers el les chasseurs laissaient leurs chevaux à qui voulait les prendre. Les prisonniers restaient abandonnés sur la place, puis a minuit étaient enfermés pêle-mêle dans la cathédrale. Des patrouilles allaient, venaient et s'efforçaient vainement de rétablir l'ordre. Il semblait qu'on n'eût pas prévu la victoire ou du moins qu'on eût oublie les précautions qui devaient la suivre[40].

Le 1er octobre, au matin, des mauvais sujets mirent à sac les maisons des chanoines. Custine fit battre la générale et l'armée alla camper sur la route de Worms. Trois bataillons demeuraient à Spire pour former la garnison de la ville ; ils recommencèrent le pillage dans la soirée ; à force d'exhortations et de prières, Custine les arrêta. Mais dans la matinée du lendemain, une compagnie de grenadiers volontaires[41], conduite par son capitaine et deux sergents, envahit les boutiques des horlogers, les églises et les couvents ; elle brisa les vases sacrés ; elle emporta l'argenterie, les habits, le linge. Custine, enflammé de colère, rassembla la garnison, la mena dans une petite plaine prés de la porte du Bas-Rhin, et là, formant le carré, il somma les soldats de dénoncer le- instigateurs du pillage. On désigna le capitaine et les deux sergents. Ces trois hommes furent arrêtés, on les fouilla, on trouva sur eux des pièces d'argenterie qui prouvaient leur délit. La loi ordonnait de les traduire devant une cour martiale ; Custine les lit sur-le-champ fusiller par leur propre bataillon ; il n'y avait pas d'autre moyen, écrivait-il, d'arrêter le désordre et de sauver l'honneur du nom français. Ce terrible exemple produisit une bonne impression. L'armée entière l'approuva, et durant quelques jours les soldats de Custine campèrent au milieu des vignes et des vergers sous cueillir les fruits qu'ils voyaient à portée de leurs mains[42].

Les habitants de Spire, se souvenant de l'embrasement du Palatinat, avaient d'abord gardé le silence sur le passage des vainqueurs qui leur criaient inutilement Vive la nation : L'histoire de 1689, disait l'un d'eux quatre mois auparavant, nous apprend comment les Français en ont usé avec Spire et malgré toutes les belles promesses, il faut attendre un semblable traitement des gardes nationales et des bandes de brigands qui se sont signalées à Avignon et dans leur patrie même par le meurtre, l'incendie et la dévastation. Ils reconnurent que la discipline française était quelquefois aussi ferme que la discipline autrichienne. Partout, dans ces premiers jours de l'invasion française, les populations faisaient l'éloge de nos soldats. Les paysans qui transportaient le fourrage, étaient payés exactement, avec la plus grande magnificence, et prônaient la loyauté de Custine. On ne croit plus, écrivait-on à Paris, que les Français soient si cannibales. Nous traitons les habitants avec égard ; nous ne prenons rien qu'en payant et nous donnons une belle idée de nos émigrés qui ont fait ici des banqueroutes et nous ont calomniés ; nous caressons le peuple, nous y trouvons des frères que nous chérissons, nous n'en voulons qu'aux princes et aux prêtres[43].

On s'efforça de gagner non seulement les habitants, mais les prisonniers qu'on venait de faire. Officiers, cadets, chirurgiens, furent renvoyés sous promesse de ne plus servir dans la guerre présente. Le général de Mou les accompagna jusqu'au bac de Rheinhausen. Tous, de retour dans leurs foyers, vantèrent la bienveillance de leurs adversaires et, en prenant congé de Custine, Winckelmann et le baron de Diettrich, colonel du bataillon de Gyulai, l'assurèrent de la reconnaissance que leur inspiraient cette générosité, cette noblesse, cette e grandeur d'âme digne de vrais héros[44].

