Virgile a consacré tout un livre de l’Énéide, le sixième,
à raconter la descente d’Énée aux enfers. Ce livre n’est pas tout à fait
nécessaire au développement de l’action, quoiqu’il y soit habilement rattaché
; le poème pouvait à la rigueur s’en passer, le poète a tenu à l’écrire. Il
voulait nous faire savoir l’idée qu’il se faisait de l’état des âmes après — I —La croyance que la vie persiste après la mort n’est pas
une de celles qui naissent tard chez un people et qui sont le fruit de
l’étude et de L’origine en est la même dans tous les pays : elle naît
partout de la répugnance que cause à l’homme l’idée de l’anéantissement
absolu. Elle n’est donc d’abord qu’un instinct, mais un instinct invincible,
que d’autres raisons ne tardent pas à fortifier. Selon Cicéron, ce qui la
répand surtout et l’accrédite, ce sont les apparitions nocturnes, et la foi
que leur accordent des âmes naïves qui ne savent pas encore remonter de
l’effet à la cause[4].
Quand on croyait voir la nuit les parents et les amis qu’on avait perdus, on
ne pouvait pas douter qu’ils ne fussent vivants. Achille, après avoir vengé
Patrocle, s’endort près de la mer retentissante, plein de douleur et de
regret. Pendant son sommeil il voit son ami qui vient lui réclamer un
tombeau. Dieux
bons ! s’écrie-t-il dès qu’il se réveille, il subsiste donc jusque dans les demeures d’Hadès quelque
reste de vie ![5]
Cette réflexion devait venir à l’esprit de tous les gens qui avaient cru voir
un mort dans leurs rêves, et ce qui avait été à l’origine une des causes de
la croyance à l’immortalité de l’âme en resta jusqu’à la fin pour beaucoup de
personnes la preuve la plus sûre. Elle était même devenue si populaire, qu’un
hère de l’Église, saint Justin, n’a pas hésité à son servir[6].
Toute l’antiquité a cru fermement à ces apparitions[7].
Beaucoup en avaient grand’peur ; quelques-uns les souhaitaient comme un moyen
de se rapprocher un moment des êtres chéris qu’ils avaient perdus. Tantôt on
leur demandait de vouloir bien venir visiter les vivants qu’ils avaient
aimés. Si les larmes, leur disait-on, servent à quelque chose, montre-toi à nous dans les songes[8].
Tantôt on priait humblement les puissances de l’enfer de ne pas mettre
d’obstacle à ces voyages. Mânes saints,
dit une femme qui vient de perdre son mari, je
vous le recommande ; soyez-lui indulgents pour que je puisse le voir aux
heures de la nuit[9].
Des gens qui croyaient avec cette assurance ‘que les morts venaient
s’entretenir avec eux n’avaient pas besoin qu’on leur démontrât l’immortalité
de l’âme, puisque, pour ainsi dire, ils On a donc cru de tout temps à Rome que l’homme continue
d’exister après la mort ; mais de quelle façon s’est-on d’abord représenté
cette persistance de la vie ? Comme on n’arriva pas du premier coup à séparer
nettement l’âme et le corps, ou supposa qu’ils continuent à vivre ensemble
dans le tombeau[11].
Ce fut à Rome, comme ailleurs, la première forme que prit la croyance à
l’immortalité, et là aussi elles est survécu à elle-même : elle a donné
naissance à des usages, à des préjugés qui ont duré plus qu’elle et dont
quelques-uns subsistent encore. La trace en était surtout restée dans les
rites des funérailles, que les Romains conservèrent pieusement, quelqu’ils ne
fussent plus conformes à leurs opinions nouvelles. On disait encore au temps
de Virgile et plus tard, qu’on enfermait l’âme avec le corps dans le tombeau,
même quand on croyait qu’elle était ailleurs[12]
; on saluait toujours le mort, à la fin de la cérémonie, en lui disant trois
fois : porte-toi bien. On ne manquait
pas, quand on passait près de l’endroit où il reposait, de répéter la vieille
formule : Que la terre te soit légère !
On venait en famille, les jours de fête, y célébrer des repas, dont on
pensait bien que le mort prenait sa part. Cicéron blâme cette coutume, qui ne
lui semble pas convenir à des sages[13],
mais, les inscriptions nous prouvent que tout le monde alors Avec le temps, cette croyance naïve que l’existence
continue d’une façon obscure au fond de la tombe, que le mort y est enfermé
tout entier, qu’il y conserve les besoins et les passions qu’il éprouvait
pendant sa vie, sans disparaître tout à fait, finit par se modifier.
L’habitude qui s’établit de briller les cadavres, au lieu de lei ensevelir,
aida l’esprit à concevoir que l’homme est composé de plusieurs parties qui se
séparent quand il meurt. Cette poignée de cendres qu’on recueillait à
grand’peine sur le bûcher ne pouvait plus le contenir tout entier[23]
; on eut la pensée qu’il devait rester quelque part autre chose de lui :
c’était ce qu’on appelait son ombre, son simulacre, son âme ; et l’on supposa
que tontes les âmes étaient réunies ensemble au centre de Ces vieilles croyances subirent bientôt d’autres modifications. A mesure que Rome se trouvait en rapport avec ses voisins, elle empruntait quelque chose de leurs coutumes et de leur manière de voir. On a remarqué que les Romains, si résolus dans l’exécution de leurs desseins politiques et militaires, étaient singulièrement timides pour tout le reste. Aucun peuple n’a plus facilement cédé aux idées des autres. Elles ont toujours fait une certaine impression sur eux, même quand elles se trouvaient en contradiction formelle avec les leurs. La religion romaine, on l’a déjà vu, supposait que dans le repos de la tombe on est plus heureux et l’on devient meilleur ; elle donnait aux morts le nom de purs et de bons — manes —. Les Étrusques, au contraire, les croyaient malheureux et malfaisants. Ils supposaient qu’ils se plaisent à faire le tourment des hommes, qu’ils aiment le sang et qu’ils exigent qu’on leur sacrifie des victimes humaines. Ces opinions ont fini par pénétrer à Rome, quoique contraires à son génie et à ses croyances primitives. Les morts, nous dit une ancienne inscription latine, ne sont agréables ni aux hommes ni aux dieux[26]. Ce n’est pas ce que pensaient les vieux Romains, qui les invoquaient si volontiers comme les protecteurs naturels de leurs descendants. Les portes se conforment à ces opinions nouvelles quand ils nous représentent la troupe pâle des Mânes, les joues creuses, les cheveux brûlés, errant le long des fleuves sombres[27]. Ceux qu’on honorait autrefois comme de bons génies deviennent, dans l’imagination du peuple, les pourvoyeurs des enfers ; on raconte que, placés aux portes de l’Orcus, ils attirent les âmes vers l’Achéron, à la manière des cerfs agiles qui, par la force attractive de leurs narines, font sortir les reptiles de leurs retraites[28]. Enfin on ne se contente plus de leur offrir des couronnes de violettes, des gâteaux arrosés de vin, ou, quand ils sont le plus irrités, quelques poignées de fèves : on leur donne du sang, puisqu’ils l’aiment ; on fait lutter et mourir des gladiateurs autour des bûchers, et les gens