MESSIEURS, Il est des vérités qui sont en quelque sorte tombées dans le domaine public et que l’on ne démontre plus. La nécessité de l’éducation, le rapport qui existe entre le niveau d’une civilisation et l’effort qui l’alimente en façonnant l’intelligence des générations nouvelles, est de celles-là. Les doctrines qui croient la nature humaine perverse et celles qui se défient moins de sa spontanéité intrinsèque aboutissent sur ce point aux mêmes conclusions. Les Grecs, dont l’histoire et l’exemple nous fourniront un ample sujet d’études, n’ont ni calomnié, ni vanté outre mesure les instincts, les aptitudes naturelles de l’homme ; ils n’ont pas non plus exagéré la puissance de l’éducation, ni exigé d’elle qu’elle fît des prodiges. Eux qui ont si souvent agité et résolu avec tant de bon sens la question — déjà bien banale au temps d’Horace — de savoir quel est, dans l’équilibre d’une tète bien faite, l’apport de la nature et celui de l’éducation, ils ont généralement fait plus grande la part de là nature et résumé leur pensée dans le proverbe si connu : qu’on ne taille point un Hermès dans n’importe quel bois. Ce n’est que par exception qu’on entend parler chez eux de triomphes remportés par l’éducation sur une nature disgraciée, et ce qu’Isocrate reproche le plus amèrement aux sophistes, c’est précisément de promettre aux parents abusés de ces tours de force impossibles. On dit bien que Démosthène se corrigea, à force de volonté et de patience, d’un défaut de prononciation ; on ne dit pas qu’il soit devenu un grand orateur sans aptitude naturelle à l’éloquence. Les Grecs ont constaté, sans récriminer ni contre la Providence ni contre la société ; que les hommes ne naissent ni semblables ni égaux : ils ont accepté comme un fait avéré que la nature garde ses droits, qu’elle maintient cette inégalité primordiale et qu’il ne faut pas attendre de l’éducation plus qu’elle ne peut donner. Si l’on me demande, dit Isocrate, quelle est de toutes les conditions préalables celle qui a la plus grande influence sur l’éducation de l’orateur, je répondrai que l’aptitude naturelle est incomparable et l’emporte sur tout : car celui qui a l’âme capable de trouver, d’apprendre, de travailler, de garder dans sa mémoire, celui qui a la voix, la netteté d’intonation qui persuade les auditeurs non seulement par ce qu’il dit, mais par l’harmonie même des discours, de plus la hardiesse, non pas celle qui dénote l’impudence, mais cette possession de soi qui fait que l’on parle devant les citoyens assemblés avec autant d’assurance que l’on pense à part soi, ne sait-on pas qu’un tel homme, même sans instruction soignée, avec l’éducation superficielle de tout le monde, serait un orateur comme il n’y en a peut-être jamais eu parmi les Hellènes ? Quand je vous aurai dit à mon tour — et j’aurai occasion de le redire — que les Grecs tenaient eh médiocre estime ce qu’ils appelaient la πολυμάθεια, le savoir accumulé et indigeste qui, selon le mot d’Héraclite, ne forme pas l’esprit ; qu’ils n’ont jamais été grands dévoreurs,de livres et qu’ils ont toujours mis l’énergie créatrice de la volonté au-dessus du labeur de l’intelligence confinée dans son domaine particulier ; j’aurai, je pense, donné une force singulière à l’argument que je compte tirer du zèle incessant, de la longue patience, de l’intérêt passionné et enthousiaste qu’ils ont apportés à la grande œuvre de l’éducation. Parce que l’éducation ne peut pas tout ; ils ne pensaient pas que ce qui est en son pouvoir fût peu de chose. Sous son action, les natures richement douées s’épanouissent, et les maîtres prompts à l’éloge, comme Isocrate, saluent dans les plus intelligents de leurs disciples des enfants des dieux : les esprits médiocres eux-mêmes se détendent et s’ouvrent peu à peu à l’influence bienfaisante de l’enseignement. Enfin, cette continuité d’efforts prolongés durant une longue suite de générations ajoute avec le temps aux aptitudes intellectuelles de la race, et l’éducation, qui ne triomphe guère de la nature quand elle entre en lutte avec elle, l’anoblit et l’élève ainsi par une collaboration dont le fruit dépasse l’expérience du moment, Les Grecs l’avaient bien compris. Fiers comme ils l’étaient de leur supériorité sur les Barbares, ils ne considéraient point cette prééminence comme un effet sans cause ou comme un pur don de leurs dieux : ils savaient qu’ils la (levaient au trésor de connaissances et de sages préceptes amassés par leurs ancêtres, au soin qu’ils avaient pris, comme leurs pères, de développer harmoniquement leur corps et leur esprit. Ils savaient encore que ce capital ne pouvait être mis en valeur que par des efforts nouveaux, et l’on entend dire que les Cynæthiens, par exemple, un petit peuple d’Arcadie, pour avoir négligé chez eux l’éducation musicale, avaient fini par retourner à l’état sauvage. ES pensaient même, avec Socrate et Platon, que les natures les mieux pourvues sont celles qui ont le plus besoin d’être dirigées. Aussi, d’un bout de la Grèce à l’autre et de siècle en siècle, voyons-nous l’éducation de l’enfant, la παιδεία, vantée et recommandée comme le plus grand des biens, l’ornement et la consolation de la vie, la marque distinctive de l’homme digne de ce nom. Chez ce peuple où la religion était toute préoccupée de la vie présente, l’éducation a été élevée à la hauteur d’un culte. A Athènes et ailleurs, l’école était un sanctuaire des Muses, et les images de Hermès, d’Apollon, d’Héraklès, mettaient pour ainsi dire sous les yeux des, enfants les modèles auxquels ils devaient s’efforcer de ressembler. Faire l’histoire complète de l’éducation en Grèce, marquer avec précision quelle place elle tenait dans là vie privée et publique, comment elle se rattachait a l’ensemble des institutions sociales, quels ont été en divers lieux ses effets sur le tempérament national ; rechercher sous l’influence de quelles causes elle s’est modifiée, démêler à ce propos ce que la théorie doit à la pratique et la pratique à la théorie ; décrire enfin les méthodes et procédés techniques mis en usage, est une tâche immense dont je n’accepte que la moitié. J’ai besoin, pour tracer le programme de ce cours et pour m’y tenir, de simplifier ce sujet complexe et d’en éliminer tout ce qui peut être utilement renvoyé aux cours d’histoire philosophique et littéraire. Et d’abord, ne voulant pas étendre davantage les quelques considérations générales que je vous ai soumises, je renonce à suivre à travers la littérature grecque les appréciations, les jugements portés par l’opinion publique sur les choses de l’éducation ; à relever, en citant tantôt les gnomiques, tantôt les lyriques ou les poètes dramatiques, tantôt les historiens et les orateurs, la trace des goûts particuliers de telle époque, de telle tribu ou de telle cité. C’est là ce que l’on pourrait appeler l’étude littéraire de la question. Je m’interdirai également, et avec plus de regret encore, d’étudier les théories émises en matière d’éducation par