Les sous-officiers et les soldats[45] furent dirigés sur Landau, et de là sur Langres et Besançon. Ils arrivèrent à Strasbourg le 4 octobre. Les Mayençais, jeunes pour la plupart, avaient bonne mine et bonne tenue ; ce sont, disait Biron, e des hommes superbes qui montrent la meilleure volonté, les plus beaux que j'ai vus de ma vie, bien disciplinés, bien dressés, et presque tous disposés à entrer au service de la République Les Autrichiens, Hongrois et Croates, mal vêtus, tristes, ne comprenant ni l'allemand ni le français, craignaient d'être pendus et, à Landau, avaient refusé les rafraichissements qu'on leur offrait. Les Strasbourgeois leur firent un accueil inespéré. Les musiques des régiments allèrent à leur rencontre pour leur souhaiter la bienvenue. Les daines de la ville donnèrent des vêtements aux femmes qui les accompagnaient. Puis, après une petite promenade dans les rues, ils furent conduits à la Finckmatt on ils trouvèrent des tentes pour les abriter ; les marmites étaient sur le feu ; ils mangèrent la soupe chaude, et, tout émus de cette réception cordiale, ils criaient Vive la nation ! On leur donna des souliers et du tabac ; on leur fournit des plumes, du papier, de la cire pour écrire à leurs familles, et leurs lettres, déposées en leur présence dans deux bidons, furent portées à la poste par des gardes nationaux de Strasbourg et des sergents de la troupe mayençaise. Jugez, mandait-on à Paris, si ces attentions feront bon effet[46].

Vingt-cinq Mayençais, pères de famille, avaient été relâchés à la prière de leur compatriote Dorsch, vicaire épiscopal. On les combla de prévenances. Dorsch leur dit la messe. Les jacobins les invitèrent à la séance allemande de leur société, firent une collecte eu leur faveur, leur donnèrent le souper et le lit. Leurs concitoyens, disait Biron, n'apprendront pas, sans en être profondément émus, de quelle manière la République française sait traiter ses ennemis. Mais lorsque ces braves gens, dûment endoctrinés et munis de brochures patriotiques, rentrèrent à Mayence, lorsqu'ils parlèrent des bons procédés des Français, lorsqu'ils contèrent qu'on les avait portés sur les mains et accueillis en frères, le gouverneur les envoya tenir garnison à Kœnigstein : on aurait mieux fait, s'écriait-il, de vous donner des coups de bâton. Les officiers délivrés par Custine eurent ordre de se taire sur les événements. Le chancelier Albini auquel on rapportait la conduite humaine des patriotes et leur discipline exemplaire. répondait avec colère : J'aimerais mieux apprendre qu'ils pillent et ravagent tout le pays ![47]

Pour mieux faire connaître à l'Allemagne la générosité française, Beauharnais rédigea au nom des prisonniers une lettre qui fut imprimée et tirée à plusieurs milliers d'exemplaires. Il l'avait intitulée : Les prisonniers autrichiens et mayençais à leurs compatriotes, mais le public la nomma par abréviation l'Adresse aux Germains. On y lisait les phrases suivantes : Nous comptions trouver en France des brigands, des hommes furieux, avides de nos dépouilles et altérés de notre sang. Nous avons trouvé un accueil obligeant, des sentiments tendres qui substituaient à l'inquiétude la confiance et la sécurité. Dans cette ville heureuse de Strasbourg où l'on vante tant la liberté, à force de bienfaits l'on nous a empêchés de la regretter. Ici, tous sont égaux et libres ; la loi établit des distinctions passagères, seulement pour l'exercice momentané des fonctions publiques auxquelles tous ont un droit égal de prétendre. Ce sont les principes de la nature qu'ils professent. Ô vous, compatriotes, revenez comme nous de votre erreur ; apprenez que cette guerre est la querelle des rois contre les peuples ![48]

 

IV. Maitre de Spire, Custine poussa sur Philippsbourg et sur Worms. Le 5 octobre, le chef des chasseurs de Saône-et-Loire, Schwardin, détaché en partisan, traversa le Rhin, entra dans Philippsbourg sans trouver de résistance et s'empara des magasins autrichiens. C'était cet héroïque Schwardin qui devait périr le 19 septembre 1793 à Torfou pour sauver l'armée. Il avait la tournure aimable, les façons gracieuses et presque timides, mais, nous raconte Kléber, avec cet air de jeune fille, c'était un lion dès le premier coup de feu. Prends, lui dit Kléber, une compagnie de grenadiers, arrête l'ennemi et fais-toi tuer. — Oui, mon général, répondit simplement Schwardin. Il remit sa montre et son portefeuille à son domestique, arrêta l'ennemi et se fit tuer[49].

