Les Vendéens s’allient aux Anglais. — Parti de Saumur. — Parti de Nantes. — Ce que représentait Canclaux. — Ce que représentait Rossignol. — Les fumées soporatives. — Plan de campagne proposé à Saumur. — Plan de campagne proposé à Nantes. — Philippeaux entraîne le Comité de salut public. — Humeur violente de Philippeaux ; sa querelle avec Choudieu. — Conseil de guerre tenu à Saumur, le 2 septembre. — Générosité de Rossignol. — Plan adopté. — Arrêté sur l’exécution du décret du 1er août. — Levée en masse. — Les Mayençais à Nantes. — Échec de Lecomte à Chantonnay. — Monet fusillé et calomnié par les Vendéens. — Marche et succès de l’armée de Mayence. — Merlin (de Thionville) ; sa bravoure ; lettre de lui. — Mouvements de l’armée de Rossignol. — Victoires de Doué et de Thouars. — Héroïnes vendéennes. — Ordre de rétrograder envoyé à Chalbos et aussitôt après révoqué. — Défaite des républicains à Coron. — Combat sur les hauteurs de Beaulieu. — Échec de Kléber à Torfou. — Beysser chassé de Montaigu. — Défaite des républicains à Saint-Fulgent. — Campagne manquée. — Accusations injustes lancées par Philippeaux. — Rossignol approuvé par les Jacobins. — Nouveau conseil de guerre à Saumur. — Les Mayençais vainqueurs à Saint-Symphorien. — Canclaux et Rossignol remplacés par Léchelle. — Victoire des républicains au Moulin-aux-Chèvres. — Les Vendéens surpris à Châtillon par Westermann. — Évacuation de Mortagne. — Combat de la Tremblaye ; Lescure blessé. — Les généraux de la Haute-Vendée abandonnés par Charette. — Occupation de Chollet par les républicains. — Victoire des républicains à Chollet. — Traits d’héroïsme. — Les républicains occupent Beaupréau. — Passage de la Loire. — Déplorable état de la Vendée.Dans les premiers jours de septembre, les chefs vendéens, rassemblés aux Herbiers, s’étaient occupés de diviser le pays conquis en cinq portions, ayant chacune un général spécialement chargé de la défendre. Charette eut sous son commandement les environs de Nantes et la côte ; Bonchamp, les bords de la Loire, en Anjou ; la Rochejaquelein, tout le reste de l’Anjou insurgé ; Lescure, toute la partie ouest du Poitou insurgé ; Royrand, le camp de l’Oise. D’Elbée conserva son titre de généralissime. Châtillon continua d’être le siège du conseil supérieur, et la résidence de l’état-major fut fixée à Mortagne[1]. Quelques jours auparavant, au château de la Boulaye, où Lescure, la Rochejaquelein et le faux évêque d’Agra se trouvaient réunis, un homme de trente ans, petit, à la figure vive, aux allures décidées, s’était présenté avec des dépêches qu’il portait en guise de bourre dans ses pistolets. Envoyé d’Angleterre par Dundas et le gouverneur de Jersey, un bateau pêcheur l’avait jeté seul, pendant la nuit, sur la côte de Saint-Malo. Mais à l’esprit contre-révolutionnaire des paroisses situées sur sa route, il avait dû de pouvoir se procurer, de village en village, des secours et des guides ; et, après avoir fait à pied cinquante lieues en cinq nuits, il avait audacieusement traversé la Loire, à la vue des barques canonnières des républicains. Il se nommait le chevalier de Tinténiac. Quel fut l’étonnement de ses hôtes, lorsqu’ils virent que les dépêches apportées par lui étaient adressées à Gaston, le perruquier tué au début de la révolte ! L’ignorance, à Londres, était si grande en ce qui concernait l’insurrection de la Vendée, qu’on paraissait n’y pas bien savoir si elle avait pour objet le triomphe des idées de l’Assemblée constituante, ou la restauration de l’ancien régime, ou la résurrection du parti girondin[2]. Du reste, les dépêches contenaient des offres de secours clairement énoncées. Si les chefs vendéens hésitèrent à s’allier aux Anglais, engagés alors dans une guerre à mort contre la France, c’est ce dont on va juger par le passage suivant des Mémoires de madame de la Rochejaquelein. Il vaut qu’on le cité : J’avais une écriture très-fine et très-lisible. Ces messieurs me prirent pour secrétaire, et j’écrivis les dépêches que M. de Tinténiac voulait rapporter dans ses pistolets. On répondit au ministère anglais. que, si l’on n’avait pas sollicité des secours, c’était à cause de l’impossibilité des communications ; que ces secours nous étaient fort nécessaires. Nous proposions un débarquement aux Sables ou à Paimbœuf, promettant d’amener cinquante mille hommes, au jour donné, sur le point qui serait choisi. Mais ce qu’on demanda spécialement et avec instance, c’est que le débarquement fût commandé par un prince de la maison de Bourbon, et composé d’émigrés en grande partie. Tous les généraux qui étaient à la Boulaye signèrent cette réponse, et l’évêque d’Agra y mit hardiment son nom[3]. Puisque le ministère anglais montrait un vif désir de secourir les insurgés par toute espèce de moyens[4], sans même savoir au juste pour quelle cause ils combattaient, les chefs vendéens ne pouvaient se faire illusion sur la nature de l’appui offert ; ils ne pouvaient ignorer qu’ils s’alliaient, non aux défenseurs du principe monarchique, mais aux ennemis de la France, agissant comme tels. Ils le signèrent, néanmoins, ce pacte sacrilège ; et la naïveté des aveux qu’on vient de lire prouve assez que ce fut en toute sécurité de conscience ! Quel était, pendant ce temps, l’état des choses parmi les républicains ? On a vu[5] que, lorsque, au mois d’août, l’armée de Mayence arriva en Vendée, un débat très-animé s’engagea entre la commission centrale de Nantes et celle de Saumur, sur la direction à donner aux Mayençais. Ce débat tirait son importance d’un antagonisme, ancien déjà, mais que l’élévation de Rossignol venait de mettre vivement en lumière. Au fond, ce que Rossignol représentait en Vendée, c’était le principe démocratique, appliqué avec tous ses avantages et tous ses inconvénients à la formation, à la direction des armées, et à la distribution des grades : système des levées en masse, appel brûlant des volontaires sous les drapeaux, puissance de l’enthousiasme substituée aux ressources de la guerre méthodique, et préférence donnée, dans le maniement des soldats, à l’énergie du patriote sur l’expérience du général, à l’inspiration sur la stratégie, en un mot à l’esprit civique sur l’esprit militaire, voilà ce que personnifiait Rossignol, et ce que patronnait en lui la commission centrale de Saumur, composée de Richard, de Choudieu, de Bourbotte. C’est ce qui constituait, en dehors des dispositions particulières des habitants de Saumur, le parti de Saumur. Canclaux, qui n’était comme Rossignol ni un homme de club ni un homme du peuple, et qui à l’orgueil d’une haute naissance joignait cette passion de la force réglée qui se puise dans la vie des camps, le comte Camille de Canclaux devait naturellement représenter en Vendée un tout autre principe et un tout autre esprit que Rossignol. Philippeaux, en opposant le premier au second, contribua, plus que personne, à constituer ce qui, en dehors des opinions propres aux diverses catégories de la population nantaise, put être appelé le parti de Nantes[6]. Que Rossignol fût doué de qualités estimables, c’est certain. Turreau, dans ses Mémoires, se fait gloire d’avoir été son ami[7]. Hentz, très-prévenu contre lui en arrivant à Saumur, fut charmé de sa franchise, de la sincérité de son patriotisme et de la simplicité de ses mœurs républicaines[8]. Le 19 août, Santerre écrivait au ministre de la guerre : J’ai trouvé en Rossignol l’homme de la nature, brave et dont l’esprit est rare. Il craignait le fardeau de sa place. J’ai du plaisir à servir sous ses ordres[9]. A la même époque, les commissaires Besson et Brulé mandaient au Comité de salut public que Rossignol avait la confiance de son armée, les soldats étant bien sûrs que celui-là du moins ne les trahirait pas[10]. Il est juste aussi de remarquer que, loin d’avoir ambitionné la dignité de général en chef, Rossignol la refusa d’abord, puis ne l’accepta qu’avec une louable défiance de lui-même[11]. Et jamais l’envie n’approcha de son cœur, comme le prouve de reste sa conduite envers Boulard, dont nul ne sut mieux que lui respecter les vertus, louer les talents et recommander les services[12]. Malheureusement c’était une nature confiante et faible. Je tremble, lui avait écrit de Paris, en lui annonçant sa nomination, une dame P*** de ses amies, je tremble que ta trop grande confiance ne te fasse tomber dans les pièges de certains hypocrites. Tu vas avoir autour de toi des hommes politiques, et par cela même artificieux[13]… Ces mots étaient sans doute à l’adresse de Ronsin, devenu meneur révolutionnaire d’auteur dramatique qu’il avait été, et dont l’ascendant sur Rossignol s’expliquait par beaucoup d’intelligence, d’audace et de courage, présents du ciel qui, chez lui, servaient de voile à une politique sans scrupule unie à des penchants sanguinaires. L’amitié d’un tel homme ne pouvait que décrier Rossignol, et sa mauvaise santé, qui trop souvent le tint éloigné de la scène, ajoutait à cet inconvénient ; mais l’injuste aversion dont il fut l’objet de la part d’une certaine fraction du parti républicain avait une cause plus profonde. En réalité, sa nomination n’avait été qu’un coup d’État révolutionnaire ; elle avait eu pour but avoué de saper l’ancienne routine des camps, de poursuivre jusque sous la tente ce qui restait encore des vieux prestiges, d’affaiblir la dangereuse confiance des soldats pour leurs généraux titrés, et de bien faire comprendre que la Révolution n’entendait point composer avec le passé monarchique, de quelque façon que ce pût être[14]. Rossignol eut donc naturellement contre lui, même dans le parti républicain, toutes les convictions chancelantes, tous les cœurs au fond desquels la puissance des idées nouvelles luttait contre le culte des souvenirs, tous ceux enfin qui ne croyaient pas absolument nécessaire que la Révolution brûlât ses vaisseaux. Il fallait en finir, cependant, avec cette inexplicable Vendée, comme l’appelait Barère. Et par quels moyens ? Les plus violents ne pouvaient guère paraître excessifs, là où les plus chimériques ne parurent pas ridicules. Je me rappelle, raconte Savary, qu’un adepte, se prétendant physicien et alchimiste, présenta aux, députés qui se trouvaient à Angers une boule de cuir remplie, disait-il, d’une composition dont la vapeur, dégagée par le feu, devait asphyxier tout être vivant fort loin à la ronde. On en fit l’essai dans une prairie où se trouvaient quelques moutons que la curiosité attira vers le lieu de l’expérience, et personne n’en fut incommodé ![15] Il est probable que c’est à des procédés de ce genre que Santerre faisait allusion, lorsqu’il écrivait au ministre de la guerre : Des mines, des mines à force ! des fumées soporatives ! Et puis, tomber dessus ![16] Hâtons-nous de dire que l’idée d’asphyxier les Vendéens, ou de les endormir pour mieux les battre, n’empêcha pas de recourir à des moyens un peu plus sûrs. Jusqu’alors, dans la guerre de Vendée, les républicains avaient frappé au hasard, selon l’inspiration du moment ou la convenance accidentelle des lieux : on reconnut enfin qu’au système des attaques partielles et incohérentes il était temps de substituer celui des attaques combinées. Sur ce point, pas de difficulté. Mais quel plan de campagne adopterait-on ? Le parti de Nantes et le parti de Saumur se disputant l’armée de Mayence, il en résulta que deux plans de campagne tout à fait opposés se produisirent. Car, bien souvent, la différence des idées ne naît que de l’antagonisme des passions. La commission centrale de Nantes était d’avis que l’armée de Mayence se