I. La Révolution française et la Révolution belge. Lafayette. Mission de Dumouriez. — II. Les réfugiés. Béthune-Charost. — III. Première invasion des Pays-Bas. Deuxième invasion. Courtrai. — IV. Maulde, Sedan, l'Argonne. — V. Dumouriez à Paris. — VI. Plans de campagne.I. La Révolution belge avait suivi de très près la Révolution française. Des deux côtés de la frontière retentirent les mêmes mots : patriotes, démocrates, assemblée nationale. Il semblait que la Belgique voulût essayer les ressorts que la France allait mouvoir. Le Congrès devance. et rappelle à quelques égards notre Convention : il s'attribue toute l'autorité, envoie des commissaires aux armées, décrète la levée en masse, et s'imagine que les volontaires forceront la victoire. Le peuple défile devant lui et lui apporte processionnellement des dons patriotiques. La populace de Bruxelles lui fait la loi. Vander Mersch tente en 1790 ce que tenteront en 1792 et 1793 Lafayette et Dumouriez. Les statistes emploient résolument contre les démocrates les mêmes moyens que la Montagne contre la Gironde, et l'abbé de Feller, poussant le peuple au meurtre et au pillage, a mérité le surnom d'un Marat ecclésiastique[1]. Toutefois les rôles étaient renversés. La Belgique défendait les abus, la France les combattait ; l'une voulait restaurer les privilèges, l'autre, les détruire, et la révolution brabançonne passait à Paris pour une contrerévolution[2]. Mais la France détestait l'Autriche qu'elle regardait comme son adversaire naturel et son ennemie héréditaire[3]. Elle suivit attentivement les progrès de l'insurrection belge, et le journal de Camille Desmoulins porta le nom de Révolutions de France et de Brabant. Montmorin dirigeait alors les affaires étrangères : circonspect, timide, partisan de l'alliance autrichienne et de la paix à tout prix, il n'avait aucune influence. Le véritable maitre du gouvernement était Lafayette, celui que Mirabeau nommait amèrement l'idole du jour, le général de la constitution, le maire du palais et le rival du monarque[4]. Il n'est, disait Lafayette, aucun Français qui ne doive au peuple de Belgique des applaudissements et des vœux. Etablir dans les Pays-Bas la vraie liberté, y proclamer le principe de la souveraineté du peuple, y faire élire une Convention nationale qui donnerait aux Belges une constitution à la française, tel était son but. Il patronnait toutes les révolutions[5]. Il envoya La Sonde et Sémonville à Bruxelles. La Sonde, dit Mirabeau, était son jockey politique et Sémonville, son bout d'oreille. Tous deux devaient encourager secrètement les vonckistes. Le 25 février 1790, Sémonville provoquait une émeute devant Sainte-Gudule ; au sortir de la grand'messe, quelques démocrates arborèrent les couleurs françaises et crièrent Vive le peuple ! plus d'États souverains ![6] L'avocat Torfs, intime ami de Vonck, représentait à Paris le parti démocratique. Lafayette eut avec lui de fréquentes entrevues, et, dans le dessein de terminer la Révolution belge par un accommodement équitable, il rédigea les propositions suivantes qu'il comptait faire agréer au gouvernement autrichien : 4° Les Pays-Bas se choisiraient un chef constitutionnel dans la maison d'Autriche. 2° Ils auraient une représentation libre et élective, choisie dans les trois ordres. 3° Leur armée serait nationale et prêterait serment, non seulement au chef, mais aux représentants de la Dation. 4° Les représentants dispenseraient les revenus de l'état. Torfs porta ces propositions à Bruxelles. Vander Mersch conseillait de les accepter, c'est de l'or, disait-il, plus tard vous n'aurez que du cuivre. Mais Vander Noot les rejeta dédaigneusement et Van Eupen menaça Torfs de la bastonnade s'il les publiait[7]. Après le triomphe des statistes, Lafayette résolut un instant de ne se mêler en aucune manière des affaires intérieures de la Belgique. Le 17 mars, le comte de Thiennes et l'avocat Latteur apportaient une lettre du Congrès au président de l'Assemblée constituante. Lafayette observa que le Congrès belge n'avait pas les caractères qui émanent de la puissance souveraine du peuple et la lettre ne fut pas ouverte[8]. Mais bientôt les défiances contre l'Autriche se réveillèrent. On craignait que Léopold, une fois la Belgique soumise, n'intervînt en France et ne secourût Louis XVI. Lafayette fit des avances à M. de Thiennes, à l'avocat Latteur et à un troisième personnage, le comte Cornet de Grez, ancien membre du Conseil privé, homme austère, plein de franchise et d'honneur, très pénétrant, qui connaissait à fond la Belgique et que tous les partis consultaient[9]. Il exigeait, en échange de son appui, la réconciliation des statistes et des vonckistes. Ce fut alors que Van Eupen, accompagné de M. de Thiennes, vint trouver à Douai les amis de Vonck. C'est vous, disait Dumouriez à Lafayette[10], qui avez attiré, par l'entremise de La Sonde, le comte de Thiennes et Van Eupen à Douai, comme vous avez attiré M. Cornet de Grez à Paris. On décida de se mettre sous la protection de la France, et le 3 juin 1790, à l'instigation de Van Eupen, le Congrès demandait à Lafayette un officier de distinction auquel il pût se fier entièrement tant par rapport aux relations politiques que relativement à l'état et aux opérations de l'armée. Il désirait le colonel de Royal Liégeois, le chevalier de Ternant, habile diplomate et vaillant soldat, qui servait