LES ORIGINES DU SÉNAT ROMAIN

PREMIÈRE PARTIE — La formation du Sénat patricien

CHAPITRE III. — LA DIVISION TERNAIRE A ROME. LA FORMATION DES CORPS SACERDOTAUX ET DU SÉNAT ET L’ADMISSION SUCCESSIVE DES TROIS TRIBUS.

 

 

I. — La constitution des trois tribus. Les tribuns.

Détournons nos regards des événements qui sont censés avoir amené le rapprochement des trois tribus, et essayons de considérer ces tribus en elles-mêmes, dans leurs rapports et dans leur constitution intérieure.

Ce qu’on en sait est peu de chose ; mais il n’y a rien qui témoigne d’un groupement successif ou d’une indépendance réciproque. Elles étaient placées chacune sous l’autorité d’un magistrat appelé tribun[1]. Malheureusement les textes qui le font connaître sont peu nombreux et encore moins explicites, de sorte qu’il n’est pas facile de définir la nature de ses pouvoirs et d’en établir l’origine. L’analogie avec les curions serait un guide insuffisant ou trompeur, car, d’une part, on n’a aucune donnée certaine sur le mode de nomination de ces dignitaires[2], et de l’autre ils nous apparaissent confinés dans des fonctions purement religieuses, tandis que les tribuns se présentent avec un caractère tout différent.

On s’est fondé sur la parenté incontestable de ces deux mots : tribunes, tribunal[3], pour voir dans les tribuns des juges dont les pouvoirs auraient été absorbés par les progrès de la centralisation, à une époque si reculée que le souvenir de cette révolution se serait perdu[4]. Mais il y a moyen, semble-t-il, d’expliquer ce rapport sans recourir à une conjecture aussi hasardée. Le mot tribunal, désignant le lieu élevé d’où le magistrat rend la justice[5], rappelle sans aucun doute une juridiction tribunitienne ; mais ce doit être celle des tribuns de la légion qui ont toujours rempli l’office de juges dans les camps[6] ; et si, des camps, ce mot a été transporté dans la vie civile, c’est une analogie qui étonnera à Rome moins que partout ailleurs. Dans ce sens, il est permis de dire que les premiers tribuns étaient des juges, car ils étaient avant tout des chefs militaires. C’est là, en effet, de tous leurs attributs le seul mentionné par les historiens. C’est le seul aussi qui soit demeuré inséparable de leur titre à travers les significations diverses qu’il a revêtues[7]. Varron remonte sans effort des tribuns légionnaires de son temps à ceux que les Reines, les Tities, les Luceres déléguaient au commandement de l’armée patricienne[8] ; et le même Varron fait dériver miles de mille, parce que la légion se composait de trois mille hommes, dont chaque tribu fournissait mille[9]. Mais faut-il conclure de ce double renseignement que les trois tribus figuraient dans la légion comme corps distincts ? Ce serait tenir peu de compte de ce que Varron nous apprend plus loin des centuries équestres[10]. On sait qu’elles empruntaient leurs noms aux trois tribus dont elles représentaient chacune le contingent ; mais c’étaient des corps de parade et des cadres de recrutement et non point des unités tactiques. Si loin que remontent nos recherches, ce n’est pas la centurie qui figure sur les champs de bataille ; mais la turme, ou escadron de trente cavaliers, dont dix Ramnes, dix Tities et dix Luceres. Varron fait venir de ce mode de formation le mot turme, d’un vieux mot latin terima, issu de ter[11], et cette étymologie, donnée aussi par Festus[12], n’est pas la moins plausible de toutes celles que l’on rencontre dans les auteurs anciens. Le même principe qui dominait l’organisation de la cavalerie ne pouvait manquer d’être appliqué à l’infanterie légionnaire. C’est celui qui a toujours prévalu à Rome et qui peut se formuler en ces termes : Chaque corps de l’armée est une réduction de l’Etat tout entier et comme un miroir où se reflète dans son intégrité l’image de la patrie[13]. Ainsi les tribuns, bien que représentant chacun une tribu, n’étaient pourtant pas placés à la tête de l’effectif de cette tribu ; mais ils avaient mission de le lever, de l’instruire, de le conduire sous les drapeaux. En un mot, ils exerçaient tour à tour des fonctions plus tard disjointes celles des tribuns légionnaires et des curatores tribuum[14] ; car c’est de cette manière seulement, et en confondant ces deux idées dans leur personne, qu’on se rend compte de l’aspect double et en quelque sorte contradictoire sous lequel ils s’offrent à notre étude ne commandant qu’à une partie du peuple en temps de paix, et en temps de guerre à des corps de troupes où toutes les parties du peuple figuraient. Et peut-être n’est-ce pas assez dire, s’il est vrai que dès lors ils se succédaient régulièrement dans le commandement en chef, sous les ordres suprêmes du roi[15].

Comment s’est faite la transition entre ce tribunat et le tribunat légionnaire des temps historiques ? Il est probable que les tribuns restèrent trois dans chaque légion jusqu’au règne de Tarquin l’Ancien, où ils furent portés à six par une conséquence du dédoublement général qui se produisit sous ce règne dans tous les corps patriciens[16]. C’est ce même nombre qui, maintenu durant des siècles, demeura, aux yeux des Romains, comme un dernier reste et comme une preuve vivante des liens qui avaient uni la légion primitive à là triple cité de Romulus. Mais dès avant Tarquin, depuis que cette légion unique se fut renforcée de plusieurs autres[17], les tribuns, devenus plus nombreux, cessèrent d’être les magistrats suprêmes des trois tribus ; et quand même ils auraient continué d’en être tirés par nombre égal, quand même ils auraient encore associé à leurs fonctions militaires les fonctions civiles, qui en étaient pour ainsi dire le complément, ce système n’aurait pu en tout cas se prolonger au delà de la création des tribus serviennes et de leur substitution aux tribus génétiques comme base d’opération administrative. A partir de ce moment, du moins, les tribuns légionnaires ne furent plus que des officiers nommés librement par le roi ou le consul, et tout à fait indépendants des anciennes divisions de la cité et même des nouvelles.

A leur côté, cependant, et sous une forme de plus en plus amoindrie, le tribunat de la vieille Rome subsistait. M. Mommsen a démontré que le tribunus celerum, dont il est plusieurs fois question sous les rois, n’est autre qu’un des trois tribuns mis à la tête des trois centuries équestres et celui des trois que l’alternance du commandement avait mis temporairement à la tête de la cavalerie entière[18]. Mais il n’a pas vu que la coexistence de deux tribuns dans la même tribu, l’un pour la cavalerie, l’autre pour l’infanterie, est inadmissible à l’origine. En effet, c’est un magistrat unique que Denys[19], d’accord avec Pomponius[20], prépose sous le nom de tribun à chacune des trois tribus, et ces trois magistrats sont très certainement identiques aux trois chefs militaires dont parle Varron[21]. Mais quand le développement des institutions les eut dépouillés du commandement de la légion proprement dite, ils gardèrent celui de la cavalerie, où les trois tribus se survivaient à elles-mêmes au milieu modes ruines de la cité patricienne[22]. Ce refuge même leur manqua après la chute de la royauté. Alors, pour des raisons qui nous échappent, la charge exercée alternativement par les tribuni celerum fut attribuée au magister equitum quand il y avait un dictateur, ou, autrement, à celui des deux consuls, qui, pour le moment, cédait à son collègue le commandement en chef[23], et ainsi, les anciens tribuns, expulsés peu à peu de toutes les fonctions actives, réduits, comme les curions, à un vain sacerdoce[24], et plus oubliés que ceux-ci, parce que les tribus étaient plus oubliées que les curies, ne durent plus qu’au respect des Romains pour les débris de leur passé de ne pas périr tout entiers. Ce n’est pas sans surprise qu’on les trouve encore mentionnés sous Auguste, dans le calendrier prénestin, à propos d’une fête à laquelle ils assistaient avec les pontifes[25].

