HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME DIXIÈME

LIVRE ONZIÈME

 

CHAPITRE CINQUIÈME. — EFFORT CONTRE LA TERREUR

 

 

Développement de la Terreur. — Parti de la Terreur. — Les Robes- Pierristes. — Les Dantonistes. — Ces deux derniers partis unis, d abord, contre le premier. — Système de la Justice. — Système de la Clémence. — Danton à la barre des Jacobins. — Robespierre prend sa défense. — Camille Desmoulins publie le premier numéro du Vieux Cordelier. — Dans le deuxième, il attaque les Hébertistes. — Ces deux premiers numéros montrés à Robespierre avant la publication. — Epuration de Clootz ; son interrogatoire ; accusations injustes et absurdes dirigées par Robespierre contre lui. —Camille devant les Jacobins. — Robespierre le protège. — Troisième numéro du Vieux Cordelier. — Portée funeste des éloquentes hyperboles de Camille Desmoulins. — Opposition au Comité de salut public dans l’Assemblée. — Renouvellement des pouvoirs du Comité. — Propositions importantes de Robespierre repoussées. — Décret de la Convention ordonnant l'arrestation de Ronsin et de Vincent ; véritable signification de ce décret. — Robespierre fait décréter un Comité de justice, chargé de rechercher les personnes injustement arrêtées. — La politique de la modération compromise par Philippeaux et Camille Desmoulins. — Attaques injustes et assertions erronées de Philippeaux. — Protestations éloquentes et inconsidérées de Camille Desmoulins ; il demande l’institution d’un Comité de clémence', comme quoi le quatrième numéro du Vieux Cordelier semblait tendre à désarmer la Révolution. — Immense parti que les Hébertistes tirent de cette imprudence de Camille. — Son invocation à Robespierre, autre faute. — Bravade des Cordeliers. — Retour de Collot-d’Herbois à Paris ; le géant a paru ; joie des Hébertistes ; fête funéraire de Chalier. — Collot-d’Herbois souffle ses fureurs aux Jacobins. — Il attaque Camille. — Dénonciation barbare de Nicolas. — Collot-d'Herbois annonce aux Jacobins le suicide de Gaillard ; serment terrible. — Sortie violente de Levasseur contre Philippeaux. — Philippeaux, abandonne par Danton, est défendu par Robespierre. — Le parti des Hébertistes triomphant. — Situation difficile faite à Robespierre par Camille Desmoulins. — Il trace la route de la Révolution entre le système qui tend à la désarmer et celui qui tend à la rendre odieuse- — La majorité des Comités contre lui. — Billaud-Varenne fait annuler le Comité de justice.

 

Nous avons déjà décrit le mécanisme du gouvernement révolutionnaire[1]. Le décret qui le constitua d’une manière définitive fut rendu le 4 décembre (14 frimaire), sur un Rapport présenté le 18 novembre (28 brumaire) par Billaud-Varenne, Rapport écrit dans un style âpre et sec, mais attestant une rare vigueur d’esprit et un génie organisateur. Dicté par les exigences du moment, ce grand travail fondait, à côté d’institutions passagères, des choses durables. La belle création du Bulletin des Lois date de là[2].

Le règne de la Terreur se développait : rien qui ne l’annonçât. Le 5 frimaire (25 novembre), la Convention décréta que l’ombre de Mirabeau serait chassée comme indigne du Panthéon, où, pour la remplacer, celle de Marat ferait son entrée. On a vu avec quelle rapidité sinistre Bailly, Barnave, Duport-du-Tertre, Rabaud-Saint-Étienne, Girey-Dupré, s’étaient succédé sur l’échafaud. Les prisons de Paris s’ouvraient chaque jour à des conspirateurs nouveaux ou à de nouvelles victimes. La loi de Merlin de Douai sur les suspects était un glaive dont chacun apercevait la pointe à quelques lignes de son cœur. Encore, si le parti des Terroristes n’avait eu à son avant-garde que des hommes de la trempe d'Hébert ! Mais Ronsin joignait à une âme féroce beaucoup d’intrépidité et d'audace ; Vincent était redoutable comme l’est un fou furieux ; Collot-d’Herbois et Fouché apportaient dans l’accomplissement de leur mission sanglante, l’un toute la puissance du fanatisme, l’autre celle d’un esprit froid et profond ; le terrorisme de Billaud-Varenne s’appuyait sur une conviction d’airain ; et, pour comble, le pouvoir de Ces hommes avait ses racines partout : dans l'état-major de l’armée révolutionnaire, dans les bureaux de la guerre, a la Commune, dans le Comité de salut public, au premier rang des proconsulats.

Pour faire contre-poids à un tel parti, dont la publique ivresse augmentait la force, ce n’était, certes, pas trop de Robespierre appuyé sur Saint-Just et Couthon. Ils n’entendaient pas, toutefois, que la Révolution poussât la haine des excès jusqu’à une mollesse qui l’eût hissée désarmée en présence de tant d ennemis acharnés a sa ruine. Ils la voulaient calme, juste, indulgente même ù l’égard de ceux qui n’étaient qu'égarés ; mais, aussi longtemps que la bataille durerait, et à l’égard des chefs de faction, ils la voulaient vigilante et ferme.

Là fut la ligne de démarcation entre eux et les Dantonistes.

Ceux-ci, dans un accès de généreuse révolte où se mêla un sentiment de lassitude, passèrent subitement d’une extrémité à l’autre, entraînés qu’ils furent : Danton par sa nature facile, le peu de fixité de ses principes oison penchant à être magnanime ; Philippeaux par les emportements d’une âme honnête et sincère, devenue la Proie d’une haine aveugle, et Camille Desmoulins par la bonté de son cœur, unie à une légèreté d’enfant.

Un mot résumait alors l’Hébertisme : c’était Terreur. Les Robespierristes lui opposèrent le mot Justice, et les Dantonistes le mot Clémence. Toute la lutte que nous allons décrire est dans ces quelques lignes.

La CLÉMENCE ! quelle déesse plus digne du culte des mortels pouvait-on invoquer ! Ah ! c’eût été, sans nul doute, la grande et vraie politique que celle de la générosité..., si l’on s’était trouvé alors au lendemain d’une victoire définitive ; si l’Europe n’avait pas été là, toujours là, cherchant à étouffer la France dans une dernière étreinte ; si la Révolution avait pu attendre quelque quartier de ceux qui, en ce moment même, combattaient leur pays, à Toulon, dans les rangs des Anglais[3], ou qui, sous Charette, continuaient d’ensanglanter la Vendée. Mais fallait-il fléchir, quand l’ennemi redoublait s es coups ? fermer les yeux sur les complots intérieurs, quand tout le sol de la France était miné ? Après le 9 thermidor on se hâta de dire que l’ère de la Clémence commençait, ce qui commença, ce fut l’ère de la Terreur blanche !

Voilà ce que Robespierre comprenait.

La protection généreuse accordée par lui aux soixante- treize signataires de la protestation girondine ; ses efforts pour arracher Nantes aux fureurs de Carrier ; sa guerre à Tallien et à Fréron, à cause de l’oppression qu’ils faisaient peser sur le Midi ; Strasbourg délivré par Saint- Just de la tyrannie sanguinaire de Schneider ; la politique modérée de Couthon à Lyon, si différente de celle de Collot-d’Herbois et de Fouché ; enfin, le caractère d’humanité et de douceur qui marqua la mission de Robespierre jeune à Besançon et à Vesoul, tout cela dit assez que le parti robespierriste tendait à mettre fin au régime de la Terreur. On avait entendu Robespierre s’écrier, dans le laisser-aller des épanchements intimes : Quoi ! toujours du sang ![4] Exclamation qui répond au sentiment exprimé dans la correspondance privée entre son frère et lui[5], et qui est d’accord avec ces remarquables paroles de Saint-Just dans son Rapport du 8 juillet 1794 : La liberté ne sera point terrible à ceux qu’elle a désarmés. Proscrivez ceux qui nous ont fuis pour prendre les armes, leur fuite atteste le peu de rigueur de leur détention. Proscrivez-les, non pour ce qu’ils ont dd, mais pour ce qu’ils ont fait. Jugez les autres, et pardonnez au plus grand nombre. L’erreur ne doit pas être confondue avec le crime. Il est temps que le peuple espère enfin d’heureux jours, et que la liberté soit autre chose que la fureur de parti... Fasse le ciel que nous ayons vu les derniers orages de la Liberté ! Les hommes libres sont nés pour la justice. On profite peu à troubler la terre[6].

Mais, en désarmant la Terreur, il fallait prendre garde il ne pas désarmer du même coup la Révolution. Ce fut l'écueil où les Dantonistes allèrent se briser, non de parti pris et tout d’abord, mais par suite d’un conflit de passions et d’un enchaînement de fatalités dont ta récit est plein de larmes.

Ô souvenir navrant ! Ces mêmes hommes, qu’au mois d’avril 1794 l’échafaud séparera pour jamais, mariaient, en novembre et décembre 1793, parfaitement Unis. A la suite de Robespierre, mais non moins vivement que lui, Danton avait flétri les mascarades conseillées par le Père Duchêne[7] ; de même que Robespierre, il s’était écrié : Si nous n’avons pas honoré le prêtre de l’erreur et du fanatisme, nous ne voulons pas davantage honorer le prêtre de l’incrédulité[8]. Et tout en rappelant qu’Henri IV, après avoir terrassé la Ligue, disait a un des chefs vaincus, en le faisant suer : Je ne veux pas d’autre vengeance de vous, il avait reconnu que le temps n’était pas venu encore où le peuple pourrait se montrer clément[9].