en 1787 la cause des patriotes hollandais. Mais Ternant avait une mission en Allemagne. Lafayette envoya le maréchal de camp Dumouriez. Dumouriez appartient à la Flandre par sa naissance, car cet homme, d'une vivacité toute méridionale, naquit à Cambrai[11]. Il avait de grandes intelligences dans cette Belgique qui fut toujours son point de mire. Dès 1763, il séjournait à Mons et il y connaissait beaucoup de monde. Il s'offrit à Lafayette : Je vous prie, lui écrivait-il, de déterminer M. de Montmorin à me laisser partir. C'est avec vous que je conviendrai de tout ce que je traiterai ; je me placerai sous votre direction et je vous prouverai mon tendre attachement. Vous êtes persuadé, comme moi, que les deux révolutions, quoique marchant en sens inverse, ont trop d'analogie pour que le sort, bon ou mauvais, des Flamands n'influe pas sur le nôtre. Lafayette hésitait ; Montmorin se taisait ; Dumouriez partit. M. de Montmorin, mandait-il à Lafayette, fait son métier ; mais votre position est entièrement différente, vous êtes l'homme de la nation, vous devez et pouvez seul veiller à ses dangers extérieurs[12]. Le nouvel agent de Lafayette apportait au Congrès une lettre de recommandation ainsi conçue : M. Dumouriez, qui se rend aux eaux de Spa, doit s'arrêter quelques jours à Bruxelles ; je vous exhorte à montrer une entière confiance à cet officier général, dont les talents et l'expérience sont connus[13]. Trois semaines suffirent à Dumouriez pour juger la situation. A son avis, les Belges devaient se donner une véritable représentation nationale et un pouvoir exécutif vigoureux. Provisoirement, le Congrès ferait bien de quitter Bruxelles, où il était esclave, et de se réunir dans une ville dont il aurait la haute police. Vander Noot était un Masaniello et Van Eupen un fourbe hypocrite ; le premier, abhorré des honnêtes gens et fort aimé de la canaille, n'entendait rien aux affaires et cachait sa timidité sous les dehors d'une brutale audace ; le second menait le Congrès à sa guise, disposait de tous les emplois et de tous les fonds, tronquait, falsifiait, supprimait les dépêches : tous deux, d'ailleurs, instrument et jouet de la Hollande et de la Prusse. Il visita l'armée belge, ce simulacre d'armée. Elle lui parut faible, mal administrée, énormément coûteuse. Si les chasseurs avaient de bonnes carabines, la cavalerie ne valait rien, l'infanterie manquait absolument d'instruction et les volontaires étaient plus dangereux qu'utiles. Schönfeld avait de l'esprit, de la finesse, mais ne cachait pas qu'il fallait tenir les Belges dans un état passif, vu qu'ils dépendaient du congrès de Reichenbach. Dumouriez essaya de supplanter Schönfeld. Il demanda le commandement de l'armée belge : il voulait être Belge, disait-il, et il l'était par naissance ; il promettait d'amalgamer les troupes soldées et la garde nationale et, de l'aveu du Congrès, ses plans augmentaient considérablement les forces de la République et diminuaient ses dépenses. Mais on n'osait remercier Schönfeld. M. de Schönfeld, répondit le président du Congrès à Dumouriez, a formé notre armée et lui a donné la consistance ; mais vous voulez vous dévouer aux Belges. Or, ce n'est pas toujours l'épée à la main qu'on sert le mieux sa patrie. Franklin a partagé les lauriers de Washington. Soyez, vous, Monsieur, notre Franklin, soyez-le en France même ; plaidez notre cause, envoyez-nous des conseils ; faites-nous reconnaître libres et indépendants par la nation française. Dumouriez regagna Paris en prophétisant la victoire des Autrichiens, et bientôt un membre du Congrès, le greffier de Mons, Gendebien, lui mandait tristement que s'il était resté dans les Pays-Bas, les choses eussent autrement tourné : On voit maintenant ce que vous avez prédit que les puissances nous retenaient dans leurs mains pour faire les conditions de la paix de Reichenbach à Léopold[14]. Lafayette abandonna les Pays-Bas à leur sort. Il avait prié le Congrès de mettre Vander Mersch en liberté ; c'était le premier et indispensable moyen de remplir les vues qui devaient animer tous les cœurs patriotes, et le Congrès avait répondu que Vander Mersch devait être jugé parce que l'opinion publique se prononçait contre lui[15]. Lafayette fut désormais convaincu que la révolution belge n'était qu'une intrigue de l'aristocratie et du clergé. Vainement, dans une lettre du 6 août, le Congrès fit appel à sa générosité : Plusieurs traités ont lié les deux nations ; puissions-nous en ajouter un qui, fixant le sort de notre liberté, ruinerait à jamais le despotisme oppresseur de nos vastes et riches contrées ! Le général ne répondit pas, et la défaite de Falmagne, la chute des roitelets enfroqués du Congrès[16], le rétablissement de la domination autrichienne en Belgique n'émut que des journalistes, Desmoulins, Carra, Prudhomme. Le sort des Liégeois inspirait plus d'intérêt et de sympathie. Les Belges, disait la Gazette de France, ont des reposoirs à construire, des Vierges à orner de fleurs, des moines à affubler de leurs riches chapes et cent mille cierges à brûler au pied de leurs images ; que nous importe quel sera le pâtre de ce grossier troupeau ? Il n'en est pas de même des braves Liégeois ; ils réunissent les vœux de tous les gens de bien[17]. II. Un an s'écoula. La lutte entrera Révolution et
les vieux gouvernements, entre la France et l'Autriche, devint inévitable.