La division par tribus n’était pas plus apparente aux comices qu’à l’armée. Ce n’est pas parce que l’on disait les comices curiates et non les tributes. L’assemblée centuriate, ainsi appelée parce qu’on y votait par centuries, n’en était pas moins l’assemblée des classes, car c’étaient les votes collectifs des classes, formés des votes des centuries comprises dans chacune d’elles, que l’on proclamait successivement. Mais rien de semblable ne se passait dans les comices curiates, s’il est permis d’en juger par les indices suivants. On voit, par les lois données aux municipes de Salpensa et Malaga, que les curies y votaient simultanément et que leurs votes étaient proclamés dans un ordre fixé par le sort[26]. Or ou n’ignore pas que les municipes reproduisaient assez fidèlement l’image de Rome patricienne. D’ailleurs il y a un texte de Tite-Live qui confirme cette induction[27]. Rappelant une décision des comices curiates en 444 u. c. = 310, il signale cette particularité : Faucia curia fuit principium. Ce qui veut dire : la curie Faucia fut désignée par le sort pour être nommée la première dans la proclamation des votes[28]. Les citoyens, en votant par curies, ne votaient donc nullement par tribus, et c’est là sans doute la raison pour laquelle les curies ont conservé un reste de vie, quand depuis longtemps les tribus ne représentaient plus qu’une curiosité archéologique. Car les tribus n’étaient plus rien, une fois l’action administrative transportée dans les circonscriptions de Servius, tandis que l’assemblée curiate continua d’être et resta toujours, au moins pour la forme, un des rouages essentiels de la constitution[29].

Les faits que l’on a pu relever, loin d’évoquer le souvenir d’un antagonisme quelconque entre les trois tribus, les montrent, dès le début, fondues l’une dans l’autre à l’état de nationalité une et compacte. Toutefois, il y a une réflexion à laquelle ou ne peut se soustraire. S’il était de règle, chez les Romains, de .mêler sous les drapeaux les contingents des divers territoires, de manière à rendre plus sensible et plus présente l’idée supérieure de la patrie, de manière aussi à répartir plus équitablement le lourd fardeau des charges militaires, il ne semble pas que la même règle ait prévalu dans la composition des assemblées politiques. Il est vrai que les tribus locales ne tiennent aucune place dans l’assemblée centuriate ; mais c’est que tout était combiné dans cette assemblée pour assurer la prépondérance à la richesse. En revanche, elles étaient à la base des comices tributes, elles, et non pas leurs subdivisions, vici ou pagi, disposées par le sort dans un ordre toujours variable, de telle sorte qu’il devînt impossible à la tribu de ressaisir et de ramener à l’unité les éléments épars de sa personnalité morale. C’est là un système propre aux comices curiates et qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Faut-il donc y voir, non l’application d’un principe abstrait de gouvernement, mais une mesure prise, à l’origine de la cité, pour hâter les progrès d’une assimilation imparfaite ? On peut proposer cette explication ; mais ce n’est qu’une conjecture à laquelle il est aisé d’en substituer d’autres également vraisemblables. Par exemple, on peut dire que la différence que l’on observe entre la constitution des comices curiates et celle des comices tributes tient à la formation tumultuaire et extralégale de ces derniers. Quand les plébéiens, au lendemain de la révolution de 260 u. c. = 494, après la retraite sur le mont Sacré, se donnèrent ulve organisation indépendante de la cité patricienne, ils trouvèrent dans les vingt et une tribus des cadres tout prêts et les mieux appropriés pour fonder une assemblée à l’usage exclusif de leur caste. Mais ils ne soumirent pas cette assemblée au principe qui régissait les comices patriciens. Ils ne se préoccupèrent pas de faire ressortir le caractère national du suffrage au détriment des influences locales. Ce souci ne pouvait venir qu’à l’Etat, et l’assemblée tribute s’était fondée en dehors de l’Etat.

 

II. — La formation des corps sacerdotaux. - Les vestales. – Les augures. - Les pontifes.

L’histoire des trois tribus n’est pas épuisée après qu’on les a considérées en elles-mêmes. Il faut encore les étudier dans les corps religieux et politiques où elles sont représentées, et dont la constitution offre un rapport exact avec celle de la cité. Ce n’est donc pas s’éloigner de l’objet de ce travail que de rechercher comment ces corps se sont formés. Mais ici la question se complique, car on ne peut douter qu’ils ne se soient formés successivement.

Les vestales, desservant l’autel où les Romains adoraient le symbole de la patrie, méritent de fixer d’abord l’attention. Denys et Plutarque conviennent qu’elles étaient primitivement au nombre de quatre, et que plus tard seulement ce nombre fut élevé à six[30]. Ils rapportent cette augmentation, le premier à Tarquin l’Ancien, l’autre à Servius, et leur témoignage est complété par un texte de Festus[31], d’où il résulte que le nombre six fut établi pour que chacune des parties du peuple romain eût une prêtresse chargée de son culte. Car la cité romaine est partagée en six parties, qui sont les premiers et les seconds Ramnes, Titienses et Luceres. En d’autres termes, les trois tribus étaient divisées chacune en deux, depuis la création d’un patriciat nouveau sous les derniers rois. Mais, s’il en est ainsi, le nombre des vestales a été porté à cette époque, non de quatre à six, mais de trois à six. C’est une erreur commune à tous les historiens anciens, et qu’on verra se répéter plus d’une fois, de n’avoir pas vu quand et pourquoi s’est opéré dans l’ensemble des corps patriciens le passage du nombre trois à son multiple. Heureusement, elle est facile à rectifier ici. Les vestales, qui n’étaient pas plus de trois avant Tarquin et Servius, ont été deux à une date encore plus reculée, et c’est l’institution de la troisième qui a été confondue avec la mesure prise par l’un ou l’autre de ces rois, comme une conséquence du dédoublement général de la cité. En effet, il est inadmissible que les vestales aient échappé plus que les autres corps patriciens aux conséquences de ce grand fait, et, d’autre part, il faut bien qu’il y ait un fond de vérité dans la tradition qui veut que, pendant un temps, leur nombre n’ait pas correspondu à celui des tribus. Il le faut d’autant mieux que la même tradition se retrouve dans les souvenirs du collège des pontifes et dans ceux du collège des augures.