Robespierre et Danton marchaient donc dans la même voie, lorsque le 15 frimaire (5 décembre) le tour vint, pour Danton, d’être soumis au régime d’épuration adopte par les Jacobins, et sa position fut celle d’un accuse. Danton accusé ! Quelle nouveauté effrayante ! Était-il vrai qu’il eût exprimé l’opinion qu’il fallait se relâcher de la rigueur que les circonstances commandaient ? C’est ce dont Coupé (de l’Oise) l’accusa. Il s’en défendit. Puis, comme des rumeurs s’étaient fait entendre au moment où il se levait pour répondre : Ai-je donc perdu, s’écrie-l-il avec véhémence, ces traits qui caractérisent la figure d’un homme libre ? Ne suis-je plus ce même homme qui s’est trouvé à vos côtés dans les moments de crise ? Ne suis-je pas celui que vous avez souvent embrassé comme votre frère, et qui doit mourir avec vous ? Ne suis-je pas l’homme qui a été accablé de persécutions ? J’ai été un des plus intrépides défenseurs de Marat, j’évoquerai l’ombre de l’ami du peuple pour ma justification. Vous serez étonnés, quand je vous ferai connaître ma conduite privée, de voir que la fortune colossale que mes ennemis et les vôtres m’ont prêtée se réduit à la petite portion de bien que j’ai toujours eue. Je défie les malveillants de fournir contre moi la preuve d aucun crime. Tous leurs efforts ne pourront m’ébranler. Je veux rester debout avec le peuple. Vous me jugerez en sa présence ; je ne déchirerai pas plus la page de mon histoire que vous ne déchirerez les pages de la vôtre, qui doivent immortaliser les fastes de la liberté[10].

Les applaudissements éclatent. Fier et indigné, il demande qu’une commission soit chargée de l’examen des accusations dirigées contre lui, afin qu’il y puisse répondre en présence du peuple.

Aussitôt Robespierre paraît à la tribune, et somme les accusateurs de Danton de préciser leurs griefs. Personne n’élevant la voix : Eh bien ! reprend-il, je vais le faire. Alors, rappelant les calomnies dont on avait poursuivi Canton, et se tournant vers lui : Danton, poursuit-il avec une animation croissante, ne sais-tu pas que plus On homme a de courage et de patriotisme, plus les ennemis de la chose publique s’attachent à sa perte ? Ne saisit pas, et ne savez-vous pas tous, citoyens, que cette méthode est infaillible ? Qui sont les calomniateurs ? Des hommes qui paraissent exempts de vices et n’ont jamais montré aucune vertu. Eh ! si le défenseur de la liberté n’était pas calomnié, ce serait une preuve que nous n’aurions plus ni prêtres ni nobles à combattre. Les ennemis de la patrie m’accablent de louanges exclusivement ; mais je les répudie. Croit-on qu’à côté de ces éloges que l’on retrace dans certaines feuilles, je ne vois pas le couteau avec lequel on a voulu égorger la patrie ; dès l’origine de ta Révolution, j’appris à me méfier de tous les masques. Il cause des patriotes est une, comme celle de la tyrannie : ils sont tous solidaires. Je me trompe peut-être sur Danton ; mais, vu dans sa famille, il ne mérite que des éloges. Sous les rapports politiques, je l’ai observé ; une différence d’opinion entre lui et moi me le faisait épier avec soin, quelquefois avec colère ; et, s’il n'a pas toujours été de mon avis, conclurai-je de là qu’il trahissait la patrie ? Non ; je la lui ai toujours vu servir avec zèle. Danton veut qu’on le juge, il a raison ; qu’on me juge aussi. Qu'ils se présentent, ces hommes qui sont plus patriotes que nous ![11]...

Pour avoir une idée de l’impression produite par cette généreuse éloquence, par ces accents qui ne pouvaient s’échapper que d’un cœur ému, il faut voir ce qu’en a dit Camille Desmoulins dans le premier numéro de son Vieux Cordelier, qu’il écrivit le lendemain même, sous le coup de sa propre émotion :

La victoire nous est restée, parce qu’au milieu de tant de ruines de réputations colossales de civisme, celle de Robespierre est debout ; parce qu’il a donné la main à son émule de patriotisme, noire président perpétuel des anciens Cordeliers, notre Horatius Coclès qui, seul, avait soutenu sur le pont tout l’effort de Lafayette et de ses quatre mille Parisiens assiégeant Marat, et qui semblait maintenant terrassé par le parti de l’étranger. Déjà, fort du terrain gagné pendant la maladie et l’absence de Danton, ce parti, dominateur insolent dans la Société, au milieu des endroits les plus touchants, les plus convaincants de sa justification, dans les tribunes, huait, et, dans le sein de l’Assemblée, secouait la tête et souriait de pitié, comme au discours d’un homme condamné par tous les suffrages. Nous avons vaincu cependant, parce qu’après le discours foudroyant de Robespierre, dont il semble que le talent grandisse avec les dangers de la République, et l’impression profonde qu’il avait laissée dans les âmes, il était impossible d’oser élever la voix contre Danton, sans donner, pour ainsi dire, une quittance publique des guinées de Pitt. Robespierre... dans tous les autres dangers dont tu as délivré la République, tu avais des compagnons de gloire ; hier, tu l’as sauvée seul[12].

 

Dans ce premier numéro du Vieux Cordelier, qui parut 15 frimaire (5 décembre), et qui commençait par l'apostrophe ironique si connue : Ô Pitt ! je rends hommage à ton génie ! Camille Desmoulins se bornait à glorifier la liberté de la presse et à annoncer sa rentrée dans la carrière haletante du journalisme ; dans le deuxième numéro, qu’il lança le 20 frimaire (10 décembre), il attaqua les Hébertistes en ces termes : Le jacobin Gracchus proposait-il le repeuplement et le partage de deux ou trois villages, le ci-devant feuillant Drusus proposait d’en partager douze. Gracchus mettait-il le pain à seize sous, Drusus mettait à huit le maximum. Ce qui lui réussit si bien, que, dans peu, le Forum trouvant que Gracchus n’était plus à la hauteur, et que c’était Drusus qui allait au pas, se refroidit pour son véritable défenseur, qui, une fois dépopularisé, fut assommé d’un coup de chaise Par l’aristocrate Scipion Nasica, dans la première insurrection morale[13]. Plus loin, Camille Desmoulins se serrait du souvenir de Marat lui-même pour écraser les exagérateurs de Marat : Au delà de ce que Marat propose, Il ne peut y avoir que délire et extravagances ; au delà de ses motions, il faut écrire comme les géographes de l’antiquité, à l’extrémité de leurs cartes : Là, il n’y a plus de cités, plus d’habitations ; il n’y a que des déserts et des sauvages, des glaces ou des volcans[14]. Passant ensuite aux saturnales dont l’Hébertisme avait fait le culte de la raison, outragée par de tels hommages, Camille Desmoulins les flétrissait dans un style étincelant. Les prêtres, il les montrait d’un doigt moqueur. La superstition, il la dénonçait, sous ses formes historiques les plus célèbres et les plus grotesques, en riant de ce rire terrible dont, seul avec Voltaire, il connut le secret. Mais qu’en donnant le néant pour corollaire à la mort on retirât à l’esprit humain malade l’oreiller de l’espérance ; mais qu’on oubliât ce que l’idée d’un Dieu rémunérateur peut prêter de force à la liberté, et qu’aux Thermopyles Léonida exhortait ses trois cents Spartiates en leur promettant le brouet noir, la salade et le fromage chez Pluton, apud inferos cœnaturi[15], voilà où l’ardent pamphlétaire trouvait matière contre Chaumette, contre Clootz surtout, à des attaques d’une cruauté sans excuse.

Robespierre, à qui les deux premiers numéros du Vieux Cordelier furent montrés avant leur publication[16], put s’y retrouver tout entier. Or ce fut sept jours après l’apparition de ces pages inhumaines que le pauvre Clootz eut à affronter, aux Jacobins, la grande épreuve de l’épuration. Voici comment il a rendu compte de son interrogatoire, dans son Appel au genre humain :

D. Ton nom ?

R. Anacharsis Clootz.

D. Le lieu de la naissance ?

R. Clèves, département futur de Rhin et Meuse. Ceci pour ma naissance physique ; quant à mon berceau moral, c’est l’université de Paris, où je suis venu à l’âge de onze ans. J’en ai trente-huit ; il y a donc vingt-cinq ans que je suis Parisien.

D. Que faisais-tu avant la Révolution ?

R. J’étais homme libre, en horreur aux maîtres de la terre et du ciel.

D. Et depuis la Révolution ?

R. Législateur.

D. Depuis quand Jacobin ?

R. Depuis l’an 1780.

D. Comment as-tu voté à la Convention ?

R. Dans le sens de la Montagne[17].

 

Robespierre se leva, menaçant et sombre.

Que pouvait-on reprocher à Clootz, cet aimable, magnanime et doux philosophe, ce fils adoptif de la France, qui la vénérait, qui l’adorait, qui avait voulu vivre et se tenait prêt à mourir pour elle ? Il avait entretenu des rapports d’affaires avec les banquiers Vandenyver, dont le nom figurait sur la liste des suspects : était-ce un crime ? sachant arrêtés et les croyant innocents, il leur avait témoigné de l’intérêt : cet élan du cœur, fut-il aveugle, pouvait-on, sans une criante injustice, le lui imputera trahison ?

C’est ce que, néanmoins, fit Robespierre, sur la mémoire de qui cet acte inique restera comme une tache ineffaçable.

Et que dire des autres chefs d’accusation articulés contre Clootz ? de son patriotisme nié, parce qu’il était baron allemand ? de son sans-culottisme bafoué, parce qu’il possédait plus de cent mille livres de rente ? Certes, s il y avait un homme dans la Révolution à qui le cosmopolitisme, même poussé jusqu’à l’enthousiasme, dut paraître respectable, c’était Robespierre, qui lui-même avait écrit ces belles paroles : Les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent s’entr’aider, selon leur pouvoir, connue les citoyens du même État[18]. Par quelle pitoyable inconséquence en vint-il à reprocher à Clootz de s’être paré du titre de citoyen du monde[19] ? Dans l’histoire de Robespierre, il n'est pas de page plus triste que celle-là.

