I. Marche des Prussiens. Coblenz, Trêves, Montfort. La frontière franchie à Redange. La première nuit sur le sol français. Sac de Tiercelet et de Bréhain. Pillage et réquisitions. Enlèvement de troupeaux. Traites sur Louis XVI. — II. Succès des Prussiens. Prise de Sierck, de Rodemaker et d'Ottange. Combat de Fontoy. Les hussards de Wolfradt. — III. Irritation et résistance des paysans. Le curé d'Aumetz. Méfiance des Prussiens. Courage de nos soldats à Sierck et à Fontoy. Inquiétudes de Brunswick. Les deux lettres de Gorani. Lettre de Hohenlohe à Luckner et son entrevue avec Deprez-Crassier.I. A la fin du mois de juin, l'armée prussienne s'était ébranlée vers le Rhin, en cinq colonnes : la première colonne — régiments westphaliens —, par Mühlheim, Königswinter et Neuwied ; la deuxième, par Gotha, Nordheim, Cassel et Marbourg ; la troisième, qui se réunit à Halle, par Mersebourg Erfurt et Eisenach ; la quatrième, composée de troupes de la Basse-Silésie, par Dresde, Chemnitz, Zwickau, Saalfeld et Gelnhausen ; la cinquième, formée de régiments de la Haute-Silésie, par Prague, Würzbourg, Stockstadt, Wiesbaden et Nassau. Coblenz était le rendez-vous de l'invasion. Toute l'armée s'y rassembla le 19 juillet ; les émigrés avaient reculé dans le Hundsrück pour lui faire place ; elle campa sur la rive gauche de la Moselle, à Rühenach. On avait fait gaiement cette longue marche de vingt jours. Du fond de la Prusse jusqu'à Coblenz, dit un témoin oculaire, on n'entendait que rires et joyeuses chansons, on souhaitait de vivre toujours ainsi. Les officiers du régiment de Weimar ne s'étaient jamais mieux divertis. Que d'aventures curieuses, au sortir de la vie monotone de garnison ! Quel plaisir d'aller de l'avant et de voir du pays ! Que n'avait-on pas à raconter ! Que de plaisanteries sur les bons et les mauvais gites, sur les hôtes, tantôt grossiers, tantôt froidement polis, tantôt aimables et complaisants, sur les couvents de nonnes si nombreux en Westphalie, sur les curés et les chanoines des électorats, sur les jolies femmes qu'on avait rencontrées, sur les voitures versées, les roues brisées et les mille incidents de ce voyage à petites journées à travers l'Allemagne[1] ! Tout changea dès qu'on lut arrivé à Coblenz. Le roi passa des revues et donna des bals ; mais son armée manqua de vivres. Les fours de campagne qu'on devait établir au pied de l'Ehrenbreitstein, n'étaient pas encore arrivés ; ils ne pouvaient précéder l'avant-garde, dit ironiquement Massenbach, c'eût été offenser l'étiquette. Les boulangers firent défaut ; on croyait en trouver sur les bords du Rhin ; personne ne se présenta. Ceux qu'on voulait engager se dérobèrent parce qu'ils craignaient d'être enrôlés dans l'armée. Hohenlohe dut acheter, de ses propres deniers, dans les villages des environs de Coblenz, le pain de son avant-garde[2]. Enfin, le 30 juillet, après une semaine d'insupportable inaction, lorsque la boulangerie, installée tant bien que mal, eut cuit assez de pain pour neuf jours, l'armée quitta le camp de Rübenach, en trois colonnes, et se dirigea sur Trêves. La marche fut pénible : on traversait, par un temps très chaud, sur la rive gauche de la Moselle, la région de l'Eifel, difficile, montueuse, pleine de ruisseaux et de défilés étroits. Les soldats changèrent plaisamment le nom du Martinsthal ou Vallée de Martin en celui de Marterthal ou Vallée du Martyre[3]. L'armée n'arriva que le 5 août à Trêves. Elle campa le lendemain à Pellingen, le front couvert, par la Moselle et la Sarre, la droite appuyée au couvent de la Chartreuse, et la gauche à Consarbrück. Elle resta sept jours dans ce campement. Encore un nouveau solstice, disait Massenbach. Il fallait donner quelque repos aux troupes et surtout aux chevaux de l'artillerie et du train, réparer les désordres d'une marche commencée depuis six semaines, cuire de nouveau du pain pour neuf jours. Qu'une armée est une machine terriblement compliquée, s'écriait le secrétaire Lombard, et que de ressorts on doit faire jouer pour la mettre en mouvement ! Peut-être Brunswick voulait-il attendre l'impression que ferait sur la France la nouvelle de son approche ; il comptait encore sur la défection de l'armée de ligne, et s'imaginait qu'elle viendrait à sa rencontre. On vit, en effet, le 40 août, entrer au camp de Pellingen quelques déserteurs de l'armée de Lafayette ; ils contèrent faussement que les troupes de Sedan étaient dans la plus grande détresse et que la moitié des soldats attendaient l'arrivée des alliés pour se ranger sous leurs drapeaux. Mais, pendant ce temps, l'ardeur belliqueuse des Prussiens s'attiédissait ; la chaleur était extrême ; les soldats buvaient avidement