DIANE DE POITIERS

 

 

 

V. — NAISSANCE, ÉDUCATION ET MARIAGE DE FRANÇOIS Ier.

 

1494-1514.

 

L'arbre généalogique de François Ier est difficile à retrouver, car il n'était qu'une frêle branche sur le tronc verdoyant des Valois, comme le dit Clément Marot, Le roi Charles V avait plusieurs fils ; le cadet, duc d'Orléans, épousa Valentine Visconti, fille du seigneur de Milan, mariage qui le fit riche en écus d'or : origine des droits de la France sur le Milanais. Le duc d'Orléans fut ce prince galant, léger, frappé au cœur par les ordres jaloux de Jean, duc de Bourgogne, au coin de la rue Barbette[1].

Il laissa trois fils ; l'aîné monta sur le trône sous le nom de Louis XII ; le second, comte des Vertus, ne laissa pas de postérité légitime ; le troisième, Jean, fut créé duc d'Angoulême[2]. Le Roi avait eu également un bâtard, le vaillant comte de Dunois[3], tige de la maison de Longueville, Jean, comte d'Angoulême, captif pendant vingt-six ans, comme gage et rançon, en Angleterre, y épousa Marguerite de Rohan ; il en eut un fils, Charles, comme lui, duc d'Angoulême, marié à Louise de Savoie ; son fils aîné reçut en baptême le nom de François, comte d'Angoulême (il fut depuis le roi François Ier). Rien de plus attrayant, que le journal de Louise de Savoie, écrit sur l'enfance de François Ier, celui qu'elle nomme son roi, son seigneur, son César et son fils ; c'est une tendre mère qui suit toutes les pulsations du cœur de son enfant ; elle recueille les premières larmes que François versa à trois ans[4], quand il perdit son petit chien Hapagon qui était de bon amour et loyal à son maître[5] : Louise de Savoie avait d'abord résidé à Cognac, dépendance de son apanage ; quand Louis XII monta sur le trône, elle vint résider au château d'Amboise, la demeure royale. Un jour que l'enfant montait avec imprudence une haquenée, que le maréchal De Gyé, son gouverneur, lui avait donnée, il fut emporté à travers la forêt ; on craignit pour sa vie : mais Dieu, continue le journal de Louise de Savoie, ne me voulut m'abandonner, connaissant que si cas fortuit m'eût si soudainement privée de mon amour, j'eusse été trop infortunée[6].

A treize ans, rien n'était plus impétueux et plus brave que François, à qui son royal cousin Louis XII donnait le comté de Valois. Le premier à tous les exercices de chevalerie, à la lutte, aux joutes, il reçut dans un de ces combats, une pierre au front, lancée avec tant de violence par une fronde, qu'on le crut mort ; on lui rasa la tête, jamais depuis il ne porta de cheveux, comme on peut le voir dans tous ses portraits de la renaissance. Louis XIL pour retenir ce caractère violent, le mit aux mains d'un chevalier prudent et sage, Arthur de Gouffier de Boissy[7], qui, pour exprimer son devoir de surveillance tendre et attentive auprès d'un élève de cette trempe de feu, donna pour devise à François, la salamandre avec cette légende, nutrisco et extinguo, (je le nourris et je l'éteins), c'est-à-dire, je l'instruis et je le contiens[8] ; explication naturelle d'une devise interprétée de mille manières étranges par les érudits. Cette salamandre et cette devise effacées pour d'autres grandeurs plus modernes, sont restées sur quelques vieilles portes en ruine du château de Fontainebleau[9] ; plus respectées au château de Blois, la salamandre brille sur les fenêtres ornées de la renaissance, comme le chiffre de Diane de Poitiers et d'Henri II sur le vieux Louvre.

François était alors un gros garçon d'une stature élevée, à la figure épanouie, l'œil ardent, le nez long, un peu descendant sur ses lèvres amincies, fort aimé de Louis XII, qui cherchait à le marier, car le roi de France avait perdu ses deux fils et ses héritiers en bas âge ; il ne lui restait qu'une fille, madame Claude[10], un peu disgracieuse de sa personne, mais d'un excellent coeur, d'une nature élevée; un moment promise au prince d'Espagne, depuis Charles-Quint, elle s'éprit de François, comte de Valois, et le mariage se fit avec solennité le vingt-deux mai 1506 ; nouveau lien qui le rapprochait de la couronne. Désormais, François d'Angoulême comte de Valois et Gaston de Foix, devinrent les bien-aimés du roi Louis XII. Le brillant Gaston mourut les armes à la main, comme on l'a vu, devant Ravennes, inspirant à tous de vifs regrets. François reçut le commandement des chevaliers qui marchaient en Navarre contre les Espagnols ; il s'y couvrit de gloire dans une rapide expédition des montagnes. Les Anglais ayant envahi la Picardie, le comte de Valois courut encore pour les combattre ; au milieu de la bataille et sous la tente, mourut Louis XII, en laissant son héritage royal à son cousin[11], au mari de sa fille bien-aimée, qui prit le nom et le titre de François Ier avec le blason fleurdelisé des Valois.

Ce n'était donc pas un prince inconnu que la naissance élevait au trône : François Ier avait vécu si longtemps à la cour de Louis XII, qu'on savait ses défauts et ses qualités ; il s'était fait d'ardents amis : Brion, Montmorency, Montchenu[12]. L'un fut amiral l'autre connétable après le duc de Bourbon, Montchenu fut maître de l'hôtel, c'étaient les trois plus braves épées parmi les gentilshommes, et le nouveau roi les avait à son service pour son règne.

