LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

LA PREMIÈRE INVASION PRUSSIENNE

 

CHAPITRE V. — LONGWY.

 

 

I. Investissement de Longwy. La ville et ses fortifications en 1792. La garnison. Lavergne. Sommation. — II. Bombardement. Première démarche des corps administratifs. Seconde démarche. Conseil rle défense. Certificat donné au commandant par les officiers municipaux. Capitulation. Sortie de la garnison. — III. Causes de la reddition. Lâcheté des habitants. Faiblesse de Lavergne. Son châtiment. Dévouement de Victoire Resnier à son mari.

 

I. Les premiers coups des envahisseurs devaient tomber sur Longwy[1]. C'était sur Longwy que marchait toute l'armée de Brunswick qui venait de pénétrer sur le territoire français entre la Moselle et la Chiers. C'était sur Longwy que se dirigeait Clerfayt, qui venait des Pays-Bas autrichiens, par Saint-Hubert, Neufchâteau et Arlon, se joindre aux Prussiens et former une de leurs ailes. Peu à peu le cercle se rétrécissait autour de la petite forteresse. Pendant que l'avant-garde de Hohenlohe s'établit à Crune et contient le détachement de Deprez-Crassier qui campe à Fontoy, le reste des Prussiens se porte de Tiercelet sur Longwy et occupe la rive gauche de la Chiers. La première ligne forme un corps d'observation entre le village de Chénières et la ferme de Praucourt. La seconde ligne se poste à Cutry et fait face à la forteresse. La brigade du prince de Bade se place entre Mexy et Larimont. Le 20 août, Clerfayt arrive à Cosnes, sur la rive droite de la Chiers. Longwy était enveloppé de tous côtés, isolé de l'armée de Metz et de celle de Sedan, séparé violemment du reste de la France.

La position de cette ville est à la fois très pittoresque et très propre à la défense. Située à l'extrémité d'un des plateaux les plus élevés de la Lorraine, sur une sorte de promontoire soutenu par des rochers escarpés, la forteresse domine la vallée de la Chiers. De la haute tour carrée de l'église paroissiale qui s'élève sur la place d'Armes et se voit au loin à plusieurs lieues de distance, on découvre à la fois Arlon, Luxembourg et jusqu'aux collines de la Meuse, derrière lesquelles, à douze lieues de Longwy, se cache Verdun, cette autre sentinelle avancée de la Lorraine. Les approches de la forteresse sont défendues, au nord et à l'est, par des précipices ; à l'ouest seulement elle se relie au plateau dont elle forme la pointe par une langue de terre fortifiée sur les plans de Vauban avant 1789, et de Chasseloup-Laubat pendant et après la. Révolution. En 1792, elle avait six demi-lunes ; deux d'entre elles, l'une vers la ferme de la Colombe, à gauche de la porte de Bourgogne, l'autre à droite de la porte de France, étaient couvertes par des lunettes ; la sixième était remplacée l'ouvrage à cornes de Saint-Marc. Le corps de la place formait un hexagone régulier, bastionné et entouré d'un large fossé. Il contenait des casernes et des pavillons où 5.000 hommes d'infanterie et 800 chevaux pouvaient se loger aisément, des corps de garde à l'abri de la bombe, des poudrières et des magasins de fourrages, un grand arsenal, une boulangerie militaire casematée, trois vastes souterrains. La ville, resserrée dans ses fortifications, a l'aspect sévère et froid d'une place de guerre. Elle se compose presque entièrement d'une grande place carrée, la place d'Armes, que bordent des maisons symétriquement bâties ; à l'ouest, l'église qui date du XVIIe siècle, et l'Hôtel-de-Ville aux entresols voûtés ; au nord l'arsenal, à l'est la maison du commandant. Cette place est traversée par la rue principale qui s'étend entre les deux seules portes de la ville, celle de Bourgogne au nord, et celle de France au midi. Les autres rues, régulières et coupées à angles droits, sont parallèles à la rue principale ou la coupent transversalement ; les maisons, aux toits d'ardoises, sont construites en pierres de taille, et leurs façades uniformes qu'on prendrait pour des remparts percés de fenêtres[2], répondent à ce sombre ensemble de poternes, de voûtes et d'ouvrages défensifs qui les entourent. A côté de ce que l'art militaire a créé de menaçant, se voit, comme par contraste, une nature aimable ; de beaux tilleuls garnissent les remparts ; sur l'escarpement de la colline et jusqu'à son sommet montent des jardins plantés d'arbres fruitiers ; le chemin de la ville haute s'élève en zigzags au milieu de touffes de verdure ; la vine basse, bâtie en amphithéâtre sur le versant inférieur de la montagne, s'étend jusqu'à la rive droite de la Chiers, en face de collines couvertes de grands bois, dans une fraiche et riante vallée, où des usines, entourées d'arbres, associent à ces beautés pittoresques le mouvement et le bruit de l'industrie.

