Le général révolutionnaire. — Ses services. — Sa prudence parfois extrême. — Ses vertus. — Maintien de l'ordre et de la discipline. Système de justice militaire. — Critique franche et hardie des mesures du gouvernement. — Les clabaudeurs de clubs. — Bartagnac. — Peyron. — Les clubistes de Montpellier. — Dugommier, père des soldats. Avancement des officiers. — Buget. — Autres qualités de Dugommier. — Ses propos plaisants. — Son esprit. — Sa bonté. — Sa modestie. — Jugements d'Augereau et de Napoléon.Dugommier est un officier de l'ancien régime : il a pris part à la guerre de Sept Ans ainsi qu'à la guerre de l'Indépendance américaine ; il tonnait le métier militaire ; il a conquis dans les grades inférieurs, sinon la réputation, du moins l'expérience. Lorsqu'il commande des armées, il a déjà dépassé la maturité. Toutefois il est encore vert et vigoureux, il porte gaillardement ses cinquante-cinq ans, et, de même que deux de ses compagnons d'armes aux Pyrénées-Orientales, Dagobert et La Martillière, de même que Dumouriez, il offre l'exemple d'un général qui, malgré son âge, résiste aux fatigues et déploie activité, vivacité, énergie. Il convient à son armée. Ce créole des Antilles a les
passions ardentes qui sont nécessaires en ces temps d'orages. Il a lutté
contre les royalistes à la Martinique. L'ami du
peuple, Marat, le recommande, et Robespierre loue son civisme. Il est
membre de la Convention et il tient le même langage que ses collègues de
l'assemblée. A l'armée des Pyrénées-Orientales, il approuve les arrêtés de
Milhaud et de Soubrany installant le tribunal militaire révolutionnaire et
faisant de sanglants exemples sur les états-majors de 1793. La justice nationale, dit-il, démontre publiquement sur l'échafaud qu'elle est terrible
aux mauvais citoyens, et il déplore que plusieurs officiers aient été
victimes des intrigues de Barbantane et de Bernède.
N'est-il pas en relations cordiales avec nombre de représentants, avec
Chaudron-Roussau, avec Albitte, avec Jeanbon Saint-André ? Il nomme
Chaudron-Roussau un chaud et bon montagnard,
et lui-même se pique d'être ce qu'est Chaudron-Roussau. Il complimente
Albitte qui sait être aussi redoutable aux ennemis de l'intérieur que l'armée
des Pyrénées-Orientales aux Espagnols : Brave
représentant, lui écrit-il, charge au dedans,
je chargerai au dehors. Il regrette de n'avoir pu embrasser Jeanbon
Saint-André à Narbonne et il le félicite d'avoir si efficacement contribué
par sa présence aux succès maritimes de la République : Que ne puis-je me partager et frapper avec toi l'Anglais
sur terre et sur mer ! L'Espagnol s'efforce de conserver l'empire qu'il
usurpa sur la Méditerranée ; c'est à toi, c'est à nos braves marins de le lui
faire perdre, et nous terrasserons ainsi son orgueil sur l'un comme sur
l'autre élément. Il est toujours, comme on disait, à la hauteur.
Lorsqu'il soumet Toulon, il se réjouit d'avoir relevé la liberté et l'égalité
dans le midi de la France, d'avoir vengé la volonté
générale d'une volonté partielle et gangrenée. Il est robespierriste
avant le 9 thermidor : il écrit alors au Comité : Sauvez-nous
des factieux, des intrigants, des athées ; fondez sur la vertu le triomphe de
la République, et il s'indigne que la Gazette de Madrid accuse
Robespierre de viser à la dictature, qu'elle relate avec déplaisir que Danton et les chefs de la dernière conspiration ont été
guillotinés. Après le 9 thermidor, il applaudit au châtiment des tyrans, qui expient sur l'échafaud les vues criminelles de leur extravagante ambition. Il
méprise les émigrés, il les abhorre, il les qualifie volontiers de scélérats. Lorsqu'il dresse la capitulation de
Collioure, il somme le général Navarro de lui livrer ces rebelles, ces traîtres,
connus sous le nom d'émigrés. Dans la correspondance qu'il échange avec La
Union sur l'exécution de la convention, il reproche au gouvernement espagnol
de se laisser guider par des scélérats qui se sont révoltés contre la patrie
: Ils n'ont d'autre tactique que de nous charger des
atrocités qu'ils commettent eux-mêmes, ils disent que nous sommes inhumains
et cruels ; ils nous combattent plutôt par les mauvais conseils qu'ils vous
donnent que par le courage qu'ils devraient montrer à la tête de vos
bataillons. Après la capitulation de Bellegarde, il traduit au tribunal
de l'arrondissement une famille originaire de Céret, qu'il a trouvée dans la
place et qui lui parait suspecte. Il enjoint à Charlet de faire fusiller,
conformément à la loi, un émigré pris les armes à la main. Quand il annonce
au Comité que Lannes a dispersé des émigrés et capturé le capitaine Caillet, ce scélérat, dit-il, a été