François Ier fut sacré à Reims par l'archevêque Robert de Lenancour[13] ; on remarqua ses libéralités, sa mine martiale, son adresse et son intrépidité dans le tournoi qui eut lieu à Paris, dans la rue Saint-Antoine près des Tournelles ; sa haute stature frappait tout le monde. Les bouillants gentilshommes secouaient avec plaisir le règne calme et justicier de Louis XII, trop avare de grandeurs, de dissipations et de belles fêtes ; ils espéraient le retour d'une époque chevaleresque, que tout semblait favoriser. Le moyen-âge ne pouvait pas tout-à-coup s'effacer. Avant qu'une civilisation nouvelle triomphe, il se fait une recrudescence de la civilisation vieillie et brillante qui s'en va ; le règne de François Ier eut ce caractère de transition ; les épopées carlovingiennes, reparaissant dans tout leur éclat, devenaient la lecture populaire ; c'était sans doute un feu passager, mais il devait allumer ces nobles cœurs. Le règne de François Ier fut le réveil de l'époque de Charlemagne ; seulement, ce n'était plus la même génération ; il passa donc comme le roman d'Amadis de Gaule, dont il était le reflet. On ne peut pas retenir les siècles qui s'écoulent : ce qui fut l'histoire devient le roman du pays[14].

 

VI. — PREMIÈRE CAMPAGNE DE FRANÇOIS Ier EN ITALIE. - VICTOIRE DE MARIGNAN.

 

1515-1516.

 

Il fallait occuper l'imagination et le bras de toute cette chevalerie, exaltée par la contemplation des siècles de Charlemagne. Dans les premiers temps d'un règne, au reste, il se réveille toujours une énergie, une puissance d'activité, un besoin d'aventures, qu'il faut seconder, si l'on ne veut que le torrent ne prenne une autre direction (souvent la guerre civile). Les batailles étaient trop dans le caractère de François Ier pour qu'il s'opposât à l'esprit général de ses paladins. Le champ de bataille était d'ailleurs tout trouvé : l'Italie ! Charles VIII et Louis XII y avaient laissé des droits d'héritage et des souvenirs de gloire ; le nouveau Roi devait revendiquer les uns et les autres. Cette terre d'Italie réchauffait d'ardents désirs : la chevalerie avait vu les cités riches, splendides ; elle avait foulé ces campagnes émaillées de fleurs sous un ciel rayonnant de soleil : quand les chevaliers se souvenaient que Charles VIII, avec dix mille lances seulement, avait parcouru toute l'Italie, depuis les Alpes jusqu'au golfe de Naples, ils souhaitaient les mêmes conquêtes, les mêmes aventures. Le nouveau Roi n'hésita pas à revendiquer les droits de ses prédécesseurs sur le Milanais et Gênes. Milan était au pouvoir d'un duc de race d'aventuriers, Ludovic Sforza[15], chef de grandes compagnies, fort aimé de Louis XI, mais qui aspirait à son indépendance et ne voulait pas céder ses droits populaires au roi de France[16] sur toute la Lombardie. Mais les véritables maîtres du Milanais, c'étaient les Suisses, soldats énergiques, têtus, et qui formaient la meilleure infanterie au XVIe siècle ; ces rudes montagnards espéraient non-seulement dominer la Lombardie, mais encore envahir la Bourgogne[17], et qui sait même, dans leurs rêves, imposer tribut à la France ; leurs guerres contre les anciens ducs de Bourgogne avaient grandi leur orgueil : ils voulaient se substituer à la domination allemande sur l'Italie, car c'était une fatalité de cette belle terre, d'être toujours sous une puissance étrangère, et de ne jamais être assez forte pour être libre ; la république de Venise seule était assez considérable pour aspirer à la nationalité[18]. Le nom du César germanique exerçait toujours un indicible prestige, car le pape et l'Empereur étaient les grandes puissances du moyen-âge que Venise avait espéré un moment remplacer.

Ce fut donc pour combattre les Suisses et conquérir le Milanais,que François Ier résolut la guerre d'Italie, et convoqua sa chevalerie ; quand le passage des Alpes fut décidé, il se fit une joie immense au milieu des paladins et gens d'armes de France. L'esprit des croisades vivait encore, et les romans, les chroniques disaient, comment de simples chevaliers normands s'étaient faits de grands États, à Naples, en Sicile, même en Grèce. Dans ce temps d'aventures extraordinaires, rien ne paraissait impossible ; on espérait tout conquérir à coups de lances et d'épées, on croyait à toutes les merveilles des romans de chevalerie et les croyances préparent la victoire !

Cependant les bons compères les Suisses, avec leur ténacité habituelle, avaient envahi la Savoie, pour s'emparer de toutes les issues des Alpes, et principalement du Pas de Suze, où les routes alors tracées venaient aboutir. De cette manière, ils ne pouvaient être attaqués de front. Les ducs de Savoie n'avaient jamais en une opinion fixe et des affections arrêtées ; placés au pied des Alpes, tantôt alliés des empereurs d'Allemagne auxquels ils faisaient hommage et auxquels ils devaient leur fortune, tantôt prêtant la main aux rois de France pour les délaisser ensuite, ils ne visaient qu'à une seule chose, leur agrandissement, et ce résultat était pour eux d'autant plus difficile à réaliser, que les ducs de Savoie n'étaient pas considérés comme membres de la nationalité italienne[19]. La duchesse de Savoie régente de France, avait assuré l'alliance des ducs à François Ier qui néanmoins connaissait leur foi incertaine et leur politique mobile.