Mercy assurait que l'influence d'un voisinage
empesté était la seule cause des obstacles que rencontraient les
gouverneurs généraux des Pays-Bas, et Marie-Antoinette écrivait à son frère
qu'il n'aurait pas de tranquillité au Brabant tant qu'il n'arrêterait pas les
troubles de la France[18]. L'Assemblée
législative était a peine élue que La Marck annonçait à Mercy la guerre
prochaine : On fera décider une invasion dans les Pays-Bas
en représentant les menaces des puissances comme des hostilités ; de là à
l'insurrection du pays de Liège et de la Hollande, il n'y aura qu'un pas[19]. Déjà les Belges réfugiés sur la frontière de France se disposaient à prendre leur revanche. Ils formaient encore deux partis : les démocrates que Vonck rassemblait à Lille et que Walckiers représentait à Paris ; les aristocrates ou confédérés dont le comité directeur siégeait à Douai. Les aristocrates, plus impatients, refusaient d'attendre l'invasion française. Leurs chefs n'étaient plus Vander Noot et Van Eupen qu'ils traitaient d'imposteurs. Ils avaient à leur tête un jeune homme de vingt et un ans, le comte Armand-Louis de Béthune-Charost, ambitieux, remuant, irréfléchi, qui prétendait descendre des comtes de Flandre et comptait devenir souverain des Pays-Bas. Béthune, disait Walckiers, ne veut la Révolution que pour lui, pour le clergé et pour les nobles. Il prodigua l'argent et réunit un grand nombre d'aventuriers et d'anciens soldats de l'armée patriotique coureurs de révolutions, comme disait Bonnecarrère, qui appartiennent au dernier qui les paye et les nourrit8[20]. Les vonckistes, qui voyaient Béthune faire des recrues jusque dans leurs rangs, se plaignirent au Directoire du département du Nord, puis à la Législative. De vifs débats s'engagèrent dans l'Assemblée Fallait-il disperser les béthunistes ? Duhem, Chabot, Hérault de Séchelles criaient à la persécution. Mais la France n'exigeait-elle pas de l'Empereur, dans le même instant, la dispersion des émigrés ? Béthune et ses amis n'appartenaient-ils pas à l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale ? La Législative décréta que les rassemblements seraient dissipés et que ceux qui les composaient choisiraient provisoirement leur demeure hors des villes de guerre. Walckiers avait déterminé cette résolution et démasqué les aristocrates et leur chef Béthune au Comité diplomatique[21]. Béthune-Charost disparut bientôt de la scène politique. Les vonckistes seuls préparèrent l'insurrection. Ils s'unirent aux réfugiés liégeois. Cette réunion, écrivait Walckiers, a un double but, celui d'augmenter nos forces, car c'est une nation bien valeureuse, et celui d'empêcher les nobles et les prêtres de nous jouer, car ils seront notre soutien vis-à-vis d'eux[22]. Un Comité révolutionnaire des Belges et Liégeois unis organisa une légion de quinze cents hommes, commandés par le général Rosières et le colonel Fyon. Cette légion servait à la frontière, dans l'armée du Nord, aux dépens de la France ; mais, dès qu'elle entrerait sur le territoire des Pays-Bas, elle serait soldée et entretenue par ses compatriotes[23]. Un manifeste régla l'organisation du futur gouvernement. Les Liégeois se séparaient à jamais de l'Empire pour former avec les Belges un seul et même peuple. Un comité central de cinquante personnes, investi du pouvoir révolutionnaire, exercerait provisoirement la souveraineté. Il ferait élire des représentants, un par dix mille âmes, à mesure que la Révolution s étendrait en Belgique. Ses fonctions cesseraient dès que les députés auraient atteint le nombre de cent cinquante. Il soumettrait à la délibération du peuple un projet d'organisation sociale : un seul État, la République belgique ; deux corps renouvelés tous les deux ans par élection directe, une assemblée de représentants et un Sénat de quinze membres, chargé du pouvoir exécutif, et sanctionnant les décrets de l'assemblée ; le peuple acceptant ou rejetant par oui ou non les décrets contestés ; l'élection des juges. III. Le 20 avril 1792, l'Assemblée législative déclarait la guerre au roi de Hongrie, et huit jours plus tard, l'armée du Nord, commandée par le maréchal Rochambeau, entrait en campagne. Dumouriez, devenu lieutenant-général, ministre des affaires étrangères et le véritable président du Conseil, avait ordonné quatre attaques : Carle marcherait sur Furnes, Théobald Dillon sur Tournai, Biron sur Mons et Lafayette sur Namur. On voulait, disait le ministre de la guerre, favoriser l'insurrection des Belges qui n'attendaient que l'entrée des Français pour lever l'élendard ; le gouvernement autrichien sommait les États de Brabant de voLer les subsides ; il fallait envahir la Belgique sans retard, ravir à l'Autriche l'or des Brabançons, donner à la France la ressource d'un grand numéraire qui lui manquait. Mais l'armée était méfiante et indisciplinée. Les troupes de Théobald Dillon et de Biron s'enfuirent à la vue des Impériaux en criant que leurs généraux les trahissaient et les menaient à la boucherie. Biron rallia son armée. Dillon et le colonel du génie Berthois furent massacrés à Lille par leurs propres soldats. Désolante déroute, écrivait d'Aumont, qui a peu ou point d'exemples ![24] Le plan d'attaque échouait : Lafayette avait pris position à Bouvigne, il recula sur Givet. Carle avait paru devant Furnes, sans entrer dans la ville de crainte que sa troupe ne se disperse et s'enivre ; il regagna Dunkerque. Rochambeau s'efforçait de remettre toutes les têtes, mais se dégoûta bientôt du commandement et quitta l'armée. Luckner remplaça Rochambeau. Le vieux soudard[25] avait ordre d'envahir de nouveau la Belgique. Il entra dans Menin le 17 juin. Une troupe de quarante Autrichiens fit semblant de défendre la place et rompit un pont ; mais les chasseurs belges qui servaient à l'avant-garde, franchirent bravement le fossé. Les habitants de Menin reçurent les