HISTOIRE DES LAGIDES

TOME QUATRIÈME. — LES INSTITUTIONS DE L'ÉGYPTE PTOLÉMAÏQUE. - (suite et fin)

 

CHAPITRE XXVIII. — LE DROIT.

 

 

§ II. — LES TITRES DE PROPRIÉTÉ.

Le caractère humain, presque philanthropique, de l’esclavage en Égypte nous a permis de ranger l’esclave parmi les personnes, et non parmi les propriétés.

Il a déjà été question à plusieurs reprises de la propriété, mobilière et immobilière, tantôt dans ses rapports avec le domaine éminent du roi, qui la réduit à l’état de possession précaire, tantôt au regard de l’impôt, qui fait passer dans les caisses royales une part notable de son revenu. On a vu comment, outre le prélèvement sur le revenu, le fisc s’attribuait aussi une portion du capital au moment où il passe d’une main à l’autre, par vente ou héritage. Il ne reste plus qu’à insister sur quelques points insuffisamment  éclaircis, comme la création et la conservation des titres de propriété, autrement dit, les moyens par lesquels l’État constate et garantit le droit de propriété[1].

La constatation du droit de propriété était rendue particulièrement facile en Égypte par l’existence, signalée plus haut, d’un cadastre tenu à jour au moyen des déclarations exigées des propriétaires. Ce grand livre de la propriété, qui était avant tout un instrument fiscal, créé pour assurer une répartition équitable de l’impôt, servait par surcroît à constater et garantir le droit de propriété[2]. Mais le recensement des propriétés n’enregistre que les résultats actuels du mouvement incessant qui fait passer d’une personne à l’autre le droit de propriété : il considère la propriété à l’état statique, tandis que la préoccupation principale de la jurisprudence est de suivre la propriété dans ses mutations et de préciser les conditions dans lesquelles celles-ci doivent s’opérer pour que le droit déplacé retrouve une assiette légale[3].

Le moyen le plus simple de constater et de consacrer le transfert du droit de propriété, dans une société civilisée en possession de l’écriture, est de dresser un acte écrit, accepté des contractants et opposable à toute revendication formulée soit par l’un des contractants, soit par des tiers. Pour donner à ces actes une forme correcte, condition première de leur valeur légale, il se crée nécessairement une. langue juridique, un formulaire traditionnel, et, pour garder cette tradition, un corps de rédacteurs attitrés auxquels l’État finit par attribuer le privilège d’authentiquer les actes rédigés par eux. Ce système, qui revit dans le notariat moderne, donne une valeur propre, une vertu spécifique à la signature du notaire, celle-ci suffisant à remplacer celle des témoins, des nombreux témoins — jusqu’à seize en droit égyptien pour les ventes d’immeubles — qu’exigeait la rédaction libre des contrats[4].

En Égypte comme ailleurs, et plus qu’ailleurs, les contrats (συγγραφαί)[5] ont été rédigés en premier lieu par les clercs, par des scribes appartenant aux corporations sacerdotales (hiérogrammates), non seulement parce que le clergé a dû avoir longtemps le monopole de l’écriture, — ce qui est une raison suffisante, — mais encore parce que l’échange des serments donnait aux contrats un caractère religieux. Pour suppléer à l’insuffisance du droit, public ou privé, les Égyptiens usaient à tout propos du serment et de l’imprécation, qui intéressent les dieux au maintien des conventions. Dans les actes de l’époque pharaonique, c’est parfois Amon lui-même, le roi des dieux, qui prend la parole et menace de tuer tout individu, mâle ou femelle, qui entreprendrait d’usurper sur les droits conférés par le document. Ce ne sont plus simplement des conventions et stipulations humaines, mais des décrets d’Amon[6].

La réforme de Bocchoris, qui passe pour avoir précisé la règle des contrats, c’est-à-dire pour avoir substitué les contrats par écrit aux conventions verbales, désormais dépourvues de valeur juridique, dut mettre à la portée de tous l’usage des formes légales et enlever au clergé le monopole de la rédaction des actes. On ne peut guère se refuser à admettre celle conséquence nécessaire du nouveau régime, confirmée d’ailleurs par la haine que manifeste pour le réformateur la tradition cléricale[7]. Le législateur a dû donner aux Égyptiens la faculté die contracter sous seing privé, ou avec l’assistance de scribes laïques employant la langue ou plutôt l’écriture vulgaire[8], et d’un nombre légal de témoins. C’est aux égyptologues à nous dire si le ministère de rédacteurs des contrats a pu être exercé par des scribes quelconques ou seulement par des notaires investis d’un mandat officiel.

Un document araméen de l’époque persane semble témoigner contre l’hypothèse d’un monopole officiel. C’est un acte dressé à Éléphantine par un scribe juif, assisté de quatre témoins juifs, constatant un prêt de 1.000 sicles d’argent consenti à un fonctionnaire de l’administration perse[9]. Il est évident que le prêteur a dû tenir à avoir en main un acte valable, et il est peu probable que le rédacteur juif fût un notaire officiel. Mais les contractants étant de nationalité étrangère et le gouvernement lui-même étant alors aux mains d’étrangers, le fait allégué pourrait être rangé parmi les dérogations aux usages indigènes. Ce qui est plus probant, c’est que, sous les Lagides, Égyptiens et Grecs ont conservé la faculté de contracter par actes sous seing privé ou libellés par des rédacteurs de conventions exerçant une profession libre ; à la condition de faire intervenir, pour certifier l’authenticité, des témoins dont le nombre peut varier de quatre à seize, suivant l’importance de l’acte[10]. Ces rédacteurs, même sans investiture officielle, devinrent par le fait de véritables notaires de profession, et c’est à eux que l’on confiait de préférence le soin de garder la minute des contrats rédigés en leur étude, à titre de συγγραφοφύλακες. En tout cas, les scribes laïques n’avaient plus qu’alité pour faire intervenir les dieux nationaux ou recevoir les serments qui appelaient ces dieux en garantie[11]. L’adjuration par les dieux fut réservée, en droit égyptien, aux serments judiciaires ou décisoires ordonnés par les tribunaux pour suppléer au défaut de preuves écrites. Ceux-là devaient être prêtés dans les temples et reçus par les prêtres[12]. Il est donc permis de supposer que de l’époque de la réforme date l’usage du serment royal (όρκος βασιλικός), qui menaçait le parjure non plus des vengeances des divinités invisibles, mais d’un châtiment infligé par le dieu-roi, au cas où serait méprisée la garantie des dieux dynastiques énumérés dans la formule du serment.

H y avait pourtant, dans la monarchie des Lagides, comme un royaume à part, le royaume du Sud, où le puissant sacerdoce d’Amon maintenait opiniâtrement les traditions antiques dont il avait le bénéfice. En Thébaïde se maintenait le monopole des scribes ou notaires sacerdotaux, que les Grecs appelaient des μονογράφοι, d’un nom peut-être mal formé et susceptible d’interprétations diverses. Les actes démotiques que nous ont conservés les papyrus de la Thébaïde ont été rédigés par des scribes qui se donnent comme écrivant au nom des prêtres des cinq classes, soit prêtres d’Amon et des rois à Thèbes, soit prêtres de Montou et des rois à Hermonthis[13], soit prêtres de Sobk (Souchos) ou de Hathor à Amoura ou Pathyris (Gebelén). On a supposé que le monographe était ainsi appelé parce qu’il était seul à signer les actes rédigés par lui, à l’exclusion des témoins ; tandis que, dans les actes grecs de rédaction libre, les témoins apposent leur signature[14]. On pourrait aussi conjecturer que le notaire commissionné par la corporation sacerdotale était μονογράφος parce qu’il représentait à lui seul, pour rédiger et authentiquer les contrats, les cinq classes de prêtres. Enfin il est possible, et, à mon sens, plus vraisemblable, que le monographe ait été le rédacteur attitré, tenant d’une investiture sacerdotale le monopole de la rédaction des contrats valables en justice[15].

C’est à ce monopole sacerdotal, expression et aliment d’un esprit hostile à l’hellénisme, que finit par s’attaquer le gouvernement des Lagides, après les expériences faites dans la Thébaïde insurgée durant les règnes de Philopator et d’Épiphane. Un premier moyen était de susciter aux monographes des grands temples la concurrence de scribes commissionnés par des corporations sacerdotales plus humbles et jusque-là dépendantes des autres. Il me semble que ce moyen fut employé, et c’est ainsi que j’expliquerais l’existence à Thèbes même, dans les Memnonia de la rive gauche (Djême), d’une officine ou élude de notaires égyptiens écrivant au nom d’un sacerdoce local, plus ou moins émancipé de la tutelle des cinq classes[16]. De cette façon, le monopole sacerdotal se trouvait étendu sans être supprimé. Un coup Plus sensible lui fut porté par l’institution d’un notariat officiel, employant exclusivement la langue grecque, mais au service de tous les sujets du roi et les dispensant d’amener des témoins, attendu que la signature du notaire commissionné par l’État suffisait à elle seule pour authentiquer les contrats[17]. Nulle mesure n’était plus propre à discréditer le notariat indigène et ; par surcroît, à familiariser les Égyptiens avec la langue et le droit de la race conquérante. Le nom de ces notaires officiels, appelés agoranomes, fut emprunté à une magistrature bien connue depuis longtemps dans le monde grec et sans doute importée dans les cités grecques d’Égypte, mais d’attributions notablement différentes[18]. Il y avait déjà tant de scribes de toute espèce qu’on se dispensa de fabriquer un nouveau composé de γραμματεύς. Le terme άγορανόμος avait l’avantage d’accentuer le caractère officiel de la, fonction en l’assimilant à une magistrature vaguement comparable.

Jusqu’à ces derniers temps, on pouvait mettre sur lé compte du hasard le fuit qu’on n’avait point rencontré d’acte rédigé par des agoranomes en dehors de la Thébaïde. Mais on n’en a pas rencontré non plus dans l’énorme quantité de papyrus qui sont sortis des fouilles pratiquées dans le Fayoum[19]. Les actes de prêt, de location, de vente, contrats de mariage, etc., provenant de cette région ont été rédigés par des scribes quelconques et certifiés par six témoins, dont un, dit gardien du contrat, contresigne le document ainsi que le résumé placé en tête et reste dépositaire de l’original, avec mission de le présenter en justice, au cas où il en serait requis[20]. De même, ceux de la Moyenne Égypte, d’Akoris dans le nome Hermopolite. Il n’est fait mention d’agoranomes nulle part, sauf une fois, une seule fois, dans un papyrus de Magdola, à propos d’une hypothèque à résilier ou à transformer d’une façon quelconque. Le pétitionnaire demande que le roi ordonne au stratège d’écrire à ce sujet à Moschos l’agoran[ome][21]. Nous ne saurions dire ni où était ce Moschos, ni à quel titre il pouvait être intéressé dans l’affaire[22].