Ce n’est pas sans peine que l’on arrive à débrouiller les données contradictoires transmises sur les accroissements de ces deux collèges. D’après Cicéron, Numa, qui institua les pontifes, en créa cinq[32]. D’après Tite-Live, ils n’étaient pas plus de quatre avant la loi Ogulnia, en 454 U. c. = 300[33]. Pour M. Bouché-Leclercq[34], qui admet sans restriction le témoignage de Tite-Live, tout le problème consiste à le concilier avec celui de Cicéron, et ainsi l’on se trouve amené à choisir entre deux hypothèses : ou Tite-Live ne compte pas le grand pontife comme faisant partie du collège, ou Cicéron y introduit le roi, qui, bien que placé en dehors et au-dessus, y exerçait tous les droits du souverain pontificat. La première solution étant inacceptable, c’est la seconde qui l’emporte ; de telle sorte que le collège pontifical, appelé après la chute de la royauté à tirer son président de son propre sein, n’aurait pas cessé, en réalité, d’être composé de quatre membres depuis sa fondation par le pieux roi Numa, jusqu’à l’entreprise révolutionnaire des tribuns Q. et Cn. Ogulnius. Mais le témoignage de Tite-Live vaut-il qu’on s’y tienne si étroitement ? Quand il signale, pour la même année, le nombre de quatre augures répondant à celui des quatre pontifes, ce nombre lui paraît tellement contraire à la règle qu’il n’hésite pas à l’expliquer par des circonstances accidentelles. Si les augures n’étaient pas en ce moment plus de quatre, ce ne pouvait être que par la mort de deux collègues[35], le nombre trois ou un nombre divisible par trois étant de rigueur pour que chaque tribu fait représentée également. La supposition, il est vrai, ne concerne que les augures ; mais les pontifes, que l’on rencontre au nombre de trois dans les colonies[36], n’étaient pas moins soumis que les augures au principe de la représentation des tribus. On allègue l’infériorité relative des Luceres. Mais, cette infériorité une fois reconnue, on se demandera encore comment il se fait que la troisième tribu ait été exclue du collège des pontifes à une époque où elle figurait dans tous les autres corps religieux ou politiques. Et c’est en plein cinquième siècle que l’idée serait venue de rétablir l’équilibre dans cette portion de la cité patricienne ! Et, pour comble d’invraisemblance, cette réparation posthume serait l’oeuvre des mêmes mains qui venaient de pratiquer de si larges brèches dans les vieux sacerdoces ! Ici nous touchons à une deuxième inexactitude contenue dans le texte de Tite-Live et qui achève d’en ruiner l’autorité. Tite-Live rapporte que la loi Ogulnia éleva le nombre des pontifes de quatre à huit. Or, il résulte des recherches de M. Bardt que, dès 536 u. c. = 218, le collège avait atteint un effectif de neuf membres[37]. Cette année 536 u. c. = 220 succède à celle où se ferme la grande lacune ouverte dans l’ouvrage de Tite-Live en 461 u. c. = 293, après le dixième livre. Il faut donc, si l’historien a dit vrai, qu’il y ait eu dans l’intervalle une loi nouvelle complétant, par l’addition d’un neuvième membre, les dispositions de la première. Mais c’est là une hypothèse qui paraît tout à fait dénuée de fondement[38]. Dans ces conditions, il y a apparence que Tite-Live s’est trompé. Et s’il s’est trompé sur un point, il a pu se tromper sur l’autre. S’il tonnait mal la constitution du collège après la loi Ogulnia, il peut la connaître mal avant. Il y a plus : la première erreur permet de mieux reconnaître la seconde ; car s’il est vrai que depuis la loi Ogulnia la constitution du collège est toujours restée en rapport avec les grandes divisions de la cité patricienne[39], il est absolument incroyable que ce rapport n’ait pas existé auparavant, alors qu’il avait sa raison d’être. Il ne l’est pas moins qu’il ait été dû à l’initiative de réformateurs plébéiens. La conclusion sera que les pontifes, comme les augures, étaient au nombre de six avant que la loi Ogulnia les eût portés à neuf, et très probablement ce nombre leur avait été imposé à la même époque et pour les mêmes motifs qu’aux vestales dont on sait les liens intimes avec leur collège.

Reste le texte de Cicéron, que l’on peut examiner en lui-même uns s’efforcer de le mettre d’accord avec Tite-Live rectifié, car le règne de Numa ne représente pas seulement une période beaucoup plus ancienne que celui de Servius ou de Tarquin. il ouvre l’histoire religieuse de Rome, comme celui de Romulus son histoire politique. Mais le problème ne change pas. Il s’agit toujours de savoir si le nombre cinq a été obtenu en comptant le roi en plus ou en moins ; en d’autres termes, si le collège, tel qu’il avait été composé par Numa, comprenait cinq membres en ajoutant le roi au nombre quatre, ou en le retranchant du nombre six. On a vu que la situation mal définie des rois-pontifes autorisait également l’une et l’autre combinaison. M. Mommsen se prononce pour la deuxième[40]. Il raisonne d’après un autre texte de Cicéron, voisin du premier, où l’auteur de la République admet aussi, sous Numa, un collège augural de cinq membres[41]. On sait, par le passage de Tite-Live relatif à la loi Ogulnia, que les augures étaient au nombre de six. Il faut donc entendre Cicéron comme si, dans sa pensée, le roi devait s’ajouter aux cinq augures, et ce calcul doit se reproduire une ligne plus bas, dans la même phrase, en parlant des pontifes. Ainsi Numa créa cinq pontifes, sans compter le roi, qui fut remplacé plus tard par un sixième collègue. Tel est le raisonnement de M. Mommsen. Tout ce qui précède en montre la faiblesse. En effet, de ce qu’il y avait six augures et six pontifes sous la république, il ne s’ensuit nullement qu’il y en ait eu autant sous la royauté, et à plus forte raison aux origines même de Rome. On a donc toute liberté pour préférer la première hypothèse, rendue infiniment plus vraisemblable par l’analogie des vestales. Pour les pontifes et les augures, comme pour les vestales, le nombre quatre a précédé le nombre six, ou plutôt le nombre deux a précédé le nombre trois, qui fut doublé par Tarquin ou Servius. Car c’est là, ainsi qu’on a essayé de le prouver, la marche la plus conforme au développement général des institutions, la seule aussi qui permette de se retrouver dans le dédale des textes. Par exemple, quand Cicéron attribue à Romulus l’institution de trois augures[42], sauf à faire augmenter le collège de deux membres par Numa[43], on démêle clairement, à la lumière de cette interprétation, le mélange de vérités et d’erreurs d’où cette assertion est sortie. Cicéron a compris que les augures, représentant chacun une tribu, devaient avoir été au nombre de trois ; et comme il voit dans les trois tribus une fondation de Romulus, il ne peut faire autrement que de rapporter au même roi la création des trois augures. Pourtant il n’ignore pas que le nombre des augures n’a pas été toujours en rapport avec celui des tribus. Il sait qu’il y a eu un temps où il répondait à deux au lieu de répondre à trois. C’est un fait trop formellement affirmé par la tradition pour qu’il puisse se dispenser d’en tenir compte. Mais il perd sa valeur pour lui comme pour les autres historiens, tous également ignorants ou, pour mieux dire, oublieux des circonstances qui avaient fait attribuer aux trois tribus dans l’ensemble des corps patriciens une représentation double. C’est ainsi qu’il est conduit à faire augmenter le collège d’un membre par Numa, de manière à obtenir ce chiffre quatre, transition nécessaire pour passer au chiffre six. Et ce qui achève de l’égarer, c’est une fausse analogie avec les pontifes ; car, s’il est légitime de compter le roi en sus des quatre membres du collège pontifical, on ne saurait de même l’introduire dans le collège des augures, qui n’a jamais eu de chef et où sa présence peut être traitée, à bon droit, de superfétation[44].

Ce n’est donc pas du premier coup que les trois corps religieux dont on vient de retracer l’histoire sont arrivés à une expression adéquate de la triple cité du patriciat. Ils ont traversé d’abord et en même temps une période où ils semblent n’avoir représenté que deux tribus. Peut-être même n’est-il pas impossible d’entrevoir une phase antérieure où ils n’en auraient représenté qu’une. Plutarque raconte que Numa commença par créer deux vestales auxquelles il en ajouta deux autres ; ce qui voudrait dire, en supprimant la dualité, qu’il y en a eu d’abord une, puis deux[45]. D’un autre côté, si l’on prend à la lettre le passage où Tite-Live rappelle l’institution du pontificat, on en conclura que les fonctions pontificales ont été, à l’origine, exercées par un seul homme[46]. Toutefois, mieux vaut ne pas attacher tant d’importance à. des textes dont le premier manque d’autorité, et dont le second peut aisément comporter une interprétation plus large[47]. Mais la tradition qu’on y croit lire, en caractères fugitifs et douteux, se retrouve ailleurs avec une évidence irrécusable. Il y a un corps patricien dont l’histoire remonte assez haut pour qu’on y puisse constater la présence d’une tribu à l’exclusion des deux autres. C’est le plus grand de tous, le Sénat, auquel, après ce long détour, il est temps d’arriver.