envahisseurs avec de bruyantes démonstrations de joie ; ils arborèrent la cocarde tricolore et crièrent : vive la nation ! vivent les Français ! Le lendemain, l'armée entrait à Courtrai. L'allégresse de la population était inexprimable ; toute la ville retentissait du cri vive la nation française ! ; nos soldats semblaient des amis qu'on attend avec impatience, et on leur disait : Nous mourrons plutôt qu'on vous chasse d'ici. Ypres leur fit le même accueil. Déjà le Comité révolutionnaire des Belges et Liégeois autorisait Rosières, au nom du peuple souverain, à prendre possession des villes et des villages, à maintenir les magistrats dans leurs fonctions, à ôter partout les armoiries du ci-devant comte de Flandre. Mais Luckner ne voulait pas s'aventurer dans l'intérieur de la Belgique. Il sommait le Comité révolutionnaire de tenir ses promesses. Où était le secours de 40.000 hommes qu'il avait assuré ? Voyait-on le moindre mouvement dans le pays ? Les Belges, écrivait le maréchal, ne se montrent pas d'une manière suffisante, et je ne dois pas marcher en avant à moins que le parti révolutionnaire ne me garantisse à force armée le libre passage de la Lys. Le ministre Lajard lui laissa carte blanche. Luckner recula ; il craignait, disait-il, d'être attaqué sur son front par trois mille Autrichiens qui se trouvaient à Gand et sur ses derrières par la garnison de Tournai[26] ! La retraite fut marquée par un douloureux épisode. Le maréchal de camp Jarry qui commandait l'avant-garde, fit brûler, dans la journée du 29 juin, les faubourgs de Courtrai. Depuis une semaine, les chasseurs tyroliens s'embusquaient dans ces faubourgs et leur feu plongeant était très meurtrier ; il fallait les refouler dans la ville. Je n'entends rien, disait Jarry, en politique ni en philosophie ; les chasseurs, enhardis par la bonhomie qui nous faisait épargner les faubourgs, nous tuent du monde tous les jours ; la vie des Français et l'honneur de nos armées ne seront pas mis en balance avec cinquante ou soixante maisons exposées au sort de la guerre sur le territoire ennemi ![27] Cet incendie excita l'indignation du parti populaire. Il fut flétri comme une action infâme par les députés, par les journalistes, par les Jacobins. Ce n'était donc pas assez d'abandonner les patriotes brabançons qui se joignaient à nos drapeaux ! On brûlait les toits de leurs pères ! On voulait inspirer aux Belges la haine de notre Révolution ! On leur donnait comme gage de notre attachement les flammes de Courtrai ! L'Assemblée législative décréta que les victimes de l'incendie seraient indemnisées par la nation française[28]. IV. Dumouriez arrivait à l'armée du Nord au milieu de la honteuse retraite de Menin et de Courtrai. Il avait quitté le ministère et venait prendre le commandement du camp de Maulde. L'invasion des Pays-Bas était son projet favori, son idée fixe. La déroute de Biron, la reculade de Luckner, les objections de Lafayette qui représentait l'expédition comme très hasardée, rien ne l'avait détourné de son dessein, et il se flattait de réussir où les autres avaient échoué. Les Pays-Bas ne devaient-ils pas se soulever au premier bruit d'une victoire française ? Quoi de plus aisé que de conquérir cette grande plaine de la Belgique ouverte depuis Joseph II ? Plus d'autres forteresses que Luxembourg, la citadelle d'Anvers et le château de Namur. Gand ne pouvait tenir. Les fortifications de Mons n'étaient pas réparées à cause de la sécurité que donnait l'alliance avec la France[29]. Déjà, pendant son ministère, Dumouriez avait envoyé dans le pays et sur les frontières divers agents, Sainte-Huruge, Deshacquets, La Sonde, Maret, chargés de travailler l'esprit public et d'opérer une fusion entre les mécontents[30]. A peine au camp de Maulde, il se plaignit de sa position subalterne. Lui, ancien ministre, se trouvait en troisième ou en quatrième dans l'armée de Luckner, au lieu d'être en chef ! Il demandait le commandement de toutes les troupes du Nord pour mieux servir et la nation et le roi qu'il identifiait dans son cœur et dans ses principes constitutionnels[31]. On ne lui répondit pas, mais Lajard ordonnait alors le mouvement que les contemporains nommèrent le revirement ou le chassé-croisé des armées. Lafayette et Luckner échangeaient leur commandement : Luckner allait s'établir à Metz pour protéger la frontière de Montmédy à Besançon ; Lafayette se rendait à Sedan pour défendre la frontière de Dunkerque à Montmédy, et en réalité pour se rapprocher de Paris et de ces Jacobins qu'il jurait d'anéantir ; tous deux étaient autorisés à garder les corps, les officiers-généraux et les états-majors qu'ils désiraient avoir avec eux. Dumouriez devait rejoindre Luckner à Metz et lui mener les troupes du camp de Maulde. Mais il objecta que les Impériaux avaient attaqué Orchies et pris Bavay ; sa présence était nécessaire dans le département du Nord ; elle y a fait du bien, parce que j'y suis né et que mes compatriotes m'ont témoigné de la confiance. Il resta donc à Maulde, aux ordres d'Arthur Dillon, son ancien, et par contrecoup de Lafayette, son mortel ennemi qui l'avait publiquement accusé de folie et de trahison. Mais, disait-il hautement, cette mesure serait détruite par les circonstances. Bientôt le trône s'écroulait, Lafayette émigrait, et le 18 août Dumouriez recevait le commandement de l'armée du Nord. Il écrivit aussitôt à Paris qu'il allait porter la liberté dans les provinces qui frémissaient sous le despotisme et opérer une diversion terrible contre la maison d'Autriche. Vainement le ministre Servan le prie de courir à Sedan et de se mettre à la tête de l'armée abandonnée par Lafayette. Que d'autres arrêtent les Prussiens et fassent la guerre défensive. Dumouriez veut prendre l'offensive et entrer dans le Brabant. Il nomme des maréchaux de camp, Dampierre, Duval, La Marlière, Ruault, de Fiers, et des