HISTOIRE DES SÉLEUCIDES (323-64 avant J.-C.)

 

CHAPITRE XIV. — LA DÉCHÉANCE DE LA DYNASTIE.

 

 

Le reste de l’histoire des Séleucides n’est plus qu’une série monotone de vicissitudes qui se suivent avec la régularité du flux et du reflux. Les détails, qui auraient pu jeter quelque variété sur ce canevas, tissu de noms et de dates le plus souvent problématiques, ont disparu ; et l’historien ne sait à quoi attacher sa sympathie dans une pareille mêlée de passions égoïstes, de haines héréditaires. au milieu desquelles s’achève la ruine de la dynastie.

Les deux Séleucides qui venaient de disparaître à un an d’intervalle léguaient leur querelle à leurs enfants. Antiochos VIII, représentant de la branche aînée, laissait cinq fils, et la brandie cadette pouvait mettre en ligne un prétendant. Séleucos VI, fils aîné d’Antiochos VIII, ne porta pas longtemps son orgueilleux surnom de Nicator. Antiochos IX avait eu de sa première femme Cléopâtre (IV) un fils, Antiochos X, dit le Pieux, qui, sauvé, dit-on, par une courtisane éprise de sa beauté[1], trouva un asile dans la ville libre d’Arados et en sortit bientôt avec des forces suffisantes pour expulser de Syrie son adversaire. Poursuivi en Cilicie et de nouveau battu près de Mopsuheste, Séleucos VI se jeta dans la ville et crut pouvoir intéresser les habitants, de gré ou de force, à sa cause. Comme il leur demandait de l’argent sur un ton qui ne convenait plus à sa fortune présente, ils s’insurgèrent et mirent le feu à l’édifice — palais ou gymnase — où il s’était réfugié avec ses amis. Séleucos fut ainsi brûlé vif ou se tua pour ne pas l’être (95). Il fut peu regretté : c’était, dit Appien, un caractère violent et tyrannique au possible[2].

Mais Séleucos VI avait derrière lui les quatre frères qui avaient probablement pris part à la lutte et qui la continuèrent après lui. Pendant que Antiochos X s’installait à Antioche et devenait — par un mariage disproportionné et à peine croyable — le quatrième époux de sa belle-mère Cléopâtre Séléné[3], les plus âgés des fils survivants de Grypos, les jumeaux Philadelphes, Antiochos XI et Philippe I, tombaient à l’improviste sur Mopsuheste et vengeaient la mort de leur aîné en la détruisant de fond en comble. Antiochos X accourut à son tour et battit ses rivaux au moment où, autant qu’on en peut juger, ils marchaient sur Antioche. Antiochos XI s’enfuit à toute bride, probablement sur la route de Damas, et se noya en voulant traverser l’Oronte (94).

Sur les cinq fils d’Antiochos VIII Grypos, deux avaient disparu dans l’espace d’un an. Philippe se maintint en une certaine partie de la Syrie[4]. Dans un pays si agité, on trouvait partout des mercenaires, à condition de les payer, et la quantité de monnaies conservées à l’effigie de Philippe indiquerait assez qu’il ne manquait pas d’argent. Il dut réparer facilement les pertes de son armée et se mettre en état de continuer la lutte contre Antiochos X le Pieux. Peut-être se fût-il contenté de l’héritage paternel, avec Damas pour capitale, s’il avait pu le posséder en entier ; mais la meilleure part en était déjà distraite au profit de son frère Démétrios III. Celui-ci s’était d’abord réfugié à Cnide. De là, il s’était entendu avec le roi de Cypre, Ptolémée Lathyros, qui, sans doute en haine du quatrième mari de son ex-épouse Séléné, soutenait maintenant la branche aînée des Séleucides. Ptolémée l’avait installé à Damas, et des monnaies datées prouvent qu’il y régna dès l’an 217 Sel. (96/5 a. C.), avec les titres pompeux de Théos Philopator Soter, ou encore de Philométor Évergète Callinicos, pendant près de dix ans[5]. Le vulgaire le connaissait sous le nom guère mieux choisi de Bonaventure (Εύκαιρος), l’homme qui a de la chance, sobriquet transformé, du côté ennemi, en Άκαιρος, le Malchanceux ou l’Intempestif. Philippe, réduit à la portion congrue, devait trouver aussi que ce frère avait de la chance, et, sous son titre affectueux de Philadelphe, il nourrissait des ressentiments peu rassurants pour l’avenir. Pour le moment, les deux frères paraissent ne pas s’être divisés en face de leur ennemi, Antiochos X, qui leur opposait, dit Josèphe, une résistance énergique et n’en fut pas moins battu (94 ?).

Il devient de plus en plus difficile de suivre, à la lueur de renseignements insuffisants et contradictoires, la marche des événements. On peut juger du désarroi des sources en comparant la version de Josèphe, qui fait périr Antiochos X peu de temps après Antiochos NI dans un combat contre les Parthes (en 92) ; le texte d’Appien, qui le fait détrôner par Tigrane (en 84/3) ; celui de Justin, qui le fait restaurer, après la défaite de Tigrane, par Lucullus ; et les assertions des chronographes qui nous représentent le même sollicitant sa restauration auprès de Pompée[6]. Il y a évidemment dans ces dissonances des confusions de personnes [note 1]. En pareil cas, c’est beaucoup que d’arriver an vraisemblable. La Syrie se trouvait toujours partagée entre les deux branches de la maison des Séleucides : la Haute-Syrie à Antiochos X, la Cœlé-Syrie aux fils de Grypos. On ne s’étonne pas que cet état de choses, indéfiniment prolongé, ait suggéré au roi des Parthes, Mithridate II le Grand (Arsace IX) le projet d’ajouter la Syrie à son empire. Les Parthes doivent avoir envahi à ce moment d’abord la Commagène. Ce pays, récemment détaché du royaume séleucide, était alors gouverné par la reine Laodice (Théa Philadelphe), autrement dit, par le couple Laodice-Mithridate Ier Callinicos. Antiochos X se porta au secours de Laodice, moins assurément pour défendre une fille de Grypos, une sœur de ses concurrents, que pour arrêter les Parthes à distance de sa propre frontière. Peut-être avait-il calculé que, victorieux, il pourrait, s’il lui plaisait, évincer la nouvelle dynastie et reprendre la Commagène. Il périt dans cette campagne, et sa mort livra la Syrie, ou des lambeaux de la Syrie, à la branche aînée (93/2 a. C.)[7]. Sa femme, la reine Cléopâtre Séléné, dut chercher, pour ses enfants en bas âge et pour elle, un asile où elle pût attendre les événements. L’histoire les perd de vue durant près de vingt ans.

L’occasion s’offrait aux fils survivants d’Antiochos Grypos de se partager équitablement l’héritage de la dynastie ; mais il est plus que probable que le mieux armé, Démétrios III, se saisit de la place vacante. Non pas peut-être d’Antioche. La ville, toujours hostile a la descendance des Démétrios, émet, de 92 à 69, des monnaies autonomes : elle a dû se déclarer alors métropole sacrée et inviolable, inviolable tout au moins pour les faibles. Le fait que l’on rencontre, quatre ou cinq ans plus tard, des gens d’Antioche dans l’armée de Démétrios III ne prouve pas qu’il y fût le maître. Philippe parait s’être cantonné dans la région orientale, tout heureux d’avoir pour allié et protecteur Straton, le tyran de Bérœa en Cyrrhestique. La guerre civile n’était qu’ajournée.