l'eau malsaine et sale de la Moselle où on lavait le linge de l'armée, et où les chevaux se baignaient tout le jour ; les maladies commençaient à sévir[4]. Le 12 août, l'armée prussienne quitta Consarbrück. Deux jours après elle campait à Montfort, petit village du pays de Luxembourg. Elle y lit line nouvelle halte qui dura jusqu'au 18 août : Brunswick prenait ses dernières mesures pour assurer l'approvisionnement des troupes. C'est dans ce camp de Montfort qu'on apprit la journée du 10 août. A cette nouvelle, Frédéric-Guillaume déclara qu'il fallait marcher aussitôt sur Paris. Les émigrés, plus puissants que jamais sur l'esprit du monarque, assurèrent que l'insurrection qui renversait la royauté, soulèverait l'horreur de toute la France ; que les forteresses se rendraient sans tirer un coup de canon : que l'expédition ne devait être qu'un coup de main ; qu'il suffisait de courir avec impétuosité sur la capitale sans se donner ni le temps, ni la peine de faire venir l'artillerie de siège. L'armée prussienne avait cru jusqu'alors que le manifeste de son général frapperait d'épouvante ceux qu'on appelait les patriotes et les rebelles ; elle commençait à croire qu'il en serait de cette campagne comme des promenades militaires des années 1790 et 1791 en Silésie ; un grand nombre de soldats étaient déjà fatigués et ne cachaient pas leur lassitude. Mais le 10 août changeait tout ; les dés étaient jetés ; il fallait envahir la France. Ah ! les maudits chiens de patriotes, on les pendrait et les ferait mourir sous la roue ! La vue des prisonniers que faisait l'avant-garde augmentait la colère et l'exaspération. C'étaient, pour la plupart, des jeunes gens, presque des enfants, à peine vêtus. Et l'on avait enduré les souffrances d'une longue marche pour venir combattre cette canaille ! On n'avait pas encore franchi la frontière ! On hésitait à charger ce ramas de misérables ! L'armée jura de ne pas faire de quartier et de tuer tout ce qui se présenterait[5]. Ce fut le 19 août que les Prussiens entrèrent en France,
près du village de Redange. Le moment critique, écrivait Fersen à
Marie-Antoinette, est arrivé, et mon âme en frémit ; Dieu vous conserve tous,
c'est mon unique vœu[6]. Mais déjà les
éléments semblaient déclarer la guerre aux futurs sauveurs de la monarchie.
Il faisait froid comme au mois de novembre ; le vent était âpre, le ciel
sombre. Pendant que le roi et le duc de Brunswick opéraient leur première
reconnaissance en pays ennemi et marquaient l'emplacement du camp entre
Tiercelet et Bréhain-la Ville, l'armée s'arrêtait sur une hauteur. Bientôt la
pluie tomba el, de plus en plus violente, fouetta les visages de ses gouttes
glacées. Quel temps de mauvais augure !
s'écrie un des témoins de la campagne. Les hussards,
enveloppés de leurs manteaux blancs, m'apparaissaient à travers la pluie
comme des ombres minces et flottantes. Partout où l'on voyait un saule, on se
plaçait sous ses branches tremblantes pour n'y trouver qu'un faible abri
contre l'orage. Les soldats furent mouillés jusqu'aux os, et,
lorsqu'au bout de deux heures, vint l'ordre de se remettre en marche, ils
étaient transis de froid. Ils se rendirent au camp à travers une boue aussi
gluante que la colle ; aucun d'eux n'aurait pu charger son fusil et se
défendre contre l'assaillant. Les bagages avaient été retardés par les
mauvais chemins ; il fallut les attendre en plein air sous l'averse
incessante. Les plus heureux étaient ceux que les officiers envoyaient dans
les villages voisins chercher du bois et de la paille ; ils couraient de tous
côtés et prenaient du mouvement pendant que leurs camarades recevaient la
pluie sans bouger et maugréaient contre ce méchant pays de France. Enfin les
tentes arrivèrent. C'était la première nuit que les Prussiens passaient sur
le sol français ; ils dormirent péniblement, les uns sur une paille humide,
les autres dans la boue qui les couvrait de la tête aux pieds ; il n'y avait
pas, dit le prince royal, un seul endroit sec dans ce prétendu camp. Dès le
lendemain, des soldats, pris de fièvre et incapables de marcher, se faisaient