rendît à Nantes et s’y réunît aux troupes commandées par Canclaux. A un jour donné, elle en serait partie, pour s’emparer du Port-Saint-Père, de Machecoul, de Légé, ayant comme points de contact, à droite l’intrépide armée de Boulard, et à gauche la garnison de Nantes ; puis, elle aurait percé jusqu’à Mortagne, centre de la rébellion, de manière à diviser les forces de l’ennemi, tandis que, combinant une attaque environnante, les divisions républicaines d’Angers, de Luçon, de Niort, des Sables, se seraient avancées en se donnant la main, contraignant l’ennemi à faire face sur tous les points à la fois, le resserrant de plus en plus, et le refoulant sur lui-même, jusqu’à ce qu’il pérît comme étouffé[17]. Selon la commission centrale de Nantes, ce plan valait mieux que celui qui aurait consisté à opposer aux Vendéens une grande et unique armée. Quelle était, en effet, la tactique des rebelles ? Maîtres d’une vaste surface, ils se divisaient en plusieurs noyaux composés de. gens audacieux, très-propres à former des têtes de colonnes, et distribués à une assez grande distance les uns des autres. Y avait-il une expédition à tenter, la division qui en était chargée faisait sonner le tocsin dans toutes les paroisses à quarante-huit lieues de marche, désignait les lieux de rassemblement où chacun devait porter ses vivres et son fusil. Ce noyau se transformait de la sorte, comme par enchantement, en une armée nombreuse, en tête de laquelle marchaient quelques centaines d’hommes aguerris, la plupart braconniers ou garde-chasses et excellents tireurs. Ils attaquaient alors en poussant de grands cris. Et quel était le résultat ? Vaincus, ils perdaient quelques canons, et chacun de retourner chez soi, sauf à recommencer. Vainqueurs, ils se multipliaient en progression effrayante, et menaçaient de tout inonder. Dix mille avant un combat, ils pouvaient être cinquante mille après une victoire. N’était-il pas manifeste que des paysans, qui n’avaient ni train ni bagages, qui se dispersaient en un clin d’œil, et dont chacun portait ses vivres, auraient bon marché d’une lourde masse constamment en peine du soin de ses subsistances, et forcée, en cas d’urgence, d’aliéner par le pillage les populations laissées derrière elle ? Le plan proposé avait, d’ailleurs, l’avantage de couper toute relation entre les rebelles et l’Angleterre ; de tenir en respect la Bretagne, où l’insurrection fermentait ; de rendre disponible l’artillerie de Nantes, qui n’aurait plus besoin de canons dès qu’en avant de la rive gauche elle aurait un redoutable corps d’armée pour la protéger[18]. A cela, ceux de la commission centrale de Saumur répondaient : que la question étant de détruire les rebelles sans retour, il convenait de leur laisser le moins d’échappées possible ; qu’appeler de divers points très-éloignés l’un de l’autre les corps qui devaient former l’attaque environnante n’était pas le moyen d’empêcher les trouées ; que, de Mortagne, l’ennemi pouvait se porter, à son choix, sur chacune des colonnes destinées à le cerner, et en vaincre une, deux ou même trois en un jour, précisément parce qu’il n’était embarrassé ni de vivres ni de bagages ; que, dans ce cas, les opérations de l’armée de Mayence seraient irrévocablement compromises ; qu’il était absurde de faire faire à cette armée une marche de quarante-sept lieues pour atteindre Mortagne, d’où, à Saumur, elle n’était éloignée que de douze lieues ; que, le pays occupé par les rebelles présentant une espèce de carré dont deux barrières naturelles, la Loire et la mer, dessinent deux des côtés, on devait chercher à acculer l’ennemi dans l’angle formé par la Loire et la mer, c’est-à-dire l’attaquer en masse par l’angle opposé[19]. Ainsi le parti de Nantes proposait d’attaquer les Vendéens par l’ouest, de les diviser au moyen d’une pointe de l’armée de Mayence sur Mortagne, et de les détruire en les cernant. Le parti de Saumur, au contraire, proposait de concentrer toutes les troupes en cette dernière ville, d’attaquer par l’est, et en masse. Or, dans le premier cas, l’armée de Mayence passait sous le commandement du comte de Canclaux, et promettait, par les prodiges qu’on attendait d’elle, d’assurer en Vendée la prépondérance du parti aristocratique et militaire. Dans le second cas, l’armée de Mayence était mise sous les ordres du plébéien Rossignol, et l’honneur d’avoir fini la guerre de Vendée appartenait au parti civil et démocratique. Le premier plan était du général Grouchy, alors chef de l’état-major de l’armée des côtes de Brest[20] ; il avait été adressé, le 14 août, au Comité de salut public par le représentant Cavaignac[21] ; et Philippeaux l’avait adopté jusqu’à se l’approprier en quelque sorte. Heureux d’avoir cette flèche à lancer à travers le cœur de Ronsin, il se rendit auprès du Comité de salut public pour appuyer les vues du parti de Nantes, et ne craignit pas de dire : Si l’on suit cette marche, la guerre ne durera pas un mois, j’en réponds sur ma tête[22]. Tant d’assurance entraîna le Comité de salut public, qui envoya l’ordre à l’armée de Mayence de se diriger sur Nantes. Mais ce n’était pas assez pour Philippeaux, nature agressive et inflammable à l’excès. Dans son opposition à ce qu’il nommait par dérision la cour de Saumur, il déploya la même passion qui, à Chartres, lui avait fait donner aux Girondins vaincus le titre d’alliés de l’ennemi extérieur[23], et il employa le même langage dont il s’était servi en définissant Louis XVI : La grosse et vilaine bête qu’on appelait roi[24]. Non content de se déchaîner contre Ronsin, sans avoir à articuler d’autre fait que de l’avoir vu en compagnie de courtisanes, il accueillit avec une légèreté déplorable, à l’égard de Rossignol, des accusations qui se trouvèrent être des calomnies[25]. De l’armée de Saumur, il disait, par une irritante affectation de dédain : Elle fera beaucoup en ne faisant point de mal[26], et une de ses expressions favorites était : Le cloaque fangeux de Saumur[27]. Richard et Choudieu n’étaient pas gens à dévorer patiemment de telles insultes. Il ne paraît pas, néanmoins, qu’ils y aient d’abord répondu autrement qu’en s’efforçant d’entraver l’exécution du plan appuyé par Philippeaux. Ils n’eurent pas de peine à prouver au Comité de salut public que la décision qu’on lui avait arrachée était hâtive, qu’il convenait d’écouter les opinions diverses et de les peser. La lettre qu’ils écrivirent à ce sujet semblait si raisonnable, qu’elle obtint la signature de Rewbell et de Merlin (de Thionville), commissaires près l’armée de Mayence. Irrité, Philippeaux appela cette démarche une intrigue, reçut un cartel de Choudieu, et refusa de se battre, déclarant que son sang appartenait à la République[28]. Ces funestes querelles avaient rempli les derniers jours du mois d’août : enfin, le 2 septembre, un grand conseil de guerre fut tenu à Saumur, où les deux partis vinrent, sur la question en suspens, se mesurer une dernière fois. Prirent part à la délibération onze représentants du peuple, qui étaient : Richard, Choudieu, Fayau, Philippeaux, Ruelle, Meaulle, Cavaignac, Turreau, Rewbell, Merlin (de Thionville), Bourbotte ; et onze généraux, savoir : Rossignol, Canclaux, Aubert Dubayet, Menou, Santerre, Mieszkouski, Dembarrère, Salomon, Rey, Duhoux et Chalbos[29]. Le débat fut très-vif, et le résultat singulier. Bourbotte s’étant abstenu, et Chalbos ayant proposé un système mixte, il arriva que, sur les onze représentants, sept se prononcèrent pour le plan de Nantes, et trois pour le plan de Saumur, tandis que, sur les onze généraux, sept donnèrent la préférence au plan de Saumur, et trois au plan de Nantes[30] : de sorte que le parti qui représentait en Vendée l’esprit militaire se trouva avoir contre lui, en cette occasion, la majorité des généraux, et pour lui la majorité non militaire ! Les votes se balançaient d’une manière exacte : dix d’un côté, dix de l’autre ; ce qui fit pencher la balance, ce fut la générosité de Rossignol. S’apercevant que la difficulté venait uniquement de la répugnance que certains généraux nobles, tels que Aubert Dubayet, avaient à servir sous lui, il proposa noblement à Canclaux de lui abandonner le commandement s’il voulait entrer en campagne par Saumur ; et, sur le refus de Canclaux, qui n’eût pu accepter l’offre sans indélicatesse, il déclara faire à son collègue le sacrifice de son opinion particulière[31]. Cette conduite pleine de grandeur termina tout, et l’armée de Mayence prit la route de Nantes. Cependant le décret du 1er août avait répandu l’alarme, et le bruit courait, accrédité par quelques paroles irréfléchies de Rossignol, que ce décret allait avoir dans ceux du parti de Saumur des exécuteurs inflexibles et aveugles : un fait éclatant démentit ces rumeurs. Santerre s’était hâté d’écrire au ministre de la guerre sur la nécessité de prendre des mesures pour que l’exécution ne frappât que les rebelles ; le ministre lui répondit : Mon opinion est conforme à la vôtre[32]. Et les représentants près l’armée des côtes de la Rochelle publièrent aussitôt un arrêté portant qu’il ne fallait pas confondre avec les véritables repaires des brigands les pays envahis par eux, et dont les habitants étaient en majorité restés fidèles à la patrie ; qu’il était défendu à tout officier, sous-officier ou soldat, de mettre le feu à une ville, à un bourg, à un village, à un hameau, même à une maison particulière, sous prétexte que les brigands y avaient logé ; qu’un tel acte serait puni comme acte de rébellion à la loi ; que, dans les pays occupés par les brigands, les généraux seuls auraient le droit de déterminer l’exécution du décret du 1er août ; qu’en tout cas, nul ordre d’incendier ne serait donné que lorsque les commissaires attachés aux armées auraient fait retirer les bestiaux et les subsistances. Ces mesures, qui, selon l’expression de Savary[33], semblaient réduire la guerre à ses fléaux ordinaires, et pour lesquelles on créa des commissions spéciales, calmèrent l’effervescence[34]. Mais à la sagesse il fallait joindre l’énergie, et, comme nous l’avons déjà dit, ce qui distinguait le parti de Saumur du parti de Nantes, c’était une foi absolue dans la puissance de l’élan populaire. De là, la levée en masse, ordonnée par les représentants près l’armée des côtes de la Rochelle. La réponse à cet appel du patriotisme fut prodigieuse. Le tocsin, sonné le 11 septembre dans le district de Saint-Maixent, réunit dix mille hommes en six heures[35]. Les levées en masse encombrèrent Angers, Saumur, Thouars, Niort et Fontenay. Rien de tel ne s’était vu depuis les Croisades[36]. Il est vrai qu’on ne pouvait pas compter ces volontaires comme autant de soldats ! N’y avait-il point à les armer, à les discipliner, à les habituer au feu ? Sous ce rapport, il y eut certainement illusion de la part de ceux de Saumur ; mais l’illusion ici n’en donna pas moins lieu à un de ces grands spectacles qui sont la gloire d’un peuple libre. Pendant ce temps, l’armée de Mayence arrivait à Nantes. La renommée qui marchai t devant ces valeureux guerriers leur avait préparé dans Nantes une réception digne de leurs hauts faits. Ils furent accueillis, ils furent fêtés avec transport. Aussi impatiente de les montrer à l’ennemi que fière de les posséder, la ville se plut à les faire ranger en bataille dans la prairie de Mauves, presque sur le bord de la Loire, pour que, des postes opposés, les Vendéens pussent voir à quels rudes combattants il leur faudrait désormais tenir tête. Là était Merlin (de Thionville), aussi brave que le plus brave. Au