Pendant que Schwardin se saisissait de Philippsbourg, le maréchal de camp,-Neuvinger s'établissait à Worms. C'était, avec Houchard, le lieutenant préféré de Custine ; il a, écrivait ce dernier, exécuté, dans la journée de Spire, les dispositions de l'infanterie avec ce sang-froid et cette tranquillité d'âne qui assurent les plus grands succès. Neuvinger avait ordre de tirer 100.000 livres du prince-évêque, 200.000 du grand-chapitre, 600.000 de la ville, en tout 1.200.000 livres. La protection trop marquée, disait Custine, dont cet évêque, ce chapitre, cette ville ont honoré les émigrés, ne laissait aucun doute sur leurs sentiments envers la France, et il ordonnait à Neuvinger d'employer le fer et le feu et de détruire les propriétés pour obtenir la contribution. Neuvinger entra dans Worms sans aucune difficulté. Il y trouva des tentes en grand nombre et un magasin considérable de blé, de seigle et d'avoine. Il exigea des habitants la contribution fixée par Custine. Je ne leur laisse, mandait-il, que vingt-quatre heures. On cherche à perdre du temps : je presse, je menace ; on pleure, on gémit ; je reste inexorable. Mais ou lui remontra qu'il serait injuste et impolitique de demander 600.000 livres au Magistrat de la ville. Ce Magistrat, disait Rühl à la Convention, à trois ou quatre petits marchands dérailleurs prés, se compose d'honnêtes tailleurs et cordonniers qui. lorsqu'ils n'ont pas de quoi occuper le tranchet et l'aiguille, manient la bêche et le hoyau, et n'ont que de très chétives propriétés. Sur un nouvel ordre de Custine, le Magistrat ou Conseil des Treize dut payer sur ses propres deniers 300.000 livres En revanche, les quatre collégiales furent taxées a 30.000 livres, le couvent de Marienmüster à 400.000, et les autres couvents de Worms, à 150.000[50].

Dans le même temps, Custine imposait le clergé de Spire : le prince-évêque devait payer dans les vingt-quatre heure, 100.000 thalers ; le chapitre de la cathédrale 50.000 thalers ; les deux couvents de religieuses, 2.100 florins[51].

 

V. Custine pouvait marcher droit sur Mayence. La ville aurait ouvert ses portes sans résistance : habitants et soldats étaient atterrés ; les remparts n'avaient pas encore leurs canons ; la garnison ne se composait que d'invalides, de conscrits et de troupes envoyées par des petits princes de l'Empire. Il n'y pensa pas. Déjà, le 6 octobre, sur le bruit qu'on avait vu des Croates, son armée recevait l'ordre de coucher tout habillée et de se tenir prèle à marcher. On apprenait le jour suivant que ces Croates n'avaient été aperçus que par des visionnaires[52]. Mais le surlendemain, Custine se disposait à regagner la frontière française.

Il croyait que le comte d'Erbach arrivait à marches forcées au secours de l'archevêque-électeur de Mayence. M. d'Erbach, écrivait-il à Biron, a reçu l'ordre de venir couvrir Worms et Mayence avec un corps de 12.000 hommes. Il craignait que le Palatin ne rompit soudainement la neutralité promise. Enfin, il était persuadé que le landgrave de Hesse-Darmstadt réunissait des troupes pour venir à sa rencontre.

Il se trompait. Le comte d'Erbach n'avait pas quitté la région de la Moselle.

L'électeur palatin, sur une sommation des ministres de Prusse et d'Autriche, avait enjoint à l'envoyé français de quitter ses états dans le plus court délai. Mais il avait en mente temps informé M. d'Assigny qu'il souhaitait de rester le bon voisin et l'ami de la France. Il défendait aux émigrés, quels qu'ils fussent, de séjourner dans le Palatinat. Ses fonctionnaires ne cessaient de susciter des difficultés aux patrouilles mayençaises ; les hussards de l'archevêque-électeur ne pouvaient aller en reconnaissance à travers le territoire palatin sans une réquisition préalable, et lorsqu'un détachement, chargé par Winckelmann d'escorter au-delà du Rhin la caisse militaire, les ambulances et les bagages, se présenta dans la nuit du 2 octobre aux portes de Mannheim, le commandant de la ville refusa de le recevoir et ne lui permit de passer le Neckar que le lendemain, à sept heures du matin, sous condition de payer le péage[53].