Quoique surnommée la porte de fer de la France, la place n'avait pas, en 1792, une fortification suffisante pour arrêter longtemps les ennemis. Dès le mois de mai on constatait la dégradation de ses ouvrages[3]. Les murs de revêtement écroulés en plusieurs endroits, le fossé à sec, de nouveaux remparts terminés à moitié, le corps de la place presque entièrement à découvert, telle était, au témoignage unanime des assiégés et des assiégeants, la situation de Longwy. Dès la première nuit de l'investissement, dit un lieutenant prussien, on aurait pu, avec deux bataillons, et sans courir un grand danger, s'avancer hardiment jusqu'au point où l'on ouvre d'ordinaire la troisième parallèle. Les officiers auxquels on confiait le commandement, émigraient ou donnaient leur démission ; Gaston avait quitté la France ; d'Arblay, adjudant-général de l'état-major de Lafayette, était parti en disant que la place ne pourrait tenir et qu'il serait bien fou d'y rester ; le maréchal de camp Berruyer avait à peine parcouru les remparts qu'il sollicitait son rappel en ajoutant qu'il ne voulait pas se déshonorer et perdre en un jour le fruit de trente années de service[4].

La garnison comptait 2.596 hommes ; elle se composait de quelques hussards de Lauzun, du 34e régiment (Angoulême), et de trois bataillons de volontaires, le 2e de la Côte-d'Or, le 3e et le 4e des Ardennes. Elle était commandée par un vieux soldat, attaché sincèrement aux principes de la Révolution, Louis-François Lavergne-Champlorier. Capitaine au régiment de Rouergue, Lavergne avait donné sa démission avant 1789, pour vivre dans l'Angoumois, à Champlorier, où sa famille possédait des forges importantes. Il commanda les gardes nationales de son canton et présida la société des amis de la constitution, puis reprit du service. Il était lieutenant colonel du 58° de ligne à Thionville lorsque Luckner lui donna le commandement de Longwy en lui promettant le grade de maréchal de camp.

Lavergne arriva le 13 août à son poste et débuta par un petit succès. Le 20, le jour même où la place était investie, il commanda une sortie contre les chasseurs tyroliens qui s'avançaient jusqu'à Saint-Remy, les délogea d'un bois qu'ils occupaient et leur fit vingt-cinq prisonniers.

Le lendemain, à quatre heures de l'après-midi, parut un parlementaire autrichien. Il fut conduit à l'Hôtel-de-Ville où Lavergne avait réuni les principaux officiers de la garnison et les corps administratifs. Il remit une copie du manifeste de Brunswick, ainsi que deux sommations de rendre la place, l'une adressée au commandant de la garnison, l'autre à la municipalité de Longwy. La ville devait se rendre immédiatement et reconnaitre l'autorité de Louis XVI.

Les forces de leurs Majestés Impériale et Royale étant employées uniquement à réduire les rebelles à l'autorité légitime qu'ils ont méconnue, leurs commandants remettront à la disposition de Sa Majesté très chrétienne ou des personnes qui auront titre pour agir en son nom, tous les pays et villes qu'ils auront réduits, sans qu'aucune conquête soit faite ou conservée pour le compte de Leurs Majestés Impériale et Royale qui y ont expressément renoncé.

Lavergne répondit au parlementaire qu'il défendait la ville au nom de la nation souveraine, et ne la céderait qu'à la dernière extrémité. La lettre qu'il rédigea séance tenante pour le duc de Brunswick respirait l'indignation patriotique la plus sincère.

Nous, commandant des troupes de Sa Majesté dans la ville de Longwy et pays adjacent, et nous, maire, officiers municipaux et notables de la même ville de Longwy, sensibles aux honnêtetés de Son Altesse le duc de Brunswick, n'en sommes pas moins étonnés du style de sa sommation, puisque combattant au nom du roi et de la nation française toujours souveraine, nous voyons cependant que c'est au nom d'un roi que nous avions jusqu'à présent jugé notre père, qu'on nous menace de toutes les rigueurs de la guerre. Mais fermes dans notre conscience, pleins de confiance dans la justice de notre cause, nous espérons repousser la force par la force ; rien ne peut étonner un Français que la crainte de la honte et de l'infamie, et vous jugerez à la manière de nous défendre que nous sommes dignes de toute votre estime.

 

Cette déclaration fut accueillie par des applaudissements. Les assistants, transportés d'enthousiasme, jurèrent de se défendre jusqu'à la mort, et sur la place d'Armes, les soldats, apprenant la réponse de Lavergne, poussèrent, à plusieurs reprises, des cris de joie et des bravos. Cependant une scène curieuse se passait dans l'Hôtel-de-Ville. On offrait des rafraîchissements au parlementaire et on buvait avec lui à la santé du roi de Prusse et de Brunswick. Mais lorsqu'il proposa de porter un toast à Louis XVI, Lavergne refusa de lui faire raison. Je ne bois pas, dit-il, à ce roi parjure qui fait la guerre à ses sujets, buvons à la santé de la nation ; et, à son tour, le parlementaire but à la santé de la nation française[5].