les philosophes, soit par ceux qui, comme Platon, rêvent de faire entrer la nature humaine dans des moules géométriques, soit par ceux qui, comme Aristote, se contenteraient volontiers de transformer les règles empiriques en, préceptes raisonnés. Nous ne reprendrons aux auteurs de la République, des Lois et de la Politique que les emprunts qu’ils ont faits eux-mêmes aux usages de leur temps. Nous nous bornerons donc à étudier le fonctionnement des institutions pédagogiques proprement dites, c’est-à-dire les règlements ou les habitudes traditionnelles, plus efficaces que les règlements, qui ont déterminé la nature et la distribution des exercices scolaires, la succession des divers ordres d’enseignement, la durée des études, la condition des maîtres, et accessoirement, tous ces menus détails — dont quelques-uns fort importants — qu’un statisticien moderne rangerait sous les rubriques de punitions et récompenses, fêtes scolaires, vacances, etc. Nous aurons soin de ne point nous laisser distraire de ces minutieuses études par des comparaisons trop multipliées avec nos habitudes modernes. Vous jugerez vous-mêmes combien elles seraient intempestives quand vous vous serez acclimatés dans ce monde antique dont l’heureux génie ne connaissait ni le souci déprimant des examens, ni la laborieuse conquête des diplômes, et qui distribuait moins de prix aux enfants qu’aux hommes faits. I C’est qu’en effet, Messieurs, il faut vous attendre à des surprises. Vous savez tous que, dans la cité antique envisagée d’une manière générale, tout semble organisé en vue de mettre au service de la société l’intelligence, les forces et la fortune de chacun. En dehors de la cité, l’individu n’est plus qu’un être errant, misérable, que ne protègent ni les hommes ni les dieux et dont la vie désorientée ne peut plus que déranger celle des autres. L’individu est donc convaincu lui-même que son premier et plus grand intérêt est de maintenir viable et forte la société qui lui permet de déployer toutes ses facultés, et la société ne croit pas dépasser son droit en exigeant que chacun de ses membres la prenne pour but et pour fin de son existence particulière. Il semble donc que l’État ainsi constitué va s’emparer de l’enfant, le dresser à son usage, contrôler ses actes et surveiller ses habitudes ; en un mot, que la cité va revendiquer pour elle le monopole et la direction exclusive de l’enseignement. Ce système, qui est celui de Platon et de tous les constructeurs butés à l’idée de faire des sociétés des chefs-d’œuvre de mécanique, n’a pas été précisément inconnu en Grèce, puisqu’il a été appliqué dans une certaine mesure à Sparte : mais c’est ici le cas de dire que l’exception confirme la règle. Sparte, c’est-à-dire un petit groupe de Doriens campés en pays conquis, était moins une cité qu’une caserne : tour à tour redoutée, admirée, raillée ; mais jamais imitée, elle est restée à l’état d’exception, de phénomène bizarre qui n’a laissé dans l’histoire de la civilisation que le souvenir d’une expérience manquée. L’humanité ne doit rien à cette société de gymnastes armés, qui n’a ni contribué pour sa part au progrès des lettres, des sciences, des arts, ni même ajouté de son fonds à la morale un précepte applicable ailleurs qu’à l’ombre du Taygète. Sparte une fois mise à part, si nous nous transportons au foyer intellectuel de la Grèce, à Athènes, nous voyons l’enseignement non pas séparé des attributions de l’État, non pas soustrait à sa surveillance et considéré comme une affaire d’ordre purement privé, mais librement donné et reçu, de gré à gré, sans que le maître tienne sa commission ou ses honoraires de l’État, sans que l’élève doive rendre compte à la société de ce qu’il a appris ou lui demande de constater par un acte officiel le niveau qu’il a atteint. Nul n’est obligé de s’instruire. Par contre, enseigne qui veut : c’est à l’user que les familles reconnaîtront si elles ont bien ou mal placé leur confiance. L’école n’est point un lieu public ; l’instituteur exerce une industrie comme une autre, et c’est à lui de se pourvoir d’un local où il puisse réunir ses élèves, à moins qu’il ne se contente d’une classe tenue au grand air, dans la rue ou sur une place publique. Le salaire de ses leçons, débattu avec les intéressés, ne lui permet pas de faire grande figure le seul fait de vivre péniblement de son labeur ne lui vaut guère de considération clans une société qui est, en somme, une aristocratie assise sur l’esclavage, et il arrive parfois que, esclave lui-même, il travaille pour le compte d’un maître entrepreneur d’éducations : Il vous semble déjà, Messieurs, qu’à peine commencée la peinture de ce jardin des Muses s’assombrit : l’illusion s’envole, et vous diriez volontiers que la libre éducation des Athéniens témoigne d’une singulière incurie administrative, d’une indifférence inattendue pour le sort des générations nouvelles, bref, de l’absence d’institutions pédagogiques. D’autre part, outre que vous savez quel cas les Athéniens faisaient de l’éducation, vous avez entendu parler de gymnases qui comptaient parmi les plus beaux monuments publics, de professeurs célèbres qui sont venus chercher et ont trouvé à Athènes la considération et la fortune, et le rapprochement, de toutes ces notions quelque, peu contradictoires en apparence vous fait sentir le besoin d’informations plus précises. Ces informations, c’est la substance même du cours que j’ouvre aujourd’hui et dont je vais essayer de tracer le programme. Nos études porteront presque exclusivement, comme je l’ai fait entendre tout à l’heure, sur l’éducation à Athènes. Nous savons peu de chose, ou du moins peu de choses précises, sur ce qui se passait, ailleurs, et, sans dédaigner de recueillir çà et là ce que nous en pouvons connaître, nous nous hâterons ; après un coup d’œil jeté sur l’éducation des Spartiates, de concentrer toute notre attention sur la cité athénienne. La marche la plus simple qu’on puisse suivre pour relier tous les détails en un ensemble intelligible est d’accepter l’ordre naturel, celui qui mène l’enfant de l’enseignement élémentaire à une instruction plus variée, et de là, s’il y a lieu, à une initiation plus haute ou à des exercices plus virils. Je ne voudrais point serrer de trop près les distinctions et transporter en Attique nos trois ordres d’enseignement, primaire, secondaire et supérieur : je ne compte pas non plus me fixer en un point précis de la durée et esquisser un cours d’éducation à l’usage d’un jeune Athénien d’une époque déterminée, avec la préoccupation constante d’éviter les anachronismes[2]. Je laisserai à notre cadre plus de souplesse, et, en dénombrant les divers objets d’enseignement, je tâcherai d’en apprécier l’importance relative et de marquer le moment où ils ont été introduits dans le programme de l’éducation. Supposons donc le futur citoyen d’Athènes parvenu à l’âge de sept ans, âge auquel l’enfant était jugé capable de commencer ses études, et voyons par quelle série