fusillé aux cris de Vive la République[1]. Il reconquit Toulon et les places des Pyrénées-Orientales. Dans les années 1793 à 1794, nul général ne rendit peut-être plus de services. Devant Toulon, il a, du premier coup, d'œil, jugé Bonaparte ; il a, dès son arrivée, compris le plan du jeune chef de bataillon, et ce plan, il l'a fait sien, il l'a vigoureusement exécuté. Aux Pyrénées-Orientales, il a réorganisé l'armée, il l'a disciplinée et lui a rendu la confiance, il lui a communiqué sa propre activité, sa propre-assurance, et après avoir entièrement dissipé la terreur qu'inspiraient aux soldats de récents désastres, il l'a menée, cette armée, ardente, valeureuse, pleine du sentiment de sa force, à la bataille du Boulou, la plus belle des batailles qu'elle ait gagnées ; il l'a menée à la reprise de Saint-Elme, de Port-Vendres, de Collioure, de Bellegarde et, si la mort ne l'eût frappé, il aurait emporté la ligne des retranchements espagnols et, comme Pérignon, son successeur, qui ne fit qu'achever ce qu'il avait commencé, obtenu sur une simple sommation la reddition de Figuières. Mais Bonaparte fut bientôt aux yeux des contemporains le preneur de Toulon, et la campagne de 1794 a été peu connue. Dugommier luttait obscurément et à l'écart, loin de l'est et du nord, loin de cette frontière du Rhin vers laquelle se tournait l'attention et se fixaient les regards. Nous payons, disait-il au Comité, le tribut de l'extrême distance où nous sommes[2]. Même après sa mort, il a payé ce tribut. Ainsi que son armée, son nom est resté dans l'ombre, et la gloire a répandu tous ses rayons sur d'autres armées et d'autres généraux, sur d'autres et plus grands théâtres, sur d'autres champs d'opérations moins reculés. Dugommier n'a pas fait, à proprement parler, la guerre d'invasion, là guerre de conquête, la guerre alerte, confiante, entraînante, pleine d'élan et d'enthousiasme, la guerre au pas de charge. Il a fait la guerre de défense, la guerre de résistance et de reconquête, sombre, lente, pleine de défiance et d'inquiétude. Et pourtant n'est-il pas plus honorable de chasser l'étranger et de délivrer le sol national que de franchir la frontière et d'envahir le pays ennemi ? Dès le lendemain de la Montagne Noire, l'adjudant-général Boyer n'écrivait-il pas à la Convention que la République devait l'évacuation de son territoire aux sages dispositions de Dugommier, et que le vainqueur de Toulon, du Boulou, de Collioure et de Bellegarde méritait justement d'être appelé le libérateur du Midi ? On lui reprochera des hésitations, des défaillances. Devant Toulon, à l'heure décisive, et lorsque ses colonnes attendaient le signal de l'assaut, il eut un instant d'angoisse. Après le Boulou, il ne profita pas de la victoire. Un de ses officiers, dont le jugement a du prix, dit qu'il sut s'arrêter à propos et qu'en lui l'expérience tempérait l'ivresse du succès[3]. Non. Il eut tort de s'attarder aux sièges des forteresses lorsqu'il pouvait fondre sur les Espagnols et les disperser de nouveau. Il déclarait au 1er octobre que ses troupes avaient à combattre des privations de toute espèce et qu'il leur serait impossible de faire cieux lieues en avant. Et cependant, six semaines ensuite, lorsque leur situation avait certainement empiré, elles s'ébranlaient pour vaincre l'Espagnol ; elles pouvaient donc remporter cette victoire plus tôt. Prudent, circonspect, méthodique, persuadé que la patience seule, comme il s'exprimait, fait triompher des plus grandes difficultés[4], Dugommier redoutait de se compromettre, de s'engager trop loin. Il calculait avec scrupule et minutie les moyens dont il disposait, et il ne comptait pas assez sur les chances heureuses qui se présentent toujours. Si vif qu'il fût et malgré l'ardeur de son sang guadeloupéen, il n'était pas, du moins à la tête d'une armée, entreprenant et avide d'action. Il disait volontiers qu'il suspendait ses coups pour les rendre plus terribles ; mais il laissa parfois échapper l'occasion de frapper. Le sentiment de la responsabilité, de l'effrayante responsabilité, l'accablait, l'écrasait presque. Il était âgé ; il avait connu la misère, subi de cruelles épreuves, et, de son aveu, des contrariétés désespérantes, et lorsqu'il eut en main le commandement, sa fougue naturelle s'amortit. Il n'avançait qu'avec précaution et après s'être assuré que rien ne lui faisait défaut. ; il craignait à tout instant d'être arrêté dans l'exécution de ses projets par un obstacle soudain, par la pénurie de poudre, par le manque de munitions ou de fourrages[5]. De là cette mesure qu'il porte le plus souvent dans ses actes, et les conseils de modération qu'il donne aux représentants. De là ses recommandations à ses lieutenants : Point d'excès d'ardeur, écrit-il au général Guillaume, point d'attaque sans fruit, et il marquait au Comité, après la reddition de Bellegarde, qu'il pourrait enlever plusieurs postes, mais qu'il répugnait aux expéditions qui n'ont aucun but bien saillant et bien profitable, qu'il aimait mieux conserver ses moyens pour de plus grandes aventures. De là le tour sentencieux de ses lettres et de ses rapports ; de là, dans ses propos et ses harangues, malgré la chaleur de son âme et sa facilité d'élocution, quelque