En attendant qu’un hasard heureux jette quelque lumière sur ce texte énigmatique, il reste constant que les papyrus de la Basse et de la Moyenne Égypte ne nous ont révélé jusqu’ici aucune trace de l’exercice d’une fonction notariale par des agoranomes, tous les contrats de langue grecque découverts dans ces régions étant de rédaction anonyme et certifiés par des témoins, dont un συγγραφοφύλαξ dépositaire de l’acte. Nous pouvons donc maintenir la conclusion qui se fût imposée sans le léger doute né du papyrus de Magdola, à savoir que le notariat officiel des agoranomes n’a réellement fonctionné, à l’époque ptolémaïque, qu’en Thébaïde et qu’il y a été implanté dans le but exprès de favoriser le développement de la civilisation grecque et d’affaiblir, par des moyens indirects, l’influence du clergé national.

A quelle époque remonte l’institution des agoranomes en Thébaïde, il est difficile de le préciser[23]. Le plus ancien acte aujourd’hui connu qui porte la signature, ou plutôt — puisque le nom est effacé — la mention d’un agoranome rédacteur, est un contrat de prêt du 5 Thoth an VIII de Philométor (10 oct. 171 a. C.), rédigé par l’agoranome de Périthèbes et du Pathyrite[24]. Cette date ne peut être retenue qu’à titre provisoire comme point de départ de nos renseignements : cependant, les considérations historiques exposées plus haut portent à croire que l’institution n’était pas beaucoup plus ancienne. Elle suppose que l’élément grec formait déjà une part appréciable de la population, ce qui n’était point le cas au IIIe siècle, au temps où l’immigration étrangère ne remontait guère plus haut que Ptolémaïs.

Sur le rang hiérarchique des agoranomes, la durée de leur mandat et l’étendue du ressort qui leur était attribué, les documents nouveaux ont aussi modifié les idées courantes. On avait cru pouvoir affirmer que l’agoranome, ayant autorité sur tout un nome ou même sur plusieurs à la fois, devait être un haut fonctionnaire, pourvu d’une juridiction arbitrale ou gracieuse et venant dans la hiérarchie immédiatement après l’épistate du nome[25]. Nous connaissons mieux aujourd’hui la compétence des agoranomes et l’étendue de leur ressort, qui est généralement une fraction de nome, au plus une toparchie. Nous possédons quantité d’actes dressés par les agoranomes de la Thébaïde, contrats de vente, de prêt, de mariage, créances hypothécaires, testaments, donations, transactions de toute sorte[26]. On peut suivre, pour ainsi dire, la carrière professionnelle de certains de ces notaires et. en mesurer la durée par l’écart des dates apposées sur les actes sortis de leur étude, ou compter les titulaires qui se succèdent dans le même office. Malheureusement, l’homonymie, la plaie incurable de l’histoire hellénistique, impose beaucoup de prudence dans l’identification des personnes et jette un doute sur des résultats considérés comme acquis.

La majeure partie des actes notariés dont nous disposons (49 sur 78) ont été rédigés à Pathyris par l’agoranome du lieu ou par son maure clerc ; quelques autres à Hermonthis (2 pièces), à Crocodilopolis (7 ou 8 pièces), — deux villes faisant partie du nome Pathyrite ; — un à Latonpolis ; trois à Thèbes ; un à Diospolis τήι μικράι, du nome Diospolite, au N. de Thèbes ; un testament, de date inconnue, dans une localité de site inconnu[27]. Si l’on cherche à déterminer l’étendue des circonscriptions notariales et la succession des notaires dans la même étude, on se heurte à des problèmes embarrassants, suscités par des définitions confuses ou insuffisantes et compliqués par l’homonymie possible des personnes. On a vu que le plus ancien agoranome connu est l’anonyme (à cause d’une lacune) qui s’intitule ό πρός τήι άγορανομίαι τοΰ Περιθήβας καί τοΰ Παθυρίτου[28]. Les signataires des actes passés à Pathyris et à Crocodilopolis se qualifient le plus souvent agoranome, sans plus, ou άγορανόμος τοΰ Παθυρίτου, parfois άγορανόμος τής άνω τοπαρχίας τοΰ Παθυρίτου. On en tire provisoirement la conclusion que le dit agoranome a pour ressort la moitié S. du nome Pathyrite, dans laquelle se trouve aussi Crocodilopolis, à courte distance de Pathyris, et que le même agoranome a un bureau dans chacune de ces deux villes. En effet, deux actes de la même année, l’un daté du 23 Pharmouthi an XLI (14 mai 129), l’autre du 9 Payni (29 juin), ont été passés par devant l’agoranome Anicétos, le premier à Pathyris, le second à Crocodilopolis[29]. De même, les agoranomes Sosos et Paniscos son successeur exercent à Pathyris et à Crocodilopolis entre 113 et 98 a. C.

La position géographique d’Hermonthis (Erment) permet d’affirmer que l’agoranome du lieu avait pour ressort la toparchie N. du nome Pathyrite, dit aussi — à l’époque romaine — Hermonthite. Mais, d’autre part, nous connaissons un agoranome, Apollonios, qui s’intitule dans un acte de vente du 29 Tybi an XII/IX (14 février 105 a. C), ό πρός τήι άγορανομίαι τών Με(μνονέων) καί τής κάτω τοπαρχίας τοΰ Παθυρίτου[30]. Le ressort de l’agoranome préposé à la toparchie N. du nome Pathyrite empiétait donc sur la région limitrophe, englobant tout ou partie de la rive gauche du Nil en face-de Thèbes. Il ne resterait à l’agoranome de Périthèbes que la rive droite, où il a en effet son étude à Diospolis ή μεγάλη (Thèbes)[31]. Ici se pose la question, souvent discutée et toujours discutable, de savoir si les ressorts des agoranomes rivaient les mêmes limites que les nomes ou les toparchies de nomes, auquel cas il faudrait adjoindre au nome Pathyrite la région des Memnonia ; ou si cette région, bien que détachée du ressort de l’agoranome de Périthèbes, n’en faisait pas moins partie du nome de Périthèbes. Quelque solution qu’on adopte, on arriverait toujours à enfermer l’agoranome de Périthèbes dans le district de la rive droite ; mais on rencontre, dans l’acte cité plus haut, du 5 Thoth an VIII (10 oct. 175 a. C.), mention d’un anonyme préposé τήι άγορανομίαι τοΰ Περιθήβας καί τοΰ Παθυρίτου[32].

Il faut évidemment, pour résoudre le problème, faire intervenir la chronologie. Au début de l’institution, alors que le but était de battre en brèche le monopole du sacerdoce thébain, l’agoranome, pour achalander son officine, eut un ressort étendu à au moins deux nomes. Plus tard, la clientèle devenant de plus en plus nombreuse, il y eut avantage à créer un agoranome spécial et bientôt deux pour le Pathyrite[33]. Des raisons de commodité ont pu décider le gouvernement à désencombrer l’étude de Thèbes et à rattacher les Memnonia, c’est-à-dire la partie du nome périthébain qui confinait au nome Pathyrite, à l’étude d’Hermonthis, située à courte distance (environ 15 kil.) et sur la même rive du fleuve. La mention d’un agoranome, Dionysios, Diospolis-la-Petite (Hou) du nome Diospolite, au N. des régions précitées, dès l’an VI de Philométor (165/4 a. C.)[34], et d’un autre notaire, Apollonios, à Latonpolis (Esneh) au S., dès l’an 139[35], autorisent à penser que l’institution de l’agoranomie avait été étendue à toute la Thébaïde.

De toutes ces études de notaires, la seule où nous puissions suivre la succession des titulaires est celle de Pathyris et Crocodilopolis. Elle est occupée, entre 149 et 144 a. C. environ, par Ptolémée[36] ; en janvier 131 par Sarapion[37], que nous retrouvons en janvier 127 — si c’est bien le même — associé à Apollonios en l’étude d’Hermonthis[38]. C’est le seul exemple, soit dit en passant, de deux agoranomes titulaires mentionnés à la fois sur un acte. On l’expliquerait assez bien, ce semble, en supposant que Sarapion était à Hermonthis maitre clerc, mais en gardant le titre d’agoranome honoraire[39]. En 129, le titulaire de Pathyris est Anicétos ; de 127 à 126 au moins, Asclépiade ; de 123 à 112, et peut-être jusqu’en 107, Héliodore. Entre 113 et 107, les actes témoignent d’une sorte de crise intérieure, préparant la retraite définitive d’Héliodore. Le clerc Ammonios, qui signait ό παρ' Ήλιοδώρου[40], se dit ό παρά Σώσου dans un acte de vente du 27 juin 113, qui est cependant passé devant l’agoranome Héliodore[41]. Une quittance du 4 déc. 113 est rédigée par Sosos, qualifié agoranome, et signée par son clerc Hermias[42], bien que, le 29 de ce même mois, un acte de prêt sorte de l’étude d’Héliodore, avec la signature d’Ammonios[43]. En septembre et octobre 111, Ammonios est dit agoranome et signe lui-même ses actes[44] ; mais, en 110 et probablement 109, il n’est plus que le clerc de l’agoranome Sosos. Enfin, le 23 octobre 107, on voit reparaître une dernière fois, comme agoranome et comme signataire d’un acte de vente, un Héliodore[45] que nous n’avons aucune raison de considérer comme un homonyme différent de l’ancien notaire.

Ces faits, mis en évidence par la statistique, sont de nature à modifier l’opinion qu’on s’est faite jusqu’ici de l’agoranome, considéré comme un fonctionnaire de carrière, ayant déjà parcouru certaines étapes et aspirant à monter plus haut dans la hiérarchie. Il ressemble plutôt aux notaires modernes, aux officiers ministériels investis par l’État, mais ayant un droit de propriété sur leur étude, pouvant négocier le prix de leur charge avec leur successeur et le présenter au choix du gouvernement. Ammonios a bien été clerc d’Héliodore, à Pathyris même, et non pas délégué dans la succursale de Crocodilopolis pour le représenter. Le fait qu’il a signé ό παρά Ήλιοδώρου, en un temps où il était au service d’Héliodore, puis comme agoranome, et de nouveau ό παρά Σώσου, suggère l’idée que Sosos, dont on ne rencontre pas une seule signature, était le commanditaire, peu ou point lettré[46], d’Héliodore et d’Ammonios, et qu’il avait comme ses associés le titre d’agoranome, l’État ne voyant point d’inconvénient à reconnaître cette qualité à plusieurs notaires dans la même étude. Ceux-ci se partageaient à leur gré, suivant les cas, les rôles d’agoranome en titre et d’auxiliaire.

A partir de 107, l’étude de Pathyris et Crocodilopolis a pour titulaire Paniscos, qui l’occupe durant neuf ans, continuellement suppléé par son clerc Hermias, qui ne se contente plus de la signature, mais s’inscrit dans le corps de l’acte sous la forme équivoque : έφ' Ερμίου τοΰ παρά Πανίσκου άγορανόμου. A en juger par son style incorrect, redouté de nos philologues, Ilermias était médiocrement intelligent ; mais le hasard l’a favorisé en nous conservant au moins une vingtaine de ses productions. En tout cas, il entendait sans doute fort bien ses propres affaires ; car, après une période où nous voyons apparaître ou reparaître un Ammonios succédant à Paniscos[47], il devint le patron de l’étude et put étaler tout au long son titre : έφ' Ερμίου άγορανόμου τής άνω τοπαρχίας τοΰ Παθυρίτου[48].

