LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

JEMAPPES ET LA CONQUÊTE DE LA BELGIQUE

 

CHAPITRE PREMIER. — LES PAYS-BAS AUTRICHIENS.

 

 

I. Les Dix Provinces, gouvernement, États, clergé. La principauté de Liège. — II. Joseph II et le traité de la Barrière. — III. Réformes religieuses et politiques. Les patriotes. Vander Noot. — IV. Murray. D'Alton et Trauttmansdorff. Coup d'État du 18 juin. — V. Vander Noot et l'étranger. Vonck. Vander Mersch. L'armée de Bréda — VI. Le manifeste de Hoogstraeten. Combat de Turnhout. Prise de Gand. Armistice d'Orsmael. Soulèvement de Bruxelles. — VII. Statistes et démocrates. Les États Belgiques. Unis Adresse du 17 février 1790. Scènes du 16 mars. Insurrection militaire. Vander Mersch et Schönfeld. Conférence de Flawinne. Défaite des Vonckistes. Entrevue de Douai. — VIII. Léopold II. Congrès de Reichenbach. Croisade de septembre. L'armée belge. Falmagne. — IX. Soumission de la Belgique et de Liège.

 

I. La Belgique ou, comme on disait au XVIIIe siècle, les Pays-Bas autrichiens, cédés à l'empereur Charles VI par les traités d'Utrecht, comptaient avant 1792 dix provinces : quatre duchés, Brabant, Limbourg, Luxembourg et Gueldre — trois comtés, Flandre (divisé en deux parties), Hainaut et Namur, — deux seigneuries, Malines et Tournai[1].

Le duché de Brabant comprenait les quartiers de Louvain, de Bruxelles, d'Anvers et du wallon Brabant ; — le duché de Limbourg, outre Herve, Limbourg, Eupen et Hodimont, les pays dits d'Outremeuse — Daelhem, Fauquemont et Rolduc, — le duché de Luxembourg, la ville de Luxembourg qui passait alors pour la plus belle forteresse de l'Europe[2] et tout le duché de ce nom, à l'exception des places cédées à la France par le traité des Pyrénées[3] ; — le duché de Gueldre où Gueldre autrichienne[4], Ruremonde, quatre villages et les terres franches de Weert, Nederweert et Wessem.

Le comté de Flandre se composait : 1° des villes et châtellenies d'Ypres et de Furnes et de la ville de Menin, qui formaient la Westflandre ou Flandre occidentale ou, comme on la nommait encore, Flandre rétrocédée, parce que Louis XIV l'avait rendue en 1713[5] ; 2° de la Flandre proprement dite ou orientale : villes et châtellenies de Gand, de Courtrai, d'Audenarde, villes et pays d'Alost et - de Termonde, ville et franc de Bruges, pays de Waes, district des Huit-Paroisses, ports d'Ostende et de Nieuport. — Le comté de Hainaut renfermait les villes et prévôtés de Mons et de Binche, les ville et châtellenie d'Ath, les terres de Chimay et de Beaumont. — Le comté de Namur avait perdu les places de Charlemont, de Philippeville et de Marienbourg devenues françaises, mais on y trouvait Namur, Charleroi et six bailliages — Bouvigne, Montaigle, Fleurus, Samson, Vieuville et Wasseige.

La seigneurie de Malines comprenait : Malines, son district — cinq villages à clocher et six hameaux — et son ressort — Heist et Ghestel. — La seigneurie de Tournai était formée par la ville de Tournai et par le Tournésis.

Un gouverneur et capitaine général, lieutenant de l'empereur, presque toujours prince du sang[6], gouvernait les Pays-Bas autrichiens. Il avait au-dessous de lui un ministre plénipotentiaire ou vice-gouverneur, un commandant général des troupes et trois Conseils : le Conseil d'État qui ne jouait plus aucun rôle, le Conseil privé qui traitait les affaires autrefois soumises au Conseil d'État, le Conseil des finances.

A côté de cette administration générale existait l'administration provinciale. Les dix provinces formaient chacune un état indépendant ; chacune avait son système de douanes, sa constitution particulière, ses États. Les États, représentés dans l'intervalle des sessions par des députations permanentes, comprenaient les trois ordres : clergé, noblesse, tiers. Leur organisation différait selon les provinces. Les États de Brabant se composaient de seize abbés, parmi lesquels l'archevêque de Malines et l'évêque d'Anvers, des nobles qui avaient au moins le titre de baron et faisaient preuve de quatre quartiers, et de sept délégués des trois chefs-villes : Anvers, Louvain, Bruxelles. Le clergé ne siégeait pas dans les États de Gueldre, de Tournai, de Malines, comme le tiers dans les États de Tournésis. Les États de Flandre étaient fermés à la noblesse ; la féodalité, dit un Français[7], est presque nulle en Flandre, et les prêtres y ont le plus grand crédit. Seuls, les États de Hainaut s'ouvraient aux mandataires du bas-clergé. Mais, quelle que fût la composition des États, ils ne représentaient pas la nation ; aucun de leurs membres n'était élu ; abbés, nobles, bourgeois ne figuraient dans ces assemblées de privilégiés, qu'en vertu d'un usage immémorial. Les États avaient des attributions importantes : on ne pouvait lever l'impôt sans leur consentement, et l'empereur, qui était, non pas roi de Belgique, mais duc de Brabant et de Luxembourg, comte de Flandre, de Hainaut et de Namur, devait leur demander annuellement, sous forme de subsides, la somme nécessaire à l'exercice du gouvernement[8].

Les communes différaient entre elles comme les États entre eux, par leurs nuances particulières[9]. L'empereur nommait à vie les magistrats municipaux et l'officier qui surveillait leurs actes : l'amman à Bruxelles, le chef mayeur à Louvain, le margrave à Anvers, l'écoutète à Malines, le grand bailli dans d'autres villes. Mais, outre ce justicier et les officiers municipaux, les corporations ou collèges d'arts et métiers, dont les privilèges étaient considérables, prenaient part à l'administration de la cité. La commune de Bruxelles, par exemple ; se composait de trois membres : le magistrat, le large conseil et les neuf nations, qui comprenaient les doyens et jurés de quarante-neuf métiers.

L'organisation judiciaire offrait, comme la constitution politique, bien des disparates et des singularités. Que de cours et de tribunaux, d'esprit équitable, il est vrai, mais de formes lentes et gothiques : magistrats des villes, officiers des seigneurs, cours féodales, Université de Louvain ! Au-dessus de ces nombreuses juridictions particulières s'élevaient les Conseils provinciaux. Quatre d'entre eux — Brabant, Gueldre, Hainaut, Luxembourg — jugeaient souverainement et sans appel ; les autres ressortissaient au Grand Conseil de Malines. Le Conseil de Brabant était à la fois politique et judiciaire ; les lois et ordonnances ne s'exécutaient dans le duché qu'avec son assentiment et après l'apposition du sceau dont son chancelier avait la garde.

Nulle part en Europe le clergé — non pas le clergé séculier, mais le clergé régulier — n'était plus puissant, plus opulent que dans les Pays-Bas. Les moines pullulaient. Même en 1789, après la suppression des couvents dits inutiles, la Belgique comptait encore 108 monastères. Les chefs des grandes abbayes qui possédaient les deux tiers des biens ecclésiastiques, étaient les véritables maîtres du pays. La noblesse et le tiers-état, disait un agent français en 1792, sont, non pas sous l'influence religieuse du clergé, mais sous l'influence pécuniaire des riches abbés. Aussi la Révolution belge fut-elle entreprise sous les auspices et aux frais de l'archevêque de Salines, de l'évêque d'Anvers, des abbés de Tongerloo, de Saint-Bernard, de Gembloux, et le gouvernement qu'elle fonda reçut, à juste titre, le nom de théocratie[10].

Mais, quel que fût le pouvoir de leur clergé régulier, les Belges se regardaient comme un peuple libre. Leurs magistrats et leurs officiers de justice n'étaient-ils pas inamovibles ? Leurs coutumes ne proclamaient-elles pas la liberté individuelle et l'inviolabilité du domicile ? Les simples particuliers, comme les assemblées, n'avaient-ils pas le droit de pétition et de remontrance ? Aucune nation n'était plus fière de sa constitution. Les Brabançons surtout se glorifiaient de leur charte en 59 articles, la Joyeuse Entrée, et la tenaient pour la plus parfaite qui fût au monde : les deux derniers articles obligeaient le souverain à confirmer, dès son avènement, tous les privilèges des Brabançons et autorisaient les citoyens à lui refuser service et obéissance, s'il violait le pacte constitutionnel[11].

Liège était une principauté ecclésiastique, rattachée à l'empire d'Allemagne, où elle appartenait au cercle de Westphalie. Elle comprenait la Hesbaye, le Condroz, la Famène, l'Ardenne et la Campine, c'est-à-dire 23 bonnes villes[12] et 586 communautés. Le prince-évêque la gouvernait de concert avec les trois états : l'état primaire composé des chanoines du chapitre de Saint-Lambert, l'état noble formé de ceux qui possédaient un noble fief et faisaient preuve de seize quartiers, l'état tiers ou les députés des bonnes villes. L'histoire de Liège ne se confond donc pas avec celle de la Belgique. Liège a d'autres aspirations que les dix provinces, et sa révolution, toute progressiste, ne ressemble nullement à la révolution brabançonne, toute rétrograde. Il y a, disait en 790 le Journal général de l'Europe, un mur de séparation impénétrable entre les Belges et les Liégeois[13]. Après avoir langui pendant la première moitié du XVIIIe siècle dans la torpeur et l'apathie, Liège avait accueilli les idées de réforme politique et sociale que prêchaient les encyclopédistes français. On y réimprimait clandestinement les ouvrages hostiles au clergé. Pierre Rousseau y fondait le Journal encyclopédique, Coster, l'Esprit des Journaux, et Le Brun, ce Journal général de l'Europe, qu'il transportait à Herve et ensuite à Paris pour l'abandonner au lendemain du 10 août. La Société d'émulation était un centre de propagande philosophique et réunissait tout ce qu'il y avait à Liège d'hommes éclairés[14].