Démétrios III, décidément favori de la Fortune, fut dispensé par les circonstances de combattre les Parthes, qui venaient d’abattre Antiochos X. L’élan qui les avait portés jusqu’aux frontières de la Syrie, et peut-être même en Cilicie[8], s’était brusquement arrêté. S’ils avaient eu un moment le projet de s’annexer le royaume de Syrie, ils paraissent y avoir renoncé et même avoir évacué la Commagène. Les événements qui se déroulaient en Cappadoce et en Arménie, pays limitrophes de leurs possessions, suffisent à expliquer ce mouvement de recul. Le célèbre roi de Pont, Mithridate VII Eupator, ne laissait pas un instant de repos à ses voisins et attirait sur eux comme sur lui la vigilance, dangereuse pour tous, de la République romaine. Il avait été évincé de la Cappadoce (95) par les Romains, qui reconstituèrent dans ce pays une dynastie indigène en faisant élire Ariobarzane, un roi dont la politique est suffisamment caractérisée par son surnom d’Ami des Romains. Alors, le roi de Pont s’était retourné vers l’Arménie et allié avec Tigrane, dont il fit son gendre. Tigrane, d’accord avec Mithridate, expulsa l’inoffensif Ariobarzane, qui se réfugia à Rome. Le Sénat, jugeant l’occasion doublement opportune de faire sentir son autorité aux monarques orientaux et de donner satisfaction au parti militaire, qui cherchait des prétextes pour intervenir, le Sénat chargea le préteur L. Cornélius Sylla de rétablir Ariobarzane sur le trône de Cappadoce (93). Sylla s’acquitta de sa mission avec l’énergie dont il donna plus tard tant de preuves : il porta les aigles romaines jusqu’à la rive de l’Euphrate, où elles n’avaient jamais encore pénétré. Là, il reçut un ambassadeur du roi des Parthes, sollicitant l’amitié et l’alliance des Romains. Sylla prit l’attitude hautaine d’un conquérant. Il accepta les compliments et l’amitié du roi des Parthes ; mais le roi se sentit humilié dans la personne de son ambassadeur Orobaze, qui, de retour à Ctésiphon, eut la tète coupée pour n’avoir pas mieux sauvegardé l’honneur de son maître (92). Ce n’était pas le moment pour le Partite de songer à dépasser sa frontière[9].

Démétrios III, qui parait avoir conclu dans l’intervalle un accommodement quelconque avec les gens d’Antioche, eut assez de loisir pour essayer de rétablir la domination des Séleucides en Judée. L’occasion lui en fut offerte par les Juifs eux-mêmes, et, cette fois, non plus par le parti des philhellènes, confondu maintenant avec la coterie des Sadducéens, mais par le parti opposé, celui des Pharisiens, ritualistes qui maintenaient plus âpre que jamais l’intolérance ancestrale. La discorde était dans ce malheureux pays un fléau permanent et incurable. Le roi-pontife Alexandre Jannée, plus préoccupé de conquêtes que de religion, entouré de mercenaires étrangers prêts à le défendre envers et contre tous, était en butte à la haine des pharisiens et ne régnait plus que par la terreur. Insulté dans ses fonctions sacerdotales, il avait riposté par le massacre de 6.000 manifestants. Un échec qu’il éprouva au cours d’une expédition contre Obédas, roi des Nabatéens, rendit courage au peuple exaspéré. Une guerre intestine s’ensuivit, série d’émeutes suscitées par les fanatiques observateurs de la Loi et noyées dans le sang. Ce régime, au dire de Josèphe, dura six ans et coûta la vie à cinquante mille Juifs. Effrayé lui-même de ces tueries, Alexandre fit des avances aux révoltés. Comme il leur demandait ce qu’ils voulaient, ils lui répondirent d’une seule voix : Ta mort ! et ils envoyèrent des députés à Démétrios Akæros pour solliciter son alliance[10]. Par un étrange retour des choses d’ici-bas, c’était le descendant des Macchabées qui scandalisait les Juifs par son dédain pour les minuties du rituel mosaïque, et c’était le parti des zélés qui invoquait contre cet hellénisant le secours des infidèles.

Démétrios III saisit au vol cette chance inespérée. Vers l’an 88, il entra en Judée avec une armée de 43.000 hommes et fut accueilli comme un sauveur. Alexandre Jannée fut complètement battu à Sichem, malgré la bravoure de ses mercenaires, qui se firent tuer jusqu’au dernier. Mais bientôt, le sentiment national se retourna contre le vainqueur. Les Juifs qui avaient renforcé l’armée syrienne l’abandonnèrent, et Alexandre, réfugié dans la montagne, vit grossit autour de lui le nombre de ses partisans. Démétrios comprit que la partie devenait dangereuse pour lui : il se retira, laissant les zélotes les plus compromis aux prises avec leur roi altéré de vengeance. Décimés par des combats meurtriers, les plus tenaces finirent par être enfermés et pris dans la ville de Béthomé. Alexandre les ramena à Jérusalem, où il les traita avec une cruauté sans pareille. Dans un banquet qu’il donna à la vue de tous, avec ses concubines, il ordonna d’en crucifier environ huit cents, et, pendant qu’ils vivaient encore, il fit égorger sous leurs yeux leurs enfants et leurs femmes[11]. Josèphe excuse encore plus qu’il ne blâme de pareilles fureurs de la part d’un homme qui avait été poussé à bout » et qui, en frappant des traîtres à la patrie, des complices de l’étranger, ne vengeait pas seulement ses propres injures. Cette exécution procura à Alexandre Jannée douze ans de tranquillité : il termina son règne en paix.

Pendant ce temps, Démétrios, au lieu de licencier son armée, eut l’idée de l’utiliser contre son frère Philippe, qu’il allait prendre au dépourvu. Il partit donc de la Judée et se dirigea sur Bérœa en Cyrrhestique, où Philippe avait cherché asile auprès de son allié le tyran Straton. Philippe et Straton firent appel à leurs voisins, l’émir arabe Aziz et le satrape parthe de la Mésopotamie, Mithridate Sinakès, qui accoururent à son aide avec de grandes forces. Démétrios, pour avoir cru le succès facile, allait au devant d’un mécompte. Soit qu’il eût congédié par économie ses mercenaires, soit qu’il eût éparpillé ses troupes dans des garnisons, il n’avait plus avec lui qu’une douzaine de mille hommes — en comptant les volontaires que lui fournit Antioche — quand il marcha sur Bérœa et campa sous ses murs. Il arriva ainsi que d’assiégeant il devint assiégé et fut contraint par le manque d’eau de se rendre à discrétion. Les vainqueurs renvoyèrent sans rançon le contingent d’Antioche, amabilité dont Philippe escomptait le bénéfice : puis, après avoir pillé la région, les Arabes se retirèrent, et les Parthes de même, emmenant avec eux Démétrios captif (88/7 a. C. ?). C’était le troisième roi séleucide qui tombait ainsi aux mains des Parthes et allait attendre, dans la plus humiliante (les postures, le rôle que lui destinerait la politique de son maître. Il fut traité avec les plus grands égards. Mithridate Il n’avait pas un intérêt bien évident à prolonger sa détention ; mais le Parthe attendit l’occasion de le relâcher, et Démétrios III, le malchanceux cette fois, mourut de maladie en captivité[12].