Nous ignorons encore de quelle façon les agoranomes étaient investis : s’ils étaient nommés pour un temps déterminé, avec brevet renouvelable, ou pour une durée indéfinie ; s’ils l’étaient à titre gratuit ou si, comme nous l’avons supposé tout à l’heure, ils devaient acheter leur charge à leur prédécesseur ; s’ils recevaient un traitement du Trésor ou s’ils étaient rétribués par leur clientèle ; toutes questions que nous serions aussi embarrassés de résoudre à propos de bien d’autres fonctionnaires. Nous savons seulement que les agoranomes restaient plusieurs années en fonctions, et il est évident que la charge comportait des bénéfices, remplaçant ou doublant un traitement fixe. Suivant un principe invoqué plus haut à propos de certaines taxes spéciales, il est au moins probable que les clients de l’agoranome lui payaient des honoraires. Les actes n’en font pas mention ; mais les notaires d’aujourd’hui n’inscrivent pus non plus le coût des actes, ni dans le texte, ni hors texte. Le fait que les gens d’Hermoupolis de Thébaïde se contentent de quittances sous seing privé pour liquider des transactions contractées par devant l’agoranome indique assez qu’ils entendaient par là économiser les frais de notaire[49]. On rencontre bien une  taxe spéciale appelée τέλος άγορανομ(ίας) ou άγορανομ(ικόν) ou άγορανόμ(ων), précisément en Thébaïde, et il est naturel de la considérer comme destinée à rétribuer les agoranomes[50]. Seulement, cette taxe affermée parait bien avoir été levée sur les ventes faites au marché, et il faut alors supposer que les agoranomes égyptiens avaient ou avaient eu à l’origine, comme les agoranomes athéniens, l’inspection des marchés ; ce dont il ne reste absolument aucune trace dans nos documents.

En instituant des notaires officiels, dont la signature dispensait de produire des témoins, les Lagides voulaient créer une concurrence, mais non un privilège exclusif. Les monographes sacerdotaux continuèrent à dresser les actes en langue démotique, et il ne fut pas non plus interdit aux Grecs de contracter sous seing privé. Nous avons un contrat de dépôt en date du 9 Tybi XXXIV (1er févr. 136 a. C.), rédigé par Dryton fils de Pamphile pour deux indigènes, Patoûs et sa sœur Takmoïs, qui ont déclaré ne savoir pas écrire[51]. Dryton, bien connu par ses testaments cités plus haut, était un officier et non pas un agoranome, ni même un notaire libre ou un écrivain public[52]. L’État avait d’autant moins besoin d’entraver la liberté en cette matière qu’il était garanti contre l’abus possible du seing privé par les lois fiscales. Tout acte emportant transmission de propriété sur des immeubles[53] donnait lieu à la perception — obligatoire sous peine de rescision et d’amende — de taxes sur les successions, donations et ventes. Les actes de cette espèce devaient donc être présentés aux banques royales, chargées de percevoir les droits de mutation pour le compte et sur mandat des fermiers. Le trapézite mentionnait au bas de l’acte, pour validation, le montant de la somme perçue, la date du versement, avec une brève mention de la nature de la transaction[54]. C’est la première forme, purement fiscale, de l’enregistrement, qui resta toujours suffisante pour les actes en langue grecque. La mention put être plus ou moins sommaire ; le trapézite put y introduire les principales clauses du contrat ; mais il n’était pas obligé d’en donner un résumé fidèle, à plus forte raison de le transcrire sur ses registres.

Quand l’acte présenté à la banque était en langue démotique, le cas n’était plus aussi simple. Sans doute, le banquier pouvait être un Égyptien ou avoir à son service des commis entendant l’égyptien, et d’ailleurs il ne percevait que d’après le bordereau du fermier, lequel avait- intérêt à connaître le contenu de l’acte et y avait parfois apposé une formule de reçu libellée dans le même idiome[55]. Mais c’était là un régime incommode, propre à favoriser les fraudes et à retarder, au profit d’un patriotisme tenu en suspicion, la prédominance de la langue officielle. Il fallait que tous les fonctionnaires et tous les tribunaux fussent mis à même de connaître exactement le contenu des actes rédigés en langue démotique. sans avoir besoin de recourir, pour chaque cas, à des interprètes. Les trapézites furent donc invités à n’omettre en aucun cas l’analyse sommaire relatant en langue grecque les clauses principales des contrats, en même temps que le montant des droits perçus[56].

Cet enregistrement, dont le but n’était plus purement fiscal, devint obligatoire, à peine de nullité, pour les actes démotiques, en vertu d’une ordonnance royale alléguée contre les choachytes au procès d’Hermias[57] et analysée dans une lettre de Paniscos — probablement un agoranome — à son collègue Ptolémée, en date du 13 Tybi de l’an XXXVI de Philométor (8 févr. 145 a. C.)[58]. L’ordonnance était alors une nouveauté — dans la région tout au moins[59] — et Paniscos en explique le sens à son correspondant. Celui-ci, déjà informé, mais insuffisamment renseigné sur le mode d’exécution, avait demandé si le régime nouveau annoncé par une circulaire d’Ariston devait être appliqué par des agents locaux commissionnés à cet effet, c’est-à-dire par les rédacteurs égyptiens, et à partir de quelle date l’enregistrement serait obligatoire. Paniscos lui explique, d’après les instructions d’Ariston, que les contrats égyptiens rédigés dans le nome de Périthèbes par un μονογράφος devront être transcrits dans le texte original par les monographes et décrits en langue grecque sous forme d’analyse contenant les contractants, l’arrangement qu’ils ont conclu, leurs noms avec nom du père ; et nous devons soussigner que nous avons enregistré la pièce pour légalisation, en indiquant la date à laquelle nous avons soussigné le contrat présenté et la daté du contrat lui-même. Paniscos ajoute que l’ordre lui a été signifié le 30 Athyr (27 déc. 146), avec effet à partir du 9 Choiak suivant (5 janv. 145).

Il ne s’agit plus, répétons-le, d’un enregistrement fiscal, mais d’une légalisation par transcription, distincte du paiement des droits[60]. Il existait déjà à ce moment, à côté des études d’agoranomes, comme nous le verrons ci-après, des greffes spéciaux ou archives[61] pour enregistrer et conserver les actes grecs déposés sous la garde de l’autorité : ils furent désormais affectés aussi à la traduction, enregistrement et conservation des contrats en langue égyptienne[62]. Désormais, les trapézites étaient déchargés, s’ils le voulaient bien, de la Partie la plus ardue de leur tâche : aussi voit-on, au ne siècle, devenir de plus en plus rares les noms de banquiers égyptiens, titulaires ou commis[63].

La lettre de Paniscos ne nous renseigne pas sur plus d’une question connexe. Les notaires égyptiens ayant l’habitude de dresser pour les ventes d’immeubles deux actes distincts, l’un constatant les conditions de la vente et le versement du prix, l’autre (acte d’ouishz n vi[64]) opérant la cession du droit de propriété, l’obligation de l’enregistrement s’étendait-elle à tous les deux[65] ? Les documents indiquent que l’acte de vente, étant seul soumis à la taxe pour droits de mutation, était aussi seul obligatoirement enregistré à la banque. Le greffe était le seul endroit où le texte de l’autre pût être conservé, sinon traduit, et c’était une raison d’exiger qu’il y fût transcrit. Ce dernier était si peu inutile, même aux yeux des Grecs, que les agoranomes grecs, comme nous le verrons, s’habituèrent à introduire dans le contrat de vente le style et les clauses de l’acte de cession[66].

Nous avons un certain nombre d’actes démotiques qui portent la double mention, de la banque et du γραφεΐον. On peut citer un contrat du 28 Mésori an XLIV (16 sept. 126 a. C.), enregistré à Thèbes le 29 (17 sept.) par le banquier Asclépiade, et suivi de : Moi, Apollonios, préposé au greffe, j’ai légalisé l’an XLIV en Mésori, 2 épagomène (20 sept.)[67]. Le greffier Apollonios emploie exactement à même terme que l’agoranome[68]. Une autre mention en double apposée au bas d’un acte de partage du 18 Choiak an XLIX (8 janv. 121 a. C.) place la formule de légalisation par άναγραφή avant la quittance du trapézite de Thèbes, et peut-être à une date antérieure[69]. Moi, Héraclide, commis d’Ammonios le préposé à la transcription, j’ai légalisé, an XLIX, Choiak 19. De même, un acte pour argent du 17 (?) Méchir an L (7 mars 120 a. C.) a été légalisé par le même Héraclide, au nom du même Ammonios, dit cette fois préposé à la copie[70], le 10 Phamenoth (30 mars) et présenté à la banque seulement le 15 Payni (3 juillet). On serait tenté de croire que le bureau du greffe a transmis à la banque l’analyse que le trapézite Irénée a insérée dans ses acquits, comme avait fait son prédécesseur Asclépiade. Sur un acte du 29 Tybi XLVI (18 février 124 a. C.), enregistré le lendemain, Héraclide avait mis simplement : Moi, Héraclide, j’ai reçu (l’acte) pour transcription[71].

Les greffes, avons-nous dit, n’enregistraient pas — du moins obligatoirement — de traduction littérale des actes démotiques ; mais on devait y transcrire le texte. Quand on avait besoin de traductions proprement dites, et de traductions certifiées, comme en exigeaient les tribunaux grecs[72], c’était là évidemment que l’on allait chercher des traducteurs jurés. A plus forte raison était-il aisé d’obtenir des copies soit du texte, soit de l’analyse en langue grecque. Les traductions elles-mêmes tournaient sans doute quelque peu au résumé, sans dommage pour le sens, car le style redondant et plein d’idiotismes amphigouriques des notaires égyptiens était bien fait pour impatienter les interprètes attachés au greffe. C’est un des plus scrupuleux, j’imagine, qui a intitulé son travail : Copie d’un contrat de vente égyptien traduit selon le possible[73].

L’édit rendu par Philométor avait donc été exécuté, non peut-être sans quelque résistance, voulue ou passive. Il fallut du temps pour habituer les notaires égyptiens et leur clientèle aux nouvelles formalités. Les notaires surtout risquaient de se voir délaissés, ce qui était, au fond, le but visé par le gouvernement. Dans une correspondance non datée, qui peut être antérieure à l’ordonnance de 146, un certain Dionysios, fonctionnaire qui emploie des scribes, donnait déjà le conseil de ne rien donner à écrire aux monographes et de ne pas dépenser son argent[74]. Les actes égyptiens, sous le nouveau régime, entraînaient doubles frais, frais de rédaction et frais d’enregistrement : aussi ne furent-ils pas toujours enregistrés, et les propriétaires négligents se virent contester la validité de leurs titres. Au bout d’une trentaine d’années, la situation était telle qu’Évergète II crut devoir y remédier par une de ses Indulgences rendue en 118 a. C. et régularisant tous les actes antérieurs au 19 Thoth de l’an LIII (10 oct. 118). C’est l’ordonnance des très grands Rois que cite au procès d’Hermias l’avocat des choachytes, en vertu de laquelle les contrats produits par ses clients sont inattaquables[75].