moment où les troupes rentraient, il lui prend envie d’aller reconnaître un poste ennemi aux environs de Saint-Sébastien. Suivi de quelques officiers généraux, il part, est accueilli par un beau feu de file, met pied à terre, saute dans la canonnière établie pour défendre le passage de la Loire, et riposte par quelques coups de canon[37]. Jouer un moment avec la mort, et, comme un banquet l’attendait dans la ville[38], gagner appétit, c’est tout ce qu’il avait voulu. Voici quel était l’état des forces qui composaient l’armée des côtes de Brest. Canclaux avait sous ses ordres deux généraux de brigade, Beysser et Grouchy, le premier occupant le camp des Naudières, à une lieue de Nantes, avec six mille hommes, et le second formant l’avant-garde, au camp des Sorinières, à la tête de deux mille hommes. Quant aux Mayençais, Aubert Dubayet commandait la division ; Kléber, l’avant-garde ; Vimeux, la 1re brigade ; Beaupuy, la 2e brigade ; Haxo, la réserver[39]. Pour ce qui est de l’armée des côtes de la Rochelle, placée sous les ordres de Rossignol, elle comprenait cinq divisions : celle de Saumur, commandée par Santerre ; celle d’Angers, commandée par Duhoux ; celle de Niort, commandée par Chalbos ; celle de Luçon, commandée par Tuncq, et enfin celle des Sables, où Boulard, que l’épuisement de sa santé avait contraint de donner sa démission, venait d’être remplacé par. Mieszkouski[40]. Or, d’après le plan concerté à Saumur, les opérations devaient avoir lieu de la manière suivante : L’armée des côtes de Brest, partant de Nantes, devait descendre la rive gauche de la Loire, balayer la Vendée inférieure, remonter vers Machecoul, arriver le 11 ou le 12 devant Légé ; le 15 ou le 14, vis-à-vis d’Aigrefeuille, et le 16, devant Mortagne[41]. De son côté, l’armée des côtes de la Rochelle devait régler ses mouvements de telle sorte, que la division des Sables prenant poste à Saint-Fulgent le 15, et celle de Luçon balayant tout le pays entre Chantonnay et la Roche-sur- Yon, les trois autres divisions de Niort, de Saumur et d’Angers se trouvassent le même jour, c’est-à-dire le 14 : la première à la Châtaigneraie ; la seconde à Vihiers, et la troisième sur les hauteurs de Beaulieu[42]. C’était le 15, autour de Mortagne, que devait s’opérer la jonction de toutes les colonnes parties des divers points du théâtre de la guerre ; et, si cette jonction avait lieu suivant les dispositions convenues, la destruction de l’ennemi paraissait chose certaine. Mais n’y avait-il rien de hasardé en un système qui faisait dépendre le succès de la campagne d’une précision mathématique dans chacun des mouvements indiqués ? Et pouvait-on raisonnablement espérer que les Vendéens ne mettraient obstacle à la marche d’aucun des corps dont la coopération était requise ? Choudieu, dans le conseil de guerre de Saumur, avait signalé le danger avec beaucoup de force[43] ; et l’événement ne lui donna que trop raison. Avant même que la campagne fût commencée, les armes républicaines essuyèrent un revers qui menaçait de tout compromettre. Tuncq, que nous n’avons pas vu figurer au conseil de guerre, s’était rendu à la Rochelle sous prétexte de se faire guérir d’une chute de cheval[44], laissant le commandement de la division de Luçon au jeune Lecomte, récemment créé général de brigade, et qui, à la tête du fameux bataillon le Vengeur, s’était couvert de gloire. Lecomte était de la race des héros, et une autre nature héroïque, Marceau, le secondait en qualité d’adjudant général. Mais, soit mauvaise volonté, soit négligence, Tuncq était parti, sans laisser ni renseignements, ni ordres, ni cartes, ni registres, pas même le cachet de l’état-major et la note des espions[45]. Attaqué à Chantonnay, le 5 septembre, par trente mille Vendéens, et attaqué à l’improviste, Lecomte fut battu, après des prodiges de valeur, et à la suite d’un combat qui dura de cinq à neuf heures du soir. Le bataillon le Vengeur y fut admirable, et se lit exterminer presque en entier[46]. Le désastre eût été complet sans les ténèbres, qui favorisèrent la retraite. Je me dirigeai à travers des bois qui m’étaient inconnus, écrivit Lecomte après la bataille. Il y avait été atteint d’une blessure qu’on crut d’abord mortelle, et le premier cri qu’il poussa de son lit de douleur fut pour accuser Tuncq et le maudire[47]. Au nombre des prisonniers républicains était Monet, commandant du bataillon le Vengeur. On lui apprit que lui et ses compagnons devaient se préparer à mourir. Fils unique, Monet frémit en songeant au désespoir de sa mère, et madame de Sapinaud raconte qu’elle reçut de lui une lettre où il lui rappelait qu’elle avait des enfants[48]. Elle ajoute qu’elle envoya cette lettre, accompagnée de sa recommandation, à M. de Cumont, qui répondit : La mort la plus affreuse serait encore trop douce pour un pareil homme[49]. Telle était la mansuétude vendéenne ! Monet fut conduit à la mort, qu’il subit avec fermeté ; et, comme si ce n’était pas assez de lui avoir ôté la vie, les Vendéens cherchèrent à déshonorer sa mémoire, en publiant un bulletin où ils lui faisaient dire : J’ai violé, volé, assassiné, incendié, blasphémé, commis toutes sortes de crimes et de scélératesses. Le supplice que je vais subir est trop doux. Je demande publiquement pardon à Dieu. Malheur à qui m’imitera ! Pour savoir jusqu’à quel point une relation, si peu vraisemblable en elle-même, mérite confiance, il suffit de remarquer qu’elle venait d’un conseil dirigé par ces deux grands imposteurs, l’évêque d’Agra et le curé Bernier[50]. Tandis que ces choses se passaient du côté de Luçon, Charette, du côté de Nantes, attaquait sans succès le camp des Naudières ; et, laissant dans ce camp une forte réserve sous les ordres d’Haxo et de Grouchy, Canclaux ouvrait la campagne. Les Mayençais, dont Kléber conduisait l’avant-garde, s’emparèrent d’abord de Port-Saint-Père, dont l’attaque fut signalée par des traits de bravoure extraordinaires. On y vit des soldats républicains, à la suite d’un lieutenant nommé Targe, se jeter à la nage, le sabre entre les dents, aller saisir, sous un feu terrible, des bateaux vendéens, et les ramener pour faire passer le détachement[51]. De là, les vainqueurs marchèrent dans la direction de Légé, chassant tout devant eux. Savary nous a conservé des notes de Kléber où on lit ces touchantes paroles : En passant devant le beau lac de Grand-Lieu, nous avions des paysages charmants et des échappées de vue aussi agréables que multipliées. Je ne pus m’empêcher de gémir sur le sort de ces paisibles citoyens qui, égarés et fanatisés par les prêtres, couraient à une destruction certaine[52]. D’après le plan d’opérations, les Mayençais auraient dû se trouver devant Légé le 12 septembre[53], et ce fut le 14[54] seulement que leur avant-garde se déploya dans la plaine en forme de glacis qui domine cette ville. Elle y fut rejointe par l’armée de Beysser, qui, faisant le circuit de la basse Vendée, s’était emparée successivement de Por nie, de Bourneuf et de Machecoul. Les Vendéens, qui occupaient Légé, se hâtèrent de l’évacuer, et les troupes de Beysser pillèrent la ville[55] ; après quoi, on se remit en marche. Le conventionnel Merlin (de Thionville), devenu cher aux soldats de l’armée de Mayence par une intrépidité qu’on eût admirée même chez un vieux guerrier, était de l’expédition. A Port-Saint-Père, il avait commandé l’artillerie volante et pointé lui-même plusieurs canons[56]. La lettre suivante, adressée à Goupilleau (de Montaigu), et dont l’autographe est sous nos yeux, donnera une idée de l’homme. J’arrive de Montaigu, d’où nous venons de chasser vingt mille coquins. Entré le premier dans la ville, j’ai protégé tes propriétés et ta femme. La ville ayant été prise à la baïonnette, je crois qu’elle sera totalement pillée. L’armée des brigands est en pleine déroute. S’ils n’avaient pas jusqu’ici eu affaire à des j… f…, ils n’auraient pas pris nos canons avec des bâtons. J’ai juré de n’écrire à la Convention qu’après que cette malheureuse guerre sera terminée. Ne soyez donc pas étonnés si vous ne voyez pas ma signature avec celle de mes collègues. Merlin (de Thionville)[57]. … Les mots : J’ai protégé tes propriétés et ta femme indiquent de reste que la ville de Montaigu fut livrée au pillage. Pour l’empêcher, le généreux Kléber avait prié Beysser de faire battre la générale : elle fut battue en effet, mais deux heures trop tard[58]… L’armée, avançant toujours, atteignit Clisson le 17. Là il fut convenu que la colonne de droite, sous les ordres de Beysser, se porterait à Tiffanges, et que l’avant-garde, sous les ordres de Kléber, marcherait sur Torfou, d’où elle pourrait, par le pont de Tiffanges, communiquer avec la colonne de droites[59]. Ces dispositions prises, Canclaux fit halte, attendant des nouvelles de Rossignol. Tel se présente à l’historien impartial le mouvement des Mayençais. Il ne cadrait pas, on le voit, avec les prévisions du plan de campagne ; car l’armée des côtes de Brest aurait dû être devant Mortagne le 16, et elle n’était encore qu’à Clisson le 17[60]. Que faisait, pendant ce temps, l’armée des côtes de la Rochelle ? La nouvelle de l’échec de la division de Luçon à Chantonnay avait avec raison alarmé Rossignol, cet échec étant de nature à laisser, par la désorganisation d’une des colonnes d’attaque, un vide dangereux entre la division des Sables et celle de Niort, ce qui suffisait pour tout remettre en question. On était dans cette incertitude, lorsque, le 14 septembre, la division de Saumur, qui n’avait pas dépassé Doué, y fut attaquée par une masse nombreuse de Vendéens que conduisaient le prince de Talmont, d’Autichamp et Stofflet. Les républicains étaient au nombre de sept mille combattants, dont cinq cents hommes de cavalerie, plus six mille hommes de la levée en masse, qu’on avait rejetés sur les derrières, parce qu’ils n’étaient armés que de piques, et menaçaient d’être un embarras plutôt qu’une force. Ce fut le général Dembarrère, officier attaché à l’arme du génie, qui fit les dispositions et forma la ligne. Les Vendéens furent repoussés, mis en déroute et poursuivis jusqu’à plus de trois lieues par la cavalerie républicaine, qui en fit un grand carnage[61]. Le même jour, Lescure courait attaquer les républicains à Thouars, et cela sans plus de succès[62]. Là périt, au plus fort de la mêlée, où elle se précipitait en furieuse, une jeune paysanne de Courlay, nommée Jeanne Robin. Elle passait, parmi les bleus, pour une sœur de Lescure, et les Vendéens la regardaient comme leur Jeanne d’Arc. Vêtue d’une de ces vestes de siamoise qu’on distribuait. aux soldats, elle combattit à Thouars, avec une fougue qui tenait du délire. A côté de Lescure, elle lui criait : Mon général, vous ne me passerez pas ; je serai toujours plus près des bleus que vous[63]. Et Jeanne Robin ne fut pas la seule qui représenta son sexe, dans cette guerre étrange. D’Elbée avait parmi les tambours de son armée une petite fille de treize ans, qui se fit tuer au combat de Luçon[64]. Dans la division de Joly, une belle femme de trente ans, madame de Beauglie, commandait une compagnie qui était à sa solde[65]. Quelquefois le courage des femmes vendéennes n’était pas sans un mélange de férocité : témoin cette paysanne qui, ayant rencontré son oncle à la tête d’une compagnie républicaine, se vantait de lui avoir coupé le cou sans qu’on l’eût vu souffler. Elle se nommait Renée Bordereau, avait reçu le surnom de l’Angevin, et, s’il en faut croire son propre témoignage, il lui était arrivé, dans un engagement aux Ponts-de-Cé, de