Quant au landgrave de Hesse-Darmstadt, Louis X, ancien colonel du 94e régiment d'infanterie, ci-devant Royal Hesse-Darmstadt, il avait montré la haine la plus violente contre la France révolutionnaire et supplié la diète de Ratisbonne de lui faire rendre ses biens et privilèges en Alsace ; mais l'irruption soudaine de Custine avait radouci son langage et comprimé ses mauvaises intentions[54].

Le général Moustache pouvait donc aller de l'avant. Mais une grave nouvelle mit le comble à ses frayeurs. Les Prussiens arrivaient ! En réalité, ils étaient bien loin, et ceux qui s'approchaient n'existaient que dans l'imagination d'un maréchal-des-logis, du nom de Riel, qui recrutait dans le pays pour le compte de la Prusse. Ce Riel s'était mis en campagne avec un domestique du baron de Stein ; il avait couru les villages, de Guntersblum et d'Osthofen jusqu'à Worms, et commandé partout les vivres et le logis pour 25.000 Prussiens[55]. Custine accepta bonnement cette fausse nouvelle, et, sur-le-champ, sans même tourner la tête vers Mayence, sans même penser que la ville fût prenable, il rebroussa chemin. Le 8 octobre, il faisait reconnaitre un camp à Edesheim, entre Neustadt et landau, à égale distance de ces deux villes ; le 9, il donnait l'ordre de partir ; le 10 son armée s'éloignait en trois colonnes ; le 11, elle campait à Edesheim.

Le départ des Français fut aussi brusque que l'avait été leur apparition. On ne prit pas le temps de lever entièrement la contribution de Worms. Onze otages, dont quatre magistrats, le syndic de la cathédrale, les prieurs des Dominicains et des Carmélites, deux religieuses, furent emmené, à Landau[56]. Neuvinger brida les magasins de Spire qu'on n'avait pu vider encore, et Schwardin. les bateaux du Rhin qu'on avait rassemblés Philippsbourg.

En quittant le théâtre de ses faciles exploits, Custine adressa deux proclamations aux citoyens de Spire et de Worms. Il disait aux habitants de Worms qu'il leur avait imposé une contribution pour faire retomber les dépenses de la guerre sur les hommes qui s'étalent déclaré, ouvertement en faveur des émigrés ; la lutte actuelle, ajoutait-il, est dirigée contre ces usurpateurs de pouvoirs, et non contre les peuples ; vos magistrats doivent seuls porter la contribution. Il assurait les habitants de Spire qu'il n'était venu que pour chasser les satellites des despotes ; aussi voulait-il, en partant, indemniser la ville des dommages qu'elle avait éprouvés dans le désordre inséparable de la confusion et de la chaleur d'une armée nombreuse qui vient d'emporter une ville de vive force. Il remettait donc entre les mains du trésorier de l'armée, à Landau, une somme de 5.000 florins qui serait distribuée aux citoyens indigents. J'ai cru, mandait-il au président de la Convention, seconder le vœu de la nation entière en ne laissant aucun infortuné gémir de nos avantages ; mon objet a été de voir bénir le nom français par tous les peuples dont notre constitution doit achever le bonheur[57].

Il emportait de cette expédition 800.000 livres en numéraire[58], 362 tonneaux de farine, 12.726 sacs de seigle, d'espiote et d'avoine, 1.927 bottes de foin, 1.500 tentes ou effets de campement, 12 tonnes, ballots ou caisses renfermant des chemises, des pantalons et des souliers.