La direction de l'armée fut confiée au connétable de Bourbon, l'esprit de grande tactique du XVIe siècle, le seul qui put être comparé au duc d'Albe ; le connétable avait du sang italien dans les veines, car sa mère était Claire de Gonzague, une des filles du marquis de Mantoue[20]. D'un seul coup d'œil, le connétable traça son plan de campagne : un corps d'arbalétriers, sous Aymar de Prie, leur grand-maître, dut s'embarquer à Marseille pour s'emparer de Gènes, et, de là, se portant sur le Pô, ce corps devait prendre les Suisses en flanc, au Pas de Suze. Une avant-garde des plus hardis chevaliers, sous Lautrec et la Palisse, devait marcher jusques aux Basses-Alpes, s'y frayer un passage nouveau à travers les rochers et les torrents, vers les sources de la Durance. Un berger piémontais avait indiqué une route possible[21]. Ce corps de hardis chevaliers se fit précéder de trois mille pionniers qui jetaient des ponts, coupaient les rochers, comme autrefois avaient fait Annibal et Charlemagne. Ce travail fut si hardiment accompli, que bientôt le sommet des Alpes fut couronné d'artillerie portée à bras et à dos de mulet, sans que les Suisses en eussent la moindre connaissance, car, par une ruse de guerre, un corps de bataille de lances françaises, pour masquer la véritable attaque par les Basses-Alpes du midi, se dirigeait par les routes ordinaires du Mont-Cenis, et du Mont-Genèvre, sur le Pas de Suze, comme s'il voulait attaquer les Suisses de front.

Pendant ce temps, l'armée italienne confédérée, conduite par Prosper Colonnia[22], de grande race romaine, un des habiles généraux du temps, marchait pour appuyer les Suisses et défendre le Milanais. Les confédérés italiens paraissaient si assurés de la victoire, qu'ils disaient tout haut qu'ils allaient prendre les Français dans les défilés des Alpes come gli pipioni nella gabbia (comme des oiseaux en cage). Les Italiens virent qu'ils n'avaient pas affaire à des papillons, mais à des diables, comme dit Brantôme ; car, tout à coup surpris par les deux corps français partis de Gênes et de Briançon, ils furent dispersés, et Prosper Colonnia tomba lui-même au pouvoir du maréchal de Chabaune[23]. Les fuyards seuls apprirent aux Suisses que les Français entrés en Italie tournaient leur position. Alors, avec leur grande habitude de guerre, les Suisses piroitèrent sur leur flanc pour se porter sur le Pô, menacé par les corps du maréchal de La Palisse et de Lautrec.

Ce mouvement des Suisses, le connétable de Bourbon l'avait pressenti, en réunissant une armée de réserve à Lyon, destinée à franchir le centre des Alpes. Ce corps principal aborda de front le mont Cenis, tandis que les ailes attaquaient les flancs. La forte chevalerie, sous la conduite du Roi en personne, prit la route du Piémont ; François Ier devait recevoir à Turin les hommages du duc de Savoie, toujours un peu incertain dans son alliance et qu'il fallait raffermir. Le Roi s'empara de Novare et vint camper à Marignan, où il fat joint par les lansquenets des bandes noires, braves aventuriers des bords du Rhin[24], pleins de bravoure et d'indiscipline : toujours vêtus de noir, sévères dans leur visage, ce fut parmi les lansquenets, qu'Albert Durer prit son type du chevalier de la mort, que les oiseaux de la tombe couvrent de leurs ailes fantastiques. Il y avait dans ces corps d'aventuriers une bravoure, une intrépidité incomparables ; ils ne craignaient ni les couleuvrines des Italiens, ni les piques des Suisses.

L'armée se formait à peine à Marignan, que partout on signala les corps pressés des Suisses, qui s'avançaient en colonnes très-drues et silencieuses comme des moines. Ils voulaient surprendre les Français ; mais la poussière que leurs pieds soulevaient jusqu'aux cieux annonçait une attaque soudaine, et le connétable de Bourbon se prépara à les recevoir. Les Suisses s'avançaient par carrés hérissés de piques et de lances, précédés de leurs arquebusiers[25] ; leur but était de s'emparer de l'artillerie des Français pour la tourner ensuite contre la chevalerie et l'abîmer sous son feu.

Le connétable de Bourbon confia l'artillerie à la garde des lansquenets, qui la défendirent avec acharnement, tandis que, par une manœuvre habile, les gens d'armes du Roi, leurs capitaines en tête, enveloppaient les Suisses par leurs deux ailes[26] comme dans des tenailles d'acier.

L'attaque, comme la résistance, fut héroïque ; la bataille de Marignan dura deux jours et deux nuits ; les Suisses tombaient par groupes au milieu des carrés qu'ils avaient formés, sans abandonner leur rang : quinze mille de ces montagnards mordirent la poussière ; six mille Français furent tués dans la mêlée. Il s'y fit d'héroïques exploits que les chroniques ont racontés, en y mêlant les noms de François Ier, de Bayard, de La Trémouille, du sire de Genouillac[27], qui dirigea l'artillerie. Le véritable vainqueur de Marignan, ce fut le connétable de Bourbon, qui ne s'épargnait pas plus qu'un sanglier échauffé[28]. L'infanterie suisse y perdit la renommée d'invincible qu'elle avait gardée jusqu'alors ; les montagnards en pleurèrent de douleur, en jurant de se venger. Dans le récit que fait François Ier de la bataille de Marignan (dans une lettre écrite à sa mère, régente), il parle de ce combat de géants qui laissa une longue traînée de gloire, au milieu des grands deuils de la chevalerie : Ma mère, vous vous moquerez un peu de MM. de Lautrec et de Lescun, qui ne se sont point trouvés à la bataillé et se sont amusés à l'appointement des Suisses qui se sont moqués d'eux[29].