tuer, à elle seule, vingt et un bleus à coups de sabre[66]. Les attaques de Doué et de Thouars encouragèrent Rossignol à se porter en avant. Ne pouvant juger que par conjectures de la véritable situation des colonnes qui agissaient dans l’Ouest, parce que, pour connaître leurs mouvements, il fallait faire un circuit de plus de cent lieues[67], il crut que la double attaque de Doué et de Thouars n’était qu’une suite de leurs progrès, qui refoulaient vers lui l’ennemi ; et il donna l’ordre d’avancer au général Santerre, qui commandait la division de Saumur, et au général Duhoux, qui commandait celle d’Angers[68]. Mais, en même temps, et par une inconséquence trop absurde pour avoir été autre chose qu’un malentendu, l’ordre de rétrograder était envoyé à Chalbos, qui, avec la division de Niort, avait atteint déjà la Châtaigneraie, prêt à appuyer le mouvement. Cet ordre, daté du 16 septembre, parvint à Chalbos le 17, fut exécuté par lui le 18, et transmis le 20 à Mieszkouski, lequel, de son côté, à la tête de la division des Sables, occupait à Saint-Fulgent le poste indiqué dans le plan de campagne[69]. Que l’ordre du 16 ait émané de Ronsin, qui se serait indûment servi, en cette occasion, du nom du général en chef, tout contribue à rendre cette supposition probable, sans qu’il soit permis de rien affirmer à cet égard. Mais ce qui est certain, c’est que, plus tard, à la tribune de la Convention, Choudieu nia formellement que Rossignol eût donné cet ordre, qu’il qualifia de malentendu[70]. Il est certain, d’autre part, que dès que Rossignol eut connaissance du fait, il s’empressa de prévenir Chalbos qu’il eût à reprendre sa position en toute hâte, ce que celui-ci se trouvait avoir fait le 20[71]. Ainsi le mal fut réparé aussi vite que signalé, et presque du jour au lendemain. Il est vrai que, du 18 au 20, les républicains essuyèrent trois défaites sur divers points du théâtre de la guerre ; mais, comme on va le voir, aucun de ces revers ne naquit du faux mouvement ordonné à Chalbos. Nous avons dit que Rossignol avait donné ordre à la division de Saumur de se porter en avant : arrivée à Vihiers le 17 septembre, elle passa la nuit au bivouac. Les avant-postes étaient placés à une hauteur appelée la Grille des hommes, à un quart de lieue de Coron, bourg situé dans un fond et traversé par une longue rue fort étroite. Le 18, on annonce l’approche des Vendéens. Ils étaient au nombre d’environ douze mille[72] et conduits par Piron, les principaux généraux de la grande armée vendéenne étant alors ou occupés ailleurs, ou blessés. Quant aux républicains, ils formaient un corps d’environ dix-sept mille hommes, dont sept mille seulement de troupes réglées ; le reste, fourni par la levée en masse, se composait de volontaires mal armés, sans aucune notion de discipline, et qui allaient au feu pour la première fois[73]. On marche sur Coron, que les rebelles occupaient, et où les représentants du peuple Choudieu et Richard entrent les premiers, le sabre à la main, ayant Ronsin à leurs côtés[74]. Le gros de l’armée ennemie était en bataille sur la hauteur du bois de la Roche. L’avant-garde des républicains, chassant les rebelles devant elle, occupe Coron, envoie des tirailleurs à droite et à gauche, et fait demander de l’artillerie légère à Santerre, resté à la Grille des hommes avec le corps d’armée. L’ordre fut mal exécuté ou mal compris, et l’artillerie tout entière s’achemina vers Coron. Déjà huit pièces de canon et autant de caissons se trouvaient enfournés dans l’étroite rue : Santerre accourt précipitamment et donne ordre de les retirer ; mais Ronsin, furieux : Comment ! tu ordonnes la retraite ! Mourons ici ! Pendant ce temps, les tirailleurs ennemis ont repoussé ceux des bleus, et les bataillons qui s’étaient déployés en avant de Coron, avec une seule pièce d’artillerie légère et deux obusiers, commencent à lâcher pied. Santerre fait replier l’avant-garde sur le corps d’armée, qui n’avait pas quitté les hauteurs de la Grille. Les Vendéens arrivaient à la course en criant : Vive Piron ! Les avant-trains des pièces si malencontreusement engagées s’étaient brisés en tournant dans les rues du village. Le désordre se met dans la colonne ; le cheval de Turreau se renverse et roule sur son cavalier ; Choudieu et Richard, entrés les premiers dans Coron, n’en sortent que les derniers, mais en sortent, et Ronsin lui-même est entraîné dans le mouvement de la retraite. De son côté, le corps d’armée, composé d’hommes novices au métier de la guerre, croit à une déroute complète en voyant l’avant-garde se replier. Les rangs flottent en se rompent ; la panique se répand de proche en proche. C’est vainement, qu’un drapeau à la main, Ronsin cherche à rallier les troupes : tout fuit[75]. Piron, vainqueur, se hâta d’envoyer une partie de son infanterie et toute sa cavalerie au chevalier Duhoux, qui, en ce moment, tenait tête à la division républicaine d’Angers, commandée par son oncle. Nouveau combat sur les hauteurs de Beaulieu, nouvelle victoire des Vendéens. Le général républicain Duhoux, injustement soupçonné d’avoir eu des intelligences avec son neveu, perdit toute son artillerie et fut poursuivi jusqu’aux Ponts-de-Cé[76]. Or, ce jour là-même, 19 septembre, l’armée de Mayence éprouvait, sur un autre point, un revers presque semblable. Nous avons laissé les Mayençais de Kléber marchant sur Torfou, et Beysser recevant l’ordre de se diriger sur Tiffanges, de telle sorte que les deux colonnes se donnassent la main, chose d’autant plus nécessaire, que Kléber n’avait pas à sa disposition au delà de deux mille hommes[77]. Les Vendéens, renseignés par un officier et deux sous-officiers de l’armée de Mayence, qui s’étaient rendus au château de la Boulaye déguisés en paysans, rassemblent leurs forces à Chollet, d’où ils partent pour aller à la rencontre des Mayençais, sous la conduite de Charette et de Lescure. Quand Kléber arriva, l’avant-garde ennemie, composée de quinze mille hommes, occupait Torfou, poste que semblait rendre inexpugnable sa situation sur une hauteur qui barre un chemin creux, avec fossés, haies, buissons alentour, et un bois en face et sur les flancs[78]. Le poste fut emporté néanmoins, et déjà les soldats de Charette fuyaient en désordre, lorsque, mettant pied à terre, Lescure s’écrie : Y a-t-il quatre cents braves pour venir mourir avec moi ? — Oui, monsieur le marquis, répondent les gens de la paroisse des Echaubroignes ; et le combat recommence[79]. Bientôt un grand nombre d’habits gris-bleu sont aperçus mêlés aux habits bruns dont les soldats de Charette étaient vêtus : c’était la division Bonchamp qui venait prendre place dans la bataille. Bonchamp, une carabine à la main, charge à la tête des compagnies bretonnes[80], mais sans pouvoir ébranler la ligne d’airain des Mayençais. Tout à coup une vive fusillade est entendue sur les derrières de l’armée républicaine, et un cri s’élève : Nous sommes coupés ! Tous les yeux se dirigent vers le même point[81] ; et, en effet, l’armée courait risque d’être enveloppée, parce que les fuyards vendéens, que l’arrivée de Bonchamp venait de rallier, avaient pris par la gauche, se glissant le long des buissons et favorisés par la configuration de cette partie du Bocage, plus couverte et plus inégale qu’aucune autre. Kléber avait reçu un coup de feu au commencement de l’action[82], et n’en avait pas moins continué d’animer les siens de ses regards intrépides. Il fallut reculer, cependant ; mais c’est ce qu’ils ne firent qu’en présentant un front terrible. Trois fois la cavalerie vendéenne fond sur les Mayençais, et trois fois elle est repoussée à la baïonnette par ces soldats aguerris, qui ne cèdent le terrain que pied à pied et en faisant des feux de file semblables au roulement du tambour. Néanmoins la masse dont ils avaient à soutenir le choc devenait si considérable, qu’ils eussent été détruits peut-être, sans le dévouement de Chevardin, chef de bataillon des chasseurs de Saône-et-Loire, chargé de couvrir la retraite. Kléber lui avait dit ces simples mots : Tu pourras être tué, mais tu sauveras tes camarades[83]. Chevardin ne répondit rien, sauva ses camarades et se fit tuer[84]. En arrêtant l’ennemi, il avait donné le temps à Aubert Dubayet et à Vimeux d’accourir avec un renfort de troupes fraîches, qui empêcha les Vendéens d’aller plus loin[85]. Kléber, demandant ce qu’était devenu Beysser, apprit que ce général avait cru devoir attendre un second ordre pour se mettre en marche. Ainsi, dit Kléber dans ses notes, j’ai eu à combattre seul, avec deux mille hommes, une ligne dont la gauche s’appuyait à Tiffanges et se grossissait continuellement, tandis que sa droite se prolongeait au delà de Torfou[86]. D’où il résulte que Kléber attribuait l’échec de Torfou à la négligence de Beysser, et point du tout au mouvement de retraite exécuté par Chalbos le 18. Le fait est que Beysser était alors fort tranquille à Montaigu, où, le surlendemain du combat de Torfou, Charette et Lescure coururent le surprendre. Il était à table quand on lui vint annoncer que l’ennemi paraissait. Il crut que c’était un renfort, et ne se mit en défense que trop tard. La ville fut prise, et les Vendéens y passèrent impitoyablement tous les prisonniers au fil de l’épée[87]. Une attaque victorieuse, dirigée, le 25, par Charette et Lescure contre la division des Sables, commandée, à Saint-Fulgent, par Mieszkouski ; fut la conséquence et le complément de ces succès. A l’affaire de Saint-Fulgent, un Suisse, nommé Rynks, qui combattait dans les rangs vendéens, se fit remarquer par son sang-froid moqueur. Il avait tiré un flageolet de sa poche, et, pendant qu’on chargeait les républicains, lui, jouait l’air de Ça ira. Un boulet emporte la tête de son cheval, il se relève et continue[88]. La division des Sables rétrograda jusqu’à Chantonnay, et sa retraite entraîna celle de la division de Luçon, qui, promptement réorganisée après l’échec de Lecomte, était venue, sous les ordres du général Beffroy, occuper le poste que lui assignait le plan d’opérations convenu[89]. Toutes les combinaisons se trouvant de la sorte déconcertées, Canclaux n’avait plus qu’à se replier sur Nantes, ce qu’il fit sans beaucoup d’obstacles, la mésintelligence s’étant mise parmi les généraux vendéens[90], et Charette, dont les chefs du haut Poitou n’avaient point assez ménagé le caractère irritable, songeant déjà à se retirer dans ses cantonnements de Légé, comme un loup dans son repaire. Pour les républicains, la campagne était manquée. A qui la faute ? Il y eut à cet égard échange amer dé récriminations. Et toutefois ceux du parti de Nantes parurent d’abord disposés à accepter humblement leur part de responsabilité. Car Choudieu et Richard leur ayant écrit, au sujet des défaites de Coron et de Beaulieu : Ce que nous avions prévu vient malheureusement d’arriver : deux de nos colonnes ont été battues ; eux répondirent : Nous devons convenir de bonne foi qu’on nous a étrangement trompés jusqu’à présent sur le nombre, la position et les moyens des rebelles[91]. Il est à remarquer que cette réponse était datée de Clisson, 22 septembre, après l’échec de Torfou. Donc, à ce moment loin d’attribuer leurs revers à la mauvaise volonté ou à la trahison du parti de Saumur, le parti de Nantes n’imputait ces revers qu’à sa trop grande confiance, qu’à ce qu’on l’avait trompé sur les forces réelles de l’ennemi. Mais ce loyal aveu ne tarda pas à faire place à un déluge d’accusations iniques, en partie provoquées par Ronsin, et dues en partie à l’humeur violente de Philippeaux. Non