La mort d’Antiochos X le Pieux et la captivité de Démétrios III ne laissaient plus en présence que deux survivants des fils d’Antiochos VIII Grypos : Philippe et le plus jeune de tous, Antiochos XII, dit Dionysos. Les enfants d’Antiochos X et leur mère Séléné vivaient dans quelque retraite cachée et ne comptaient plus. Philippe, réconcilié avec Antioche et rentré enfin dans sa capitale[13], put espérer avoir reconstitué l’unité du royaume : mais, deux Séleucides en vie, c’était assez pour perpétuer la guerre civile. Au grand désappointement de Philippe, Antiochos Ili alla prendre le titre de roi à Damas (87 ?). L’ambition s’était éveillée chez lui dès qu’il apprit la déconfiture de Démétrios, ou même avant, pendant que Philippe était enfermé dans Bérœa. Philippe hésita tout d’abord à attaquer son frère ; mais, celui-ci s’étant mis en campagne contre les Nabatéens, Philippe accourut aussitôt à Damas. La place lui fut livrée par Milésios, qui commandait la garnison laissée dans la citadelle. Un politique plus avisé eût ou ménagé ou supprimé le traître. Philippe ne fit ni l’un ni l’autre : il offensa Milésios par son ingratitude et lui laissa les moyens de se venger. Aussi, étant sorti un jour pour assister aux courses de l’Hippodrome, il trouva au retour les portes de la ville fermées par Milésios, lequel put se vanter auprès d’Antiochos XII, revenu en toute hâte de son expédition, de lui avoir conservé la ville.

Antiochos XII laissa son frère devenir ce qu’il put. Pour lui, il reprit sa campagne interrompue contre les Nabatéens : mais, soit pour éviter une marche dans le désert, soit pour faire acte de suzerain en Judée, soit pour les deux motifs à la fois, il fit passer son armée par la Palestine. Alexandre Jannée, qui avait ses raisons de se défier, fit des efforts inouïs pour lui barrer le chemin. Josèphe parle d’une muraille de 150 stades de long, garnie de tours de bois et défendue en avant par un fossé profond, qu’il mena de Joppé à Chabarzaba (Antipatris). Antiochos mit le feu à ces ouvrages et passa outre, bien que son armée ne montât pas à dix mille hommes. Il se réservait sans doute de vider sa querelle avec Alexandre Jannée quand il aurait battu les Arabes. Mais il ne revint pas. Les Nabatéens, en se dérobant, l’entraînèrent au cœur du pays, puis soudain l’enveloppèrent avec leur cavalerie, près du bourg de Motho. Antiochos lutta courageusement, et il allait vaincre quand il tomba mortellement frappé. Son armée débandée se réfugia à Cana en Galilée, dans un pays hostile où la plus grande partie des soldats périrent de disette (84)[14].

Des cinq fils de Grypos, il ne restait plus personne pour réclamer le trône des Séleucides. Philippe, chassé de Damas, ne put probablement pas rentrer à Antioche. Tout le monde était las de ces interminables querelles. Le roi déchu ne donnait plus signe de vie, et nul ne sait comment, où et quand se termina son obscure existence de roi en disponibilité. Comme on rencontre en Cilicie, dix-sept ans plus tard, un Philippe qu’on a des raisons de croire son fils[15], on peut conjecturer qu’il se réfugia, comme d’autres avant lui, en Cilicie et qu’il y mourut de maladie ou qu’il périt par un hasard quelconque, dans la tourmente déchaînée en Asie Mineure par Mithridate VII Eupator. Il est difficile d’admettre que, survivant à Antiochos XII, il n’ait fait aucun effort — un effort dont il soit resté quelque souvenir — pour reprendre sa couronne. Il se peut aussi, et c’est même l’hypothèse la plus vraisemblable, que, au moment où il se préparait à revendiquer son droit, il ait été surpris par l’intronisation de Tigrane (83) et mis à mort en Cilicie. La branche cadette, nous l’avons dit, avait encore des rejetons, fils d’Antiochos X et de Cléopâtre Séléné ; mais c’étaient des enfants en bas âge, et leur mère n’était pas en mesure de faire valoir leurs droits.

La Syrie n’avait plus de maître, et elle ne pouvait rester longtemps livrée à elle-même sans tomber dans l’anarchie, une anarchie que ne toléreraient pas indéfiniment les Romains. Dans ce royaume en décomposition, qui se rétrécissait à vue d’œil, il n’y aurait bientôt plus place pour un roi. Au nord, la Commagène, et, plus près encore d’Antioche, la Cyrrhestique, s’en étaient détachées : en Cœlé-Syrie et Phénicie, on voit surgir de tous côtés des dynastes, des émirs bédouins pour la plupart, écumeurs de routes exploitant le désordre et vivant de rapines : Sampsicéramos à Aréthuse et Émèse[16] ; Dionysios à Tripolis ; le juif Silas à Lysiade, à mi-chemin entre Apamée et Antioche ; Ptolémée fils de Mennœos, qui venait de se tailler un domaine entre le Liban et l’Antiliban, aventurier remuant, ambitieux, qui se parait des titres de tétrarque et grand-prêtre de Chalcis[17]. Les Damascéniens devaient redouter quelque surprise de la part de ce proche voisin, et non moins peut-être de la part du belliqueux Alexandre Jannée, qui poussait ses conquêtes dans la vallée du Jourdain et n’oubliait pas que Damas avait fait partie jadis du royaume de David. Les derniers Séleucides étant incapables de les protéger. ils s’étaient mis sous la protection du roi nabatéen Arétath III le Philhellène, le vainqueur d’Antiochos XII. Par haine contre Ptolémée fils de Mennæos, dit Josèphe, les gens de Damas appelèrent au pouvoir Arétas, qui régna après Antiochos en Cœlé-Syrie[18]. Arétath donna aussitôt satisfaction à ses nouveaux sujets en attaquant les Juifs (85 ?). Il battit Alexandre Jannée, mais il se contenta de lui donner cet avertissement et de garantir par traité sa frontière, le laissant libre de guerroyer contre les principicules qui occupaient les environs du lac de Génézareth jusqu’au pied de l’Hermon. Ces conventions paraissent avoir été respectées, car, une dizaine d’années plus tard, la veuve de Jannée, Salomé-Alexandra, envoya à Damas des renforts pour combattre Ptolémée fils de Mennæos, devenu gênant même pour les Juifs[19].

La Cœlé-Syrie se trouva ainsi à peu près pacifiée ou tout au moins protégée contre les invasions du dehors. Elle n’avait plus rien à craindre de l’Égypte. Depuis quelques années (89-88), Ptolémée Soter II Lathyros, réintégré dans son royaume par une révolution, débarrassé de sa mère Cléopâtre III, la vieille Rougeaude (Κοκκή), par le parricide de son frère Ptolémée Alexandre, et de son frère par les Alexandrins, vieillissait doucement dans la société de sa fille, la reine (Cléopâtre) Bérénice III, sans autre ambition que de se reposer enfin des tracas d’une vie si longtemps agitée. Il mourut en 80 a. C., à temps pour ne pas voir Bérénice assassinée, quelques jours plus tard, par le jeune Ptolémée Alexandre II, et la descendance légitime des Lagides éteinte par le châtiment immédiat qu’infligea au meurtrier l’indignation des Alexandrins[20].