Des idées singulières, raconte Clootz, me vinrent a l’esprit pendant que Robespierre parlait comme Mahomet. Est-ce bien de moi qu’il parle ? J’éprouvai le même doute que le fameux circoncis Balthasar Orobio, plongé dans les cachots de l’Inquisition à Valladolid. Il s’interpellait lui-même : Orobio, est-ce toi ? Non, je ne suis pas moi[20].

Son exclusion fut prononcée. Il avait contre lui l’infortuné, le meurtrier pamphlet de Camille Desmoulins, et le discours, plus meurtrier encore, de Robespierre. Rien d’aussi touchant que la manière dont il rappelle cette, horrible injustice : Je sortis avec l’air calme de l’innocence opprimée. Un morne silence régnait dans la salle. Aucune huée n’aggrava mon malheur. Je rendis la carte que j’avais à ma boutonnière ; mais on ne m’arrachera qu’avec la vie l’empreinte jacobine gravée dans mon cœur[21].

Vint le tour de Camille d’être reçu à l’épuration, ou rejeté. C’était le 24 frimaire (14 décembre). On le somme de s’expliquer sur ses liaisons avec Dillon, sur certains propos qu’on lui attribue, relativement à la condamnation des vingt-deux Girondins. Contre la première imputation, il se défendit mal. A l’égard de la seconde, il montra un mélange de faiblesse et d’émotion vraiment tragique. Il reconnut qu’il s’était trompé sur beaucoup d’hommes, tels que Mirabeau, les Lameth. Mais n’avait il pas été le premier à dénoncer ses propres amis, lorsqu’il les avait vus se mal conduire ? Les sanglots de son cœur s échappèrent à moitié dans ce cri d’une mélancolie pénétrante, associée à un secret effroi : Une fatalité bien Marquée a voulu que de soixante personnes qui ont signé mon contrat de mariage, il ne me reste plus que deux amis, Robespierre et Danton. Tous les autres sont émigrés ou guillotinés. De ce nombre étaient sept des vingt-deux ! Un mouvement de sensibilité dans cette occasion était donc bien pardonnable. Cependant j’atteste n’avoir pas dit : Ils meurent en républicains, en Brutus ; j'ai dit : Ils meurent en républicains, mais en républicains fédéralistes ; car je ne crois pas qu’il y eût beaucoup de royalistes parmi eux[22].

Robespierre, qui avait défendu Danton, protégea Camille Desmoulins. Il le peignit tel qu’il était : faible et confiant, souvent courageux, toujours républicain, aimant la liberté par instinct comme par sentiment, et, on dépit de toutes les séductions, n ayant jamais aimé qu’elle. Il l’avertit, néanmoins, avec gravité, de se tenir e n garde contre ce qu’il y avait de versatile dans son esprit et de trop précipité dans ses jugements sur les hommes. Tout fut dit. L’admission de Camille fut votée au milieu des applaudissements[23].

Ainsi Robespierre, Danton, Camille Desmoulins, marchaient d’accord à cette époque ; et à tel point que, sur les deux premiers numéros du Vieux Cordelier, Camille avait pris l’avis de Robespierre. Malheureusement ce dernier refusa de lire à l’avance les numéros suivants, de peur qu'on ne l’accusât de les avoir dictés[24] ; et Camille Desmoulins, abandonné à ses propres inspirations, dépassa aussitôt le but.

Jusqu’alors il ne s’était attaqué qu’à la faction d’Hébert : dans son troisième numéro du Vieux Cordelier, il s’exprima de manière à fournir un thème aux détracteurs de la Révolution. Répondant à ceux qui gémissaient des excès associés au triomphe de la République, par le tableau de la tyrannie des empereurs, il s’empara du pinceau brûlant de Tacite, et, dans des pages d'une immortelle beauté, il traça, des fureurs d'un autre âge, une peinture que quelques allusions trop transparentes, semées çà et là, et un amalgame imprudent de noms anciens et d’expressions modernes fournirent aux royalistes l’occasion d’appliquer aux choses du temps :

..... Bientôt ce fut un crime de lèse-majesté ou de contre-révolution à la ville de Nursia d’avoir élevé un monument à ses habitants, morts au siège de Modène... crime de contre-révolution à Libon Drusus d’avoir demandé aux diseurs de bonne aventure s’il ne posséderait pas un jour de grandes richesses ; crime de contre-révolution au journaliste Crémutius Cordus d’avoir appelé Brutus et Cassius les derniers des Romains ; crime de contre- révolution à un des descendants de Cassius d’avoir chez lui un portrait de son bisaïeul ; crime de contre-révolution à Pétréius d’avoir eu un songe sur Claude ; crime de contre-révolution à Appius Silanus de ce que la femme de Claude avait eu un songe sur lui... ; crime de contre- révolution à la mère du consul Fusius Géminus d’avoir pleuré la mort funeste de son fils.

Il fallait montrer de la joie de la mort de son ami, de son parent, si l'on ne voulait s’exposer à périr soi-même... On avait peur que la peur même ne rendît coupable.

Tout donnait de l'ombrage au tyran. Un citoyen avait-il de la popularité, c'était un rival du prince qui Pouvait susciter une guerre civile. Studia civium in se verteret et si multi idem audeant, bellum esse. Suspect.

Fuyait-on, au contraire, la popularité, et se tenait-on au coin de son feu, cette vie retirée vous avait fait remarquer, vous avait donné de la considération. Quanto metu occultior, tanta famæ adeptus. Suspect...

Étiez-vous riche, il y avait un péril imminent que peuple ne lut corrompu par vos largesses. Auri vint atque opes Planti principi infensas. Suspect...

Étiez-vous pauvre, comment donc, invincible empereur, il faut surveiller de plus près cet homme. Im n’y a personne d'entreprenant comme celui qui n’a rien. Syllam inopem, unde præcipuam audaciam. Suspect...

S’était-on acquis de la réputation à la guerre, on n en était que plus dangereux par son talent. Il y a de la ressource avec un général inepte. S’il est traître, il ne peut pas si bien livrer une armée à l'ennemi, qu’il n en revienne quelqu’un. Mais un officier du mérite de Corbulon ou d’Agricola, s’il trahissait, il ne s’en sauverait pas un seul. Le mieux était de s’en défaire : au moins, seigneur, ne pouvez-vous vous dispenser de l’éloigner Promptement de l’armée. Multu militari fama metum fecerat. Suspect...

L’un était, frappé à cause de son nom ou de celui de s es ancêtres ; un autre, à cause de sa belle maison d’Albe : Valérius, à cause que ses jardins avaient plu à l’impératrice ; Statilius, à cause que son visage lui avait déplu ; et une multitude, sans qu’on en put deviner la cause...

Les dénonciateurs se paraient des plus beaux noms, se faisaient appeler Cotta, Scipion, Regulus, Cassius, Séverus. La délation était le seul moyen de parvenir, et Regulus fui fait trois fois consul pour ses dénonciations... Le marquis Sérunus intentait une accusation de contre-révolution contre son vieux père, déjà exile ; après quoi, il se faisait appeler fièrement Brutus.

Tels accusateurs, tels juges. Les tribunaux, protecteurs de la vie et des propriétés, étaient devenus des boucheries où ce qui portait le nom de supplice et de confiscation n’était que vol et assassinat...

Si un lion empereur avait eu une cour et une garde prétorienne de tigres et de panthères, ils n’eussent pas mis plus de personnes en pièces que les délateurs, les affranchis, les empoisonneurs et les coupe-jarrets des Césars ; caria cruauté causée par la faim cesse avec la faim, au lieu que celle causée par la crainte, la cupidité et les soupçons des tyrans, n’a point de bornes...[25]

 

Ces médailles de la tyrannie présentaient, selon Camille Desmoulins, la vivante image de ce que ses concitoyens auraient à souffrir de maux pendant cinquante ans, si, maintenant que l’épée de la République avait été tirée contre les monarchies, on laissait la royauté remettre le pied en France[26]. Le despotisme, rentré furieux dans ses possessions détruites, ne pourrait s’y affermit qu’en régnant comme les Octave et les Néron[27]. Il ajoutait : Dans ce duel entre la liberté et la servitude, et dans la cruelle alternative d’une défaite mille fois plus sanglante que notre victoire, outrer la Révolution avait donc moins de péril et valait encore mieux que de rester en deçà, comme l’a dit Danton ; et il a fallu avant tout que la République s’assurât du champ de bataille[28]. Il disait encore : Ceux qui jugent si sévèrement les fondateurs de la République ne se mettent pas assez à leur place[29]. Quant au Tribunal révolutionnaire, il en faisait l’éloge[30]. Enfin, il signalait comme deux précipices également à éviter l’exagération en moustaches et le modérantisme en deuil[31], tenant en ceci le même langage que Robespierre, dont il qualifiait le manifeste de sublime[32].

Mais qu'importait tout cela ? Pour que le troisième numéro du Vieux Cordelier devînt une arme empoisonne aux mains des ennemis de la Révolution, il suffisait qu’on pût dire avec un certain degré de vraisemblance que c’était bien son règne que Camille, s’abritant sous une grande ombre, avait entendu décrire. Et ce danger, l’ignorait-il ? Non, puisqu’il protestait d’avance contre les rapprochements que la malignité trouverait entre le temps où il vivait et celui dont il avait emprunté le tableau à Tacite[33].