chose de simple et de court, nulle diffusion, nulle exubérance de mots. Dugommier, raconte un contemporain, disait bien, assez et jamais trop[6]. Il avait pourtant des parties de l'homme de guerre. Divers témoins nous apprennent comment il entendait le métier de général en chef. Il demandait conseil à ses divisionnaires : Fais-moi connaître, écrit-il à Pérignon pendant l'affaire du Boulou, ce que tu penses de plus convenable pour tirer parti des troupes qui sont dans l'inaction. Pareillement il n'hésitait pas à consulter les membres de son état-major : ils avaient tous du talent et des connaissances ; il savait ce qu'ils valaient, puisqu'au cours d'une campagne, comme il disait, l'incapacité, l'insouciance, le goût de l'intrigue et les vices qui nuisent au bien public ont le temps de se montrer à découvert. Il prenait donc leur avis, quel que fût leur grade, et il avouait de très bonne grâce qu'il faisait ses plans avec eux et qu'ils pouvaient revendiquer- leur part dans le succès. Après le dîner, tandis que ses compagnons se mettaient à l'aise, il s'enfermait dans son cabinet, et au bout de quelques instants il reparaissait pour distribuer le travail du lendemain. Ses ordres devaient être exécutés sur-le-champ et sans nul délai : Tout ce qui se fait dans mon bureau, disait-il, n'éprouve aucun retard[7]. Il voyait les choses de haut et en masse ; il dictait les mesures d'ensemble et laissait le détail à ses lieutenants. Les détails, assurait-il, ne font pas gagner les batailles[8], et il mandait à Pérignon : C'est aux circonstances, c'est aux dangers à régler ta conduite, ou encore : Tu prendras conseil de l'événement[9]. A vrai dire, il est plus grand par ses vertus que par ses victoires. En ces temps difficiles il sut, sans se faire haïr par trop de sévérité, maintenir l'ordre et la discipline. Que d'abus, s'écriait-il, résultent de l'inobservation de la hiérarchie militaire ! D'un ton ferme et digne il invoquait l'attention et la vigilance du Comité. Des officiers arrachaient aux représentants des commissions inutiles qui les éloignaient de l'armée, et ils partaient sans même avertir le général en chef de leur destination nouvelle. N'est-ce pas à moi, disait Dugommier, à juger des circonstances qui nécessitent l'envoi de ces officiers, et ne suis-je pas le premier qui doive être informé de leur départ ?[10] Il apprend un jour que le commissaire des guerres Guérin refuse, malgré ses ordres, de distribuer des souliers. Il s'irrite. Est-ce la peine d'obtenir tout exprès une décision des représentants ? Un général en chef peut-il faire le bien puisqu'il est sans cesse entravé par de petites autorités ? Et il commande d'arrêter Guérin. Un brigadier de gendarmerie est chargé de cette mission. Il ne l'exécute pas ; il revient avec une lettre du commissaire-ordonnateur qui justifie Guérin. Et Dugommier fait arrêter le brigadier[11]. Il souhaitait à ses troupes un peu plus de moralité et il s'efforçait de donner à la discipline un caractère imposant, parce que les excès font gémir l'humanité et révoltent la nature, parce que la licence déshonore les armées et les ruine entièrement, parce que le brigandage, dit-il encore, ternit leur réputation et finit par les dissoudre[12]. Le système de justice qu'il désirait établir en 1794 assurait la répression prompte et immédiate des délits. Il remarquait que les prisons regorgeaient de prévenus et que le tribunal, qui ne pouvait suivre l'armée, acquittait, faute de preuves, la plupart des délinquants au préjudice de la discipline. Pourquoi donc, chaque bataillon n'avait-il pas sa police particulière, son jury composé de sept membres, un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, un sergent, un caporal et deux fusiliers, qui connaîtrait des délits militaires et sans délai appliquerait la loi ? Certains excès, écrivait-il, doivent être punis aussitôt que commis et prouvés, et il n'y aura jamais de moralité chez ceux qui portent les armes tant que les exemples d'une juste sévérité ne marcheront pas à côté d'eux[13]. En plusieurs occasions il n'hésita pas à blâmer les mesures du gouvernement. Il s'élevait avec énergie contre cette manie qu'avaient le Comité et le Conseil exécutif d'envoyer des commissaires qui devaient tout faire en un tour de main et qui ne faisaient rien ou qui n'effectuaient qu'à grands frais ce qui pouvait s'exécuter avec des moyens pris dans l'armée même et sans dépenses extraordinaires. Une chose qu'on ne conçoit pas, écrivait-il au Comité, c'est qu'avec tant de moyens pour faire aller la machine, elle reste si souvent en arrière. Il y a partout une nuée d'agents de toute espèce, de surveillants à l'infini et de commissaires envoyés à droite et à gauche aux frais de la République ; ils parlent beaucoup, proposent sans cesse, paraissent tout faire et ne font rien. Rien n'avance qu'à la longue et la République se ruine par mille faux frais. Il avait dans son armée un commissaire