 

II. Dès qu'on sut au camp des alliés la résolution de Lavergne, on fit en toute hâte les préparatifs du bombardement. On ne voulait pas s'attarder devant cette bicoque, et il importait à la cause des alliés d'obtenir, dès leur entrée en France, un succès aussi prompt qu'éclatant.

Dans la nuit du 21 au 22 août, à la faveur d'épaisses ténèbres, Tempelhof établit la batterie de mortiers du capitaine Mauritius à une petite portée des remparts, sur le plateau de Romain. Il plaça derrière le village, près de la ferme de la Colombe, quatre mortiers de dix-huit, quatre autres encore non loin de Romain, et entre ces deux batteries deux obusiers de dix. Cette artillerie ouvrit le feu à onze heures et demie, mais elle le suspendit vers une heure, à cause de la pluie. Elle fit très peu de dégâts ; on avait mal calculé la direction des bombes dont la plupart dépassèrent la forteresse ou tombèrent dans la ville basse[6].

Le 22 avril, de cinq à six heures du matin, le bombardement recommença. Tempelhof avait réuni tous ses mortiers sur le même point, entre les deux chaussées de Piedmont et de Mont-Saint-Martin, au-dessus de Mexy et au bois du Chat. Trois cents bombes tombèrent dans Longwy ; elles étaient, dit Lavergne, portées comme par la main ; elles mirent le feu en plus de vingt endroits ; un magasin de paille et de fascines fut entièrement consumé.

Les artilleurs de la place s'efforçaient de répondre au feu des assiégeants, mais ils manquaient d'expérience et tiraient à travers le brouillard. Les alliés avaient installé leurs batteries, l'une à neuf cents pas, l'autre à six cents pas de la forteresse ; ils n'eurent qu'un mort et trois blessés.

Lavergne se multipliait. On l'accusa plus tard de s'être mis en sûreté pendant le bombardement ; mais, tantôt à la maison commune où il donnait ses ordres, tantôt sur les remparts où il encourageait les artilleurs, il faisait son devoir de commandant. La garnison montrait autant de courage que son chef. Trois canonniers détenus dans la prison de la ville écrivirent à Lavergne ce court billet : Nous demandons notre élargissement pour aller combattre l'ennemi et aider nos camarades ; après notre devoir fait, nous rentrerons en prison[7].

Mais la consternation régnait dans Longwy. Si l'incendie était éteint presque partout, les citernes s'épuisaient, et l'eau allait manquer complètement. La plupart des maisons étaient endommagées, et plusieurs avaient reçu jusqu'à cinq et six bombes. Toutes les fenêtres de la ville étaient brisées. Quelques personnes avaient péri dans les caves, car, dit naïvement un témoin oculaire, on vit bien en cette occasion que les bombes respectaient les braves gens ; il n'arrivait rien à ceux qui s'exposaient le plus ; tandis que les éclats de bombes allaient chercher jusque dans leur retraite honteuse les hommes pusillanimes et craintifs.

Le second bombardement n'avait duré qu'une heure. Les ennemis, écrit Lavergne, mettaient quelques intervalles, parce que, comme ils me l'ont dit depuis, ils comptaient sur si peu de résistance de notre part, qu'ils s'attendaient à chaque instant à nous voir arborer le drapeau blanc. A dix heures du matin, un grand nombre d'habitants, suivis d'enfants et de femmes, sortirent des caves, ou, comme dit le témoin oculaire, de leurs trous, et se rendirent à l'Hôtel-de-Ville. Les membres du district et de la municipalité prièrent Lavergne d'avoir pitié de la population et de capituler. Mais Lavergne déclara qu'il s'ensevelirait sous les ruines de la place plutôt que de la rendre. Il ajouta que les femmes et les enfants devaient se munir de vivres et se cacher dans les casemates. Enfin, sur de nouvelles supplications, il leur permit de sortir de la ville par une poterne. On vit alors, écrit un habitant de Longwy, un spectacle vraiment digne d'intérêt ; les parents et amis qui allaient se quitter, peut-être pour ne plus se revoir, se jetant dans les bras les uns des autres, s'adressaient les plus tristes adieux[8].

Lavergne croyait que l'ennemi tenterait un assaut dans la journée ou dans la nuit. Il résolut de ne défendre que le corps de la place. Il fait rentrer les gardes extérieures, il assigne à chacun son poste, il met d'endroits en endroits des grenadiers chargés de précipiter l'assaillant dans les fossés, il dispose sur les remparts les piques et les hallebardes ; il touchait, dit-il, au dernier et au plus beau jour de sa vie.

