HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME NEUVIÈME

LIVRE DIXIÈME

 

CHAPITRE CINQUIÈME. — LA COALITION S’AVANCE

 

 

Aspect des frontières. — Le camp de César. — Armées de la Moselle et du Rhin. — Les Prussiens devant Mayence. — Armée des Alpes. — Armée du Nord. — Terribles extrémités. — Les chefs de la coalition. — Kaunitz. — Kaunitz remplacé par Thugut. — Politique égoïste des coalisés. — Échec essuyé par Custine. — La garnison de Mayence isolée. — Merlin (de Thionville) à Mayence ; son extraordinaire bravoure ; le diable de feu. — Étrange épisode du siège. — Attaque nocturne du quartier général des Prussiens. — Mort de Meunier ; hommage funèbre que lui rend l’ennemi. — Intrépidité et constance admirables des assiégés. — Famine dans la place. — Femmes, enfants et vieillards entre deux feux. — Inaction de Beau- harnais. — Tentative infructueuse de Houchard. — Capitulation de Mayence. — Merlin (de Thionville) soupçonné. — Richesses trop rapidement acquises. — Levasseur refuse de siéger à côté de Merlin. — Le duc d’York devant Valenciennes. — Attaque furieuse ; défense héroïque. — Gaieté française au milieu du danger. — Opposition de la municipalité ; émeute de femmes arrangée d’avance. — Situation tragique des commissaires. — Les mécontents, les traîtres. — Ballon lancé par les assiégés ; nulle apparence de secours. — Réjouissances ironiques dans le camp du duc d’York, au sujet de la prise de Condé. — Attaque du 25 juillet. — Capitulation de Valenciennes ; circonstances qui l’amenèrent. — Custine mandé à Paris. — Rapport de Barrère contre lui. — Il est décrété d’accusation. — Trois places, Francfort, Mayence et Valenciennes, avaient successivement et en vain attendu de lui leur salut. — Belle retraite de Kilmaine.

 

Pendant ce temps, les dangers s’accumulaient aux frontières. Trois cent quatre-vingt-dix-sept mille hommes, voilà tout ce que la France comptait d’hommes présents sous les armes, au mois de mai 1793[1]. Et avec ces forces il lui fallait vaincre au Nord, sur le Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées ! Rappelons, en revenant un peu sur nos pas, quelle était, au moment de la chute des Grondins, la situation militaire du pays.

Au Nord, la frontière était menacée par le duc d’York, a la tête de vingt mille Autrichiens et Hanovriens ; par le prince de Cobourg, à la tête de quarante-cinq mille Autrichiens et de huit mille Hessois ; par le prince d’Orange, qui commandait quinze mille Hollandais ; enfin par le prince de Hohenlohe, qui, avec trente mille Autrichiens, occupait Luxembourg et Namur. Or Parlée républicaine, de ce côté, outre qu’elle ne s’élevait guère qu’à vingt-deux mille hommes, avait été désorganisée par la défection de Dumouriez, découragée par la mort de Dampierre, et rejetée, du camp de Famars sous Valenciennes, au camp de César sous Bouchain, où elle semblait hors d’état de rien entreprendre ; si bien que, sans éprouver d’obstacle, les alliés avaient formé le blocus de Condé et bombardaient Valenciennes[2].