L’institution de l’enregistrement des actes démotiques n’avait probablement de nouveau que l’obligation stricte et l’ouverture de dépôts officiels. L’usage de déposer dans les temples, sous la sauvegarde des dieux, les traités publics et les actes privés de quelque importance, a été général dans l’antiquité. Parmi les sanctuaires, un des plus célèbres était l’agrégat de temples connu sous le nom collectif de Sérapéum de Memphis. Nous y rencontrons un bureau d’enregistrement attaché au sanctuaire d’Anoubis, qui avait pour chef en l’an XL d’Évergète (131/0 a. C.) un certain Héraclide. Sur un contrat démotique, à la date du 29 octobre 131, on lit : An XL, Phaophi 6 : a été transcrit dans l’Anoubiéon par Héraclide clerc de Théon[76]. Un autre acte porte deux apostilles, l’une en démotique, l’autre en grec, celle-ci ainsi conçue : L’obligation (ou créance) a été transcrite par le greffier (ou au greffe) de l’Anoubiéon, an XVII, Épeiph 29[77]. L’enregistrement par transcription des actes démotiques a-t-il été imposé en dehors de la Thébaïde, et le greffe de, l’Anoubiéon était-il officiel en même temps que sacerdotal, ou s’agit-il d’une précaution prise spontanément par les intéressés, c’est ce que ces maigres documents ne permettent pas de décider. Il y a cependant une raison, et une raison très forte, d’opter pour la seconde hypothèse : c’est que les Gréco-Égyptiens, contractant en langue grecque et dispensés, par conséquent, de la transcription, avaient pris l’habitude de faire transcrire leurs contrats dans les greffes officiels, évidemment afin d’en assurer la conservation dans leur forme authentique et légalisée.

C’était un usage que les immigrants de race grecque avaient pu importer de leur pays natal. Dans beaucoup de cités helléniques ; les archives publiques servaient de dépôt aux titres de propriété ou créances des particuliers, en copie enregistrée faisant foi comme l’original[78]. La formalité de la transcription était même obligatoire pour les contrats emportant transfert de propriété immobilière[79]. Les particuliers y étaient, en somme, plus intéressés que l’État. L’État avait pris ses sûretés en obligeant, comme on l’a vu, tous les propriétaires à faire des déclarations contrôlées, au moyen desquelles il tenait le cadastre au courant. Il était renseigné encore par les registres des banques, qui percevaient les droits sur les successions et les ventes. Les particuliers, eux, trouvaient grand avantage à mettre à l’abri des accidents et des vols leurs titres de propriété. Ces dépôts d’archives étaient particulièrement utiles, pour ne pas dire indispensables, avant l’institution des agoranomes, et, dans les régions où l’on continuait à se passer d’agoranomes, pour les actes qui, n’étant pas soumis aux droits de mutation, n’étaient pas enregistrés en banque. Tels étaient, par exemple, les testaments, les contrats de prêt, créances et quittances diverses.

On ne trouve aucune mention d’άναγραφή dans les plus anciens testaments, ceux qui datent du règne de Ptolémée III et qui proviennent du Fayoum[80] : mais l’état des documents — originaux ou copies — le plus souvent mutilés ne permet guère d’en tirer une preuve négative. On pourrait hasarder une induction positive de la mention ajoutée par une seconde main à un contrat de prêt du temps d’Épiphane, contresigné par six témoins, dont le συγγραφοφύλαξ Apollonios. L’apostille est ainsi conçue : A été légalisée cette copie présentée par Histiæos à Crocodilopolis, le 15 Payni an XIII (21 juil. 192 a. C.), parce que le gardien du contrat était en service (?) à Alabastropolis[81]. Contractants et témoins étant tous des militaires, il est probable que, le gardien du contrat n’étant plus là pour certifier la copie, on a eu recours au greffe pour en faire attester l’authenticité. Mais le préposé au greffe n’a pu la légaliser que si on lui a présenté l’original ou s’il en avait déjà une transcription. Plus tard, les contrats cités plus haut et ci-après, le contrat de location du 24 Phaophi an XV (10 nov. 103 a. C.)[82] et le contrat de mariage du 11 Méchir an XXII (22 févr. 92 a. C.)[83], portent la mention : à telle date, ... τέ(τακται) είς άναγρ(αφήν). Il ne s’agit pas d’enregistrement en banque, mais de la transcription au greffe[84].

En Thébaïde, où la signature de l’agoranome conférait à elle seule l’authenticité, le dépôt au greffe avait encore son utilité, d’abord pour les actes sous seing privé, surtout ceux qui ne passaient point par la banque, et même pour les actes notariés. Les créances hypothécaires notamment devaient être, alors comme aujourd’hui, ceux qu’il importait le plus de conserver et d’entourer d’une certaine publicité, les tiers pouvant y être intéressés. L’άρχεΐον ouvert dans la métropole du nome conservait les documents qui lui étaient confiés. Ainsi, un testament rédigé en l’an VI des Philométors (165/4 a. C.) par l’agoranome Dionysios avait été déposé dans l’άρχεΐον de Diospolis-la-Petite[85]. Le texte visé ici, par sa rédaction et l’absence du terme caractéristique disparu dans une lacune, permet de confondre l’άρχεΐον avec l’étude de l’agoranome. Mais voici qui les distingue, ce semble, assez nettement. Une quittance de remboursement notariée porte ce qui suit : En l’an V, 16 Athyr (4 déc. 113 a. C.), à Pathyris, par devant Sosos agoranome, Psénénoupis fils d’Onnophris s’est libéré d’un emprunt de 56 artabes de blé que lui a prêtées Érianoupis fils de Pathotos au mois de Thoth de l’an III (sept.-oct. 115 a. C.) d’après un contrat de prêt déposé dans l’άρχεΐον de Pathyris. Étant présent à l’άρχεΐον, Érianoupis a déclaré avoir reçu[86] et ne réclamer en aucune façon au sujet de toutes choses concernant le prêt, et il a fait remise de la demie en sus. Moi, Hermias, commis par Sosos, j’ai légalisé[87]. Entre le prêt consenti en l’an III et l’acquit de l’an V est intervenu le dépôt de l’acte aux archives. Du moins, on s’étonnerait que l’agoranome, si l’άρχεΐον, ne se distinguait en rien de ses bureaux, ne dit pas tout simplement : par acte passé à telle date, devant mon prédécesseur Héliodore, sans employer l’expression déposé à l’άρχεΐον de Pathyris, et cela, à une date approximative, comme s’il n’avait pas la pièce sous les yeux. Il ne s’exprimerait pas autrement si l'acte du prêt était — ce qu’il fut peut-être — un contrat sous seing privé ou un contrat égyptien, déposé aux archivés sans intervention de l’agoranome.

Nous avons plusieurs acquits notariés tout à fait semblables, à quelques détails près, passés en l’étude de Pathyris avant et après celui que nous venons de citer, où l’on rencontre la mention en termes identiques du dépôt de la créance à l’άρχεΐον de Pathyris, ainsi que la présence du créancier reconnaissant expressément l’extinction de la dette[88]. Sur sept actes mis en dépôt, un tout au moins est signalé comme contrat égyptien, d’où il résulte sans conteste que l’άρχεΐον ne recevait pas seulement les actes signés par l’agoranome. Deux autres, le premier testament de Dryton et le contrat de prêt passé, le 11 sept. 112, entre Panochnoubis et Patofts, portent la mention cumulative έπί τοΰ Διοσπό(λει) τήι μι(κράι) άρχείου έπί Διονυσίου άγορανόμου[89], — έπί τοΰ έν Παθύρει άρχείου έφ' Ηλιοδώρου άγορανόμου[90]. Ceux-ci sont évidemment des actes rédigés et peut-être déposés par le notaire officiel. Quatre autres sont de rédaction non qualifiée, et il est fort probable que c’étaient des actes sous seing privé, grecs ou égyptiens[91]. N’oublions pas que les acquits sont rédigés par des agoranomes qui avaient intérêt à mettre en évidence leur clientèle et l’utilité de leur office : ils n’auraient pas oublié de noter en passant leur signature ou celle de leurs confrères sur les créances.

Ces constatations permettent d’affirmer ce qu’on aurait pu conjecturer à priori, à savoir que l’άρχεΐον était distinct de l’étude de l’agoranome et répondait à peu près à notre conservation des hypothèques. Les agoranomes pouvaient assurément conserver en leurs études la minute des contrats et la tenir à la disposition des clients qui auraient besoin de se renseigner[92] ; mais l’État, en ne leur accordant pas le monopole, s’obligeait à fournir aux particuliers un moyen de conserver, en original ou en copie, les actes rédigés en dehors des notaires officiels, et aux tribunaux une façon commode de vérifier l’authenticité des documents apportés à la barre[93]. L’άρχεΐον était, en Égypte comme dans les cités grecques, une manière d’Hôtel-de-Ville, le siège des autorités, qui veillaient sur le dépôt confié à leur garde.

Il ne reste plus qu’à voir s’il faut distinguer entre γραφεΐον et άρχεΐον. On a vu plus haut que, hors de Thébaïde, il y avait des greffes pour transcription, un entre autres dans l’Anoubiéon de Memphis ; mais nous n’avons point rencontré le terme άρχεΐον, qui, en effet, ne convenait pas à un greffe sacerdotal. En Thébaïde, la formule enregistré pour transcription ou légalisé par le préposé au greffe figure sur les actes jusqu’aux environs de l’an 120 a. C. Les actes postérieurs, ceux dont nous venons de parler, étaient déposés à l’άρχεΐον. Il serait excessif d’en conclure, sans plus ample informé, que les greffes ont été tout d’un coup transformés par quelque innovation caractéristique et ont reçu un nom nouveau. Les deux appellations peuvent se retrouver employées indifféremment sur des documents futurs.

En tout cas, nos textes interdisent de réserver le nom de γραφεΐον au bureau de transcription pour actes égyptiens et celui d’άρχεΐον à un bureau distinct pour transcription d’actes grecs. C’est le même bureau qui est appelé γραφεΐον en raison de son office et άρχεΐον à cause de son caractère officiel. Il est encore appelé Mémorial (Μνημονεΐον), terme qui définit à merveille le but de l’institution[94].