 

 

 



[1] Le château de Custine, à deux lieues de Charlement, était un fief du pays de Liège. Mais depuis longtemps la famille antique et opulente (d'Allonville, Mém. secrets, III, 98) habitait la Lorraine allemande. Le père de notre Custine était seigneur de Guermange et de Sarreck et grand-fauconnier du roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar. Le grand-père était mort de blessures reçues à Malplaquet. Custine lui-même avait sa demeure à Niderviller, dans le district de Sarrebourg, ancien département de la Meurthe.

[2] Il fut nommé sous-lieutenant le 16 juin 1747, lieutenant en second le 6 juin 1758, enseigne le 7 janvier 1759, lieutenant en premier le 22 mai 1759, capitaine le 7 mars 1761, mestre de camp commandant de Custine-dragons le 5 juin 1763. Ce régiment, créé en 1673, avait pris successivement le nom de ses colonels : Fimarcon, Barbesières (1678), Estrades (1692), Belle-Isle (1705), Bonnelles (1709), Armenonville (1727), Surgères (1742), Aubigné (1745) et Choiseul-La-Baume (1761) ; il passa le 13 avril 1780 sous les ordres du marquis de Lescure et devint en 1 784 Montmorency-dragons jusqu'à l'ordonnance du 9 mars 1788 qui en fit le 2e régiment de chasseurs (chasseurs des Évêchés).

[3] Finot, Une mission militaire en Prusse, 1831, p. 67 et 157.

[4] Moniteur, 8, 28-31 août 1789 ; 24 et 27 février 1790 ; 16 février 1791.

[5] On le vit même, dans la campagne de 1793, après l'échec de Hochheim, louer la bravoure des troupes qui s'étaient très faiblement comportées.

[6] Note de Marco, reproduite par Legrand (A. G.) ; Entretien de Custine avec Mandar, 1793, p. ; Couturier, Supplément au rapport de Couturier et de Dentzel, 3 juin 1793, p. 198 ; Lavallette, Mém., 1831, p. 122-123 ; Saint-Cyr, Mém., I, 7, 16, 28. (Il juge toutefois que Custine avait une tournure militaire un peu grotesque.)

[7] Custine à Servan, 15 sept. 1792 (A. G.).

[8] Custine à Pache, 20 déc. 1792 (A. G.).

[9] Note de Legrand (A. G.).

[10] Custine à Biron, 14 nov. 1792 (A. G.). Voir son article sur la création de nouveaux assignats, Moniteur, 24 déc. 1791.

[11] Custine à Pache, 12 oct. (A. G.) et à la Convention, 16 oct. 1792 (Moniteur du 21) ; Plan de la campagne de 1793 (A. G.). Alfred Rambaud (Les Français sur le Rhin, p. 178), le nomme très justement t une sorte de Dumouriez inférieur.

[12] Custine à Pache, 6 nov. et 20 déc. 1792 (A. G.).

[13] Custine à Pache, 31 octobre 1792 (A. G.).

[14] Custine à Pache, 11 février 1793 (A. G.).

[15] Plan pour la campagne de 1793 (A. G.) ; cf. au chapitre VII ses idées sur le Directoire des achats et son mémoire sur les subsistances de l'armée.

[16] Moniteur, 29 août 1791.

[17] Custine à Biron, 4 oct. 1792 ; Biron à Servan, 9 sept. (A. G.) ; Saint-Cyr, II, 37 ; Eickemeyer, Denkw., 186.

[18] Cf. rapport de Laferrière sur Hochheim, 6 janv. 1793 ; Deprez-Crassier à Bouchotte, 9 mai 1793. Custine chante de petits succès et laisse ignorer de grandes pertes ; mot de Clémencet, rapporté par Legrand, le succès l'enivrait et la vanité l'étouffait ; note inédite de d'Eickemeyer il n'est pas scrupuleux pour remplir ses rapports de faussetés (cf. Denkw., 186-187 ; mémoire de Fr. Wimpffen, (A. G.) ; voir aussi Belagerung des Stadt Mainz., 1793. p. 71-72. Vous ne louez pas aisément vos confrères, lui écrivait Beurnonville le 13 janvier 1793.

[19] Luckner à Custine, 3 mai 1792 ; les jacobins de Strasbourg au ministre, 11 juin (A. G.) ; Moniteur, 16 juin 1792 ; Rec. Aulard, II, 94 ; procès de Custine (Moniteur, 20 et 23 août 1793) ; plan pour la campagne de 1793 (A. G.).