Sur la frontière de l’Est, pour soutenir le choc de cinquante-cinq mille Prussiens, commandés par leur roi ; de quinze mille Autrichiens, sous les ordres de Wurmser ; de huit mille Autrichiens, détachés du corps de Hohenlohe, et d’environ six mille émigrés français, la République n’avait pas à mettre en ligne plus de soixante mille combattants, divisés en deux armées, celle de la Moselle et celle du Rhin[3]. Dès la fin de mars, le roi de Prusse avait traversé le Rhin à Bacharach, passé la Nahe, poussé jusqu’à Seltz et coupé la route de Mayence à Worms, tandis que, tombé soudain dans une irrésolution et un embarras inexplicables, Custine abandonnait ses magasins à Ringen, à Creutznach et à Worms, se retirait précipitamment sous Landau, et, ne s’y croyant pas encore en sûreté, se repliait derrière la Lauter, laissant l’ennemi libre d’investir Mayence[4]. Ce fut au mois d’avril que commença l’investissement de cette place. Son enceinte figure un demi-cercle dont le Rhin est le diamètre, et elle communique, au moyen d’un pont de bateaux, avec le faubourg de Cassel, jeté sur l’autre rive ; on n’avait donc pas jugé nécessaire de la fortifier beaucoup du côté du fleuve, parce qu’il était peu probable qu’on l’attaquât par des débarquements. Seulement, pour mettre à l’abri le front riverain, composé d’une muraille en briques, et conserver un débouché offensif sur la rive droite, les Français avaient fortifié Cassel et l’île du vieux Mein[5]. Du côté de la terre, Mayence était dans un état de défense respectable, grâce aux travaux de deux officiers distingués du génie, les généraux Doyré et Meunier[6]. Mais, mieux que par ses murailles, la ville était protégée par l’admirable intrépidité d’une garnison de vingt mille hommes, dont Jomini a pu dire que, sous des chefs tels que Meunier, Aubert Dubayet et Kléber, elle était capable de tout[7]. L'unique question était de savoir, dans le cas où l’on ne viendrait pas la dégager, combien de temps elle pourrait écarter d’elle un ennemi qui a raison des plus fiers courages : la famine ! Sans compter que le tiers de l’armement nécessaire manquait sur les remparts[8]. Quoiqu’il en soit, le roi de Prusse attachait trop d’importance à la conquête de ce boulevard de l’Allemagne, pour ne pas essayer de s’en rendre Maître. Il entreprit le siège, confiant au général Kalkreuth le soin d’en diriger les opérations, et au duc de Brunswick le soin de les couvrir, à la tête d’un corps d’observation, du côté des Vosges. Sur ces entrefaites, le commandement de l’armée de la Moselle ayant été réuni à celui de l’armée du Rhin, Custine se trouva en position de disposer de soixante mille hommes, avec lesquels il eût pu aisément reprendre l’offensive ; d’autant que l’ennemi, depuis le revers des Vosges jusqu’à Lauterbourg, s’étendait isolément par brigades[9]. Mais, au lieu de concentrer ses forces, Custine les étendit parallèlement à celles des Prussiens, et passa tout le mois d’avril à inspecter sa ligne dans le Porentruy, où il n’y avait ni rien à diriger ni rien à tenter[10]. Vers le milieu du mois de mai cependant, appelé au commandement de l’armée du Nord, il parut honteux de sa longue inaction et voulut dire à ses anciens compagnons d’armes un adieu qui fût un exploit ; mais il n’aboutit qu’à un effort qui fut une déroute[11].

Aux Alpes, la situation ne se présentait pas sous un Aspect plus favorable. L’armée qui devait sauver de l’invasion des Piémontais la Savoie et le comté de Nice était dans un déplorable dénuement, fruit de la secrète connivence des corps administratifs avec les malveillants de intérieur et les ennemis du dehors[12]. Trompée par de faux rapports, la Convention croyait cette armée complète, au moment même où il y manquait dix-huit mille hommes, et où elle n’avait pas un seul général de brigade[13]. Pour ce qui est des troupes placées aux Alpes maritimes, elles s’élevaient à peine à quinze mille hommes, mal approvisionnés. Or, tant en Savoie que vers Nice, il y avait à faire face à quarante mille Piémontais renforcés de huit mille Autrichiens ; et si, profitant de ce que, du côté des grandes Alpes, les glaces rendaient toute action impossible, les Piémontais eussent eu l’idée de précipiter sur Nice la masse de leurs forces, rapidement transportées des Alpes au Midi, qui les eût empêchés de pénétrer dans les départements insurgés, d’y donner la main à la révolte, d’occuper Lyon qui les appelait et les attendait, et de mettre la France en lambeaux ?