En résumé, l’Égypte ptolémaïque eut, pour vérifier l’assiette du droit de propriété, trois ou quatre sources d’information et moyens de contrôle à la disposition de l’État, des tribunaux et des particuliers : les déclarations servant à la réfection du cadastre ; les déclarations faites aux fermiers et enregistrées en banque pour la perception des taxes[95] ; les bureaux de transcription analogues à nos conservations des hypothèques ; et, accessoirement, les éludes d’agoranomes. L’office des monographes égyptiens n’ayant plus de compétence distincte et versant ses produits, par contrainte légale, dans les bureaux de transcription, les indigènes s’habituèrent peu à peu à recourir au ministère des agoranomes et à se soumettre par là au régime du droit grec, la langue des contrats étant l’indice utilisé pour le départ des deux régimes[96]. C’est ainsi que les Lagides, sans abroger les coutumes nationales, préparèrent la fusion des races sur le terrain du droit.

 

 

 



[1] E. Révillout, La propriété en droit égyptien, Paris, 1897.

[2] Un Procès de famille sous la XIXe dynastie (ci-après, ch. XXIX) nous montre que le cadastre enregistrait les noms des propriétaires successifs, et aussi que les extraits du cadastre produits en justice, sinon le cadastre lui-même, pouvaient être falsifiés.

[3] Notre cadastre, créé par décrets de l’Assemblée Constituante et de la Convention pour faire l’inventaire de la fortune publique en biens-fonds, au point de vue de la quantité et de la qualité, et régler ainsi la quotité et la répartition de l’impôt foncier, est aujourd’hui arriéré et pratiquement inutile. Du reste, institué dans un but fiscal, il ne fait pas toi en matière di propriété. Celle-ci est constatée par transcription in extenso des actes translatifs de propriété — ventes et donations — sur les registres du conservateur des hypothèques de l’arrondissement, transcription qui remplace (pour les donations) l’ancienne « insinuation » à la mode romaine ou enregistrement dans les cours de justice. Les mutations n’étant pas portées au cadastre, il faut des recherches compliquées pour savoir à qui appartient présentement un immeuble donné. J’entends dire que le système prussien, inauguré en 1872, a évité ces inconvénients. Il comporte un cadastre ou livre terrier (Flurbuch) qui donne le plan parcellaire des propriétés, et un Grundbuch ou livre foncier constatant l’état juridique de chaque immeuble par enregistrement de tous les actes le concernant, avec renvoi au Flurbuch pour la description.

[4] D’après Révillout (Précis, p. 418),  les prêtres avaient le privilège de à passer de témoins mais seulement pour leurs affaires personnelles.

[5] Sur le sens de συγγραφή, voyez l’étude critique de L. Mitteis, Reichancht, pp. 460-483, aboutissant à la définition : contrat bilatéral, écrit, publié, et conservé par un tiers, ayant force exécutive par lui-même, etiam contra fidem veritatis, tandis que le χειρόγραφος est une simple reconnaissance de dette (v. g. Tebt. Pap., n. 110-111) ou de dépôt (v. g. Pap. Grenf., II, n. 17) écrite ou censée écrite de la main de l’intéressé. Je n’ai pu à entrer dans les questions de forme et les classifications de types de contrats. Waszynski (Bodenpacht, p. 33-42) distingue, pour les contrats de location, jusqu’à quatre types, dont le plus commun, caractérisé par l’emploi du mot όμολογεΐν, est encore subdivisé en homologies ou « conventions » objectives et subjectives. Dans une étude toute récente, Paul M. Meyer (Zum Recht.- und Urkundenwesen im ptolem.-röm. Aegypten (Klio, VI (1906), pp. 420-465) définit les termes juridiques et donne la statistique des συγγραφαί actuellement connues à l’époque ptolémaïque (pp. 421-433) et romaine (pp. 442-448).

[6] Révillout, Précis, pp. 166. 246. 313, etc. On n’employait pas ces imprécations solennelles à tout propos. Ces anathèmes nous paraissent un des privilèges : 1° des nobles et des prêtres quand ils contractent ; 2° des contrats faits en faveur des temples et au bénéfice des dieux. L’avenir nous montrera si ces deux catégories sont les seules oh les anathèmes soient en usage (Révillout, Précis, p. 316). — Exemple d’anathème [sous Ramsès VI] : Si quelqu’un parle contre cette fondation, Amonrasonther sera derrière lui pour le rendre misérable, Maut sera derrière sa femme, Chons sera derrière ses enfants. Il a faim ! Il a soif ! Il est couché à terre ! il est réduit à rien (Révillout, Précis, pp. 128 et 578). Cf. l’invocation au Christ on à la Sainte Trinité en tète des contrats sous le Bas-Empire (Pap. Par., n. 20. 21 et 21 ter).

[7] D’après Révillout, c’est le révolutionnaire et libre penseur Amasis qui, après avoir fait voter par une Assemblée nationale (?) la mort du roi clérical et réactionnaire Apriès, supprima l’intervention du clergé dans les contrats civils et laïcisa l’administration (Quirites, pp. 50 sqq).

[8] De là vint la nécessité d’écrire la langue populaire, le démotique, dont le premier document est un contrat daté de Bocchoris et que possède le Musée du Louvre  (Révillout, Précis, p. 206). Le démotique n’est pas une langue, c’est une écriture qui correspond à une langue demi-littéraire, mais nullement à la langue parlée entre la XXIe dynastie et le IIIe siècle après J.C. (Maspero, Rev. Crit., 1905, 2, p. 208). Le haut clergé en Égypte eut toujours le privilège de rédiger les contrats sans l’intervention d’aucun scribe on notaire I (Révillout, op. cit, p. 310). a Pour les gens du commun, l’authenticité devait être prouvée par la signature d’un notaire officiel et l’attestation d’un certain nombre de témoins  (p. 319).

[9] Cf. Clermont-Ganneau, in C.-R. de l’Acad. d. Inscr., 1901, p. 330. Rev. d’archéol. or., VI, p. 147-162. On peut s’attendre à trouver d’autres preuves dans les papyrus araméens que viennent de publier Sayce et Cowley.

[10] Acte de partage sous seing privé en démotique, 19 Tybi LIV (6 févr. 116 a. C.), cité et traduit par Révillout (Le procès d’Hermias, pp. 196-200). Acte de location rédigé par le συναλλαγματογράφος de Tebtynis et incriminé par le bailleur pour entente frauduleuse avec le preneur (Tebl. Pap., n. 42, vers 114 a. C.). On me permettra de douter que la signature de témoins fonctionnaires ait en une valeur spéciale et que deux basilicogrammates aient pu remplacer peut-être seize témoins (Révillout, Précis, p. 1036, 1). Le nombre de 16 témoins resta toujours exigible pour les actes relatifs à la propriété immobilière, y compris les actes d’hypothèques pouvant entraîner dans l’avenir une aliénation (Révillout, Précis, p. 597). Waszynski (pp. 40-41) constate que la règle des seize témoins a été infirmée par la publication de papyrus démotiques, où se rencontrent des actes contresignés par 4, 5, 8, 12, 18 témoins. En revanche, pour les contrats grecs de l’époque ptolémaïque, la signature de six témoins peut être considérée comme le régime normal. On en rencontre, par exception, sept dans Hibeh Pap., n. 90. 98 (règne de Ptolémée III). Une précaution prise contre les substitutions de personnes — précaution introduite par les notaires grecs et parfois imitée dans les actes démotiques — fut le signalement des contractants et des témoins. Une particularité encore énigmatique pour nous, c’est qu’il existe peu de signalements — même de femmes — où ne soient mentionnées des cicatrices situées sur diverses parties du corps. Il en faut sans doute demander l’explication au passage souvent cité d’Ammien Marcellin : erubescit apud eos si qui non infitiando tribula plurimas in corpore vibices ostendat (XXII, 16, 23). Ne pas oublier la πειθανάγκη. Auguste aussi faisait inspecter ses visiteurs vel cicatricibus (Suet., Aug., 65). Les physiologistes et ethnographes trouveraient bien des constatations à faire sur ces descriptions circonstanciées (âge, taille, teint, cheveux, état des yeux, forme du nez, etc.), rendues nécessaires par la fréquence des homonymes.

[11] C’était la στυρίωσις (de l’égyptien shtôri = spondere, d’après Révillout, Précis, p. 317, 3) à la mode égyptienne (cf. ci-après). Sous les Lagides, l'όρκος βασιλικός n’est plus exigé pour les contrats entre particuliers, mais pour les déclarations au fisc et tous engagements envers l’État ou le domaine sacerdotal (Révillout, N. Chrest. dém., p. 156). Voyez L. Wenger, Der Eid in den griech. Papyrusurkunden (Zeitschr. f. Rechtsgesch, XXIII, [1902], pp. 158-214).

[12] Formules démotiques de serments judiciaires prêtés dans le T. de Chons, dans le T. de Mont, dans le T. de Hathor, sous le règne de Soter II (Révillout, Précis, pp. 1323-1324. Spiegelberg, Pap. dem. Strassb., n. 12, p. 34).

[13] Voyez Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 13. 26. 48. 52. 61. 82. 138. 146. 155. 173. 176. L’auteur (p. 49) constate qu’on ne voit apparaître les notaires officiels des collèges sacerdotaux qu’au temps de Ptolémée III, et il en conclut que leur institution parait coïncider avec l’origine de la cinquième classe des prêtres, celle qui a été instituée pour le culte dynastique (Cf. le décret de Memphis ou Inscr. de Canope). Ce qui apparaît alors, c’est l’obligation de la signature du rédacteur ; mais l’institution elle-même est archaïque.

[14] Lumbroso, Rech., p. 258. Mitteis, Reichsrecht, p. 54. Révillout, p. 1339, I. Thèse insoutenable, car les actes démotiques portent les signatures de témoins, dont le nombre varie de 4 à 16. Cf. dans les Pap. dem. Strassb., quatre (n. 4 : règne de Ntriš = Darius), cinq (n. 5), huit (n. 6, 9), douze (n. 8), seize (n. 1. 21. 7. 43. 44). Mais Révillout fait observer que le monographe écrivait seul pour la partie civile qui s’obligeait et pour les témoins dont il reproduisait lui-même les noms. A ce compte, tous les rédacteurs seraient des monographes. D’après la constitution d’Amasis, chaque profession, chaque corps de métier avait pour notaire son chef. Le notaire des choachytes était donc le scribe de la nécropole. Sous Darius, l’unique notaire pour tous fut un certain prêtre de Montnebuas et après lui son fils, Ce prêtre était évidemment le représentant du corps sacerdotal, comme le monographe rédigeant les contrats du temps des Ptolémées et dont on disait : Un tel qui écrit au nom des cinq classes de prêtres d’Amonrasonther (Révillout, Précis, p. 472, 1). En somme, le μονογράφος est celui qui a la signature pour toute une corporation. Mais plus loin (Précis, p. 598) Ce scribe sacré (appelé alors monographe, écrivant seul, puisque seul il avait hérité, depuis Évergète Ier, du privilège d’authentifier les contrats par son écriture, etc. Cela fait au moins trois définitions différentes : 1° représentant seul les parties ; 2° représentant seul les cinq classes de prêtres ou telle autre corporation ; 3° représentant obligatoire, comme seul reconnu par l’État sous les Lagides (?).