La Belgique, au contraire, n'avait pas secoué son inertie. La vieille et routinière Université de Louvain, fermée aux idées nouvelles, n'enseignait plus que des choses inutiles. Les classes supérieures méprisaient les œuvres de l'esprit. Le gouvernement autrichien, désireux de conserver sa tranquillité, éloignait les encyclopédistes et les philosophes, imposait aux journalistes les plus rigoureuses conditions, proscrivait impitoyablement tout ouvrage contraire à l'orthodoxie. Le peuple belge était comme engourdi par l'ignorance, et l'on a pu dire que la seconde moitié du XVIIIe siècle fut pour les Pays-Bas une période de profonde décadence intellectuelle[15].

 

II. Les Belges, disait le duc Charles de Lorraine, sont très faciles à gouverner par la douceur ; seulement ils sont très attachés à leurs privilèges, et même, j'ose dire qu'ils poussent cela jusqu'à la folie ; ils ont tous été élevés dans ce préjugé ; ils envisagent leurs privilèges comme lois fondamentales de l'État. Charles VI (1715-1740) et surtout sa fille Marie-Thérèse (1740-1780) avaient pratiqué la politique sage et facile que recommandait Charles de Lorraine : ils gouvernèrent pur la douceur et respectèrent les privilèges des Belges[16]. Joseph II n'eut pas la même modération. Bon, généreux, très actif, mais d'une activité fébrile et inquiète, obstiné, mais finissant par céder et ne cédant jamais à propos, commençant tout et ne terminant rien, ébauchant les réformes sans jamais les achever, esquissant avec audace de vastes plans qu'il n'exécutait pas faute de ressources et de vigueur, voulant rendre les gens heureux, non à leur façon, mais à la sienne, convaincu qu'il ne faisait que le bien, et n'imaginant pas qu'on pût lui résister, prêchant l'indulgence, mais employant surtout la violence et la crainte du militaire, Joseph II était un radical sur le trône. Il innovait, innovait, impatiemment, à la hâte, sans ménagement et sans adresse[17].

Il confirma d'abord sa sœur l'archiduchesse Marie-Christine et le duc Albert de Saxe-Teschen, époux de Marie-Christine, dans le gouvernement général des Pays-Bas que Marie-Thérèse leur avait conféré après la mort de Charles de Lorraine. Mais bientôt éclata sa noble et imprudente passion des réformes. Déchirer le traité de la Barrière, établir la tolérance religieuse, réorganiser la justice et l'administration, tel fut le triple but que Joseph poursuivit en Belgique[18].

L'Escaut était fermé depuis la paix de Munster au profit de la Hollande[19], et le traité de la Barrière donnait aux Provinces-Unies le droit : 1° de tenir garnison aux frais des Pays-Bas autrichiens dans sept places de la frontière, Namur, Tournai, Menin, Furnes, Warneton, Ypres et le fort de Knocke ; 2° de partager avec les impériaux la garde de Termonde ; 3° d'exiger de la Flandre et du Brabant, à titre de subside, une rente annuelle de douze cent cinquante mille florins. Charles VI n'avait pas tenté de s'affranchir de ce vasselage, et pour obtenir de l'Angleterre et de la Hollande la garantie de la pragmatique sanction qui assurait ses états à sa fille, il suspendit la compagnie d'Ostende et défendit dans les Pays-Bas tout commerce et navigation aux Indes orientales. Marie-Thérèse, plus hardie, avait refusé de payer la solde des garnisons hollandaises sous prétexte que les places étaient délabrées. Joseph, plus audacieux encore, ordonna de démolir toutes les forteresses des Pays-Bas, sans excepter les places de la Barrière, et les troupes hollandaises, désormais inutiles, quittèrent le sol belge. La Barrière, comme disait Kaunitz, était dirigée contre la France et devenait sans objet depuis l'alliance conclue en 1756 entre les cours de Versailles et de Vienne. Enfin, au mois d'octobre 1784, deux brigantins autrichiens, l'Attente et le Louis, eurent ordre de croiser dans l'Escaut sans payer le péage aux Hollandais. Ils ne tireront pas, avait écrit Joseph à Kaunitz. Ils ont tiré, lui répondit le chancelier quelques jours plus tard. L'Attente avait été prise à l'abordage et le Louis, accueilli par des coups de canon. On nomma cet épisode la guerre de la marmite, parce qu'un boulet avait troué la marmite du Louis.

Mais une véritable guerre était imminente. Elle s'annonçait par des pamphlets : Linguet affirmait que la clôture de l'Escaut était contraire au droit naturel et au droit des gens ; Mirabeau, qu'il fallait respecter les traités et que l'ouverture du fleuve serait dangereuse, tant que l'Autriche posséderait la Belgique. Joseph recula. La Hollande s'armait résolument, fortifiait ses villes, inondait ses polders. La France déclarait qu'elle n'abandonnerait pas les Provinces-Unies, et le comte de Maillebois venait, avec l'assentiment de Louis XVI, prendre le commandement de l'armée hollandaise et former cette légion de Maillebois où servirent Deprez Crassier, Scherer, Dupont, Crossard et tant d'autres. Joseph changea de projet et voulut troquer les Pays-Bas contre la Bavière ; le duc de Deux Ponts, héritier présomptif de l'électeur, lui céderait la Bavière et obtiendrait en échange la Belgique avec le titre de roi de Bourgogne ou d'Austrasie. Mais la France, la Prusse surtout s'opposèrent à ce beau dessein. Frédéric II criait au feu ! L'empereur traita. Il reçut de la Hollande, outre les forts de Lillo et de Liefkenshoeck, une indemnité de dix millions de florins ; les Provinces-Unies en payèrent 5,500.000 ; la France donna le reste. L'Escaut restait fermé aux Belges. Mais avaient-ils acclamé la délivrance du fleuve ? Les villes de Flandre accusèrent Joseph de sacrifier leurs intérêts à l'intérêt d'Anvers[20] !

 

III. Cette vilaine histoire, comme disait Joseph, s'était honnêtement terminée. Les réformes religieuses et politiques qu'il entreprit en Belgique, n'eurent pas la même fortune. Le 12 novembre 1781 paraissait le décret de tolérance. L'empereur annonçait qu'il protégerait invariablement la religion catholique ; mais il ne voulait considérer dans l'homme que la qualité de citoyen ; les protestants seraient admissibles à la bourgeoisie, aux métiers, aux emplois civils, aux grades décernés par l'Université de Louvain[21]. Etats, évêques, Université protestèrent aussitôt. Mais Joseph II, tenace, proclama la liberté des mariages mixtes (21 mai 1782) et la suppression des couvents dits inutiles (17 mars 1783). Il abolit l'appel au pape. Il défendit aux évêques de publier les bulles pontificales sans son placet et leurs mandements sans autorisation de la censure civile. Il fondit toutes les confréries religieuses en une seule, celle de l'Amour actif du prochain, arrêta que toutes les kermesses auraient lieu le même jour, réglementa le costume des chanoinesses. Frédéric II n'avait-il pas raison de le nommer son frère le sacristain ? Enfin, le 16 octobre 1786, il décréta la suppression des séminaires épiscopaux et l'établissement d'un séminaire général à Louvain et d'un séminaire filial à Luxembourg : les écoliers en théologie seraient élevés dans ces deux séminaires en une parfaite uniformité d'instruction et de morale. Les évêques et les Etats résistèrent encore. Joseph s'obstina : Vos remontrances, disait-il au Conseil de Flandre, sont l'effet d'un délire ! Le séminaire général de Louvain fut ouvert à la fin de l'année 1786. Les étudiants se mutinèrent ; il fallut leur dépêcher un régiment, les consigner, emprisonner les plus turbulents. Mais Joseph s'était aliéné le clergé belge à jamais, et le 25 janvier 1787, moins de deux mois après son ouverture, le séminaire général n'avait qu'une vingtaine d'élèves.

Joseph alla plus loin encore. Il introduisit dans les Pays-Bas un nouveau règlement de procédure civile (3 novembre 1786), et bouleversa l'ordre administratif et judiciaire par les deux ordonnances ou diplômes du 1er janvier 1787. La première de ces ordonnances supprimait toutes les juridictions provinciale, seigneuriale, municipale, ecclésiastique, et les remplaçait par soixante- v quatre tribunaux de première instance, par deux Conseils d'appel établis, l'un à Bruxelles et l'autre à Luxembourg, par un Conseil souverain. La seconde ordonnance supprimait les trois Conseils — Conseil d'Etat, Conseil privé, Conseil des finances —, et les remplaçait par un Conseil unique du gouvernement général des Pays-Bas que présiderait le ministre plénipotentiaire ; les provinces prenaient le nom de cercles et seraient administrées par des intendants ; les députations provinciales n'existaient plus ; mais tous les trois ans les Etats nommaient cinq députés qui siégeaient dans le Conseil du gouvernement, à condition que le ministre les reconnaîtrait capables.

L'empereur attaqua même les corps de métiers. Un édit du 17 mars 1787 leur défendit d'aliéner, d'acquérir, de faire aucune dette, d'engager aucun procès sans l'autorisation du gouvernement, et, au mépris de la Joyeuse entrée, le boulanger bruxellois Dehondt, qu'on accusait de malversations, fut nuitamment enlevé de son domicile, mis aux fers et transféré à Vienne, pour y être jugé.

La Belgique accueillit avec colère les réformes de Joseph. Les Etats de Brabant refusèrent les subsides. Le Conseil de Brabant annula les actes des nouveaux tribunaux et les ordonnances des intendants. Les nations de Bruxelles, les métiers d'Anvers, les corporations de Louvain prirent une attitude menaçante. De toutes parts on demandait l'abolition des diplômes de janvier. L'abbé de Feller, polémiste violent, grand admirateur de Philippe II et du duc d'Albe, ne cessait d'insulter Joseph et de le représenter comme un tyran contre lequel on devait s'insurger. Les gouverneurs généraux, effrayés, déclarèrent solennellement le 30 mai 4787 qu'ils tenaient en surséance toutes les dispositions contraires à la Joyeuse Entrée et aux chartes des provinces. Il fallait, assuraient-ils, céder aux désirs d'une nation prête à rompre le fil qui la tenait encore. Ils voyaient le pays entier, jusqu'au moindre canton, infecté du même mal, et ils pronostiquaient un désastre : tout le peuple est en armes, et nous ne sommes en forces nulle part[22].