 

III. — La formation du Sénat.

La formation du Sénat des trois cents a été présentée par les historiens avec des variantes dont le tableau, souvent reproduit[48], doit l’être ici, une fois de plus, pour l’intelligence des observations qui suivront.

Suivant Tite-Live, Romulus créa cent sénateurs[49]. Ce nombre était encore le même pondant l’interrègne qui suivit la mort du premier roi de Rome[50]. L’entrée des Sabins dans la cité ne fut donc pas l’occasion d’un accroissement du Sénat. Mais Tullus Hostilius augmenta le Sénat à la suite de l’annexion des Albains[51]. Bien que Tite-Live ne donne point le nombre de ces nouveaux membres, il est clair que, dans son esprit, ce nombre est de cent. En effet, Tarquin l’Ancien augmenta encore le Sénat de cent membres, qui furent les sénateurs des familles nouvelles (patres minorum gentium)[52], et quand, plus tard, Brutus combla les vides faits dans l’assemblée par la cruauté du dernier roi, ce fut pour la reporter à son effectif normal de trois cents membres[53]. Le nombre trois cents était donc celui que le Sénat avait atteint après l’introduction des cent sénateurs de Tarquin. Il comptait donc auparavant deux cents membres, et, puisque Romulus en avait créé cent, la deuxième centaine avait dû être formée par les sénateurs albains de la création de Tullus Hostilius. Denys ne diffère de Tite-Live que sur un point. L’élévation du nombre des sénateurs de cent à deux cents est due à l’introduction des Sabins dans la cité[54]. Mais aucun Albain n’entre dans le Sénat[55].

Cicéron, qui ne fait pas oeuvre d’historien et qui est dispensé d’entrer dans le détail, ramène la question à des éléments plus simples. Il ne signale que deux moments dans la formation du Sénat. Institué par Romulus[56], il est doublé par Tarquin l’Ancien qui y fait entrer les sénateurs des familles nouvelles[57]. Il n’y a pas de chiffres dans ces deux textes, mais le calcul de Cicéron se laisse entrevoir facilement. Le Sénat compte trois cents membres après Tarquin l’Ancien, car partout il arrive à ce nombre, qui est définitif, après l’introduction des familles nouvelles. Tarquin l’Ancien avait donc trouvé le Sénat composé de cent cinquante membres, avant d’y ajouter cent cinquante autres. Quant à la formation du Sénat de cent cinquante membres, Cicéron laisse entendre qu’il s’était recruté des Romains de Romulus et des Sabins de Tatius[58]. Or, il y a un système, adopté par Plutarque[59] et rapporté par Denys[60], d’après lequel Romulus aurait ajouté à ses cent sénateurs cinquante Sabins. C’est le même que suit Cicéron.

Pour être complet, il faut mentionner encore l’opinion de Tacite qui attribue la création des sénateurs des familles nouvelles à Brutus[61]. Plutarque se contredit. Tandis que dans la vie de Numa[62], il suit la version de Cicéron, dans la vie de Romulus, il se conforme à celle de Denys[63]. Quant aux autres écrivains qui ont touché cette question, leur témoignage n’a pas la même valeur, et d’ailleurs ils se rattachent tous plus ou moins à un des systèmes qu’on vient d’exposer[64].

Si l’on compare ces systèmes entre eux, on ne tarde pas à remarquer certains points fixes au milieu des diversités de détail. Le Sénat, composé originairement de cent membres, a été augmenté à deux reprises pour arriver à l’effectif de trois cents. Tous les historiens sont d’accord là-dessus. Mais ils cessent de l’être dès qu’il s’agit de mesurer l’importance et de fixer la date de ces deux augmentations successives. S’ils sont unanimes pour reporter la seconde à l’élévation des familles nouvelles, ils attribuent cette élévation les uns à Tarquin l’Ancien, les autres aux deux premiers consuls Valerius et Brutus. Ils ne diffèrent pas moins sur le nombre des sénateurs ainsi introduits dans la curie, les uns l’évaluant à cent, les autres à cent cinquante. Pour le premier accroissement, ils le font remonter tantôt à l’annexion des Sabins, tantôt à celle des Albains, et tantôt ce sont cinquante nouveaux sénateurs, tantôt cent qui viennent s’ajouter aux anciens.

M. Belot a montré que ces divergences ne sont point dues au caprice. Les hommes qui se sont proposé de décrire le développement des institutions sous les rois se sont trouvés en présence d’une conclusion donnée d’avance et de certaines traditions qu’il ne leur était pas permis d’écarter, bien qu’elles ne parussent s’accorder ni entre elles ni avec cette conclusion même dont elles étaient les éléments nécessaires et, pour ainsi dire, les facteurs. Dans ces conditions, chacun a construit son système à sa guise, n’ayant d’autre souci que d’aboutir, au moyen de combinaisons diverses, mais équivalentes, à un but commun[65].

La tradition du double accroissement du Sénat est la première à considérer, car elle domine toutes les autres et les ordonne sous une même pensée. Et plus les historiens ont pris de peine pour y conformer la suite de leur récit, mieux ils en établissent l’autorité.

Ils racontaient tous que Rome naissante s’était agrandie d’abord par l’annexion des Sabins, puis par celle des Albains. Quoi de plus simple que de faire coïncider avec ces deux accroissements de la ville les deux accroissements du Sénat ? Mais si le Sénat avait été augmenté pour la dernière fois sous Tarquin, il n’y avait plus de place antérieurement que pour une première augmentation, et, entre les Sabins et les Albains, il fallait choisir. Aussi Tite-Live, qui admet les seconds, n’a-t-il pu faire autrement que d’exclure, contre toute vraisemblance, les premiers. Denys procède en sens inverse, non sans éprouver quelques scrupules. Tullus Hostilius promet aux Albains de les recevoir dans le Sénat, mais en vain[66]. La raison d’arithmétique est la plus forte.

Ce n’est pas tout, et le problème réduit à ces termes est loin d’apparaître dans sa complexité. La tradition du double accroissement du Sénat ne le présente que sous un de ses aspects. Pour l’embrasser tout entier, il faut placer les accroissements du corps sénatorial à côté de ceux du corps équestre.

 

IV. — La formation des centuries équestres. - Du rapport établi par les historiens anciens entre la formation du Sénat et celle des centuries[67]. - L’entrée successive des trois tribus dans les corps sacerdotaux et le Sénat.

Sur ces derniers, les seuls textes sont ceux de Tite-Live et de Cicéron. Denys n’avait ni une connaissance assez exacte ni surtout un sens assez profond des choses romaines pour saisir l’importance du développement de la chevalerie. Il mentionne la création des trois premières centuries par Romulus[68]. Mais pour ne voir dans celles-ci qu’une garde du roi, il est amené à imaginer une cavalerie distincte dont il n’évalue pas la force à moins de mille chevaux[69]. Il est vrai qu’il compte à la mort de Romulus quarante-six mille fantassins[70]. Il n’est pas surprenant qu’avec ce point de départ l’histoire des centuries lui échappe.