Aussi qu’arriva-t-il ? Que l’apparition de ce troisième numéro le 25 frimaire (15 décembre) fut le signal d’un immense scandale. Tous les contre-révolutionnaires battent des mains ; tous affectèrent de répandre que Camille Desmoulins venait de tracer, sous d’autres noms, l’histoire de son époque ; il y eut des transports de joie dans toutes les sociétés connues pour leurs tendances aristocratiques[34] ; sans le vouloir, sans le savoir, le généreux mais téméraire écrivain avait, en rendant l’espoir a l’innocence, servi les calculs de la haine. Et dans quel moment ? Lorsque se révélait au sein de la Convention un parti qui, conduit en secret par Fabre d’Églantine et ouvertement par Bourdon (de l’Oise), ne songeait qu’à énerver le pouvoir et à saper le Comité de salut public. Attaquer de face ce groupe d’hommes intrépides et de travailleurs infatigables qui portaient le poids d’un monde, on ne l’osait pas ; mais on s’étudiait à leur susciter mille obstacles ; on les décriait dans la personne de leurs moindres agents ; on remuait sans cesse autour d’eux d’une main furieuse l’impur limon de la jalousie ; on irritait déplus en plus contre cette concentration toute-puissante des forces du pays qu’on appelait leur dictature l’orgueil de la partie la moins saine de la Convention. Tandis que, hors de l’Assemblée, on les montrait prêts à abandonner le Midi au delà de la Durance, on les accusait sourdement, dans l’Assemblée, de ne rien faire pour réduire Toulon[35]. Miner tous les appuis du gouvernement, et de celle manière le désorganiser, au plus fort d’une lutte gigantesque, c’était perdre la Révolution, qui, sans unité d’action, périssait ; eh bien, dans l’espoir d’écraser le Comité de salut publie sous son fardeau, démesurément accru, Bourdon (de l’Oise) alla jusqu’à demander la suppression pure et simple des ministres[36]. Bientôt l’existence du Comité de salut public lui-même, tel qu’il était alors composé, est mise en question. Ses pouvoirs expiraient le 20 frimaire (19 décembre). Le 12 seulement, sur la demande de Barère, la Convention aborde la question de savoir s’ils seront renouvelés. Mais ce que Bourdon (de l’Oise) et ses amis veulent renouveler, c’est le personnel dirigeant. La proposition formelle en fut faite ; un décret fut rendu[37] ; des listes furent dressées ; des noms nouveaux, celui de Dubois Crancé entre autres, furent inscrits sur ces listes[38]. Mais, le 13, au moment où l’on réclamait l’appel nominal pour le renouvellement, Jay-Sainte-Foix, s’élançant à la tribune, s’écrie :

Est-ce donc lorsque les Puissances jouent de leur reste, et que de grandes négociations sont entamées, et lue Tout on va rentrer dans le sein de la République, et que le Midi va expier ses erreurs ; est-ce lorsque les armées sont en présence de l’ennemi, est-ce lorsque les défenseurs de la liberté sont à la veille d’écraser les satellites de Pitt et de Cobourg, qu’il faut changer le centre de gravité de la République ? Avec un nouveau Comité, toute responsabilité disparaît : si vous vous plaignez de lui, il dira : Les plans étaient mauvais, nous sommes arrivés l|, op lard pour les corriger. Si vous accusez l’ancien, il répondra : Les mesures étaient bonnes, elles ont été mal exécutées[39].

 

Il y avait tant de force dans ces considérations, et le danger était si manifeste de changer de généraux sur le champ de bataille, dans le feu de l’action, — à part même le mérite des hommes qu’il s’agissait de remplacer, — que la Convention ne s’y put résoudre. Elle rapporta son décret de la veille, et prorogea ce Comité fameux[40] que l’Europe entière admirait en frissonnant.

Ce vote n’attestait que l’empire des circonstances. Robespierre ne s’y trompa point ; il sentit que l'orage se formait dans l’Assemblée. Mais, comme les ennemis du Comité avaient soin de ne lui porter que des coups indicées et enveloppaient leurs colères de ténèbres ; pour les amener à combattre au grand jour, il fit adopter par les Jacobins, le 24 frimaire (14 décembre), une proposition que Romme courut présenter à la Convention le lendemain, et qui avait pour but d’astreindre tout député suppléant à faire dès son arrivée sur la scène politique sa profession de foi[41]. La motion passa ; mais, profilant de l’absence de Robespierre, Thibaudeau demanda et obtint le rapport du décret dans la même séance[42].

Cette victoire encourageant le parti des Fabre d’Églantine, Bourdon (de l’Oise), Laurent Lecointre, Clausel, etc., ils se décident à un vigoureux essai de leurs forces. Le 27 frimaire (17 décembre), Laurent Lecointre ouvre la tranchée par la dénonciation d’un agent du Conseil exécutif, coupable d’avoir arrêté un courrier venant de Civet et porteur de dépêches pour la Convention. Boursault, de son côté, se plaint d’avoir été arrêté à Saint-Germain par le même agent, qui ne l’a laissé passer, dit-il, qu’après avoir visé son passeport. Mouvement d’indignation dans l’Assemblée. A son tour, Bourgoin raconte qu’à Longjumeau il s’est vu opposer des formalités semblables. L’indignation redouble. C’est en vain que Voulland, membre du Comité de sûreté générale, explique la sévérité des mesures prises par le caractère anormal de la situation, par la nécessité d’une vigilance d’où dépend le salut public, et par l’exemple des trahisons auxquelles courriers ordinaires et extraordinaires ont servi de messagers ; Charlier s’écrie qu’il est temps de faire cesser la lutte du Conseil exécutif et de ses agents contre la Convention, et il demande que les ministres soient mandés séance tenante. Bourdon (de l’Oise), reprenant sa thèse favorite, déclare que, tant qu’il y aura un Conseil exécutif, le gouvernement révolutionnaire ne pourra marcher.

Fabre d’Églantine, très-réservé d’ordinaire, très-prudent, et sobre de dénonciations, croyant cette fois la brèche praticable, s’y précipite ; mais, n’osant encore attaquer ta Comité de salut public que par le tableau des désordres qu’il a charge de réprimer et ne réprime pas, il peint Ronsin parlant en maître dans Paris, se faisant partout obéir, ayant à ses ordres des bandes de coupe-jarrets à moustaches, et les traînant après lui le long des rues, qui ne retentissent plus que du bruit de leurs grands sabres. Il parle d’un horrible placard de Ronsin, dont il accuse Vincent d’avoir tapissé tous les murs de Paris, et il conclut à l’arrestation de ce dernier. Vincent était secrétaire général de la guerre, le coup portait donc, et sur le ministre de la guerre Bouchotte, et sur le Comité de salut public qui les employait. La Convention décrète que Vincent sera mis en état d’arrestation. Même décret, sur la demande de plusieurs membres, est rendu contre Ronsin et Maillard. Peu s’en fallut que Héron, agent du Comité de sûreté générale, ne partageât leur sort, à cause d’une querelle où il s’était emporté avec violence contre le représentant Panis[43].

Le lendemain, 28 frimaire (18 décembre), les ministres furent mandés à la barre de l’Assemblée, qui leur infligea de la sorte la nécessité de se justifier et de s’humilier devant elle[44].

Ainsi, tout en s’abstenant de nommer le Comité de salut public, on le poursuivait sans relâche, soit dans la Personne de ses agents, soit à propos d’actes dont on donnait à entendre qu’il était responsable. Et les agresseurs n’avaient point leur place dans ce qu’on appelait alors la fange du Marais ; il y avait à compter avec eux ; car ils siégeaient sur les cimes de la Montagne, et ils avaient louché la corde sensible, dans la Convention, en s’adressant à son orgueil.

Grande fut la perplexité de Robespierre. L opposition qui venait de se former au sein de l’Assemblée frappai sur les Hébertistes, qu’il n'aimait pas, mais en visant au cœur du Comité de salut public, dont la chute, en ce moment, eût été une calamité publique. Quel parti prendre ? La situation était d’autant plus compliquée, qu’en se prononçant contre Ronsin, Vincent, Maillard et leurs pareils, les adversaires du Comité de salut public dans l’Assemblée tendaient à se confondre avec le parti dont Danton était le chef et Camille Desmoulins le porte-voix. Or Robespierre voulait bien marcher avec ces derniers, mais non pas avec les autres. Il voulait bien attaquer l’Hébertisme, mais pour sortir de la Terreur, non pour désorganiser le gouvernement révolutionnaire, quand plus que jamais l’unité et la vigueur d’action étaient commandées par les périls de la France[45].

Tel était l’état des choses et des esprits, lorsque, le 30 frimaire (20 décembre), un grand nombre de femmes vinrent à la barre de la Convention réclamer la liberté de leurs parents. Pareille démarche avait été faite dix jours auparavant. Robespierre se bâte de profiter de l’occasion, pour essayer de cette politique de la Justice, qu’il projetait de substituer à celle de la Terreur. Il commence par reprocher doucement aux femmes qui se pressent à la barre cette démarche tumultueuse, et de ne s’être pas adressées plutôt en particulier, avec la modestie de leur sexe, aux dépositaires des grands intérêts de la patrie ; puis, après avoir posé les bases de sa politique, qui consiste à préserver l’innocent des excès des faux patriotes, sans toutefois désarmer la Révolution devant ses ennemis, il propose et obtient l’établissement d’une Commission, nommée par les Comités de salut public et de sûreté générale, pour s’enquérir des personnes arrêtées Ajustement, et soumettre aux deux Comités le résultat de leurs recherches. Il y avait, dans ce cas, à éviter le danger des sollicitations, qui eussent ouvert carrière aux séductions de la richesse ou de la beauté, et donné à la faveur ce qui n’était dû qu’à la justice ; c’est pourquoi Robespierre fit ajouter au décret que les Commissaires demeureraient inconnus du public[46].

C’était un grand pas hors de la Terreur. Ceux qui la présentaient dans l’un ou l’autre Comité, Billaud-Varenne entre tous, le sentirent bien, et ils en frémirent[47]. Mais, en invoquant contre elle la Justice seule, et en s'abstenant. de tout appel à une molle et dangereuse indulgence, Robespierre ne laissait aucune prise sur lui aux terroristes. De quel front seraient-ils venus lui reprocher en public de distinguer entre l’innocent et le coupable ? Couvrir le premier d'une égide, était-ce promettre l’impunité au second ? Robespierre, avec une sagacité admirable, avait compris que l’unique moyen d’assurer le triomphe d’une politique modérée était de se. garder du Modérantisme ; que l’unique moyen de vaincre les Hébertistes coupables d’un excès était de ne pas tomber dans l’excès contraire.