Les patriotes, comme se nommaient les adversaires des réformes et partisans des vieilles coutumes, s'étaient en effet organisés. Ils avaient un chef, Henri Vander Noot, avocat au Conseil de Brabant. Ses talents n'égalaient pas sa renommée. Il n'avait d'autre éloquence que celle de l'avocat exercé qui plaide indifféremment le pour et le contre, et son style ne se distinguait pas du style des autres Belges de son temps : même lourdeur, même incorrection, même barbarie. Il n'était pas homme d'Etat ; présomptueux, étourdi, brouillon, il jugeait légèrement les choses et manquait de discernement. Mais il avait de l'audace, de la témérité ; il ne craignait pas d'employer la violence lorsqu'elle assurait le succès ; il se montrait volontiers à la foule et savait lui parler de toutes choses, même de celles qu'il ignorait, avec cette chaleur et cet aplomb qui plaisent au vulgaire. Sa faconde et sa turbulente activité lui donnèrent le premier rôle dans la révolution de Brabant, et cet homme médiocre, fait pour être subalterne, fut l'agitateur, puis le dictateur de la Belgique[23].

Vander Noot avait présenté aux Etats de Brabant un long mémoire sur les droits du peuple brabançon, et les Etats l'avaient félicité de son savoir et de son zèle patriotique. Il se mit à la tête d'un comité, et, sous prétexte de renforcer la garde bourgeoise de Bruxelles, il leva deux bataillons de volontaires qui portaient la cocarde brabançonne rouge, noire et jaune[24]. Affairé, loquace, bruyant, impérieux, il allait et venait dans l'antichambre des Etats et dictait leurs résolutions : il avait acquis un tel empire sur les capons du rivage qu'il les apaisait ou les soulevait d'une parole, d'un geste[25].

 

IV. Cependant Joseph II, outré de l'opposition des Belges et des concessions des gouverneurs généraux, appelait à Vienne Albert de Saxe-Teschen et Marie Christine, le ministre plénipotentiaire Belgiojoso et des députés des Etats. Il exigea d'abord la prompte et entière exécution de ses ordres ; ensuite, se radoucissant, il remplaça Belgiojoso par le comte Trauttmansdorff, rapporta les deux diplômes du 1er janvier et posa ses conditions, les préalables indispensables : rétablissement du séminaire général de Louvain, suppression des couvents inutiles, réintégration des fonctionnaires, licenciement des volontaires.

Mais, si les provinces acceptèrent la réinstallation des fonctionnaires et le licenciement des volontaires, les Etats de Brabant réclamèrent le rétablissement de tous les couvents, le maintien des confréries religieuses, la réintégration de l'Université de Louvain dans tous ses privilèges, et la suppression du séminaire général. Le cardinal de Franckenberg, archevêque de Malines, et les évêques belges persévéraient dans leur opposition. Le peuple s'agitait. Des libelles, des pasquinades en grand nombre attaquaient Joseph et les joséphistes.

Le comte de Murray exerçait alors par intérim le gouvernement du pays, et ce loyal soldat s'acquittait de sa tâche avec une grande modération. Joseph lui reprocha de manquer d'énergie[26] et envoya en Belgique le général d'Alton, homme rude et inflexible, qui reçut le titre de commandant général des troupes et qui fut indépendant du ministre plénipotentiaire Trauttmansdorff.

D'Alton ferma les séminaires épiscopaux de Malines et d'Anvers ; il réprima brutalement les moindres tumultes ; il fit tirer sur la foule ; il arrêta les meneurs, et Joseph approuva d'Alton qui savait, disait-il, par ses actes de vigueur, rétablir l'ordre et prévenir les bagarres[27].

Mais la Belgique n'était pas domptée, et Trauttmansdorff écrivait qu'il voyait une sombre tristesse succéder à la folle résistance. Le séminaire général de Louvain ne reçut que seize élèves, et son enseignement fut condamné par le cardinal-archevêque de Malines. Les États de Hainaut refusèrent les subsides et ne cachèrent pas qu'ils voulaient couper les vivres au gouvernement. Les États de Brabant les imitèrent : la noblesse et le clergé avaient voté les subsides, mais deux fois ils furent refusés par les neuf nations de Bruxelles qui formaient dans l'assemblée le troisième membre du tiers-état, et cette protestation suffisait pour annuler le vote des deux premiers ordres[28].

Joseph, de plus en plus résolu à couper en plein drap, cassa la charte du Hainaut. Puis il changea la ténébreuse et incompréhensible constitution du Brabant : le tiers-état aurait cinquante-cinq députés au lieu de sept et serait désormais représenté par quinze villes du duché, et non plus par les trois cités de Bruxelles, d'Anvers et de Louvain[29]. Mais, le 18 juin 1789, les États de Brabant refusèrent d'introduire aucun changement dans la constitution. Vous pouvez nous casser, disaient-ils à Trauttmansdorff, mais nous forcer, non. Trauttmansdorff les cassa, et le soir même une ordonnance impériale annulait la Joyeuse-Entrée et tous les privilèges du Brabant, abolissait la députation permanente des Etats, supprimait le Conseil du duché.

Le coup d'état du 18 juin rendit la lutte inévitable. Plus que jamais les esprits s'enflammèrent. Les affaires de France augmentaient encore l'exaltation[30]. Quel exemple pour nous, s'écriait Trauttmansdorff, et que peut-il en résulter ? Bruxelles applaudissait à la chute de la Bastille, et au Parc, dans les églises, dans les rues, on trouvait des billets qui portaient ces mots : Ici comme à Paris[31]. Tout le mois de juillet fut marqué par des émeutes. Les paysans délivraient à main armée un brasseur emprisonné à Tirlemont. Les habitants de Louvain élevaient des barricades. Il fallut mettre sur le pied de guerre l'armée des Pays-Bas.

 

V. Vander Noot, le principal boutefeu[32], avait échappé aux poursuites du général d'Alton et gagné Bréda, sur le territoire hollandais. Il y fut rejoint par quelques membres du clergé et du tiers-état de Brabant. Ces réfugiés formèrent le comité de Bréda et entreprirent de révolutionner la Belgique. Ils donnèrent à Vander Noot le titre d'agent plénipotentiaire du peuple brabançon, et le tribun, ainsi qualifié, alla demander l'appui de la Triple-Alliance, que l'Angleterre, la Hollande et la Prusse avaient conclue l'année précédente. Pitt refusa de l'écouter. Mais Vander Noot eut des conférences avec le grand pensionnaire de Hollande Van de Spiegel ; il proposait d'unir les Pays-Bas aux Provinces-Unies ou de les former en une république dont le stathouder serait le second fils du prince d'Orange[33]. Il fit un voyage à Berlin, et le ministre Hertzberg l'assura que Frédéric Guillaume II reconnaîtrait l'indépendance des Pays-Bas. Ma nation, disait le général Schlieffen à Lafayette, désire la redoutable Autriche moins puissante en Belgique[34].

Tandis que Vander Noot disait partout que la Prusse et la Hollande prendraient la défense des Belges, un autre avocat au Conseil de Brabant, François Vonck, tentait de soulever la nation. Probe et modeste, Vonck avait en outre le jugement, la froide raison, le bon sens politique qui manquaient à Vander Noot ; il comprenait qu'on devait non seulement chasser l'Autrichien, mais détruire les abus et réformer la constitution ; par malheur, il était homme de cabinet, et non homme d'action[35].

Vonck et ses amis, les avocats Lehardi, Torfs, T'Kint et Verlooy, l'ingénieur Fisco, les négociants d'Aubremez et Weemaels, fondèrent l'association pro aris et focis. Ils recrutèrent chacun six à sept enrôlés qui, à leur tour, enrôlèrent leurs amis. Les enrôlés ne se connaissaient pas et prenaient un nom de guerre qu'ils inscrivaient sur une carte. Cette carte allait de main en main, des enrôlés et des enrôleurs jusqu'au comité directeur. Bientôt, l'association s'étendit sur toute la Belgique ; elle osa publier son plan ; elle excita les soldats à la désertion et rassembla des troupes dans le pays de Liège, à Hasselt. Le gouvernement autrichien exigea la dispersion de ces insurgents et, sur le refus de l'administration liégeoise, mit en marche deux bataillons. Les volontaires belges, avertis, quittèrent aussitôt Hasselt et se réunirent le 10 octobre aux émigrés de Bréda. Vonck ne tarda pas à les suivre. Il avait les noms de 70.000 complices dans son portefeuille, et il préparait un soulèvement général lorsqu'un traître livra son secret.

L'armée des patriotes existait désormais. Son général fut Vander Mersch, vieux soldat, devenu à force de bravoure lieutenant-colonel en France et colonel en Autriche. Il vivait dans la retraite à Dadizeele, près de Menin, lorsque Vonck lui offrit le commandement des bandes patriotiques. Van der Mersch répondit qu'il était prêt. Un matin, il siffle son chien et, le fusil sur l'épaule, comme s'il allait à la chasse, il gagne Anvers à travers champs, et d'Anvers se rend à Bréda. Le comité lui conféra le titre de général-major, et les abbés de Tongerloo et de Saint-Bernard lui garantirent, en cas de défaite, une somme de cent mille florins[36].

La guerre s'ouvrit. Le gouvernement autrichien avait pris de nouvelles mesures de rigueur, enlevant aux abbés rebelles l'administration de leurs biens, désarmant les Belges, et leur défendant de rejoindre l'armée des patriotes, ordonnant aux émigrés de rentrer sous quinze jours. Il ne fit qu'exaspérer les esprits ; les offices religieux, les processions se multiplièrent, et les fidèles, agenouillés au pied des autels, demandèrent à Dieu par de ferventes prières la fin de l'oppression autrichienne.