[15] Μονογράφοι de Thébaïde, cités dans les Pap. Grenf., I, n. 17. II, n. 25. Ce sont bien des Égyptiens, Thotortaeos, Espnouthis ; ce dernier, μονογράφος Κροκοδίλων πόλεως (II, n. 25), écrivant au nom des cinq classes des prêtres de Souchos seigneur d’Amoura (Spiegelberg, Pap. dem. Strassb., n. 7). Voyez les signataires des contrats de mariage cités plus haut. Dans les Tebt. Pap. (n. 189 et 209), provenant d’un nome (Arsinoïte) tout à tait hellénisé et de l’époque ptolémaïque, le terme μονογράφος semble désigner le secrétaire d’une corporation ou d’une société. Les monographes Asclépiade (n. 189) et Héraclide (n. 209) sont des Grecs, et Héraclide est dit μονογρά[φος] Νου(μηνίου ?), lequel Nouménios a encore un χειρογρά(φος) τοΰ Νου(μηνίου). Ce Nouménios peut être un notaire libre, ou plutôt un président de société. Il n’est pas étonnant que le terme de μονογράφος ait pu, ailleurs qu’en Thébaïde, désigner un écrivain public quelconque. Les gens de Magdola qui ont déposé un contrat de location άσφράγιστον παρά Ζωπύρωι μονογράφωι (Pap. Magd., n. 12) appelaient ainsi un scribe qui n’était ni sacerdotal, ni Égyptien. C’est une extension naturelle de la sémantique.

[16] Formule ordinaire : A écrit un tel, qui écrit au nom d’un tel, prophète de Djême. Formule circonstanciée : À écrit Pahétar, fils de Pétèse, qui écrit au nom de femme Sanch, fille de la prêtresse d’Anion Tséchous, fille (elle-même) du divin père Spotus (Nespouto), la prophétesse de Djême (Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 50-53). — A écrit Horsiési, fils dé Chons-tef-necht qui écrit au nom de Nespmété, le prophète de Djême, acte révisé par le père. A écrit Chons-tef-necht fils d’Horsiési, révisant l’acte ci-dessus (ibid.). Le papyrus BGU., n. 1002 donne la traduction abrégée d’un contrat de vente égyptien fait à Hermoupolis le 24 juin 55 a. C., mais sans le nom du scribe.

[17] Le certificat d’authenticité est invariablement κεχρημάτικα ajouté à la signature de l’agoranome ou de son clerc. Cf. P. M. Meyer, Schrift und Unterstchrift in den griechischen Kontrakien (Beitr. z. alt. Gesch., IV, p. 28). Χρηματίζειν a bien des sens différents, dérivés du sens fondamental et prédominant ordonner, ordonnancer, créditer, tous actes d’autorité. Il est d’usage exclusif pour les mandats payables aux banques.

[18] Le trait commun aux agoranomes grecs et aux notaires égyptiens homonymes, c’est que les uns et les autres s’occupaient des ventes et transactions commerciales, avec mission d’empêcher les fraudes ; ceux-ci avec des attributions de police et de surveillance (Theophr. ap. Harpocrat., p. 101 Bekker), ceux-ci avec le devoir d’écarter des contrats toute clause dolosive. Aussi Révillout (Précis, pp. 607. 1112) persiste-t-il à appeler les agoranomes des  juges du marché des  juges de paix macédoniens appelés à rendre des jugements transactionnels. Le titre d’agoranome est parfois remplacé par une périphrase (Pap. Grenf., I, n. 10, an. 474 a. C.). C’est même peut-être l’appellation préférée au début des titulaires, et non pas celle des substituts. comme le veut Lumbroso (Rech., p. 247). Le texte de Strabon (XV, p. 707), — même si on ne corrige pas άγορανόμοι en άγρονόμοι (Lumbroso, p. 244), — ne signifie pas du tout que les agoranomes égyptiens fussent chargés de cadastre. Strabon dit simplement qu’on mesure la terre dans l’Inde, comme cela se fait en Égypte.

[19] Pap. Petrie, Fayûm Towns, Tebtunir Papyri, Pap. Magdala (Pap. Rainer, époque romaine), provenant des fouilles de Hawara, Gurob, Umm-el-Baragât, Médinet-en-Nahas. Les Oxyrh. Papyri, du nome de même nom, ne contiennent que des fragments insignifiants de l’époque ptolémaïque (II, n. 236 a-b-c). Les Amherst Papyri de la dite époque (II, n. 29-62) proviennent en partie du Fayoum (de Dimê = Soknopaiou Nésos) et en partie de la Thébaïde (de Gebelên = Pathyris). La plupart des Pap. Reinach proviennent d’Akoris (Tekneh) et d’Hermoupolis Magna (Achmounein) sur les confins de la Thébaïde et de l’Heptanomide. Ceux de El-Hibeh, du nome Héracléopolite, nous ont révélé l’existence, au temps de Philadelphe, de bureaux d’agoranomes à la mode grecque, où l’on s’occupait du marché aux esclaves. Ce n’étaient pas des études de notaires. Comme on n’en entend plus parler par la suite, il se pourrait que ce fût une institution temporaire de bureaux volants, opérant sur place et disparus avec la pléthore d’άνδράποδα. Les anciennes collections de Londres, Paris, Leide, Berlin, Vienne, contiennent des papyrus de provenance très diverse, le plus souvent inconnue.

[20] Nader (in Archiv. f. Ppf., I, pp. 318-9) pense que le terme συγγραφοφύλαξ a remplacé, sous Ptolémée III (cf. Pap. Petr., II, n. 29 b-c. III, n. 104-105), celui de συμβολοφύλαξ, usité sous Philadelphe (cf. Rev. Laws, col. 10. 42. 13). Mais les συμβολοφύλακες ne sont dépositaires que des conventions passées avec le Trésor. Le συγγραφοφύλαξ doit être ordinairement le rédacteur.

[21] Pap. Magd., n. 31. Pétition datée du 29 Athyr an IV de Ptolémée III Évergète (19 janv. 243 a. C.).

[22] J’avais d’abord pensé que, en dépit de la largeur de la lacune qui sépare άγοραν... de τοΰ Ίππονίκου, Moschos pouvait être un régisseur au service d’Hipponicos. Cf. les inscriptions funéraires du temps de Philadelphe (?) signées διά Θεοδότου άγοραστοΰ (Strack, in Rhein. Mus., LIII [1898], p. 413. Dittenberger, OGIS., n. 36), et le δίακονον καί άγοραστήν de Xénophon (Mem., I, 5, 2). Ces sortes d’esclaves ou affranchis pouvaient être les exécuteurs testamentaires de leurs maîtres, et précisément un des deux Hipponicos mentionnés dans le papyrus est défunt. Mais le texte, révisé sur ma demande par P. Jouguet, porte bien ΑΓΟΡΑΝ..., leçon qui exclut également άγρονόμος. Dès lors, si l’on pense qu’un άπαξ d’interprétation problématique ne suffit pu à ébranler l’argument a silentio, on peut supposer ou que Moschos était un individu autrefois mêlé à refaire et nommé depuis agoranome (en Thébaïde), ou que les propriétés visées étaient sises en Thébaïde, ou encore que Moschos était un agoranome (au sens d’édile) de ville grecque, bien que l’existence de ces magistrats ne soit attestée que par un texte lycopolitain de l’époque romaine (CIG., 4707) allégué à l’appui par Lumbroso (Rech., p. 241), et tout récemment, pour l’époque ptolémaïque, par les άγορανομίαι ci-dessus mentionnées du temps de Philadelphe. P. Jouguet (in Revue Critique, 1906, I, pp. 407.8) reste persuadé qu’il y avait des agoranomes au Fayoum, mais que nous ne les connaissons pas, parce que nous ne possédons que des contrats sous seing privé rédigés dans des bourgades, tandis que l’agoranome n’apparaît que dans les métropoles. Il est bien étonnant que dans une province si peuplée, subdivisée en trois μερίδες, l’État n’ait institué qu’une seule étude de notaire officiel à Crocodilopolis, alors qu’en Thébaïde il y en avait au moins une par toparchie, ce qui infirme l’assertion posée en principe par notre contradicteur.

[23] Sur les agoranomes, voyez A. Peyron, ad Pap. Taur., I, p. 73. Franz, CIG., III, p. 294. Lumbroso, Rech., pp. 246-248. C. Wessely, Die ägyptischen Agoranomen als Notare (Mitth. d. Pap. Erzh. Rainer, V, [Wien, 1892], pp. 83-114). L. Mitteis, in Hermes, XXX (1895), p. 597. Kenyon, in Catal. Brit. Mus., II, p. 45. Wessely s’occupe surtout de l’époque romaine et des formules notariales. Le sujet, au point de vue historique, a été renouvelé par l’étude de G. A. Gerhard et O. Gradenwitz, ΩΝΙΙ ΕΝ ΠΙΣΤΕΙ (in Philologue, LXIII [1904], pp. 498-583), à laquelle j’emprunte les traits principaux de mon exposé. Les Pap. Reinach ajoutent quatre mentions de l’άγορανόμιον d’Hermonpolis de Thébaïde (n. 12. 13. 25. 27) : la plus ancienne, du 28 sept. 111 a. C. ; la plus récente, de juillet 103 a. C. Ceux-ci sont des actes sous seing privé.

[24] Pap. Grenf., I, n. 10. Il s’agit d’un prêt de 100 artabes de blé, fait pour neuf mois par Dryton à Sosistrate.

[25] Cf. A. Peyron, op. cit., I, p. 73. Leemans, Pap. Leid., I, p. 74. Brunet de Presle, ad Pap. Par., p. 173. Révillout, Le Procès d'Hermias, p. 168, pour qui l’agoranome était un s magistrat grec qui remplissait à peu près le rôle de nos juges de paix actuels s, conclusion tirée du tait qu’Apollonios Psemmont retire sa plainte contre les choachytes par acte passé en l’étude de l’agoranome de Périthèbes (Pap. Taur., IV).

[26] Voyez la liste (78 pièces, datées de 114 à 88 a. Chr.) dressée par G. A. Gerhard, op. cit., pp. 508-513, qui donne aussi (p. 522) le schème des toparchies des nomes Koptite, Périthèbes, Pathyrite et Latopolite.

[27] Pap. Brit. Mus., II, n. 219 b : du IIe siècle a. C.

[28] Pap. Grenf., I, n. 10 (du 10 oct. 174 a. C.).

[29] Pap. Grenf., I, n. 19. Goodspeed, Greek Pap. from the Cairo Mus., n. 6. Paniscos (à Crocodilopolis, Pap. Grenf., II, n. 23 a. 24. Pap. Amherst, II, n. 30), Hermias (à Pathyris, Pap. Amherst, II, n. 51), se disent expressément agoranomes. Sosos exerce, à quelques jours de distance, le 18 févr. 109 à Pathyris (Pap. Genev., n. 20 a. Pap. Heidelb., n. 23), et le 27 févr. à Crocodilopolis (Pap. Grenf., I, n. 27), avec l’assistance du même clerc Ammonios. Il n’y avait donc pas alors comme sous l’Empire romain, d’après Wessely, des έπιτηρηταί άγορανομίας chargés de gérer les succursales de l’étude principale.