riches, qui ne veulent être privés d’aucune satisfaction dans l’autre vie, ne manquent pas de fixer d’avance dans leur testament le nombre des malheureux qui doivent combattre à leurs funérailles. Ces opinions nouvelles, en s’établissant à Rome, n’effacèrent pas tout à fait les anciennes. Les unes et les autres continuent à vivre ensemble, et l’on ne parait pas éprouver le besoin de les mettre d’accord. Tantôt on se figure les morts malveillants et cruels ; on les prie humblement de ne pas nuire, d’épargner les parents et les amis qui leur survivent[29] ; ou bien on leur désigne des victimes, on leur confie sa vengeance, on place dans leurs tombes des noms gravés sur des plaques de plomb avec des formules d’imprécation, pour qu’ils se chargent de les exécuter[30]. Tantôt, au contraire, on semble les regarder comme des intercesseurs qui plaident auprès des dieux la cause de ceux qui les implorent, et on leur attribue à peu près le même pouvoir que l’Église accorde aux saints. Adieu, Donata, est-il dit dans une inscription, toi qui fus pieuse et juste, conserve tous les tiens[31]. Sur une tombe espagnole on lit ces mots, qui seraient bien placés sur l’autel d’un martyr : C’est ici qu’on invoque Fructuosus[32]. Ainsi tout le monde admettait qu’il faut prier les morts, soit pour obtenir leur protection, soit pour les empêcher de nuire. On s’accordait à les croire très puissants, et Servius nous dit sérieusement qu’on leur faisait jurer, quand ils descendaient aux enfers, de ne pas aider les parents qu’ils avaient laissés sur la terre à s’affranchir de leur destinée[33]. On croyait donc qu’avec leur secours un homme peut arriver à tenir tête au destin. C’est de bonne heure aussi que les légendes grecques sue
l’Élysée et le Tartare pénétrèrent à Rome. Il n’en pouvait être autrement :
on peut dire que Rome rencontrait La philosophie n’arriva que très tard à Rome, et, quand à
son tour elle s’occupa de la vie future, elle trouva, tin public préparé à
ses leçons par ce long travail populaire. Les croyances anciennes avaient
jeté dans les esprits des racines si profondes, on les regardait comme si
nécessaires au bonheur de l’humanité, qu’on n’était pas disposé à y renoncer
facilement. Seulement les gens sensés, qui savaient bien qu’il ne suffit pas
à une opinion d’être vieille pour être vraie, demandaient avec instance qu’on
tour donnât de celle-là une autre preuve que son ancienneté. La plupart
d’entre eux souhaitaient d’avance d’être convaincus ; on les mettait
évidemment à l’aise en leur montrant qu’ils ne s’étaient pas trompés, qu’il
ne leur était pas nécessaire de se séparer du sentiment général, et qu’ils
pouvaient continuer à croire par raison ce qu’ils avaient accepté jusque-là
par instinct. C’est ce qui lit si bien accueillir, en général, les
démonstrations que les philosophes donnèrent de l’immortalité de l’âme. Au
fond, pourtant, elles étaient loin d’are concluantes. Des deux questions que
Platon se pose et qui concernent la persistance de la vie et l’état des Amos
après la mort, il avoue qu’il n’a pas réussi à résoudre entièrement Ces fables diffèrent quelquefois entre elles, et Platon on
les reproduisant ne s’est pas donné la peine de les mettre d’accord. Il est
pourtant un détail qu’on retrouve à peu près chez toutes et qu’il a grand
soin de rapporter. Elles racontent qu’après la mort les âmes sont amenées
devant des juges et traitées selon leurs mérites ; dès lors les enfers
deviennent un lieu de punition pour les méchants et de récompense pour les
bons. C’était une façon plus morale de comprendre l’autre vie ; elle
convenait à l’idée que ces sociétés éclairées se faisaient de la justice
divine ; elle plaisait beaucoup aux politiqués, qui la regardaient comme un
moyen efficace de contenir la foule[40]
: aussi fut-elle acceptée avec faveur par tout le monde, et même introduite
dans les vieilles légendes populaires, qui primitivement ne la connaissaient
pas. La première conséquence qu’elle out en se répandant fut d’augmenter encore
la terreur que causait cette autre existence. L’obscurité qui l’entourait,
les fables qu’on racontait sur elle, la rendaient déjà redoutable ; elle le
devint davantage quand on y ajouta l’appareil de ce dernier jugement et les
supplices qui en étaient Ces frayeurs devinrent à la fin si intolérables, qu’une
école philosophique, celle d’Épicure, se donna la tâche d’eu délivrer
l’humanité. Il faut chasser avant tout la crainte
des enfers, dit Lucrèce ; elle
empoisonne la vie jusqu’au fond du vase on nous la buvons, elle répand sur
tout les ombres de la mort, elle ne tiens laisse goûter aucune joie pure et
entière[44].
Pour nous empêcher d’avoir peur des enfers, il emploie un moyen aussi simple
que sûr, il les supprime ; il essaye d’établir que l’âme suit la destinée du
corps et qu’elle s’éteint avec lui. Dès lors nous voilà débarrassés de cette
attente inquiète de l’avenir, qui faisait notre tourment. S’il est vrai qu’une fois l’existence dissipée, on ne se réveille jamais
de ce sommeil de glace[45],
nous n’avons plus de raison de nous préoccuper de ce qui suit l’existence. Avons-nous éprouvé quelque mal au temps passé, quand les
armées de Carthage se précipitaient sur l’Italie, quand le bruit des armes
retentissait jusqu’au ciel, et que sur la terre et sur les mers tous les
martels se demandaient sous quels maîtres ils allaient tomber ? — Eh bien, lorsque nous aurons cessé de vivre, lorsque lame
et le corps, dont l’union forme notre titre, se seront séparés, nous
n’existerons plus, Il n’y aura plus rien qui puisse nous rendre le sentiment
et troubler notre tranquillité, mérite quand le ciel, la terre et la mer se
méfieraient ensemble[46].
C’était vraiment un coup de maître pour cette doctrine de l’anéantissement
absolu, qu’on accusait de réduire l’humanité au désespoir, que de se
présenter au contraire comme lui apportant la paix et le repos. Du même coup
elle se donne tous les avantages que s’étaient toujours attribués ses
adversaires, et leur renvoie tous les reproches dont ils l’avaient accablée. L’homme, disait-on, ne
peut pas vivre sans cotte croyance consolante à une autre vie. — L’homme, répondait Épicure, ne vit pas quand il a toujours devant l’esprit la crainte
des enfers, et ceux qui l’en délivrent sont véritablement ses consolateurs.
Il n’est pas douteux que cette tactique hardie et habile n’ait beaucoup servi
au succès de la philosophie épicurienne. Vers la tin de la république, elle
était dominante à Rome, au moins parmi les classes élevées ; elle régnait
dans cette aristocratie voluptueuse et légère qui marchait si gaiement vers
sa ruine ; elle s’étala un jour dans le sénat, où César osa dire, sans être
trop contredit, que la mort était la fin de toute chose, et qu’après elle il
n’y avait plus de place pour la tristesse ni pour la joie[47].