content de tonner contre le vice du plan de campagne, Ronsin courut à Paris se plaindre de manœuvres qui n’avaient existé que dans le noir roman de ses colères ; et cela, tandis que ses amis poursuivaient de leurs sarcasmes ce que, par un quolibet aussi grossier qu’injuste, ils appelaient l’armée de Faïence[92]. De son côté, Philippeaux écumait. Il avait affirmé très-imprudemment que, si l’on adoptait son projet, la guerre ne durerait pas un mois[93] ; et, furieux du démenti que venait de lui donner l’événement, il était poussé par son intérêt non moins que par ses passions à rejeter tout le mal sur ses adversaires de Saumur. Une lettre véhémente, dans laquelle il accusait de perfidie caractérisée, sinon Rossignol, au moins Ronsin[94], servit de prélude à ses attaques. De la même plume qui avait tracé les paisibles lignes d’un catéchisme à l’usage des cœurs à la fois religieux et républicains, il laissa tomber, contre Rossignol et Ronsin, un acte d’accusation[95] plein de haine, de légèreté, d’injustice et d’emportement. Il affirma que, depuis la nomination de Rossignol, son armée avait toujours été battue, ce qui était faux, puisqu’elle avait été victorieuse à Doué et à Thouars[96]. Il prétendit que, les munitions destinées à l’armée de Nantes ayant été arrêtées à Tours et à Saumur, elle s’était trouvée sans un seul habit ; et lui-même, le 30 août, avait été témoin, à Tours, de la distribution de plus de douze mille habits, délivrés aux Mayençais[97]. Il donna à entendre que, le 15 septembre, l’armée de Canclaux était à la hauteur où la jonction devait s’opérer ; et, loin d’être arrivée, le 15, devant Mortagne, cette armée, le 17, n’était encore qu’à Clisson[98]. Il dénonça comme une trahison l’ordre de rétrograder envoyé à Chalbos, sans dire que cet ordre avait été précédé et probablement déterminé par l’alarmante nouvelle de l’échec de Lecomte à Chantonnay, et sans ajouter qu’il y avait eu contre-ordre presque immédiat : circonstance impossible à concilier avec l’idée d’un calcul perfide[99]. Il attribua au mouvement de retraite de Chalbos la défaite de Torfou, qui, d’après Kléber lui-même, ne fut due qu’à la mauvaise volonté de Beysser. Il alla jusqu’à faire résulter en partie de ce mouvement, qui eut lieu le 18, la défaite de Coron, essuyée dans la matinée du 18, à quarante lieues de distance[100] ! Il signala comme monstrueux le fait qu’à Coron quatre-vingt-dix mille soldats républicains avaient été mis en déroute par trois mille brigands ; et, suivant le bulletin même des rebelles, si fort intéressés à enfler leur succès, l’armée républicaine, en cette occasion, avait eu à opposer à cinq mille Vendéens huit mille hommes de troupes réglées seulement et vingt mille hommes de la levée en masse[101], foule confuse, mal armée ou sans armes. Il assura, sur ouï-dire, qu’à Coron l’on avait trouvé Ronsin caché, comme un lâche coquin, dans une étable ; tandis que au contraire, Ronsin avait déployé une bravoure extraordinaire, selon le témoignage de ceux qui ainsi que Choudieu, avaient combattu à ses côtés[102]. Ainsi du rester[103]. Malheureusement pour Philippeaux, Rossignol avait dans les Jacobins des juges auxquels il pouvait avec confiance soumettre sa cause ; et déjà, dans leur séance du 11 septembre, ils s’étaient si vivement prononcés en sa faveur, que Bourdon (de l’Oise), son ennemi, eût été, ce jour-là, rayé de la liste des membres, sans l’intervention à la fois protectrice et dédaigneuse de Robespierre[104]. Au surplus, en attendant que la lumière jaillît du choc des affirmations contraires, une chose ressortait clairement de ces querelles : la nécessité d’introduire enfin l’unité dans le commandement. C’est ce que le Comité de salut public comprit, et il résolut, très-sagement, de remplacer par un seul chef et Rossignol et Canclaux. Ce dernier, à peine de retour à Nantes, avait songé à reprendre l’offensive : il communiqua son plan à Rossignol, qui, prêt à le seconder, convoqua un conseil de guerre à Saumur le 2 octobre. Là il fut arrêté que, tandis que l’armée de Mayence reprendrait la route de Mortagne, les divisions commandées par Chalbos, Santerre et Rey partiraient, l’une de la Châtaigneraie, l’autre de Doué, et la troisième de Thouars, pour marcher sur Bressuire, de manière à y opérer leur jonction le 7, et pousser delà droit à Châtillon. Quant aux divisions de Luçon et des Sables, on décida qu’elles continueraient jusqu’à nouvel ordre de couvrir ces deux villes[105]. Le mouvement prescrit s’exécuta sans difficulté jusqu’à Bressuire, où Santerre et Rey quittèrent l’armée, le premier ayant été appelé à Orléans, et le second suspendu[106]. De son côté, l’armée de Mayence, partie de Nantes, se dirigeait sur Tiffanges. Arrivée, le 6 octobre, à la hauteur du village des Treize-Septiers, près de Saint-Symphorien, l’avant-garde, conduite par Kléber et composée de quatre mille hommes, y rencontre l’armée de d’Elbée et de Bonchamp, au nombre d’environ trente-cinq mille hommes. Kléber, impatient de venger l’échec de Torfou, avait pris son parti de rester sur le champ de bataille, vainqueur ou mort. Entendant ses soldats dire qu’ils n’avaient pas de canons : Eh bien, s’écrie-t-il, allons chercher ensemble ceux que nous avons perdus à Torfou ! Les soldats répondent : Bravo ! et courent sur l’ennemi, qu’ils mettent en déroute[107]. L’armée était encore dans toute la joie de sa victoire, lorsque arrivèrent les dépêches qui notifiaient le rappel de Canclaux, Grouchy et Dubayet. Une grande tristesse se répandit dans le camp. Kléber fut particulièrement affecté de ce rappel, qui, dans Dubayet, frappait un de ses amis les plus chers. Philippeaux était hors de lui. Pour ce qui est des généraux que la mesure atteignait, ils obéirent sans murmure. Rien de plus noble et de plus touchant que le langage de Canclaux en cette occasion : Je me retire, écrivit-il aux représentants du peuple, avec la soumission d’un républicain qui ne sert sa patrie que quand et comme elle veut être servie[108]. Rossignol ne montra pas moins de résignation[109] : seulement elle était moins méritoire de sa part, puisqu’on ne faisait que le déplacer. Le nouveau général sous lequel les deux armées rivales allaient se trouver réunies désormais avec le nom d’armée de l’Ouest était un ancien maître d’armes de Saintes[110], nommé l’Échelle. Son aversion trop peu dissimulée pour les Mayençais[111] et l’humiliation que des guerriers tels que Kléber durent éprouver en se voyant préférer un inconnu dont l’élévation n’était due qu’à un jacobinisme exalté rendent suspect d’exagération le jugement que, dans une note de ses Mémoires, Kléber porte de l’Échelle. Qu’il ait été le plus lâche des soldats, le plus mauvais des officiers et le plus ignorant des chefs, c’est ce qu’il est difficile de concilier avec le témoignage qui lui fut publiquement rendu, après sa mort, par des hommes placés à côté de lui pour le surveiller[112]. En tout cas, il eut le mérite de ne pas déranger les plans d’esprits qui lui étaient supérieurs, et de laisser la direction des opérations à Kléber, qui avait été appelé par Merlin (de Thionville) et Turreau à prendre le commandement provisoire de l’armée de Mayence[113]. Pendant ce temps, Chalbos était sur la route de Bressuire à Châtillon. Lescure, la Rochejaquelein et Stofflet s’étant avancés à sa rencontre, le combat s’engagea le 9 octobre, au Moulin-aux-Chèvres, et la victoire resta aux bleus. Stofflet et le chevalier de Beauvolliers furent au moment d’être faits prisonniers. Enveloppés dans un chemin creux, ils n’échappèrent qu’en se mettant debout sur la selle de leurs chevaux et en sautant par-dessus la haie[114]. Deux autres chefs vendéens, Beaurepaire et Théronneau, eurent recours à un expédient bien plus singulier encore : se trouvant engagés au milieu des hussards républicains, ils se joignent à eux dans la confusion du combat, chargent leurs propres troupes, et s’enfuient en ayant l’air de poursuivre[115]. Chalbos continua sa route vers Châtillon, où les Vendéens n’osèrent pas l’attendre et où il prit poste le lendemain du combat du Moulin-aux-Chèvres. Il avait parmi ses généraux de brigade Westermann, qui, après avoir comparu successivement devant le Comité militaire, devant le Comité de salut public, et à la barre de la Convention, avait été renvoyé devant le tribunal de Niort, jugé, acquitté, et enfin rendu à ses fonctions militaires[116]. Or Westermann brûlait de relever sa réputation par quelque coup d’éclat. Le 11, du consentement de Chalbos, il prend cinq cents hommes d’infanterie, cinquante chevaux, deux pièces de canon, et s’avance hardiment sur la route de Mortagne. Deux heures s’étaient à peine écoulées depuis son départ, que le bruit du canon retentit dans le lointain. Bientôt le bruit se rapproche, et la terre frémit sous le galop précipité des chevaux. C’était l’ennemi qui arrivait à toute vitesse par la route de Mortagne, chassant devant lui le téméraire Westermann. Les Vendéens étaient en grand nombre, et conduits par Bonchamp, la Rochejaquelein, Lescure, Duchaffault. La frayeur s’empare des républicains, qui, tranquilles à Châtillon, ne s’étaient point attendus à une aussi forte attaque. Ils fuient en désordre, et ce n’est qu’à moitié chemin de Châtillon à Bressuire que Chalbos parvient à les rallier. Westermann, dans l’égarement de son désespoir, s’était dépouillé de son uniforme, et s’en allait criant : Abandonnerez-vous votre général sur le champ d’honneur ? En ce moment Chalbos faisait arrêter un homme qui ajoutait au désordre en criant de son côté, que tout était perdu. Survient Westermann à pied, en chemise, tendant son sabre et disant : Puisque vous faites arrêter mon adjudant, je me constitue aussi prisonnier. — Prisonnier ! répond Chalbos. Montez à cheval, et chargeons ensemble l’ennemi. Les républicains étaient revenus de leur surprise : on combattit de pied ferme. César Faucher reçoit dix coups de sabre sur la tête et un coup de feu dans la poitrine. Lecomte est blessé mortellement. Mais, à son tour, l’ennemi recule et rentre dans la ville. La nuit approchait. Westermann forme l’audacieux projet de rentrer dans Châtillon par surprise. A la tête d’un petit nombre de hussards, dont chacun avait un grenadier en croupe, il arrive aux portes, favorisé par les ténèbres. Les Vendéens, et surtout les Allemands qui étaient parmi eux, s’étaient jetés sur des chariots chargés d’eau-de-vie, et les rues regorgeaient de paysans tout à fait ivres. Westermann et ses hussards égorgent le poste, s’élancent en furieux sur cette multitude, et remplissent la ville de confusion. La foudroyante soudaineté de l’attaque, l’obscurité qui déguisait le nombre des agresseurs, la frayeur ou l’hébétement de tant de milliers d’hommes tombant les uns sur les autres, les cris des enfants et des femmes foulés aux pieds des chevaux, tout ajoutait à l’horreur de cette scène. Le carnage fut effroyable. Sur ces entrefaites, Chalbos arrive avec le reste des troupes. Les Vendéens avaient abandonné la ville, mais on s’attendait à chaque instant à les voir reparaître. Chalbos établit des postes, fit allumer de grands feux ; les patrouilles à pied et à cheval se succédèrent jusqu’au jour, et personne ne dormit. Attiré par des cris qui partaient d’une maison, Chalbos s’y était rendu : il y fut introduit dans une chambre qui avait été occupée par l’état-major royaliste et qui était parsemée d’assignats. Ils furent ramassés par les grenadiers de la Convention et remis au payeur de l’armée. Le lendemain, 12, Chalbos, voulant réorganiser