 

VI. Dans la nuit du 23 au 24 octobre 1789, l'armée belge s'ébranla. Elle formait deux corps : la petite armée qui comptait 600 hommes et marchait sur Lillo, la grande armée, forte de 2.800 hommes, que Vander Mersch menait par Hoogstraeten dans le Brabant. Elle se fit précéder d'un très long manifeste du peuple brabançon, rédigé par Vander Noot et composé de lambeaux mal cousus de la Politique naturelle de Holbach et des remontrances des États. Le tribun rappelait les griefs des Belges contre l'empereur et déclarait Joseph II déchu de la souveraineté : Joseph avait violé le pacte inaugural ; la nation, elle aussi, renonçait à ce pacte et rentrait dans l'exercice de ses droits primitifs et inaliénables, comme les cantons suisses lorsqu'ils s'érigeaient en république, comme la Hollande en 1581.

Ransonnet et Devaux commandaient la petite armée. Ils s'emparèrent sans peine du fort Lillo, qui n'était gardé que par quelques douaniers, et du fort Liefkenshoeck. Les habitants du pays de Waes les suivirent en arborant un drapeau blanc marqué d'une croix rouge. Mais au milieu de ces succès, la petite troupe fut prise d'une terreur panique et regagna précipitamment la Hollande.

La grande armée répara cet échec. Elle manquait de cavalerie et de canons[37] ; elle n'avait que de vieux fusils de calibres divers ; deux cents volontaires étaient sans armes, et une colonne, que commandait Lorangeois, saisie de frayeur dès ses premiers pas, rebroussa chemin. Mais Vander Mersch rallia la colonne de Lorangeois et entra dans Turnhout. Il marchait sur Diest et s'efforçait de contenir son armée qui menaçait à tout instant de se disperser comme une volée de pigeons[38], lorsqu'il apprit que le général Schröder se portait à sa rencontre avec les bataillons de Bender et de Clerfayt, deux compagnies de grenadiers et deux escadrons de dragons. Vander Mersch rentra dans Turnhout, barricada les rues, posta son avant-garde dans un moulin, son corps de bataille dans les maisons, sa réserve sur la place. Schröder arrive ; il chasse l'avant-garde du moulin et s'engage à coups de canon dans la grande rue de l'Hôpital. Mais il est accueilli par une grêle de balles ; les patriotes tirent de toutes parts, des maisons, des barricades, de la tour de l'église, et bientôt, s'enhardissant, ils osent, la baïonnette au bout du fusil, attaquer l'artillerie. Après cinq heures de combat, les Autrichiens se retirèrent ; ils avaient perdu trois canons[39].

Vive Vander Mersch ! Vive le héros ! s'écria Vander Noot, et le comité de Bréda nomma le vainqueur de Turnhout lieutenant-général[40]. Mais Vander Mersch ne profita pas de son avantage. Ses volontaires, déjà fatigués de la guerre, reculèrent devant le général d'Arberg, successeur de Schröder, et rentrèrent dans leurs quartiers de Bréda.

Heureusement la petite armée avait repris courage. Elle marcha sur Gand, elle entra dans la ville par deux portes, elle bloqua le colonel Lunden dans les casernes du quartier Saint-Pierre et refoula dans la citadelle le général d'Arberg : au bout de trois jours, Lunden rendait son épée à un moine, et d'Arberg abandonnait la citadelle. Toute la Flandre fut en feu : Bruges et Ostende se soulevèrent ; les Impériaux ne gardèrent dans le comté que Termonde et Alost.

Trauttmansdorff essaya de traiter ; il supprima le séminaire général, révoqua l'ordonnance du 18 juin, proclama l'amnistie. Mais le comité de Bréda repoussa ses avances ; tout cela, disait Vander Noot, n'est qu'un vain étalage de mots ; il préférait la perte entière du pays à un accommodement avec l'empereur[41].

Le 30 novembre, Van Eupen, grand pénitentiaire de l'église d'Anvers, le conseiller et le bras droit de Vander Noot, signait un traité d'alliance entre les États de Flandre et ceux de Brabant. Vander Mersch rentrait en campagne et s'emparait de Diest, puis de Tirlemont. Un instant, il courut des risques. Deux officiers français, Arnoldi et Dolomieu, se faisaient écraser à Ciney, et Vander Mersch, manquant de tout, craignant d'être enveloppé et accablé par le nombre, s'estimait heureux de signer, le 2 décembre, à Orsmael, un armistice de dix jours. Mais cet armistice, que blâma Vander Noot, fut à l'avantage des patriotes : ils avaient le temps de se renforcer, et traiter avec eux, c'était les reconnaître[42]. Je viens de gagner deux batailles ! s'écriait Vander Mersch.

L'armistice n'était pas expiré que Bruxelles chassait sa garnison autrichienne. Le vicomte Edouard de Walckiers, banquier de la cour et chef de la célèbre maison connue sous la raison sociale Veuve de Nettine et fils, fut le chef de l'insurrection bruxelloise[43]. Le 10 décembre, à Sainte-Gudule, pendant la grand'messe, Walckiers et les membres de l'association pro aris et focis montent sur des chaises et jettent dans la foule des cocardes brabançonnes. Du haut de la chaire, un prêtre exhorte les fidèles à combattre pour la religion et leur donne l'absolution générale. Le clergé entonne le psaume Deus noster refugium et virtus. On distribue des armes à la porte de la sacristie. La foule se répand dans la ville basse, attaque plusieurs postes, refoule les Impériaux vers la Grande-Place et la place Royale. Comme toujours, d'Alton et Trauttmansdorff différaient d'opinion, au lieu de s'épauler, et Joseph II reconnut trop tard le mal que causait cette dissension entre le ministre et le commandant des troupes[44]. Lorsque le général d'Arberg défendait Gand, d'Alton lui commandait de faire une résistance désespérée, et Trauttmansdorff, de ménager la ville. Pareillement, à Bruxelles, d'Alton ne parlait que de bombardement, et Trauttmansdorff jurait qu'il aimerait mieux partir que de brûler une maison. Mais déjà les soldais faisaient défection, et les capucins, la cocarde au capuchon, le sabre au poing, le baudrier par dessus la lobe, conduisaient dans leurs couvents des troupes de déserteurs. L'amie de Vander Noot, Mme de Bellem ou la Pinaut, et sa fille Marianne, parcouraient les postes des insurgés et réveillaient leur ardeur[45]. Le 12 décembre les Impériaux abandonnaient la ville. Ferraris, qui remplaçait d'Alton, les mena tristement dans le Luxembourg, tandis que derrière lui, Vander Mersch venait, par Louvain, faire sa jonction à Namur avec un corps de 2.000 Flamands, commandé par le baron de Kleinenberg et le comte de Rosières[46].

Les patriotes l'emportaient. Le 18 décembre 1789, le comité de Bréda faisait son entrée à Bruxelles. Vander Noot et Van Eupen, assis dans un phaéton, ouvraient la marche. Puis venait la duchesse d'Ursel, conduisant elle-même un cabriolet. Derrière elle étaient les émigrés, les abbés de Tongerloo et de Saint-Bernard, les membres des États. Mais Vander Noot attirait tous les regards. Il descendit au portail de Sainte-Gudule et, reçu en grande pompe par le clergé, mené au chœur par la garde noble, entouré des hallebardiers de la cour, il entendit, à la place d'honneur, comme un véritable souverain, le Te Deum qui célébrait sa facile victoire. Le soir, il assista, dans la loge du gouverneur-général, à la représentation de la Mort de César, et une actrice lui posa sur ¡ le front la couronne civique.

 

VII. Unis durant la lutte, les patriotes se divisèrent après le triomphe et formèrent deux partis : les vandernootistes ou aristocrates ou statistes, et les vonckistes ou démocrates.

Déjà, pendant la guerre, Vander Noot et Vonck s'étaient trouvés en désaccord. Vonck faisait appel à la nation ; Vander Noot à l'étranger. Vonck avait mieux servi que Vander Noot la cause de la liberté belge ; il trouva Vander Mersch et conseilla l'attaque de la Flandre ; ce fut sur ses instances que le comité de Bréda mit l'armée en mouvement ; il est, disait l'agent Ruel, le véritable auteur de la Révolution.

Vander Noot, appuyé sur la majorité du pays, ne désirait que le maintien des privilèges, et, suivant lui, la Révolution ne changeait rien en Belgique, sinon que les États succédaient à Joseph II déchu. Vonck soutenait que la Constitution devait être modifiée, et qu'investir les États de toute l'autorité, c'était remplacer la monarchie limitée par l'oligarchie.

Toutefois, les vonckistes se divisaient. Les uns, et Vonck avec eux, voulaient conserver les trois ordres en donnant aux petites villes et aux villages les mêmes droits qu'aux grandes cités et en doublant le nombre des députés du tiers ; on les nomma intérimistes, parce qu'ils acceptaient l'intérim des États. Les autres demandaient la suppression des ordres et l'organisation d'une Convention nationale : on les appela les organisateurs. Un d'eux, l'avocat d'Outrepont, défendit le programme du parti dans la brochure Qu'allons-nous devenir ? La liberté, disait-il, ne pouvait être protégée que par l'union de toutes les provinces fondées sur l'unité de leur constitution. Mais tous, intérimistes et organisateurs, proclamaient la nécessité d'une réforme ; tous prétendaient que la révolution s'était faite dans l'intérêt, non de quelques privilégiés. mais de la nation entière ; tous se ralliaient autour de Vonck. L'ancienne société pro aris et focis était devenue, après l'expulsion des Autrichiens, une Assemblée patriotique qui comptait parmi ses membres beaucoup d'hommes éclairés et, disait Ruel, les meilleures têtes du tiers-état et de la noblesse, les magnats, le duc Louis d'Arenberg, le comte de la Marck, son frère, le duc d'Ursel, son beau-frère, qui présidait le département de la guerre[47].