Mais, à trois heures de l'après-midi, les membres de la municipalité revinrent à la charge, et conjurèrent Lavergne de cesser toute résistance ; on n'avait, disaient-ils, qu'une garnison insuffisante ; on ne pouvait espérer de secours, car des deux généraux qui commandaient l'armée, l'un, Lafayette, avait pris la fuite, et l'autre, Luckner, ne pouvait pénétrer[9].

Cette nouvelle démarche des corps administratifs ébranla Lavergne. Il réunit aussitôt le conseil de défense, formé des officiers supérieurs de la garnison. Il exposa sa position et n'en déguisa pas l'extrémité ; la place était livrée à elle-même ; l'ennemi avait placé deux nouvelles batteries qui devaient jouer dans quelques heures ; Longwy serait réduit en cendres le lendemain. Ou avait cru d'abord à la présence de 12 à 13.000 hommes ; mais il n'était plus douteux que 60.000 hommes au moins campaient devant la place. Lavergne croyait même que les alliés donneraient l'assaut. Les officiers de la garnison et les corps administratifs étaient-ils résolus à soutenir l'attaque ? Pour lui, quoiqu'il n'eût jamais vu de siège, il avait la ferme volonté de faire son devoir jusqu'au bout et de vendre chèrement sa vie.

Après lui, les commandants du génie et de l'artillerie affirmèrent qu'on ne possédait qu'un nombre insuffisant de piques et de fusils de rempart ; qu'un seul homme devait défendre cinq à six toises de terrain ; qu'on avait plus de canons que de canonniers ; que la plupart des pièces étaient hors d'état de faire le service.

Les administrateurs, plus effrayés que jamais, supplièrent Lavergne d'épargner à leur malheureuse ville les horreurs d'un nouveau bombardement ou d'un assaut. Les officiers supérieurs de la garnison se joignirent à eux et firent les plus fortes représentations sur la grandeur et l'évidence du péril qui les menaçait. Tous étaient d'avis qu'il fallait rendre la place. Un seul, le commandant du bataillon de la Côte-d'Or, s'opposait à la capitulation. Lavergne hésitait encore. Enfin, les administrateurs déclarèrent qu'ils prenaient la responsabilité de la capitulation, et rédigèrent l'acte suivant :

Nous, administrateurs du district et officiers municipaux de la ville de Longwy, certifions et attestons, à tous ceux qui le présent verront, que M. Lavergne, commandant de cette place, n'a proposé la capitulation que sur la demande réitérée qui lui en a été faite par nous, au nom de tous les habitants et de l'avis du conseil de guerre, d'après la certitude que nous avions du bombardement et des préparatifs irrésistibles qui ont eu lieu de la part des ennemis ; nous ajouterons qu'il est impossible d'avoir mis plus d'ordre, d'activité et de surveillance à remplir les devoirs de la place de brave militaire et de bon citoyen.

 

Un officier de hussards se rendit sur-le-champ au quartier-général autrichien, à Cosnes, pour proposer une capitulation, mais, dit le témoin oculaire, le plus gros restait à faire :

C'était de disposer la brave garnison à accéder à cette capitulation. Ô mes concitoyens, ô mes frères, vous qui n'êtes nullement instruits de ces détails, que n'étiez-vous présents ; comme moi au spectacle déchirant qui suivit ce oui fatal ! Vous auriez vu ces guerriers se livrer à toute la rage du désespoir, les uns s'arrachant les cheveux et frappant les murs de leur tête, d'autres mordant avec fureur le canon de leur fusils ; on en voyait se jeter à terre avec violence et s'y' rouler, en l'arrosant de leurs larmes ; d'autres enfin courant dans les rues, comme des forcenés, sans savoir où ils allaient. A ce premier mouvement de rage et de douleur succéda uh abattement universel. On les fit rentrer dans leurs casernes.

Les courriers, ajoute le témoin oculaire partirent donc peut le camp ennemi avec le drapeau blanc Tous les vrais amis de la liberté et de l'égalité détournaient les yeux avec horreur de ce signe fatal, tandis que les aristocrates jouissaient d'avance en secret de leur triomphe. J'arrivai dans ce moment au corps de garde de la place et j'y attendis avec plusieurs de mes concitoyens le résultat de la négociation. Nous désirions ou, pour mieux dire, plusieurs de nous désiraient que Brunswick n'y voulût point entrer. Il est plus glorieux, disions-nous, de mourir que de vivre pour voir le lieu qui nous a vus naître au pouvoir des ennemis de la liberté et de l'égalité. Que ferons-nous désormais dans cette ville infortunée ? Ô Lafayette abominable, scélérat, monstre vomi de l'enfer, pour dévorer le sein de sa patrie[10] et toi, Louis le traître, voilà une partie de vos exécrables projets accomplis. Vous nous avez vendus et livrés entre les mains de nos tyrans !