On ne saurait demander à Plutarque un système dont la nécessité ne s’imposait pas à son histoire fragmentaire. Constatons seulement qu’il rapporte à l’introduction des Sabins le premier accroissement des centuries[71] que Tite-Live recule jusqu’à celle des Albains.

Quand Romulus, dit Tite-Live, se fut réconcilié avec Tatius, il partagea le peuple en trente curies, et, en même temps, il leva trois centuries de cavaliers : les Ramnenses, les Titienses, les Luceres[72]. Plus loin : Quand Tullus Hostilius eut fait entrer les Albains dans la cité, il créa dix turmes de cavaliers choisis parmi les nouveaux venus[73]. On a vu que la turme était un escadron de trente hommes. Il y eut donc trois cents nouveaux cavaliers qui, ajoutés aux trois cents de Romulus, formèrent un total de six cents. L’effectif de chacune des centuries avait été doublé et porté de cent à deux cents.

Il le fut une seconde fois sous Tarquin l’Ancien. Tarquin ne changea rien à l’organisation des centuries, mais il doubla le nombre des chevaliers, de façon que dans les trois il y en eût douze cents. Il conserva le nom de Ramnes, de Tities, de Luceres aux nouveaux incorporés, en y ajoutant seulement la qualification de derniers (posteriores). Ces trois centuries sont les mêmes que l’on appelle aujourd’hui les six centuries, parce que, depuis, elles ont été scindées[74].

Ce calcul est aussi celui de Cicéron[75]. Tarquin essaie en vain de changer les cadres mêmes de la chevalerie. Il doit se contenter d’ajouter un deuxième corps à chacun des corps anciens. L’effectif des trois centuries ou des six demi-centuries, devenues avec le temps des centuries distinctes, est ainsi porté à douze cents chevaliers, quatre cents par centurie, dont deux cents posteriores et deux cents priores.

Il saute aux yeux que les historiens se sont imposé de maintenir un rapport constant entre les progrès du Sénat et ceux des centuries. Plutarque, qui fait doubler une première fois les centuries après l’introduction des Sabins, fait en même temps doubler le Sénat. Tite-Live, au contraire, qui ne fait doubler le nombre des sénateurs de Romulus qu’après l’introduction des Albains, attend ce même événement pour faire doubler le nombre des chevaliers. Le même roi qui, dans Tite-Live et Cicéron ajoute aux sénateurs des anciennes familles (patres majorum gentium) ceux des familles nouvelles (patres minorum gentium), ajoute aux chevaliers priores les chevaliers posteriores.

Enfin Cicéron, qui ne dit pas comment s’est formé ce Sénat de cent cinquante membres qu’il fait doubler par Tarquin l’Ancien, n’est pas plus explicite sur la manière dont s’est formé le corps de six cents chevaliers qu’il fait doubler par le même Tarquin. Mais ici il est à remarquer que Tite-Live n’a pas, comme Cicéron, augmenté le Sénat et les centuries dans les mêmes proportions. Tandis que la première fois il a porté les sénateurs et les chevaliers de chaque centurie de cent à deux cents, la seconde, il porte ceux-ci de deux cents à quatre cents, et ceux-là seulement de deux cents à trois cents. La centurie est augmentée de la moitié et le Sénat du tiers.

C’est que la centurie, ayant été portée de cent cavaliers à quatre cents, a pu être deux fois multipliée par elle-même, tandis que cette opération est impossible pour le Sénat. Il devait lui aussi partir du nombre initial cent. Un curieux passage de Denys montre combien cette condition était rigoureuse. Il était difficile à Denys de s’y astreindre, du moment où il admettait, dès le début, avec la coexistence des trois tribus, leur représentation égale dans le Sénat. Il le fallait pourtant. C’est alors qu’il imagine la combinaison’ suivante. Chacune des trois tribus nomme trois sénateurs, ce qui en fait neuf. Chacune des trente curies en nomme autant ce qui fait un total de quatre-vingt-dix-neuf. Le centième est à la nomination du roi[76]. On cherche la raison de cette opération compliquée. Elle n’en a d’autre que l’embarras de l’historien en face d’un problème dont les termes s’excluent. Mais si le Sénat partait, comme la centurie, du nombre cent, il ne devait arriver qu’à un effectif de trois cents, et par conséquent la loi de progression ne pouvait être la même pour les deux corps. Il était facile à Cicéron, qui ne mentionnait que le deuxième accroissement, de maintenir ce rapport, mais il n’aurait pu s’empêcher d’y être infidèle, s’il avait mentionné le premier. Il n’échappe pas à la difficulté par son silence ; il la déplace. La preuve, c’est qu’il retombe, malgré lui, dans le calcul reproduit par Plutarque. Il ne peut recevoir que cinquante Sabins. Mais ce que Plutarque énonce maladroitement, Cicéron, plus discret, le sous-entend.

Ce n’est pas au hasard qu’il procède ainsi. Le deuxième accroissement de la centurie ayant abouti à un partage égal entre l’ancienne et la nouvelle noblesse, il fallait que le deuxième accroissement du Sénat eût amené dans ce corps une distribution semblable. Mais pour cela le Sénat devait avoir atteint un total de cent cinquante membres avant d’être augmenté par Tarquin. C’est la combinaison à laquelle s’est rangé Cicéron, désireux, avant tout, de mettre en pleine lumière ce fait capital. Tite-Live, qui ne l’ignore pas plus que lui, est réduit pourtant à le reculer jusqu’à la chute de la royauté, quand les cent sénateurs créés par Tarquin l’Ancien durent être renforcés par suite des vides opérés dans l’ancien patriciat[77]. Mais si les sénateurs de la promotion de Valerius et Brutus doivent être en effet classés dans la noblesse nouvelle, ils n’ont point été, comme paraît le croire Tacite[78], cette noblesse tout entière. Ils lui ont apporté du renfort, mais elle existait avant eux, et avant eux elle avait pris possession de la moitié des sièges sénatoriaux. Leur élévation, en un mot, n’eut pas pour résultat d’établir l’équilibre entre les gentes majores et les minores, mais au contraire de le rompre au profit de ces dernières.

Telles sont les contradictions au milieu desquelles se débattent les historiens, toutes les fois qu’ils prétendent faire tenir les parties de leur système. Mais ce n’est plus assez, après M. Belot, de les relever ni même d’en démêler le principe. Il faut essayer un pas de plus et porter, s’il y a moyen, un peu d’ordre et de lumière dans ce chaos. L’histoire n’est pas un lit de Procuste où les faits soient à la torture. Quand ils paraissent se combattre, la faute n’en est pas à eux, mais aux hommes qui ne sont pas arrivés à les posséder dans leur entier ou qui n’ont pas su les mettre à leur place. Il s’agit de savoir, dans le cas présent, ce qui en est et si, avec les données fournies par les anciens, il faut désespérer d’approcher plus qu’eux de la vérité.