ses troupes, revint à Bressuire, d’où il se proposait de repartir, le 14, pour aller se réunir aux Mayençais. Quant à Westermann, qui était allé prendre poste au delà de Châtillon, recevant ordre de rejoindre son général, et voyant qu’on abandonnait la ville conquise, il y mit le feu, de manière à ne laisser à l’ennemi qu’un monceau de morts, de blessés et ruines[117]. Lorsque Châtillon fut réduit en cendres, les Vendéens occupaient encore Mortagne : mais, à l’approche des Mayençais, qui avaient poursuivi leur marche, ils firent filer du côté de Beaupréau leurs munitions, les prisonniers, les malades, et concentrèrent leurs forces autour de Chollet ; de sorte que, le 15, Kléber trouva Mortagne évacuée. Il y entra avec quelques officiers, mais sans permettre à son armée de l’y suivre ; et, après une halte de deux heures, il prit la route de Chollet. En même temps arrivait la colonne de Luçon, dont la destination avait été changée[118], et qui s’avançait, forte d’environ quatre mille hommes, sous la conduite du général Bard, donné pour successeur à Beffroy. Cette colonne marchait à la droite de l’armée de Mayence, Beaupuy étant au centre de la ligne, et Kléber à la gauche avec le corps de bataille[119]. Déjà l’on avait parcouru la moitié de la distance qui sépare Mortagne de Chollet, et la colonne de Luçon touchait aux avenues du château de la Tremblaye, quand parut Lescure, à la tête de l’avant-garde vendéenne. Bard s’attendait à rencontrer sur sa route un bataillon de direction que l’Échelle lui avait fait annoncer[120], et, au lieu de cela, c’était l’ennemi qu’il rencontrait. Ses troupes, attaquées à l’improviste, semblent d’abord fléchir. Lui-même reçoit deux blessures et se voit forcé de remettre le commandement à Marceau. Mais, en cet instant, Lescure est atteint d’une balle qui, le frappant auprès du sourcil gauche, va sortir derrière l’oreille[121]. Il tombe sans connaissance, et, tandis que les siens l’emportent en pleurant, un renfort envoyé à Marceau par Beaupuy décide du sort de la journée[122]. La position de Chollet était bonne, et l’on aurait pu s’y défendre : telle fut l’opinion émise par plusieurs chefs vendéens, et par la Rochejaquelein, entre autres ; mais les soldats refusèrent de rester, et il fallut se replier sur Beaupréau[123]. Les républicains entrèrent donc à Chollet sans obstacle, le 16 octobre. C’est là que, pendant la nuit, l’armée de Mayence et la colonne de Luçon furent rejointes par le corps de Chalbos, ce qui portait l’ensemble des forces républicaines à environ vingt-deux mille hommes[124]. Quoique chassée de poste en poste, l’armée de l’Anjou et du Haut-Poitou eût peut-être été difficilement domptée, si Charette ne lui eût retiré son appui. Mais ce dernier était rentré dans ses cantonnements de Légé, où il n’avait pas même daigné répondre aux lettres par lesquelles ceux de l’armée du Haut-Poitou l’appelaient à leur secours[125]. Le sans-façon avec lequel on l’avait frustré de sa part du butin fait à Saint-Fulgent[126] avait éveillé sa mauvaise humeur, ou, plutôt, servi à la couvrir. J’ai vu, raconte Turreau, j’ai vu d’Elbée convaincu que Charette désirait que les chefs de la grande armée passassent sur la rive droite, pour rester maître de toute la Vendée et en diriger les forces[127]. Du moins si les généraux que Charette abandonnait eussent su se garder les uns à l’égard des autres de l’esprit de jalousie et de rivalité ! Mais non. D’Elbée, à la veille de mourir, se plaignait avec amertume des épines dont on avait entouré son commandement[128]. Ainsi que dans le camp républicain, il y avait dans le camp royaliste des partis, des intrigues et des cabales. Les vues, d’ailleurs, étaient loin de s’accorder, et les dissidences se trouvèrent porter sur un point d’une importance capitale. Bonchamp, qui avait des intelligences en Bretagne, et qui espérait soulever cette province, avait depuis longtemps exprimé son opinion sur l’avantage qu’il y aurait à transporter de l’autre côté de la Loire le théâtre de la guerre[129]. Cette opinion fut embrassée par d’Autichamp, par le prince de Talmont[130], et soutenue par eux avec un redoublement d’ardeur après la publication du sinistre décret du 1er août. Comment croire que les paysans résistassent au découragement, lorsqu’il leur faudrait se battre à la lueur de leurs chaumières incendiées ? lorsque, vainqueurs ou vaincus, ils n’auraient à offrir à leurs femmes et à leurs enfants que les misères d’une vie errante, troublée sans cesse et sans cesse menacée ? N’était-il pas évident que la guerre de partisans était devenue pour eux impossible, le jour où la première torche avait été mise à un village vendéen ? Une seule ressource restait, une seule : faire des paysans une véritable armée permanente, en les transportant dans un pays qui ne fût pas le leur, et lier de la sorte leur destinée à celle de leurs chefs d’une manière indissoluble. Tel ne fut pas l’avis de d’Elbée[131], convaincu qu’on ne se défend jamais mieux que chez soi ; que traîner au loin une confuse et gémissante masse de femmes et d’enfants était le plus douloureux des embarras, le pire des maux, et que c’en était fait des Vendéens dès qu’ils cesseraient d’être eux-mêmes. La prise de Chollet rendait une résolution définitive indispensable. Après un vif débat, il fut décidé qu’on livrerait une dernière bataille sur la rive gauche de la Loire ; qu’on passerait le fleuve en cas de défaite, et que, pour se ménager d’avance une retraite, on enverrait immédiatement un petit nombre d’hommes surprendre Varades sur la rive droite[132]. En conséquence, le 17 octobre, d’Elbée, Bonchamp, la Rochejaquelein, Royrand, s’avancèrent vers Chollet, à la tête de quarante mille combattants[133], tous pleins d’une violente émotion. Les républicains les attendirent de pied ferme. Ils étaient rangés en bataille devant Chollet, dans l’ordre que voici : Beaupuy, avec l’avant-garde des Mayençais, que soutenait leur réserve sous les ordres de Haxo, formait, en avant du bois de Chollet, la gauche de l’armée ; Vimeux, avec le reste des Mayençais, s’étendait, à la droite, sur les hauteurs ; au centre était la division de Luçon, commandée par Marceau[134]. Pour la première fois, les Vendéens marchaient en colonne serrée comme la troupe de ligne. Ils commencent l’attaque en tombant sur l’aile gauche des républicains, et cela d’un élan si furieux, qu’ils la font plier. Beaupuy a deux chevaux tués sous lui. Mais Kléber survient, Haxo fait avancer la réserve, et les Vendéens sont repoussés. Au centre, la victoire semblait compromise. Muller, un des généraux de brigade de Chalbos, avait reçu l’ordre de sortir de Chollet avec un corps de quatre mille hommes, pour appuyer le centre : ils sont saisis d’un mouvement de panique et se rejettent en désordre dans la ville[135]. Marceau tient bon, néanmoins. Il laisse l’ennemi s’avancer à une demi-portée de fusil, et, démasquant tout à coup son artillerie, fait un feu de mitraille qui emporte des files entières[136]. A la droite, les Vendéens n’avaient pu entamer Vimeux. Après une lutte désespérée, la victoire penche du côté de la discipline, et l’on voit les royalistes fléchir sur toute la ligne. Combattaient au premier rang des républicains, donnant l’exemple du courage, les représentants du peuple Bourbotte, Choudieu, Fayau, Bellegarde, Turreau, Merlin (de Thionville). Carrier, de sinistre mémoire, était là, lui aussi, et eut un cheval tué sous lui[137]. Merlin, toujours en avant, avait l’œil sur les canons ; et, dès qu’on avait pris une pièce à l’ennemi, sautant à bas de son cheval, il la dirigeait contre les rebelles[138]. Ils résistaient encore, lorsque deux de leurs chefs, d’Elbée et Bonchamp, furent atteints de blessures mortelles. Leurs rangs se rompirent alors et la déroute devint complète. L’exaltation patriotique et guerrière des républicains était au comble. Un brave officier, nommé Vernange, se sentant près d’expirer, se fait porter à Kléber pour lui faire ses adieux, et, en l’apercevant, crie : Vive la République ![139] Targe, qui depuis l’ouverture de la campagne avait déployé le caractère et la bravoure d’un chevalier des anciens temps, va droit au général, et, sans lui parler d’autre chose, lui annonce que la bataille est gagnée. La pâleur de son visage disait le reste : il venait de recevoir une balle qui lui avait traversé le corps[140] ! A dix heures du soir, Beaupuy se trouvait sur la hauteur du moulin à vent au-dessus de Pigon, à égale distance de Chollet et de Beaupréau. Fallait-il retourner sur ses pas ou avancer ? Beaupuy consulte les officiers qui étaient autour de lui, Savary, Haxo, Bloss, Westermann, et, d’après leur avis, donne l’ordre aux soldats d’aller à Beaupréau, où l’on espérait trouver plus de pain qu’à Chollet. Mais nous n’avons plus de cartouches, font observer quelques-uns. N’avez-vous pas des baïonnettes ? répond Beaupuy. Vive la République ! crient les soldats, et ils partent[141]. Beaupréau était facile à défendre. Mais les Vendéens, découragés, ne songeaient déjà plus qu’à passer la Loire, et ils avaient fui en foule jusqu’à Saint-Florent. C’est là que Bonchamp avait été transporté et qu’il mourut, après avoir illustré à jamais son agonie en sauvant la vie à quatre mille prisonniers républicains que les Vendéens traînaient à leur suite, et que, dans leur fureur, ils avaient résolus d’égorger[142]. Cependant, dès le matin du 18 octobre, une foule éplorée, immense, couvrait la plage qui, de l’enceinte demi-circulaire formée par les hauteurs de Saint-Florent, s’étend jusqu’à la Loire. Là étaient venus s’entasser, au nombre de quatre-vingt mille, là se pressaient dans un état inexprimable d’angoisse et de confusion, soldats, blessés, prêtres, femmes, enfants, vieillards. Jamais spectacle plus imposant et plus sombre ne fut donné aux hommes. Sur la rive droite du fleuve, des groupes de Bretons hospitaliers appelant de la voix et du geste les fugitifs ; sur la rive gauche, au milieu des cris, des lamentations et des sanglots, les mères cherchant leurs fils, les épouses redemandant leurs maris ; derrière, dans le lointain, des villages en feu ; puis, au moment du passage, tandis que, les bras étendus vers l’autre bord, ces malheureux traversaient le fleuve, les uns amoncelés dans quelques mauvaises barques, les autres montés sur des chevaux, la Rochejaquelein hésitant à les suivre, pleurant de rage, voulant mourir, et, sur un fauteuil de paille confié à un frêle bateau, Lescure mourant, tout cela formait une scène d’une grandeur si terrible, que ceux qui en furent témoins crurent voir se dresser devant eux les images du jugement dernier[143]. Et de quelle tragédie, juste ciel ! était-ce là le dénouement ! Nous avons sous les yeux une masse de documents manuscrits et de lettres particulières où se trouve décrit l’état dans lequel les fugitifs laissaient la Vendée. Ouvrons au hasard ce dossier lugubre. Voici une lettre où le maire des Roches raconte ce que lui et ses compagnons ont souffert, étant au pouvoir des royalistes… Par un prodigieux raffinement de barbarie, on nous menaçait de nous faire mourir de la main même de nos plus proches parents. Moi, je devais être assassiné par le plus jeune des garçons de ma famille. Ce jeune homme, âgé de dix-sept ans, a fait savoir qu’il portait toujours sur lui un pistolet, et qu’il s’était promis d’étendre à ses pieds quiconque se chargerait de l’abominable sommation[144]… Autre lettre de Goupilleau (de Montaigu) à sa femme : Je suis fort aise que tu te sois sauvée à Nantes avec mes enfants. Mais, dis-moi, est-ce que tu as laissé la maison à l’abandon et exposée au pillage ? Est-ce que tu n’as pas sauvé ce que j’y avais de plus précieux, mes papiers qui étaient dans mon secrétaire, mes livres ?