La victoire de Marignan donna le Milanais à la France ; le Roi et ses chevaliers firent leur entrée solennelle dans la cité capitale, accablés sous les fleurs. Milan, si fière de son antiquité, devint un peu la Capoue des gentilshommes français ; les belles patriciennes de Gênes avaient déjà retenu dans leurs liens François Ier. Les gentilshommes, enlacés de roses, emportèrent de l'Italie de funestes présents, et, si l'on en croit Brantôme, surtout ce mal de Naples, qui donna tant de soucis et de labeurs au jeune chirurgien Ambroise Paré, la lumière de la science.

 

VII. — LEONARD DE VINCI. - LA BELLE FERRONNIÈRE.

 

1515-1518.

 

Parmi les splendides conquêtes de François Ier en Italie, on doit compter la passion des arts qu'il y puisa comme à une source abondante, et le souvenir des merveilles de la Renaissance qu'il réunit autour de lui : à Rome, à Florence, à Milan, tout se réveillait alors au bruit des écoles de sculpture, de peinture, et François Ier s'enthousiasma pour les artistes surtout, qui souvent en Italie réunissaient les plus nobles instincts au génie.

Dans le rayonnement de la renaissance, apparaît une grande figure, celle de maître Léonard de Vinci, vieillard déjà ; il était né dans une de ces villa qui entourent Florence[30], et Dieu l'avait doué d'une belle figure, d'une taille élevée et d'une force de corps si prodigieuse, qu'il ployait de ses doigts le fer d'un cheval aussi facilement qu'une lanière de cuir. A ces dons naturels, il joignait les soins de l'éducation la plus haute, la plus variée : la physique, les mathématiques, l'éloquence[31]. Il fut placé dans l'atelier du peintre André Verocchio, qu'il étonna et surpassa bientôt par ses progrès. A l'art du peintre, Léonard de Vinci joignait une pratique étonnante dans la fonte des métaux, la sculpture colossale[32] et même l'art de l'ingénieur qui construit les ponts, trace et creuse les canaux. Ludovic Sforza avait appelé à Milan pour décorer ses fêtes, ses spectacles, maître Léonard de Vinci, qui se révéla tout d'un coup comme un habile mécanicien : des planètes roulaient dans un ciel d'or, des lyres d'argent rendaient un son harmonieux par le seul effet de son art créateur, et le bruit s'en était répandu dans toute l'Italie.

A l'entrée de Louis XII à Milan, Léonard de Vinci avait construit un lion automate qui marchait seul, et, s'arrêtant devant le Roi, se dressa sur ses pattes pour lui offrir l'écusson fleurdelisé de France ; et, quand le pape Léon X voyageait, maître Léonard avait façonné en bois, des petits oiseaux qui volaient et chantaient merveilleusement pour amuser et distraire le pontife. Mais l'œuvre admirable de Léonard de Vinci fut le tableau de la Cène qu'il entreprit pour le réfectoire des Dominicains, à la prière du grand duc Ludovic Sforza, suite de portraits de ses amis et de ses ennemis ; la tête de Judas fut même une vengeance[33]. La tradition veut que maître Léonard ait laissé la tête du Christ inachevée, parce qu'il s'était épuisé dans le dessin de celles des apôtres, et qu'il n'avait pu atteindre un assez haut degré de perfection pour peindre le divin maître[34].

Cet artiste extraordinaire, François Ier se le fit présenter après la victoire de Marignan ; il le prit en grande amitié, car maître Léonard était un charmant esprit, d'une éducation particulière, gracieux poète dans la langue italienne. Quand Milan et Florence étaient si agités, la peinture devait s'exiler, et le roi de France avait alors de grands projets pour la construction de ses châteaux, l'embellissement de ses jardins, l'achèvement des canaux autour de la Loire. Il faut donc placer à la fin de cette année 1515 le départ de maître Léonard de Vinci pour Fontainebleau[35], où le Roi lui fit un grand accueil ; il lui donna un appartement splendide au château d'Amboise. Léonard de Vinci s'occupa, comme ingénieur, à tracer le canal de Romorantin[36], à jeter ses idées sur les embellissements des demeures royales. C'est durant un de ses voyages à Paris, que Léonard composa le portrait un peu mystérieux, de la Joconde (Lisa del Giocondo), chef-d'œuvre tracé par l'ordre de François Ier. On dit que, pour distraire l'ennui que les longues séances pouvaient donner au modèle, Léonard de Vinci l'avait entourée de chanteurs, de joueurs d'instruments, d'improvisateurs et de poètes, et c'est ainsi qu'il parvint à la perfection ravissante du portrait, à ce regard d'une joyeuse enfant qui se reflète dans le regard de la Lisa del Giocondo.