Aux Pyrénées, tandis que sept mille Espagnols perçaient dans la Cerdagne française et menaçaient le Mont-Libre, quinze mille hommes, appartenant à la même nation, s’étaient répandus vers Géret et le Boulou[14]. Pour les repousser, ou seulement les tenir en échec, était-ce assez d’une petite armée de dix mille hommes, la plupart de nouvelle levée[15], et qui étaient sans officiers généraux, sans canons de campagne, sans affûts pour les canons de siège, presque sans pain[16] ? Aussi le général espagnol, aidé d’ailleurs par les émigrés du pays[17], n’avait-il pas eu de peine à s’emparer du pont et de la ville de Corel, de Montesquiou, de Villelongue, du Boulou, de Saint-Genis, de Palau, de Saint-André, et à nous ôter toute communication avec Bellegarde, le fort des Bains et Prats de Mollo. Vers la fin de mai, le général français Deflers établit un camp retranché à peu de distance de Perpignan, mais sans pouvoir faire autre chose que couvrir cette ville, tant ses forces étaient insuffisantes ! Bellegarde, le fort des Bains, Prats de Mollo, devaient donc inévitablement succomber ; et c’est ce qui arriva, dans le courant du mois de juin.

En résumé, à l’époque où les Girondins, vaincus à Paris, agitaient de leurs ressentiments la France entière, armant la Normandie, poussant Bordeaux à la résistance, soulevant Marseille, et fournissant de la sorte des auxiliaires inattendus aux insurgés royalistes de la Vendée, de la Lozère, des Vosges, du Jura et de Lyon, une armée formidable d’Autrichiens, de Hanovriens, de Hollandais et de Hessois entourait Condé et incendiait Valenciennes ; les Prussiens enveloppaient Mayence ; la Savoie et Nice étaient à la merci des Piémontais ; et les Espagnols, auxquels il ne fallait qu’une attaque un peu vive pour enlever le camp français sous Perpignan, semblaient déjà maîtres du Roussillon.

En de telles extrémités, la France était perdue si les gouvernements qui l’attaquaient eussent eu la centième partie du génie et de la vigueur que déploya le Comité de salut public. Mais, Pitt excepté, aucun de nos ennemis fameux ne se trouva au niveau des circonstances. Celui d’entre eux qui avait été l’âme delà coalition dans l’origine, et qui lui communiqua un instant le prestige d’une réputation diplomatique alors sans égale, était le rieux comte de Kaunitz ; et il est curieux d’opposer ce que la chronique rapporte de ce personnage à ce que nous savons déjà des Robespierre, des Saint-Just, des Billaud-Varenne.

Kaunitz était un homme de haute taille, aux yeux bleus, au teint blanc comme du lait. Il portait une perruque remarquable dont les nombreuses boucles tombaient en zigzag sur son front, de manière à en cacher les rides. Il semble avoir été l’inventeur de cet art de poudrer les cheveux, pratiqué avec tant de raffinement par le fameux prince de Ligne, lequel, dit-on, au moment de sa toilette, avait coutume de faire ranger ses domestiques sur une double baie, avec injonction de lui jeter sur la tête, lorsqu’il parcourait la ligne, l’un de la poudre blanche, un autre de la poudre bleue, un troisième de la poudre jaune, etc. jusqu’à ce que la fusion et la combinaison des couleurs offrît quelque chose de parfait. Kaunitz tranchait volontiers du révolutionnaire... en matière de costume. Par exemple, lui faire quitter les bas blancs pour des bas rouges était une question d’État. Un grand chien l’accompagnait partout — excepté à la Cour. — Ce fut son point de ressemblance avec Robespierre. — N’étant plus jeune, il ne voulait pas absolument être vieux ; et l’idée de sa fin lui était si insupportable, qu’il avait fait défense expresse qu’on prononçât en sa présence le mot mort. Il ne souffrait même pas qu’on parlât devant lui de petite vérole, parce qu’il avait vu l’impératrice atteinte de Cette maladie, et qu’il lui en était resté une impression désagréable. Un jour, il dit à un de ses lecteurs, le secrétaire Harrer, âgé alors de soixante ans : Se peut-il que des jeunes gens comme vous oublient de pareilles choses ? Avait-on à lui annoncer une nouvelle funèbre, il fallait recourir à une circonlocution. Lorsque le baron Binder, son ami et son confident, mourut, Xaverius Raidt, le lecteur du prince, l’informa de l’événement en ces termes : On ne trouve plus nulle part le baron Binder[18].