lieutenants-généraux, Moreton qui sera son chef d'état-major, Beurnonville, son lieutenant du camp de Maulde, et les trois commandants de Lille, de Douai et de Condé, Labourdonnaye, Marassé, O'Moran. Mais Longwy capitulait, et les Austro-Prussiens marchaient sur Verdun. Dumouriez partit pour Sedan. Il ne renonçait pas néanmoins au dessein d'envahir les Pays-Bas. Il faisait venir de Lille à Valenciennes Labourdonnaye qui commanderait en son absence toutes les troupes du Nord ; il nommait Ruault gouverneur de Lille ; il chargeait Moreton et le commissaire-ordonnateur Malus de préparer l'invasion du Brabant, et il jurait qu'on le reverrait sous peu. Dès son arrivée à Sedan, le 28 août, il réunissait un conseil de guerre, et tous ses officiers, se rendant à ses raisons, affirmaient avec lui que l'invasion de la Belgique était le salut de la France. Il s'agit de changer la nature de la guerre et de la rendre offensive avec ce que nous pourrons rassembler de troupes dans l'armée du Nord. Nous avons ici 6.000 hommes de bonne cavalerie qui nous donnent la facilité de faire une invasion prompte et subite dans les Pays-Bas qui sont dégarnis, et de nous porter sur Bruxelles, pendant que le camp de Maulde, renforcé de quelques escadrons, des garnisons de Lille, de Douai, de Valenciennes et de tous les volontaires de l'armée du Nord, se portera sur la gauche de Tournai. Nous rassemblerons plus de 40.000 hommes dans les Pays-Bas. La nation belgique nous en fournira au moins autant[32]. Mais les Prussiens investissaient Verdun et l'Autrichien Clerfayt menaçait Stenay. Le 1er septembre, Dumouriez se jeta dans l'Argonne, tout en gémissant, disait-il, sur la nécessité de rejeter un grand plan et en priant le ministre de le mettre bientôt en état de changer cette triste défensive contre une offensive vigoureuse. Sa triste défensive sauva la France. Il vit, dès le 30 septembre, les Prussiens commencer leur retraite, et, au lieu de les poursuivre et de les refouler, de leur enlever artillerie et bagages, de leur infliger un épouvantable désastre, il leur fit un pont d'or. Selon le mot de Servan, il reprenait ses projets chéris sur la Belgique, car il la convoitait sans cesse, il lui avait tout sacrifié, et, pour voler à sa conquête, il quittait tout[33]. Même en septembre, de Grandpré, de Sainte-Menehould, il portait ses regards vers le Brabant. Il écrivait à Malus que le plan offensif n'était que différé ; à Labourdonnaye, qu'il lui mènerait 40.000 hommes avant le 10 octobre ; aux ministres, qu'un accord entre la Prusse et la France donnerait aux Pays-Bas autrichiens la liberté ; à Maret, qu'il ne fallait pas abandonner les projets révolutionnaires pour la Belgique et le pays de Liège. On l'entendit déclarer qu'il prendrait son quartier d'hiver en Brabant et passerait son carnaval à Bruxelles[34]. Il chargea donc Kellermann et Valence de pousser lentement, hors du territoire, les débris de l'armée prussienne. Lui-même se rendit à Paris pour arranger, avec le pouvoir exécutif, tous ses moyens d'attaque du Brabant[35]. Le 12 octobre, il présentait ses hommages à la Convention et annonçait, au milieu des applaudissements unanimes de l'Assemblée, qu'il marchait au secours des malheureux Belges. V. Ses Mémoires assurent, non sans raison, qu'on le
soupçonnait déjà, que Roland lui reprocha ses dangereux talents, que les
Girondins l'accusèrent sourdement d'aspirer à la dictature et de rêver le
rôle de César ou de Cromwell, que les jacobins publièrent qu'il venait se
faire encenser comme un général d'ancien régime. Cependant, malgré ces
défiances naturelles à toute jeune République, il reçut l'accueil que
méritait le vainqueur de l'Argonne. On lui donna des fêtes ; on le félicita ;
on le couvrit de compliments et de flatteries. Delacroix, qui présidait la
Convention, le pria de mener encore les Français à la victoire et d'acquérir
de nouveaux droits à la reconnaissance de la République. Deux arrêtés du
Conseil exécutif provisoire lui donnèrent le commandement illimité, absolu de
l'armée des Pays-Bas : le premier le chargeait de diriger en chef
l'expédition qui devait affranchir des peuples
opprimés et poursuivre, jusque sur son territoire, le plus mortel ennemi de
la République, c'est-à-dire les Autrichiens ; le second le nommait de
nouveau et pour établir les rapports de
subordination lieutenant-général des
armées de la République, commandant en chef l'expédition de la Belgique,
et mettait sous ses ordres tous les lieutenants-généraux qui seraient
employés dans la campagne. Le ministre des affaires étrangères, Le Brun, lui
mandait confidentiellement que les ministres lui laissaient tous les soins de
la guerre belgique : La France entière vous regarde
comme son héros. Vous avez l'estime, la confiance du Conseil. Il n'entend pas
que vous puissiez être gêné par aucune prétention, par aucun obstacle
étranger ; vous aurez la suprématie, le commandement général, la prééminence
sur tous les généraux, carte blanche enfin[36]. Comme Kellermann, comme Beurnonville, comme Valence, qui courait à la République avec transport, Dumouriez était alors très sincèrement républicain. Il disait qu'on avait eu raison de sauter enfin le pas de la République et il engageait Biron à lire Plutarque pour apprendre à devenir républicain et à changer de peau comme le serpent. Les jacobins de Paris et de Valenciennes recevaient sa visite ; à Valenciennes, il se coiffait du bonnet rouge ; à Paris, il félicitait ses frères et amis d'avoir commencé une grande époque et déchiré l'ancienne histoire de France, qui n'offrait que le tableau du despotisme. Il se proclamait le général des sans-culottes et assurait que la liberté allait s'asseoir sur tous les trônes, qu'on arriverait bientôt à la République universelle[37]. Il ménagea les partis, les montagnards, comme les
girondins. Il dîna chez le ministre de l'intérieur, Roland, qu'il avait naguère