d’exercices il doit passer pour compter parmi ceux qui ont reçu une éducation libérale, ou, comme disaient les Grecs, encyclique. II Les Grecs divisaient d’une manière générale l’éducation en deux parties, la gymnastique et la musique, l’éducation du corps et celle de l’âme. La gymnastique était un ensemble d’exercices gradués qui avaient pour but de développer harmoniquement les forces physiques, et non pas de faire acquérir une dextérité spéciale. Il faut se garder de la confondre avec l’entraînement professionnel des athlètes (άγωνιστική) qui ne convenait pas ou ne convenait guère à un homme bien né. Il n’y a donc pas lieu de distinguer dans la gymnastique ordinaire des branches spéciales : l’équitation et l’escrime (όπλομαχία) n’en faisaient point partie et sont toujours restées des exercices accessoires. II n’en va pas de même de la musique. Dans son sens primitif, le mot désigne tout l’ensemble des connaissances qui dérivent des Muses, de l’inspiration divine qui a éveillé les aptitudes diverses de l’intelligence humaine. Musique (μουσική) est une expression vague, compréhensive, dont le sens est analogue à celui qu’eut autrefois, et qu’a gardé encore dans la langui universitaire de l’Allemagne, le mot de philosophie. Il faut donc la soumettre à un travail d’analyse pour en tirer un programme d’éducation libérale. L’instruction mise sous le patronage des Muses commence naturellement par la lecture et l’écriture. La connaissance des lettres de l’alphabet (γράμματα) constitue ce que les Grecs appelaient grammaire (γραμματική) et les Latins littérature (literatura). Le premier usage que l’écolier doive faire de la lecture et de l’écriture est de s’en aider pour faire provision de morceaux choisis empruntés aux poètes nationaux, à Homère, qui est comme l’Écriture Sainte de l’Hellade, aux gnomiques, qui ont formulé d’utiles préceptes en mètres élégiaques, enfin, aux lyriques, qui ont doté le sentiment religieux de moyens d’expression inconnus, avant eux. L’enfant écrit sous la dictée du maître ces belles pages, afin de les conserver pour lui et pour d’autres ; mais il doit surtout les apprendre et les réciter comme on récite des vers, c’est-à-dire en observant les règles de la prosodie, en donnant à chaque syllabe la valeur et le ton qui conviennent. Cette observance du rythme est déjà de la musique, au sens restreint du mot : avec les lyriques, le chant devient partie intégrante de l’œuvre poétique, et par conséquent de l’enseignement ; enfin, le chant amène avec lui l’accompagnement de lyre ou musique instrumentale. Gymnastique, grammaire et musique, voilà ce qui a suffi à former les robustes et intelligentes générations auxquelles Athènes a dû sa grandeur politique et même sa grandeur littéraire. Mais le chœur des Muses est nombreux, et les siècles érudits, ceux durant lesquels la volonté faiblit et l’imagination s’épuise, vont allonger à l’envi la liste des sciences mises sous son patronage. La grammaire engendre un examen plus approfondi des textes fait par un grammairien proprement dit (γραμματικός), appelé encore philologue (φιλόλογος) ou critique (κριτικός) : puis vient la rhétorique, qui confine de très près à la philosophie. La rhétorique et la philosophie, nées en dehors d’Athènes, y entrèrent avec les sophistes et n’en sortirent plus. En même temps s’accusait un mouvement scientifique qui groupait autour de la musique, entendue dans le sens pythagoricien d’harmonie des nombres, l’arithmétique, la géométrie et même l’astronomie. D’autre part, les merveilles artistiques créées par le siècle de Périclès avaient vulgarisé le goût du dessin (γραφική), qui entre à son tour au temps d’Aristote dans le programme d’une éducation libérale. On était, vous le voyez, au siècle d’Alexandre, sur la voie où se laissent entraîner l’une après l’autre toutes les nations civilisées et qui aboutit, par l’accumulation des matières d’enseignement et la surcharge des programmes, à une culture toute superficielle, admirée de ceux qui n’en connaissent point d’autre. Maintenant que nous avons défini la gymnastique et la musique, et entrevu l’étendue possible de l’éducation encyclique, il nous reste à répartir entre les, divers âges et les divers professeurs ces tâches multiples qui paraîtraient relativement simples à un bachelier de nos jours. Je reviendrai ici, un peu malgré moi, à la division qui nous est familière, à la division en cours élémentaire, moyen et supérieur. La gymnastique, je me hâte de le dire, accompagne à tous les degrés la culture intellectuelle : c’est par elle que commence, c’est sur elle que s’appuie, pour ainsi dire, l’éducation tout entière ; et cela non. pas seulement comme exercice corporel, mais comme discipline, comme enseignement moral, accoutumant l’enfant et le jeune homme, de compte à demi avec la musique, à l’obéissance ponctuelle ; à la modestie, à la dignité de l’allure et du maintien, à tout ce que nous désignons aujourd’hui par le terme générique de bonnes manières. Les leçons de gymnastique étaient données aux enfants, dès le début même de leur éducation, dans les palestres par, les pædotribes, gens sévères que les monuments figurés nous représentent d’ordinaire vêtus d’un manteau court et appuyés sur un grand bâton. Ce bâton, on nous dit qu’ils s’en servaient au besoin pour maintenir la discipline, régentant leurs élèves comme leur patron Hermès traitait, clans son office de psychopompe, les ombres récalcitrantes. Les enfants apprenaient là successivement à courir, à sauter, à lancer le disque et le javelot, enfin à lutter corps à corps, la lutte étant éminemment propre à équilibrer toutes les forces et en même temps à former le caractère. Les palestres étaient des établissements privés, comme les écoles (διδασκαλεΐα) qui recevaient à une autre heure de la journée la clientèle des palestres. Aristophane décrit avec une verve aimable — bien qu’un peu libre — le bon temps où l’on élevait encore les enfants à l’ancienne mode, où la vie de l’adolescent se partageait entre la palestre et l’école, abritée avec un soin jaloux contre la dissipation et les mauvais exemples. Je dirai donc, dit le Juste des Nuées, quelle était l’ancienne éducation, lorsque j’enseignais la justice avec tant de succès et que la modestie était en honneur. D’abord, il ne fallait pas entendre souffler mot. Dans la rue, quand ils se rendaient à l’école de musique, tous les adolescents du même quartier marchaient nus, serrés en bon ordre, même quand il neigeait à flocons. A l’école, on leur apprenait à chanter, sans serrer les cuisses, ou la terrible Pallas qui renverse les villes, ou Une clameur qui retentit au loin, dans le ton grave de l’harmonie léguée par les ancêtres. Si quelqu’un se permettait une bouffonnerie ou filait une roulade comme ces tortillons enchevêtrés que Phrynis a mis à la mode, on lui apprenait avec des coups à ne pas insulter les Muses. Chez le pædotribe, les enfants devaient en s’asseyant allonger les jambes pour ne rien montrer