transporter à l'hôpital[7]. On se vengea de l'inclémence de la saison et des retards de l'intendance sur les habitants du pays. Dès le soir du 49 août, sans l'intervention généreuse de Lombard et du prince royal, le régiment de Herzberg aurait saccagé le village de Tiercelet, et d'impudents pillards avaient tenté d'enlever les volets de la chambre où reposait Frédéric-Guillaume. Le lendemain, lorsque le roi de Prusse eut quitté le camp, les soldats, se croyant sûrs de l'impunité, envahirent Tiercelet et Bréhain-la-Ville. Leur rage était indescriptible ; ils entrèrent dans les maisons, enfoncèrent toutes les portes, brisèrent tous les meubles. Rien ne leur échappa ; ils détruisirent ce qu'ils ne pouvaient emporter ; le sol était jonché de plats de faïence, mis en pièces, et d'assiettes cassées en mille morceaux. Les femmes et les vieillards se lamentaient vainement et jetaient des cris de douleur : Ô mon Dieu ! misère ! misère ! ; mais les soldats, ricanant et les traitant de patriotes, poursuivaient leur œuvre de pillage et de destruction ; les officiers les laissaient faire. Frédéric-Guillaume avait logé la veille dans la métairie de Bréhain-la-Cour et donné quelques écus à son hôte. On enleva l'argent du fermier, on lui ravit tout son linge, on massacra son troupeau — de quinze cents brebis et de cinq cents porcs, — on déshabilla et jeta à terre ses petits enfants, on prit jusqu'aux draps des berceaux. En une heure, de jolis villages n'étaient plus qu'une affreuse solitude. Le roi fut irrité ; il donna les ordres les plus sévères ; il commanda que les sentinelles fissent feu sur tout soldat qui violerait la propriété de l'habitant ; il condamna deux des pillards à être pendus ; il cassa le colonel d'un des régiments qui s'étaient le plus signalés parleurs excès. Mais le mal était fait ; on avait, écrit Lombard, couvert de honte le nom prussien et pris le bon moyen pour faire de la France un seul parti et soulever la nation entière contre l'envahisseur[8]. Au bout de quelques jours, les déprédations, un instant interrompues, recommencèrent de plus belle. On fit en quelques endroits les exécutions militaires qu'annonçait le manifeste. On traita la France en pays conquis ; on prit aux paysans leur pain et leur bétail, on réquisitionna leurs voitures et leurs chevaux. Lorsqu'ils osaient se plaindre, on leur donnait un bon au nom de Louis XVI qui devait payer lorsqu'il serait rétabli sur le trône, les dépenses de ses alliés[9]. Gœthe raconte qu'il vit amener au camp prussien des bergers avec leurs troupeaux : on fit bonne mine à ces pauvres gens, ou leur témoigna de grands égards, on leur demanda leurs noms, on compta leurs bêtes avec soin, puis, tandis qu'un officier leur offrait très poliment une traite sur le roi de France, leurs moutons furent égorgés et répartis entre les régiments et les compagnies. Je ne vis jamais, dit Gœthe, une scène plus cruelle ni une douleur plus mâle et plus profonde dans toutes ses nuances ; la tragédie grecque offre seule des choses aussi simples et aussi saisissantes[10]. II. Cependant les Prussiens franchissaient la frontière sur tous les points, entre la Moselle et la Chiers, et refoulaient devant eux les détachements français. Pas un engagement, pas une légère escarmouche qui ne fût favorable à leurs armes. Partout se montrait la supériorité des troupes réglées, organisées puissamment et de longue date, fortes de leur discipline et de leur vieille renommée sur une armée jeune, prise au dépourvu et que son chef, l'incapable Luckner, ne savait pas diriger. Le 11 août, un détachement de l'avant-garde de Hohenlohe entrait dans la petite ville de Sierck, occupait le château, tuait ou blessait 24 Français, faisait 40 prisonniers et s'emparait d'un canon, d'un drapeau, de cent fusils et d'une grande quantité de poudre qu'il jetait dans la Moselle[11]. Le 15 août, un autre détachement pénétrait, sans coup férir, dans le château de Rodemack, évacué la veille, sur l'ordre de Luckner, par le quatrième bataillon des volontaires de Seine-et-Oise. Le lendemain (16 aoùt), Hohenlohe paraissait devant le château d'Ottange que défendaient 600 Français. Il établit une batterie sur une hauteur en face de la forteresse. Au bout de quelques instants, la garnison se retira sur Fontoy ; elle fut poursuivie dans la plaine par la cavalerie prussienne qui lui tua dix hommes et lui fit une trentaine de prisonniers[12]. Le 19 août avait lieu le malheureux combat de Fontoy ou d'Aumetz. Fontoy est dans une gorge, sur la source principale de la Fensch. C'était là que campait l'avant-garde de l'armée de Luckner. Elle avait à sa tête un loyal soldat qui ne devait qu'à sa bravoure son grade de maréchal de camp : Deprez-Crassier, officier précieux, disait Luckner, sous les rapports civils et militaires[13]. Le matin du 19 août Deprez-Crassier avait quitté Fontoy, avec deux compagnies de grenadiers et cinq escadrons, pour faire une reconnaissance et préserver du pillage le village d'Aumetz menacé la veille par les hussards prussiens. Il vint, dans le brouillard, se heurter à l'avant-garde de Hohenlohe. Convaincu de la supériorité numérique de l'adversaire, il donna l'ordre de la retraite. Son infanterie avait une lieue de plaine à traverser ; mais sa marche fut couverte par