[145]… Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de Fontenay : Désormais les passeports seront exigés, non-seulement des personnes qui sortent de la ville, mais de celles qui y entrent, la pratique contraire facilitant l’introduction de l’ennemi[146]… Demande adressée par le maire de Fontenay aux administrateurs du district : Il ne reste pas pour deux jours de blé ou de farine chez les boulangers. La famine est là. Nous vous supplions de nous prêter quelques tonneaux de blé, que nous vous rendrons sur le produit des premières rentrées[147]… etc., etc. Voilà pour la situation des villes. Et quel aspect que celui des campagnes ! A la traînée des cadavres épars le long des routes, on y pouvait suivre l’itinéraire de la guerre civile. Il y avait des villages où on ne rencontrait pas un seul être vivant et où il semblait que la peste eût passé. Il y avait des champs dont les exhalaisons d’un sang infect interdisaient l’approche. Seuls les animaux carnassiers y accouraient, et l’on entendait de loin leurs hurlements se mêler au beuglement des troupeaux égarés. La fumée qui, en maint endroit, obscurcissait le ciel, annonçait au voyageur le voisinage des vengeances républicaines, et, souvent, pour éclairer sa marche pendant la nuit, il avait le reflet des incendies[148]. Encore si le passage de la Loire eût marqué le terme de tant de maux ! Les représentants du peuple en mission le crurent et écrivirent : La Vendée n’est plus. Mais, hélas ! ce n’était là qu’un déplacement du génie de l’extermination. Et, d’ailleurs, Charette, qui venait précisément de s’emparer de l’île de Noirmoutiers, le sauvage Charette restait, prêt à continuer la guerre dans le Marais et à la ressusciter dans le Bocage. La Vendée n’était donc pas entièrement domptée : mais, du moins, on pouvait la dire vaincue. ——————————————— M. Jean Reynaud, en sa qualité de panégyriste de Merlin (de Thionville), n’aime pas L’Échelle, qui, en Vendée, représenta le parti opposé à celui des Mayençais, à la tête duquel figurait précisément Merlin (de Thionville), et auquel appartenaient Kléber et Savary. Quoique L’Échelle ne fût pas un nouveau-venu sur les champs de bataille ; quoiqu’il eût quatorze ans de service comme soldat et comme officier, les meneurs du parti mayençais ne lui pouvaient pardonner d’être d’un parti dont le but avoué était de soumettre au pouvoir civil la puissance de l’épée ; leur orgueil blessé se révoltait contre le crédit que valait à L’Échelle, auprès du Comité de salut public, son patriotisme exalté, et, de même qu’ils avaient frémi de voir Rossignol opposé à Canclaux, de même ils frémissaient de voir L’Echelle préféré à Aubert Dubayet. La résistance de l’esprit purement militaire à l’ascendant de l’esprit civil, voilà ce qui caractérisa l’opposition qui, en Vendée, eut son foyer dans l’armée de Mayence. Quiconque, parmi les officiers républicains, refusa de s’associer à cette opposition était traité d’incapable, et, à la grande joie des royalistes, attaqué sourdement comme sans-culotte. Tel fut le sort des généraux Canuel et Muller ; tel fut aussi le sort de L’Échelle. C’est ce que M. Jean Reynaud aurait peut-être dû ne pas perdre de vue, lorsqu’il a écrit les lignes suivantes : Kléber, dans le portrait qu’il trace de L’Échelle, est sur ce point de la même opinion que Savary : Il ne connaissait pas la carte, dit-il, savait à peine écrire son nom, et ne s’est pas approché une seule fois à portée du canon de l’ennemi. Le général Decaen, qui rapporte dans ses Mémoires les paroles de Kléber, les dit d’une vérité frappante. Comme ce général cite au même endroit les dépêches de L’Échelle au ministre de la guerre, il savait bien cependant qu’il y avait des pièces signées du nom de ce général. Or, quelle preuve y a-t-il que les prétendus autographes mentionnés par M. Louis Blanc soient bien de la main de L’Échelle, et non, comme les dépêches en question, de la main de son acolyte et chef d’état-major Robert ? C’est ce que l’historien aurait dû dire. Le témoignage de trois hommes considérables qui ont servi en Vendée ne saurait être sans poids aux yeux delà critique historique. (Vie et correspondance de Merlin (de Thionville), par M. Jean Reynaud, p. 80.) Les autographes que j’ai mentionnés ne sont pas de prétendus autographes ; ce sont des autographes parfaitement authentiques, recueillis sur les lieux mêmes, et faisant partie de la belle collection qu’a bien voulu m’envoyer, de Vendée, M. Benjamin Fillon. J’ignore si, en disant que L’Échelle savait à peine écrire son nom, Savary et Kléber ont simplement recouru à une manière de parler ; en tout cas, ils n’ont dit ni l’un ni l’autre qu’il ne savait pas signer son nom. Or, dans les pièces qui sont là devant moi, la signature est de la même écriture que le reste. Si la science de L’Échelle s’était bornée à signer son nom au bas de dépêches écrites par son acolyte et chef d’état-major Robert, le contenu des pièces dont je parle et le nom mis au bas seraient au moins d’une écriture différente, ce qui n’est pas. Je maintiens donc mon affirmation ; et c’est précisément parce que l’historien est tenu d’éclairer l’histoire par la critique, que j’ai dû peser les témoignages d’hommes considérables sans doute, mais qui, en jugeant L’Échelle, jugent un ennemi. Est-ce qu’en Vendée, il n’y avait pas deux partis bien tranchés, celui de Nantes et celui de Saumur ? Est-ce que la lutte entre ces deux partis n’était pas celle de l’esprit militaire contre la puissance civile ? Est-ce que Kléber n’appartenait pas au premier, pour lequel Savary a tenu la plume ? Est-ce que L’Échelle n’appartenait pas au second ? Est-ce que, entre le corps des Mayençais et les autres corps, il n’existait pas une jalousie telle, une telle haine, que le Comité de salut public dut enfin essayer d remédier au mal par l’amalgame de tous les corps, mesure dont Kléber lui même fut obligé de reconnaître l’utilité, comme Savary l’avoue, Guerre des Vendéens, etc., t. II, p. 312 ? Que le lecteur qui tient à approfondi les choses relise avec attention le récit que j’ai fait du désastre d’Entrames et il verra ce que valent les appréciations dictées par les haines de parti. Ce qui ne saurait être sans poids aux yeux de la critique historique, sur la question de savoir si un homme est en état de tenir une plume c’est son nom même tracé de sa main au bas de documents, tracés aussi de sa main, et qu’on a sous les yeux. Si ce n’est point là une preuve, il n’y en eut et il n’y en aura jamais. |
[1] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 197.
[2] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 187 et 188.
[3] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 189 et 190.
[4] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 186.
[5] Fin du chapitre : la Vendée menacée.
[6] Ces dénominations sont exactes en ce sens seulement que Rossignol avait le siège de son commandement à Saumur et Canclaux celui du sien à Nantes.
[7] Mémoires de Turreau, p. 93.
[8] Observations sur la guerre de la Vendée, imprimées par ordre de la Convention.
[9] Lettre publiée par Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 51.
[10] Lettre publiée par Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 26.
[11] Dans sa réponse à la notification du ministre, il faisait observer avec modestie que l’administration était hors de sa portée.
[12] Lettre écrite par Rossignol au ministre de la guerre, pour le prier instamment d’engager Boulard à continuer ses fonctions, en date du 16 août 1793.
[13] Cité par Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. I, p. 418.
[14] Voyez ce que disent à cet égard : Beauchamp, dans son Histoire de la Vendée, t. I, livre VII ; et Turreau, dans ses Mémoires, liv. III, p. 92.
[15] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 51.
[16] Voyez sa lettre. Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 50.
[17] Lettre de Philippeaux à ses collègues de Niort, dans la collection de M. Benjamin Fillon. — Mémoire sans signature, mais évidemment composé par un des généraux républicains en Vendée. — Observations sur la guerre de Vendée, par Nicolas Hentz, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. 1046, 7, 8. British Muséum.
[18] Observations sur la guerre de la Vendée, par Nicolas Hentz, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. 1046, 7, 8. British Muséum.
[19] Mémoires du général Turreau, liv. III, p. 101. — Observations sur la guerre de la Vendée, par Nicolas Hentz, ubi supra. — Rapport présenté par Choudieu, le 6 février 1794. — Compte rendu de Rossignol au ministre de la guerre.
[20] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 45.
[21] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 45.
[22] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 46.
[23] Compte rendu à la Convention nationale par Philippeaux, député commissaire dans les départements du Centre et de l’Ouest. — Voyez n° 1082 de la Bibliothèque historique de la Révolution. British Muséum.
[24] Compte rendu à la Convention nationale par Philippeaux, député commissaire dans les départements du Centre et de l’Ouest.
[25] Voyez sur ce point les Observations de Nicolas Hentz, imprimées par ordre de la Convention nationale.
[26] Lettre de Philippeaux à ses collègues de Niort, parmi les documents originaux et inédits rassemblés par M. Benjamin Fillon.
[27] Il employa cette expression jusque dans sa lettre du 28 août au Comité de salut public.
[28] Lettre de Philippeaux au Comité de salut public, en date du 28 août 1793,
[29] Procès-verbal du conseil de guerre du 2 septembre 1793. — Il se trouve parmi les pièces justificatives de l’ouvrage de Beauchamp, et dans Savary, t. II, chap. V, p. 90-92.
[30] Procès-verbal du conseil de guerre du 2 septembre 1793.
[31] Voyez sur ce point l’Histoire de la Vendée, par Beauchamp, t. I, liv. VII, p. 301. — Les Observations de Hentz sur la guerre de la Vendée. — Les Mémoires de Turreau, liv. III, p. 100
Dans ses Mémoires, Turreau attaque vivement le plan qui prévalut, et cependant son nom figure, dans le procès-verbal, sur la liste de ceux qui votèrent en faveur de ce plan.
[32] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 101.
[33] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 107.
[34] Quand Savary s’oublie jusqu’à rapporter un fait de nature à honorer le parti de Saumur, on peut l’en croire ; car il était lui-même du parti de Nantes, dont toutes les préventions et les jalousies se reflètent dans son récit.
[35] Rapport de l’adjudant général Desmarez au ministre de la guerre.
[36] Savary, qui, en sa qualité d’écrivain de parti, parle de ces levées en masse avec une mauvaise humeur mal dissimulée, prétend qu’elles produisirent cinquante mille hommes. Sans aller aussi loin que Barère, qui, dans la séance du 25 septembre, porta le nombre des volontaires à quatre cent mille, il est permis de croire que Savary est resté au-dessous de la vérité. Beauchamp dit trois cent mille, dans son Histoire de la Vendée. t. I, liv. VIII, p. 314.
[37] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 111.
[38] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 111.
[39] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 131.
[40] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 132.
[41] Plan d’opérations concerté et arrêté entre les généraux Canclaux et Rossignol, 1re partie.