 

La capitulation fut signée le lendemain (23 août), après de vives discussions entre Clerfayt et Lavergne. Le commandant de Longwy demandait les honneurs de la guerre ; le feldzeugmestre voulait faire la garnison prisonnière ; enfin, on convint que les soldats, volontaires et troupes de lignes, auraient la faculté de se retirer où bon leur semblerait, mais, arrivés sur le glacis de la place, ils remettraient leurs armes et leurs drapeaux ; ils livreraient la caisse militaire qui renfermait 128.000 livres en numéraire et 2.350 en assignats ; ils prenaient l'engagement de ne plus servir contre les alliés pendant la durée de la guerre[11].

Le 24 août, à sept heures du matin, la garnison de Longwy sortit de la ville. Elle déposa ses armes et rendit ses drapeaux. Le lieutenant-colonel du 3e bataillon des Ardennes était un vieux soldat qui comptait quarante-cinq ans de services ; on le vit se jeter en pleurant sur l'étendard de son bataillon ; il fallut le lui arracher[12]. Un des plus intimes confidents des princes, le marquis de Lambert, assistait au défilé des troupes ; on le prit, à cause de la ressemblance des noms, pour le prince de Lambesc, ce colonel de Royal-allemand, qui chargeait la foule le 12 juillet 1789 dans le jardin des Tuileries. Lambesc lui-même, dit le témoin oculaire, l'infâme Lambesc, dont le nom seul rappelle un souvenir d'horreur, nous salua en souriant.

Ce chroniqueur anonyme du siège avait pris un sac et s'était mêlé aux volontaires. Mon âme, dit-il dans la langue emphatique du temps, mais non sans une chaleur généreuse, mon âme ne peut se résoudre à se courber sous le joug avilissant de l'esclavage. Je quitte mon père et ma mère sur le bord du tombeau, qui n'avaient que moi pour soutien et pour appui. Ah ! que ne pouvais-je les emporter avec moi, ces chers auteurs de mes jours ! Heureusement ils ont de quoi vivre. Leurs remontrances et leurs larmes, jointes aux vives sollicitations de mes amis, rien ne peut m'arrêter. Je reviendrai, leur ai-je dit, quand vous serez libres ; je serai, j'espère, du nombre de ceux qui briseront vos fers : je fuis cette terre infortunée pour me réfugier au milieu des amis de l'égalité et de la liberté. Tant qu'il y aura un coin dans ma patrie sous leur empire, je m'y retirerai. Ô liberté, égalité, vous êtes mes seules idoles et je jure de ne brûler jamais d'encens que sur vos autels, persuadé qu'en suivant votre culte, j'aurai toutes les vertus de l'homme sociable ![13]

Pendant que le bataillon autrichien de Matthesen, commandé par le colonel Spiegel, occupait la forteresse, et qu'un bataillon prussien de Wolframsdorf s'établissait dans la ville basse, la garnison de Longwy s'éloignait dans diverses directions, les volontaires par Marville, et le 34e d'infanterie par Crune et Richemont. Le roi de Prusse attendait à Mexy le passage des troupes de ligne. Les émigrés ne purent dissimuler un sentiment de fierté française en voyant l'attitude martiale des canonniers[14]. Mais le 34e attirait les regards. On comptait, dit un officier prussien, qu'il donnerait des preuves éclatantes de royalisme, qu'il prendrait la cocarde blanche, qu'il crierait vive le roi. Il passa dans le plus grand silence, avec un calme et un bon ordre qui frappèrent d'étonnement les vainqueurs. Quelques pas plus loin, Legrand, colonel du régiment, se jetait dans la Chiers et se noyait[15].

Les alliés trouvèrent dans Longwy 71 canons, obusiers et mortiers, 4.000 sacs de farine, 236 tonneaux de vin et des approvisionnements considérables qu'ils se partagèrent. Il restait encore assez de munitions pour défendre la place durant plusieurs mois.

 

III. On a souvent dit que les émigrés hâtèrent la reddition de Longwy par les intelligences qu'ils avaient dans la place. Gœthe raconte qu'il dîna chez un hôtelier qui tenait M. de Bouillé en grande estime et que des royalistes de la ville lui reprochèrent d'avoir fait des emplettes chez un mercier jacobin. Il y avait donc à Longwy, comme partout, à cette époque, deux partis, celui des aristocrates et celui des patriotes. Mais la majorité de la population avait accueilli le nouvel ordre de choses avec enthousiasme. Pendant la Révolution, la municipalité donna les preuves les plus évidentes de son civisme ; elle jetait au feu, avant l'entrée des Prussiens, le registre de ses délibérations. L'administration du district n'avait cessé de se plaindre de l'incurie du pouvoir exécutif, de la négligence des officiers du génie, de la faiblesse des ouvrages de défense. Les signataires de l'adresse qui fut présentée aux princes, avouent que la ville fut quelquefois égarée par la force et la surprise[16].