Mais son triomphe ne fut pas de longue durée. Elle avait surtout réussi parce
qu’elle promettait à ces âmes troublées de tour rendre le calme. Le leur
donnait-elle en effet ? C’était toute Les objections qu’on dut alors adresser à la doctrine d’Épicure revivent pour nous dans un remarquable traité de Plutarque. Il y montre qu’elle ne peut pas donner le bonheur qu’elle promet — Non posse suaviter vivi secundum Epicurum —. Selon lui, Épicure ne fait que déplacer le mal qu’il prétend guérir : pour nous délivrer de la crainte de la mort qui trouble l’existence, il nous Ôté l’espoir de l’éternité, sans lequel on ne peut vivre. Que gagne-t-on à remplacer les terreurs des enfers par l’effroi du néant ? Comme le désir d’exister — ό πόθος τοΰ εΐναι — est de tous nos désirs le premier et le plus fort, et que l’homme supporte mieux encore la menace de souffrir que la perspective de n’être plus, il se trouve que nous nous sentons beaucoup plus malades après qu’Épicure nous a guéris. Quand il nous arrive quelque malheur, dit Plutarque aux épicuriens, vous n’avez qu’un recours à nous offrir, l’anéantissement de tout notre être. C’est comme si quelqu’un venait dire dans une tempête aux passagers épouvantés qu’il n’y a plus de pilote, qu’il ne faut pas compter sur l’aide des Dioscures pour apaiser les vents et calmer les flots, et que cependant tout est le mieux du monde, puisque la mer ne peut tarder à engloutir le navire ou à le briser sur les écueils. Ce sont là les consolations ordinaires d’Épicure aux malheureux. — Vous espérez, leur dit-il, que les dieux vous sauront gré de votre piété ; quel orgueil ! La nature divine étant immortelle et immuable, n’est susceptible ni de courroux ni de pitié. Maltraités par la vie présente, vous comptez être plus heureux dans la vie future ; quelle erreurs Tout ce qui se dissout perd le sentiment et ne peut plus éprouver ni bien ni mal. — C’est sur ces belles promesses que vous me conseillez de me réjouir et de faire bonne chère ![48] il est donc insensé de croire qu’on peut consoler ceux qui souffrent et les accoutumer à regarder la mort sans terreur en tour annonçant que la vie n’a pas de lendemain. Ce n’est pas Cerbère ou le Cocyte qui rendent la mort effrayante, c’est la menace du néant, et ceux-là sont les vrais ennemis de l’homme, les plus opposés à son repos et à son bonheur, qui veulent lui persuader qu’il n’y a pas après la vie de retour possible à l’existence[49]. Il n’est, pas douteux que ces objections n’aient été souvent faites à l’épicurisme par les Romains et ne lui aient enlevé beaucoup d’adeptes. D’ailleurs les temps lui devinrent bientôt contraires. Lorsqu’à la veille des proscriptions, les esprits, attristés déjà par les malheurs publics, éprouvèrent le besoin de se préparer aux désastres qu’on prévoyait, l’espoir du néant ne leur partit plus suffisant pour soutenir leur courage. Précisément Cicéron faisait paraître alors ses Tusculanes, où il expose avec tant d’éclat les opinions de Platon sur la vie future. Cet admirable ouvrage montrait à quelle philosophie il faut s’adresser pour se donner du coeur et attendre la mort sans crainte ; il dut produire une impression profonde sur des lecteurs que les événements disposaient à le comprendre et à le goûter. Non seulement il entraîna tous ces disciples douteux d’Épicure dont Lucrèce nous dit qu’ils se vantent d’être sceptiques par forfanterie, tant qu’ils sont heureux et bien portants, et qu’ils s’empressent au premier revers d’aller sacrifier dans les temples[50], mais nous savons aussi qu’il fit hésiter les plus résolus. Si Atticus lui-même, quoique épicurien obstiné, se trouvait ému, ébranlé, en lisant le livre de son ami, beaucoup d’autres, mieux préparés que lui et sentant leurs forces se retremper dans ces nobles doctrines, devaient dire, comme l’auditeur de Cicéron : Personne ne m’arrachera de l’âme mes espérances d’immortalité ![51] Ainsi, vers le commencement de l’empire, cette génération malheureuse qui vit périr la république et qui supporta les proscriptions, partie de l’épicurisme, s’eu détachait peu à peu pour se diriger vers d’autres systèmes ou revenir à ses vieilles croyances. — C’est pour elle que le sixième livre de l’Énéide fut écrit. — II —Si nous nous contentions d’étudier te sixième livre comme une oeuvre littéraire, nous n’aurions que des motifs d’admirer ; mais quand en y cherche un ensemble d’opinions et de doctrines, et qu’on veut savoir le sentiment véritable de Virgile sur l’état des Ames après la mort, on est moins satisfait. Ces beaux tableaux qui, pris isolément, nous enchantent, ne s’accordent pas très bien ensemble. La pensée de l’auteur n’est pas toujours aisée à saisir ; il faut souvent la compléter et la corriger pour la comprendre, et l’on y rencontre des contradictions que tous les efforts d’une critique complaisante et sagace ne parviennent pas à expliquer. Cette obscurité et ces incohérences tiennent à des causes
diverses[52].
La plus importante est celle que j’ai déjà signalée en parlant de la religion
de Virgile : il a voulu faire entrer dans le sixième livre, comme partout,
des éléments d’âge et d’origine différents, et il ne titi a pas été toujours
possible de les concilier. Comme, en décrivant les enfers, il ne voulait pas
seulement faire une œuvre de lettré, mais de croyant, il ne s’est pas
contenté d’écrire un récit d’imagination, un de ces romans où l’auteur tire
ses inventions de lui-même et qui lui font d’autant plus d’honneur qu’il à
plus inventé. Il n’a pas cherché à intéresser sort lecteur par la nouveauté
de ses peintures ; c’était au contraire son dessein de ne paraître lui rien
dira qu’il ne connut : il voulait le placer en face de lui-même et réveiller
en lui l’émotion que lui causait la pensée de la vie future. Il est donc
parti de l’opinion commune ; il a essayé de représenter cette autre existence
à peu près comme on se la figurait autour de lui. Au commencement de son
récit il invoque les divinités des morts : Qu’il
me soit permis, leur dit-il, de
répéter ce que j’ai entendu dire. Puissé-je, sans blesser votre puissance,
dévoiler les secrets ensevelis au soin de la terre profonde et ténébreuse[53].
De qui a-t-il dont appris ce qu’il va raconter’ ? Quelle est cette autorité
qu’il invoque et dont il tient à se couvrir ? On a prétendu qu’il faisait
allusion à l’enseignement caché qu’on donnait clans les mystères, et qu’il
voulait nous décrire la vie future ainsi qu’on la montrait aux initiés
d’Éleusis. C’est l’hypothèse célèbre de Warburton, qui déjà semble avoir été
soupçonnée par les critiques de l’antiquité[54].
Elle est malheureusement beaucoup plus séduisante que vraisemblable. Virgile
n’était pas initié lorsqu’il écrivit le sixième livre ; et quand il l’aurait
été, est-il probable qu’un homme aussi pieux que lui se serait permis de
divulguer ce qui ne devait pas être connu des profanes ? Sans doute on ne
peut nier absolument qu’il ne se trouve clans le sixième livre quelques
détails empruntés aux mystères, mais Virgile n’en a pu dire que ce qu’en
savait totale monde, ce qui à la longue en avait transpiré, malgré les
recommandations des prêtres et les menaces prononcées contre les indiscrets.