la cavalerie ; elle eut le temps de se retirer en bon ordre et de se jeter dans les bois. Les escadrons français prirent alors le galop ; mais les hussards de Wolfradt les suivaient de près comme de vrais diables. C'était un des régiments les plus célèbres de l'armée prussienne. On l'avait surnommé le régiment des bouchers ; ses hommes, originaires pour la plupart de la Haute-Silésie et de la partie polonaise de cette province, étaient de grands gaillards, hauts en couleur, rudes, incultes, qui cachaient parfois un bon cœur sous leur grossière écorce : un d'eux, après le combat, donnait à un de nos chasseurs qu'il avait blessé, son pain de munition et sa gourde d'eau-de-vie. Ces hussards de Wolfradt ou, comme on les appelait aussi, les hussards bruns firent une charge si vigoureuse que la retraite des escadrons français se changea bientôt en déroute. Un grand nombre de nos cavaliers roulèrent avec leurs chevaux au fond des fossés dont la campagne était pleine ; les autres résistèrent avec acharnement ; les hussards en tuèrent ou blessèrent près de deux cents, et ramenèrent quatre-vingts prisonniers[14]. L'heureuse issue de ce combat de cavalerie excita l'enthousiasme de l'armée prussienne. Ces commencements, dit Nassau-Siegen, étaient faits pour donner de l'espérance. Le roi nomma le colonel Wolfradt général-major et donna l'ordre du mérite à plusieurs officiers de hussards. Personne ne douta plus du succès de l'expédition et d'une marche victorieuse, irrésistible sur Paris. III. Pourtant quelques esprits perspicaces demeuraient inquiets. Tout ce qu'ils voyaient autour d'eux, depuis les premiers pas des Prussiens sur le territoire français, les remplissait de défiance. Il leur semblait que les alliés s'enfonçaient dans l'incertain et l'inconnu. Ils comprenaient qu'on s'était fait illusion sur la situation de la France, sur les sentiments de sa population, sur la valeur de son armér. Toutes les personnes qui viennent du camp prussien, écrivait Fersen, ne parlent que des mauvaises dispositions du pays conquis. A Redange, au seuil même de la France, les habitants gardaient le silence sur le passage de l'envahisseur. Plus loin, et à mesure que se répandait le bruit de leur approche, les Prussiens ne trouvaient dans les villages que les enfants et les femmes, des femmes, dit Lombard, qui cachaient par leurs larmes et une complaisance hypocrite les desseins secrets de leurs maris. Les hommes s'étaient enfuis ; mais quelques-uns, embusqués dans les bois, massacraient les traînards et les soldats isolés. On a blessé, écrivait un Prussien, plusieurs de nos maraudeurs dans les buissons sans qu'on sût d'où partaient les coups. Il y eut dans certains villages des patriotes résolus qui tirèrent de leurs fenêtres sur les premiers Prussiens qui se présentaient. A Sierck, une femme, s'armant d'un fusil, avait tué un hussard qui voulait pénétrer dans sa cave. Lorsque les ennemis étaient entrés à Aumetz, le curé de l'endroit avait fait feu sur l'officier qui commandait le détachement et l'avait blessé à la joue. Les envahisseurs n'osaient passer la nuit dans les maisons qu'après les avoir fouillées du toit jusqu'au sous-sol, et ils y découvraient toujours de la poudre, des balles et des armes. Ils craignaient d'être empoisonnés par l'habitant. Ils croyaient que les Français avaient infecté l'eau des puits et des fontaines. Le fusilier Laukhard, entrant dans une ferme avec ses camarades du régiment de Thadden, se vit offrir une assiette de soupe ; il avait faim et mangea, mais ses compagnons n'osèrent l'imiter et lui dirent qu'il avait tort de se fier aux patriotes. Tout ce que nos hôtes nous donnaient, raconte Gœthe, et jusqu'au pain que cuisaient nos boulangeries, nous devenait suspect. Ces Français, s'écriait un secrétaire de Frédéric-Guillaume, ont vraiment un-Col enthousiasme pour leur cause, et leur acharnement contre nous dépasse la mesure et les moyens permis ; ils sont prêts à suivre le premier qui leur jette à la tète les mots de liberté et de despotisme[15] ! Quoique battus et mis en fuite dans les premières rencontres, nos soldats avaient lutté avec un courage et une opiniâtreté qui surprenaient les Prussiens. A Sierck, les uns s'étaient jetés dans des barques qui les avaient portés sur l'autre rive de la Moselle d'où ils tiraient encore sur l'ennemi ; les autres s'étaient défendus énergiquement dans les maisons ; les Prussiens durent enfoncer les portes de la ville. A Fontoy, les chasseurs à cheval s'étaient battus en désespérés. Comment ! s'écriait un émigré, ces gueux-là osent se défendre ! Vainement on leur offrait la vie sauve : ils ne voulaient pas accepter de quartier et préféraient mourir en