d’indécent au dehors... etc. Il nous importe peu, pour le moment, de rechercher si les enfants fréquentaient à la fois, dés le début, la palestre et l’école ; si l’on pensait avec Aristote qu’il faut s’occuper des mœurs et du corps avant de cultiver l’intelligence, et, par conséquent, faire passer la gymnastique et le pædotribe avant la musique, ou si l’on avait hâte, comme Platon, d’éveiller l’intelligence des enfants en commençant, à la maison même, leur éducation musicale avant de les envoyer à la palestre. L’usage n’a jamais la rigidité d’un règlement ou l’intolérance d’une théorie : il est probable que chaque père de famille choisissait la combinaison qui lui agréait le mieux. L’instruction élémentaire est celle qui, comme je le disais tout à l’heure, a suffi à la génération modèle, à celle des combattants de Marathon, si souvent cités parles conservateurs ennemis de toute innovation. Mais ne pas progresser, s’est s’affaisser sur soi-même ; ne pas innover, c’est s’endormir d’un sommeil peut-être fatal, et s’imaginer qu’on peut s’en tenir indéfiniment aux usages consacrés, c’est une illusion presque aussi grande que de croire qu’on peut innover utilement sans tenir compte des traditions et du passé. Il se trouva bientôt dans Athènes, alors puissante et riche, des jeunes gens d’esprit plus curieux et des professeurs moins médiocres que le commun des διδάσκαλοι ; qui, après avoir chanté et fait chanter l’invincible Pallas, se mirent à examiner de plus près les textes poétiques des manuels scolaires, à en analyser la facture, à en détailler les beautés, à faire des remarques sur la langue, le dialecte, la prosodie, le genre littéraire, bref, à surajouter à l’enseignement élémentaire des cours d’un ordre un peu plus élevé. Nous l’avons dit déjà, à côté du simple διδάσκαλος (ou γραμματιστής-γραμματοδιδάσαλος) apparaît le grammairien (γραμματικός) qui commente les textes, qui les juge en critique (κριτικός) et apprend à les goûter en philologue (φιλόλογος). Nous rencontrons donc ici une sorte d’enseignement secondaire, qui dépasse le niveau de l’instruction commune et prépare à des études plus larges. Mais ce serait une erreur de croire que ce moyen terme a été atteint avant le degré supérieur, par une sorte de progrès continu. L’histoire démontre que, dans toutes les œuvres humaines, le progrès suit une marche moins simple. Si j’osais emprunter à la langue des mathématiques ses formules précises, je dirais que les extrêmes existent toujours avant les moyens. S’agit-il de la formation d’un État ? Ordinairement il se crée, je ne dis pas avec l’ampleur qu’il atteindra plus tard, mais tout vivant et viable, avec sa souveraineté immanente, par l’effet d’un choc qui rapproche tout à coup des molécules déjà organisées, et c’est après coup que se forgent les attaches intermédiaires qui soutiennent l’ensemble en réglant les rapports et les droits respectifs de toutes les communautés partielles contenues clans la grande. S’agit-il, comme ici, du développement intellectuel d’un peuple ? L’expérience a prouvé — et, certes, l’exemple est à méditer — l’expérience, dis-je, a prouvé’ que l’enseignement moyen ne fait que détailler, simplifier, mettre à. la portée des intelligences ordinaires les résultats des travaux accomplis par des hommes moins préoccupés des questions de pratique, de métier, d’utilité immédiate. L’enseignement élémentaire peut vivre de sa vie propre ; car, bien que les instruments dont il enseigne le mécanisme, l’écriture, les signes des nombres, les notions générales, comptent parmi les plus belles inventions de l’esprit humain, il n’a à peu près rien de commun avec la science active et conquérante. Avec un enseignement élémentaire complété par la pratique journalière des devoirs civiques, par l’entraînement de l’exemple, par l’influence personnelle des parents et des citoyens, Athènes, l’Athènes d’Eschyle, de Sophocle, de Périclès, avait atteint un développement intellectuel sans exemple dans l’histoire. Mais cette culture même, en provoquant l’émulation et en surexcitant l’intelligence, fit sentir le besoin de méthodes nouvelles, qui fussent des voies plus courtes et plus sûres que l’expérience personnelle pour arriver à la science raisonnée et pour dépasser le niveau atteint jusque-là par des esprits d’élite au cours d’une longue vie. Comme le talent de la parole était alors le plus envié de
tous, c’est principalement sous forme de cours à l’usage des futurs orateurs
et hommes d’État que le haut enseignement fit son apparition à Athènes vers
le Ve siècle avant notre ère. Les professeurs qui venaient ainsi former les
jeunes gens à l’escrime dialectique, et qui affichaient même la prétention de
leur donner, sur toute espèce de questions, le dernier mot de la science,
étaient ces débitants de sagesse, ces sophistes
dont le nom est resté une injure. Je ne veut ici ni réhabiliter les sophistes
ni justifier leur mauvaise réputation : les idées simples sont les seules qui
fassent fortune, et les hommes jugés d’un mot risquent de l’être, pour
toujours. Que les sophistes aient été par surcroît des novateurs dangereux,
des sceptiques, des démolisseurs des vieilles croyances, il n’importe :
toujours est-il que leur office propre était de former les jeunes gens à
l’éloquence, par, une direction méthodique fondée elle-même sur un
enseignement scientifique. On appelle sophiste,
dit E. Zeller, tout maître payé pour enseigner les
sciences qui faisaient alors partie de l’éducation supérieure. Ce nom se
rapporte donc principalement à l’objet et aux conditions extérieures de
l’enseignement : il ne contient en lui-même aucune appréciation sur la valeur
ou le caractère scientifique de cet enseignement. Il nous laisse libres de
supposer que le maître enseigne la vraie science et la vraie morale, aussi
bien que de faire la supposition contraire. La sophistique est donc,
pour l’historien qui remplace par les faits les appréciations un peu
passionnées de Platon et d’Aristote, l’enseignement salarié de la sagesse (σοφία),
c’est-à-dire de la science sous toutes ses formes. Ce n’est pas une doctrine,
c’est une méthode applicable aux sujets les plus variés. On se tromperait
étrangement en se représentant les sophistes comme des gens occupés à
bouleverser la morale et à prendre les esprits naïfs dans des arguments
captieux. Chacun d’eux suivait sa voie, et, puisqu’on les dit si vaniteux,
ils mettaient leur amour-propre à ne point se copier les uns les autres. Tandis que des sophistes tels que Protagoras ou Prodicus,
Euthydème et Événus, se vantaient de former l’intelligence et le caractère de
leurs disciples, de leur inculquer la vertu domestique et civile, Gorgias se
moque de cette prétention pour se borner à l’enseignement de la rhétorique.
Tandis qu’Hippias se targue de connaissances de tout genre, de sa science
physique et archéologique, Protagoras se considère, en qualité de maître de
l’art politique, comme étant fort au-dessus de cette érudition de cabinet.