chargé de l'échange des prisonniers. Pourquoi ? Cet intermédiaire n'était-il pas inutile ? Le général en chef n'était-il pas le commissaire naturel ? Je vous jure, s'écriait Dugommier, qu'il me tarde bien de vous dire : Citoyens représentants, la République a triomphé ; renvoyez tous ces mangeurs-là ![14] Il combattit avec la même vigueur les clabaudeurs et aboyeurs de clubs. Un officier avait dénoncé le brave d'Arancey à la Société populaire de Perpignan. Dugommier pria les représentants de sommer ce malveillant, ce véritable désorganisateur de prouver son dire ou de subir la peine des calomniateurs : En grâce, délivrez-nous de ces frelons, qui veulent coûte que coûte se nourrir du miel des abeilles. Le bon ordre, l'union, la confiance règnent dans l'armée que vous surveillez ; au nom de la patrie, je vous conjure de les y maintenir[15]. Il y avait alors à l'armée des Pyrénées-Orientales un jeune homme au cerveau fumeux et à la tête détraquée, Jean-François Maidien-Bartagnac, fils d'un des plus riches propriétaires du Lot-et-Garonne, un des membres les plus ardents du club de Villeneuve-sur-Lot, volontaire au 3e bataillon de la Dordogne, puis adjudant de l'artillerie dans la légion des Pyrénées. Il se disait le second Marat de la République et il envoyait à Paris des plans de campagne et des détails sur l'Espagne où il prétendait avoir servi. Armer les galériens, exciter les Marocains à la révolte et les jeter sur Madrid, piller les églises d'Espagne et, avec les cent milliards qu'on y trouverait, rétablir les finances françaises, créer une ligne de ralliement général qui porterait des forces infinies sur le point attaqué, tels étaient quelques-lins des projets de ce fou, qui se proclamait une grande âme et un génie inventeur. Il demandait de l'avancement et il l'obtint : il fut employé à l'état-major de Marbot et de Dagobert, et il devint adjudant-général chef de bataillon et commandant de la place de Leucate. Or Bartagnac, entrante par son zèle révolutionnaire, écrivait un jourParis qu'il fallait expulser de France les ecclésiastiques et les nobles, et il accusait d'aristocratie des officiers qui s'étaient signalés à l'armée des Pyrénées-Orientales par leurs mérites. Dugommier, informé, s'indigna : Je connaissais Bartagnac pour une pauvre tête, mais je ne lui connaissais pas un mauvais cœur. Sa lettre est pleine de faussetés et de calomnies. Il dénonce des citoyens dont il n'atteindra jamais le mérite et qui seraient une vraie perte. C'est un ex-moine et il vous dit tout haut de chasser les prêtres. Il vous dit encore de chasser les ci-devant. Il y a toute apparence que ce moine défroqué convoite la place de quelqu'un. Mais si quelqu'un mérite d'être destitué, assurément, il doit avoir la préférence, car je suis à même de vous envoyer contre lui la dénonciation d'un chef de bataillon qui prouve qu'il est incapable de rien commander. Plusieurs jours après, Bartagnac était suspendu par le représentant Chaudron-Roussau[16]. Le général Peyron, d'abord gouverneur de Perpignan, avait accompagné Doppet en Cerdagne. Fatigué de ce séjour dans les montagnes, il avait sollicité le commandement de Montpellier en prétextant qu'il était malade et avait besoin de se reposer. Dugommier répondit par un refus ; mais afin de rester sur les derrières et de ne plus sertir aux avant-postes, Peyron se fit charger par le représentant Chaudron-Roussau d'une Mission qui était celle d'un gendarme et non d'un général : il devait poursuivre les déserteurs et les ramener à leur corps. Durant sa tournée, il vint à Montpellier pour se divertir. Dugommier lui ordonna. de regagner la Cerdagne : il répliqua qu'il partait pour Paris, qu'il craignait les neiges de Puycerda et qu'il avait demandé à Soubrany la permission de s'éloigner. Il allait en réalité dénoncer son chef, et déjà le dénonçait partout, l'accusait de traîner en longueur le siège de Bellegarde. Dugommier fut irrité. L'indigne conduite, le dessein pervers, les odieuses menées, le délire, l'atrocité de ce Peyron qui voulait le perdre dans l'opinion et lui ravir la confiance qu'il était alors si nécessaire de conserver, le mirent hors dus gonds. Non, il ne resterait pas à l'armée si l'on ne faisait un exemple, si l'on ne punissait cet homme d'une immoralité reconnue, ce utilitaire insubordonné ! Il lança un ordre d'arrestation contre Peyron ; il mit Boyer à ses trousses. Voilà, s'écriait-il, le premier acte de rigueur que j'exerce depuis que je commande ! Mais ne faut-il pas venger la loi, rétablir dans toute sa vigueur la discipline méconnue par celui qui devait le premier l'observer ? Et dans la douleur qui se mêlait à sa colère, Peyron, ajoutait Dugommier, n'a aucun motif particulier de récriminer contre moi. Il me faut donc soupçonner des ressorts secrets. Dès lors il est temps que je me retire et que je cède une place que l'on convoite avant que l'orage ne me culbute. Le 10 octobre 1794, le Comité destituait Peyron[17]. C'est ainsi que Dugommier faisait son devoir, suivant sa