C’est ailleurs qu’en général il va chercher ses renseignements. Il les prend
à deux sources différentes : les traditions populaires, conservées par les
poètes on les savants, et les systèmes des philosophes qui, comme Platon, ont
interprété les vieilles légendes. Voilà d’où il a tiré ce qu’il demande la
permission de redire. S’il a pris tant de soin de recueillir ces témoignages,
s’il en parle avec tant de solennité, c’est qu’il les regarda presque comme
des révélations divines ; il se fait fort, avec leur aide, de découvrir les secrets enfermés dans les profondeurs de Là, comme ailleurs, Virgile se met à la suite d’Homère,
mais il ne le suit que de loin, et dès les premiers pas il se trouve amené
modifier son modèle pour l’accommoder aux idées de son pays et de son temps,
Homère a placé le séjour des morts à l’extrémité de l’immense Océan : C’est là qu’habitent les Cimmériens, qui sont toujours
cachés dans les brouillards. Jamais le soleil ne les regarde de ses rayons,
ni quand il gravit le ciel solfié d’astres, ni quand il redescend vers la
terre des hauteurs célestes ; orle triste nuit s’étend toujours sur ces
malheureux mortels[55].
Virgile n’envoie pas son héros chercher les enfers aussi loin. On croyait
beaucoup en Italie que les grottes du lac Averne étaient une des ouvertures du
royaume infernal, cette opinion, qu’accréditaient les phénomènes volcaniques
dont ce pays est le théâtre, était fort ancienne : Annibal, en traversant Au delà du Styx commencent véritablement les enfers. Énée y rencontre d’abord le tribunal devant lequel toutes les âmes doivent comparaître : Minos, entouré de jurés qu’il a tirés au sort, comme un préteur romain, interroge les morts sur leurs actions. Virgile a dû accepter avec empressement cette idée que dans l’autre vie au moins chacun est traité comme il le mérite, et que l’homme y trouve enfin la justice à laquelle il a droit. Il faut avouer pourtant que les décisions de Minos ne nous paraissent pas toujours irréprochables : on voudrait, par exemple, qu’il accordât de meilleures places à ceux qui sont morts pour leur pays ou qui ont été injustement condamnés au dernier supplice. Platon nous donne, dans ses dialogues ; une bien plus haute idée de la justice des enfers. Si Virgile a fait autrement, c’est une prouvé de plus qu’il n’a pas toujours devant les yeux un idéal philosophique, et qu’avant tout il tient à se rattacher à l’opinion commune. Après le jugement, les morts se rendent dans les demeures qui leur sont assignées : ordinairement on n’en distingue que deux, le séjour des méchants et celui des bons, le Tartare et l’Élysée ; Virgile en ajoute un troisième, qui participe des deux autres. On ne sait d’où il tenait cette innovation[61], mais quelle qu’en fût l’origine, elle était de nature à lui plaire, et l’on comprend qu’il l’ait bien accueillie. S’il est naturel que les esprits violents et extrêmes, comme les stoïciens et les jansénistes, qui ne veulent pas admettre qu’il y ait des fautes légères et qui les punissent toutes avec la même rigueur, n’éprouvent pas le besoin d’introduire cette région intermédiaire dans les enfers, elle convient beaucoup aux âmes tendres, comme Virgile, qui sont disposées à traiter les faiblesses humaines avec plus d’indulgence. Du reste, il est loin d’en faire un lieu de délices. Ceux qui l’habitent ne sont punis d’aucun châtiment, mais ils ne sont pas heureux non plus. Leur existence est inerte et morne ; ils se promènent tristement dans ces plaines humides, sous un ciel sans soleil, et lorsqu’ils passent le long de ces sentiers ombragés et solitaires où ils se cachent, ils ressemblent à la lune nouvelle u quand on la voit ou qu’on croit la voir se lever entre les nuages n. Ce sont en général ceux qui par leur faute ou celle du sort n’ont pas achevé leur destinée sur la terre, les enfants « que la mort a pris à la mamelle de leur mère avant d’avoir goûté la douce vie u, les guerriers tombés sur le champ de bataille, les malheureux qui ont péri victimes d’injustes accusations, ceux aussi qui se sont frappés de leur main, et qui, ne pouvant souffrir la lumière, ont rejeté l’existence. La religion était très dure pour eux : elle défendait qu’on leur rendît aucun honneur funèbre[62], comme plus tard le Christianisme les priva de ses dernières prières. Virgile les punit plus doucement ; leur châtiment consiste à regretter la vie dont ils se sont délivrés : Qu’ils voudraient être rendus à la clarté des cieux et souffrir encore la misère et les durs travaux ! mais les destins s’y opposent. A côté d’eux, et dans ce qu’il appelle le champ des larmes — lugentes campi —, il place les héroïnes antiques qu’ont égarées de trop vives passions. La passion vient des dieux ; c’est un fléau que l’humanité subit sans en être tout à fait responsable. Aussi se contente-t-il de les montrer errant à l’écart dans des forêts de myrtes et portant au coeur leurs blessures toujours nouvelles. Au sortir de cette région moyenne, la route se divise ; le
chemin de gauche conduit au Tartare. Énée ne visite pas le séjour des
méchants, il l’entrevoit seulement de la porte, et Après ce regard jeté sur le Tartare, Énée arrive enfin au
séjour des bons, qui est le but de son voyage. C’est là qu’il doit trouver
son père qu’il veut revoir encore une fois et consulter sur sa destinée.
Pendant qu’il le cherche, le poète lui fait parcourir les différents groupes
des bienheureux et profite de l’occasion pour nous les montrer. Ici encore il
est fidèle à sa méthode et mêle aux souvenirs de la fable des idées et des
tableaux qu’il emprunte à la philosophie la plus élevée. Il place dans
l’Élysée les rois des temps mythologiques, héros
magnanimes, nés dans des siècles meilleurs, et à côté d’eux les
prêtres qui ont accompli fidèlement leurs devoirs, les poètes dont les chants
ont été dignes des dieux, enfin les bienfaiteurs de l’humanité, ceux qui en inventant les arts ont embelli la vie, et ceux
qui, par les services qu’ils ont rendus aux hommes ont laissé d’eux un
souvenir immortel. Dans la façon dont il décrit leur existence,
Virgile s’inspire tout à fait des anciennes traditions, il revient au temps
où l’on ne pouvait imaginer après la mort qu’une sorte de continuation de Depuis que dans Ce système, que Virgile développe en vers admirables,
n’est pas tout à fait celui d’une école particulière : il venait de
Pythagore. Platon, et, après lui, presque toutes les sectes philosophiques
importantes, à l’exception des épicuriens, en avaient adopté les parties
essentielles. Varron l’avait fait connaître aux Romains dans son grand
ouvrage des Antiquités divines, et il y faisait le fond de ses
doctrines religieuses[66].
C’était aussi celui qu’accueillaient le plus volontiers les gens éclairés qui
s’occupaient de philosophie à leurs moments de loisir ; en sorte qu’au milieu
de cette confusion d’opinions et de doctrines diverses, il semblait que ce
fût un des points sur lesquels on fût arrivé à se mettre d’accord[67].