L’art politique, à son tour, comprenait bien des parties. Les frères
Euthydème et Dionysodore, par exemple, ajoutaient à l’enseignement de la
vertu des leçons sur la stratégie et l’hoplomachie, et l’on raconte également
de Protagoras qu’il a enseigné les détails de la lutte et des autres arts, en
expliquant les stratagèmes au moyen desquels on peut contredire les hommes du
métier[3]. Nous chercherons plus tard, à loisir, ce qu’a pu être l’enseignement des sophistes ; bornons-nous pour le moment à constater que Périclès et Euripide, arrivés à l’âge mûr, ont. cru s’instruire dans la société de Protagoras ; que Thucydide a fréquenté les leçons de Gorgias et de Prodicus, et que Socrate lui-même recommandait à ses disciples les cours de Prodicus et de Dionysodore. L’enseignement supérieur, inauguré par ces hommes, a été continué après eux par les rhéteurs et les philosophes, dont bon nombre s’étaient formés à leur école. Socrate, Platon, Aristote, sont à ce point de vue, malgré qu’ils en aient, les successeurs encore plus que les adversaires des sophistes ; et au fond, la différence qu’il y a entre eux et les sophistes — différence essentielle, comme nous le verrons tout à l’heure, aux yeux des Hellènes — ; c’est qu’ils distribuent gratuitement le pain de la parole. Sévères jusqu’à l’injustice pour les maîtres rétribués, ils pensent avec Socrate que comme l’amour, la sagesse doit être donnée en présent et non pas vendue. J’ajoute que sophistes, rhéteurs et `philosophes, parfois si injustes les uns pour les autres, ont tous été jugés par le grand public avec un parti pris singulier de méfiance et presque d’hostilité. Le peuple le plus spirituel du monde a besoin de réflexion — et il ne prend pas toujours le temps de réfléchir — pour comprendre que la science qui n’est pas faite pour tout le monde est cependant utile à tous, et surtout pour admettre que la culture intellectuelle mérite d’être recherchée, aimée, admirée pour elle-même, sans nul souci de ses avantages pratiques. Les conservateurs trouvaient qu’on déviait par là de la ligne suivie par les ancêtres et étaient inquiets pour la religion nationale : les démocrates craignaient que le principe de l’égalité civique ne fût menacé par la formation d’une aristocratie intellectuelle. Aussi voyons-nous le parti conservateur expulser d’Athènes Protagoras, et la démocratie reconstituée condamner Socrate, dont Aristophane avait déjà tourné en ridicule le pensoir. Comme je le disais tout à l’heure, l’enseignement moyen est né du rayonnement du grand foyer scientifique. Il était facile d’étudier la grammaire après que Protagoras eut distingué les genres des substantifs, les temps et modes des verbes et les diverses espèces de propositions ; et la rhétorique, après que Corax, Tisias, Gorgias eurent écrit sur le sujet des traités didactiques et des recueils de lieux communs. Les mathématiques même durent se glisser dans le programme des cours moyens lorsque les Pythagoriciens, surtout Archytas et Ecphantus, eurent fait connaître les propriétés fondamentales des nombres et des figures géométriques. Des hommes éminents comme Archytas, Théophraste et autres, écrivaient des traités de pédagogie et dés manuels pour l’enseignement musical, c’est-à-dire des leçons non seulement de musique, mais de grammaire, de métrique et même d’histoire littéraire. Je serais fort en peine de vous dire quelles ont été l’importance et la durée de cet enseignement moyen ou dans quelle proportion il a attiré la jeunesse des écoles. Je ne voudrais même pas qu’il restât dans votre mémoire à l’état de cadre fixe, ayant sa place assignée entre l’éducation élémentaire et l’instruction supérieure. En fait, il n’a pas d’existence propre, et il ne passe dans la pratique que parce qu’il se forme des maîtres plus instruits, capables de conduire leurs élèves de l’abécédaire au seuil de la science. Il n’y a point de lignes de démarcation tout le long de cette route et point d’autre programme que la capacité des professeurs. Nous avons ainsi passé en revue tout l’enseignement dit des Muses, qui court parallèlement à celui de la gymnastique. Vous devinez déjà que le développement donné à la culture intellectuelle menace de rompre l’équilibre primordial plus l’école est fréquentée, plus la jeunesse s’éprend des rhéteurs et des philosophes et plus les palestres sont délaissées ; le cerveau tire à lui l’aliment qui jadis se tournait en force musculaire. Voilà, voilà, s’écrie le Juste d’Aristophane, ce qui fait qu’on voit les bains remplis de jeunes gens qui y bavardent tout le jour, et que les palestres sont vides. Le jeune Phidippide, invité par son père à chanter une ode de Simonide, réplique tout net qu’il est stupide de jouer de la lyre et de chanter en buvant, comme une femme qui moud de l’orge. Ainsi la Musique elle-même est délaissée pour la philosophie, et l’on se fait un mérite de ce qui, au temps de Thémistocle, était l’indice d’une éducation négligée. Du reste, si l’on en croyait le grand railleur, on s’imaginerait que la jeunesse de son temps, vicieuse et Malsaine, avait contracté, par l’effet d’un enseignement perverti, des leçons de Socrate et des pièces d’Euripide, tous les symptômes d’une décrépitude précoce. Un tel résultat n’étonnerait personne plus que nous, qui avons montré, des siècles durant, le plus parfait mépris pour la gymnastique et qui continuons bravement à traiter nos écoliers comme de pures intelligences, pouvant à la rigueur se passer de jeux, d’exercices et presque d’air et de lumière, mais non pas de longs programmes et d’examens encyclopédiques. Jusqu’ici, nous n’avons point vu encore l’État intervenir dans l’œuvre de l’éducation, soit ‘pour rendre l’instruction obligatoire, soit pour en régler la direction. Les lois scolaires de Solon, que cite Eschine clans son discours contre Timarque, sont, de simples règlements de police : elles interdisent d’ouvrir les écoles avant le lever du soleil et de les fermer après le coucher du soleil ; elles interdisent aussi l’accès de l’école aux adultes qui n’y ont que faire. Le législateur n’oblige point directement les parents à l’aire instruire leurs enfants : seulement, il avertit ceux qui négligeraient ce devoir qu’ils ne pourront plus tard porter plainte devant le juge si leurs enfants refusent de prendre soin de leurs vieux jours. Mais l’État ne peut cependant se décharger entièrement sur l’initiative privée du soin de lui former les citoyens et surtout les soldats dont il a besoin pour sa défense. Quand l’éducation privée pouvait être considérée comme touchant à son terme et que l’adolescent approchait de l’âge d’homme, à dix-huit ans, l’État athénien prenait en main la direction des exercices et études dont l’ensemble composait une préparation officielle et obligatoire au rôle de citoyen et de soldat. Tous les jeunes gens de dix-huit ans étaient incorporés dans une sorte de régiment, semblable à une école militaire, qui avait ses officiers et ses professeurs et qu’on appelait le collège des éphèbes. L’histoire de l’éphébie attique, de cette institution mémorable dont les auteurs ne disent mot, nous a été comme révélée, depuis 1860, par une série de monuments épigraphiques exhumés du sol de l’agora et des pentes de l’Acropole. Grâce aux travaux de W. Dittenberger et surtout d’Albert Dumont, nous connaissons le programme de l’éducation des éphèbes, le serment patriotique qu’ils prêtent en entrant dans