La Syrie proprement dite, en quête, elle aussi, d’un protecteur, se donna au puissant du jour, Tigrane, roi d’Arménie. Tigrane est un remarquable exemple de ce que la Fortune peut faire d’un homme médiocre. Il descendait de cet Artaxias à qui jadis Antiochos IV Épiphane avait imposé sa suzeraineté. Du vivant de son père (Tigrane ?), il avait été otage chez les Parthes, en un temps où Mithridate II le Grand (Arsace IX) avait, lui aussi, imposé son protectorat à la Grande-Arménie. Le Parthe, usant d’un procédé bien connu, l’avait relâché pour l’opposer à un compétiteur et l’avait installé sur le trône d’Arménie (95) : service que Tigrane dut payer par l’abandon de soixante-dix vallons ou districts arméniens[21]. Il s’en dédommagea en annexant l’Arménie méridionale ou Sophène, enlevée au dernier descendant de Zariadrès, et en essayant, de concert avec Mithridate VII Eupator, le roi de Pont, de s’emparer de la Cappadoce (93) : combinaison que les Romains firent échouer. Tant que vécut Mithridate II (124-87), Tigrane resta prudemment vassal des Parthes. Mais le vainqueur d’Antiochos X et de Démétrios III mourut avant d’avoir achevé la ruine des Séleucides, et les compétitions qui avaient troublé le commencement de son règne reparurent. C’était une plaie commune à toutes les monarchies orientales, surtout chez celles où le harem était un foyer de complots et une pépinière de prétendants. La famille des Arsacides était assez grande pour qu’il n’y manquât pas d’ambitieux pourvus de droits héréditaires. On peut soupçonner des vicissitudes étranges dans un pays où l’on voit, quelques années plus tard, l’Arsacide Sinatrocès, vieilli en captivité chez les Scythes, revenir à l’âge de quatre-vingts ans, ramené par eux pour régner sur les Parthes (76-70)[22]. Il faut croire que le besoin d’un Arsacide authentique se faisait alors vivement sentir. Ces dissensions intestines fournirent à Tigrane l’occasion de s’émanciper, sous prétexte d’alliance avec le parti du plus fort. Il était peut-être encore l’allié d’Arsace X Artaban II (87-76) quand les Syriens l’invitèrent d prendre la place de ces Séleucides dont les discordes perpétuelles avaient lassé leur patience (84 ?) [note 2]. On espérait à Antioche que, sous un roi supposé ami des Parthes et apparenté au roi de Pont, la Syrie serait à l’abri des tentatives de ces dangereux voisins.

Cependant, quoique Justin vante l’accord unanime avec lequel la couronne de Syrie fut offerte à Tigrane, cette espèce de coup d’État ne peut avoir été que l’œuvre d’un parti, et il dut y avoir des résistances. Eu effet, ce n’est guère qu’en 83 que l’Arménien put se considérer comme assis sur le trône des Séleucides. Appien parle de campagnes faites par Tigrane contre des Séleucides récalcitrants, campagnes qui aboutirent, suivant lui, à la défaite d’Antiochos X le Pieux et à l’occupation de la Cilicie, dernier refuge de la dynastie[23]. Appien passe pour être d’une érudition assez sûre, et son témoignage, inconciliable avec l’assertion formelle et circonstanciée de Josèphe, signalée plus haut, est assez embarrassant en ce qui concerne Antiochos le Pieux. Mais on ne saurait lui allouer le privilège de l’infaillibilité : dans la mêlée des homonymes, il a fait ailleurs, il a pu faire ici aussi des confusions. Il exagère, dans ce même passage, en disant que Tigrane régna sur la Syrie entière, depuis l’Euphrate jusqu’à la frontière d’Égypte. Dépourvu de flotte, Tigrane ne put même forcer Séleucie sur l’Oronte, qui lui ferma ses portes[24]. Il ne chercha pas à enlever la Cœlé-Syrie à Arétath III, ni le littoral de la Palestine aux Juifs, et il ne paraît pas qu’e sa suzeraineté ait été reconnue d’emblée en Phénicie. Nous y retrouverons plus tard Cléopâtre Séléné, veuve d’Antiochos X Eusèbe, dans la ville hospitalière de Ptolémaïs, et Tigrane occupé à faire campagne dans la région. On peut en dire autant de la Cilicie, un nid de pirates rebelle à toute autorité régulière, refuge ordinaire des factieux, des déconfits, des aventuriers de toute sorte, où Philippe Ier et maintenant Cléopâtre Séléné avaient trouvé un asile. La partie occidentale, la Cilicie Trachée, était depuis 102 province romaine : le reste était censé appartenir à Tigrane, qui, laissant la côte aux écumeurs de mer et marchands d’esclaves, prit à tâche de vider l’intérieur de ses habitants pour transplanter ceux-ci au-delà de l’Euphrate[25]. Il y fit probablement la chasse aux prétendants ; c’est du moins la façon la plus simple d’expliquer la disparition de Philippe 1, qui dut être pris et mis à mort. Tigrane, on le vit en toute circonstance, ne se piquait pas de générosité : à la différence des Parthes philhellènes, il n’avait ni respect pour la dignité royale, ni pitié pour le malheur. Cléopâtre lui échappa, peut-être en se mettant sous la protection des Romains, pour qui, officiellement, Tigrane était un usurpateur. Elle conserva, pour elle et ses deux fils, comme un semblant de royauté, des droits qu’elle ne renonçait pas à faire valoir.

Tigrane ne considérait le royaume de Syrie que comme un appoint à ses possessions, et il avait mieux à faire pour le moment que de perdre son temps à en préciser les frontières. La Syrie dut à cette indifférence quatorze ans de repos ou d’apaisement relatif (de 83 à 69 a. C.)[26]. Tigrane eut soin toutefois d’en confier le gouvernement à un vice-roi, Magadate, qui était un Oriental étranger au pays. Ce que voulait Tigrane, c’était utiliser contre les Parthes l’accroissement de force et de prestige qui lui était advenu. S’il ne put leur enlever. la Médie, où il pénétra, dit-on, jusqu’à Ecbatane, il incorpora à ses domaines la vallée haute du Tigre, c’est-à-dire l’Adiabène (Assyrie), la Gordyène, et tout le nord de la Mésopotamie, la Mygdonie et l’Osrhoène. En Arzanène, par delà le Tigre, il bâtit Tigranocerte (vers 77). Pour peupler sa nouvelle capitale, il lit des incursions répétées en Cappadoce : il enleva à leurs foyers tons les habitants de Mazaca, et il pratiqua ce système sur quantité de villes grecques ou barbares dans d’autres régions, notamment, comme il a été dit plus haut, en Cilicie, n’oubliant pas de racoler pour son théâtre des artistes de Dionysos. Il capta de même et installa en Mésopotamie des Arabes Scénites, c’est-à-dire des nomades habitués à vivre sous la tente[27]. C’était une façon d’imiter Alexandre le Grand, qui avait été en son temps un grand brasseur de peuples.

Tigrane avait pris le titre de Roi des rois, et il était en effet le plus puissant des monarques de l’Orient. L’empire parthe chancelait sous ses coups redoublés, facilités et rendus plus dangereux par la désunion semée dans la famille royale. L’octogénaire qui occupait alors le trône des Arsacides, Sinatrocès, ne devait pas être fort belliqueux : cependant, il tint bon durant les sept années qu’il régna encore, et il eut le temps de voir pâlir l’étoile de son présomptueux adversaire.