criant : Vive la liberté ! Les prisonniers gardaient une fière attitude et ne s'étaient rendus qu'à l'extrémité, le corps tout couvert de blessures. L'un d'eux, la mâchoire en sang, disait au prince royal qui trouva ce bon mot très français : Ils m'ont rasé d'un peu trop près. L'habileté du chef égalait la bravoure des soldats. Les hussards prussiens, emportés par leur ardeur, s'étaient avancés en vue du camp de Fontoy ; mais un détachement d'infanterie, se jetant sur leurs flancs,- avait menacé de leur couper la retraite, et les batteries du camp les avaient pris en écharpe ; un boulet atteignit le cheval de Hohenlohe et le prince n'osa suivre son avantage[16]. Moins que jamais Brunswick se croyait assuré de la victoire. Le baron de Salis, raconte Mallet du Pan, m'assura que lorsqu'on sut la prise de Sierck et quelques coups de fusil tirés des fenêtres sur les alliés, le duc fut déconcerté et lui parla avec inquiétude de ces coups de fusil. M. de Salis lui dit qu'il suffisait de faire punir les tireurs et de raser leurs maisons. Mais le duc frappé, hésita sur l'exemple : il n'en revenait pas ; il était absolument troublé[17]. Deux lettres successives qu'il avait reçues de Gorani, l'aventurier italien, avaient fait sur son esprit une impression profonde. Ces deux lettres étaient écrites avec beaucoup de force et d'habileté ; Brunswick les lut attentivement ; elles lui donnèrent à réfléchir et accrurent de plus en plus ses inquiétudes et ses secrètes répugnances pour la guerre[18]. Dans sa première lettre, datée du 4 août, Gorani disait au duc qu'il ne pouvait regarder le souverain le plus éclairé de l'Allemagne comme l'auteur du manifeste. Les émigrés avaient donc égaré son jugement ! Comment s'était-il engagé dans une guerre à la fois injuste et impolitique ? Ne savait-il pas que le meilleur moyen de préserver l'Europe du mal français, c'était d'abandonner les Français à eux-mêmes et de les laisser vider leur querelle entre eux ? Le peuple, ajoutait Gorani, connait désormais ses droits et sa force ; semblables aux Romains qui mettaient à l'enchère les champs où campait Annibal, les Français achetaient les biens nationaux même dans les provinces de l'Est. On ne ferait pas trembler Paris comme Berlin avec un petit corps de troupes comme celui de Hadik. L'armée prussienne ne pourrait subsister en France. Durant la guerre de Sept-Ans, elle n'avait rien à craindre des paysans allemands accoutumés depuis longtemps aux avanies et toujours effrayés par le bâton des soldats. Mais que ferait-elle contre les paysans français ? Supposons, continuait Gorani, que vous veniez à Paris ; que de risques vous courrez au milieu de ce peuple enivré du fanatisme de la liberté ! Supposons même que vous soumettiez Paris ; croyez-vous faire la contre-révolution ? Vous enchainerez Paris, mais les départements vous prépareront des fers. Croyez-moi, concluait Gorani, renoncez à une entreprise qui n'est fondée que sur des renseignements infidèles et qui ressemble aux tentatives de don Quichotte. Cette lettre prédisait à Brunswick que l'entrée des Prussiens en France ne ferait que précipiter la déchéance de Louis XVI. Le second avertissement de Gorani était daté du 14 août : Voilà donc, disait-il à Brunswick, l'effet qu'a produit votre manifeste Il n'y a plus de royalistes à Paris, ou s'il y en a, ils n'oseront se montrer. Il engageait le duc à désavouer les outrageantes menaces qu'il avait prononcées. Je vous le répète, monseigneur, on ne parle pas un tel langage à une nation de vingt-sept millions d'hommes. On serait tenté de croire, en vous entendant, que vous avez déjà gagné sept ou huit batailles. Un héros ne sait s'exprimer qu'avec dignité ; il doit éviter les fanfaronnades déshonorantes ; c'est une folie d'insulter une nation avant de l'avoir vaincue, et une bassesse de l'insulter après. Gorani terminait cette lettre en affirmant de nouveau que le duc était trompé par les émigrés, que l'entreprise dont il s'était chargé dépassait les forces humaines, qu'il portait à la royauté française le coup le plus mortel en croyant lui rendre service, et que loin de se couvrir de gloire, il perdrait dans cette guerre sa réputation. Les prédictions de Gorani se réalisaient déjà. Vainement les Prussiens essayaient de mêler la politique aux armes et de mettre dans leur parti l'armée de ligne et ses généraux. Ils ne gagnaient personne à leur cause. Deux jouis après le combat de Fontoy, Hohenlohe proposait à Luckner de se joindre à lui pour rendre à Louis XVI l'autorité royale[19]. La captivité du roi, écrivait-il au maréchal, le renversement absolu de l'ordre primitif essentiel, l'oubli de la religion, l'esprit de révolte et de séduction