[20] La Morlière au ministre, 6 juillet : Castine à Servan et à Lajard, 28 mai, 9 juin, 14 et 16 juillet 1792 (A. G.).

[21] Moniteur du 18 août 1792.

[22] Moniteur du 18 août. Vous avez, lui écrivait Clavière le 11 août, donné à vos concitoyens en grand exemple et à la patrie un sûr garant de votre dévouement pour la liberté. Le Vasseur de la Meurthe communiqua la lettre à la Législative qui l'applaudit avec transports et décréta la mention honorable (Le Vasseur à Castine, 18 août 1792, A. G.).

[23] Custine, la municipalité, le club de Landau au ministre, 9 août 1792 (A. G.).

[24] Glacière à Luckner, 11 août, et à Custine, 13 août 1792 (A. G.) ; Moniteur du 26 août (lettre des commissaires) ; le 17 septembre Custine offrait à la Législative sa décoration de Saint-Louis et celle de Cincinnatus, ce joujou que Washington n'avait jamais porté et que la France seule connaissait ; l'unique décoration qu'il ambitionnait, ajoutait-il, c'était le médaillon de la vétérance. (Custine à Servan, 17 sept. (A. G.).

[25] Custine à Servan, 24 août 1792 (A. G.).

[26] Custine à Servan, 2 sept., et à Biron, 7 et 11 sept. 1792 (A. G.).

[27] Biron à Servan, 25 août et 16 sept. ; Servan à Biron, 7 sept. 1792 (A. G.). Il faut dire ici quelques mots des Mémoires posthumes de Custine, rédigés par un ce ses aides-de-camp (Hambourg, et Francfort, 1795). Ils sont évidemment l'œuvre d'un émigré, et non, comme on l'a dit, de Baraguey d'Hilliers, de Coquebert ou de Luchi. L'auteur reproduit dans son livre, pour le grossir, trois lettres qu'un émigre aurait écrites à Custine ; cet émigré, c'est lui-même ; il se trahit dans ses trois lettres qui ressemblent par le style et le ton au reste de l'ouvrage. Il avait sans doute connu Custine avant la Révolution et appris sur lui quelques détails ; il a trouvé dans le Moniteur les lettres et proclamations qu'il publie ; il savait l'allemand et il a consulté quelques brochures de l'époque, entre autres la justification de Gymnich ; il a su se procurer la copie d'un mémoire de Coquebert sur Mannheim (p. 76-81) ; il insiste sur ce qu'il était facile de connaître et passe légèrement sur les opérations militaires qu'il n'a pu voir de près. Cet émigré a d'ailleurs quelque esprit — l'esprit d'un pamphlétaire — et son style ne manque pas d'aisance ; mais les erreurs qu'il commet, notamment sur le nombre et les mouvements des troupes, prouvent assez qu'il n'a pas suivi Custine, même, comme dit Legrand, en qualité de valet de pied. Son livre est à lire, mais non à citer.

[28] Custine à Biron, 30 août 1792 (A. G.). Il a sur Biron un mot méchant et assez vrai : bon citoyen que son malheur de Mons a rendu circonspect, mais qui est capable d'un grand travail de cabinet.

[29] Lettre de Luckner à Servan, 17 sept. et notes de Biron ; Custine à Servan, 15 et 17 sept. ; Servan à Custine, 20 sept. ; Dumouriez à Biron, 25 sept. 1792 (A. G.) ; cf. Retraite de Brunswick, 123.

[30] Biron à Dumouriez et à Servais, 1er oct. 1792 (A. G.). Il avoue qu'il n'a qu'un mérite dans l'expédition de Custine : ma constance inébranlable à ne pas changer sa destination, malgré les pressantes invitations de Dumouriez qui voulait que je fasse marcher Custine directement sur Metz. Cf. sa lettre du 27 sept. à Dumouriez (coll. Deslys, Bibl. Nat. mss.).

[31] Vivenot, Quellen, II, 54-55.