le collège, les exercices gymnastiques auxquels ils se livrent, les promenades militaires qui les conduisent de garnison en garnison et parfois à bord des navires, les cours qu’ils suivent, les concours et revues qu’ils passent, les fêtes religieuses qu’ils célèbrent, enfin toute la hiérarchie des fonctionnaires (cosmètes, pædotribes, didascales, etc.) qui commandent, surveillent, instruisent cette petite armée ; nous savons même à quelles sources (subvention de l’État, cotisations des éphèbes, dons volontaires) s’alimentait la caisse spéciale qui fournissait à toutes les dépenses de la confrérie. L’éducation éphébique est, en somme, une application de la discipline militaire aux deux dernières années d’études qui doivent achever l’œuvré des années précédentes. Les éphèbes vont s’exercer dans les grands gymnases publics, l’Académie, le Lycée, le Cynosarge (plus tard dans le Diogéneion et le Ptolemæon), non pas en débutants, mais en habitués des palestres : si on les conduit aux cours supérieurs de rhétorique, de philosophie, de sciences, de dessin, ce n’est pas pour commencer leur instruction, mais pour ne pas interrompre leurs études. La loi n’a pas prévu le cas invraisemblable où un jeune Athénien de condition libre n’aurait pas reçu et même dépassé, lors de son entrée dans l’éphébie, l’instruction élémentaire. III Vous avez maintenant sous les yeux, Messieurs, l’ensemble des coutumes et des institutions qui assurent aux jeunes Athéniens — et même aux étrangers que la cité admet généreusement dans ses écoles ou dans son collège d’éphèbes — les bienfaits d’une éducation complète, pondérée, variée sans surcharge, vraiment libérale, conciliant clans une juste mesuré les droits de l’individu et ceux de la société. Je ne veux point, pour le moment, compliquer la question et peut-être jeter quelque note discordante dans cet ensemble harmonieux en parlant de ce que l’on faisait — je devrais dire, de ce que l’on faisait à Sparte et de ce que l’on ne faisait pas à Athènes — pour l’éducation de l’autre sexe. Chacun sait que les Grecs admiraient et la beauté et la force, mais qu’ils admiraient surtout les deux réunies et qu’ils ont toujours attribué à l’homme une supériorité quelque peu exagérée sur sa compagne. Après avoir ainsi esquissé d’un trait rapide la marche de nos études, il me reste à envisager d’un peu plus près certaines habitudes auxquelles j’ai déjà fait allusion, certaines façons d’apprécier le rôle du professeur ou de combiner l’initiative privée avec la surveillance publique, qui risqueraient d’être mal comprises parce qu’elles supposent un état d’esprit très différent du nôtre. Un premier sujet d’étonnement, c’est que, même à Athènes, où l’on faisait si grand cas de l’instruction, les professeurs n’aient pas joui d’une considération en rapport avec leurs services. Isocrate, qui était intéressé dans la question, déclare, en commençant son Panégyrique, ne pas comprendre qu’un athlète, qui, fût-il deux fois plus fort, ne serait d’aucune utilité aux autres, soit plus honoré que les hommes dont la science profite, à tout le monde. Les maîtres les plus respectés étaient ceux qui enseignaient la gymnastique : ils étaient souverains dans leur palestre, et l’habitude du commandement leur donnait quelque chose de l’autorité qu’un officier instructeur exerce sur les recrues. Le maître élémentaire, dont on s’efforce aujourd’hui de relever les humbles fonctions, a été longtemps un souffre-douleur. Les grammatistes d’Athènes méritaient souvent ce titre (περιαλγής) que se donnait à lui-même, au dire de Suétone, le terrible Orbilius, immortalisé, lui et sa férule, par ses élèves, Horace, Domitius Marsus et Bibaculus. Ils sortaient, en général, des classes inférieures de la société, et j’ai dit que parfois ils étaient de condition servile. C’était le cas notamment pour ceux qu’on appelait les παιδαγωγοί, les meneurs d’enfants, dont le principal office était de conduire les enfants à l’école et de les ramener à la maison paternelle. Le métier n’était pas des plus agréables. Nos pédagogues, dit Plutarque, apprennent aux enfants à marcher dans la rue, à toucher avec un seul doigt au poisson salé, avec deux au poisson frais, au pain, à la viande ; ils leur apprennent à se gratter de telle façon, à relever leur manteau de telle autre. Il leur arrivait d’être punis pour leurs élèves, et le bon Plutarque approuve l’idée originale de Diogène le cynique qui, voyant un enfant commettre un acte, de gourmandise, allongea un vigoureux soufflet au pédagogue. Le sort du maître d’école n’était guère plus doux. Sans doute, en théorie, tout le monde était de l’avis d’Isocrate qui disait qu’un homme cultivé doit plus de reconnaissance à ses maîtres qu’à ses parents, parce qu’il doit à ceux-ci de vivre seulement et aux autres de bien vivre : mais, en tout temps et en tout pays, il y a loin de la théorie à la pratique. On considéra comme un raffinement de la Némésis divine la nécessité qui obligea Denys le Jeune détrôné à se faire maître d’école à Corinthe, et on disait proverbialement de quelqu’un qui avait mal tourné : Il est mort ou il enseigne les lettres. Les rois et satrapes que damne Lucien sont plus punis encore : ils sont à la fois morts et maîtres d’école. Démosthène, qui ne rit guère, s’égaie sur le compte d’Eschine broyant l’encre, frottant les bancs et jouant le rôle de sous-maître dans l’école de son père. L’Anthologie est remplie d’épigrammes mordantes à l’adresse des pauvres grammairiens dont un Homère crasseux est le gagne-pain, et l’on n’est pas trop étonné d’entendre dire que des écoliers irrévérencieux se servaient parfois de la férule du maître pour le fustiger. Alcibiade était bien jeune encore quand, inspecteur improvisé, il entra dans une école et souffleta le maître qui n’avait point d’Homère dans ses livres de classe. On mesurait avec une égale parcimonie aux grammairiens l’honneur et l’argent. Écoutez celui qui, dans l’Anthologie, nous parle du recouvrement de ses modestes créances. Ici enseignent ceux que Zeus poursuit de sa colère, ceux qui commencent par le Μήνιν άειδε, θεά. Ici la nourrice, chaque mois, apporte de mauvaise grâce un pauvre salaire, enveloppé dans du papier, mais elle en dérobe quelque chose ; elle change des pièces ; elle y mêle du plomb et perçoit encore le pourboire accoutumé ! Que si quelque enfant, au jour de l’an, doit apporter un écu d’or, le onzième mois, avant d’avoir fait des progrès, il change d’école et attribue son ignorance au grammairien qu’il vient de quitter et qu’il a privé du bénéfice de toute son année. Ce morceau est du temps de Théodose, mais il eût pu tout aussi bien être écrit au siècle de Périclès ou d’Alexandre. Les avares faisaient déjà porter de préférence leurs économies sur le chapitré de. la rétribution scolaire. A ce point de vue, il n’y a pas de différence à faire entre la condition du γραμματιστής et celle du γραμματικός, entre l’enseignement élémentaire et l’enseignement moyen. L’espèce de dédain que l’on témoignait pour ces pénibles fonctions tenait à plusieurs causes : d’abord précisément à ce qu’elles étaient pénibles, assujettissantes et paraissaient plutôt convenir à des domestiques, à des esclaves, qu’à des hommes libres ; ensuite — chose singulière — à ce qu’elles étaient rétribuées. Les démocraties antiques, qui, appuyées sur l’esclavage, étaient de véritables aristocraties, avaient à ce point de vue des idées tout aristocratiques. Un Athénien pouvait, sans déroger, cultiver ses terres ou raire le négoce et la banque : il perdait de sa considération dès qu’il exerçait un métier salarié et travaillait pour le compte d’autrui. Il n’était plus alors qu’un manœuvre (βάναυσος), et vous pourrez mesurer la force du préjugé en songeant que pour tout le monde, excepté peut-être pour Périclès, Phidias était un manœuvre de génie, mais un manœuvre qui loue ses bras et travaille sur commande. Comme on trouvait moyen de conserver le culte de l’art en dédaignant l’artiste, on alliait à merveille un goût très vif pour l’instruction avec des allures assez impertinentes à l’égard de ceux qui consentaient à enseigner contre un salaire. J’ajoute que, comme l’individu s’accommode nécessairement au milieu, cette pression prolongée de l’opinion publique avait dû, en effet, écarter de l’enseignement rétribué les âmes viriles et les caractères bien trempés. On comprend la rumeur qu’excita, dans une société nourrie