dans l'Europe entière, tout cela vient d'armer les plus grands souverains contre le gouvernement factieux de la France, et le roi, mon maitre, vole lui-même au secours de son frère opprimé. Que je serais heureux, ajoutait Hohenlohe, de combattre les ennemis du véritable bonheur de la France, joint à vous ou même sous vos ordres ! Luckner ne répondit pas et envoya la lettre du Prussien au ministre de la guerre. Le même jour, Hohenlohe demandait un rendez-vous à Deprez-Crassier, sous prétexte de causer avec lui du traitement des prisonniers. La conférence eut lieu en avant de Fontoy, sur la route de Longwy. Deprez-Crassier était accompagné d'un aide de camp et de trois ordonnances ; ses troupes, postées sur le front du camp, assistaient de loin à l'entrevue, la première de ces entrevues de généraux qui devaient être, dans cette campagne, plus nombreuses que les combats. Le premier officier que rencontra Deprez-Crassier fut le prince de Nassau-Siegen, qui lui parla de la journée du 10 août. Serait-il possible, dit Nassau, qu'un galant homme comme vous servit le roi Pétion ? Je ne sais rien officiellement, répliqua Deprez-Crassier, je suis soldat et je ne pense qu'à faire mon devoir, à servir la patrie libre et le roi. A cet instant, parut Hohenlohe, suivi d'une vingtaine d'officiers et de deux escadrons qui se rangèrent en bataille derrière lui. Deprez-Crassier a reproduit son entretien avec Hohenlohe mot pour mot, dans un rapport qu'il envoyait le soir même à Luckner. Cette conversation, si fidèlement retracée qu'on croit l'entendre, est de l'histoire véritable et réellement vivante. On la reproduit ici, sans la résumer, dans son naturel et sa sincérité : elle peint mieux que le récit le plus étudié le monde militaire delà fin du XVIIIe siècle et surtout l'état d'esprit d'un grand nombre d'officiers français attachés, comme Deprez-Crassier, à la dynastie qu'ils servent depuis longtemps, mais comme lui, fermement résolus à refuser tout pacte avec l'étranger et à faire leur devoir de soldat. HOHENLOHE. Je souhaite, général, que nous fassions la guerre avec humanité. DEPREZ-CRASSIER. Je le désire, car j'ai été indigné que l'on ait pillé et assassiné des citoyens paisibles. HOHENLOHE. Assassiné ! Non pas. Ils ont osé tirer sur nous ; tout bourgeois qui porte les armes doit périr. DEPREZ-CRASSIER. Tous les Français sont soldats ; mais les vieillards, les femmes, les enfants doivent être respectés. HOHENLOHE. Ils le seront ; le roi a déjà congédié un chef, et j'ai fait passer des soldats par les verges ; à l'avenir, ils seront punis de mort DEPREZ-CRASSIER. Vous m'autorisez à en rendre compte à mon général ? HOHENLOHE. Oui. Nous sommes ici, général, pour rétablir l'ordre et la paix dans le royaume, rendre au roi sa liberté et ses droits, anéantir les factieux ; voyons, général, soyons amis, empêchons l'effusion du sang, unissons-nous pour une cause aussi juste. DEPREZ-CRASSIER. Prince, je veux votre estime, je la mériterai toujours. J'ai déjà répondu à M. de Nassau que je servais la France libre et le roi. HOHENLOHE. Dites des factieux. DEPREZ-CRASSIER. Un soldat n'en connaît point ; il n'obéit qu'aux ordres de ses supérieurs légitimes. HOHENLOHE. Vous changerez. DEPREZ-CRASSIER. Jamais. HOHENLOHE. Un galant homme comme vous doit aimer son roi. DEPREZ-CRASSIER. Oui, le roi des Français libres. HOHENLOHE. Soyons amis, général (il tend la main à Deprez-Crassier) DEPREZ-CRASSIER. Je m'en ferai un honneur. HOHENLOHE. Je vous promets d'avoir le plus grand soin de vos prisonniers. DEPREZ-CRASSIER. Je vous donne ma foi que les vôtres seront traités comme nos frères. HOHENLOHE. J'ai donné quatre louis à votre officier (sans doute un officier français fait prisonnier dans le combat de Fontoy). DEPREZ-CRASSIER. Je vous en suis infiniment obligé. Recevez-les, prince, avec ma vive reconnaissance (il tire quatre louis de sa poche et les présente à Hohenlohe). HOHENLOHE. Je ne les ai pas donnés pour qu'on me les rende. DEPREZ-CRASSIER. Vous ne voulez pas humilier l'officier qui les a reçus et moi qui dois vous les rendre. HOHENLOHE. Eh bien ! vous les donnerez à un officier prussien que vous prendrez. Si l'on eût fait la retraite d'Aumetz quelques minutes plus tard, je prenais votre infanterie. DEPREZ-CRASSIER. Il fallait le faire à temps, devant un général comme vous. HOHENLOHE. Qui commandait ? DEPREZ-CRASSIER. Moi. HOHENLOHE. Vos troupes se sont bien conduites DEPREZ-CRASSIER. Nous ne sommes pas du même avis, et le brave maréchal qui me commande, m'a donné d'autres troupes. HOHENLOHE. Je demande, général, à vous parler à part. (Deprez-Crassier se place à droite du prince, en face du camp de Fontoy et les deux