Deux hommes dérangèrent ces sages calculs : Philippeaux et Camille Desmoulins, l’un en prêtant le flanc aux Hébertistes par des assertions erronées et d'injustes attaques ; l’autre en poussant l’étourderie de ses généreux élans jusqu’à donner à la politique modérée, qu’il croyait servir, un air de contre-révolution. On a vu avec quelle légèreté et quelle acrimonie Philippeaux, en Vendée, avait poursuivi le parti de Saumur, n’épargnant pas plus Rossignol que Ronsin, lançant ses accusations au hasard, et remplissant tout du bruit de ses colères. De retour à Paris, il mit à raviver une querelle qui semblait morte un acharnement incroyable. Non content de tourner et de retourner le couteau dans la plaie que ses premières dénonciations avaient creusée au sein d’un parti rival, il s’en prit au Comité de salut public ; il l’accusa d’être resté sourd à ses avertissements, d’avoir laissé sacrifier vingt mille soldats depuis ses premiers avis[48]. Si son intention eût été de pousser dans les rangs de l’Hébertisme quiconque regardait le Comité de salut public comme le Palladium de la Révolution, d n’aurait certes pu mieux faire. Du moins, si ses réquisitoires eussent porté sur des fondements solides ! Mais non ; ses pamphlets sur la Vendée fourmillaient d'erreurs ; et, dans son empressement à fouler aux pieds les Hébertistes, il leur préparait une victoire.

De son côté, Camille Desmoulins, qui, non moins enthousiaste et non moins léger que Philippeaux, s’était nus à le croire sur parole, l’admirait, le vantait, et s’en allait répétant partout : Avez-vous lu Philippeaux ?[49] Camille Desmoulins publia, précisément Je jour où Robespierre faisait instituer par la Convention un Comité de justice, le quatrième numéro du Vieux Cordelier, où il demandait, lui, un Comité de démence. Et ce n’était point là une simple question de mots : les développements donnés par l’auteur à sa proposition le prouvaient de reste.

On a cité bien souvent, avec une admiration qu’il estime possible à toute âme honnête de ne point partager, l’admirable passage que voici :

..... La Liberté que j’adore n’est point le Dieu inconnu. Nous combattons pour défendre des biens dont elle met sur-le-champ en possession ceux qui l’invoquent ; ces biens sont la Déclaration des droits, la douceur des maximes républicaines, la Fraternité, la sainte Égalité, l’inviolabilité des principes ; voilà les traces des pas de la Déesse ; voilà à quels traits je distingue les peuples au milieu desquels elle habite. Et à quel autre signe veut-on que je reconnaisse cette Liberté divine ? Cette Liberté, ne serait-ce qu’un vain nom ? N’est- ce qu’une actrice, la Candeille ou la Maillard, promenées avec un bonnet rouge, ou bien cette statue de quarante-six pieds de haut que propose David ?... Ô mes chers concitoyens, serions-nous donc avilis à ce point que de nous prosterner devant de telles divinités ? Non, la Liberté, cotte Liberté descendue du ciel, ce n’est point une nymphe de l’Opéra, ce n’est point un bonnet rouge, une chemise sale et des baillons ; la Liberté, c’est le bonheur, 0 est la raison, c’est l’égalité, c’est la justice, c’est la Déclaration des droits, c’est votre sublime Constitution[50].

 

A la lecture de ces lignes si éloquentes, si saintement passionnées, si dignes de la déesse qu’elles invoquent et qui les inspira, quel cœur pourrait rester sans battement ? Mais Camille Desmoulins ne prenait-il pas le jour du combat pour le lendemain de la victoire, lorsqu’il niait que la liberté, comme l’enfance, eût besoin de passer par les cris et les pleurs pour arriver à l’âge mur ? Il n’y a pas à en douter : ce que le quatrième numéro du Vieux Cordelier demande à chaque page, presque à chaque ligne, c’est que la Révolution, en tant que Révolution, abdique, et sur-le-champ. Quoi de plus clair que ceci : Voulez-vous que je reconnaisse la liberté, que je tombe à ses pieds ? Ouvrez les prisons à ces deux cent mille citoyens que vous appelez suspects ; car, dans la Déclaration des droits, il n’y a point de maisons de suspicion, il n’y a que des maisons d’arrêt 2[51]. Il est vrai que l’auteur, frappé lui-même du danger d’une semblable mesure, et comme effrayé de son propre entraînement, écrit en note[52] : Je déclare que mon sentiment n’est pas qu'on ouvre les deux battants des maisons de suspicion, mais seulement un guichet, et que les quatre ou six examinateurs secrets, décrétés par la Convention, décadi 50 frimaire, interrogent les suspects, et leur rendent la liberté, si leur élargissement ne met point la République en péril. Mais, si tel est le sentiment de Camille et si sa politique est aussi mesurée que celle de Robespierre, pourquoi s’écrie-t-il, à la page suivante, au risque de rendre la Révolution plus noire encore aux yeux de l’Europe qu’elle ne l’a été jusqu’alors, et contrairement à la vérité, qu’on n’a plus affaire maintenant, à l’intérieur, qu’aux lâches et aux malades[53] ? Pourquoi donne-t-il à entendre que des femmes, des vieillards, des cacochymes[54], constituent le prétendu danger de la République ? Les Hébertistes voient des conspirateurs partout ; lui, n’en voit nulle part. A ses yeux, la multitude des Feuillants, rentiers et boutiquiers, incarcérés dans le duel entre la monarchie et la République, n’a ressemblé qu’à ce peuple de Rome, dont Tacite peint l’indifférence, dans le combat entre Vespasien et Vitellius[55]. Ce sont gens que le spectacle de la Révolution amuse, et qui volontiers partagent leur attention entre un roi qu’on décapite et le supplice de Polichinelle[56] : rien de plus. Mais Vespasien, vainqueur, ne lit point embastiller toute cette multitude[57]. Ainsi, la lutte sans égale et sans exemple où s’entrechoquent deux mondes, la lutte gigantesque qui est venue agiter toutes les idées, mettre en émoi tous les intérêts, déchaîner toutes les passions, remuer dans toutes leurs profondeurs et les sociétés humaines et le cœur de l’homme, Camille Desmoulins la compare à un combat où les habitants de Rome assistèrent en spectateurs indifférents, parce qu’il ne devait en effet leur donner à choisir qu’entre deux maîtres ! Poussant sa pointe, il vante l'indulgence extrême de Thrasybule, après qu’il se fut emparé d’Athènes[58], comme si le grand siège entrepris par la Révolution était fini ! Que veut-il donc ? Une amnistie ? Non ; il sent qu’une indulgence aveugle et générale serait contre-révolutionnaire[59] ; il n’est pas sans se préoccuper du danger qu’il y aurait à imprimera la machine du gouvernement, en sens contraire à sa première impulsion, une secousse qui risquerait d’en briser les ressorts[60]. Sa conclusion, est l’établissement d’un Comité de clémence[61]. Suit une invocation à Robespierre, la plus pathétique qui fut jamais :

Ô mon cher Robespierre, c’est à toi que j’adresse la parole ; car j’ai vu le moment où l’on n’avait plus que toi à vaincre, où, sans toi, le navire Argo périssait, la République entrait dans le chaos !... Ô mon vieux camarade de collège, toi dont la postérité relira les discours éloquents, souviens-toi de ces leçons de l’histoire et de philosophie : que l’amour est plus fort, plus durable que la crainte ; que l’admiration et la religion naquirent les bienfaits ; que les actes de clémence sont l’échelle du mensonge, comme nous disait Tertullien, par lesquels membres des Comités du salut public se sont élevés jusqu’au ciel, et qu’on n’y monte jamais sur des marches ensanglantées. Déjà tu viens de l’approcher beaucoup de cette idée, dans la mesure que tu as fait décréter aujourd’hui... Il est vrai que c’est plutôt un Comité de justice qui a été proposé. Cependant pourquoi la clémence serait-elle devenue un crime dans la République ?[62]...

 

Cet écrit de Camille Desmoulins, où l’esprit trouve tant à redire, mais qui s’empare si puissamment du cœur, avait le tort de réclamer, pour le régime de la liberté militante, ce qui ne convenait qu’au régime de la liberté victorieuse ; il supposait, inconcevable et dangereuse erreur ! que la Révolution n’avait plus aucun obstacle devant elle ; que tous ses ennemis étaient ou vaincus ou convertis. Le contraire, bêlas ! n’était que trop manifeste. Aussi l’effet produit fut-il l’opposé de celui que Camille Desmoulins avait espéré.

Les Hébertistes, que la modération prudente de Robespierre accablait, précisément parce qu’elle ne leur fournissait aucun prétexte spécieux d’attaque, triomphèrent du quatrième numéro du Vieux Cordelier, et se répandirent en discours véhéments sur ce que, sortir de la Terreur, c’était entrer dans la contre-révolution.

Voyez où l’on nous mène ! disaient-ils. Hier, il fallait un Comité de justice qui protégeât de prétendus innocents ; aujourd’hui cela ne suffit plus : ce qu’on veut, c’est un Comité de clémence qui rassure ou encourage les coupables, sans doute ? Et, à l’appui de cette demande, si l’étrange dans les circonstances, qu’ose-l-on affirmer ? Que la clémence, c’est-à-dire l’impunité promise aux artisans de la contre-révolution, serait la meilleure des mesures révolutionnaires ! Au fait, comment avons-nous pu jusqu’ici nous abuser au point de croire que la Révolution française avait le monde entier sur les bras ; qu’elle marchait sur un sol volcanisé, la tête dans l’orage ; et que ses innombrables ennemis lui gardaient des ressentiments immortels ? De faibles femmes, une tourbe inoffensive de curieux et d’indifférents, des vieillards, des malades, des cacochymes, voilà, — Camille Desmoulins veut bien nous l’apprendre, — nos adversaires ! Et c'est sans autre but que de venir à bout de ces pauvres gens que la Révolution, selon notre auteur, déploie une tyrannie à laquelle on ne saurait trouver rien de comparable, à moins qu’on ne remonte aux règnes infâmes d’un Tibère ou d’un Néron. De l’Europe armée contre nous, de la Vendée s’agitant sur des ruines toutes fumantes du sang des patriotes, de ta mansuétude des rebelles lyonnais prouvée par l’exécution de Chalier, de Toulon livré aux Anglais..., pas un mot. Périls imaginaires que tout cela ! Nous n’avons affaire qu’à des femmes, à des vieillards, à des cacochymes, à des malades.