Mais en vain l'Assemblée patriotique proclamait par la voix de d'Outrepont, la souveraineté de la nation ; en vain elle affirmait qu'il était imprudent de rassembler trop de pouvoir dans un seul corps ; en vain elle protestait que la future Convention respecterait les propriétés du clergé et les regarderait comme sacrées. Des vues particulières d'ambition et de cupidité, disait le duc d'Ursel[48], succèdent au patriotisme. Les États de chaque province s'attribuèrent le pouvoir souverain, et le 11 janvier 1790 leurs mandataires, réunis en États-Généraux, à Bruxelles, au nombre de cinquante-quatre, signèrent l'acte d'union des Etats Belgiques Unis. Le pouvoir législatif appartint aux Etats-Généraux, le pouvoir exécutif ou pouvoir de faire la paix ou la guerre, de contracter des alliances, de recevoir ou d'envoyer des ambassadeurs, de battre monnaie, à un Congrès qui se recrutait parmi les députés des États. Mais, jusqu'au mois d'août, ce Congrès ne se composa que de membres des États-Généraux, et les mêmes hommes exercèrent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Vander Noot était ministre de la République et Van Eupen secrétaire d'État ; tous deux siégeaient à côté du président, et les actes de l'Assemblée devaient être revêtus de la signature de l'un ou de l'autre.

Les statistes triomphaient. Ils essayèrent de gagner les démocrates et offrirent à Vonck la présidence du Conseil des finances ou de la Cour des comptes. Vonck répondit qu'il ne travaillait que pour le peuple. Les statistes prononcèrent la dissolution de l'Assemblée patriotique. Le clergé se déchaîna contre les vonckistes. Le mandement, rédigé par l'archevêque de Malines pour le carême de 4790, représenta les membres des États comme les pères de la patrie et les démocrates comme les ennemis de la religion. Un comité ecclésiastique où siégeaient quatre abbés, le retors Duvivier, le fougueux Feller, Brosius et Dudoyart, fit colporter une adresse en faveur des États : nous ne voulons d'autres représentants de la nation que les trois ordres. Cette adresse, couverte de quatre cent mille signatures, fut remise solennellement le 17 février aux États de Brabant. Vonck, sans se déconcerter, fonda une nouvelle association qu'il nomma la Société patriotique et publia ses Considérations impartiales sur la position actuelle du Brabant. Il reconnaissait l'autorité souveraine du Congrès et le pouvoir législatif des États. Mais il proposait 1° d'adjoindre aux chefs des grandes abbayes des membres du clergé séculier et aux seigneurs de haut parage des députés de toute la noblesse ; 2° de créer un quatrième ordre ou une seconde chambre du tiers composée des délégués des petites villes et du plat pays ; 3° d'ouvrir la première chambre du tiers, formée des députés des chefs-villes, à ceux qui paieraient un cens de cent cinquante florins. Enfin, il voulait confier le pouvoir exécutif à un Conseil d'État de cinq membres, dont quatre choisis par chaque ordre, et le cinquième, par le Conseil de Brabant.

Les adversaires de Vonck accueillirent les Considérations impartiales par des cris de fureur. L'abbé de Tongerloo répondit que les abbés représentaient le clergé tout entier ainsi que le plat pays. Vander Noot et Van Eupen nommèrent Vonck un inventeur d'odieuses nouveautés. L'abbé de Feller s'écria qu'il aimait mieux rappeler les Autrichiens que de vivre sous le règne de le cohue nationale française.

Pourtant, Vonck avait encore des partisans dans Bruxelles, et sur les six compagnies de la garde bourgeoise, quatre étaient favorables à ses idées. Les statistes ordonnèrent aux six compagnies de jurer fidélité aux Etats comme souverains. Walckiers qui commandait une des compagnies, déclara qu'il ne prêterait serment qu'à la nation. Vander Noot eut peur, et les volontaires prêtèrent serment au peuple[49].

Les statistes reprirent bientôt l'avantage. Ils excitèrent la populace de Bruxelles contre les démocrates qu'ils traitaient de disciples de Voltaire et d'agents de l'Autriche. Le 14 mars, Vonck, sortant de l'église de Finistère, fut entouré par la foule qui menaça de le pendre. Il osa, le lendemain, présenter une adresse aux États de Brabant ; il leur proposait d'adopter son plan de constitution ou de former eux-mêmes un plan quelconque ; la nation, disait-il, doit être légalement consultée, légalement entendue. Cette adresse mit le comble à l'exaspération des statistes. Une proclamation affichée à la porte des églises invita les vrais patriotes à se réunir le 16 mars sur la Grande-Place, pour défendre la religion, la constitution et la liberté contre les intrigants du Club patriotique. On attacha pendant la nuit sur les maisons des vandernootistes l'image de la Vierge et sur celles des vonckistes les inscriptions suivantes : maison à piller, maison à brûler, tous ses habitants à massacrer. Le 16 mars, la multitude, conduite par des moines, dominicains, récollets, capucins, s'assembla sur la Grande-Place, devant l'Hôtel-de-Ville, sous les yeux des doyens des métiers et des membres des Etats, puis se répandit dans les rues en criant à la charrette, comme on criait à Paris à la lanterne[50]. Elle mit à sac la maison de Chapel et des Vanschelle. Presque tous les signataires de l'adresse du 45 mars, Vonck, le duc d'Arenberg, le duc d'Ursel, le comte de La Marck, quittèrent Bruxelles. On dresse des listes de proscription, écrivait La Marck, et on répand de l'argent pour exciter à l'assassinat et au pillage une populace aveugle. Walckiers restait encore à Bruxelles. Il fit prendre les armes à sa compagnie, et quoi qu'il eût ordre de ne pas tirer, il tira. Mais les États le sommèrent de licencier sa compagnie ; il obéit et partit pour la France. Quelques-uns des principaux novateurs, disait l'abbé de Feller dans son Journal historique, eurent le désagrément de voir leurs maisons pillées. Il y eut quelques personnes tuées. Le peuple fit malheureusement usage de la souveraineté individuelle que lui attribuaient les démocrates, et exprima un peu trop fortement le refus qu'il en faisait[51].

Les démocrates, vaincus à Bruxelles, plaçaient leur dernier espoir dans l'armée que Vander Mersch organisait à Namur. Le général leur était dévoué. Il refusait de signer l'adresse du Comité ecclésiastique ; il déclarait nettement à Vander Noot qu'on ne chassait pas un souverain pour se soumettre à soixante tyrans[52] ; il jetait à la face du tribun qui parlait toujours de l'assistance des puissances étrangères, cette sanglante injure : tu n'es qu'un imposteur qui trompes et trahis la nation ! Aussi les statistes l'avaient-ils abreuvé de dégoûts. Vander Noot lui envoya des ordres ridicules Van Eupen lui commanda de tenir Luxembourg bloqué dans le lointain. Les États-Généraux lui donnèrent le grade de feldzeugmestre, un traitement annuel de 15.000 florins et 10.000 florins pour sa table pendant la durée de la guerre[53] ; mais ils admirent à leur service avec le titre de lieutenant-général, le Prussien et protestant Schönfeld, et ce Schönfeld, recommandé par la Hollande et la Prusse, obtint tout ce qu'on refusait à Vander Mersch, une armée de quatre mille hommes qui bloquait la citadelle d'Anvers, des canons, de l'argent.

Enfin, le vainqueur de Turnhout perdit patience ; ses troupes manquaient de tout, se débandaient, fondaient à vue d'œil ; il donna sa démission. Mais ses officiers l'aimaient et voulaient-garder à leur tète celui qu'ils nommaient leur père, le génie libérateur et l'ange tutélaire de la Belgique. Ils s'assemblent le 30 mars, au nombre de plus de cent soixante, à Namur, à l'hôtel d'Harscamp ; ils adhèrent à l'adresse du 15 mars ; ils rédigent une déclaration au Congrès et aux Etats de toutes les provinces ; ils demandent que Vander Mersch reste généralissime de l'armée belge et le duc d'Ursel, président du département de la guerre, que le comte de La Marck soit nommé commandant en second, que les États réforment les abus. Vander Mersch les approuve et jure ne de pas les quitter. Vonck, Verlooy, Weemaels, d'Aubremez, le duc d'Ursel, le comte de La Marck se rendent à Namur au milieu de l'armée qui les appelle : Venez, avait écrit le comité des officiers à Vonck, venez encore aider ceux que vous avez rassemblés le premier, et mettre V03 jours en sûreté[54].

C'était une insurrection militaire. Les statistes surent la réprimer avec une prompte énergie. Les États-Généraux promirent d'établir une représentation plus étendue du tiers-état dès que les circonstances le permettraient. Ils envoyèrent à Namur d'audacieux émissaires, entre autres les deux frères de Vander Noot. Les commandants de troupes eurent ordre de n'obéir qu'au département de la guerre. Vander Mersch dut rendre compte de sa conduite au Congrès. Enfin, Schönfeld qui venait de prendre la citadelle d'Anvers, marcha sur Namur.

Le 6 avril, Schönfeld occupait la hauteur de Flawinne Vander Mersch sortit à sa rencontre avec 2.000 hommes et six pièces de canon. Mais ce brave soldat manquait de caractère. Une fois acclamé par ses troupes, il aurait dû courir hardiment à Bruxelles et disperser le Congrès ; il eut la faiblesse de répondre à l'assemblée que le comité des officiers avait agi sans le consulter. De même, il devait attaquer vigoureusement et sans retard les recrues de Schönfeld. Il hésita, il craignit d'allumer la guerre civile, il consentit à s'aboucher avec les députés du Congrès, et, suivi d'un seul aide de camp, se rendit au château de Flawinne. Après de longs pourparlers, on finit par convenir verbalement qu'il n'y aurait pas effusion de sang et qu'aucun officier ne serait dégradé, ni arrêté, à moins d'examen et de conviction préalable. Puis les deux armées se mêlèrent et se dirigèrent ensemble vers Namur.