propre expression, en dépit des malveillants et des intrigants. Les clubistes
de Montpellier avaient complaisamment accueilli les dénonciations de Peyron. Je me f..., écrivit Dugommier au général Massol, de leurs conciliabules, et je leur donnerai sur le nez
partout où je les rencontrerai. Tu peux dire à ceux que tu connais à
Montpellier, et qui se donnent des airs de surveiller ma conduite à quarante
lieues de moi, qu'ils aient le courage de venir à l'avant-garde de l'armée où
ils me trouveront. C'est bien là où ils pourront faire assaut de patriotisme
et non à la Comédie de Montpellier. Les dénonciateurs redoublèrent
d'audace. Dugommier mit le club de Montpellier en garde contre ces injustes meneurs et ces bas
intrigants qui dénigrent et persécutent les
bons, les vrais patriotes, contre ces accapareurs
de tribunes, contre ces gens qui veulent passer
pour des patriotes privilégiés[18]. Ce général, qui savait se faire obéir et respecter, avait conquis l'affection de son armée. Mais, lui aussi, il aimait les soldats. Il les maniait avec douceur, les ménageait, et le représentant Delbrel assure qu'il était leur père. Nul ne fut. si avare du sang de ses troupes ; il ne les exposait qu'à bon escient et le moins possible ; mieux valait, à son avis, obtenir les mêmes résultats par l'habileté des manœuvres que. par le sacrifice d'un grand nombre d'hommes. Il disait qu'il ferait constamment tout ce qu'il pourrait pour satisfaire au bien aise de ses camarades, qu'il ne voulait livrer que des batailles décisives et qu'il répugnait à perdre des frères pour d'autres succès, qu'il n'assaillirait que les points essentiels et pour les garder longtemps, non pour les lâcher aussitôt. Nous n'aurons pas la douleur, s'écriait-il, d'abandonner des positions qui nous auront coûté sans aucun fruit de braves républicains ! C'est pourquoi il recommandait les attaques de nuit ; celles de jour revenaient trop cher. A l'affaire du Boulou, il conseille à Pérignon et à Martin de se cacher dans la journée pour opérer dans la nuit prochaine[19]. Il visitait volontiers les hôpitaux pour satisfaire son cœur, et il consolait les blessés, les félicitait de leurs plaies honorables, les assurait de la reconnaissance que la République conserverait de leurs services et de leurs belles actions[20]. Il s'intéressait aux petits et aux humbles de l'armée, à ceux qui n'avaient pas de grades et qui se signalaient par leur vaillance ; il les cherchait, comme il s'exprime, dans l'obscurité, et lorsque Toulon fut pris, il ne publia les noms des officiers qu'après avoir fait connaître les soldats qui les avaient secondés[21]. Il applaudit à la générosité des quatre combattants du 30 novembre 1793 qui sauvèrent la vie à O'Hara et refusèrent l'or du général anglais ; mais il obligea ces braves gens à recevoir la même somme en assignats : Acceptez, leur dit-il en mettant la main sur son cœur, acceptez, la source en est pure[22]. Quant aux officiers qui s'étaient distingués, il ne
cessait de solliciter leur avancement. Avec quelles instances il réclame au
ministre les brevets qu'il a demandés ! N'est-ce pas alimenter
la confiance des officiers, qui verront que leur général a soin de faire
valoir les circonstances où ils se distinguèrent ? Avec quelle joie il
apprend à ses lieutenants qu'ils ont obtenu le prix de leur bravoure ! Reçois, mon cher camarade, disait-il à
l'adjudant-général Despinoy, nommé général de brigade, reçois le tribut de la reconnaissance nationale ; j'aurais
bien voulu t'embrasser en te le remettant ; je désire ce moment qui me mettra
même de te renouveler l'assurance des sentiments que je t'ai voués pour la
vie. Récompenser est un de ses
mots de prédilection : il faut récompenser, ce sera
toujours la grand ressort du cœur humain, et il ajoutait qu'on ne
devait récompenser que le talent et non l'ancienneté, dispenser les grades
avec la plus scrupuleuse impartialité, exciter ainsi l'émulation. A plusieurs
reprises il priait le Comité de bannir
rigoureusement la faveur, de ne faire dans l'armée des
Pyrénées-Orientales aucune nomination avant d'avoir reçu ses notes, qui se concilieraient avec l'intérêt de la République et le
mérite de chaque individu, et lorsqu'il envoyait à Paris les dossiers
des officiers généraux, les états où vous ne
trouverez aucune note de moi, remarquait-il, expriment un silence qui ne doit
pas être favorable à ceux que regardent les renseignements. Quand le
représentant du peuple Boisset nommait général de brigade un commandant
Legrand, il écrivait à la Commission des armées qu'il ne fallait employer que
des citoyens connus par de belles actions ou par de vieux et utiles services,
des officiers dont les aptitudes fussent notoires et appuyées par un vrai
civisme, que c'était le seul moyen d'éloigner la foule des adjudants-généraux
créés par la protection ou par d'indignes motifs, que ce Legrand avait obtenu