Un personnage de cette trempe n’était pas pour lutter d’audace avec des hommes qui se croyaient sûrs de commander à la victoire, à force de regarder la mort en face ; et c’est ce que Kaunitz semblait comprendre lui-même, lorsqu’il disait : Les Jacobins sont des insectes qu’il faut tuer à force de patience[19]. Mais la Cour d’Autriche farda pas à s’apercevoir que, contre la Révolution française, d’autres vertus n’eussent pas été de trop. La vieille routine des Cabinets ne pouvait manquer de pâlir devant une politique environnée d’éclairs et qui procédait par coups de foudre : Kaunitz fut jugé insuffisant. Restait à le remplacer.

On raconte que, visitant un jour le collège des langues Mentales formé à Vienne, Marie-Thérèse y remarqua un infant nommé Thunigut. C’était le fils d’un pauvre batelier de Lintz. L’impératrice prit intérêt à lui, et le recommanda au directeur du collège, après avoir changé son nom de Thunigut (vaurien), en celui de Thugut (fais bien)[20]. Ce fut le point de départ d’une fortune aussi éclatante que rapide. Attaché dès l’âge de quinze ans à la légation de Constantinople, Thugut franchit en peu de temps tous les degrés de l’échelle diplomatique, et fit preuve de tant habileté dans les diverses missions dont on le chargea, que, lorsque l’empereur d’Autriche résolut de donner un successeur à Kaunitz, ce fut sur le fils du batelier de Lintz qu’il jeta les yeux. Thugut avait suivi le comte de Mercy en France ; il y avait eu des conférences secrètes avec Marie-Antoinette, avait contribué à y mettre Mirabeau dans l’intérêt de la Cour ; et on le supposait mieux en état que personne de combattre efficacement une révolution dont il avait surveillé de si près les développements et connu les principaux acteurs[21].

La vérité est cependant que Thugut, nommé, dans les derniers jours de mars 1793, directeur général du bureau des affaires étrangères, se montra tout aussi impuissant que son prédécesseur à diriger d’une manière efficace les ressorts de la coalition. Non moins attaché aux traditions d’une politique égoïste et tortueuse que le prince de Cobourg l’était aux théories surannées de la guerre méthodique, il ne vit, il ne chercha dans le dénouement d’une lutte de principes que l’agrandissement particulier de l’Autriche. Au lieu de pousser les armées impériales vers Paris, foyer de la doctrine nouvelle, il les retint, sur la frontière du Nord, autour de deux places dont le Cabinet de Vienne convoitait la possession définitive. De son côté, Pitt, que son génie aurait dû sauver de ces étroites inspirations de l’égoïsme national, Pitt en subit à ce point l’influence, qu’il aima mieux s’emparer des colonies françaises des Indes occidentales que porter secours aux royalistes de la Vendée[22]. Est-il besoin d’ajouter que ce furent des préoccupations du même genre qui empêchèrent l’Espagne d’étendre ses vues au delà de l’occupation du Roussillon et qui enchaînèrent les Prussiens sous les murs de Mayence[23] ?