Les deux potentats guerroyaient toujours quand, en 73, ils reçurent l’un et l’autre un appel au secours contre les Romains Le roi de Pont, naguère battu par Sylla (87-84), puis harcelé par L. Murena (83-81), venait d’engager une troisième et dernière fois la lutte contre les Romains[28] ; pour leur arracher l’héritage de Nicomède III, qui leur avait légué par testament la Bithynie (74). Serré de près par Lucullus, qui s’apprêtait à le poursuivre jusque dans le l’ont, Mithridate rêvait de déchaîner contre Rome toutes les forces de l’Orient, y compris les hordes scythiques qui débordaient sur l’Asie centrale, derrière les frontières des Parthes. Les rois des Scythes et Sinatrocès refusèrent de courir cette aventure, où ils n’avaient rien à gagner. Tigrane hésita longtemps. Plutarque raconte qu’il demanda à l’envoyé de Mithridate, Métrodore de Scepsis : Mais toi, Métrodore, que me conseilles-tu ?, et que le spirituel rhéteur lui répondit : Comme ambassadeur, je t’engage à secourir le roi ; comme conseiller, à n’en rien faire. Mais il était le gendre de Mithridate ; sa femme, Cléopâtre, le fatigua de reproches et de lamentations : il finit par promettre des secours à son beau-père. Tigrane comptait peut-être s’en tenir aux promesses ; mais, à la fin de l’année suivante (72/1), Mithridate fugitif vint chercher un asile en Arménie. Rien ne pouvait être plus désagréable au Roi des rois. Il fit rendre à Mithridate les honneurs royaux, mais il ne voulut pas le voir : il le tint à distance, relégué et gardé à vue dans un château voisin de la frontière, en des lieux marécageux et malsains, pendant que Lucullus assiégeait et prenait l’une après l’autre les villes du Pont (72/1).

Tigrane ne savait à quel parti s’arrêter. Les Romains, au premier signe d’hostilité, pouvaient non seulement envahir l’Arménie, mais lui faire perdre la Syrie. De Ptolémaïs, où elle avait trouvé asile, la veuve d’Antiochos le Pieux, Cléopâtre Séléné, s’agitait, cherchant à provoquer une intervention romaine en Syrie. Elle avait envoyé à Rome, dès l’an 75/4, ses deux fils, les rois Antiochos [et Séleucos ?], pour réclamer non pas précisément l’héritage de son mari, que les Romains n’auraient pu lui rendre qu’en déclarant la guerre à Tigrane, mais son héritage à elle, la succession d’Égypte, que se disputaient les bâtards de Ptolémée Lathyros et de Ptolémée Alexandre. Le Sénat ne tenait pas pour l’instant à se saisir de questions inopportunes : les jeunes princes attendirent longtemps — près de deux ans — une audience, qui finalement leur fut refusée. Mais on les avait vus, durant tout ce temps, parader en cortège et appareil royal ; on les avait appelés amis et alliés du peuple romain ; et, s’ils n’avaient pu consacrer dans le temple de Jupiter Capitolin le magnifique candélabre qu’ils avaient apporté, c’est parce que le temple, brûlé en 83 et dédié seulement en 69, n’était pas encore achevé. Enfin, ce qui est plus important, leurs droits sur la Syrie n’avaient pas été discutés ; car, dit Cicéron, le royaume leur revenait sans conteste, comme transmis par leur père et leurs ancêtres[29].

Tigrane comprit que les Romains avaient en réserve un prétexte tout trouvé pour intervenir en Syrie quand ils le jugeraient à propos. Il savait, du reste, que le jeune Antiochos XIII, dit l’Asiatique, venait de rentrer en Asie, spolié par Verrès du fameux candélabre, mais rapportant de Rome l’estampille de prétendant légitime. Déjà même quelques soulèvements avaient dû éclater en Syrie. Tigrane s’était porté de sa personne en Syrie avec une armée de 300.000 hommes, au dire de Josèphe : il était occupé à soumettre quelques villes de la Phénicie qui n’avaient pas, comme les Juifs, présenté à temps leurs hommages au conquérant. Il venait de prendre Ptolémaïs, capturant du même coup Cléopâtre Séléné, quand un message assez sec, dépourvu de formules protocolaires, l’informa qu’un envoyé du proconsul romain L. Licinius Lucullus l’attendait à Antioche[30].

C’était la première fois que l’arrogant despote, habitué à déporter les peuples et à humilier les rois, se trouvait en présence d’un Romain, et ce Romain était le jeune Appius Claudius Pulcher, un beau-frère de Lucullus[31], aristocrate qui, comme tous les Claudii, était né insolent. La pompe dont s’entourait le Roi des rois ne parut aucunement intimider son interlocuteur. Dès la première entrevue, Claudius lui déclara tout net qu’il était venu pour emmener Mithridate, lequel était dû aux triomphes de Lucullus ; sinon, pour déclarer la guerre à Tigrane. Aussi, malgré les efforts que fit le roi pour composer son visage et lui donner un air souriant, on vit bien l’irritation que lui causait le franc parler du jeune homme. C’était peut-être la première parole libre qu’il entendait depuis ses vingt-cinq ans de règne, ou plutôt, de tyrannie. Il répondit au légat qu’il ne livrerait pas Mithridate et que, si les Romains commençaient la guerre, il se défendrait[32]. Cette entrevue était déjà pour lui une humiliation. S’il avait pu lire dans les cœurs, il aurait vu la joie qu’éprouvaient les assistants à voir rabaisser l’orgueil du Barbare. Il y eut aussi, parait-il, un échange de lettres qui ajouta au conflit politique des piqûres d’amour-propre, Tigrane ripostant à un message où Lucullus avait omis de lui donner le titre de Roi des rois par une suscription où ne figurait pas le titre d’Imperator[33].

Lucullus, qui voulait continuer la guerre contre le gré du Sénat, — et même de ses soldats, — était donc arrivé à ses fins. Le refus de livrer Mithridate équivalait de la part de Tigrane à une déclaration de guerre. Mais Tigrane persistait à croire que les Romains n’oseraient l’attaquer. Il rentra en Arménie pour se concerter à loisir avec Mithridate, emmenant avec lui Cléopâtre Séléné dont il se délit brutalement en chemin, à Séleucie sur l’Euphrate[34]. Au printemps de 69, le proconsul prit l’offensive. Il franchit l’Euphrate sur des bateaux préparés par le fidèle Ariobarzane, traversa la Sophène et poussa droit sur Tigranocerte. Tigrane, qui avait perdu son temps à faire des projets d’invasion dans l’Asie romaine par la Cilicie et la Lycaonie, fut tellement surpris par cette brusque attaque, qu’il n’y voulut pas croire d’abord et fit pendre le premier qui lui apporta la nouvelle. Le présomptueux sultan ne trouva que quelques milliers d’hommes à opposer à l’ennemi : il dut abandonner en toute hâte Tigranocerte et se retirer dans la montagne, poursuivi l’épée dans les reins par L. Murena. Cette campagne ne fut pour lui qu’une série d’étonnements. Quand il eut réuni une armée de 260.000 hommes environ, l’infatuation lui revint. Sans attendre Mithridate, pour n’avoir pas à partager avec lui l’honneur de la victoire qu’il allait remporter, il marcha sur Tigranocerte, alors assiégée par Lucullus. Quand il aperçut l’armée romaine, il trouva que les Romains étaient bien nombreux pour des ambassadeurs et bien peu pour des soldats. Ses généraux se partageaient déjà par avance les dépouilles de l’ennemi. Mais la petite armée romaine, tout muscle et tout acier, vigoureusement entraînée par Lucullus, pénétra comme une lame affilée dans l’amas de chair vivante que Tigrane prenait pour une armée invincible. En quelques heures, les dix mille Romains — credite, posteri — avaient fauché cent mille hommes (6 oct. 69 a. C.)[35]. Tigrane en fuite, éperdu, roulé par la débâcle, alla tomber dans les bras de Mithridate, qu’il n’avait pas voulu attendre et qui le consola de son mieux. Puis, Lucullus prit Tigranocerte, aux acclamations des habitants de toute provenance qu’y avait transplantés de force l’autocrate arménien, maladroit imitateur d’Alexandre le Grand. Lucullus rapatria à ses frais tous ceux, Hellènes ou Barbares, qui voulurent retourner dans leur pays natal, et cette ville, improvisée en quelques années, fut déserte en quelques jours.