On admettait généralement que l’univers est animé d’une sorte de vie
intérieure, qu’un souffle divin, répandu dans toutes ses parties, les
pénètre, les vivifie, et met en mouvement la masse entière. C’est ce qu’on
appelait l’âme du monde. D’elle vient tout ce qui vit et respire. Les âmes
des hommes ne sont aussi qu’une émanation, une parcelle détachée de l’âme
universelle. Malheureusement ce principe divin, tombant dans le corps et
forcé de s’associer avec lui, perd dans ce mélange une partie de sa vertu. Cette prison obscure, qui enferme l’âme, l’empêche de voir
le ciel d’où elle vient, et la mort même, en la délivrant de son
esclavage, ne peut pas lui rendre toute sa pureté. Dans ce séjour sur la
terre, dans ce contact avec le corps, elle s’est altérée, elle a contracté
des souillures dont il faut qu’elle se lave. La purification dure mille ans ;
c’est le temps nécessaire pour que les taches soient entièrement effacées et
que l’étincelle du feu divin, qui est notre âme, revienne à sa pureté
première. Dieu l’appelle ensuite sur les bords du fleuve Léthé afin qu’elle y
boive l’oubli, et la renvoie sur la terre animer un nouveau corps. De cette
manière l’Élysée contient à la fois ceux qui ont vécu et ceux qui doivent
vivre, ou plutôt les uns et les autres se confondent, puisque la vie doit
recommencer pour chacun mille ans après Il faut vraiment se faire violence et s’arracher à
l’impression de ces beaux vers pour s’apercevoir que cette nouvelle
description de la vie future ne ressemble pas toast à fait à celle qui nous a
été d’abord présentée et qu’il est difficile de les accorder ensemble. En
réalité, il y a deux enfers distincts dans le sixième livre. Le poète a pris
les éléments du premier dans les légendes populaires de Il est, du reste, assez vraisemblable qu’elle choquait moins les contemporains que nous. Ces éléments divers que Virgile a voulu mêler dans son poème, chacun, en descendant en lui-même, les retrouvait dans ses croyances. Elles se composaient à la fois des souvenirs de l’enfance, que des études de la jeunesse et des réflexions de l’âge mûr. Les opinions populaires qui s’insinuent les premières dans l’âme, et la trouvant vide, s’y installent à l’aise, en faisaient le fond. Sur cette première couche venaient se placer les connaissances et les idées qu’on devait à la philosophie, et le plus souvent elles le recouvrait sans l’effacer. Comme les religions n’avaient alors ni dogmes précis, ni symbole arrêté, on éprouvait moins le besoin de se faire un corps de doctrines homogènes et de ramener tout ce mélange un peu confus à une religieuse unité. Il était donc assez difficile qu’on fût très sensible à ces incohérences qui nous frappent dans l’œuvre de Virgile, parce qu’en réalité il s’en retrouvait quelque chose au fond de toutes les âmes. — III —On ne peut pas achever l’étude, dit sixième livre de
l’Énéide sans se demander quelle impression il a dû produire sur les Romains
qui le lisaient, et s’il est probable qu’il ait exercé quelque influence sur
leurs opinions. Elle n’aurait guère été profonde, s’il était vrai, comme on
l’a quelquefois prétendu, qu’en général, sous l’empire, on ne croyait pas à
la vie future ; mais les raisons qu’on en donne ne sont pas toutes
convaincantes. On s’arme, pour le prouver, de certains aveux des écrivains de
ce temps qui n’ont pas le sens et la portée qu’on leur accorde. Quand Sénèque
et Juvénal soutiennent que personne n’a plus peur de Cerbère, et qu’on ne
croit pas que tous les morts de l’univers passent le fleuve sombre sur une
seule barque[71],
ils veulent dire que les légendes populaires ont beaucoup perdu de leur
crédit, et non pas qu’on nie l’immortalité de l’âme. Ne pouvait-on pas
plaisanter sur Cerbère et Charon, refuser d’admettre qu’après la mort les
âmes traversent le Styx, et croire pourtant qu’elles continuent quelque part
d’exister ? En réalité, il n’y a qu’un seul écrivain de ce temps qui ait
attaqué en face la croyance à la vie future, et osé prétendre qu’elle n’est qu’une folle puérile ou une insolente vanité :
c’est Pline l’ancien. Dans un passage célèbre, il traite ceux qui la
défendent comme de véritables ennemis du genre humain. Malheureux, leur dit-il, quelle sottise est la vôtre de faire continuer la vie au
delà de la tombe ! Où se reposeront donc les créatures, si vous admettez
que les âmes dans le ciel, les ombres dans les enfers, conservent quelque
sentiment ? Votre complaisance pour nos préjugés, votre crédulité nous fait
perdre le plus grand bien de la vie humaine, qui est Les inscriptions nous fournissent des renseignements à la
fois plus complets ou plus clairs que ceux qui nous viennent de Mais si tous ces gens sont unis dans le sentiment que
l’âme ne meurt pas avec le corps, ils ne se figurent pas tous de la même
façon cette dernière demeuré où doit se continuer la vie, et ne la placent
pas au même endroit. Quelques inscriptions, surtout celles qui sont écrites
en vers, parlent du Tartare et de l’Élysée ; d’autres expriment de diverses
manières la pensée qu’une fois le corps rendu à la terre, l’âme remonte vers
sa source[86].
Elle doit résider désormais, soit dans les astres auprès des dieux, soit dans
la partie la plus pure de l’air, suit dans l’espace qui s’étend entre la
terre et la lune, et quelques-uns imaginent qu’elle est d’autant plus
éloignée de la terre et rapprochée du ciel qu’elle a mené une existence plus
vertueuse[87].
Cette croyance s’accrédite à mesure que se répand la doctrine stoïcienne.
Nous la trouvons quelquefois exprimée avec une vivacité qui prouve combien on
était heureux de s’y rattacher. Non,
dit un père sur la tombe de son enfant, tu ne
descends pas au séjour des Mânes, mais tu t’élèves vers les astres du ciel[88].
Ce n’était pourtant encore que l’opinion des gens distingués qui avaient
quelque accus à la philosophie, c’est-à-dire du petit nombre ; le
Christianisme en fit plus tard la croyance générale. Ce qui domine jusqu’à
l’époque chrétienne, ce sont encore les plus anciennes opinions. La foule semble
revenir avec une invincible opiniâtreté à la vieille manière de se figurer la
persistance de la vie ; elle est toujours tentée de croire que l’âme et le
corps sont enchaînés ensemble dans la sépulture ; elle soupçonne que le mort
n’a pas perdu tout sentiment dans cette tombe où il est enfermé ; elle
cherche par tous les moyen s à le consoler, à le distraire, à l’arracher à ce
silence et à cet isolement éternel auxquels la nature a tant de peine à se
résigner ; elle veut le ramener et le maintenir parmi les siens, et si l’on
ne peut plus le mêler tout à fait au mouvement et à l’activité des vivants,
lui en donner au moins le spectacle. Un certain Lollius, sévir augustal d’une
petite ville d’Italie, nous dit dans son épitaphe qu’il
s’est fait mettre au bord de la route pour qu’on pût lui dire en
passant : Adieu, Lollius[89],
c’est-à-dire pour que quelque bruit de la vie arrivât encore jusqu’à lui.