Les habitants précipitèrent la capitulation, non point parce qu'ils étaient royalistes, mais parce qu'ils avaient peur d'un troisième et plus horrible bombardement, qui ferait un monceau de ruines de leur cité. L'égoïsme, dit Lombard, l'emporta chez eux sur le patriotisme ; ils aimaient la Révolution, mais ils refusaient de lui sacrifier tout leur avoir : ils forcèrent la garnison à capituler[17].

Ils étaient coupables ; ils avaient violé l'article II de la loi du 26 juillet 1792 : les places de guerre étant la propriété de tout l'empire, dans aucun cas, les habitants ni les corps administratifs ne pourront requérir un commandant de place de la rendre, sous peine d'être traités comme des révoltés et dès traîtres à la patrie. Lorsque Guadet fit son rapport sur la reddition de Longwy, il insista sur la lâcheté bien avérée, bien reconnue des habitants ; il montra qu'ils avaient consigné cette lâcheté dans le certificat qu'ils avaient remis a Lavergne ; cette déclaration, disait le girondin, est le témoignage écrasant de leur manque de courage.

Mais le commandant de la place était plus coupable que les habitants. Il a tenté plus tard de se justifier. Mais dès le 25 août il s'était condamné lui-même en écrivant à Luckner : Je n'ai pas tenu, autant que vous l'auriez désiré, autant que le bien de la patrie l'exigeait. Arrêté à l'improviste et pressé de questions, n'avouait-il pas qu'il n'avait osé se présenter au maréchal parce qu'il rougissait d'avoir rendu une place remplie de provisions de toute espèce ? Avait-il observé la loi du 26 juillet 1792 qui défendait à tout commandant de capituler avant qu'il y eût brèche accessible et praticable au corps de la place[18] ?

Il expia cruellement sa faute. Le malheureux croyait qu'ou l'oublierait dans le tumulte de l'invasion. Je me retire chez moi, écrivait-il à Luckner, en vous souhaitant un plus heureux succès ; avec de la patience, vous triompherez. Mais déjà Servan avait ordonné au maréchal de former une cour martiale qui jugerait sur-le-champ le commandant de Longwy et de l'instruire des poursuites, courrier par courrier, pour que la France connût la punition presque aussitôt, que le crime, Lavergne regagnait l'Angoumois en chaise de poste lorsqu'il fut arrêté dans la Haute-Marne, à Bourmont, par un détachement du 1er régiment d'artillerie qui se rendait à Metz. Ou trouva dans sa voiture 23.000 francs en numéraire et 10.000 francs eu assignats. Cette somme considérable excita les soupçons. On crut qu'il avait vendu Longwy aux alliés, et, au mois de novembre, la trésorerie l'accusa d'avoir soustrait sur les fonds destinés aux besoins de la place une somme de 35.000 francs dont l'emploi demeurait inconnu. Lavergne s'était-il approprié une partie de la caisse militaire ? Il a toujours nié ce vol, et la trésorerie ne l'a pas prouvé. On sait qu'il était riche et tirait de gros revenus de ses forges de la Charente.

Quoi qu'il en soit le directoire du district de Bourmont et le conseil général de la Haute-Marne approuvèrent l'arrestation de Lavergne et l'Assemblée législative ordonna sa mise en jugement. Il fut enfermé dans la citadelle de Langres et jugé, le 15 octobre, à Troyes, par une cour martiale. On n'avait produit aucune pièce, ni fait venir aucun témoin ; le jury déclara qu'en l'absence de preuves matérielles contre l'accusé, il ne pouvait prononcer. Lavergne retourna dans sa prison de Langres. Il y devint malade, une fièvre lente le consumait et son corps se couvrait d'ulcères. Il demanda de nouveaux juges. Mais le ministre de la guerre et le ministre de la justice se renvoyaient l'un à l'autre la procédure. Lavergne étant accusé à la fois de trahison et de détournement, d'un délit militaire et d'un délit commun, fallait-il le traduire de nouveau devant une cour martiale ou le faire comparaitre devant les juges ordinaires ? La Convention devait trancher le débat ; elle décida, le 21 février 1793, que Lavergne resterait à Langres tant qu'on n'aurait pas fait un rapport général sur la reddition de Longwy.