renversé. Quand il entra, raconte Mme Roland,
il avait l'air un peu embarrassé et vint m'offrir,
assez gauchement pour un homme aussi dégagé, un charmant bouquet. Elle
lui dit en souriant que la fortune faisait de plaisants tours : Vous n'auriez jamais cru que je vous recevrais de nouveau
dans ce même hôtel ; mais les fleurs n'en siéent pas moins au vainqueur des
Prussiens, et je les reçois de votre main avec plaisir. Il avait écrit
régulièrement, pendant la campagne, à Gensonné et correspondit avec lui
jusqu'au M décembre. Il se réconcilia avec Brissot, qui le félicita
d'affermir la République par ses victoires et promit de le seconder. Il
témoigna son estime à Vergniaud et voulut attacher à son état-major un frère
de Guadet[38]. Mais il embrassait Robespierre à la séance des jacobins et causait longuement avec Couthon. Il avait des entrevues avec Danton et, lorsqu'il se présentait au club, le tribun félicitait le général d'avoir si glorieusement servi la République : Vous avez bien mérité de votre patrie. Une carrière encore plus belle vous est ouverte : que la pique du peuple brise le sceptre des rois, et que les couronnes tombent devant le bonnet rouge dont la Société vous a honoré ! Grâce à Danton et à Westermann, il s'abouchait avec Santerre, qui commandait, sous le titre de maréchal de camp, la garde nationale parisienne. Il se rendait à la section jacobine des Lombards et lui annonçait que son bataillon aurait l'honneur d'entrer un des premiers dans le Brabant. Les volontaires de la section s'étaient enfuis devant les hussards prussiens, et vingt-cinq d'entre eux avaient été chassés de l'armée. Dumouriez affirma que le bataillon, purgé de quelques mauvais sujets qui s'étaient glissés parmi les braves gens, avait l'air imposant et la bonne tenue d'un régiment de ligne[39]. Seul, Marat se proclamait hautement l'ennemi de Dumouriez. Il lui reprochait d'avoir sévi contre les volontaires des bataillons parisiens Républicain et Mauconseil qui massacraient lâchement, dans les rues de Rethel, quatre déserteurs de l'armée des émigrés. Un soir, à la fin d'un repas que Julie Talma donnait à Dumouriez, dans sa maison de la rue Chantereine, l'Ami du peuple, suivi de Bentabole et de Montaut, osa demander compte au général de sa conduite. Celui-ci toisa le journaliste d'un regard méprisant et lui tourna le dos. Marat le dénonça le lendemain à la Convention ; Rouyer répondit que Marat ne pourrait jamais ternir la gloire et le civisme de Dumouriez[40]. VI. Au milieu de ces hommages, Dumouriez ne négligeait pas son plan de campagne. Après avoir obtenu de Santerre une partie de l'artillerie parisienne, il demandait au ministère des munitions de guerre, des souliers, des capotes, cinq cents milliers de poudre et deux millions en espèces pour assurer la solde de ses troupes. Mais il déclarait qu'une fois en Belgique, il n'épuiserait plus le trésor national ; il saurait y trouver le numéraire et le faire refluer en France ; il établirait le cours des assignats. Roland et le ministre des finances Clavière l'entretinrent des marchés et des subsistances de l'armée : Dumouriez promit de vivre sur la Belgique même et de ne rien tirer du territoire français ; tout marché, disait-il, qui nous donne les grains de l'étranger, même à un prix élevé, est avantageux : il arrête les accaparements que peut faire la compagnie des vivres ; il laisse en France les grains nécessaires à la nourriture des habitants ; il diminue les inquiétudes des municipalités et des directoires et les empêche, comme naguère à Rouen, à Perpignan, d'intercepter de département à département et de ville à ville l'envoi des blés et des farines. N'est-ce pas attacher les gens du pays à la Révolution par leurs propres profits[41] ? Il fallait concerter, outre l'invasion des Pays-Bas, un plan d'opérations générales. Dumouriez restait fidèle au programme qu'il exposait à Delessart au mois de février : se tenir sur une défensive exacte partout où des montagnes, comme les Pyrénées, la mer ou une rivière, comme le Rhin, offraient un obstacle naturel, et prendre l'offensive ailleurs ; au Midi, s'avancer jusqu'aux Alpes ; au Nord, envahir, après la Belgique, les états de la rive gauche du Rhin, et, comme il disait, donner à la France contre le despotisme la barrière du grand fleuve[42]. Il pria donc Kellermann et Valence qui suivaient les Prussiens, de mettre plus de vigueur et d'activité dans leur marche ; Kellermann devait porter son armée à 25.000 hommes en remplaçant les vieilles troupes de la garnison de Metz par des bataillons de nouvelle levée, puis se jeter sur le pays de Trèves pour appuyer les succès de Custine. Quant à Valence, il se dirigerait sur Namur : J'ai arrangé votre affaire, lui mandait Dumouriez, votre grosse seigneurie va recevoir le brevet de général en chef de l'armée des Ardennes, mais à condition que vous remplissiez mieux que Lafayette la tâche de prendre Namur[43]. Le Conseil exécutif provisoire approuva le plan de Dumouriez. Exalté par la bonne fortune, il n'avait plus 1 d'autre politique qu'une politique d'envahissement et de conquête. Trois mois auparavant, Luckner et Lafayette, effrayés de la désorganisation de l'armée, écrivaient de Il concert qu'une paix prompte et honorable était le plus important service qu'on pût rendre à la nation[44]. Mais Valmy, la pointe heureuse de Custine, la conquête de la Savoie et de Nice avaient tourné toutes les têtes. La Révolution devait poursuivre sa course victorieuse, affranchir les peuples, prendre pour devise le mot de Merlin de Thionville guerre aux rois et paix aux nations ! Carra proposait de ne pas traiter avant que la Belgique, le pays de Liège et la rive gauche du Rhin n'eussent planté avec des racines l'arbre de la liberté. Dès le 3 septembre, en pleine invasion prussienne, la Chronique : de Paris déclarait que les armées françaises