A ce moment, Tigrane n’était déjà plus roi de Syrie. Son vicaire Magadate, qu’il avait appelé à son secours, avait à peine quitté Antioche pie le fils aîné d’Antiochos X et de Séléné, Antiochos XIII, V rentrait et prenait possession du trône, avec l’assentiment des Syriens eux-mêmes[36]. Tigrane vaincu n’était plus pour eux qu’un étranger, substitué par de mauvais patriotes à la dynastie nationale.

A part le voyage de Rome, nous ne savons rien de la première jeunesse d’Antiochos XIII, qui avait alors environ vingt-cinq ans, si ce n’est qu’on l’appelait l’Asiatique parce qu’il avait été élevé en Asie Mineure. Pompée lui reprocha plus tard d’être resté quatorze ans caché dans un recoin de la Cilicie et de n’en être sorti que quand Tigrane fut vaincu par les Romains. De son semblant de règne, nous savons moins encore. Lucullus, qui laissait la Commagène à Antiochos Ier Épiphane, petit-fils d’Antiochos VIII Grypos, un ex-vassal de Tigrane, n’avait aucune raison de chasser Antiochos XIII. Il ne l’avait pas appelé, comme le dit Justin, mais il le confirma dans sa souveraineté nominale. Sans autorité effective, le jeune roi n’était pas en mesure de se tailler un rôle dans les graves événements qui se déroulaient autour de lui. Il ne put ni venger sa mère Séléné sur Tigrane, ni profiter des troubles mal connus qui enlevèrent à l’émir nabatéen Arétath la possession de Damas et permirent à un autre Arabe, Sampsigeram, de fonder une dynastie à Émèse, ni utiliser les discordes qui minaient à Jérusalem la puissance tyrannique et impopulaire des Hasmonéens.

La Judée avait goûté quelque repos, après la mort du vieux despote, le roi Alexandre Jannée, sous la main virile de la reine mère Salomé-Alexandra (76-67). Mais, avant même que la vieille reine eût fermé les yeux, la guerre civile éclatait, allumée par l’ambition du plus jeune de ses fils, Aristobule II (67-63). Celui-ci, qui avait voulu arracher le sceptre à sa mère, le disputa à plus forte raison à son frère aîné Hyrcan II. Au bout de trois mois de règne, Hyrcan, battu à Jéricho, céda à son frère et la souveraineté et le pontificat, heureux de rentrer dans la vie privée avec de bonnes rentes, dont il se proposait de jouir tranquillement. Mais le parti pharisien ne se consola pas aussi aisément de sa déconvenue, et l’âme molle d’Hyrcan devint un instrument aux mains d’autres ambitieux. L’Iduméen Antipater ou Antipas, fils et successeur d’un stratège préposé à la garde de l’Idumée par Alexandre Jannée, conçut le projet de se servir d’Hyrcan pour détrôner Aristobule, qui avait à ses yeux le tort de vouloir non seulement régner, mais gouverner. Antipater s’entendit avec l’émir Arétath, qui se chargea, contre la rétrocession de douze villes enlevées aux Arabes par Alexandre Jannée, de réintégrer Hyrcan sur le trône. Une fois ces dispositions prises, Antipater réussit à décider Hyrcan, qui s’enfuit nuitamment de Jérusalem et alla chercher asile à Pétra. A la première rencontre, Aristobule fut battu par ses adversaires et se vit abandonné du peuple ; mais il se barricada avec une poignée d’hommes dans le temple de Jérusalem et y brava longtemps les efforts d’Arétath et d’Hyrcan, si longtemps qu’il fut enfin délivré, comme nous le verrons plus loin, par un auxiliaire inattendu, le Romain M. Æmilius Scaurus, légat de Pompée (65).

Toutes ces agitations et intrigues allaient aboutir, en fin de compte, à une nouvelle extension de la puissance romaine, flot envahissant qui allait atteindre la Judée après avoir submergé la Syrie. Les troupes romaines qui achevaient la ruine de Mithridate et l’humiliation de Tigrane n’étaient plus commandées par Lucullus. A ce général doué d’aptitudes éminentes, Romain par la volonté, Grec par la culture, il avait manqué la première qualité d’un chef militaire, l’art de se faire aimer du soldat. Dans sa sévérité, qui eût suffi pour le rendre impopulaire, on sentait percer le dédain transcendant de l’élève de Sylla. On savait de plus que Lucullus n’avait pas mieux réussi à garder la confiance du Sénat, qui le trouvait indocile et compromettant. Une marche pénible à travers les neiges, de Tigranocerte à Artaxata, fit éclater dans son armée une sédition qui l’obligea à rétrograder (68). Désormais, il était à la merci de ses soldats. Ils consentirent à prendre Nisibe pour s’y installer durant l’hiver ; mais, au printemps, ils exigèrent que leur général les ramenât en deçà de l’Euphrate. En même temps, des ordres venus de Rome achevèrent de désorganiser l’armée de Lucullus. Le peuple avait décidé (Lex Gabinia) que les soldats amenés en Asie dix-neuf ans auparavant (86) par le marianiste C. Flavius Fimbria pour combattre à la fois Mithridate et Sylla recevraient immédiatement leur congé, et que Lucullus cèderait son commandement au consul M’. Acilius Glabrio, envoyé tout exprès en Asie. L’imprudence du parti démocratique, qui reprenait alors à Rome la direction des affaires, et l’indiscipline des troupes rendirent à Mithridate toutes les chances perdues. Il en tira si bon parti que bientôt les Romains furent expulsés du Pont et se trouvèrent même hors d’état de protéger leur allié Ariobarzane Ier de Cappadoce. Lucullus vit défaire son œuvre sous ses yeux, sans pouvoir ni combattre, ni s’éloigner, car son successeur, M’. Acilius Glabrio, s’attardait en Asie Mineure pour ne pas prendre sa part de cette humiliation du nom romain.