Voilà pourquoi les sépultures antiques étaient placées le plus souvent sur
les grands chemins. Ce qui est tout à fait remarquable, c’est l’insistance avec laquelle le mort réclame des siens et des étrangers ces derniers égards. Il joint, quand il le peut, des promesses à ses prières ; il fonde des legs pour récompenser ceux qui viendront à certaines époques lui apporter des libations et des fleurs ou qui prendront part aux repas célébrés près de ses cendres. S’il est pauvre, il demande au moins qu’on n’oublie pas ce salut qu’il est d’usage d’accorder à la tombe qu’on rencontre sur son chemin. Vous qui passez, ne manquez pas de dire, avec un sentiment pieux : Que la terre te soit légère ![91] Il met une ardeur étrange à réclamer de tout le monde ce simple souvenir ; peur être sûr qu’on ne le lui refusera pas, il flatte, il implore, il supplie ; il promet au voyageur qui prononcera ces courtes paroles que les dieux récompenseront sa piété, qu’à son tour il obtiendra les honneurs qu’il accorde aux autres[92]. En voyant l’importance qu’il attache à cette formule banale, il vient à l’esprit qu’il devait lui prêter une certaine efficacité ; il croyait probablement que de quelque manière elle pouvait rendre son sort meilleur dans l’autre vie. Ce n’est donc pas tout à fait une simple politesse, dont il n’a que faire en ce moment, c’est un service et un secours qu’il demande, et il faut voir dans ces mots si souvent répétés sur les tombes anciennes quelque chose qui ressemble à la prière pour les morts dans le Christianisme. Il en est de même des sacrifices qui doivent s’accomplir sur le tombeau et pour lesquels on prend d’avance tant de précautions. J’ai peine à croire qu’on se donnerait tant de mal pour en assurer la perpétuité, pour écarter tous les obstacles qui peuvent s’opposer à leur accomplissement, s’il ne s’agissait que d’une satisfaction de vanité. On devait penser aussi que le mort en recueillait quelque avantage plus réel, et rattacher de quelque manière son bonheur dans l’autre vie aux honneurs qu’on lui rendait sur la terre. Il est donc très probable que ces instances qu’on fait aux passants pour obtenir leurs prières, ces fondations pieuses pour s’assurer des sacrifices qui durent toujours, témoignent beaucoup moins du désir qu’on a de protéger sa mémoire contre l’oubli que des préoccupations et des inquiétudes causées à tout le monde par la crainte des enfers. Épicure n’était pas parvenu, comme il l’espérait, à en délivrer l’humanité. On se trouvait encore, au commencement de l’empire, dans la même situation d’esprit que Platon décrit en ces termes, quatre siècles auparavant. Tu sauras que, lorsqu’un homme se croit aux approches de la mort, certaines choses sur lesquelles il était tranquille auparavant éveillent alors dans son esprit des soucis et des alarmes, surtout ce qu’on raconte des enfers et de leurs châtiments... Ces récits autrefois l’objet de ses railleries portent le trouble dans son âme[93]. En ce terrible moment, on ne pouvait s’empêcher de faire un retour sur sa vie passée et de redouter les conséquences des mauvaises actions qu’on avait commises. C’est alors, disait Cicéron, dans une phrase qui semble chrétienne, c’est alors qu’on éprouve plus que jamais le remords de ses fautes, tum peccatorum maxime pœnitet[94]. Il est probable que la religion intervenait quelquefois pour calmer les consciences effrayées. Un bas-relief du Louvre nous montre auprès du lit d’une femme qui vient d’expirer, et à côté de sa famille qui pleure, des prêtres et l’appareil d’un sacrifice[95]. Les mystères aussi avaient essayé de rassurer les âmes qu’effrayait ce grand inconnu. Ils donnaient aux initiés le spectacle de la vie future ; ils leur annonçaient qu’après leur mort ils jouiraient de cette félicité qu’on leur avait fait entrevoir et qu’ils passeraient l’éternité avec les dieux. Mais ce furent surtout les charlatans, venus â Home de toutes les contrées du monde, prêtres de toutes religions, magiciens et devins de toute sorte, qui auront tiré un grand profit des terreurs que causaient les enfers. Comme on pensait que, selon le mot de Platon, c’est le plus grand des malheurs de descendre dans l’autre monde avec une âme criminelle[96], ils se chargeaient de fournir aux coupables des purifications qui lavaient leurs fautes et leur donnaient place, après la vie, parmi ceux qui conservent le souffle, le regard, la parole, et qui passent le temps à danser et à se réjouir dans la demeure d’Hadès[97]. Ils vendaient des prières dont l’effet était infaillible, qui devaient désarmer les puissances infernales et les empêcher de s’opposer au passage de lame lorsqu’elle s’envolait vers le ciel[98]. On était si préoccupé de ce moment redoutable, en avait tant peur de cet avenir menaçant, qu’ils ne manquaient pas de trouver des dupes qui leur payaient cher leurs recettes. Il faut replacer le récit de Virgile au milieu de ces
préoccupations pour se rendre compte de l’effet qu’il a dû produire. Ce
n’était pas tout à fait pour ces âmes inquiètes une couvre d’art ordinaire,
et elles devaient y trouver un intérêt plus puissant et plus vivant que dans
le reste de l’ouvrage. II les entretenait de ces problèmes qui troublaient
leur pensée ; il ranimait en eux ces espérances et ces terreurs qu’on pouvait
bien oublier, un moment, quand on était livré à l’activité de la vie, mais
qui, selon la réflexion de Platon, finissaient toujours par se réveiller.