grossiraient assez pour entrer bientôt dans le Brabant, culbuter les Autrichiens à la frontière et se porter sur Trêves, Coblenz, Mayence, et le surlendemain Duhem s'écriait dans l'Assemblée législative qu'on devait suspendre les remerciements et les lettres de félicitation jusqu'à l'invasion du Brabant et des électorats[45]. Enfin, la guerre devenait une nécessité. On manquait, d'argent pour payer et nourrir l'armée. Il faut, disait crûment Dumouriez, faire subsister nos 50.000 hommes aux dépens des pays qui nous avoisinent ; nous finirions par épuiser la France si nous restions chez nous. Clavière pensait de même ; ce ministre des finances avait peur de la paix, et, selon lui, la République ne pouvait s'organiser et la constitution s'achever que pendant la guerre, tandis que les troupes seraient occupées au dehors ; on doit, écrivait-il, se maintenir dans l'état guerrier ; le retour des soldats augmenterait partout le trouble et nous perdrait. C'était aussi l'opinion de Roland : Il faut, avouait-il un jour, faire marcher les milliers d'hommes que nous avons sous les armes, aussi Loin que les porteront leurs jambes, ou bien ils reviendront nous couper la gorge ! Le 21 octobre, le Conseil exécutif ordonna que les armées françaises ne prendraient leurs quartiers d'hiver qu'après avoir repoussé l'ennemi jusqu'au Rhin. Ce que Louis XIV n'avait pu faire en cinquante ans de règne, la République le ferait en un mois[46]. Dumouriez applaudit à l'arrêté. Lui aussi pensait qu'il fallait border le Rhin. Il manda sur-le-champ à Kellermann qui se reposait de la poursuite des Prussiens aux environs de Longwy : Nous avons sauvé la patrie, il s'agit à présent de la faire triompher au dehors. Le désir de toute la nation et le véritable intérêt de la République est que nous hivernions hors de nos frontières. Kellermann devait donc aider ses frères d'armes et secourir Custine en se portant sur Trêves, puis sur Coblenz et de là sur Cologne. Vous avez, ajoutait Dumouriez, une fort belle mission à remplir, c'est de municipaliser la rue aux Prêtres — la Pfaffenstrasse ou les trois électorats ecclésiastiques —. J'espère qu'au printemps vous viendrez me donner la main par Cologne. Le Rhin doit être la seule borne de notre campagne depuis Genève jusqu'à la Hollande et peut-être jusqu'à la mer. Arrive ensuite ce qui pourra. Mais, lorsque nous aurons rempli notre tâche, la révolution de l'Europe sera bien avancée ! Kellermann objectait que son armée était accablée de fatigue et désolée par les maladies. Nous en sommes tous réduits là, lui répondait Dumouriez. Encore un coup de collier, et ça ira ! Les troupes, animées par l'exemple de l'armée de Custine, sont prêtes à tout braver pour étendre la gloire des armées de la République et pour finir la guerre tout d'un coup. Il faisait les mêmes exhortations à Valence qui marchait à la gauche de Kellermann : on tenait l'ennemi, on ne devait pas lui permettre de reprendre haleine ; il faut anéantir par notre rapidité les armées des despotes ![47] |
[1] Dewez, VII, 105.
[2] La France, disait Kaunitz le 31 octobre 1790 (Vivenot, Quellen, I, 38), se trouve avoir actuellement une soi-disante constitution démocratique ; le système de la constitution des Belges est aristocratique.
[3] Invasion prussienne, p. 8 ; Sorel, L'Europe et la Révolution, I, 293-297.
[4] Bacourt, II, 26, 94.
[5] Mémoires, V, 24-25 ; Sorel, L'Europe et la Révolution, 1887, II, 53-60.
[6] Bacourt, II, 94, 172, 189 ; Borgnet, I, 169 ; Juste, République belge, 104. Sémonville est assez connu. Tort de La Sonde, né à Peyriac dans l'Aude, avait été secrétaire de l'ambassadeur de France en Angleterre, le comte de Guines, qui le fit mettre à la Bastille (1770-1771). C'était, dit Merlin de Douai (Le Rédacteur, 7 déc. 1796), un des hommes les plus déliés de l'Europe. Il se retira dès 1778 à Bruxelles et devint l'intime confident de Dumouriez qui logea chez lui en 1792 après Jemappes et en 1793 après sa défection, avec sa maitresse Mme de Beauvert. Cf. sur lui sa propre brochure Tort de la Sonde peint par lui-même ou suite aux Mémoires de Dumouriez, an IV.
[7] Juste, République belge, 90-91.
[8] Moniteur du 18 mars 1790, et Adresse des Belges à la nation française, 27.
[9] Cf. sur Cornet de Grez ; Dewez, VII, 125, et Juste, République belge, 94-95. Cornet de Grez avait déplu à Joseph II et s'était retiré à Douai. Lafayette (Mém., V, 47-51) attachait un prix infini à sa correspondance, promettait de le consulter sur toutes les démarches qu'il pourrait faire ou proposer, louait à l'extrême ses sages conseils et ses grandes lumières en politique et en administration.
[10] Dumouriez à Lafayette, 30 juin 1790 (A., N. F7 4598),
[11] Cf. Valmy, p. 8-23.
[12] Lafayette, Mém., V, 53-56.
[13] Passage supprimé dans les Mémoires de Lafayette.
[14] Mémoire de Dumouriez sur la situation politique et militaire de la Belgique ; lettre du président du Congrès à Dumouriez, 7 août 1790 ; lettre de Gendebien (A. N. F7 4598) ; cf. les Mémoires de Dumouriez, 1822, tome II, p. 84-91 et Vande Spiegel, 34.
[15] Le président du Congrès à Dumouriez, 7 août 1790.
[16] Mot du pamphlet La République belgique (Borgnet, I, 296).
[17] Lafayette, Mém., V, 52-62 ; Gazette de France, 3 juin 1790.
[18] Vivenot, Quellen, I,
333-334.
[19] Bacourt, III, 234.
[20] Borgnet, I, 251-254. Cf. sur Béthune-Charost (outre Lemas, Études sur le Cher pendant la Révolution, 187, p. 59-80) : Ernouf, Maret, 55 et une lettre de Walckiers à Biron, 21 déc. 1791 (A. G.).
[21] Séances des 19, 20 et 21 déc. 1791.
[22] Borgnet, I, 261 ; Walckiers à Biron, 21 déc. 1791 (A. G.).
[23] Convention entre le Comité et le ministère.
[24] De Grave, d'Aumont, d'Elbhecq à Rochambeau, 22, 29, 30 avril 1792 ; d'Aumont à de Grave, 1er mai ; Extrait du reg. des délib. de Lille, 29 avril (A. G.) ; Rochambeau, Mém., 1829, I, 407-408 ; Invasion prussienne, 46-48.