Dans l’intervalle, le vent avait tourné à Rome ; la loi Maninilia (67), proposée par un tribun de la plèbe et soutenue par l’éloquence de Cicéron, avait abrogé la loi Gabinia et chargé Pompée de continuer la guerre contre Mithridate. Pompée, arrivant en Asie, prit tout de suite l’allure d’un dictateur hautain, affichant un parfait dédain pour les mesures prises et les engagements contractés par son prédécesseur. L’entrevue des deux généraux, qui eut lieu en Galatie, à Danala, fut orageuse (66). Lucullus obéit pourtant : il remit le commandement de ses troupes à l’homme qu’une insolente fortune prédestinait à moissonner partout où les autres avaient semé. Ce qu’avait fait Lucullus allait être oublié : Pompée, généralissime des armées de terre et de mer de la République en Orient, venait recueillir le fruit des victoires de Sylla, de Murena et de Lucullus. Celui-ci, parfaitement dégoûté des Quirites et de leur démocratie, retourna en Italie avec 1600 hommes que voulut bien lui laisser Pompée pour l’accompagner au Capitole le jour du triomphe. Mais ce jour, les démocrates le lui firent attendre trois ans, et la pompe triomphale défila alors au milieu d’un peuple qui ne songeait qu’aux victoires de Pompée.

Pompée aimait à faire grand, et il avait assez de forces sous la main pour que l’audace lui fût permise. Du reste, les circonstances favorisaient comme toujours l’homme heureux. Tigrane, aigri et affaibli par la révolte de son fils Tigrane le Jeune, se défiait de Mithridate, et le roi des Parthes, Phraate III (Arsace XII) était l’allié des Romains, qui lui garantissaient de nouveau sa frontière de l’Euphrate. Phraate se chargea même d’opérer une diversion, en envahissant l’Arménie pour y ramener Tigrane le Jeune, dont il avait fait son gendre. Mithridate, rejeté du Pont sur l’Arménie, proscrit par Tigrane, qui mit sa tète à prix, s’enfuit dans ses possessions du Bosphore Cimmérien. A la fin, Tigrane, assailli par les Romains au moment où il venait de repousser à grand’peine l’invasion des Parthes, perdit courage. Il vint jeter sa tiare aux pieds de Pompée, se prosternant devant lui à la mode barbare, dit Appien, et s’estima heureux de rester, par la grâce du Romain, en possession du trône d’Arménie (66). Pompée donna à Tigrane le Jeune, comme avance d’hoirie, un petit royaume composé de la Sophène et de la Gordyène, royaume qui fut bientôt — après le châtiment de cet ambitieux — réuni à la Cappadoce[37]. L’Osrhoène, avec Édesse, fut laissée au prince arabe Ariamne, qui avait su prendre à temps le parti du vainqueur. Après un an passé à guerroyer dans le Caucase pour allonger la liste de ses victoires, six mois consacrés à pacifier l’ancien royaume de l’ont et à distribuer des prébendes à une cour de solliciteurs plus ou moins couronnés, l’homme qui faisait et défaisait des empires prit le chemin de la Syrie (été 64)[38].

La Syrie était alors en pleine anarchie. Les Bédouins, maîtres des forteresses du Liban, comme Sinna, Borama, Gigarta, Botrys, Théouprosopon, et des villes phéniciennes de Bérytos et Byblos, exploitaient les grandes routes, et ces incorrigibles maraudeurs avaient pour émules une quantité de petits despotes, parasites nés de la décomposition sociale qu’accélérait l’absence de gouvernement régulier[39]. Le malheureux Antiochos XIII n’avait pas gardé longtemps la faveur des gens d’Antioche, qui l’avaient d’abord accueilli comme une sauvegarde contre la menace de l’annexion romaine. Pour avoir été battu dans une rencontre quelconque, il fut aussitôt considéré comme un incapable et il lui fallut réprimer une sédition provoquée par un parti qui ne l’avait toléré jusque-là qu’à regret. Les meneurs s’enfuirent et allèrent chercher en Cilicie le jeune Philippe (II), fils de l’ex-roi Philippe Ier et petit-fils d’Antiochos VIII Grypos. C’était de nouveau le vieux levain des querelles dynastiques en fermentation, la branche aînée opposée à la branche cadette. Philippe II fut intronisé par l’émir arabe Aziz, — peut-être l’ancien allié de son père : — Antiochos XIII, de son côté, fit appel au dynaste d’Émèse, Sampsicéramos. Mais les deux chefs arabes, au lieu de se combattre, s’entendirent pour trahir leurs clients et se partager l’enjeu de la partie. Antiochos fut fait prisonnier par Sampsicéramos : Philippe échappa à Aziz et se réfugia provisoirement à Antioche[40]. Il dut recevoir son congé des habitants ; nous le retrouverons un instant plus loin, prêt à courir les aventures. Il est possible que Sampsicéramos ait relâché son captif lorsqu’il fut informé de l’arrivée prochaine de Pompée, car lui non plus ne souhaitait pas l’annexion de la Syrie par les Romains. Le jeune Antiochos XIII eut une entrevue avec Pompée et le supplia de lui rendre le trône de ses pères[41].

Le Séleucide n’avait rien fait qui pût lui mériter l’animadversion des Romains, mais il avait aux veux de Pompée le tort d’avoir été le protégé de Lucullus. C’est bien ce qu’insinuent Justin et Appien, en disant : le premier, que Pompée lui enleva ce que lui avait donné Lucullus ; le second, que Antiochos avait régné un an de plus, pendant que Pompée était occupé ailleurs. Pompée répondit donc brutalement au solliciteur qu’il l’aurait laissé sur le trône s’il l’y avait trouvé, mais qu’il n’imposerait pas aux Syriens, contre leur gré, un roi qui s’était blotti durant quatorze ans dans un coin de la Cilicie et incapable de les défendre contre les brigandages des Juifs et des Arabes. La Syrie, naguère abandonnée à Tigrane, appartenait maintenant aux vainqueurs de l’Arménien, qui entendaient bien ne pas renoncer au fruit de leur victoire[42]. C’était là un prétexte, dit Appien, car Antiochos n’avait eu aucun tort envers les Romains : la vraie raison, c’est que Pompée trouvait commode d’user de la force qu’il avait en main contre un peuple désarmé et d’attacher son nom à un agrandissement du domaine de la République. Il avait été cependant moins dur pour Antiochos Ier de Commagène, qui était aussi un protégé de Lucullus et qui parait lui avoir d’abord résisté, de concert avec Darios le Mède[43]. Aussi le bruit courut qu’il avait reçu de l’argent pour trancher le débat en faveur d’Antioche et la déclarer ville libre[44]. En fait, la déchéance d’une dynastie déjà rejetée par les Syriens eux-mêmes comme cause permanente de discordes et notoirement incapable de gouverner était le seul moyen de rétablir l’ordre dans un pays jadis florissant et devenu un repaire de bandits. Pompée transforma en province romaine toute la région comprise entre le Taurus, l’Euphrate, le désert d’Arabie et la frontière d’Égypte. Une ère pompéienne, ayant pour point de départ l’an 64, fit concurrence à celle des Séleucides, qui comptait alors 248 ans depuis le jour où Séleucos Ier Nicator s’était installé à Babylone[45].

Antiochos l’Asiatique ne survécut pas longtemps à ses désillusions. Sampsicéramos, qui paraît avoir été en tiers dans les négociations, reprit son prisonnier ; et, comme il ne pouvait plus en tirer parti, il le mit à mort quelque temps après (64 ou 63 ?)[46]. La dynastie fut ensevelie avec ce comparse obscur qui avait passé sa misérable vie à espérer la protection des Romains et n’avait été pour eux qu’un jouet négligeable. Reconnu, dix ans plus tôt, ami et allié du peuple romain, roi in partibus depuis lors, un instant hissé au pouvoir, maintenu par Lucullus, destitué par Pompée, il n’avait même pas eu la chance de tomber aux mains des Parthes philhellènes, au lieu de courber sa tête découronnée sous le cimeterre d’un Arabe valet de Pompée. Les deux rejetons plus ou moins authentiques de la famille royale qui survivent encore, Philippe II et Séleucos (?), ne sont plus que des aventuriers disqualifiés.