L’effet des indiscrètes démonstrations de joie échappées aux royalistes vint s’ajouter à celui de ces terribles commentaires auxquels il faut bien avouer que les récents écrits de Camille Desmoulins, malgré mainte précaution oratoire, donnaient prise ; et les Hébertistes en reçurent u u surcroît de force inattendu. L’occasion d’agrandir leur cause en la confondant avec celle de la Révolution elle- même leur était fournie.

Autre imprudence fatale ! L’invocation de Camille Desmoulins à Robespierre avait pour résultat nécessaire, non- seulement de poser ce dernier comme l’arbitre suprême de la situation, ce qui était le désigner à tous les coups de l’envie, mais encore de le réduire à l’alternative, ou de paraître déserter la Révolution par une accession sans réserve au parti des indulgents, ou de leur montrer un Iront sévère, et de sauver ainsi la politique de modération du reproche de modérantisme. Dès ce moment, il se trouvait condamné à naviguer parmi les écueils !

Les conséquences ne tardèrent pas a se développer.

Le 30 frimaire (20 décembre), les Cordeliers, soumis à l’influence de l’Hébertisme, envoient à la Convention une députation dont l’orateur, d’un ton hautain et le chapeau sur la tête, réclame la mise en accusation trop retardée, dit-il, des soixante-treize Girondins détenus. C’était un trait lancé droit au cœur de Robespierre, qui les avait défendus. Mais, plus encore que la réclamation, la manière dont elle était faite annonçait l’audace renaissante des Hébertistes. Couthon proteste contre celle affectation de parler le chapeau sur la tête à l’Assemblée des représentants du peuple ; et Robespierre l’appuie en ces termes : Sans doute, tous les citoyens sont égaux entre eux ; mais il n’est pas vrai qu’un seul homme soit l’égal d’une portion quelconque de citoyens. Un individu qui parle devant une assemblée doit respecter en elle la société générale dont il est membre. Le règlement, qui était conforme à ce principe, fut maintenu[63].

Le lendemain, la tête de Chalier, solennellement promenée dans Paris sur un autel que portait un char de triomphe et que recouvraient des guirlandes de cyprès[64], offrit aux Hébertistes une occasion naturelle d’essayer leurs forces. Collot-d’Herbois, qu’ils attendaient avec une impatience frémissante, était accouru de Lyon. II arrivait, précédé d’une réputation d’indomptable vigueur. Il parait aux Jacobins, où les Hébertistes saluent sa présence par des applaudissements enthousiastes ; et, après une apologie véhémente de sa conduite à l’égard des Lyonnais : Il y a deux mois que je vous ai quittés, s’écrie t-il d’une voix amère ; vous étiez tous brûlants de la soif de la vengeance contre les infâmes conspirateurs de la ville de Lyon. Aujourd’hui, je ne reconnais plus l’opinion publique ; si j’étais arrivé trois jours plus tard a Paris, je serais, peut-être, décrété d’accusation...[65] Puis, répondant à ceux qui disaient : Les victimes des exécutions en masse ordonnées à Lyon ne sont pas mortes du premier coup :Et Chalier, poursuit-il, Chalier est-il mort, lui, du premier coup ? Si les aristocrates avaient triomphé, croyez-vous que les Jacobins eussent péri du premier coup ? Et la Convention, qui avait été mise hors la loi par ces scélérats, aurait-elle péri du premier coup ? Oui sont donc ces hommes qui réservent toute leur sensibilité pour les contre-révolutionnaires ? Une goutte de sang versée des veines généreuses d’un patriote me retombe sur le cœur ; mais, pour les conspirateurs, je n’ai point de pitié...[66] Collot-d’Herbois attaquait Camille Desmoulins sans le nommer ; Nicolas le nomma ; et, qualifiant le Vieux Cordelier de libelle, il prononça ce mot barbare : Camille Desmoulins frise depuis longtemps la guillotine[67]. L’éloge de Ronsin par Collot-d’Herbois compléta la scène. La Terreur ressaisissait son sceptre sanglant. Hébert, ivre de joie, dressa un piédestal à Collot-d’Herbois, et il écrivit : Le géant a paru ![68]

Deux jours après, 5 nivôse (25 décembre), nouvelle députation des Cordeliers à la Convention pour insister sur l’élargissement de Ronsin et de Vincent[69]. Evidemment, les Hébertistes avaient repris l’offensive ; la séance des Jacobins qui suivit cette démarche en fut la preuve.

Dans la séance précédente, il avait été décidé que ce soir-là Camille Desmoulins, Bourdon (de l’Oise), Fabre d’Églantine et Philippeaux auraient à répondre, le premier à la dénonciation de Nicolas, les autres a une dénonciation d’Hébert.

On s’attendait donc à des incidents dramatiques ; et le concours lut tel, qu’on paya des places jusqu'à vingt-cinq livres[70]. Collot-d’Herbois se présente la douleur peinte sur le visage, et dit : C’est de la mort des patriotes que je viens vous parler, citoyens... Gaillard, le vertueux Gaillard, que vous avez vu ici il n'y a pas longtemps, le meilleur ami de Chalier, s’est tué de désespoir, se croyant abandonné. A cette sombre nouvelle, une émotion violente se manifeste parmi les auditeurs. Lui, reprenant : Vous ai-je trompés quand je vous ai dit que les patriotes étaient au désespoir ?... Gaillard n’était pas un homme faible. C’est lui qui, au 10 août, monta le premier à l’assaut contre le tyran, et il reçut alors de larges blessures. Son ombre est devant nous ; elle nous dit : Je n’ai point pâli sous les poignards des ennemis du peuple, mais je n’ai pu résister à l’idée cruelle d’être abandonné par les Jacobins. L’émotion redoublant : Prêtons, continue-t-il, prêtons le serment de ne pas survivre à celui de nos frères qui pourrait être attaqué. Et tous, debout, le bras étendu, s’engagent par un serment terrible, aux applaudissements réitérés des tribunes[71].

L’occasion était bonne pour prendre à partie Camille Desmoulins sans le nommer ; Collot-d’Herbois le désigne en ces termes : Vous croyez que des hommes qui vous traduisent les historiens anciens, qui retournent en arrière de cinq cents ans, pour vous offrir le tableau des temps où vous vivez, sont patriotes ? Non... On veut modérer le mouvement révolutionnaire. Eh ! dirige-t-on une tempête ?... Rejetons donc loin de nous toute idée de modération. Restons Jacobins, restons Montagnards, et sauvons la liberté[72].

Au bruit des applaudissements qui saluent ces paroles, Levasseur se lève, et, brusquement : Je demande à arracher le masque dont se couvre Philippeaux. Il l’accuse alors d’avoir un patriotisme qui ne consiste qu’en bavardages et en déclamations ; d’avoir traité Ronsin et Rossignol de scélérats ; de l’avoir engagé lui, Levasseur, à voter pour l’appel au peuple, et d’avoir ensuite voté contre ; d’avoir dit que le club des Jacobins était composé de fripons[73]. Je ne m’attendais pas, répond Philippeaux, à être accusé par Levasseur, mon compatriote et mon confrère, je me voue à l’infamie s’il se trouve dans mon Rapport un seul fait controuvé. Il reprend ensuite ses dénonciations contre Ronsin et Rossignol, qu’il représente plongés dans les plaisirs et la bonne chère. Il affirme qu’à la bataille de Coron en Vendée Ronsin a fait écraser par trois mille brigands quarante-trois mille républicains — ailleurs, au lieu de quarante-trois mille, il avait dit quatre-vingt mille[74] —. Il nie enfin le propos insolent qu’on lui impute en ce qui concerne les Jacobins, imputation sur laquelle Levasseur insiste et qu’Hébert confirme[75].

La séance devenait tumultueuse. Danton recommande le calme. Je n’ai, ajoute-t-il, aucune opinion formée sur Philippeaux ni sur d’autres ; je lui ai dit à lui-même : Il faut que tu prouves ton accusation, ou que tu portes ta tête sur un échafaud[76]. Imprudentes paroles qui semblaient condamner d’avance Philippeaux, dans le cas où il se serait trop avancé, ce qui, malheureusement, se trouva hors de doute !

Robespierre avait défendu Danton, il avait protégé Camille Desmoulins : il n’abandonna pas Philippeaux. Il dit que, si ce dernier avait cédé à des passions particulières, son devoir était de faire le sacrifice de son opinion ; qu’il ne croyait pas, quant à lui, que Philippeaux eût eu des intentions contre-révolutionnaires ; qu’il fallait l’entendre ; que la discussion devait être calme ; que la lactique des ennemis de la Révolution était de pousser ses serviteurs à se déchirer de leurs propres mains ; que les arrestations récentes — celles de Ronsin et de Vincent — avaient donné lieu à des soupçons injustes, n’étant pas l’ouvrage d’un homme, mais le résultat d’un examen attentif dans les deux Comités ; que, si des erreurs avaient été commises, on pouvait s’en reposer sur la justice de la Convention du soin de les réparer ; que Marat était allé tranquillement au Tribunal révolutionnaire et en était revenu triomphant[77].