C’est ici que reparaît l’erreur capitale déjà signalée plus haut et dont les conséquences ne sont pas encore épuisées. La création d’une nouvelle noblesse sous les derniers rois avec le dédoublement des trois tribus qui en fut la suite est le grand fait de l’histoire du patriciat. Mais si ce fait a marqué d’une empreinte ineffaçable toutes les institutions remontant à l’époque où il s’est produit, le vaste ensemble des témoignages par où il se révèle est resté lettre close pour les historiens incapables de les coordonner et de les comprendre. Ainsi les mêmes indices qui auraient dd éclairer leur marche n’ont servi qu’à les égarer, et, la confusion redoublant à mesure qu’ils avançaient, une première méprise sur les accroissements des corps sacerdotaux en a engendré une autre sur ceux du Sénat. L’enchaînement est visible. Ils s’étaient persuadé que le nombre des vestales, des augures, des pontifes ayant été élevé de quatre à six par Tarquin, s’était trouvé alors pour la première fois en rapport avec la triplé division de la cité. Dès lors ils devaient penser que le même règne avait coïncidé avec l’achèvement du sénat des trois cents. Mais comment n’ont-ils pas vu que la création des gentes minores ne pouvait avoir amené ce résultat ? Car enfin, si elles étaient identiques aux seconds Ramnes, Tities et Luceres, les premiers devaient figurer avant elles dans tous les corps patriciens où cette noblesse récente venait à la suite de l’ancienne[79]. Les trois tribus étaient donc représentées dans le Sénat avant Tarquin, et elles l’étaient par trois cents sénateurs. Car on ne peut oublier qu’il faut partir du nombre cent, et, d’autre part, rien ne permet d’attribuer à une des trois tribus une représentation supérieure à celle des deux autres.

Ce raisonnement conduit plus loin. Si le Sénat ne comptait pas moins de trois cents membres avant l’introduction des patres minorum gentium, et si, comme on n’en peut douter, il n’en compta pas davantage après, il faut se faire de cette mesure une idée différente de celle qu’en donnent les historiens. Elle n’a pas été prise pour augmenter l’effectif du Sénat, mais simplement pour reporter au chiffre normal cet effectif amoindri. Par là, on est mis sur la voie d’une vérité, dont la démonstration viendra plus loin, mais à laquelle il est difficile d’échapper dès à présent. C’est que la décadence du patriciat, au lieu de commencer après la chute de la royauté, s’est fait sentir bien plus tôt, et que la création des- gentes minores n’a eu d’autre objet que de l’enrayer. Par là aussi on s’explique une singularité, dont il serait impossible de se rendre compte autrement. Il est clair en effet que le dédoublement des tribus n’a pas ou les mêmes conséquences pour le Sénat et les corps sacerdotaux, sans quoi le nombre des sénateurs aurait été porté de trois cents à six cents, comme celui des vestales, des augures, des pontifes l’a été de trois à six. La cause en est que les gentes minores n’ont fait que prendre la place des majores disparues. Elles ont fait, il est vrai, dédoubler les cadres patriciens, mais ce n’était qu’un moyen de marquer la distinction entre les deux noblesses et de maintenir la primauté à l’ancienne. Et ainsi les six tribus de Tarquin n’ont pu manquer d’avoir chacune leur représentant dans les corps sacerdotaux ; mais, comme elles ne comptaient pas un nombre de gentes supérieur à celui des trois tribus primitives dont elles étaient issues, elles n’ont pu apporter aucun changement à l’effectif du Sénat. Car on verra que le Sénat n’était autre chose, à l’origine, que la représentation des gentes[80].

C’est donc antérieurement à Tarquin qu’il faut placer les deux augmentations du Sénat et, cette rectification admise, plusieurs des difficultés qui avaient arrêté la marche des historiens se trouvent aplanies. Sans doute il importe assez peu qu’ils soient libres maintenant de rapporter la première augmentation à l’annexion des Sabins et la seconde à celle des Albains sans être obligés de sacrifier tantôt les uns, tantôt les autres à des nécessités numériques. Le premier au moins de ces deux événements a un caractère trop fabuleux pour que cette symétrie ne soit pas au fond indifférente. Ce qui importe davantage, c’est que rien ne les empêche plus de fixer à cent le nombre des sénateurs introduits chaque fois dans la curie. Quand Cicéron l’évaluait pour la première fois à cinquante, c’était, on se le rappelle, afin d’avoir avant Tarquin un Sénat de cent cinquante membres, c’est-à-dire arrivé à la moitié de son effectif total. De cette manière il pouvait composer l’autre moitié des sénateurs des gentes minores, et les deux patriciats se partageaient en même temps et par portions égales le corps sénatorial et le corps équestre, ainsi que l’exigeait la logique de la constitution. Mais ce calcul devient superflu du moment où l’on reconnaît que le Sénat, ayant atteint depuis longtemps l’effectif de trois cents membres et ayant vu cet effectif réduit de moitié, avait dû recevoir cent cinquante sénateurs pour réparer ses pertes. Et il n’y a pas lieu non plus de recourir au détour par lequel Tite-Live s’efforce plus ou moins adroitement d’obtenir en fin de compte le même résultat que Cicéron. Les faits rétablis dans leur simplicité dispensent de ces artifices.

Si les familles nouvelles n’ont été introduites dans le Sénat que pour combler les vides laissés par les anciennes, il semble que leur présence dans les centuries doive s’expliquer par le même motif. Dans ce cas, la formation de la chevalerie aurait été achevée avant Tarquin comme celle du Sénat. Mais cette conclusion ne s’impose pas avec la même rigueur que la précédente, car les prémisses dont elle dépend peuvent être à bon droit contestées.

De quelque manière qu’on dispose l’histoire parallèle du corps sénatorial et du corps équestre, ce parallélisme ne pourra être observé jusqu’au bout. Les chiffres en démontreront toujours l’impossibilité. Mais si de plus la réflexion en établit l’invraisemblance, que pensera-t-on d’un système qui ne s’appuie ni sur les faits ni sur le raisonnement et qui se trouve en conflit avec tous deux ? L’autorité des anciens n’empêchera pas de reconnaître la nouvelle erreur où cette fois l’exagération d’une idée juste les a fait tomber.

Dans toute l’antiquité, le service à cheval, étant à la fois le plus brillant et le plus onéreux, constituait le privilège et la charge de la classe la plus noble et la plus riche[81]. Les Romains ne pouvaient ignorer un fait plus apparent chez eux que partout ailleurs. La singulière fortune de leur corps équestre, devenu un des grands ordres de l’Etat, ne cessait de le leur remettre sous les yeux, à travers toutes leurs transformations sociales. Aussi n’est-il pas étonnant que leurs historiens aient marqué fortement le rapport entre le Sénat et les centuries[82]. Mais de ce que le Sénat et les centuries se recrutaient dans la même catégorie de citoyens, il ne s’ensuit nullement qu’ils aient dû être augmentés simultanément et dans les mêmes proportions.

On a dit à l’instant, en anticipant sur les résultats de recherches ultérieures, que le Sénat était à l’origine la représentation des gentes. En d’autres termes, le chef seul de la gens était admis à siéger dans le Sénat et il y siégeait de droit. Au contraire, tous les gentiles patriciens avaient le même droit à entrer dans les centuries, mais ils n’y entraient que par choix. En effet, bien qu’ils ne fussent pas aussi nombreux qu’on le prétend d’ordinaire[83], ils l’étaient toujours plus que les patres ou sénateurs, de telle sorte que la proportion moyenne de quatre à un reste certainement au-dessous de la réalité. Or c’est là précisément la proportion des chevaliers et des sénateurs à l’époque où les centuries et le Sénat ont atteint le maximum de leur effectif. Ainsi, tandis que tous les patres étaient mis en réquisition pour le Sénat, il s’en fallait que tous les gentiles le fussent pour les centuries. Ils restaient pour une bonne part dans la légion ou ils servaient à pied, formant un fonds toujours disponible pour grossir au besoin les cadres de la cavalerie[84]. C’est assez dire que l’on pouvait augmenter le nombre des chevaliers sans augmenter nécessairement celui des sénateurs et que pour une place de sénateur dans une gens, il n’y avait pas un nombre fixe de places de chevaliers. Si l’on ajoute à ces observations que l’effectif d’un corps militaire est soumis à de tout autres nécessités que celui d’une assemblée politique, on ne dira pas seulement que les accroissements successifs du Sénat et de la chevalerie ont pu être indépendants les uns des autres on pensera que très probablement ils l’ont été.