de ces idées, l’apparition des sophistes, de ces professeurs étrangers qui
venaient vendre à beaux deniers comptants aux jeunes gens de la classe riche
les arcanes de leur science. Protagoras d’Abdère, le premier qui vendit sa parole, comme disent les anciens (λόγος
έμμισθος), demandait à
chaque élève pour un cours complet 100 mines (8593
fr.), une somme prodigieuse pour le temps, la dot d’une héritière. Il
consentait à faire quelque réduction en faveur de ceux qui, par serment prêté
dans un temple, déclaraient ne pas pouvoir fournir la somme exigée : mais,
l’affaire une fois convenue, il se faisait payer d’avance ou poursuivait au
besoin devant les tribunaux ceux qui essayaient de le payer avec de mauvaises
raisons. On raconte que son disciple Evathlos, à qui il avait fait crédit,
prétendait ne rien débourser avant d’avoir essayé sa virtuosité en plaidant
et gagnant un procès, et que Protagoras le cita en justice en disant : Si j’ai gain de cause, je dois être payé comme gagnant ;
si tu l’emportes, tu devras payer comme ayant gagné le procès. Les bénéfices
réalisés par Protagoras et Gorgias étaient passés en proverbe : la mode s’en
mêlait on se ruinait au besoin par vanité, et l’on ne croyait pas pouvoir’
acheter trop cher le droit d’écraser ensuite de sa supériorité le reste de
ses concitoyens. Platon, dans le Protagoras, nous représente un jeune homme
prêt à sacrifier tout son bien et à mettre, s’il le faut, ses amis à
contribution pour recevoir les leçons de Protagoras. Le public
s’étonnait bien un ‘peu de cet enthousiasme ; il s’irritait même en
s’apercevant que les jeunes gens sortaient de ces écoles si bien closes avec
un dédain mal contenu pour la religion nationale et un parfait mépris pour la
démocratie ou la loi du nombre. Il arrivait parfois qu’un décret du peuple
expulsait le sophiste ; mais on ne songeait pas à assimiler un personnage si
couru au vulgaire grammairien, et il semblait qu’un métier si lucratif ne fût
plus un métier. L’enseignement supérieur à Athènes ne resta pas toujours un luxe coûteux, mais il garda ses traditions premières. L’honorable effort que firent les Socratiques pour rendre l’enseignement gratuit sans l’intervention de l’État ne pouvait pas aboutir, parce qu’il allait contre les lois naturelles. L’homme qui ne dispose pas d’un capital accumulé doit vivre de son travail, et il y a une certaine étroitesse d’esprit à contester qu’il en vive honorablement. Socrate aurait dû l’apprendre par sa propre expérience. Il appelait les professeurs à gages des maquignons et des esclaves : mais il était obligé d’accepter de ses amis un morceau de pain, et ceux qu’il insultait le traitaient à son tour de vagabond et de mendiant. Il ne fut même pas imité par tous les siens. Aristippe persista à trouver singulier que Socrate ne voulût pas accepter de lui le prix de ses leçons, et quant à lui, moitié sophiste, moitié philosophe, il continua à se faire payer les siennes à des prix assez élevés. Le successeur de Platon à l’Académie, Speusippe, exigeait des honoraires, et Zénon le stoïcien était si peu accommodant sur ce point que son élève Cléanthe était obligé de louer ses bras la nuit aux maraîchers de la banlieue pour pouvoir payer ses leçons. Les professeurs d’éloquence et de sagesse vécurent ainsi soit de présents et d’expédients, soit de quelques cours publics rétribués par la caisse des éphèbes, soit de leçons et de rédactions payées, soit de voyages lucratifs dans les cités étrangères et à la cour des princes. Les écoles philosophiques formaient de plus autant d’associations dont chacune avait son pécule, grossi par les dons et legs de leurs adhérents. Enfin, au temps d’Hadrien, lorsque reparut la sophistique charlatanesque, l’administration romaine prit le parti de protéger la science désintéressée en créant à Athènes des chaires (θρόνοι) de philosophie également distribuées entre les diverses sectes et également rétribuées par la cassette impériale. Ce qui se fit à Athènes à partir du règne d’Hadrien, ce qui s’était fait bien longtemps auparavant à Alexandrie et à Pergame, aurait pu et dû peut-être se faire plus tôt. On peut applaudir en toute sincérité aux efforts de l’initiative privée et ne pas croire que l’intervention de l’État en ces matières soit toujours intempestive. Athènes ne s’est point mal trouvée de son système d’éducation, mais il ne s’ensuit pas qu’il ne devait point se modifier avec le temps et surtout qu’il pourrait sans inconvénient être transporté dans un milieu tout différent. Si l’enseignement élémentaire s’est maintenu et s’est même développé sans l’appui de l’État, c’est que tout le monde en comprenait la nécessité et que le principe de l’obligation, au lieu d’être écrit dans les lois, était entré dans les mœurs. Nous sommes pleins de soumission, disait Périclès, envers les lois, surtout envers celles qui ont pour objet la protection des faibles, et celles qui, pour n’être pas écrites, ne laissent pas d’attirer à ceux qui les transgressent un blâme universel. Les Athéniens faisaient honneur à leur patronne, la docte et belliqueuse Athéna, née du cerveau même de Zeus : ils se moquaient volontiers des Spartiates, qui savaient tous chanter, mais ne savaient pas tous lire, et de leurs voisins, Béotiens et Mégariens, qui, à les entendre, s’occupaient plus de leurs bestiaux que de leurs enfants. Du reste, les règlements éphébiques montrent que l’État ne prévoyait pas l’enrôlement de jeunes gens dépourvus d’instruction, et cette présomption officielle équivalait à une sorte de contrainte légale. Dans nos démocraties modernes, qui, plus démocratiques encore, aspirent à faire pénétrer l’instruction jusque dans ces couches inférieures formées jadis par les esclaves, il est bon que l’autorité publique ne livre pas l’enseignement aux lois naturelles de l’offre et de la demande. On peut faire des remarques analogues à propos de l’enseignement supérieur. Il est né à Athènes d’un besoin public, vivement ressenti par les classes riches qui se sentaient appelées à exercer le pouvoir et qui avaient le bon sens de comprendre qu’on ne devient pas homme d’État, jurisconsulte, orateur, général, sans une culture spéciale. Une fois créé, il s’est maintenu longtemps, non pas sans encouragement de l’État, puisque les éphèbes y participaient, mais sans être en aucune façon dans la main de l’État. On peut affirmer que, chez les nations modernes, il ne se serait, ni organisé