Ce langage était à la fois plein de sagesse et de fermeté. Aux efforts des Hébertistes pour faire regarder Ronsin et Vincent comme les victimes d’une oppression qui avait sa source dans les seules dénonciations de Philippeaux, Robespierre opposait le jugement des Comités, la confiance que devait inspirer la Convention, et celle soumission à la justice dont Marat lui-même avait donne l'exemple. D’un autre côté, loin de sommer Philippeaux, comme l’avait faii Danton, de prouver tous ses dires, sous peine de mort, Robespierre lui ouvrait une issue ; il lui ménageait un moyen de se rétracter honorablement ; il étendait sur les erreurs de fait où il avait pu se laisser entraîner le voile des bonnes intentions. Jamais la bienveillance n’avait été plus habile.

Mais les rancunes de Philippeaux l’aveuglaient, et il ne pouvait pardonner au Comité de salut public d’avoir prêté une oreille défiante à ses réquisitoires touchant la Vendée. Il déclara qu’il avait dans son cœur les principes que venait de professer Robespierre[78], mais non sans se plaindre des formes repoussai)les qu'il avait cru remarquer dans le Comité, lorsqu’il était allé lui rendre compte de ses opérations[79]. Il assura ensuite qu’il n’avait tiré de sa brochure que le nombre d’exemplaires suffisant pour ses collègues de l’Assemblée ; sur quoi, Levasseur s’étant écrié : Tu en as menti ; tu en as envoyé des exemplaires à Saumur et à Angers, lui, au lieu d’établir le contraire, répliqua : Je vais vous expliquer la cause de l'acharnement de Levasseur contre moi. J’ai fait apporter un décret sur la résiliation des baux, et, par ce rapport, Levasseur perdait cinq cents livres[80]. A ces mots, le cri Point de personnalités retentit de toutes parts, mêlé à de violents murmures. Danton, impatienté, s’écrie que toutes ces altercations ne tuent pas un Prussien, et conclut à ce qu’une Commission de cinq membres soit chargée d’entendre les accusés et les accusateurs[81]. Couthon, qui veut éloigner une lutte dont il semble pressentir le dénouement funeste, essaye d’arrêter Philippeaux lorsqu’il en est temps encore. Il lui demande s’il croit, en son âme et conscience, qu’il y ait eu une trahison dans la guerre de Vendée. Oui, répond sans hésiter le courageux, mais imprudent Philippeaux. Alors, poursuit Couthon, qu’une Commission soit nommée. Et c’est ce qui est décidé à l'instant même, au milieu des plus vifs applaudissements[82].

Sur la question de savoir si Fabre, bourdon et Camille seraient entendus et jugés sans désemparer, les Jacobins passèrent à l’ordre du jour[83].

Arriva sur ces entrefaites la nouvelle de la prise de Toulon ; et certes, rien ne pouvait venir plus à propos pour les membres du Comité de salut publie, tant l’opposition contre eux dans l’Assemblée se fortifiait et grandissait ! C’est au point que, lorsqu’ils allèrent annoncer à la Convention ce grand événement : Toulon rendu enfin à la République, — leurs amis de la Montagne les en félicitèrent comme d’un succès personnel, et leur dirent : Si Toulon n’avait pas été pris si tôt, vous étiez perdus ; ils vous auraient décrété d’accusation[84].

Restait le danger dont les débordements de l’Hébertisme menaçaient la Révolution ; et ce danger, le Comité de salut public le portait dans ses propres flancs. Étrange mobilité des choses dans les temps d’orage ! Pour enivrer d’audace le parti de la Terreur, il avait suffi des attaques aventurées par Philippeaux, et des protestations hyperboliques de Camille ! Aussi, comme les Hébertistes avaient maintenant le verbe haut ! Avec quelle complaisance ils appelaient Collot-d’Herbois le géant ! Avec quel enthousiasme farouche ils allaient répétant les paroles de défi que l’exterminateur des Lyonnais rebelles venait de lancer à la politique de Robespierre : Loin de nous toute idée de modération ! C’était le moment où Fouché écrivait à Collot, au sujet delà prise de Toulon. Nous n’avons qu’une manière de célébrer la victoire ; nous envoyons ce soir deux cent treize rebelles sous le jeu de la foudre[85]. Le suicide de Gaillard, désespérant de la Révolution et ne voulant pas lui survivre, ajoutait à la surexcitation. Robespierre avait tenu tôle avec fermeté, aux Cordeliers, dans leurs démarches impérieuses, insolentes presque, en faveur de Ronsin et de Vincent, et il avait mis à excuser Philippeaux plus de courage que n’en montra Danton. Mais, compromis par Camille, qui rendait sa politique vulnérable et impopulaire en l’exagérant, il sentait le sol prêt à se dérober sous lui. Nul doute que, dans les deux dernières séances des Jacobins, le grand rôle n’eût appartenu à ses adversaires. La violée déployée par Levasseur contre Philippeaux prouvait que ceux-là même d’entre les Républicains ardents ne figuraient point parmi les Hébertistes étaient disposés à prendre parti pour eux ; et ce qui devait inquiéter encore davantage Robespierre, c’était de voir des hommes tels que Nicolas, qu’on savait avoir poussé l’attachement à sa personne jusqu’à une espèce de culte, menacer de la guillotine... qui ? l’auteur du Vieux Cordelier, ce Camille Desmoulins, dont lui, Robespierre, avait, peu de jours auparavant, garanti le républicanisme[86] !

Dans cette situation critique, Robespierre n’hésita pas. Ultra-révolutionnaires qu’il avait si souvent combattus, il résolut de les condamner de haut, solennellement, comme membre du pouvoir, mais cela de manière à leur Cacher, une fois encore, tout prétexte de se poser en défenseurs exclusifs de la Révolution, et d’attirer dans leurs rangs tous ceux à qui la faiblesse ou la tiédeur paraissait trahison. De là le Rapport qu’il présenta le 5 nivôse (25 décembre) sur les principes du gouvernement révolutionnaire.

La théorie du gouvernement révolutionnaire, disait-il en commençant, est aussi neuve que la révolution qui 1 a amenée... Il ne faut pas la chercher dans les livres des écrivains politiques, qui n’ont point prévu celle révolution, ni dans les lois des tyrans, qui, contents d’abuser de leur puissance, s’occupent peu d’en rechercher la légitimité. Aussi ce mot n’est-il pour l’aristocratie qu’un sujet de terreur ou de calomnie, pour les tyrans qu’un scandale, pour bien des gens qu’une énigme ; il faut l’expliquer à tous, pour rallier au moins les bons citoyens aux principes de l’intérêt public[87].

Puis, distinguant avec soin, — et c'étaient là des distinctions d’homme d’État, non de vaines antithèses de rhéteur, — ce que le tort de Camille Desmoulins avait été de confondre :

La fonction du gouvernement, continuait-il, est de diriger les forces morales et physiques de la nation vers le but de son institution.

Le but du gouvernement constitutionnel est de conserver la République ; celui du gouvernement révolutionnaire est de la fonder.

La Révolution est la guerre de la liberté contre ses ennemis ; la Constitution est le régime de la liberté victorieuse et paisible.

Le gouvernement révolutionnaire a besoin d’une activité extraordinaire, précisément parce qu’il est en guerre. Il est soumis à des règles moins uniformes et moins rigoureuses, parce que les circonstances où il se trouve sont orageuses et mobiles, et surtout parce qu’il est forcé de déployer sans cesse des ressources nouvelles et rapides pour des dangers nouveaux et pressants.

Le gouvernement constitutionnel s’occupe principalement de la liberté civile, et le gouvernement révolutionnaire de là liberté publique. Sous le régime constitutionnel, il suffit presque de protéger les individus contre l’abus de la puissance publique ; sous le régime révolutionnaire, la puissance publique elle-même est obligée de se défendre contre toutes les passions qui l’attaquent.

Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection nationale, il ne doit aux ennemis du peuple que la mort[88].

 

Cette dernière phrase, dont l’âpreté n’avait trait qu’à période de transition, la période révolutionnaire, s’adressait à la fois aux conspirateurs monarchiques et aux Hébertistes. Robespierre disait aux premiers : Gardez-vous de voir dans notre aversion pour les excès une promesse d’impunité ou une marque de faiblesse ; et aux seconds : Quand nous nous engageons à ne pas fléchir devant les coupables, de quel droit appelleriez-vous contre-révolutionnaire la protection accordée à ceux qui sont innocents ou qui ne sont qu’égarés ?

Et, pour mieux briser entre les mains des Hébertistes l’arme que Camille Desmoulins leur avait étourdiment fournie ; pour bien établir que le dessein de couper court aux excès de la Terreur n’impliquait nullement celui de laisser les conspirateurs ou les traîtres impunis, Robespierre concluait par la proposition d’un décret qui, d’une part, activât la mise en jugement des généraux prévenus de complicité avec Dumouriez ; et, d’autre part, augmentât d’un tiers les secours et récompenses auxquels avaient droit les défenseurs de la patrie blessés en combattant pour elle[89].

Quant à la pensée dominante du Rapport, le passage qui la contenait était celui-ci :

..... Le gouvernement révolutionnaire n’a rien de commun ni avec l’anarchie ui avec le désordre ; son but, au contraire, est de les réprimer, pour amener et affermir le règne des lois. Il n’a rien de commun avec l’arbitraire. Ce ne sont point les Passions particulières qui doivent le diriger, c’est l’intérêt public. Il doit se rapprocher des principes ordinaires, dans tous les cas où ils peuvent être rigoureusement appliqués, sans compromettre la liberté publique. La mesure de sa force doit être l’audace ou la perfidie des conspirateurs ; plus il est terrible aux méchants, plus il doit être favorable aux bons, et plus il doit s’abstenir des mesures qui gênent inutilement la liberté, et qui blessent les intérêts privés sans aucun avantage public[90].

 

Convaincu que les deux extrêmes aboutissent au même point, et, selon ses propres expressions, que le but est également manqué, soit qu’on ne l’atteigne pas, soit qu’on le dépasse, Robespierre s’étudiait à tracer à la Révolution sa route entre les deux écueils que, souvent déjà, il avait signalés avec inquiétude : l’excès de l’indulgence et l’excès de la rigueur.