[42] Plan d’opérations concerté et arrêté entre les généraux Canclaux et Rossignol, 2e partie.
[43] C’est ce qu’il rappela plus tard dans une lettre sur laquelle nous reviendrons.
[44] Mémoires manuscrits de Mercier du Rocher.
[45] Rapport du général de brigade Lecomte au général de division Chalbos, en date du 8 septembre 1795.
[46] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. IX, p. 196.
[47] Voyez son rapport du 8 septembre 1795. — Les Mémoires manuscrits de Mercier du Rocher, et Beauchamp, t. I, liv. VIII, p. 508.
[48] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 27.
[49] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 27.
[50] Il est juste, toutefois, de dire que cette relation est en harmonie avec ce que madame de Sapinaud rapporte du récit qui lui fut fait à elle-même. Mais, de son côté, Savary, qui connaissait le caractère honorable de Monet, cite sa prétendue confession comme un des plus frappants exemples des extravagances que le conseil supérieur de Châtillon se permettait de publier. (Voyez Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 124.)
[51] 2e partie des Mémoires manuscrits de Mercier du Rocher, p. 6.
[52] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 140.
[53] Voyez plus haut le plan d’opérations.
[54] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 145.
[55] Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 145.
[56] Notes de Kléber, citées par Savary, t. II, p. 136.
[57] Dans la collection des documents originaux et inédits rassemblés par M. Benjamin Fillon.
[58] Notes de Kléber. (Voyez Savary, t. II, p. 148.)
[59] Savary, t. II, p. 152.
[60] Savary, t. II, p. 152, cherche à rejeter sur le parti opposé la responsabilité de ce retard, en disant que Rossignol avait annoncé qu’il n’était pas en mesure ; mais, outre qu’il ne fournit aucune preuve de cette assertion, elle n’explique rien, puisque, du propre récit de cet historien, il résulte que ce fut seulement le 17 qu’on fit halte.
[61] Mémoires de Turreau, liv. III, p. 104 et 105. — Voyez aussi les Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII.
[62] Mémoires de Turreau, liv. III, p. 106.
[63] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, t. II, chap. XII, p, 203 et 204.
[64] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, t. II, chap. XII, p. 204.
[65] Beauchamp, Histoire de la Vendée et des Chouans, t. II, p. 504.
[66] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 105.
[67] C’est ce dont se plaignirent plus tard Choudieu et Richard. Voyez l’Histoire de la Vendée, par Beauchamp, t. I, liv. X, p. 338.
[68] Mémoires de Turreau, liv. III, p. 106 et 107.
[69] L’ordre en question ayant été le point de départ d’accusations qui donnèrent lieu à des débats d’une grande importance historique, nous avons dû nous étudier à décrire cette campagne avec une extrême précision de chiffres et de détails.
[70] Rapport présenté à la Convention nationale, par Choudieu, le 6 février 1794.
[71] Rapport présenté à la Convention nationale, par Choudieu, le 6 février 1794. — Voyez aussi l’Histoire de la Vendée, par Beauchamp, t. I, liv. VIII, p. 319.
[72] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII, p. 207.
[73] Mémoires de Turreau, liv. III, p. 108. — Turreau, qui était là, se moque avec raison de Philippeaux, qui osa prétendre qu’à Coron, où il n’était pas, quarante mille républicains avaient été battus par trois mille rebelles. Encore sont-ce là les chiffres qu’on lit dans les Œuvres posthumes de Philippeaux ; car, dans son acte d’accusation contre Rossignol et Ronsin, il avait affirmé qu’à Coron quatre-vingt-dix mille républicains avaient fui devant trois mille brigands. Et voilà les assertions qui ont servi de base au récit de M. Michelet !
[74] Rapport de Choudieu présenté à la Convention le 6 février 1794.
[75] Voyez sur cette bataille, en rapprochant les divers récits : 1° le rapport de Choudieu ; 2° les Mémoires de madame de la Rochejaquelein ; 3° les Mémoires de Turreau ; 4° le Bulletin de l’armée catholique.
[76] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII, p. 209. — Voyez aussi le Bulletin de l’armée catholique.
[77] Rapport de Kléber à Aubert Dubayet.
[78] Rapport de Kléber à Aubert Dubayet.
[79] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII, p, 213.
[80] Mémoires de madame de Bonchamp, p. 47.
[81] Rapport de Kléber à Aubert Dubayet.
[82] Rapport de Kléber à Aubert Dubayet.
[83] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 174.
[84] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 174.
[85] Voyez le rapport de Kléber.
[86] Savary, t. II, p. 174.
[87] Beauchamp, Histoire de la Vendée, t. I, p. 332. — Madame de la Rochejaquelein, en parlant de la prise de Montaigu, a grand soin d’omettre cette circonstance.
[88] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII, p. 216.
[89] Voyez le rapport du 6 février 1794, présenté par Choudieu à la Convention.
[90] Voyez ce qu’en dit madame de la Rochejaquelein, dans le chap. XII de ses Mémoires.
[91] Ceci repose sur un témoignage, assurément peu suspect en cette occasion, celui de Savary. Voyez Guerre des Vendéens et des Chouans, t. II, p. 167 et 168.
[92] Observations de Nicolas Hentz sur la guerre de la Vendée.
[93] Voyez ci-dessus.
[94] Elle se trouve dans Savary, t. II, p. 193.
[95] Cet acte d’accusation fait partie de la brochure intitulée : Réponse de Philippeaux à tous les défenseurs officieux des bourreaux de nos frères.
[96] Dans son chapitre V, liv. XIII, où il ne fait que suivre Philippeaux les yeux fermés, M. Michelet ne dit pas un mot de ces deux victoires, admirable moyen de donner raison à l’un des deux partis contre l’autre ! — M. Thiers, plus impartial cependant, parle de l’affaire de Doué comme d’une escarmouche et passe sous silence celle de Thouars.
[97] En rappelant ce fait, dans son rapport du 6 février 1794, Choudieu invoque le témoignage de Merlin (de Thionville), Rewbell et Richard, présents, comme Philippeaux, à cette distribution.
[98] Voyez ci-dessus.
[99] Voyez ci-dessus.
[100] Voyez le rapport de Choudieu, du 6 février 1794.
[101] Bulletin des Amis de la monarchie et de la religion, imprimé à Châtillon, le 20 septembre 1795, l’an 1er du règne de Louis XVII.
[102] Rapport de Choudieu, du 6 février 1794. Il est vrai que, dans une lettre qu’il écrivit à Paris, Santerre, que les reproches publics de Ronsin avaient humilié, lui reproche niaisement de n’être pas mort, après lui avoir dit, sans pouvoir empêcher la retraite : Mourons ici !
[103] On ne saurait trop regretter que M. Michelet, qui embrasse la cause de Philippeaux avec presque plus de passion que n’en montra Philippeaux lui-même, ait donné pour base exclusive à son récit des accusations dont la fausseté fut mathématiquement démontrée. Il est probable qu’il n’a pas eu sous les yeux les diverses pièces du dossier de ce grand procès. S’il eût rapproché de l’acte d’accusation de Philippeaux le rapport foudroyant de Choudieu, auquel Philippeaux fit une réplique si faible, M. Michelet n’aurait pas intitulé son chapitre : Toute-puissance des Hébertistes dans la Vendée ; LEUR TRAHISON. Les Hébertistes ont eu assez de torts réels, sans qu’on leur en impute d’imaginaires.
[104] Voyez cette séance dans l’Histoire parlementaire, t. XXIX, p. 99-106.
[105] Arrêté du conseil de guerre du 2 octobre 1795, cité textuellement dans le rapport de Choudieu, du 6 février 1794.
[106] Savary, t. II, p. 207.
[107] Rapport de Kléber, cité par Savary, t. II, p. 216 et 217.
[108] Lettre citée par Savary, t. II, p. 214.
[109] Observations de Nicolas Hentz sur la guerre de la Vendée.
[110] Biographie universelle.
[111] Savary, t. II, p. 222.
[112] Voyez le rapport de Choudieu, et les Observations de Nicolas Hentz.
Un fait donnera la mesure du degré de confiance que méritent les assertions dictées par l’esprit de parti. On lit dans Savary que l’Échelle savait à peine signer son nom. Eh bien, nous avons sous les yeux (collection de M. Benjamin Fillon) plusieurs autographes de l’Échelle, dont non-seulement le style est très-correct, mais dont l’orthographe est irréprochable, ce que, par parenthèse, on ne peut pas dire du style et de l’orthographe de Kléber, et ce qui n’empêche pas Kléber d’avoir été un héros. — Voyez la note critique placée à la fin de ce chapitre.
[113] Il avait été offert à Vimeux, plus ancien que Kléber ; mais Vimeux refusa, prétextant ses infirmités et son âge. (Voyez Savary, t. II, p. 221.)
[114] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 225.
[115] Mémoires manuscrits de Mercier du Rocher, IIe partie.
[116] Lettre du général de brigade Westermann au général de division Chalbos, en date du 24 septembre 1795. — Parmi les documents originaux et inédits, rassemblés par M. Benjamin Fillon.
[117] Cet événement a donné lieu à divers récits qui se contredisent singulièrement, soit en ce qui touche la succession des circonstances de détail, soit en ce qui concerne le mouvement des troupes. Westermann lui-même, ayant présenté les faits d’une façon peu exacte, son rapport dut être rectifié par Chalbos. C’est en rapprochant des autres relations le Mémoire particulier adressé par ce général au ministre qu’on peut arriver à une notion précise de la manière dont les choses se sont passées.
[118] On se rappelle que, d’après l’arrêté du conseil de guerre du 2 octobre, elle devait rester pour couvrir Luçon. (Voyez plus haut.)
[119] Savary, t. II, p. 254.
[120] Savary, t. II, p. 253.
[121] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 230.
[122] Savary, t. II, p. 254.
[123] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 254.
[124] Savary, t. II, p. 260. — Madame de la Rochejaquelein dit quarante-cinq mille ; mais son assertion ici ne saurait contre-balancer celle de Savary, qui était dans l’armée dont il donne le dénombrement.
[125]
Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 226.
[126]
Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XII, p. 221.
[127] Mémoires du général Turreau, p. 116.
[128] Mémoires du général Turreau, p. 114. — Le témoignage de Turreau a ici beaucoup d’autorité, parce qu’il parle d’après les confidences qu’il reçut de d’Elbée lui-même.
[129] Mémoires de madame de Bonchamp, p. 37.
[130] Mémoires du général Turreau, p. 114.
[131] Mémoires du général Turreau, p. 114.
[132] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 235. — Madame de Bonchamp, dans ses Mémoires, p. 49, dit que, sur ce point, son mari donna de sages avis qu’on ne suivit point, mais elle n’explique pas en quoi ils consistaient.
[133] Récit de Kléber, cité par Savary, t. II, p. 263. — Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 236.
[134] Récit de Kléber, cité par Savary, t. II, p. 263. — Mémoires de madame de la Rochejaquelein, chap. XIII, p. 236.
[135] Récit de Kléber, ubi supra.
[136] Récit de Kléber, ubi supra.
[137] Mémoires de madame de Bonchamp, p. 49.
[138] Récit de Kléber.
[139] Récit de Kléber.
[140] Récit de Kléber.
[141] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, t II, p. 271.
[142] Voyez les détails dans les Mémoires de madame de Bonchamp, p. 50-55.
[143] Ce sont les propres expressions qu’emploie madame de la Rochejaquelein, p. 240.
[144] Lettre de Süe, maire des Roches, à Goupilleau (de Montaigu), dans la collection de M. Benjamin Fillon.
[145] Collection des documents inédits rassemblés par M. Benjamin Fillon.
[146] Collection des documents inédits rassemblés par M. Benjamin Fillon.
[147] Collection des documents inédits rassemblés par M Benjamin Fillon.
[148] Mémoires d’un ancien administrateur militaire des armées républicaines, chap. V, p. 98.