[25] Cf. sur Luckner, Invasion prussienne, 192-194.
[26] Ordre positif d'exécuter le plan de guerre offensive, 8 juin 1792 ; Luckner au ministre, 17, 18, 20, 24, 26 juin ; Lajard à Luckner, 27 juin ; lettres de Menin et de Courtrai, 18 juin ; arrêté du Comité, signé Rens, président, et Vanden Steene, Smits, de Raet, 18 juin (A. G.).
[27] Jarry avait servi vingt ans en Prusse : J'aurais été rudement tancé par Frédéric II, écrivait-il à Lajard, si je me fusse soumis à perdre inutilement du monde pendant huit jours pour épargner les maisons de l'ennemi. Agent des démocrates à Berlin dans la révolution belge, il proposait de donner le ministère de la guerre au duc d'Ursel, le titre de généralissime à Vander Mersch, le commandement de la cavalerie à Schönfeld, de l'infanterie au baron de Haack, de l'artillerie, du génie, de l'état-major à lui, Jarry. Adjudant-général à l'armée du Nord, il fut recommandé par Biron à Talleyrand et au ministère. Jarry, disait La Marck, a de l'esprit, des talents et une grande connaissance de la cour de Berlin. Il reçut une mission secrète à Berlin avec une énorme latitude de moyens de corruption, échoua et revint en France. Rochambeau le prit pour aide de camp général. Luckner le mit à la tête de l'avant-garde et, en cette qualité, Jarry fit partie de l'armée du centre ou de Metz et commanda le camp de Fontoy. Mais on lui reprochait sans cesse l'incendie de Courtrai et, le 3 août, devant la Législative, Petion s'écriait : l'incendiaire est encore au milieu du camp des Français ! Jarry émigra le 21 août 1792. L'année suivante le brûleur de Courtrai envoyait à Mercy par La Marck qui fut toujours son protecteur et son patron, une lettre pleine d'idées lumineuses qui fut communiquée à Cobourg. Mercy lui fit donner un subside. (Jarry à Lajard, 9 juillet (A. G.) ; Dinne, II, 345-350 ; Bacourt, III, 291, 294 ; de Pradt, 60 ; Flammermont, Négoc. secr. de Louis XVI, 1883, p. 23 ; Pallain, La mission de Talleyrand, 1889, p. 22, 30, 32, 34 ; Moniteur du 5 août ; Invasion prussienne, 108 : Thürheim, Briefe des Grafen Mercy an Starhemberg, 1884, p. 56, 57, 61.)
[28] Borgnet, II, 34-36.
[29] Nény, I, 194, et II, 3 (il avoue que, sans cette alliance, les Pays-Bas eussent été infailliblement en 1756 la première victime de la guerre). Cf. Wolf, Leopold II und Marie-Christine, 1867, p. 310, et Dumouriez, Mém., II, 222-223.
[30] Cf. sur Sainte-Huruge une lettre de Dumouriez à Le Brun, 10 déc. 1792 (A. G.) et sur Maret, Ernouf, Maret, 53-71. Le futur duc de Bassano eut un instant le titre d'agent général du gouvernement pour les affaires de Belgique et s'efforça sérieusement de rallier les partis et d'organiser les réfugiés. Voir aussi Sorel, L'Europe et la Révolution, II, 481-483.
[31] Dumouriez au roi, 18 juillet 1792 (A. G.).
[32] Procès-verbal du conseil de guerre, Sedan, 29 août 1792 (A. G.).
[33] (Servan), Notes sur les Mém. de Dumouriez, p. VI, XIV, 20, 31.
[34] Cf. Valmy, 24-40 ; Retraite de Brunswick, 157-158 ; La Sonde, Suite aux Mém. de Dumouriez, 12.
[35] Lettre à Couthon, Correspondance de Couthon, p. p. Mège, 1872, p. 199.
[36] Recueil des actes du Comité de salut public avec la correspondance des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif ou Recueil Aulard, 1889, tome I, p. 100 et 207 (6 et 29 cet 1792) ; Nauroy, Le Curieux, II, 69 ; Le Brun à Dumouriez, 8 novembre (Archives étrangères ou A. E.).
[37] Valence à Dumouriez, 9 sept. 1792 (A. G.) ; Louver, Mém., p. p. Aulard, 1889, I, 67 ; Mme Roland, Mém., p. p. Faugère, 1864, I, 265 ; Meillan, Mém., 1823, p. 31 ; Nauroy, Le Curieux, II 66 ; Retraite de Brunswick, 88 ; Moniteur, 13, 17, 19 oct. et 20 déc. 1792.
[38] Mme Roland, Mém., I, 263 ; Meillan, Mém., 31 et 61 ; Nauroy, Le Curieux, II, 70-71 ; Retraite de Brunswick, 10.
[39] Corr. de Couthon, 202 (cf. sur les rapports de Couthon avec Dumouriez, Valmy, 16) ; Moniteur 16 et 17 oct. 1792.
[40] Moniteur 19 oct. 1792 (séance du 18).
[41] Correspondance de Dumouriez avec Pache (ou Correspondance), 1793, p. 4, 9-10, 21-22, 210 ; Dumouriez, Mém., 1823, tome III, 136 ; cf. sur l'interception des grains, Retraite de Brunswick, 66.
[42] Correspondance, 171.
[43] Dumouriez à Kellermann et à Valence, 17 octobre 1792 (A. N. F7 4598).
[44] Cette lettre à Lajard (6 juillet 1792, A. G.) est peu connue.
[45] Rapport de Carra, 1792, p. 14 ; Chronique de Paris, 9 sept. ; Moniteur, 5 sept. 1792.
[46] Dumouriez à Kellermann, 26 oct. 1792 (et Mém., III, 284), Clavière à Custine, 5 déc. 1792 (A. G.) ; Miles, Authentic correspondence with Le Brun, 1796, 3e édition, p. 144 ; Rec. Aulard, I, 188-189.
[47] Dumouriez à Valence, 28 oct., et à Kellermann, 30 oct. 1792 (A. G.).