[30] Pap. Leid., N. L’enregistrement trapézitaire pour les actes de Djéme se faisait toujours à Hermonthis (Révillout, Le Procès d'Hermias, p. 51). La raison de tous ces rattachements est que les communications étaient plus faciles sur une même rive du fleuve.

[31] On s’est demandé — et la question est encore pendante — ce que pouvait bien être le ξενικόν άγορανόμιον τό έν Διοσπόλει mentionné dans le Pap. Taur., VIII, à la date du 13 Payni an LI (1er juillet 119 a. C.) ; si c’est l’étude ordinaire ainsi qualifiée ou une succursale à l’usage des étrangers. Quels étrangers ? Peyron pensait, avec raison, je crois, que ξενικόν, sous la plume de l’Égyptien Péténéphotès, signifiait Grec, et c’est aussi le sens qu’il faut attribuer aux ξενικών πράκτορες.

[32] Pap. Grenf., I, n. 10.

[33] La première mention d’un agoranome τοΰ Παθυρίτου est de date comprise entre 146 et 144 a. C. (Pap. Amherst, II, n. 45) ; la mention spéciale, agoranome τής άνω τοπαρχίας τοΰ Παθυρίτου seulement, en 107 (Pap. Grenf., II, n. 23 a). L’un et l’autre exercent à Crocodilopolis.

[34] Pap. Grenf., I, n. 21.

[35] Pap. Grenf., II, n. 15, du 21 oct. 139 (acte de vente).

[36] Pap. Grenf., I, n. 12. 17. Pap. Amherst, II, n. 45. Pap. Heidelb., n. 1285.

[37] Pap. Grenf., I, n. 18, du 4 Janv. 131 (acte de prêt).

[38] BGU., n. 903 (acte de donation).

[39] On pourrait aussi admettre que Sarapion, notaire de Pathyris, ait assisté son collègue d’Hermonthis, comme le font parfois les notaires actuels pour se partager la responsabilité : mais il parait bien remplacé définitivement à Pathyris par Anicétos. G. Gerhard (op. cit., p. 559 sqq.) estime  invraisemblable la collaboration de deux agoranomes ayant des ressorts distincts. Il pense que l’État avait lierne Intérêt à mettre deux agoranomes dans la même étude, comme plusieurs trapézites à la tête d’une banque.

[40] En 123 a. C. Pap. Gizeh Mus., n. 10388, in Archiv f. Ppf., I, p. 63-65.

[41] BGU., n. 994.

[42] Pap. Grenf., I, n. 26. Sans doute le même Hermias qui, la même année (25 juillet 113), était agoranome à Hermonthis (Pap. Par., 5. Pap. Leid., M).

[43] Pap. Grenf., II, n. 21.

[44] Pap. Heidelb., n, 4278 (quittance du 13 sept. 111). Pap. Brit. Mus., II, n. 218, p. 15 (acte de prêt du 24 oct.).

[45] BGU., n. 996.

[46] Rappelons qu’on a vu des fermiers et même des banquiers ne savoir pas écrire.

[47] Acte de vente rédigé à Pathyris le 20 nov. 98 (Pap. Heidelb., 1283). Paniscos était encore le patron en août 98 (BGU., n. 1000).

[48] Acte de vente rédigé à Pathyris, le 6 sept. 88 a. C. (Pap. Amh., II, n. 51).

[49] Voyez les quittances des Pap. Reinach, n. 12. 13. 25. 27.

[50] Wilcken, Ostr., I, pp. 131-132. D’autre part, le γράφιον (Wilcken, op. cit., p. 353) doit être un droit d’enregistrement et non pas le salaire de l’agoranome, attendu qu’il est perçu aussi sur les contrats égyptiens (Pap. Petr., III, n. 53 a). En tout cas, les honoraires de l’agoranome peuvent être compris, ainsi que le γράφιον, dans la formule élastique καί τάλλα τά καθήκοντα ajoutée par les trapézites la suite de la mention de l’εΐκοστή, ou δεκάτη τοΰ έγκυκλίου (v. g. BGU., n. 992).

[51] Pap. Grenf., II, n. 47. Contrat en forme de lettre, contenant des stipulations et une répondante. Des locations sont faites sur simple reconnaissance de locataire. Patès fils de Panebchonis écrit — en forme de lettre — qu’il doit pour location de l’îlot Perchmassineit, en l’an XVI (99/8 a. C. ?), 45 artabes de blé et 6 volailles (Goodspeed, n. 9).

[52] Il y eut beaucoup de ces notaires libres à l’époque romaine, peut-être même plusieurs dans les bourgs importants (H. Erman, in Archiv. f. Ppf., II, p. 453). Cf. ci-après les γραφεΐα dans des bourgades.

[53] Ceux qui chez nous doivent être obligatoirement notariés et enregistrés.

[54] Reçu sous la forme la plus simple dans Pap. Par., n. 5, de la banque d'Hermonthis. Le fermier Ptolémée, le banquier Ammonios et son contrôleur, Asclépiade, sont des Grecs. Date : 28 Mésori an IV (13 sept. 114 a. C.). C’est un inventaire de ventes et trocs entre choachytes de Thèbes.

[55] Enregistrements démotiques (par le fermier égyptien) du 18 Pharmouthi an XX d’Épiphane (23 avril 185 a. C.) et du 13 Phaophi an VI de Philométor (17 nov. 176 a. C.), dans Révillout, Procès d’Hermias, pp. 15-16.

[56] Voyez des modèles d’enregistrement trapézitaire d’actes démotiques pour argent à la banque de Thèbes, du 4 Tybi an XIII de Philopator (15 févr. 209 a. C.), dans Proced. of. Soc. of. Bibl. Arch., XXIII [1901], p. 301, tiré d’un papyrus bilingue ; d’autres à la banque d’Hermonthis, du 28 Méson an XXVIII de Philométor (22 sept. 153 a. C.), et du 9 Phamenoth an XXIX (6 avril 152 a. C.), ap. Révillout, Le procès d’Hermias, pp. 51-55. 70. 92-94. Actes de vente démotiques, dans les papyrus démotiques de Strasbourg, arec enregistrement trapézitaire du 15 juil. 145 a. C. à Hermonthis (n. 21 Spiegelberg), du 15 juin 111 a. C. à Crocodilopolis (n. 7). Les questions relatives à l’enregistrement fiscal en banque et l’enregistrement au greffe ont occupé les premiers commentateurs des papyrus : Bœckh (1821), Saint-Martin et Jomard (1822), Champollion-Figeac (1823), Young (1833), Bultmann (1824), A. Peyron (1826-7), G. Droysen (1829), Reuvens (1830), Parthey (1869), etc. Cf. le relevé bibliographique fait en 1810 par Lumbroso, Rech., pp. VII-IX. Sur les précautions prises contre la fraude, voy. H. Erman, La falsification des actes dans l’antiquité (Mélanges Nicole [Genève, 1905], pp. 141-134).

[57] Pap. Taur., I, p. 4, lig. 1448.

[58] Pap. Par., n. 65. Cf. A. Peyron (I, pp. 149.150). Révillout, Le procès d’Hermias, p. 158, I. Ce Paniscos ne peut être l’homonyme exerçant à Crocodilopolis et Pathyris entre 107 et 98 a. C. ; mais je ne doute pas que Ptolémée ne soit l’agoranome exerçant à Crocodilopolis de Thébaïde entre 149/8 et 146/5 ou 144/3 a. C. Ainsi se trouve Osée la date du document que Brunet de Presle laissait indécise entre l’an XXXVI de Philométor et la même année d’Évergète II (135/4 a. C.). Ariston pourrait être le diœcète de l’époque : mais il me semble qu’en ce cas Paniscos aurait mentionné son titre.

[59] Comme on trouve mention d’un enregistrement non pas en banque, mais au γραφεΐος de Memphis, avant l’an XXXIV de Philométor (Pap. Taur., XIII), c’est une question de savoir si l’enregistrement n’a pas été rendu obligatoire à Memphis avant de l’être en Thébaïde. Cf. A. Peyron, ad loc. Révillout, Précis, p. 1015, 1. Cf. un papyrus du Fayoum daté de l’an XVI (de Ptolémée III ?) 4 Gorpiaios = 11 Choiak, on lit : nous avons fait remise de l'enregistrement des contrats égyptiens (Pap. Petr., III, n. 53 8). Il n’en résulte pas que l’enregistrement fût alors obligatoire.

[60] A l’époque romaine, même les agoranomes n’avaient plus le droit de signer les actes avant le versement des droits (cf. Naber, in Archiv f. Ppf., I, p. 316). A l’époque ptolémaïque, l'άναγραφή, peut précéder la quittance du banquier, qui elle-tenu constate la signature du notaire.

[61] Μνημονεΐον me parait synonyme de γραφεΐον. Dans les Pap. Reinach, où on le rencontre deux fois (n. 18, l. 8 ; 19, l. 8), on ne trouve pas le mot γραφεΐον. Il me semble à propos de distinguer entre le droit et le bureau d’enregistrement.

[62] Nous ne pouvons entrer ici dans les discussions soulevées par le commentaire de Peyron et depuis, sur les rapports et distinctions entre l’enregistrement fiscal et l’autre, questions embrouillées par le perpétuel recours aux documents de l’époque romaine. Voyez A. Peyron (Pap. Taur., I, pp. 149-157. II, p. 64), qui y mêle encore la διαγραφή, définie partitio tributi a Trapezita facta et in registrum relata, lequel trapézite était en même temps le fermier de l’έγκύκλιον et pouvait délivrer des copies d’enregistrement  pour remplacer, au besoin, les actes perdus (p. 148). Distinction entre le reçu du banquier et le χάραγμα ou subnotatio magistratus ejus qui contractibus privatorum præsideat (agoranome ?) dans Naber, in Archiv. f. Ppf., I, pp. 87-91. Distinction entre le γραφεΐον (enregistrement des actes égyptiens) et l’άγορανομεΐον (légalisation d’actes grecs notariés) dans Mitteis (in Hermes, XXX [1895], pp. 598-7). A l’époque romaine, l’enregistrement est appelé garantie de la société, c’est bien le nom qui lui convient. Dans le droit romain, la déclaration des contrats (professio apud acta) devint obligatoire depuis 229 p. C. par édit d’Al. Sévère pour les donations (Fr. Vatic., 266 a) : la transcription sur registres publics (insinuatio), par édits de Constance Chlore et Constantin (Cod. Theod., III, 5, 1), et ce, sous peine de nullité.

[63] Cf. Lumbroso, pp. 331-2. Wilcken, Ostr., I, p. 68, 1.

[64] Oui veut dire proprement en démotique éloigner, abandonner, céder (Révillout, Le procès d’Hermias, p. 18). Cf. Spiegelberg, Demot. Pap. Strassb., p. 7.