Lavergne avait des amis chauds et puissants qui plaidaient sa cause et sollicitaient sa liberté. Le commandant et le conseil général de Thionville attestaient que Longwy ne pouvait être défendu par un meilleur patriote et un homme plus courageux. Les officiers du 58e régiment affirmaient son civisme ; les sous-officiers et les soldats demandaient qu'on leur rendit leur lieutenant-colonel. Les Amis de la liberté et de l'égalité d'Angoulême écrivaient à la Convention en faveur de leur compatriote, s'il eût été un traitre nous vous aurions demandé sa mort. Il est innocent et justifié, pourquoi prolonger plus longtemps les tourments d'une détention déjà trop longue ? La jeune femme de Lavergne, Victoire Resnier, avait fait les plus généreux efforts pour délivrer son mari. Elle était venue à Paris et avait vu le ministre de la guerre ; elle s'était présentée, accompagnée de son père, au club des Jacobins ; elle se serait même présentée à la barre de la Convention si elle n'avait craint d'être mise en pièces par le public des tribunes, non pas qu'elle eût peur de mourir, écrivait-elle au président de l'Assemblée, mais je ne pouvais me faire à la pensée déchirante de laisser mon infortuné mari dans les fers et un enfant à la mamelle. Elle voulait partager le cachot de Lavergne, si étroit qu'il fût et s'y loger en sa compagnie le reste de ses jours. Elle fit insérer au Moniteur un mémoire justificatif qui remplissait deux pages du journal[19].

Lavergne vivait donc oublié à Langres, lorsqu'il eut la pensée de se rendre à l'armée des Pyrénées-Orientales, pour y gagner son pardon à la pointe de l'épée. Il annonça son dessein à Barère et à Robespierre. Arrêté, dès les premiers pas, à Pont-sur-Rhône, traduit devant le tribunal révolutionnaire, il essaya de toucher Fouquier-Tinville et Foucault en se représentant comme un précurseur de la Montagne, un homme du peuple, une victime des fédéralistes et des traîtres, de Wimpfen et de Luckner qui l'avaient envoyé à Longwy pour priver la démocratie d'un de ses plus zélés partisans. Il fut condamné à mort comme auteur ou complice d'une conspiration qui avait pour but de livrer Longwy aux ennemis de la France.

A peine le jugement était-il rendu, qu'une femme cria dans la salle : Il faut un roi, oui, il faut un roi, et se tournant vers le tribunal : les bourreaux ! les monstres ! ils assassinent le monde : je veux aller à la guillotine avec mon mari ! C'était la femme de Lavergne. Elle fut aussitôt arrêtée par les gendarmes et conduite devant les administrateurs de police. La douleur et la colère qui la transportaient d'abord, avaient fait place à une complète prostration. Elle répondit à toutes les questions qu'elle ne savait rien. Pourquoi avez-vous été arrêtée ? — Je n'en sais rien. — Les gendarmes disent que vous demandez un roi. — Je n'en sais rien. — Dumas l'interrogea de nouveau avant le jugement. Il faut un roi, répondit-elle, je le répèterai et le soutiendrai jusqu'à ce que je n'ai plus de langue. Fouquier rédigea séance tenante l'acte d'accusation. Il déclara qu'elle avait conspiré contre le peuple français en provoquant le rétablissement de la royauté et en voulant exciter à la guerre civile contre les citoyens. Les mêmes juges condamnèrent Lavergne et sa femme. Mais Victoire Resnier avait rejoint son mari, et le lendemain, dans la charrette, pendant que Lavergne gisait sur la paille, évanoui et presque inanimé, elle lui donnait ses derniers soins. La chemise du malheureux s'était entr'ouverte et laissait sa poitrine exposée au soleil ; Mme Lavergne pria le bourreau de prendre une épingle de son fichu et de l'attacher à la chemise de son mari. Le peuple criait qu'elle n'avait pas mérité la mort. Mes amis, dit-elle, c'est ma faute, j'ai voulu mourir avec mon mari. Lavergne, revenant à lui, la regardait avec angoisse. Ne t'alarme pas, lui dit-elle, je n'aurais pu vivre sans toi, nous allons mourir ensemble. Le souvenir de cette vaillante femme protégera la mémoire du commandant de Longwy ; l'héroïsme de Victoire Resnier a couvert et racheté la faiblesse de Lavergne[20].

 

 

 