Mais il lui eût fallu, pour réussir, un pouvoir qu'il n’avait pas. Son autorité morale était immense ; son autorité officielle, très-combattue, très-disputée, se trouva bien souvent nulle. Celle importante distinction fut soigneusement voilée, après le 9 thermidor, par tous ceux qui avaient intérêt à rejeter sur Robespierre la responsabilité d’un passé terrible ; et, comme il n’était plus là pour répondre, rien n’a contribué davantage à falsifier l’histoire delà Révolution. La vérité est que Robespierre avait contre lui, non-seulement tout le Comité de sûreté générale, moins David et Lebas ; mais encore tout le Comité de salut public, moins Saint-Just et Couthon.

On en eut une preuve décisive dans les circonstances dont il s’agit. Le 6 nivôse (26 décembre), Barère, à la suite d’un Rapport sur les suspects, réponse amère aux nouvelles traductions de Tacite, proposa de prendre dans les deux Comités la Commission chargée de juger des motifs d’arrestation à l’égard des citoyens incarcérés. C’était faire dépendre l’action de ce Comité de justice que Robespierre avait demandé, d’une majorité hostile à sa politique de modération ferme et vigilante. Vainement réclama-t-il le maintien du premier décret rendu sur sa Proposition ; vainement signala-t-il les inconvénients nombreux de celui qu’on voulait y substituer : Barère se déclara sans détour l'organe du vœu des deux Comités réunis[91].

L’isolement de Robespierre dans les régions officielles no pouvait être révélé ni d’une manière plus saisissante ni à propos d’une question plus grave. Mais ce n’était Pas assez pour Billaud-Varenne, dont l’inflexibilité systématique et les convictions farouches s’alarmaient de la moindre atteinte portée au régime de la Terreur. Avec une violence qu’il ne prit nul soin de déguiser, il affirma que les inconvénients attachés au second décret accusaient le premier qui avait été rendu — celui qu’avait fait voter Robespierre — ; et, frappant d’une réprobation indirecte, mais non équivoque, la politique modérée de son collègue, il ajouta que la Convention aurait passé à l’ordre du jour sur les réclamations des contre-révolutionnaires présentées à sa barre le 30 frimaire, si elle eût conservé son énergie et sa fermeté[92]. Robespierre, en donnant ces réclamations pour point de départ à la proposition d’un Comité de justice, avait donc, selon Billaud- Varenne, manqué d’énergie et de fermeté ! Le Irait était de ceux qui, en ce temps-là, faisaient de profondes blessures. La Convention ne se borna pas à passer à l’ordre du jour sur le décret présenté par Barère ; elle rapporta le premier qu’elle avait voté sur la proposition de Robespierre[93].

Ainsi le Comité de justice fut rejeté ; et ce triomphe de Billaud-Varenne donna un surcroît de force aux Hébertistes, si bien servis déjà par les exagérations en sens inverse de Camille Desmoulins, par les attaques inconsidérées de Philippeaux, et par le retour à Paris de Collot-d’Herbois.

 

 

 



[1] Voyez le volume précédent, la fin du chapitre VII du livre X.

[2] Le décret se trouve reproduit in extenso dans le tome XXX de l’Histoire parlementaire, p. 254-266.

[3] On a déjà vu que l’armée républicaine n’entra dans Toulon que le 9 frimaire (19 décembre).

[4] Ceci nous a été raconté et affirmé par un témoin auriculaire, M. Souberbielle. Nous l’avons déjà dit.

[5] Voyez la lettre de Robespierre jeune, citée dans le chapitre intitulé Les Proconsuls.

[6] Nous avons déjà cité ces paroles, tome précédent, livre X, chap. III.

[7] Séance des Jacobins, du 6 frimaire (20 novembre). Républicain français, cité dans l’Histoire parlementaire, t. XXX. p. 285.

[8] Républicain français, cité dans l’Histoire parlementaire, t. XXX, p. 285.

[9] Telle est la version du Moniteur. Celle du Républicain français, citée dans l’Histoire parlementaire, t. XXX, p. 286, n’en diffère guère que par la précision des termes. Les paroles attribuées à Danton par le Républicain français sont celles-ci : Cet Henri IV, tant célébré, qui fut un roi et un misérable comme tous ceux qui ont porté ce nom, disait à un des chefs de la Ligue, après l'avoir fait suer longtemps : C’est la seule vengeance que je veux tirer de vous. Henri IV avait alors affermi sa puissance ; celle du peuple ne l’est pas entièrement. Mais, lorsqu'il jouira sans contrariété de la plénitude de sa puissance souveraine, il saura ramener sans rigueur les citoyens égarés et les immobiles.

[10] Moniteur, an II (1793), n° 76.

[11] Moniteur, an II (1793), n° 76.

[12] Le Vieux Cordelier, premier numéro, p. 50 et 51. Collection des mémoires relatifs à la Révolution française.

[13] Deuxième numéro du Vieux Cordelier, p. 55 et 56.

[14] Deuxième numéro du Vieux Cordelier, p. 57.

[15] Le Vieux Cordelier, premier numéro, p. 43.

[16] Voyez plus loin te compte rendu de la séance des Jacobins du 18 nivôse (7 janvier). — Moniteur, an II (1794), n° 111.

[17] Bibliothèque historique de la Révolution, 775-6-7. (British Museum.)

[18] Déclaration des droits, présentée aux Jacobins par Robespierre, le 21 avril 1793.

[19] Moniteur, an II (1793), n° 86, compte rendu de la séance des Jacobins du 22 frimaire (12 décembre).

[20] Appel au genre humain, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 775-6-7. (British Museum.)

[21] Appel au genre humain, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 775-6-7. (British Museum.)

[22] Moniteur, an II (1793), n° 88.

[23] Moniteur, an II (1793), n° 88.

[24] Voyez à cet égard la déclaration formelle de Robespierre, non contredite par Camille Desmoulins, dans le Moniteur, an II (1794), n° 111, compte rendu de la séance des Jacobins, du 18 nivôse (7 janvier).

[25] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 48-54. Collection des mémoires relatifs à la Révolution française.

[26] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 55.

[27] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 55.

[28] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 56.

[29] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 58.

[30] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 57 et 58.

[31] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 59.

[32] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 57.

[33] Troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 62.

[34] Voyez le Moniteur du 8 nivôse (28 décembre). — Explications sur un Rapport de Barère, où Camille Desmoulins ôtait attaqué sans être nommé.

[35] Voyez le projet de Rapport de Robespierre sur la faction de Fabre d’Églantine, n° 411 des pièces à la suite du Rapport de Courtois.

[36] Séance du 20 frimaire (10 décembre).

[37] Voyez le discours de Jay-Sainte-Foix, dans la séance du 25 frimaire (13 décembre).

[38] Projet de Rapport de Robespierre sur la faction de Fabre d’Églantine, ubi supra.

[39] Moniteur, an II (1793), n° 85.

[40] Séance du 25 frimaire (15 décembre).

[41] Moniteur, an II (1793), n° 88 et 86.

[42] Moniteur, an II (1793), n° 86.

[43] Moniteur, an II (1793), n° 89.

[44] Voyez le compte rendu de la séance du 28 frimaire, dans le Moniteur, an II (1793), n° 90.

[45] Voyez à cet égard son projet de Rapport sur la faction de Fabre d'Églantine, ubi supra.

[46] Moniteur, an II (1793), n° 91.

[47] On en va voir la preuve un peu plus loin.

[48] Babœuf, la Vie et les Crimes de Carrier, Bibliothèque historique de la Révolution, 1049-50-51. (British Museum.)

[49] C’est ce qu'il raconte lui-même dans le troisième numéro du Vieux Cordelier, p. 60. Collection des Mémoires, etc.

[50] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 65, 66. Collection, etc.

[51] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 66.

[52] Quatrième numéro du Vieux Cordelier. Note de la page 66.

[53] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 67.

[54] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 67.

[55] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 67.

[56] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 68.

[57] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 68.

[58] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 69.

[59] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 72.

[60] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 73.

[61] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 73.

[62] Quatrième numéro du Vieux Cordelier, p. 73 et 74.

[63] Moniteur, an II (1793), n° 92.

[64] Histoire parlementaire, t. XXX, p. 392.

[65] Moniteur, an II (1793), n° 94. Compte rendu de la séance des Jacobins du 1er nivôse (21 décembre).

[66] Moniteur, an II (1793), n° 92.

[67] Moniteur, an II (1793), n° 92.

[68] Le Père Duchêne, n° CCCXXVI.

[69] Moniteur, an II (1793), n° 95.

[70] N° V du Vieux Cordelier, p. 85. Collection des Mémoires, etc.

[71] Moniteur, an II (1793), n° 96. Compte rendu de la séance des- Jacobins du 5 nivôse (23 décembre).

[72] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[73] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[74] Voyez dans le tome IX de cet ouvrage, le chapitre intitulé la Vendée vaincue.

[75] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[76] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[77] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[78] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[79] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[80] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[81] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[82] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[83] Moniteur, an II (1793), n° 96.

[84] Projet de Rapport de Robespierre sur la faction de Fabre d’Eglantine.

[85] Moniteur, an II (1793), n° 95.

[86] C'était dans la séance du 14 décembre que Robespierre avait fait l’éloge de Camille Desmoulins ; ce fut dans la séance du 21 décembre que Nicolas le dénonça. Les IIIe et IVe n° du Vieux Cordelier avaient paru dans l’intervalle.

[87] Moniteur, an II (1793), n° 97.

[88] Moniteur, an II (1793), n° 97.

[89] Moniteur, an II (1793), n° 97.

[90] Moniteur, an II (1793), n° 97.

[91] Séance de la Convention du 6 nivôse (20 décembre).

[92] Séance de la Convention du 6 nivôse (20 décembre).

[93] Séance de la Convention du 6 nivôse (20 décembre).