[32] Custine à Biron, et note de Biron, 16 sept. Biron à Custine, 17 sept. et à Laclos, 21 sept. 1792 (A. G.). On remarquera ce que pensait Biron de la contribution. Je crois que l'assemblée en sera fort contente ; mais je ne serais pas non plus très étonné qu'elle la désapprouvât. N'y aurait-il pas un moyen de tout concilier ? Ce serait de ne pas disposer des fonds qui en résulteraient et de se tenir en état de les rendre si l'assemblée jugeait que cela eût quelque avantage politique — ce qui serait un procédé généreux et pas cher.

[33] Servan à Custine, 21 sept. 1792 (A. G.).

[34] Eickemeyer, Denkw., 112.

[35] Moniteur du 22 oct. 1792. Cf. sur André de Rutan Me Elliot, Mém., 1861, p. 124 et sur sa sœur Charlotte, l'article de D. Mathieu (Annales de l'Est, 1889, n° 2). Rutan, disait Biron : est leste, intelligent, bien monté, et parle bien allemand.

[36] Un peu étonnés, dit Custine dans la relation officielle, mais dans sa lettre du 4 octobre à Biron, il avoue que ses hommes ne sont pas toujours faciles à diriger et qu'il a dû redresser un moment de terreur. Cf. le mémoire sur Custine par un témoin oculaire (Journal de la Montagne, 8 juillet 1793, une troupe nouvellement levée s'effraie et fuit).

[37] Cf. sur le combat de Spire, Moniteur 5 et 7 oct. 1792 ; Remling, I, 62-68 ; Oest. milit. Zeitschrift, 1813, p. 105-107, et surtout Custine à Biron, 2 et 4 oct. (A. G.)

[38] Dumouriez à Biron, 6 oct. 1792 (Ternaux, Terreur, 560) ; Gay de Vernon, Custine et Houchard, p. 55. Un témoin oculaire reproche toutefois, et avec justesse, à Custine de ne pas s'être emparé à temps de la Porte-Blanche et d'avoir mis quelque mollesse dans la poursuite des ennemis (Journal de la Montagne, 8 juillet 1793).

[39] Chronique de Paris, 5 octobre 1792.

[40] Belag., 19-20 ; Remling, I, 69 ; déposition d'un chirurgien au procès de Custine (Moniteur, 29 août 1793) ; Journal de la Montagne, 8 juillet 1793 ; notes de Legrand (A. G.) : Une partie de l'armée, car il faut dire le moi, et non quelques individus, s'est livrée au plus abominable pillage.

[41] Dièche, le futur général, alors capitaine au 3e régiment d'infanterie, dit que cette compagnie appartenait au 2e bataillon du Haut-Rhin (Journal de la Montagne, 15 juillet 1793).

[42] Cf. Forster, VIII, 231. Fouquier-Tinville reprocha plus tard à Custine cette fusillade de Spire (Moniteur, 18 août 1793) ; Laveaux ne cesse de la rappeler davs son Journal de la Montagne ; Couturier et Dentzel disent dans leur rapport (du 3 juin 1793, p. 126 et 131) que le général, tenait peu de cas de la vie des hommes et qu'il les faisait fusilier arbitrairement comme des lièvres. Custine se justifia. (Moniteur, 19 et 24 août 1793.)

[43] Moniteur, 19 oct. 1792 (lettres de Worms et de Carlsruhe) ; Patriote français, 11 oct. ; Moniteur 10 oct., (lettre de Berthelmy à Brivai) ; Klein, 36-37 ; Belag., 20-21 ; Remling, I, 34 ; note de Legrand (dans les commencements surtout on payait bien et en numéraire) ; Biron à Custine, 1er oct. (A. G.).

[44] Winckelmann et Diettrich à Custine, 2 oct. 1792 (A. G.). Mais Prudhomme (Révolutions de Paris, n° 170, p. 112) fit un crime à Custine d'avoir renvoyé les officiers, et non les soldats : Nous ne voyons dans cette mesure qu'une grande aristocratie et une prédilection pour les gentillâtres. Quelle lâcheté dans un républicain d'aimer les nobles et de croire à leur parole ! Custine, Custine, tu as la tache originelle !...