En jetant un coup d’œil sur le passé, on peut dire que la dynastie avait largement mérité sa déchéance et lui appliquer le truisme évangélique : Toute maison divisée contre elle-même périra.

 

 

 



[1] On en dit à peu près autant de l’évasion d’Antiochos Hiérax. Bis repetita placent.

[2] Joseph., XIII, 13, 4. Appien, Syr., 69. Eusèbe, I, pp. 259-261 Sch.

[3] Appien, loc. cit. Divorcée ou veuve de trois maris (Ptolémée Soter II Lathyros—Antiochos VIII Grypos—Antiochos IX Cyzicène), Cléopâtre Séléné aurait eu encore de son dernier mariage un ou peut-être deux fils, Antiochos XIII et Séleucos (?).

[4] Joseph. Eusèbe, loc. cit.

[5] Babelon, pp. CLXX-CLXXII.

[6] Joseph., XIII. 13,1. Appien, Syr., 48 et 69. Mithrid., 105. Justin, XL, 2, 2. Eusèbe, I, pp. 261-262 Sch. (Antiochos X d’abord réfugié chez les Parthes).

[7] Josèphe (loc. cit.) appelle cette Laodice reine des Saméniens — (Steph. Byz.. s. v.) : — plutôt de Samosate, fondée par un certain Samès ? (Babelon, p. CCVIII). Ad. Kuhn (Beitr. z. Gesch. der Seleukiden, p. 36) trouve des arguments en faveur de la version d’Appien et conclut que, la seule chose certaine, c’est que Antiochos X fut battu, peu après 96/5, par Philippe Ier et Démétrios III (Porphyre-Eusèbe).

[8] Je ne vois guère d’autre moment où les Parthes auraient pu occuper la Cilicie avant Tigrane, comme le dit ou semble le dire Strabon (XIV, p. 669).

[9] Plutarque, Sull., 5. Tite-Live, Epit., 10. Appien, Mithrid., 57.

[10] Joseph., XIII, 13, 5. Pour Josèphe, Démétrios est toujours Άκαιρος.

[11] Joseph., XIII, 14, 1-2. Bell. Jud., I, 4-5. La ville de Béthomé (?) est inconnue par ailleurs.

[12] Joseph., XIII, 14, 1.

[13] L’expression de Josèphe, έπί Άντιόχειαν έλθών καί κατασχών αύτήν, ne prouve pas qu’il y soit entré de force.

[14] Joseph., XIII, 15, 1. Steph. Byz., s. v. Μωθώ. Voyez l’inscription nabatéenne du roi Babel, supposé vainqueur d’Antiochos (Άντίγονος dans Steph. Byz.) : Clermont-Ganneau, in C. R. de l’Acad. d. Inscr., 1897, p. 9.86.

[15] Diodore, XL, 1 a.

[16] Strabon, XVI, p. 153.

[17] Joseph., XIII, 16, 3. XIV, 3, 2 ; 1, 4.

[18] Joseph., XIII, 15, 2.

[19] Joseph., XIII, 113, 3.

[20] Voyez Histoire des Lagides, II. pp. 116-120.

[21] Strabon, XI, p. 532.

[22] Lucien, Macrob., 15. Phleg. ap. Photius (FHG., III, p. 606,12). Appien, Mithrid., 104 (Σίντρικος, père de Phraate III [Arsace XII]). Cf. Gutschmid, Gesch. Irans, pp. 79-83.

[23] Justin, XL, 1. Appien, Syr., 48. 69.

[24] Eutrope, VI, 14,2. Strabon, XVI, p. 151.

[25] Plutarque, Lucullus, 21. Strabon, XIV, p. 669. C’est en ce sens que Appien a pu dire de Tigrane : ήρχε δέ όμοΰ καί Κιλικίας (Syr., 48), et, plus exactement ailleurs : Κιλικίας τινά (Mithrid., 105).

[26] Justin, XL, 1, 4.

[27] Plutarque, Lucullus, 21. 29. Strabon, XI, p. 532. XIV, p. 669. XVI, pp. 745. 747. etc. Άραβες Σκηνιταί de Gorama et Maschané — pays et ville inconnus — mentionnés dans Steph. Byz., pp. 221. 5. 437, 1, Meineke.

[28] Sur Mithridate, voyez le livre — revu en traduction allemande (1895) — de Th. Reinach, Mithridate Eupator roi de Pont, Paris, 1890.

[29] Cicéron, In Verr., Act. II, IV, 27-30.

[30] Joseph., XIII, 16, 4. Plutarque, Lucullus, 21.

[31] Άππιος dans Plutarque et Memnon (FHG., III, p. 550). Comme Plutarque appelle νεανίσκος cet aîné de la famille (Varron, R. r., III, 16, 1) et que, plus loin (ibid., 34), il mentionne P. Clodius comme beau-frère de Lucullus sans le dire frère cadet du précédent, Drumann a soulevé ici un débat assez inutile en supposant une confusion de personnes et optant pour P. Clodius.

[32] Plutarque, Lucullus, 21.

[33] Memnon, § 46 (FHG., III, p. 550).

[34] Strabon, XVI, p. 149.

[35] Plutarque lui-même (Lucullus, 28) a soin de ne pas garantir cet on-dit. Les Romains n’auraient eu que cinq morts et cent blessés !

[36] Appien, Syr., 19. Ici règne la confusion signalée plus haut. Justin (XL, 2, 2) rappelle Antiochus Cyziceni filius (c’est-à-dire Antiochos X) ; Appien, tantôt Άντίοχος ό Άντιόχου τοΰ Εύσεβοΰς (Syr., 49), c’est-à-dire Antiochos XIII, tantôt — comme Justin — Άντίοχον τόν Εύσεβή (Mithrid., 106), passage qu’il serait aisé de corriger.

[37] Appien, Mithrid., 105. Dion Cassius, XXXVI, 35-36.

[38] Arrivé à Phasis, Pompée renonça à poursuivre le gibier royal : il revint dans le Pont et de là en Syrie. L’année suivante, Mithridate, détrôné par son fils Pharnace, se tue à Panticapée (Th. Reinach, Mithridate Eupator, pp. 398-410).

[39] Strabon, XVI, p. 155.

[40] Diodore, XL, 1 a-b (FHG., II, p. XXIV).

[41] Appien, Mithrid., 106 : Cf. Syr., 49. 70.

[42] Justin, XL, 2. Appien, Syr., 49. 70.

[43] Strabon, XVI, p. 149. Appien, Mithrid., 106. 114. Diodore, XL, 4. Il est fort possible, comme le pense Mommsen, que Antiochos de Commagène ait été classé parmi les récalcitrants uniquement parce qu’il figura plus tard sur la liste des vaincus.

[44] Eusèbe, I, pp. 261-262.

[45] Cf. le calcul d’Appien (Syr., 70), qui aboutirait à 43 a. C.

[46] Diodore, XL, 1 b (FHG., III, pp. XXIV-XXVI).