Quand donc on cherche à se rendre compte des effets produits par la création des seconds Ramnes, Tities et Luceres sur l’organisation de la chevalerie, on peut, à la vérité, se représenter les centuries composées de douze cents cavaliers comme le Sénat de trois cents sénateurs, puis, comme le Sénat, réduites de moitié par l’extinction de beaucoup de familles patriciennes, et enfin reconstituées sur l’ancien pied par la promotion des chevaliers posteriores, comme le Sénat par celle des patres minorum gentium. Mais rien non plus ne s’oppose à ce qu’on accepte sur ce point la version des anciens en attribuant à Tarquin un dernier accroissement des centuries sans pourtant le faire coïncider avec un accroissement du Sénat. Dans cette hypothèse qui paraît la plus raisonnable, le Sénat des trois cents aurait correspondu à un corps de six cents chevaliers et ce rapport se serait maintenu, lors même que les gentes, et par conséquent les sénateurs, auraient été réduits à cent cinquante, car cent cinquante gentes étaient toujours en mesure de fournir six cents chevaliers, soit quatre en moyenne par gens. Les cent cinquante gentes nouvelles étaient donc destinées à .renforcer le Sénat, non les centuries. Mais il était difficile de ne pas leur faire, dans les centuries, une part équivalente aux anciennes, et d’autre part, on ne pouvait mêler leur contingent au premier, sans effacer la ligne de démarcation tracée partout ailleurs entre les deux patriciats. C’est ainsi que Tarquin pour avoir ramené le Sénat à son effectif fut conduit à doubler celui des centuries. La réforme politique entraîna une réforme militaire, rendue d’ailleurs urgente par les progrès accomplis dans l’art de la guerre[85].

Ce ne sont pas les chiffres seulement qui empêchent de soumettre à une loi commune le développement du Sénat et de la chevalerie. Il y a une autre raison qui tient à la constitution des deux corps sénatorial et équestre, telle qu’elle se présente au début de leur histoire. Mais ici il faut revenir à la question dont nous sommes parti et à laquelle il est temps d’apporter une réponse. La Rome des Ramnes, des Tities, des Luceres a-t-elle existé dès le principe ou s’est-elle formée par le rapprochement successif et fortuit des trois tribus ?

Reportons nos regards sur le chemin parcouru et rappelons en peu de mots les résultats acquis à la suite de cette longue enquête. On est forcé de convenir qu’ils sont loin d’être décisifs. L’histoire générale nous a appris que la division par trois, au lieu d’être exclusive à Rome, se retrouve, sous une forme ou une autre, chez beaucoup de peuples anciens, y compris ceux de l’Italie. II résulte de là que, à Rome pas plus qu’ailleurs, elle ne peut être l’effet du hasard. Au contraire, partout où elle se rencontre, elle doit procéder d’une même idée dont la puissance est aussi éclatante que la source en est mystérieuse. Cette conclusion n’est point atteinte par l’histoire de Titus Tatius et de ses Sabins. Cette histoire, on l’a vu, n’est qu’une fable qui ne tient pas devant la critique. Rien non plus ne vient l’infirmer dans ce que l’on peut savoir ou deviner des rapports des tribus entre elles, car, si haut que l’on remonte, on n’y découvre rien qui témoigne d’une assimilation imparfaite. Les tribus, qu’on ne voit figurer isolément ni dans la vise civile, ni dans la vie militaire, ni au forum, ni sur le champ de bataille, qui mêlent leurs contingents dans la légion et leurs votes dans les comices, se présentent à nous, dès l’origine, comme de simples divisions topographiques, instituées en vue des opérations administratives, au sein d’une nationalité toute formée. Mais le point de vue change brusquement quand on passe aux corps sacerdotaux où elles sont représentées, et dont la constitution offre un rapport exact avec la triple division de la cité. Si, en effet, ce rapport n’a pas existé au début, n’en devra-t-on pas dire autant du système dont il est l’expression ? Or, une tradition qui s’impose avec une force irrésistible, veut que les vestales, les augures, les pontifes aient commencé par être deux avant d’être trois, comme si Rome elle-même avait connu un temps où elle ne comptait que deux tribus. L’histoire du Sénat, arrivé à l’effectif de trois cents sénateurs après une période de formation où il en a successivement compté cent, puis deux cents, est plus significative encore. Elle pénètre jusqu’à une époque où, sur les trois groupes qui ont constitué la cité, un seul apparaît. Ainsi l’on est conduit à une conclusion en opposition directe avec celle qui précède, et toutes ces recherches ne paraissent avoir abouti, en fin de compte, qu’à enrichir d’une contradiction de plus le problème déjà si complexe et si obscur des origines romaines.

Si tel devait être le terme de nos efforts, il faudrait s’y résigner de bonne foi. L’histoire n’est pas tenue de résoudre toutes les difficultés. Elle se doit seulement de n’en dissimuler aucune. C’est à ce prix que les investigations, même infructueuses, pourront ne pas être perdues pour les progrès à venir. On n’essaiera donc pas de faire tomber l’obstacle en sacrifiant l’un des éléments de la question ; mais, puisqu’ils sont tous les deux une partie de la vérité, on peut se demander s’il n’y a pas un moyen de les concilier dans notre pensée, comme il faut bien qu’ils se concilient dans la réalité ?

Ce qui ressort en définitive des faits qui viennent d’être établis, ce n’est pas la formation successive de la cité, mais celle des corps les plus élevés dans l’ordre religieux et politique. Ainsi l’on n’est pas autorisé à dire que les trois tribus n’ont pas coexisté dès la naissance de la cité, mais simplement qu’elles n’ont pas joui dans la cité naissante des mêmes droits. Il y aurait eu de l’une à l’autre une sorte de hiérarchie qui serait allée s’effaçant, au profit de la seconde d’abord, puis de la troisième. Cette hypothèse, qui n’est pas absolument nouvelle, puisqu’elle se rapproche de la théorie bien connue sur l’infériorité des Luceres, s’impose à l’esprit, encore qu’elle ne puisse invoquer aucune preuve directe. Il faut pourtant signaler un point auquel on n’a pas fait assez attention. Les historiens, unanimes pour composer le Sénat primitif de cent membres, qui ne peuvent être que les représentants de la première des trois tribus, ne sont pas moins d’accord pour attribuer au fondateur de Rome l’institution simultanée des trois centuries des Ramnes, des Tities et des Luceres. Il est donc certain qu’il y avait eu un temps où les trois tribus, tout en participant également aux charges militaires, ne figuraient pas également dans le Sénat. La même observation porte le dernier coup au système du parallélisme dans l’histoire du corps sénatorial et du corps équestre. Si ce système était vrai, ce ne seraient pas les trois centuries, issues des trois tribus, qui auraient été créées à l’origine ; ce serait la centurie des Ramnes, correspondant au Sénat de cent membres, et comptant, non pas cent chevaliers, mais quatre cents. Puis, à mesure que le Sénat se renforçait de cent Tities et de cent Luceres, on aurait procédé à la création des deux centuries du même nom, en les organisant sur le même pied que la première ; et, ainsi, les corps sénatorial et équestre seraient arrivés ensemble et par trois étapes au chiffre de trois cents sénateurs et de douze cents chevaliers. L’histoire des centuries serait donc à refaire sur un tout autre plan, si l’on voulait maintenir entre leurs accroissements et ceux du Sénat le rapport rigoureux vainement imaginé par les anciens.