Ainsi le premier résultat du sixième livre a dû être d’exciter encore et de
nourrir ces alarmes qui étaient alors générales, de pousser les esprits à
s’inquiéter de plus en plus de l’état des rimes après Ce mélange est au fond la principale originalité de son
œuvre : il lui a surtout servi à donner un caractère plus moral et plus élevé
aux idées qu’on se faisait autour de lui de la vie future. C’est par là que,
malgré les larges emprunts qu’il fait aux légendes antiques, sou Élysée et
son Tartare ne sont plus ceux de On ne peut pas prétendre sans doute que ces Idées fussent entièrement nouvelles ; les philosophes les avaient souvent développées dans leurs ouvrages, et même quelquefois elles remontaient beaucoup plus haut qu’eux. Par exemple ce principe que le corps finit par communiquer sa souillure à l’âme et qu’il faut, après qu’ils se sont séparés, qu’elle en soit purifiée pour revenir à sa première nature, était familier aux vieilles religions de l’Égypte. Le récit des épreuves terribles qu’elle doit subir pour obtenir l’immortalité bienheureuse, est la fond de ce rituel funéraire que les dévots faisaient ensevelir avec eux et qu’on retrouve si souvent dans les tombes égyptiennes[102]. Cicéron avait dit avant Virgile : Ce n’est qu’après être morts que nous vivrons véritablement, et il représente Scipion qui, à la vue du bonheur dont jouissent dans le ciel les âmes vertueuses, s’écrie comme Énée : Puisque c’est ici le séjour de la vie, que fais-je plus longtemps sur la terre ? Pourquoi ne pas me hâter de vous rejoindre ?[103] C’est en que pensait aussi ce sage de la Grèce qui, sans avoir aucun sujet de chagrin, se précipita dans la mer après avoir lu le Phédon, pour arriver au ciel plus vite[104], mais, si les idées que développe Virgile n’étaient pas tout à fait nouvelles, on peut dire qu’à Rome du moins elles n’étaient guère sorties encore des écoles des philosophes et d’un petit cercle de lettrés. Il les en a tirées pour les répandre. Par la manière habile dont il les présente, il a familiarisé le monde avec elles. Comme elles sont mêlées dans ses ouvrages à des légendes et à des traditions antiques, elles ont été accueillies de la foule sans trop de surprise et se sont insinuées jusqu’à des profondeurs où elles n’avaient jamais avant lui. En les exposant en beaux vers dans un poème qui a été pendant plusieurs siècles le plus populaire de tous les livres, il les a fixées dans la mémoire des hommes. Plusieurs de ces idées sont plus tard devenues chrétiennes. Elles ont eu alors d’autant moins de peine à s’emparer des esprits, que Virgile les avaient préparés d’avance à les bien accueillir. Le Christianisme admet le jugement des morts, le supplice des méchants, les récompenses des bons, la nécessité pour les âmes coupables de fautes légères de traverser le feu qui purifie — purgatorius ignis —. Il enseigne l’origine divine de l’âme et ses luttes avec le corps, qui veut la rabaisser sur terre. Pour lui, le vie future est la véritable vie ; le chrétien doit passer son temps à s’y préparer et à l’attendre, et l’on peut dire avec Virgile que, de cette terre, qu’il regarde comme un lieu d’exil, il tend sans cesse les mains vers la rive opposée tendebantque manus ripæ ulterioris amore. Cette conformité manisfeste avec les doctrines chrétiennes a dû donner vers la fin de l’empire une grande popularité au sixième livre de l’Énéide. Nous voyons qu’il est cité plus d’une fois par les Pères de l’Église. Saint Ambroise s’en sert pour établir que les païens avaient entrevu la croyance au Saint-Esprit[105]. Les poètes chrétiens s’en inspirent aussi très volontiers : ils imitent et quelquefois copient les descriptions de Virgile quand ils veulent dépeindre les enfers et le paradis[106]. On en a enfin retrouvé des vers jusque sur les sépultures des catacombes, à côté de la croix et du monogramme du Christ[107]. Ce rapprochement, qui ne choquait alors personne, ne doit pas non plus nous surprendre aujourd’hui ; il est naturel et légitime. L’examen que nous venons de faire du sixième livre nous amène aux mêmes résultats que l’étude de l’Énéide en général : Virgile nous fait toucher le point où l’esprit antique, parvenu à sa maturité, éclairé par l’expérience, épuré par la philosophie, plein du sentiment des instincts et des besoins nouveaux de l’humanité, donnait la main à l’esprit moderne, et conduisait au christianisme. |
[1] Tolus quidem Virgilius scientia plenus est, in qua hic liber possidet principatum... adeo ut plerique de his singulis hujus libri integras scripserint pragmatias. (Servius, Æn., VI, proœm.)
[2] Valère Maxime, II, 6, 10.
[3] Tusculanes, I, 12.
[4] Tusculanes, I, 18.
[5] Iliade, XXXIII, 100.
[6] S. Justin, Apologie, I, 18.
[7] Voyez, sur cette croyance, Friedlænder, Sittengesch. Roms, III, p. 640 et sq.
[8] Corp. inscr. lat., n° 4427 : Lacrimæ si prosunt, visis te ostende videri.
[9] Orelli, 4775 : Ita peto vos, Manes sanctissimœ, commendatum habeatis meum conjugem, et velilis huic indulgentissimi esse horis nocturnis ut eum videam.
[10] Orelli, 7840 : Tu qui legis et dubitas Manes esse, sponsione facta invoca nos et intelliges.
[11] Cicéron, Tusculanes, I, 98 : sub terra censebant reliquam vitam agi mortuorum. Voyez le premier chapitre de la Cité antique de M. Fustel de Coulanges.
[12] Virgile, Énéide, III, 67 : animamque sepulcro Condimus.
[13] Cicéron, De fin., II, 32.
[14] Sur cette importance des rites des funérailles pour le repos éternel, voyez Hertzberg, De diis Rom. patriis. Les pythagoriciens aussi croyaient qu’il fallait être enseveli d’une certaine façon pour être heureux après la mort. (Plutarque, De genio Socr., p. 585.)
[15] Orelli, 7340.
[16] Orelli, 4790.
[17] Orelli, 7403.
[18] Corp. inscr. lat., I, 1103.
[19] S. Augustin, De Moribus eccles., 34, 66.
[20] Corp. inscr. græc., 9303.
[21] Voyez Le Blant, Inscr. chrétiennes de la Gaule, I, p. 288. Un seigneur franc avait fait graver sur la plaque extérieure de son tombeau ces paroles hautaines : Tempore nullo voto hinc tollantur ozza (ossa) Hilperici, et à l’intérieur ces mots plus humbles : Precor ego Hilpericus non auferantur hinc ossa mea. Cette tactique est assez curieuse. Il avait tâché d’intimider d’abord les profanateurs ; mais si ce moyen ne réussissait pas, s’ils ouvraient la tombe, il essayait de les arrêter par ses prières.
[22] Fauriel, I, p. 56.
[23] Lucain, Pharsale, IX, 2.
[24] Preller, Röm. Myth., p. 458, et Corp. inscr. lat., I, p. 373.
[25] Mortis thesauri. Orcinus thesaurus. Voyez Preller, loc. cit.
[26] Corp. inscr. lat., I, 818.
[27] Tibulle, I, 10, 37.
[28] Lucrèce, VI, 764.
[29] Orelli, 8206.
[30] Corp. inscr. lat., I, 818, 819.
[31] Rénier, Inscr. de l’Algérie, 283.
[32] Corp. inscr. lat., II, 5052.
[33] Servius, Géorgiques, I, 277.
[34] Ribbeck, Tragic. fragm. incert. fab., 78.
[35] Marquardt, Rom. Altherth., V, 1, 355.
[36] Orelli, 1174.
[37] Phédon, p. 114.
[38] Phédon, p. 114.
[39] Gorgias, p. 527.
[40] Polybe, VI, 56.
[41] Plaute, Capt., V, 4, 1.
[42] Cicéron, Tusculanes, I, 10.
[43] Platon, République, X, p. 616.
[44] Lucrèce, III, 37.
[45] Lucrèce, III, 817.
[46] Lucrèce, III, 820.
[47] Salluste, Catilina, 61. Salluste, dans le discours qu’il a prêté à César, a reproduit les principaux arguments de son discours véritable. Ce qui prouve qu’il y parlait réellement de l’autre vie et qu’il disait à peu près ce que Salluste lui fait dire, c’est que Cicéron mentionne cette opinion et la réfute très mollement dans sa quatrième Catilinaire.
[48] Plutarque, Non posse suaviter vivi sec. Epic., p. 1103.
[49] Plutarque, Non posse suaviter, p. 1106.
[50] Lucrèce, III, 46.
[51] Cicéron, Tusculanes, I, 32.