[1] Dès le 15 août, l'Assemblée législative avait, sur la proposition de Merlin de Thionville, transféré à Metz le siège de l'assemblée électorale qui devait d'abord se tenir à Longwy. — Voir sur le siège de Longwy les documents du dépôt de la guerre ; les lettres et mémoires justificatifs du commandant Lavergne (lettre à Luckner, 25 août ; Moniteur du 2 septembre ; autre lettre du 27 décembre) ; les pièces relatives à la capitulation dans le dossier de Lavergne (arch. nat., W, 341, dossier 640) ; et parmi elles, le mémoire d'un témoin oculaire, p. 69 ; la Relation du siège par les corps administratifs : le rapport de Guadet sur la reddition (Moniteur du 2 septembre) ; l'Essai sur l'histoire de Longwy, par M. C***, Metz, 1829, p. 38-48 (l'auteur de cet ouvrage se nomme non pas Courtois, comme on le lit dans une note de l'exemplaire de la Bibliothèque de Metz et dans le catalogue de la Bibliothèque nationale, mais Charles Clauteaux) ; Minutoli, der Feldzug, 98-101 ; Renouard, Gesch. des franz. Revolutionskrieges, 1865, p. 128-131 : Gebler, art. cité de la Milit. Zeitscheift autrichienne ; et surtout la Minerva d'Archenholz, 1792, p. 503-514, lettre d'un officier supérieur prussien qui assistait au siège. M. Dommanget a fait, le 22 septembre 1870, à la Société d'archéologie et d'histoire de Metz, pendant le siège de cette ville, devant le général Zentz et un certain nombre d'officiers et de soldats blessés, une conférence sur Longwy en 1792, qui fut publiée sur papier jaune par le Vœu national (21, 23 et 26 octobre 1870) ; ce n'est qu'une reproduction du travail de Clauteaux.

[2] Mézières, Récits de l'invasion, 2e édit., 1881, p. 156.

[3] Victor de Broglie à Servan, 22 mai 1792 (arch. guerre).

[4] Minutoli, der Feldzug, 101 ; Lavergne à Luckner, 25 août (arch. guerre) ; Relation, 7 ; Minerva, 514 : die ganze Festung zerrüttet und elend. D'ailleurs il est aisé de bombarder la place des hauteurs voisines ; les batteries postées sur le mont du Chat, à deux mille pas, s'élèvent au même niveau que les remparts.

[5] Mém. de Lavergne, Moniteur du 30 septembre.

[6] Rémin., 151 ; Minerva, 1792, p. 508.

[7] Rapport de Guadet.

[8] [Clauteaux], Hist. de Longwy, 46 : cf. Lombard, Lettres, 299.

[9] L'abominable émigration de M. de Lafayette ne contribua pas peu à me décider (Lavergne à Luckner).

[10] Tout Longwy partageait l'injuste colore du témoin oculaire contre Lafayette ; le juge de paix Claude, ancien constituant, écrit au président de rassemblée (p. 48 du procès de Lavergne) que Lafayette ai livré Longwy en faisant retirer son armée qui campait sous les murs di la ville. Le procureur-général syndic de la Moselle dit aussi que Lafayette avait livré Longwy à ses propres forces (p. 7).

[11] Capitulation du 23 août (arch. guerre).

[12] Le 3e bataillon des Ardennes à l'Assemblée, Moniteur du 31 août.

[13] Ma plume, dit il encore, se refuse à retracer les circonstances du désarmement. J'ai vu la garnison soumise à la plus grande humiliation qu'aient jamais éprouvée des cœurs français. Au milieu des colonnes d'esclaves, des Français, des hommes libres, contenus par les canons de la place, posèrent leurs armes ! Ô Français, Français, levons-nous tous pour venger cet outrage sanglant et exterminons cette horde de barbares !

[14] Moniteur de l'armée, 1868, n° 66, Souvenirs du comte de L*** (Logny).

[15] Minutoli, Erinnerungen, et der Feldzug, 100 ; Rémin., 155 ; ce suicide a fait moins de bruit que celui de Beaurepaire, mais on ne sait pas s'il fut inspiré par les mêmes motifs. Lavergne se plaint très vivement de ce colonel : Furieux de ce que je commandais, il partit en poste pour demander de faire sortir son régiment. En vain je lui dis a son retour qu'ii fallait nous réunir pour le bien commun ; il ne put digérer cela ; il n'est pas de mauvais conseils, d'avis faux, d'insinuations perfides dont il ne m'ait entouré. Les administrateurs de Longwy disent dans la Relation du siège, 21-25, qu'il comptait sur le commandement et avait donné sa parole d'honneur de rendre la place sans tirer un seul coup de canon, qu'il se noya, désespéré sans doute d'avoir manqué son coup.

[16] Gœthe, 17-19 ; Rapport du procureur-général syndic de la Moselle (arch. nat., W, 341. doss. 640, p. 7).

[17] Lombard, Lettres, 314-315.

[18] Il mentait évidemment, lorsqu'il déclarait devant les commissaires du district de Bourmont que ce décret ne lui était pas officiellement parvenu et que, pendant les quinze jours qui précédaient la capitulation, il n'avait eu aucune nouvelle de France (pièce 13 du procès).

[19] Journal des Jacobins, 11 octobre (séance du 9), et Moniteur du 30 septembre, pièces diverses du procès de Lavergne.

[20] Arch. nationales, W. 341, dossiers 640 et 643, pièces diverses ; cf. Wallon, Hist. du trib. révol., III, 88-98 ; Campardon, Hist. du trib. révol., 1862, I, 379-384.