[65] Voy. le schéma des deux actes dans Spiegelberg, Berl. dem. Pap., p. 2, et dans Révillout (Précis, pp. 681-685).

[66] Dans une traduction en grec d’un acte de vente égyptien, du 22 Payni an XXVI (24 juin 55 a. C.), le traducteur mentionne, sans le traduire, l’acte de cession contresigné au dos par 16 témoins (BGU., n. 1002). Révillout (Le procès d’Hermias, p. 203) cite comme une exception la mention de la quittance répétée sur un acte de cession du 19 Pachon XV/XII (3 juin 102 a. C.).

[67] Pap. démotique de Turin, traduit par Révillout, op. cit., p. 155. Je rectifie au juger les quantièmes donnés par Révillout, qui date le contrat du 28 (pour 18 ?) Mésori et la quittance du trapézite du 5 (Ε pour ΕΕ ? ce qui serait encore impossible). Brunet de Presle (Pap. Par., p. 215) lisait comme date de la μεσορή ΕΓ, ce qui n’offre aucun sens.

[68] On rencontre parmi les greffiers d’Akoris un Apollonios (Pap. Reinach, Gr., n. 30. 34 : Dem., n. 1. 4) et un Hermias (Dem., n. 1), qu’on serait tenté de prendre pour les agoranomes contemporains de Thèbes ou de Pathyris. Mais de l’homonymie on ne peut rien conclure.

[69] Peut-être, car Révillout (ibid., pp. 142-146) date le contrat du 18 Choiak, l'άναγραφή du 16 (IC ? sans doute pour ΙΘ) et la quittance du 19.

[70] Pap. Par., p. 225. Révillout, op. cit., p. 173. Rev. Égyptol., II, pp. 117-8.

[71] Pap. Leid., I, 375, p. 89 Leemans. Sur les sept Pap. dem. Retnach, six sont enregistrés par άναγραφή signée, dont quatre έν Τήνει τοΰ Μωχίτου (τόπου). Il y avait donc des γραφεΐα jusque dans les bourgs, succursales du bureau métropolitain.

[72] Voy., dans le procès d'Hermias, les pièces produites par l’avocat des choachytes (Pap. Taur., I, p. 5, lig. 4). Cf. Pap. Brit. Mus., I, n. 3, p. 48 (traduction d’un original démotique concernant les choachytes de Thèbes, de 148 ou 135 a. C.).

[73] BGU., n. 1002. Même expression dans un fragment de contrat concernant les affaires des choachytes de Thèbes (Pap. Leid., P), et probablement à restituer dans le Pap. Brit. Mus. précité.

[74] Pap. Par., n. 49. Comme il est question du frère de Ptolémée, Brunet de Presle conjecture avec vraisemblance que les correspondants sont le stratège de Memphis et le reclus Ptolémée fils de Glaucias (voy. ci-après, ch. XXIX), et que la date probable oscille entre 164 et 158 a. C.

[75] Pap. Taur., I, p. 7, l. 13-15. Dinon allègue encore, du même règne et des règnes antérieurs, des édits validant les droits des propriétaires dépourvus de titres (l. 17. 22), notamment un article d’un édit de l’an XXVI (145/4 a. C.) sur les possesseurs (ibid., p. 9, 11. 21-22). Dans le compte-rendu du même procès donné par le Pap. Par., n. 15, la date sq. (l. 58) est une erreur de transcription : Brunet de Presle (p. 233) accepte la date an XXVI, en faisant remarquer, contre Peyron, qu’elle doit s’entendre d’Évergète II, et non de Philométor. Évergète confirme encore le statu quo antérieur au 9 Pharmouthi an LI1 (28 avril 118 a. C.), d’une manière générale, et d’une façon spéciale pour la propriété immobilière, en disant que tous les μάχιμοι et autres possesseurs de lots garderont ce qu’ils possèdent actuellement (Tebt. Pap., n. 5, l. 44-68).

[76] Pap. Leid., I, 313, p. 88 Leemans.

[77] Pap. Leid., I, 380, p. 90. En supposant l’an XVII de Ptolémée Alexandre, la date serait le 10 août 91 a. C. Cf. dans le Pap. Taur., XIII, du 15 Tybi an XXXIV d’Évergète (7 févr. 436 e. C.), un contrat de pension alimentaire, sans doute rédigé en démotique, le débat étant entre Égyptiens (Chonouphis, Psammeus et sa femme Thaues), à Memphis. Enregistrement d’une vente égyptienne au γραφεΐον de l’Anoubiéon de Memphis (Spiegelb., Rec. de trav., XXV, pp. 6-11. Cf. Wilcken, Archiv f. Ppf., II, p. 143). Enregistrement d’un acte démotique, en date du 18 Phaophi an XXXIX d’Évergète (11 nov. 132 a. C.) au greffe de l’Anoubiéon de Memphis (Révillout, Précis, p. 1261) ; — d’un acte du 21 Tybi an III de Ptolémée Soter II = 8 févr. 114 a. C. (ibid., p. 1301) ; — du 29 Tybi an IX ? (comme Révillout écrit : peu de jours après  le précédent [p. 1303], on se demande si les deux actes sont de l’an III ou de l’an IX) ; — du 14 Athyr an VII (de qui ?) dans le papyrus d’Innsbruck (Spiegelb., Rec. de travaux, XXV [1903], pp. 4.6. Cf. Wilcken, in Archiv f. Ppf., III [1903], p. 146).

[78] Cf. R. Dareste, Le χρεωφυλάκιον dans les villes grecques (in BCH., VI [1882], pp. 241-245), et τό γραφεΐον τών όρκων à Halicarnasse (Michel, n. 595. Dittenberger, OGIS., n. 46). Le serment condition de l’enregistrement des ventes par les autorités dans les lois d’Aenos (Theophr. ap. Stob., Floril., XLIV, 22). Sur le γραφεΐον institution ptolémaïque, voy. A. Peyron, I, pp. 149- 151. L. Mitteis, in Hermes, XXX [1895], pp. 564 sqq. H. Erman, in Archiv f. Ppf., II, p. 456 sqq.

[79] Cf. Cicéron, Pro Flacco, 30. On sait qu’actuellement, en France, les titres de propriété sont légalisés non par l’enregistrement, qui est purement fiscal, comme l’était celui des trapézites, mais par transcription dans les bureaux des conservateurs des hypothèques.

[80] Pap. Petr.

[81] Pap. Petr., II, n. 47.

[82] Tebt. Pap., n. 105.

[83] Tebt. Pap., n. 104.

[84] Pour assurer la distinction, il faudrait qu’il n’y ait jamais eu confusion dans les termes. Ici l’employé du greffe a employé la formule des banquiers ; et ailleurs (Pap. Grenf., I, n. 36), sur, un acte de vente soumis aux droits (du règne de Ptolémée Alexandre, entre 99 et 88 e. C.), le banquier Apollonios apostille en style de greffe. Cf. les actes de prêts de blé enregistrés à Akoris, au même bureau que les actes démotiques (Pap. Reinach, n. 11. 20. 22. 23. 30. 34), entre 113 et 105 a. C.

[85] Pap. Grenf., I, 21. l. 4-6.

[86] Sur le sens d’άπέχω, formule usuelle, cf. Wilcken, Ostr., I, pp. 86. 109.

[87] Pap. Grenf., I, 26.

[88] Pap. Grenf., I, n. 26, du 16 Athyr V (4 déc. 113 a. C.), et II, n. 19, du 1er Payni LII (18 juin 118 a. C.) l’un et l’autre acquit visant un acte de prêt deux ans auparavant ; n. 22, du 29 Épiphi VII (14 août 110 a. C.), visant un contrat égyptien par lequel s’était obligé le père du débiteur actuel, contrat déposé aussi à l’άρχεΐον ; n. 91, du 5 Pharmouthi XIII/X (20 avril 104 a. C.), acte passé à Pathyris, visant un contrat de prêt souscrit par le grand-père maternel du débiteur ; n. 28, du 23 Athyr XV/XII (10 déc. 103 a. C.), annulant une créance contractée sous forme de vente et déposée le 23 Mésori XIII/X (5 sept. 101 a. C.) à l’άρχεΐον de Pathyris ; n. 30, du 4 Choiak XVI/XIII (20 déc. 102 a. C.), visant un contrat de prêt déposé l’année précédente à l’άρχεΐον de Pathyris. Du 29 Mésori VI (13 sept. 111 a. C.), même objet, remboursement d’une ώνή έν πίστει ou vente fiduciaire, par contrat déposé le 21 Mésori V (11 sept. 112 a. C.) à l’άρχεΐον de Pathyris (Pap. Heidelb., n. 1218).

[89] Pap. Grenf., I, 21, l. 5.

[90] Pap. Heidelb., n. 1218.

[91] Pap. Grenf., II, n. 19. 28. 30. 31.

[92] C’étaient sans doute des agoranomes associés de Thèbes, Hermoclès et Alexandre, qui répondent à Aménothès, à la date du 11 Phamenoth an LII (31 mars 118 a. C.), qu’aucune vente de ses propriétés ne s’était faite chez eux au cours de la présente année (Pap. Taur., XII. Cf. Wilcken, Archiv f. Ppf., I, p. 11). Leemans (Pap. Leid., p. 36) les considérait comme des fermiers de l’έγκύκλιον : mais des fermiers n’auraient pas employé, ce semble, l'expression γέγονεν έφ' ήμών.

[93] A l’époque romaine on lit au bas d’actes sous seing privé : ή (συγγραφή) κυρία έστω ώς έν δημοσίω κατακειμένη (cf. Naber, in Archiv f. Ppf., I, p. 319). Que l’on traduise ώς par en tant que (Gradenwitz) ou par comme si, au sens de καθάπερ (Naber), cela signifie que l’acte était ou aurait pu être déposé aux archives publiques et acquérir par là une authenticité incontestable. Dans Tebt. Pap., n. 8, lig. 263, άρχεΐον bien le sens de siège des autorités.

[94] Acte de prêt contracté en 109/8 a. C. Pap. Reinach, n. 18. Les contractants sont du bourg d’Akoris, mais le dépôt pouvait être au chef-lieu du nome Hermopolite, alors Hermoupolis τής Θηβαΐδος Μνημονεΐον est un synonyme local de γραφεΐον, qu’il remplace dans les n. 18-19.

[95] Les registres des fermiers de l’έγκύκλιον doublant ceux des trapézites pouvaient aussi être consultés à titre officieux. Dans le procès d’Hermias, on voit les choachytes écrire, pour renseignements sur les transactions de l’an XLIII (128/1 a. C.), aux fermiers du nome Pathyrite, dont nous avons la réponse, réduite, ou peu s’en faut, à l’adresse (Pap. Leid., F., pp. 35-8 Leemans). Ce sont ces fermiers, Άλέξανδρος καί οί μέτοχοι, que Leemans confondait, pour cause d’homonymie, avec les agoranomes.

[96] Voyez ci-après, l'édit d’Évergète II, de l’an 118 a. C.