son avancement sur les derrières de l'armée : de
vaines paroles ne peuvent tenir lieu d'actions, lorsqu'il est question du
service de la République[23]. Nombre d'officiers qui servirent sous les ordres de Dugommier, non seulement Napoléon, mais Guillot, Victor, Despinoy, lui gardèrent un souvenir reconnaissant et donnèrent aide à sa famille. Guillot, commandant à Belle-Isle-en-Mer, prenait Dangemont, un des fils de Dugommier, pour adjudant-général. Victor, commandant en chef de l'armée de Batavie, emmenait avec lui comme adjudant-commandant un autre fils du général, Chevrigny. Despinoy, qui se vantait au premier Consul d'être l'ami le plus intime de l'illustre Dugommier et d'avoir partagé tous ses travaux, appuyait chaudement sous la Restauration les suppliques de Désiré, le dernier fils du général. Un de ceux qui vouèrent un culte à Dugommier fut Claude-Joseph Buget. A l'assaut de la redoute anglaise, il avait vu son aîné, François, tomber blessé à ses côtés. Transféré à l'hôpital d'Ollioules, François Buget mourut le lendemain. Dugommier vint à l'hôpital ; il entraîna dans le jardin le cadet des Buget, qui ne pouvait s'arracher du lit où expirait son frère ; il l'embrassa : Je n'oublierai jamais, lui dit-il, comment ton frère et toi vous vous êtes battus pour la République ; tu perds un frère, mais tu trouves un père ; je t'adopte pour mon fils ; dès aujourd'hui tu es mon aide de camp et demain tu seras adjudant-général ; nous ne nous quitterons plus qu'à la mort. Dugommier tint parole. Il emmena Buget aux Pyrénées-Orientales, et, sur la route, dans la voiture, après les fêtes qu'on lui donnait, tu vois, disait-il au jeune officier, les honneurs qu'on me rend ; tu ne te repentiras pas de t'être attaché à moi, tu auras toujours ta part. Désormais Buget ne quitta plus le général : il l'accompagna constamment, au Boulou, à Saint-Elme, à Collioure, à Bellegarde, et dans la matinée où Dugommier périt, il avait promis à Buget le grade de général de brigade[24]. On comprend dès lors qu'aux Antilles, en Provence, aux Pyrénées, Dugommier ait eu sur ses troupes un merveilleux ascendant. Il ne se contentait pas de leur donner l'exemple de l'intrépidité, de supporter les mêmes fatigues, les mêmes privations. Il les encourageait par des saillies, par des mots plaisants. Il avait cette gaieté, cette bonhomie qui agréent au soldat. Il appelait les officiers ses camarades, ses compagnons et ses frères d'armes ; il les traitait à sa table comme s'ils étaient de sa famille et les entretenait sur le ton le plus cordial. Courage, disait-il dans un dîner à un capitaine qui lui paraissait fatigué, hier, vous n'étiez pas si bien, n'est-ce pas ? et demain vous serez plus mal ; il faut savoir jouir du présent. Au blocus de Saint-Pierre-de-la-Martinique, il animait, excitait tout le monde par son entrain : Jamais, a-t-il raconté, le patriotisme ne parut arec plus d'éclat. Lés pièces de 36, les mortiers étaient transportés sur les mornes avec une célérité qui étonnait ceux mêmes qui les avaient traînés. Le fameux refrain Ça ira nous valait mille cabestans ; la gaieté que ce chant répandait dans les camps et dans la ville semblait annoncer bien plus une fête qu'un siège, et c'était après sept mois de fatigues et de combats que l'armée de Saint-Pierre montrait cette allégresse[25]. Il avait le propos franc, jovial, pittoresque : Guéris promptement tes vésicatoires, écrivait-il à Doppet, afin que nous allions en porter sur la nuque des ennemis, et encore : Aussitôt que nous aurons achevé l'Espagnol dans cette partie, nous nous concerterons pour aller le faire danser dans ses propres salles. Quand il mandait à Augereau que Castagnier approchait : Je t'apprends, disait-il, dans toute la joie de mon âme, que j'attends Castagnier à toute minute ; nous pouvons donner de la colophane à nos violons, et quelques jours auparavant il informait le représentant Beauchamp qu'il se préparait à donner une bonne fois sur l'oreille espagnole. Entre amis et dans une intime société, il prodiguait les badinages et les traits d'esprit. C'est un bon enfant, marquait l'adjudant aide-major Arnauld à la fin de 1793, et il aime le vin vieux. Le 14 février 1794, il rendait visite au général Guillot et il lui envoyait le surlendemain le billet suivant : Je songe encore à l'agréable journée que j'ai passée avant-hier et dont je dois une bonne partie à mon ami Guillot[26]. Quelquefois il était piquant, mordant. Lorsque Peyron, qui s'était éloigné de l'armée, s'affublait du prénom de Myrte, un décret de la Convention, lui marquait Dugommier, condamne à six mois de détention celui qui prendra une autre dénomination que son nom propre ; tu voudras bien t'y conformer ; laisse le myrte pour voler aux lauriers, et lorsque Peyron le dénonça, lorsque la prise de Bellegarde mit à néant toute calomnie, le myrte vénéneux, disait Dugommier à Charlet, n'est pas une fable ; j'aurais pu être