[45] Au nombre de 2.546 : 1.451 Mayençais, 780 hommes de Gyulai, 90 cavaliers, 55 canonniers et 168 soldats de divers régiments.

[46] Biron au ministre, 5 et 6 oct. 1792 (A. G.) ; Moniteur, 12 et 16 oct. (lettres du Strasbourg). On fit aux prisonniers le même accueil à Colmar (Moniteur, 21 oct.) et à Haguenau (Argos, 9 oct., p. 231-232). Si l'électeur de Mayence, disait Ecloge Schneider, avait vu comment l'auteur de l'Argos auquel il voudrait tant crever les yeux, s'appliquait à héberger les deux tiers prisonniers de son armée archiépiscopale, il aurait regretté d'avoir autrefois interdit ses écrits et fait la chasse à sa personne. Ainsi chargent les temps. (Cf. Bouvier, Les Vosges pendant la Révolution, 1885, p. 162.) A la même époque le Mayençais Aaron Homberg, arrêté à Paris et accusé de complicité avec les voleurs du Garde-Meuble, était déclaré innocent. Roland le renvoya à Mayence avec une indemnité de 400 livres ; un homme ne devait pas quitter la terre des hommes libres, avant à se plaindre de vexations de la part de leur gouvernement (Moniteur, 23 oct.).

[47] Forster, VI, 389, et VIII, 231 ; Biron au ministre, 7 oct. (A. G.) ; Courrier des départements et Moniteur, 15 et 16 oct. 1792 ; Eickemeyer, Denkw., 124-125.

[48] Moniteur et Courrier des départements, 19 oct. 1792.

[49] Journal de l'armée, 5 oct. 1792 (A. G.). Cf. sur Philippsbourg à cette époque, Vivenot, Herzog Albrecht von Sachsen-Teschen, 1866, II, p. 9 et, sur Schwardin, les Souvenirs du comte de Contades, 1865, XXXII-XXXIII ; Gay de Vernon, 59 ; Beauchamp, Hist. des guerres de la Vendée, 1807, I, 331. Le 21 novembre 1792, Schwardin arrêtait sur la Moselle, près de Trarbach, un bateau chargé de Prussiens (Mainzer Zeitung, 26 et 29 nov. 1792). Il assista l'année suivante au siège de Mayence.

[50] Custine à Neuvinger, 3 et 5 oct., et à Biron, 5 oct. ; Neuvinger à Custine 4 et 5 oct. (A. G.) ; Berthelmy à Brival, 5 oct. 1792 (Moniteur du 10), Belag., 25 ; Klein, 45 ; Remling, I, 80-82 ; Rühl a la Convention, 29 oct. 1792 (A. N. c. 241).

[51] Remling, I, 72-73.

[52] Journal de l'armée (A. G.) ; Eickemeyer, Deskw., 144 ; Custine à Biron et à Neuvinger, 5 oct. 1792 (A. G.).

[53] D'Assigny à Le Brun, 18, 22, 27 sept. et 18 oct. 1792 (A. E.) ; Belag., 16-17 ; Gymnich, Beschreibung du Festung Mainz, 65 ; Klein, 52-53 ; Remling, I, 81.

[54] Le landgrave possédait en Alsace le comté de Hanau-Lichtenberg, c'est-à-dire les bailliages de Bouxwiller, Ingwiller, Pfaffenhoffen, Brumath, Wolfisheim, Westhoren, Wörth, Hallen, Offendorf et Kutzenhausen (cf. Beschreibung des Elsasses, 1782, p. 237-249, et Spach, Œuvres choisies, 1867, tome III, p. 339-377).

[55] Cf. tous les ouvrages du temps, Belag., 26 ; Darstellung der Revolution in Mainz, 29 ; Eickemeyer, Deskw., etc.

[56] Moniteur, 19 oct. 1792 ; Klein, 46, Remling, I, 83 ; Journal de l'armée (A. G.) ; ces otages furent relâchés le 22 novembre suivant.

[57] Moniteur, 14 oct. 1792.

[58] Cf. l’état signé par Pierre Blanchard (Moniteur, 14 oct.) et par le ci-devant payeur titulaire, 20 nov. 1792 (A. G.).