[52] Les difficultés que présente la sixième livre sont très bien exposées par Conington (Virg. op., lib. VI, proœm.). Une des raisons qui font que l’Énéide, en l’état où nous l’avons, n’est pas toujours très claire, c’est la manière dont travaillait le poète. On a la preuve qu’il a repris les divers livres à différentes époques, y ajoutant des incidents nouveaux que son imagination ou les événements lui fournissaient, C’est ainsi que dans le sixième livre, le passage sur Auguste (790), où il est question de la défaite des Garamantes, n’a pu être composé que la dernière année de la vie de Virgile. Celle sur César et Pompée (827), qui contient un vers incomplet, n’a pas dû être lu devant Auguste. Il est probable aussi qu’il a été fait à part et provisoirement placé à un endroit où il ne convient guère. Ces remaniements, auxquels l’auteur n’a pu mettre la dernière main, ont dû ajouter à la confusion.
[53] Énéide, VI, 284.
[54] Servius (Énéide, VI, 130), dit : Inferos subire hoc dicit sacra celebrare Proserpinæ, ce qui fait croire qu’on assimilait la descente aux enfers à la célébration des mystères de Cérès. Il ne faudrait pas conclure, de la permission que Virgile demande aux dieux avant de dévoiler les secrets des enfers, qu’il soit question des mystères et du secret qu’on imposait aux initiés. Il parle des dieux comme Horace (Carmina, I, 9, 21) ; comme Pedo Albinovanus, dans son poème sur la navigation de Germanicus (Sénèque, Suasor.), il semble croire que l’audace de l’homme les irrite et les inquiète, qu’ils se méfient de sa curiosité, et qu’ils sont mécontents qu’il cherche à découvrir ce qu’ils ont caché à ses regards.
[55] Homère, Odyssée, XI, 13.
[56] Tite-Live, XXIV, 12.
[57] Lucrèce, VI, 740.
[58] Mommsen, Inscr. Neap., 8571.
[59] Énéide, VI, 127.
[60] Énéide, VI, 129.
[61] Platon semble y faire quelque allusion quand il dit : En donnant d’autres détails qu’il est superflu de rappeler, au sujet des enfants morts peu de temps après leur naissance. (République, X, p. 895.) Ces enfants sont précisément placés par Virgile dans cette région intermédiaire des enfers. Du reste il règne assez de confusion dans tout ce que le poète nous en raconte, et il ne nous dit pas si les rimes qu’il y place doivent y rester toujours. J’ai suivi les Interprétations les plus vraisemblables.
[62] Au moins pour ceux qui se pendaient (Servius, Énéide, XII, 603). Dans une inscription curieuse, un habitant de Sassina laisse par testament cent sépultures à ses concitoyens ; mais il excepte de ce bienfait ceux qui se sont pendus. (Orelli, 4404.)
[63] Les commentateurs trouvaient qu’en énumérant ces diverses catégories de criminels, Virgile semblait faire allusion à soit temps, et ils s’étonnaient qu’en face d’Auguste il osât aussi formellement condamner ceux qui prennent part à des guerres civiles ou qui attentent à la liberté de leur pays. Mais Auguste ne devait pas être choqué de cette sincérité. Horace ne se gène pas pour appeler la guerre civile un crime (Carmina, I, 2, 25), et pour dire que le triumvirat fut funeste à Ruine (ibid., II, 1, 3). Auguste lui-même faisait l’éloge de Caton et disait que celui qui défend l’ordre établi est un bon citoyen et un honnête homme (Macrobe, Saturnales, II, 4, 18).
[64] Plutarque, Non posse suaviter vivi sec. Epic., p. 1195.
[65] Cicéron, République, VI, 7 et Trusculanes, I, 20.
[66] S. Augustin, De civ. Dei, VII, 8.
[67] Cette doctrine se retrouve dira Cicéron (République, VI, 8) ; dans Horace (Satires, II, 2, 79) ; dans Pline l’ancien (II, 26).
[68] Énéide, VI, 693 : Quam metui ne quid Libyæ tibi regna nocerent !
[69] On a prétendu, pour tout arranger, que par un premier jugement des âmes, les très bonnes et les très méchantes étaient exemptes de toute purification et envoyées directement an Tartare ou dans l’Élysée. Mais à quoi sert, dans ce cas, ce séjour intermédiaire que Virgile a si longuement décrit ? D’ailleurs le poète fait très positivement entendre que tout le monde est soumis à quelque expiation (VI, 736 et 742).
[70] Conington, loc. cit. La passage où Virgile a essayé d’unir ensemble ces éléments différents (VI, 742-740) est précisément le plus obscur du sixième livre, celui qui a donné lieu aux interprétations les plus diverses. On ne peut donc pas dire qu’il éclaire beaucoup la question.
[71] Sénèque, Epist., 24, 18 ; Juvénal, II, 15.
[72] Histoires naturelles, VII, 55 (56).
[73] Tacite, Agricola, 46.
[74] Inscriptions de l’Algérie, 717.
[75] Orelli,
[76] Orelli, 4811.
[77] Orelli, 4807.
[78] Corp. inscr. lat., II, 1877.
[79] Orelli, 6674.
[80] Orelli, 7407.
[81] Orelli, 1197.
[82] Orelli, 2982.
[83] Voyez Friedlænder, Sittengeschichte Roms, III, p. 629.
[84] Renier, Inscr. de l’Algérie, 3804, 3981. Gruter, 376, 5. Orelli, 4662, etc.
[85] Suétone, Tibère, 75.
[86] Orelli, 7392. Mommsen, Inscr. Neap., 1804. — Corp. inscr. lat., III, 6884.
[87] Pline, Panégyrique de Trajan, 89.
[88] Renier, Inscriptions de l’Algérie, 3421.
[89] Orelli, 4737.
[90] Bulletin de l’Institut archéologique, 1864, p. 154.
[91] Renier, Inscriptions de d’Algérie, 782.
[92] Orelli, 7395. Renier, Inscr. de l’Algérie, 3712.
[93] Platon, République, I, p. 330.
[94] Cicéron, De divin., I, 30.
[95] Ce bas-relief a été étudié par Maffei dans son opuscule intitulé : La religion de gentili nel morire.
[96] Platon, Gorgias, p. 522.
[97] Plutarque, Non posse suav. vivi, p. 1105.
[98] Arnobe, Advers. gentes, II, 18, 33, 82. C’est peut-être à quelque cérémonie expiatoire, destinée à assurer le salut de l’âme, que fait allusion cette inscription de l’Algérie où on lit ces mots : Tertullius mosoleum instituti ære suo, et patris et matris sororum et nepotis redemissionem fecit (Renier, Inscr. de l’Algérie, I, 3741.)
[99] Homère, Odyssée, XI, 488. Voyez, sur toute cette question, Girard, Le sentiment religieux en Grèce, p. 301 et sq.
[100] Horace, Carmina, II, 3, 27.
[101] Énéide, VI, 719.
[102] Voyez, sur le rituel funéraire, un article de M. Maspero, Revue critique, 1872, n° 48.
[103] Cicéron, République, VI, 8.
[104] Cicéron, Tusculanes, I, 34.
[105] De sancto Spir., II, 6, 80.
[106] Bedulius (?), Carm. pasch., II, 801.
[107] Marini, Arvali, p. 627.