victime de son poison, ruais j'ai pris une dose de Bellegarde ; ç'a été un excellent antidote. Sempé se plaignait qu'on eût monté le général contre lui : Personne, lui répondit Dugommier, ne m'a monté contre toi, et personne ne saurait me monter, car on ne monte qu'une machine ; ton expression est donc très déplacée ; je veux bien croire que tu n'en connaissais point la portée[27]. Une de ses plus grandes qualités, c'était la bonté. Le 21 septembre 1794, lorsque la Société populaire de Perpignan célèbre le triomphe des armées, il écrit aux clubistes qu'il sera de cœur et d'esprit avec eux et il leur demande un dédommagement : qu'ils donnent à leur fête un complément qui sera bien doux à tous les cœurs sensibles, à tous les vrais républicains ; qu'ils fassent sortir des prisons de la ville les citoyens de Perpignan et de Collioure qui ont déjà subi à Montpellier une longue et dure détention ; que la fin de l'année républicaine soit aussi la fin des maux qui désolent l'humanité innocente ou égarée ! N'avait-il pas en 1790 félicité les Martiniquais de rester bons et compatissants dans ces moments dangereux où l'esprit de parti se livre aux impulsions de l'animosité, de repousser loin d'eux ces scènes d'horreur qui déchirent les cœurs honnêtes et sensibles ? Cette modération, disait-il, est la pierre de touche du vrai patriotisme. Il plaidait courageusement la cause du malheureux chef d'état-major Chaillet de Verges : il assurait à Paris qu'il avait pris sur Verges les renseignements les plus scrupuleux et qu'il ne pouvait articuler d'inculpation grave, que cet officier avait des sentiments républicains et des talents peu communs dont la nation devrait tirer avantage : Tel est le compte que la vérité et la conscience me dictent[28]. Par intervalles, il s'emportait. Mais il revenait
facilement, et il ignorait la rancune, la haine. Il était loyal,
chevaleresque, désintéressé, exempt de faste comme de mesquinerie, modeste.
Tout en déployant une grande dignité dans les circonstances où il devait
soutenir l'honneur de son rang et le renom de la France, il n'avait ni
présomption ni arrogance. Ses rapports rendaient justice à chacun ; il oubliait
ce que lui-même avait fait. Après la prise de Toulon, il mandait au président
de la Convention qu'il ne chercherait pas à se
donner quelque éclat personnel ; que s'il avait contribué de toutes ses facultés à la soumission de
la ville, la gloire était entière à ses frères
d'armes ; qu'il aurait pu, selon l'usage, envoyer à l'assemblée les
drapeaux qu'il avait trouvés en grand nombre dans les postes des alliés ;
mais ses soldats, remarquait-il avec une noble fierté, n'estimaient que les
drapeaux enlevés sur la brèche et arrachés aux mains de l'ennemi.
Pareillement, lorsqu'au mois de novembre 1794, après le Boulou et Bellegarde,
Despinoy apportait à la Convention les étendards espagnols, Dugommier lui
défendait de prononcer son nom. Un conventionnel l'a comparé, non sans
raison, à Catinat ; comme Catinat, Dugommier parlait de sa victoire avec tant
de simplicité qu'on aurait cru qu'il n'assistait même pas à la bataille.
N'écrivait-il pas à Delbrel : Tu sais que je
n'occupe mon emploi que par le désir d'être utile et qu'on ne peut me
soupçonner d'ambition, puisque je serais depuis longtemps à la Convention, si
j'aimais les premières places. S'est-il jeté dans la Révolution pour
jouer un rôle, pour ravir sa part du pouvoir ? Non ; il a été entraîné, — et
telles sont ses propres expressions, — par des
raisons sentimentales, par la grande cause de l'humanité, par la voix de
l'équité naturelle[29]. Dugommier, rapporte Augereau, était d'un caractère vif, d'un génie actif, et la confiance du soldat l'entourait. Mais l'homme qui l'a le mieux jugé, très brièvement et en quelques lignes frappantes, c'est le maître des maîtres, Napoléon : Dugommier, a dit Napoléon, avait toutes les qualités d'un vieux militaire ; extrêmement brave de sa personne, il aimait les braves et en était aimé ; il était bon, quoique vif, très actif, juste ; il avait le coup d'œil militaire, du sang-froid et de l'opiniâtreté dans le combat. FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Dugommier aux représentants, 13 février 1794 ; — à la Commission des armées, 25 mai ; — à Albitte, 19 février ; — à Jeanbon, 6 août ; — au Comité, 11 avril et 16 octobre ; — à Charlet, 9 oct., etc. (A. G.). — Cf. Mémoire sur la prise de Toulon ; — Moniteur, 24 août 1794 ; — et Vidal, III, 301.
[2] Dugommier au Comité, 16 octobre 1794 (A. G.), et Pineau, 599.
[3] Le capitaine, plus tard général, Albert, dans son discours du 23 mai 1798 au Directoire.
[4] Lettres à Grandvoinet, 21 mai, et au club de Cahors, 1er octobre 1794 (A. G.).
[5] Voir plus haut, chapitres XI, XII et XVI, et se rappeler les reproches que lui fait Arteche, chapitre XIV (apatia, inaccion injustificable).
[6] Dugommier à Guillaume, 22 septembre, et au Comité, 8 octobre (A. G.) ; — mot de Desdorides.