Général, dit à Vander Mersch un de ses officiers, vous n'avez pas voulu nous trahir ; mais nous sommes trahis, et vous serez la première victime. La prophétie se vérifia sur le champ. Pendant la conférence de Flawinne, les statistes s'étaient emparés de Namur. Trois cents hommes, conduits par des frères mendiants et par Nicolas Vander Noot, avaient soulevé la populace et entraîné les dragons de Tongerloo. Ils désarmèrent les postes et chassèrent la petite garnison que commandait Rosières. Quelques-uns envahirent l'hôtel de Vander Mersch, insultèrent sa femme et maltraitèrent son secrétaire, le chanoine de Broux. Lorsque le général rentra dans la ville, il fut gardé à vue, puis mandé devant le Congrès qui le fit transférer à la citadelle d'Anvers. Ses officiers les plus fidèles furent emprisonnés et les régiments qu'on soupçonnait d'attachement à sa personne, renvoyés de Namur. Vonck et ses amis, décrétés de prise de corps, avaient eu le temps de se réfugier en France[55].

Les deux journées du 16 mars et du 6 avril 1790 avaient décidé la victoire des statistes. Vander Noot était désormais le véritable maître du pays. Les uns le surnommaient l'Aristide, les autres — quoiqu'il n'eût, selon le mot d'un pamphlétaire, ni maîtrisé la foudre, ni inventé la poudre — le Franklin de la Belgique. La rue Neuve qu'il habitait recevait le nom de rue Vander Noot. On promenait son buste à travers Bruxelles ; on le plaçait, entouré de cierges, dans les estaminets ; tout étranger devait s'agenouiller devant l'image sacrée du Père Henri et la baiser.

Mais le vonckisme restait debout dans les Flandres, qui s'indignaient de l'arrestation de leur compatriote Vander Mersch. Gand avait abrogé la Caroline et rétabli son assemblée populaire, la Collace, supprimée par Charles-Quint. Presque tous les membres de la Collace étaient démocrates et qualifiaient les États de Flandre de représentants provisionnels. Vonck, qui s'était empressé de fonder à Lille une société pro patria, entreprit de soulever les Flandres, et de marcher sur Anvers pour délivrer Vander Mersch. Il fut trahi par un aventurier français, qui s'appelait Robineau et prenait le nom de Beaunoir[56]. Le 28 mai, 300 vonckistes, conduits par le baron de Haack et accompagnés de Weemaels, Verlooy et Sandelin[57], entrèrent à Tournai, battirent la caisse, sonnèrent le tocsin, offrirent quatorze sols par jour à ceux qui les suivraient pour tirer Vander Mersch de sa prison ; ils durent regagner le territoire français.

 

Néanmoins, Van Eupen, plus avisé que Vander Noot, jugea bon de négocier avec l'adversaire. Le 31 mai, il avait à Douai une entrevue avec les amis de Vonck, d'Aubremez, Sandelin, Verlooy et Weemaels. On décida que Vonck ferait les premiers pas, et, dès le lendemain, le chef des démocrates envoyait à Van Eupen une lettre touchante qui ne parlait que de réconciliation, d'union, de concorde, du sacrifice de tout ressentiment. Mais, sur la dénonciation de Beaunoir, le parti statiste avait accusé les démocrates des crimes les plus horribles. Ils devaient, disait-on, massacrer, au milieu d'une procession solennelle, l'archevêque de Malines, Vander Noot, Van Eupen et les membres du Congrès. Le tocsin sonna. Moines et capucins coururent le pays et appelèrent les habitants aux armes. 20.000 paysans, armés de bâtons et de faux, arrivèrent à Bruxelles, se rangèrent en bataille sur la Grande-Place, levant le bras droit et montrant leur cœur aux membres des États. Ils portaient une, bannière ornée du portrait de Vander Noot. Leurs curés les précédaient à cheval, l'épée au poing, et l'un d'eux s'étant présenté avec une bonne grosse fille qui trottait à ses côtés, Vander Noot s'avança vers la rustique amazone et s'écria, bouffissant ses joues et comme dans une espèce de transport : Mu Judith ! Les mêmes scènes se produisirent à Gand, où des troupes innombrables de villageois venaient rendre hommage aux seigneurs États de Flandre et les acclamer comme les vrais représentants du comté. Mais Bruxelles ne se contenta pas de ces patriotiques dévotions. Tous les signataires de l'adresse du 15 mars furent arrêtés. Le Brabant compta 2.000 proscrits. Les moines, le pistolet ou le sabre en main, dirigeaient la chasse aux démocrates. Tuer un vonckiste, disait un capucin en chaire, c'est faire une œuvre agréable à Dieu, et l'énergumène Feller criait qu'il ne fallait plus de formes : Les formes sont respectables quand elles assurent la vie du citoyen ; mais quand elles compromettent la vie de tous, qu'elles encouragent la scélératesse et la félonie, qu'elles rassurent les meurtriers et les brigands, elles sont détestables ; salus populi suprema lex esto. La terreur régna dans Bruxelles ; la ville, écrivait un agent français, est livrée à l'inquisition, toutes les missives sont décachetées, les imprimés interceptés. La lettre de Vonck arrivait donc en pleine réaction. Elle fut rejetée, et les journaux la publièrent avec de haineux commentaires[58].

 

VIII. L'Autriche profita des fautes du parti statiste. Joseph II était mort le 20 février : Votre pays m'a tué, disait-il au prince de Ligne, Gand pris a été mon agonie, et Bruxelles abandonné, ma mort. Quelle avanie pour moi ! J'en meurs. Son frère et successeur, Léopold II, le Florentin, était un politique adroit et subtil. Il offrit aux Belges une amnistie entière et la confirmation de la Joyeuse Entrée et de tous les privilèges du pays.

Les statistes ne discutèrent même pas les propositions de Léopold. Mais bientôt sa diplomatie leur ôtait tout espoir d'intervention étrangère. Un Congrès s'ouvrait le 17 juin à Reichenbach ; l'Angleterre, la Hollande, la Prusse donnaient acte à Léopold des promesses qu'il faisait à ses sujets belgiques : amnistie générale et quelques concessions s'ils rentraient de bon gré sous sa domination ; mais, si les dispositions favorables de Sa Majesté Apostolique demeuraient sans effet, elle pourrait employer la force et se bornerait uniquement à conserver la constitution des provinces respectives.

La convention de Reichenbach portail un coup mortel à la Révolution belge[59]. Les statistes ne comptaient plus que sur eux-mêmes. Que devenir ? écrivait-on de Bruxelles au Moniteur. Notre heure est arrivée. Le Congrès résolut de lutter encore. Défendons les autels de Dieu, disait-il, et Dieu protégera notre foyer. Il s'adjoignit des députés extraordinaires tirés des assemblées provinciales ; de là son nom de Congrès renforcé. Une souscription, ouverte entre ses soixante-treize membres, produisit 300.000 florins. Les volontaires des villes et des villages furent requis de se rendre le 4 septembre, qui à Louvain et à Tirlemont, qui à Gembloux, qui à Fleurus, qui à Bonesse. Pendant la campagne qui ne durerait que trois semaines, ils recevraient tous, sans distinction de grades, le pain et une solde de huit sous par jour. Ils n'avaient pas d'uniforme et ne devaient se munir que d'une bonne paire de souliers à clous et d'une chemise. On les répartit en compagnies de 125 hommes ; deux compagnies formèrent une division, et deux divisions, un bataillon ; chaque compagnie était accompagnée d'un curé ou vicaire qui servait d'aumônier[60].

Les prédications, les prières publiques, les processions échauffèrent le patriotisme belge. Tous les matins, à Bruxelles, des moines parcouraient les rues en chantant des cantiques. Vander Noot était le Saint Bernard de cette croisade de septembre[61] ; il prenait le titre de général des volontaires et, en beau costume, de même que Gédéon, marchant contre les Madianites, il allait demander la victoire à la Vierge miraculeuse de Hal. Il a paru plus grand au pied des autels, disait le Vrai Brabançon, qu'il ne le sera dans l'entrée triomphale qu'on lui décernera à son retour[62]. Plus de 20.000 volontaires répondirent à l'appel du Congrès ; ils furent exercés aux manœuvres durant quinze jours, puis envoyés à l'armée.

Cette armée comprenait alors onze régiments d'infanterie, neuf régiments de cavalerie, un régiment d'artillerie. Ces vingt et un régiments avaient reçu des numéros d'ordre, mais ils portaient encore les noms de leurs provinces : Hainaut, Namur, Bruges, Anvers, Westflandre. Le régiment des dragons de Tongerloo avait pour colonel le fougueux abbé de Tongerloo, Godefroy Hermans, qui s'était fait nommer aumônier général de l'armée, bénissait tous les drapeaux et souscrivait à l'emprunt du Congrès pour une somme de 100.000 florins. L'infanterie légère se composait des chasseurs de Tongerloo, de Lorangeois, de Marnelfe, de la Légion britannique, des volontaires de Power, de la compagnie des Canaris. La légion britannique, commandée par le colonel Bath, comptait, outre quelques Anglais, des Belges vêtus de l'habit rouge. Les Canaris ou, comme on les nommait à cause de leur réelle vaillance, les braves Canaris, portaient un uniforme de drap jaune et avaient pour capitaine un futur général de l'Empire, Dumonceau. L'Anglais Kœhler, aide-de-camp d'Elliot au siège de Gibraltar, jeune homme très ardent, bon canonnier, mais purement soldat[63] avait organisé le corps de l'artillerie, qui se composait de 600 hommes.