Nul n'a pu dire quelle a été la femme aimée de François Ier qui a servi de modèle au portrait de la Joconde[37], et à ce sujet quelques conjectures me seront permises. Si l'on compare ce portrait à celui qui nous est resté de la belle Ferronnière, du même Léonard, on y trouve une certaine ressemblance dans les traits, malgré la différence des manières et des ornements de la chevelure. Il ne serait donc pas étonnant que le même type eût servi à deux portraits, et que Lisa del Giocondo ne fut que l'idéalisme de la belle Ferronnière. Je ne nie pas que, pour admettre cette hypothèse, il faudrait bouleverser toutes les histoires racontées sur les amours du roi François Ier et de la belle Ferronnière. Ces histoires d'abord portent avec elles un grand anachronisme : Léonard de Vinci était mort le 2 mai 1519[38], et elles reportent l'amour du Roi pour la belle Ferronnière à la fin de la vie de François Ier c'est-à-dire à plus de vingt ans plus tard ! Ils la font femme d'un bourgeois drapier, une sorte de baladine qui dansait et chantait dans les rues de Paris, puis avait épousé un marchand de la me de la Ferronnerie. Or, la date des amours du Roi pour la belle Ferronnière est fixée par le portrait même, une des belles œuvres de Léonard de Vinci, mort en 1519 : la Lisa del Jocondo était donc la femme aimée du roi à cette époque de jeunesse et de victoire. Maintenant le doute est de savoir si c'était la belle Ferronnière.

Elle était un chef-d'œuvre de grâce, de douceur et de joie expansive ; cette figure de jeune fille désespère l'art par la perfection de ses traits : nul ornement, un front pur, un nez divin, des yeux admirables d'expression, et la bouche animée par un léger sourire. Je crois donc que la belle Ferronnière, comme semble d'ailleurs l'indiquer son nom Ferronari, Ferrieri, était une de ces belles milanaises ou génoises éprises du roi de France ou de ses chevaliers, après la victoire de Marignan, et qui le suivirent à Paris, doux trophée d'un retour glorieux. Quand il s'agit de peindre Lisa, le Roi s'adressa directement à Léonard de Vinci, et, comme la Joconde, fille rieuse, aurait pu s'ennuyer, comme un moment de fatigue sur ce beau front aurait pu le ternir, Léonard de Vinci, plaçant la Joconde sur une espèce de trône, l'avait entourée, comme nous l'ayons déjà dit, de musiciens et de baladins pour la distraire[39]. François Ier assistait lui-même à ces longues séances, et quand le portrait fut achevé, il le paya 4.000 écus d'or (ce qui fait aujourd'hui 200.000 francs).

Le beau côté de François Ier fut de n'avoir jamais marchandé avec le talent, qui a sa couronne au front. Avec Léonard de Vinci, il agissait plutôt en ami qu'en roi ; on voyait partout ce beau vieillard à la barbe blanche, dans les royales pompes d'Amboise, de Fontainebleau et de Saint-Germain, les trois résidences du Roi ; nulle tète plus belle, nulle humeur plus enjouée, nulle philosophie plus douce[40], avec cette universalité de talent qui le rendait partout précieux et nécessaire ; mécanicien pour le théâtre et les fêtes, ingénieur pour le tracé des canaux, architecte pour les bâtiments, peintre admirable de la nature et de l'art. Léonard de Vinci était néanmoins susceptible, inquiet, fier de lui-même, comme tout génie supérieur qui craint de ne pas être suffisamment apprécié, mais toujours d'une grave et douce philosophie. L'universalité était le caractère de son génie, et la même main qui peignait la Cène, traçait les remparts et les glacis des places-fortes. Tantôt on le trouvait dans un atelier disséquant le corps humain, comme l'anatomiste le plus exact, tantôt écrivant le Traité de la Peinture, objet de tant d'éloges de Poussin, et dont Annibal Carrachio disait : Quel dommage que je ne Taie pas connu plutôt ; il m'aurait évité vingt ans d'études. François Ier fit de Léonard de Vinci presqu'un peintre français, car il mourut à Amboise dans le sentiment d'une extrême piété, et fut enterré dans l'Église de Saint-Florentin ; le Roi assista debout à ses funérailles, disant à tous : qu'il pouvait faire un noble, que Dieu seul faisait les grands artistes !

 

VIII. — MADAME DE CHÂTEAUBRIAND. - GOUVERNEMENT DU MARÉCHAL DE LAUTREC DANS LE MILANAIS.

 

1518-1520.

 

Un des plus beaux noms, dans les fastes de la chevalerie, était celui de la noble famille de Foix, liée par son origine aux maisons de France et de Navarre. Ce nom remontait à la croisade de Philippe-Auguste, pendant laquelle Roger Raymond, comte de Foix, se signala au siège d'Ascalon[41]. Mais le plus poétique de tous fut Gaston de Foix, vicomte de Béarn, qui reçut le nom de Phébus, à cause de la beauté de ses traits et de sa blonde chevelure qui descendait en boucles ondoyantes sur ses épaules ; ce fut ce grand chasseur aux huit cents chiens en meute, qui écrivit le livre si précieux : Du déduist de la chasse, des bêtes sauvages et oiseaux de proie[42]. De cette illustre tige, était issu Gaston de Foix, fils de Jean de Foix, vicomte de Narbonne et de Marie d'Orléans, sœur du roi Louis XII, créé duc de Nemours, et tué vaillamment à la bataille de Ravennes. Sa mort causa une douleur si profonde au roi de France, qu'il s'écria : Je voudrais ne plus posséder un seul pouce de terrain en Italie, et pouvoir à ce prix faire revivre mon neveu Gaston de Foix et tous les autres braves qui ont péri avec lui. Dieu nous garde de remporter souvent de telles victoires. Ces regrets étaient ceux de l'armée entière ; elle gardait un bon souvenir de ce courageux jeune homme, qui s'était élancé sur les Espagnols en poussant ce noble cri : Qui m'aimera si me suive ! et tous l'avaient suivi, parce que tous l'aimaient, et la gloire avec lui.