ni soutenu sans l’intervention soit de l’État, soit de corporations puissantes. Le moyen âge n’aurait pas eu ses Universités sans l’Église, et, aujourd’hui même, les branches les plus délicates de l’arbre de la science se flétriraient bien vite si elles n’étaient protégées artificiellement contre l’indifférence du grand nombre. A Athènes aussi, il est possible que l’enseignement supérieur, né en dehors de l’État, eût gagné à être adopté par lui. C’est l’avis du savant auteur de la Philosophie des Grecs. Dans une situation comme celle de la Grèce d’alors, dit E. Zeller, il était très dangereux de remettre l’instruction supérieure aux seules mains de maîtres vivant de la rétribution qu’ils recevaient de leurs disciples. La nature de l’homme est ainsi faite qu’une pareille institution a pour conséquence inévitable de rendre l’enseignement scientifique conforme aux désirs de ceux qui sont en état de le payer.... Le plus petit nombre seulement fera abstraction de l’utilité présente et attachera du prix à des études qui ne peuvent pas immédiatement être mises à profit[4]. A plus forte raison, clans un milieu où le goût des choses de l’esprit serait moins vif et les besoins matériels plus impérieux, la science, privée de l’abri que lui assure l’État, serait-elle bien vite remplacée par un enseignement purement technique. Le seul danger à éviter, c’est que l’État ne s’exagère ses devoirs et ne s’attribue le monopole exclusif de l’enseignement. En thèse générale, le monopole ne peut avoir pour but que de maintenir et d’imposer une doctrine à laquelle la société croit son salut attaché[5]. Cet esprit intolérant et étroit est la marque que l’Église a imprimée dès l’origine sur ses Universités, et l’État, qui, pour certaines gens, copie toujours les Grecs et les. Romains quand il abuse de son autorité, a trop longtemps suivi ces traditions séculaires. Ni les Grecs ni les Romains n’ont connu le monopole d’État en matière d’enseignement. A Athènes, on ne voulait même pas entendre parler du système de l’autorisation préalable, qui, appliqué avec discernement, est pourtant une garantie d’ordre et de sécurité. Un des excès les plus odieux de la réaction oligarchique après la guerre du Péloponnèse fut de fermer les écoles de philosophie et de rhétorique. La tyrannie des Trente n’était pas un gouvernement ; c’était la dénomination d’un comité chargé de satisfaire, avec l’appui de l’étranger, les rancunes de l’aristocratie. Près d’un siècle plus tard, Athènes tremblait pour le peu d’indépendance que lui avaient laissée les conquérants macédoniens. Le parti des patriotes voyait avec douleur grossir le groupe des résignés, de ceux qui ne comptaient plus revendiquer vis-à-vis de la Macédoine que la supériorité de l’intelligence. On crut que cet énervement des courages, sensible surtout clans les classes élevées, tenait à l’influence exercée sur la jeunesse par des professeurs étrangers, dont quelques-uns passaient pour être aussi amis des Macédoniens qu’ennemis de la démocratie. Déjà, à la mort d’Alexandre, Aristote, Macédonien, et précepteur d’Alexandre, avait été obligé de s’enfuir à Chalcis, où il était mort l’année suivante. Depuis lors, la bataille de Crannon avait mis à néant des espérances qui n’étaient que des illusions : Athènes avait été obligée d’accepter une garnison macédonienne et même de faire à sa Constitution des retouches exigées par le vainqueur. Lorsque la démocratie fut restaurée (en 307) par Démétrius Poliorcète, il y eut un retour offensif contre l’enseignement philosophique. Le chef de l’Académie était alors un Athénien, Polémon ; mais il succédait à Xénocrate, qui était de Chalcédoine, et son plus brillant disciple était Crantor, un Cilicien de Soles. Le successeur d’Aristote au Lycée était Théophraste, un Chalcidien qui avait des propriétés et des amis en Macédoine. Les Cyniques et les Stoïciens, cosmopolites par système, étaient aussi pour la plupart des étrangers. Les comiques, revenant aux traditions d’Aristophane, dénonçaient les philosophes sur la scène, et Sophocle, fils d’Anticlide, fit voter un décret qui soumettait, à peine de mort pour les contrevenants, tous les cours de philosophie à l’autorisation préalable. Tous les philosophes quittèrent Athènes, suivis de leurs disciples (Théophraste en avait 2000 à lui seul), et les Athéniens furent effrayés du vide qu’ils avaient fait eux-mêmes dans leur cité. L’année suivante, Philon intenta à Sophocle un procès pour chef d’illégalité (γραφή παρανόμων) : Sophocle fut condamné à une amende de cinq talents et sa loi rapportée. Depuis lors, les Athéniens laissèrent les philosophes disserter en paix dans leurs gymnases, et ils furent les premiers à rire de la naïveté de ce proconsul romain qui eut un jour l’idée de fonder une sorte de philosophie officielle en obligeant tous les chefs d’école à s’entendre sur un certain nombre de points. Ils ne prévoyaient pas qu’un jour viendrait où les querelles religieuses remplaceraient la discussion par la violence, où Julien essaierait d’exclure les chrétiens de l’enseignement public, leur foi étant jugée incompatible avec l’hellénisme, et où, par une riposte longtemps différée, mais décisive, Justinien fermerait les écoles philosophiques d’Athènes comme donnant un enseignement incompatible avec le dogme chrétien. En voilà assez, Messieurs, pour vous montrer à quelle variété d’objets, d’idées ; de comparaisons et de rapprochements doit toucher un cours comme celui-ci. Nous étudierons avec soin les questions de détail et nous nous garderons des généralisations hâtives. Il est bon que l’histoire tire quelque profit pour le présent de l’étude du passé, mais rien n’est plus contraire à l’esprit scientifique que la manie de vouloir conclure à tout propos et d’orner chaque leçon d’une moralité. Comme je le disais en commençant, le sujet que nous abordons est des plus complexes ; je l’ai choisi parce que je le trouve aussi intéressant qu’il est épineux ; mais vous vous apercevrez tous les jours davantage que je n’entends pas en faire le prétexte d’allusions faciles à nos préoccupations du moment. |
[1] Leçon d’ouverture du cours d’Histoire Ancienne à la Sorbonne (8 déc. 1882).
[2] Le sujet a été traité depuis, dans les limites chronologiques indiquées par le titre du livre, avec une précision élégante et une compétence parfaite, par P. Girard, l’Éducation athénienne au Ve et au IVe siècle avant Jésus-Christ, Paris, Hachette, 1889. Je ne veux ni dire, ni insinuer que la lecture de ce livre excellent ne m’aurait suggéré aucune retouche — si je ne m’étais interdit d’en faire — à l’esquisse ci-dessus, écrite au temps où le plus récent ouvrage sur la matière était celui de L. Grasberger, Erziehung und Unterricht im klassischen Alterthum (3 vol. Würzburg, 1864-1881) ; mais, en ce qui concerne le point capital, la conclusion de M. Paul Girard, que je contresignerais des deux mains, me rassure complètement. C’est donc la liberté, dit-il (p. 329), qui fait le fondement de l’éducation athénienne. L’État ne se montre et n’agit en maître que quand il faut former les jeunes gens au métier de soldat.
[3] E. Zeller, Die Philosophie der Griechen, II, p. 966-967 [II, p. 481-483, trad. E. Boutroux, Paris, Hachette, 1882].
[4] E. Zeller, op. cit., I4, p. 957 [11, p. 491, trad. E. Boutroux].
[5] Qu’on me permette de rappeler que ceci a été écrit en 1882, et d’ajouter que je n’ai pas changé d’opinion depuis.