généraux font quelques pas en avant.) DEPREZ-CRASSIER. Si vous le voulez, prince, je vous conduirai à mon camp. HOHENLOHE. Je le veux bien, si vous voulez joindre vos forces aux miennes) pour servir votre roi avec moi. Ce n'est pas par indiscrétion que j'avance ; c'est pour vous parler sans être entendu... J'ai ordre de vous offrir rangs, honneur, fortune si vous voulez vous unir à moi pour arracher le roi de sa prison. DEPREZ-CRASSIER. Ne poursuivez pas, prince, vous m'humiliez ; je ne recevrai jamais rien que de ma nation que je sers. Vous devez m'estimer. Je ne serai jamais un traître. HOHENLOHE. Preuve que je vous estime, c'est que je m'adresse à vous discrètement, pour vous faire connaître que votre bonne foi est abusée ; j'aurais pu vous faire cette proposition par d'autres. DEPREZ-CRASSIER. Elle n'eût jamais été reçue. HOHENLOHE. Encore une fois, ne refusez pas l'offre que je vous fais de la part d'un roi que vous aimeriez sûrement, si vous le connaissiez (Après un instant de silence.) La gauche de votre position n'est pas bonne. DEPREZ-CRASSIER. J'y ai paré et j'aurai plus de gloire à la défendre. HOHENLOHE. Comment se porte M. de Luckner ? DEPREZ-CRASSIER. Bien. HOHENLOHE. Le duc de Brunswick l'aime, il voudrait le voir. DEPREZ-CRASSIER. Dans trois heures mon général sera ici, si vous le voulez. HOHENLOHE. Non, pas dans ce moment. (Deprez-Crassier tire sa montre) Vous n'avez pas diné ? DEPREZ-CRASSIER. Non, et je serai fort glorieux, si vous permettez que je vous invite. HOHENLOHE (après avoir décliné l'invitation). Vous avez augmenté beaucoup vos forces cette nuit ? DEPREZ-CRASSIER. M. le maréchal pourvoit à tout. HOHENLOHE. La grosse artillerie qui vous est arrivée a dû trouver des obstacles. DEPREZ-CRASSIER. La nécessité sait les vaincre. HOHENLOHE. Vous avez là de beaux hommes ; de quels régiments sont-ils ? DEPREZ-CRASSIER. Des cuirassiers, Chartres et Schomberg. HOHENLOHE. Quel est le régiment le plus élevé en hommes[20] ? DEPREZ-CRASSIER. Les carabiniers. HOHENLOHE. Je vous le répète, général, soyons amis, pensez à ce que je vous ai dit. DEPREZ-CRASSIER. Vous avez ma réponse, elle ne variera jamais. HOHENLOHE. Quand vous aurez quelque chose à me mander, écrivez-moi, j'en userai de même. Adieu, général, dînez tranquillement, je vous promets de ne pas vous troubler. A propos, vous m'avez fait lâcher deux coups de canon, dont l'un a brisé ma botte et blessé mon cheval. DEPREZ-CRASSIER. Nos artilleurs savent bien pointer. HOHENLOHE. Je veux vous voir partir, général. DEPREZ-CRASSIER. Permettez que je reste, et je vous préviens que je vais rendre compte de votre conversation au général qui commande. HOHENLOHE. À qui ? DEPREZ-CRASSIER. Au brave maréchal. HOHENLOHE. Bien des compliments de ma part[21]. Après cet entretien, on ne pouvait plus douter que l'armée de Metz se battrait aussi résolument que les chasseurs de Fontoy contre l'étranger qui prétendait étouffer la Révolution et ramener l'ancien régime. Je sers la nation, avait répondu Deprez-Crassier à Hohenlohe, et un mois plus tard, l'armée de Metz, dont il avait exprimé le sentiment, criait : Vive la nation ! devant les colonnes prussiennes qui n'osaient l'attaquer. Mais personne encore, même dans le camp français, ne prévoyait Valmy. Tout réussissait aux Prussiens ; le plan de Brunswick s'exécutait et les alliés venaient d'obtenir un nouveau succès qui avait une bien autre portée que le combat de Fontoy, parce qu'il donnait à l'envahisseur une des entrées principales de la France et jetait la consternation jusque dans Paris. Deux jours après son entrevue avec Hohenlohe, Deprez-Crassier recevait du prince le billet suivant : Je me hâte de vous donner des nouvelles que vous ignorez apparemment encore et qui pourront vous intéresser surtout après la conversation que nous eûmes ensemble. Longwy s'est rendu à discrétion hier au soir, vers les dix heures[22]. |
[1] Témoin oculaire, I, 92 ; Gœthe, Camp. de France, 20.
[2] Massenbach, I, 29-30.
[3] Gœthe. Camp, de France, 20 ; Témoin oculaire, I, 92-95 ; Laukhard, III, 77.
[4] Massenbach, Mém., I, 33 ; Lombard, Lettres, 247 et 247 ; Minutoli, Erinnerungen, 33 ; Témoin oculaire, I, 97-98.
[5] Minutoli, Erinnerungen, 39 et der Feldzug, 79 ; Lombard, Lettres, 248 ; Laukhard, III, 99 ; Renouard, 104.
[6] Fersen, II, 338, 339, 343.
[7] Rémin., 149-150 ; Témoin oculaire, I, 109 ; Laukhard, III, 106, 110-111 ; Semen und Bewerkungen aus meinen Feldpredigerleben 1792, (par un anonyme silésien), 62 ; Strantz, 27.
[8] Strantz, 28 ; Témoin oculaire, I, 111-112, 114-115 ; Rémin., 150 ; Lombard, Lettres, 293-2ÎJ4 : Laukhard, III, 107-111 ; Gœthe, Camp. de France, 14 ; Caraman à Breteuil (Fersen, II, 355).