Gaston de Foix avait pour sœur, Françoise de Foix, mariée très-jeune avec Jean de Laval-Montmorency, seigneur de Chateaubriand, en Bretagne. Elle y vivait fort retirée, lorsque François Ier fit publier par tout son royaume ce bel adage : qu'une cour sans dames était comme un printemps sans roses, devise charmante d'Alain Charlier. Le Roi appela donc toutes les belles châtelaines à Fontainebleau, où il ne fut plus question que de galanteries, passes d'armes et tournois. Madame de Chateaubriand, belle entre toutes, y fut mandée par un message de la reine, et la chronique dit que le seigneur de Chateaubriand, fort jaloux, inquiet de cette renommée galante de la cour de François Ier, fit promettre à sa femme qu'elle ne viendrait point à la cour, à moins de recevoir un anneau d'or, celui que le sire de Chateaubriand portait à son doigt, marqué au scel de ses armes. François Ier en fut informé ; par surprise il fit enlever ou imiter la bague du sire inquiet et jaloux, et, par cette supercherie, il attira madame de Chateaubriand dans le piège[43].

On ne peut dire si cette légende n'est pas empruntée aux Cent nouvelles nouvelles du roi Louis XI, si elle n'était pas un de ces contes imités de Boccace alors fort goûtés ; mais un fait incontesté, c'est que, dès cette année, on voit madame de Chateaubriand régner en souveraine, et disposer des commandements les plus élevés en faveur de sa famille, illustre au reste, et si brave ! Gaston de Foix, son frère, était mort glorieusement à la bataille de Ravennes ; le second, Odet de Foix, sire, puis maréchal de Lautrec, avait bravement servi en Italie et était resté à Milan après le départ du roi et da connétable, chargé du commandement de l'armée.

La bataille de Marignan avait détruit à la fois la puissance des Sforza et des Suisses, et placé dans la main de la France la souveraineté du Milanais. Il restait une question très-sérieuse : aux mains de qui ce beau duché serait-il confié ? Le laisserait-t-on à une de ces grandes familles lombardes et nationales, qui resterait ainsi italienne, ou le placerait-on sous le gouvernement d'un Français ? Il eut été plus habile de constituer une apparence de nationalité italienne : sous la tente du Roi, servait le vieux et prudent maréchal de Trivulce[44], de la grande famille d'Antonio Trivulzio, qui s'était vouée au service de France depuis le roi Louis XI. Trivulce était lié par le sang aux Visconti, si aimés des Milanais ; il aurait pu présider en quelque sorte, à un gouvernement national composé de Lombards, sous la suzeraineté du roi de France. Celte politique habile aurait maintenu la rivalité entre les Visconti et les Sforza, et préparé la domination de la France. Mais la chevalerie française ne pouvait comprendre, ni supporter que Ton confiât aux Italiens un pays conquis par ses armes : Trivulce, après le siège de Brescia, fut rappelé en France avec une certaine méfiance de sa destinée, et, sous l'influence de la comtesse de Chateaubriand, le maréchal de Lautrec obtint le gouvernement du Milanais. Si la victoire de Marignan avait donné une force aux Français en Italie, si les Vénitiens avaient député quatre de leurs plus fiers sénateurs pour saluer le Roi, si le pape Léon X[45] lui-même, le dictateur de l'Italie, avait signé le concordat, il n'était pas moins vrai que les Italiens n'aimaient pas les Français ; ce caractère léger auprès des dames et railleur pour les hommes, leur était antipathique. A Milan, on eût appelé et secondé le pouvoir du maréchal Trivulce, parce qu'il appartenait à la race italienne, mais le maréchal de Lautrec de la maison de Foix était trop français ; il faisait trop sentir la domination étrangère. Le maréchal, méfiant pour les Italiens, avait confié le gouvernement des places de la Lombardie : Crémone, Bergame, à des Français, et les Milanais murmuraient hautement de cet oubli de leur nationalité. Sforza était de leur race ; s'il faisait hommage aux empereurs allemands, lui au moins restait Milanais, et comme un vieux chef des grandes compagnies, il était prêt à les seconder dans leur indépendance. Un an s'était à peine écoulé depuis la bataille de Marignan, qu'on vit descendre des montagnes du Tyrol seize mille Suisses, vingt mille lansquenets, qui accouraient reprendre leur position de bataille et de guerre, et répondre à l'appel des Italiens[46].

Le maréchal de Lautrec, en ce moment, assiégeait Brescia, de concert avec les Vénitiens, fidèles alliés de la France ; les Suisses et les lansquenets débordant ses deux ailes, le maréchal fut obligé de se retirer en toute hâte vers Milan, où le connétable de Bourbon vint le soutenir avec toutes ses forces. Cette invasion subite fut repoussée, mais l'Italie, toujours inconstante, murmurait ; comme un malade qui change de côté et souffre toujours, elle appelait tantôt l'appui des Allemands, tantôt l'appui des Français, elle ne pouvait rester elle-même. Elle possédait pourtant deux grands centres d'unité : Rome et Venise. Léon X ne s'était lié qu'un moment à la France, et pour la question religieuse ; il aspirait à la liberté et à l'unité italienne ; Florentin d'origine, il savait bien que les grands jours de Florence étaient passés ; il ne voyait donc plus que Rome qui fût capable de lutter contre l'empire allemand. Les papes avaient leur armée toute romaine, ils prenaient pour auxiliaires les cantons catholiques de la Suisse[47]. Mais le double fait de la réformation de Luther et de l'invasion des Turcs, rendait très-difficile la souveraineté de l'Italie, à laquelle les papes aspiraient.