 

 

 



[1] Denys, II, 7. Plut., Romul., 20. Dig., I, II, 2, 20.

[2] Willems, Droit public, p. 36, n. 2. — Cf. Marquardt, Staatsverw., III, p. 189.

[3] Cf. Vulcanus, Vulcanal, Quirinus, Quirinal.

[4] Genz, Das patricische Rom., p. 103, 101.

[5] Mommsen, Staatsr., I, p. 383, 384.

[6] Dig., XLIX, XVI, 12, 2. Polyb., VI, 37. T. L., XXVIII, 24 : tribunos jura reddere in principiis sinebant. In principiis, c’est-à-dire le long de la via principalis où leurs toutes étaient disposées en face de leurs légions respectives. Il ne s’agit pas du tribunal près du prétoire, où ne prenaient place que le général en chef, le consul, le préteur. Ce tribunal lui-même ne s’appelle ainsi que par analogie.

[7] Il va sans dire qu’il faut excepter les tribuns de la plèbe.

[8] L. L., V, 81 : Tribuni militum, quod terni tribubus Ramnium, Titium, Lucerum, olim ad exercitum mittebantur.

[9] Ibid., 89.

[10] Ibid., 91.

[11] Ibid., L. L.

[12] P. 355.

[13] Mommsen, Röm. Trib., p. 132. Bolet, Cheval. rom., I, p. 153.

[14] Mommsen, ibid., p. 20-30.

[15] Mommsen, Staaatsr., II, p. 169.

[16] Ibid., p. 177.

[17] Marquardt, Staatsverw., II, p. 312.

[18] Staater., II, p. 169. Hist. rom., trad. Alex., 1, p. 102, n. 2. — Cf. Marquardt, Staatsverw., II, p. 312, n. 2. Genz, Das patricische Rom, p. 104, 106. Madvig, Die Verfassung und Verwattung des römischen Staates, I, p. 157.

[19] II, 7.

[20] Dig., I, II, 2, 20.

[21] L. L., V, 81.

[22] V. 1er partie, ch. IV. — On peut remarquer que, dans le premier livre de Tite-Live, il n’est pas question des trois tribus qui ne sont mentionnées qu’incidemment au dixième (c. 6). Les Ramnes, les Tities, les Luceres, ne sont nommés dans ce premier livre qu’à propos des centuries équestres (c. 13), tant il est vrai que les tribus n’existaient plus que dans ces centuries.

[23] Mommsen, Staatsr., l. c., et I, p. 49.

[24] Fastes de Préneste, C. I. L., I, p. 315. Cf. Denys, II, 64.

[25] C. I. L., l. c. — Qui sait pourtant s’ils n’ont pas été rappelés à la vie par Auguste, conformément au plan de restauration religieuse qu’il s’était tracé ?

[26] Lex. Malacit., 57, C. I. L., II, p. 256. V. Willems, Droit public, p. 50.

[27] IX, 38.

[28] Cf. la tribus principium. Willems, Droit public, p. 170.

[29] Pour la promulgation de la loi De imperio.

[30] Denys, II, 67 ; III, 67. Plut., Numa, 10.

[31] P. 344.

[32] De Rep., II, 14.

[33] X, 6.

[34] Les pontifes de l’ancienne Rome, p. 8-11. Cf. Hist. de la divination. IV, p. 264.

[35] La mort de ces deux membres et la nécessité de les remplacer pourraient bien avoir fourni aux auteurs de la loi l’occasion qu’ils cherchaient.

[36] V. Les colonis Julia genetiva, 67. Ephem. epigr., vol. III, p. 93.

[37] Die Priester der vier grossen Collegien, Berlin, 1871, p. 33.

[38] Elle est rejetée par MM. Willems (Droit public, p. 312), Marquardt (Staatsrerw., III, p. 233) et Mommsen (Staatsr., II, p 21, n. t). Pourtant, ce dernier ne regarde pas comme absolument impossible que la loi Ogulnia ait été complétée lorsqu’on attribua à dix-sept tribus, sur les trente-cinq, l’élection du grand pontife.

[39] Sylla éleva le nombre des pontifes à quinze, et il en lit autant pour celui des augures (T. L., Epit. 89). Cette coïncidence est remarquable. Elle fait croire que ces deux collèges suivaient un développement parallèle, et ainsi elle apporte une présomption de plus en faveur de la thèse que nous soutenons.

[40] Staastr., II, p. 20, n. 7.

[41] De Rep., II, 14.

[42] Ibid., 9.

[43] Ibid., 14.

[44] V. Bouché-Leclercq, article Augures, Dictionn. de Daremberg et Saglio. — Quand Cicéron dit de Romulus qu’il créa les augures pour l’aider à prendre les auspices, il définit parfaitement le rôle de ce collège, qui était purement consultatif ; mais c’est précisément pour cela que le roi n’en faisait point partie. S’il attribue l’institution des augures à Romulus, et celle des pontifes à Numa, c’est que la science augurale était plus ancienne que Rome, à la fondation de laquelle elle avait présidé. Au contraire, le collège pontifical était une institution spéciale à Rome et purement politique. Il était donc naturel que l’idée en vint plus tard.

[45] Numa, 10.

[46] I, 20.

[47] V. Bouché- Leclercq, Les pontifes de l’ancienne Rome, p. 7.

[48] Belot, Cheval. rom., I, p. 117-123. Willems, Sénat, I, p. 19-21, etc.

[49] I, 8.

[50] 17.

[51] 30.

[52] 35.

[53] II, 1.

[54] II, 47. — Cf. II, 12 ; III, 67 ; V, 13.

[55] Denys parle de sénateurs nommés par Servius ; mais il s’agit simplement d’en remplacer qui sont décédés (IV, 42).

[56] De Rep., II, 8.

[57] 20.

[58] 8 : Cum Tatio in regium consilium delegerat principes.

[59] Numa, 2.

[60] II, 47.

[61] Ann., XI, 25.

[62] L. c.

[63] 13, 20.

[64] V. Willems, l. c., et Becker, Alterth., II, 1, p. 341-346.

[65] Cheval. rom., I, p. 109 et 117. — V. p. 95-124.

[66] III, 29.

[67] V. Belot, Cheval. rom., I, p. 95-110.

[68] II, 13.

[69] 16.

[70] Ibid.

[71] Rom., 20.

[72] I, 13.

[73] 30.

[74] T. L., I, 36. — Sur le texte mille ac ducenti, V. Belot, Cheval. rom., I, p. 385-386.

[75] De Rep., II, 20.

[76] II, 12.

[77] II, 1. — Cf. I, 49. — Cf. Denys, V, 13. Plut., Publ., 11. Festus, p. 254.

[78] Ann., XI, 25.

[79] Cic., De Rep., II, 20.

[80] V. 1re partie, ch. V.

[81] V. Fustel, Cité antique, I, IV, c. 10.

[82] Denys va jusqu’à montrer les trois cents premiers chevaliers élus par les tribus comme les cent premiers sénateurs et par le même procédé, II, 13.

[83] V. 1re partie, ch. V.

[84] Tite-Live cite un patricien, L. Tarquinius, qui servait à pied (III, 27). Il dit, il est vrai, que c’était parce qu’il n’avait pas le cens équestre. Tarquinius fut le maître de la cavalerie de Cincinnatus. II fallait que sa pauvreté fit pendant à celle du dictateur. V. Belot, Cheval. rom., II, p. 75.

[85] T. L., I, 36 : Equitem maxime suis deesse viribus ratus.