[9] La formule de ces bons était curieuse ; voici celui que donna le duc de Brunswick aux habitants de Hans : Le village de Hans en Champagne a livré pour l'armée prussienne 117 moutons dont S. M. le roi de France s'engage à payer la valeur, lorsque sa personne sacrée sera libérée et l'ordre rétabli dans ses états ; en foi de quoi, je donne sous la garantie spéciale de S. M. prussienne, la présente quittance qui pourra être réalisée et échangée contre la valeur des susdites denrées en temps et lieu. Hans en Champagne, le 29 septembre 1792. Charles-Guillaume-Ferdinand, duc de Brunswick-Lünebourg. J'espère, disait Dumouriez à Servan, faire un jour acquitter cette quittance au roi de Prusse dans ses états de Clèves et de Gueldre. (Lettre du 2 octobre. Moniteur, du 5.) Le bon billet qu'a la commune de Haas ! disait le Patriote français (6 octobre).
[10] Gœthe, Camp. de France, 27 ; Lombard, Lettres, 300 ; Témoin oculaire. 1, 115. Cf. la Relation du siège de Longwy, par les corps administratifs, p. 28-29. A Cutry, un sieur Maugin fut tué par des hussards qui l'accusaient de vouloir les empoisonner ; un autre qu'on trouva revêtu de l'habit de garde national, fut pendu ; un troisième qui se disait patriote, fut assommé. A Beuveille, un détachement prussien massacra un citoyen réfugié derrière le four banal, et sans le curé qui se jeta aux genoux du commandant, le village eut été la proie de l'incendie. Trois femmes furent violées à Doncourt et une autre à Lexy. A Villerupt, la maison de l'administrateur du district Jeanjean fut pillée ; à Tiercelet et à Aumetz, Petit, président du département, et Guissard, chef de la légion du district, prirent la fuite, et leurs têtes furent mises à prix. Trois maisons des environs de Longwy, Soxey, La Colombe et Bellevue furent ravagées et livrées aux flammes parce qu'elles appartenaient à des jacobins. Tous les jours des habitants de la banlieue de Longwy venaient se plaindre et gémir dans le cabinet du procureur-syndic du district, d'avoir reçu des coups de bâton ou de plat de sabre.
[11] Jusqu'en 1866 le château de Sierck était classé comme place forte et entrait dans le système défensif du pays : il fut à cette époque déclassé et vendu (de Bouteiller, Dict. topographique de la Moselle).
[12] Minutoli, der Feldzug, 73-81.
[13] Luckner à Clavière, 22 août (arch. guerre). Deprez-Crassier servait depuis 1745 ; il avait fait la guerre d'Italie au régiment suisse de Vigier, puis celle de sept ans au régiment de Royal Deux-Ponts et avait été blessé à Rossbach et à Sondershausen. Réformé à la paix, avec ses cinq frères qui servaient dans la même brigade, il obtint le traitement de capitaine allemand réformé, comme originaire du pays de Vaud. En 1773 il fut nommé lieutenant-colonel. Il suivit Maillebois en Hollande d'abord comme colonel, puis comme adjudant-général. Député du bailliage de Gex aux Etats généraux, il appartint a la minorité de la noblesse et fut le premier à quitter la salle pour se réunir à la chambre des communes. Il avait repris du service et obtenu le grade de maréchal de camp en 1791 (Deprez-Crassier à la Convention, 1793, p. 4-5). Lieutenant-général le 5 septembre 1792, il servit aux armées du Rhin et d'Italie, se retira en 1796 et mourut en 1803.
[14] Luckner à Servan, 19 août (arch. guerre) ; conversation de Deprez-Crassier et de Hohenlohe ; Minutoli, Erinnerungen, 49-50, et der Feldzug, 84-86 ; Gœthe, Camp. de France, 22-23 ; Lombard, Lettres, 20 août, 294 ; Feuillet de Conches, VI, relation de Nassau-Siegen, 340. Le Moniteur du 27 août osa dire que la cavalerie prussienne avait pris la fuite.
[15] Lombard, Lettres, 233 et 293-295 ; Réminiscences du prince royal, 149 ; lettre de Fersen à Breteuil, II, 3G5 : Ditfurth, die Hessen, 53 ; Minutoli, Erinnerungen, 53 ; Gœthe, Camp. de France, 40 ; Laukhard, III, 127-128 ; Strantz, 28. Ce dernier raconte qu'il trouva à Tiercelet tout un arsenal : fusils, tambours, drapeaux.
[16] Minutoli, Erinnerungen, IX et 73, et der Feidzug, 86-88 ; Remin., 150 ; rapport de Deprez-Crassier, 21 août (arch. guerre).
[17] Mallet du Pan, Mém., I, 324.
[18] Cf. Témoin ocul., I, 196, et II, 134 (ep. 138-162, trad. des lettres), et Massenbach, Mém., I, 236. Ces deux lettres ont paru dans le Moniteur du 21 et du 28 août ; mais Massenbach les a vues en original, il les publie en appendice (342-358), et la lettre du 4 août renferme deux passages qu'on ne trouve pas au Moniteur.
[19] Hohenlohe à Luckner, 21 août (daté du camp de Crune) ; Luckner au ministre, 23 août (arch. guerre).
[20] Il demande évidemment dans quel régiment servent les hommes qui ont la taille la plus haute.
[21] Deprez-Crassier à Luckner, 21 août (arch. guerre).
[22] Hohenlohe à Deprez-Crassier, 23 août (arch. guerre).