Schönfeld commandait en chef. De même que Vander Mersch, il avait tenté d'envahir le Luxembourg. De même que Vander Mersch, il avait vu ses troupes indisciplinées s'enfuir devant les vieux bataillons autrichiens. Battu le 23 mai à Assesses, il recula sur Andoy. Mais, lorsqu'il eût rassemblé 20.000 hommes dans ce camp d'Andoy, que le journal de Feller nommait le camp des saints, il reprit l'offensive. Vander Noot conseillait d'attaquer les Autrichiens avant l'arrivée de leurs renforts. Le 22 septembre, deux colonnes se formèrent pour tourner l'ennemi, l'une par la droite, l'autre par la gauche. La colonne de gauche, aux ordres de Schönfeld, se dirigeait sur Marche ; celle de droite, qui se portait sur i Rochefort, avait à sa tête Kœhler, nommé général-major par le Congrès. Kœhler emporta la forte position d'Anseremme et marcha sur Falmagne. Mais l'explosion d'un caisson de poudre jeta la panique dans ses troupes. Il fallut se replier de toutes parts sur Andoy et licencier aussitôt cette fameuse levée de paysans, que les curés, comme autrefois les missionnaires du Paraguay, devaient conduire à la victoire plutôt qu'au combat[64].

 

IX. L'affaire de Falmagne décida du sort de la Belgique. Mais vainement les ministres d'Angleterre, de Hollande et de Prusse, lord Auckland, le grand pensionnaire Van de Spiegel et le comte Relier, réunis à la Haye, engagèrent le Congrès, par l'insinuation verbale du 17 septembre, à négocier un armistice pour arrêter les progrès des Impériaux. Le Congrès, de nouveau renforcé par des députés extraordinaires, fit une réponse dilatoire. Les médiateurs insistèrent : il fallait, disaient-ils sans détour le 5 octobre, accepter la suspension d'armes, puis se soumettre volontairement à l'Autriche, qui maintiendrait la constitution ancienne et légale des provinces. Pour toute réponse, le Congrès demanda de nouveaux délais. Mais cette fois, la troisième et dernière, les médiateurs déclarèrent qu'ils laissaient aux Belges vingt et un jours pour accepter les propositions de l'Autriche. Léopold se joignait aux trois puissances : de Francfort, après la cérémonie de son couronnement, il envoyait un suprême manifeste à ses sujets belgiques ; il promettait l'amnistie à ceux qui poseraient les armes avant le 21 novembre, et jurait de rendre aux dix provinces les privilèges dont elles jouissaient sous Marie-Thérèse[65].

Quelle résolution allait prendre le Congrès ? Vander Noot s'écriait qu'il fallait vaincre ou mourir, et lorsque Schönfeld et Kœhler lui conseillaient l'armistice, il répliquait que la Belgique saurait lever assez de monde pour chasser les Autrichiens et que, seraient-ils 80.000, elle les exterminerait comme 80.000 mouches. Sur sa proposition, le Congrès appela le peuple aux armes, décréta la levée en masse de tous les citoyens valides, promit vingt florins de rente viagère à quiconque s'engagerait pour quatre ans. Mais, dit un contemporain, les villes et les campagnes restèrent sourdes à la voix de Vander Noot[66]. L'armée se décourageait. Les colonels donnaient leur démission. Schönfeld refusait de mener la barque davantage. La populace de Bruxelles, plus exaltée que jamais, brûlait le manifeste de Léopold et menaçait de mort quiconque parlerait d'accommodement[67]. Un jour elle se porte aux Madelonnettes, où est enfermé un jeune homme, Van Krieken, que le capucin Hugues accuse d'impiété. On force la prison, on entraîne Van Krieken sur la Grande-Place, on le pend à un réverbère. La corde casse ; on décapite le malheureux, et sa tête, sciée plutôt que coupée, est plantée au bout d'une pique, promenée par la ville et, jusqu'au lendemain, exposée dans le jardin des capucins[68].

Le Congrès éperdu ne savait que faire ni que devenir. Mais le temps pressait ; le jour fixé par les médiateurs approchait ; enfin, dans la nuit du 2,1 novembre, une heure avant l'expiration du dernier délai, l'assemblée, une troisième fois renforcée, proclama grand-duc héréditaire de la Belgique l'archiduc Charles, troisième fils de Léopold[69].

Ce compromis n'arrêta pas le maréchal Bender et la marche de ses 30.000 soldats qui, selon le mot du prince de Ligne, venaient triompher des infidèles de l'Occident, après avoir triomphé des infidèles de l'Orient[70]. Le 22 novembre, les Impériaux passaient la Meuse. Schönfeld se retira paisiblement devant eux, évacua Namur, et, sans même défendre la forêt de Soignes ni couvrir Bruxelles, alla camper, le 26 novembre, à Anderlecht. Le Congrès lui demanda sa démission et confia le commandement des troupes à Kœhler. Mais déjà Bender était aux portes de Bruxelles, et son armée conquérante s'avançait avec sécurité, avec bonté, comme on revient chez soi[71]. Les soldats de l'armée patriotique désertaient en foule. La populace bruxelloise pillait les magasins. Le Congrès se dispersa. Vander Noot, Van Eupen, l'évêque d'Anvers, l'abbé de Tongerloo, Feller prirent le chemin de la Hollande. Les Belges, avait dit La Marck, sont en délire ; mais ceux qui les dirigent, ne s'exposeront pas. Seul, Vander Noot se montrait encore dans les derniers jours, et faisait tête à l'orage. Mais, une nuit, on mit une potence et une roue à la porte de Mme de Bellem avec cette inscription pour vous et pour elle, et, lorsqu'il partit, les capons du rivage déchirèrent son portrait et brisèrent ses médailles. Je suis, disait-il, abandonné par la coquette de fortune et n'ai plus que des quenouilles au lieu de lauriers[72].

Toute la Belgique se soumit. Les États de Flandre licencièrent les troupes qui restaient au fidèle Kœhler. Vonckistes et joséphistes sortirent des prisons et des couvents où les statistes les avaient enfermés. Le 2 décembre 1790, Léopold régnait sur les Pays-Bas autrichiens, et huit jours plus tard, le traité de La Haye mettait fin à la médiation des alliés.

 

X. La révolution liégeoise expirait presque en même temps que la république belge[73]. Elle datait du mois d'août 1789. Le prince-évêque Hœnsbrœch refusait au bourgeois Levoz la permission d'établir à Spa une maison de jeu. Levoz invoqua les coutumes qui défendaient au prince-évêque de porter un édit sans le concours des Etats, et l'intérêt qu'on prit à cette cause, s'étendit à tout le pays[74]. Une querelle particulière se transformait en un débat politique. Jacques Fabry, Bassenge, Donceel, Reynier, Henkart, Defrance fondèrent la Société patriotique et défendirent les franchises publiques dans des brochures. La souveraineté, disait Bassenge, réside dans la nation entière, et le prince est, non pas le maître, mais le premier commis de la nation, non pas l'interprète, mais l'organe de la souveraineté. Peu à peu la lutte entre les partisans de l'évêque et les patriotes s'envenima. Le 17 août, Bassenge demandait l'annulation du règlement de 1684 : Que notre fantôme de tiers-état fasse place à une représentation nationale ! Le lendemain matin, les bourgeois entraient à l'hôtel de ville et, joyeusement, sans lutte aucune, pendant que les femmes, aux fenêtres, applaudissaient ou agitaient leurs mouchoirs, ils acclamaient de nouveaux conseillers et nommaient Fabry et Chestret chefs du magistrat. Puis, dans l'après-midi, ils allaient chercher Hœnsbrœch à son château de Seraing et le menaient à l'hôtel de ville. Le prince-évêque ratifia par sa signature l'élection de l'administration nouvelle. Mais dans la nuit du 26 août il s'enfuyait à Trêves. Il se plaignit à la Chambre impériale de Wetzlar qui enjoignit aux directeurs du Cercle de Wesphalie dont Liège dépendait, de rendre au prince-évêque son autorité. Le roi de Prusse était en même temps duc de Clèves et directeur du Cercle de Westphalie. Il offrit sa médiation que Liège accepta, et 6.000 Prussiens et Palatins vinrent occuper le territoire, pour maintenir le calme. Mais, malgré les instances du roi de Prusse, Hœnsbrœch exigea l'exécution plénière et littérale du décret de Wetzlar : toutes choses devaient être remises telles qu'elles étaient avant le 18 août 1789. Les troupes d'occupation se retirèrent et le roi de Prusse demeura neutre. Une armée dite d'exécution, formée de Palatins, de Munstériens, de Mayençais, de Trévirois, passa la Meuse. Liège se défendit avec vigueur ; ses volontaires, commandés par Donceel, Chestret, Fabry, Fyon, Ransonnet, battirent les envahisseurs[75]. Mais la Chambre impériale requit Léopold de prêter main-forte à l'armée d'exécution. 8.000 Autrichiens s'emparèrent de Liège le 12 janvier 1791 et rétablirent Hœnsbrœch, Les Liégeois ne firent aucune résistance ; Léopold avait une puissance prépondérante qui les écraserait infailliblement[76].

Le prince-évêque n'usa pas de sa victoire avec mansuétude. Il publie des jubilés, disait Mercy, mais il ne publie pas d'amnistie ; les prisons regorgent, et la haine augmente[77].

Les colères n'étaient pas moins vives en Belgique. Léopold avait tenu parole. Il révoqua les édits de Joseph II et organisa le gouvernement comme sous le règne de Marie-Thérèse. Mercy, nommé ministre plénipotentiaire et gouverneur général par intérim, s'appuya sur les vonckistes pour tenir les statistes en échec : il leur permit de fonder à Bruxelles la société des Amis du bien public que Walckiers présida, il obtint la soumission de Vander Mersch et fit une ovation à l'ancien général des patriotes, il pria Vonck de rentrer dans sa patrie et de lui donner des conseils. Mais Kaunitz prescrivit un système de bascule, et bientôt tout le monde fut mécontent. Le comte de Metternich-Winnebourg remplaça Mercy. Lui aussi ne fit qu'irriter statistes et démocrates. La société des Amis du bien public qui demandait des réformes et ne recevait que des promesses, cessa de se réunir. Walckiers alla s'établir à Paris. Les Etats de Brabant refusèrent les subsides. Les deux partis tournaient leurs regards vers la France[78].