Venise, le second centre d'unité, était à son plus haut degré de gloire et de splendeur. Si l'invasion des Turcs avait un peu contenu sa puissance en Italie, si la ligue de Cambrai avait comprimé ses prétentions à la monarchie universelle, elle s'était étendue sur la terre ferme : maîtresse de la Croatie et de la Dalmatie, elle avait porté ses frontières de l'autre côté jusque dans la Lombardie. Venise pouvait mettre sur pied de guerre trente ou quarante mille Esclavons, bonne troupe, et elle avait un capitaine de premier ordre, l'Alviane, qui pouvait être comparé au connétable de Bourbon. Ce fut une remarque à faire, l'Italie fournit alors trois capitaines de premier ordre : Prosper Colonnia, Sforza, l'Alviane[48], et cependant elle ne put ni vaincre ni se rendre indépendante. C'est que de tristes divisions la partageaient toujours : Venise ne pouvait supporter la puissance du Pape ; les Lombards détestaient les Vénitiens, et n'auraient jamais subi la domination du Lion de Saint Marc.

De ces divisions, résultaient une extrême faiblesse, un incessant besoin de recourir à l'étranger; comme les Lombards et les Romains, les Florentins ne voulaient pas reconnaître la souveraineté des Vénitiens ; ceux-ci abandonnèrent leur cause. L'alliance intime de Venise se fit donc avec la France, et l'Alviane, le patricien, à la tête des troupes de la sérénissime République, avait secondé les opérations des Francis dans la Lombardie ; à leur tour, les Français appuyaient les Vénitiens contre les troupes allemandes, qui descendaient incessamment du Tyrol, et Lautrec accourut au siège de Brescia pour s'unir aux Vénitiens. Mais Lautrec, impétueux dans ses opérations, n'eut pas un grand succès : la situation des Français en Italie était encore une fois compromise. Madame de Chateaubriand protégeait sa famille, et le maréchal ne fut pas rappelé. Les préoccupations du roi François Ier se portaient vers d'autres intérêts ; quand une fois l'ambition éclate, elle n'a plus ni bornes ni but limité. Elle va toujours en avant jusqu'aux grandes leçons que Dieu lui réserve.

 

 

 



[1] Le 23 novembre 1407 (Juvénal des Ursins, Histoire de Charles VI). L'hôtel de la rue Barbette existe encore selon la tradition hasardée. La maison que l'on voit aujourd'hui ne date pas au delà du XVIIe siècle, Les chroniques de Monstrelet entrent dans de grands détails, t. I, p. 36.

[2] La vie du comte d'Angoulême a été écrite par Papyrus, Masson et Jean Du Port. On trouve des détails exacts dans l'Art de vérifier les dates, par les bénédictins.

[3] Le comte Dunois était fils de Louis XII et de Mariette d'Enghien.

[4] Né le 14 novembre 1494.

[5] Le Journal de Louise de Savoie embrasse l'histoire depuis 1501 jusqu'en 1522. Il a été publié en outre par Guichenon, Histoire généalogique de la maison de Savoie.

[6] Brantôme dit de Louise de Savoie : Elle était très-belle de visage et de taille, et à grand peine voyait-on à la cour de plus riche que celle-là.

[7] Les Gouffier étaient de la noblesse de Poitou.

[8] C'était alors le temps des devises et des symboles comme on peut le voir dans les monuments contemporains. J'ai trouvé sur une médaille qui porte le Salamandre de François Ier cette devise :

Discutit hæc flammam Franciscus robore mentis

Omnia pervicit, rerum immersabilis undis.

[9] Il est triste de voir l'abandon des souvenirs de François Ier à Fontainebleau.

[10] Madame Claude, fille de Louis XII, portait pour devise la lune éclatante et cette légende : candida candidis.

[11] 15 janvier 1515. On peut voir son admirable tombeau, sur lequel il est placé à côté de la reine Anne de Bretagne, dans l'église de Saint-Denis. Je m'y suis souvent arrêté, taudis que la foule allait visiter les tombeaux replâtrés. Quand abandonnera-t-on cette horrible manie de mettre du plâtre sur toutes les statues du moyen-âge ?

[12] Brantôme se plaint un peu de la faveur exclusive des amis de François Ier :

Sire, si vous donnez pour tous

A trois ou quatre,

Il faut donc que pour tous,

Vous les fassiez combattre.

[13] 25 janvier 1515.

[14] Belcarius, Comment, rerum Gallic., liv. année 1515.

[15] L'aïeul des Sforza, chef de leur maison, était Giacomuzo Sforza, dont le père était simple cultivateur et qui fut soldat, chef de condottieri. Le surnom de Sforza venait de force. Le premier duc de Milan qui reçut l'investiture des empereurs Germains fut son fils François-Alexandre Sforza (1415).

[16] Sur les guerres d'Italie, il faut consulter Guicchardini ; quoique fort dessiné contre la France, il est exact et précieux.