[7] Dugommier au chef du 6e bataillon de la Drôme, 22 déc. 1793 (A. G. ; et Pineau, 802).
[8] Notice d'Audouin (Rédacteur du 7 brumaire an VII ; — et Pineau, 736).
[9] Dugommier à Pérignon, 13 août 1794, et instruction à la veille du Boulou (A. G.) : Consulte, écrivait-il à Martin le 30 avril, les événements et les localités ; cf. au Comité, 16 oct.
[10] Dugommier au Comité, 3 et 14 novembre 1794 (A. G.).
[11] Dugommier à Lamer, 6 nov. 1794 (A. G.) ; — Guérin, mis au Castillet, fut relâché le 13.
[12] Dugommier au Comité, 11 mai 1794 ; — aux représentants, 3 juin ; — à la Commission des armées, 23 sept. (A. G.) : Une certaine moralité, dit-il, est nécessaire à la conservation d'une armée.
[13] Dugommier aux représentants, 3 juin ; — au Comité, 3 août ; — à la Commission des armées, 23 sept. et 25 octobre (A. G.).
[14] Dugommier au Comité, 17 février et 7 juillet (A. G.) ; — Cf. l'affaire de la fonderie de Saint-Laurent de la Mouga, p. 368.
[15] Dugommier aux représentants, 23 avril (A. G.).
[16] Lettre de Dugommier, 23 mai (A. G.). — Quel singulier personnage que ce Bartagnac ! Il se vantait plus tard d'avoir débloqué l'armée française cernée par la cavalerie espagnole, d'avoir paralysé, au moyen de ses machines d'artillerie, la flotte ennemie qui tentait un débarquement, d'avoir sonné à la tête de l'artillerie volante le tocsin de la victoire. Il proposait à Napoléon un plan de descente en Angleterre. D'Agen, le 2 janvier 1814, il demandait à Clarke le commandement général de toutes les gardes nationales du Midi : De mon temps, ajoutait-il, point de cartouches ; des baïonnettes seules, mais couvertes de lauriers ! C'est avec mes principes que vous battrez les Russes et les Espagnols ! Il avait dit à Napoléon que les constellations du firmament seraient glorieuses de se resserrer pour placer au milieu d'elles son nom immortel. Le 26 octobre 1813, de Villeneuve-sur-Lot, il offre de se rendre à Sainte-Hélène ; il lui faut deux frégates accompagnées de vingt machines infernales, bien supérieures à celles que nous fîmes à Paris au 18 nivôse... Avec une pareille machine, si Sainte-Hélène résistait à me donner l'usurpateur, elle cesserait bientôt d'exister. Que de gloire d'opérer la mort de et bourreau des nations, qui m'a tenu pendant trois mois dans les prisons de la Police générale et de Saint-Denis comme complice de l'immortel Georges et du brave général Moreau !
[17] Voir sur l'affaire Peyron les lettres de Dugommier à Delbrel, 23 et 26 sept., et au Comité, 30 sept. et 7 oct. (A. G.).
[18] Dugommier à Massol, 28 sept. et au club de Montpellier, 18 oct. (A. G.).
[19] Notice de Delbrel (A. G., et Pineau, 727) ; — mot de Desdorides ; Dugommier au Comité, 22 déc., 23 janv., 16 oct. ; à Pérignon et à Martin, 30 avril (A. G.) ; — Cf. plus haut, chapitre III, le mot d'Augustin Robespierre.
[20] Dugommier au Comité, 3 nov. 1794 (A. G.).
[21] Dugommier au président de la Convention, 28 déc. 1793.
[22] Témoignage de Desdorides (A. G.).
[23] Dugommier à Bouchotte, 30 nov., 13 et 19 déc. ; — à Despinoy, 24 déc. 1793 ; — au Comité, 3 août, 9 et 16 oct., 7 nov. ; — à la Commission des armées, 6 sept. et 5 oct. 1794 (A. C.).
[24] Souvenirs inédits de Buget.
[25] Notice d'Audouin et Mémoire de Dugommier (Pineau, 198, 735, 756).
[26] A Doppet, 6 février et 3 mai ; — à Beauchamp, 17 février ; — Guillot, 14 février 1794 (A. G.) ; — Cf. lettre d'Arnault, 22 oct. 1793.
[27] A Peyron, 22 sept. ; — à Sempé, 18 oct. ; — à Charlet, 19 oct. (A. G.).
[28] A la Société populaire de Perpignan, 21 sept. (A. G.) ; — Vauchelet, 299 ; — et Pineau, 96 ; — lettre au Comité sur Chaillet de Verges, 13 mars 1494 (A. G.). Turreau avait accablé Verges dans des notes secrètes : selon Turreau, c'était un homme dépourvu de talent qui avait quitté l'artillerie pour avancer plus rapidement et qui affectait le patriotisme, encensait l'idole du jour.
[29] Notices de Desdorides (A. G.), de Delbrel et d'Audouin, Mémoire de Dugommier (Pineau, 727, 732, 752) ; — Dugommier au président de la Convention, 28 déc. 1793 ; — discours de Barère, 3 juin 1794 ; — Dugommier à Delbrel, 26 sept. 1794 (A. G.).