 

 

 



[1] Cf. Nény, Mém. histor. et polit. des Pays-Bas autr., 1785, I, p. 188 et suiv. ; Dewez, Hist. gén. de la Belgique, 1807, vol. VII ; Gachard, Collect. de docum. inédits concernant l'hist. de la Belgique, 1833, tome I, p. 47-92 ; Borgnet, Hist. des Belges à la fin du XVIIIe siècle, 1844, deux volumes ; Juste, La Révolution brabançonne et La république belge, 1884.

[2] Nény, I, 194, et Gœthe, Camp. de France.

[3] Thionville, Montmédy, Damvillers, Carignan, Chauvency-le-Château, Marville.

[4] Pour la distinguer de la Gueldre prussienne (ville et ammanie de Gueldre, ammanie de Kessel, de Krieckenbeeck et de Stralem. Nény, I,190).

[5] Gachard, I, 50. Elle n'avait pas une représentation provinciale, et les impôts y étaient perçus sans le consentement des mandataires du peuple ; Charles VI avait maintenu le régime introduit par Louis XIV.

[6] Nény, II, 111.

[7] Labourdonnaye à Pache, 14 déc. 1792 (A. G. ou archives de la guerre).

[8] Hubert, L'origine des libertés belges, 1884, p. 43-50.

[9] Adresse des Belges à la nation française, p. 4.

[10] Opinion d'un député (La Marck) sur le décret du 2 nov. 1789, p. 5 ; Gérard, Notice sur les relat. polit. de la Belgique avec la Hollande, 1875, p. 51 et 68 ; Juste, Révolution brabançonne, 51-52, et République belge, p. 7.

[11] Il faut lire sur l'enthousiasme des Belges pour leur constitution le Mémoire de Raoux sur le projet de réunion, p. 12-13 : pas de noblesse insolente, pas de clergé entaché de corruption ou de fatuité, la plupart des emplois entre les mains de la roture, le cultivateur fort à son aise, etc.

[12] Les bonnes villes étaient, outre Liège qui jouissait du titre et des honneurs de Cité, Huy, Dinant, Ciney, Fosses, Thuin, Châtelet, Couvin, Visé, Waremme, Verviers, Saint-Trond, Hasselt, Tongres, Looz, Bilsen, Brée, Peer, Hamont, Beeringen, Stockhem, Maeseyck, Herck.

[13] Hénaux, Hist. du pays de Liège, 1874, 3e éd., vol. II, 593 ; cf. I, 42-49.

[14] Küntziger, Essai histor. sur la propagande des encyclopédistes français en Belgique au XVIIIe siècle, 1879, p. 11-73.

[15] Thonissen, Bull. de l'Acad. royale, 3e série, tome V, p. 656.

[16] La Belgique ne connut jamais une plus grande prospérité matérielle que dans les trente années de 1750 à 1780 (Gachard, Etudes et notices histor. concernant l'hist. des Pays-Bas, 1890, III, 170).

[17] Cf. La vie de Joseph II, par Caraccioli, 1790, p. 101 ; le portrait du prince de Ligne, les Mém. ou souv., de Ségur ; A. Sorel, L'Europe et la Révolution, 1885, I, p. 120-122, 137-141.

[18] Il avait parcouru le pays en juin et juillet 1781, Gachard, Études et notices, III, 316-339.

[19] Art. XIV, Nény, I, 83.

[20] Gachard, Hist. de la Belgique au commencement du XVIIIe siècle, 1880, p. 553-585 ; D'Arneth et Flammermont, Correspondance secrète de Mercy avec Joseph II et Kaunitz, 1889, I.

[21] Hubert, Étude sur la condition des protestants en Belgique, 1882, p. 111-160.

[22] Beer, Joseph II, Leopold II und Kaunitz, ihr Briefmechsel, 1873, p. 463-487.

[23] Gérard l'a bien jugé dans son Rapedius de Berg, 1842, tome I, pp. 267-268.

[24] Gérard, Rapedius de Berg., t. I, pp. 255 et 269-270.

[25] Acte d'accusation du 17 avril 1789.

[26] O. Lorenz, Joseph II u. die belgische Revolution nach den Papieren des Gen. Gouv. Grafen. Murray, 1862, p. 57. Joseph ordonna vainement à Murray de donner un grand exemple de sévérité et d'exécuter ses ordres coûte que coûte (id., p. 22 et 30).

[27] Lettres de Joseph II au général d'Alton, 1790, p. 32-33.

[28] Les décisions du clergé et de la noblesse étaient toujours prises avec la clause pourvu que le tiers-état suive, et autrement pas.

[29] La plupart des députés, bourgmestres pensionnaires, chefs officiers, étaient dévoués au gouvernement. (Juste, Révolution brabançonne, 219, note).

[30] La valise décousue, 1790, I, 6, et II, 32. Les Français sont devenus le peuple à la mode... les affaires de France ont exalté les têtes brabançonnes.

[31] Trauttmansdorff, Fragments pour servir à l'hist. des événements qui se sont passés aux Pays-Bas, 1792, p. 31.

[32] Ainsi le nommait Joseph II.

[33] Van de Spiegel, Résumé des négociations qui accompagnèrent la Révolution des Pays-Bas autrichiens, 1841, p. 51.

[34] Mém. de Lafayette, 1837, V, p. 42.

[35] Gérard, Rapedius de Berg., II, 298.

[36] Dinne, Mémoire historique pour Vander Mersch, 1791, I, 6-7 ; II, 1-3.

[37] Vonck avait acheté huit canons à Liège, mais Vander Noot assurait qu'il avait accès dans les arsenaux de Hollande (Dinne, Mém. pour Vander Mersch, I, 7).

[38] Gérard, Rapedius de Berg, II, 347.

[39] Dinne, I, 14-17.

[40] Dinne, II, 11-13.

[41] Dinne, I, 59.

[42] Forster, Ansichten vom Niederrhein, Brabant, etc., p. p. Buchner, 1868, I, p. 182 ; cf. Dinne, II, 102.

[43] Il y dépensa 500.000 livres (Forster, Ansichten, I, 208).

[44] Beer, Joseph à Kaunitz, 354.

[45] Gérard, Rapedius de Berg, II, 434.

[46] On retrouvera Rosières au cours de ce récit. Quant à Kleinenberg, Dumouriez dans un mémoire inédit de 1790 le caractérise ainsi : Allemand, ayant servi en France, grand ivrogne qu'on emploie aux recrues et qu'on tient éloigné de l'armée.

[47] Cf. sur les d'Arenberg et leur rôle De Pradt, De la Belgique depuis 1789 jusqu'à 1794, 1820, p. 44-45 ; Gachard, Etudes et notices historiques, II, 206-209 ; Juste, République belge, 46-49 ; Borgnet, I, 132-133.

[48] Lettre aux États de Flandre, Moniteur du 2 sept. 1790.

[49] Van de Spiegel, 33.

[50] On attachait les victimes aux brancards d'une charrette renversée.

[51] Borgnet, I, 123-127 ; Juste, République belge, 109-120 ; Moniteur des 24 et 27 mars 1790.

[52] Dinne, I, 137.

[53] Dinne, II, 133.

[54] Dinne, III, 21-31 ; Dewez, VII, 86-88.

[55] Dinne, I, 295-309 et Discailles, Un chanoine démocrate (de Broux), 1887, p. 10.

[56] Cf. sur ce Robineau, dit Beaunoir, la note v de Borgnet, I, 278-281.

[57] Sandelin venait de publier un mémoire en faveur de Vander Mersch (Dinne, III, 140-151) et avait été décrété de prise de corps comme criminel de lèse nation au premier chef.

[58] Borgnet, I, 143-150 ; Juste, République belge, 167-176 ; Moniteur du 4 juillet 1790 ; mémoire de Dumouriez (A. N. ou Archives nationales, F7 4598).

[59] Van de Spiegel, 39.

[60] Moniteur du 2 septembre 1790.

[61] Moniteur du 18 septembre 1790.

[62] Everaert et Bouchery, Hist. de la ville de Hal, 1879, p. 307 ; Dewez, VII, 120-121.

[63] Mémoire de Dumouriez (A. N. F7 4598).

[64] Un mois auparavant, le capitaine d'Aspre avait, à la tête des Laudons verts et des volontaires limbourgeois, repris Herve et reconquis le Limbourg (G. Cumont, Les volontaires limbourgeois et leur médaille, 1886).

[65] Moniteur 29 oct., 8, 10, 11 nov. et 1er déc. 1790.

[66] Mémoires de Walter (Juste, République belge, 275).

[67] Les Etats craignent la fureur de cette multitude qu'ils ont eu l'art d'aveugler, et qu'ils n'ont pas eu l'art de conduire (Moniteur du 29 nov. 1790). Le Congrès était terrorisé. (Wolf, Marie Christine, 1863, II, 94).

[68] Dewez, VII, 122-123 ; Moniteur du 15 cet. 1790 ; Feller nomma cet horrible assassinat une irrégularité.

[69] Moniteur du 30 nov. 1790.

[70] Gachard, Not. hist. et polit., III, 387.

[71] Moniteur des 3 et 7 déc. 1790. Cf. sur Bender dont les émigrés firent un colosse, De Pradt, p. 52-53.

[72] Moniteur des 3, 5 et 12 déc. 1790 ; Bacourt, Correspondance entre Mirabeau et La Marck, II, 349 ; Vander Noot à Dumouriez, 26 nov. 1792 (A. N. F7 4598).

[73] Hénaux, Hist. du pays de Liège, II, 552-657.

[74] Dohm, Exposé de la révolution de Liège en 1789, traduit par Reynier, 1790, p. 15.

[75] Cf. sur cette campagne les Denkmürdigheiten d'Eickemeyer, 1845, p. 87-101 et les lettres de G. Leonhart (Briefe von und an Bürger, p. p. Strodtmann, IV).

[76] Moniteur du 30 déc. 1790.

[77] Borgnet, I, 262.

[78] Voir dans Ernouf, Maret, duc de Bassano, 1884, p. 63, le mémoire remarquable de Maret sur cette disposition des esprits en Belgique.