[17] Les Suisses s'étaient d'abord alliés à la France sous Louis XI par le traité de 1454 conclu avec le dauphin depuis roi ; ils secondèrent Charles VIII et Louis XII au commencement de son règne ; ils se séparèrent ensuite de la France sur des questions de positions et d'argent (Comparez Simler, Respublica Helvetica et Philippe de Comines fort détaillé sur les négociations avec les Suisses).

[18] Venise avait traité séparément avec Louis XII et voulait renouveler ce traité avec François Ier. Guicchardini, livre XII.

[19] L'origine de la maison de Savoie est des plus anciennes ; elle remonte à Humbert Ier, duc de Savoie en 1020 ; il était Saxon. Comparez le livre de Guichenon, Histoire généalogique de la maison de Savoie et l'ouvrage de M. Costa de Beauregard. Turin 1806, 3 vol. in-8°. Les ducs de Savoie, étaient classés parmi les feudataires de l'Empire. Ce fut Amédée IV, duc en 1234, qui plaça le siège de son gouvernement à Turin.

[20] Le connétable était fils de Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier, né le 27 février 1489, il avait alors vingt-six ans.

[21] Guicchardini, livre XII ; Paul Jove, livre XV.

[22] Prosper Colonnia qui avait été d'abord au service de la France, était un élève de Gonzalve de Cordoue ; les Colonnia étaient les grands ennemis des Orsini.

[23] L'armée des confédérés italiens contre les Français se composait de Lombards, de Romains, de Florentins, de Parmesans et de Bolonais. Paul Jovi, livre IV.

[24] C'étaient six mille aventuriers qui avaient servi le duc de Gueldre contre l'empereur d'Allemagne : leur drapeau était noir. (Belcarius livre XV, Guicchardini livre XII.)

[25] C'est ainsi qu'on les voit dans les bas-reliefs du tombeau de François Ier à Saint-Denis.

[26] Paul Jovi, Historia sui tempor.

[27] Le duc de Savoie s'y comporta avec une grande vaillance ainsi que le duc de Lorraine et de Gueldre.

[28] Paul Jove est le seul qui ne rende pas au connétable la justice qu'il mérite. Historia sui tempor, livre XV.

[29] J'ai donné cette lettre en entier dans mon François Ier et la Renaissance.

[30] Au château de Vinci, en 1452.

[31] Il était fils naturel de Giacoppo de Vinci (de noble maison).

[32] La statue équestre de Ludovico Sforza et tanto grande la commencio, che condur non si pote mai.

[33] Voyez le remarquable opuscule de l'abbé Aimé Guillon, sous ce titre : Le cénacle de Léonard de Vinci, essai historique et physologique. Milan 1811, in-8°.

[34] Léonard de Vinci était aussi poète, et rien de joli comme ce sonnet mélancolique à la manière du Tasse :

Chi non può quel che vuol, quel che può voglia

Che quel che non si può folle e volere.

Adunque saggio e l'huomo da tenere

Che da quel che non può suo volere toglia.

[35] Telle est l'opinion de Mariette, de Vasari et de Monzi, éditeur du Traité della pitture, par Léonard de Vinci.

[36] Venturi a publié en 1797 un excellent mémoire sur Léonard de Vinci.

[37] Le portrait est au Louvre.

[38] On sait que Léonard de Vinci mourut dans les bras de François Ier ainsi que le dit son épitaphe :

Leonardus Vincii, quid plura ?

Divinum ingenium

Divina manus

E mori in sinu regio meruêre

Virtus et fortuna hoc monumentum contingere

Gravissimis impensis curaverunt.

[39] Cette scène a été plusieurs fois reproduite par la peinture.

[40] Ces vers d'un de ses sonnets expriment encore sa philosophie toujours de bon conseil.

A dunque tu, lettor di queste note

S'a te vuoi esser buenoe, e agi' altri caro,

Vogli semper poter quel che tu debbe.

[41] Dans la croisade de 1190 (Voir mon Philippe Auguste). Il avait épousé Marie, fille du roi d'Aragon.

[42] Il a été aussi publié sous ce titre : Le Myroir de Phœbus avec l'art de faulconnerie et la cure des bestes et oyseaux à cela propice. Imprimé par Philippe Lenoir 1515-1520.

[43] Les détails un peu romanesques de la vie de madame de Chateaubriand sont tirés d'un pamphlet hollandais sous ce titre : Histoire amoureuse de François Ier. Amsterdam, 1695.

[44] Jacobo Trivulzio était né en 1447 : il a été sévèrement jugé par les historiens français ; il mourut en 1518. Son épitaphe est curieuse :

Hic quiescit qui nunquam quierit.

[45] Pour les détails, lisez mon livre sur François Ier et la Renaissance.

[46] Guicchardini, livre XII. — Belcarius livre XV et Paul Jovi, hist. sui temporis, livre XVIII. Paul Jovi a écrit une vie de Léon X.

[47] Le cardinal de Sion, un des esprits remarquables du temps, était l'intermédiaire entre le Pape et les Suisses, auxquels Rome avait envoyé des étendards bénis.

[48] Bartholomeo Alviani, vénitien, avait servi d'abord sous les ordres de Borgia ; cette illustre et grande famille des Borgia, tant calomniée, voulait rendre l'Italie la reine du monde. Tous les mélodrames et les balles histoires qu'on a faits sur les Borgia ne sont que des légendes atroces inventées par leurs ennemis. Les Borgia étaient des patriotes italiens avec des âmes males et romaines qui voulaient délivrer leur patrie du joug des nations étrangères; en désespoir de cause, ils se jetèrent dans les mains de la France ; ils sont l'origine des ducs de Valentinois,