Ainsi, au lieu d’attaquer la France hardiment et avec ensemble comme le berceau d’une philosophie par eux jugée dangereuse, les coalisés ne songèrent qu’à la déchirer comme une proie dont chaque gouvernement voulait un lambeau. Et de là vient que l’histoire de leurs efforts, au moment où nous sommes, se réduit au récit de deux sièges : celui de Mayence et celui de Valenciennes.

Nous avons parlé en passant d’une défaite que Custine essuya au milieu du mois de mai. L’attaque que suivit cette défaite était censée entreprise en faveur de Mayence. que Custine eût sérieusement le projet de dégager la place ; mais, appelé au commandement de l’armée du Nord, il désirait qu’une victoire signalât son départ[24]. Il projeta donc d’assaillir la gauche des Autrichiens, que coin manda il Wurmser, au sujet duquel on lit dans les Mémoires du prince de Hardenherg cette réflexion remarquable : Il fallait une révolution pour voir un prince du sang de France aux ordres d’un gentilhomme alsacien, né sujet du roi, et qui avait fait la guerre de Sept-ans dans un grade subalterne, sous le prince de Condé lui-même[25]. Wurmser, en effet, était un gentilhomme alsacien qui avait autrefois obtenu de Louis XV la permission de passer au service de la cour de Vienne, et c’était à son armée auxiliaire qu’était venu se joindre, en 1793, le corps d’émigrés, connu sous le nom d’armée de Condé[26]. L’engagement eut lieu le 17 mai et fut fatal à Custine, qui, mis en désordre, dut regagner Weissembourg, puis partir pour Cambrai, chargé du poids d’un revers[27].

Un semblable échec laissait à la garnison de Mayence peu d’espoir d’être secourue. Elle ne se découragea pas néanmoins, animée qu’elle était par l’exemple de ses chefs, et peut-être plus encore par celui de Merlin (de Thionville), que la Convention avait envoyé avec Rewbell à Mayence, en qualité de commissaire. Merlin (de Thionville) avait fait ses études au séminaire de Saint-Sulpice ; puis, laissant là le bréviaire et la soutane, s’était engagé dans la carrière du barreau[28] ; mais la nature l’avait créé soldat. Aussi le vit-on déployer, à Mayence, une bravoure qui étonna jusqu’à Kléber, ce Kléber que rien qu’à sa taille, à son visage, à sa démarche, à son geste, les anciens eussent salué dieu de la guerre. Pointer des canons, diriger les sorties, caracoler sur le front des troupes en habit de hussard[29], tels étaient les amusements favoris de Merlin ; et il se montrait si terrible dans les combats, que les Allemands le surnommèrent diable de feu (Feuer-Teufel).

Ici se place un fait singulier. Un jour, un trompette ennemi entra dans la ville, s’annonçant porteur de lettres de la part de Custine. Aussitôt le conseil de guerre s’assemble. Un homme qui se disait l’agent du général demandait à faire au commandant de la place des communications importantes. On décide que l’entrevue désirée aura lieu, et que Doyré s’y rendra, accompagné du représentant Rewbell. En arrivant, ils trouvèrent un nomme Boze, qui les attendait, au milieu d’un cercle d’officiers prussiens et hessois. Boze dit, en balbutiant, qu’il apportait de mauvaises nouvelles ; que l’armée de Custine se trouvait fort affaiblie ; que Paris était insurgé, la Convention dissoute, le Dauphin proclamé roi. Les Français n’ayant, à Mayence, aucun moyen de savoir ce qui se passait au dehors, les tromper avait paru facile. Pour mieux y réussir, un officier prussien tira de sa poche un Moniteur imprimé à Francfort et qui contenait des détails confirmatifs du récit de Boze. Mais Doyré et Rewbell, soupçonnant un piège, refusèrent d’en entendre davantage, et reprochèrent même à Boze en termes très-vifs de s’être lâchement chargé d’une mission pareille. On se sépara, non sans que Boze fût parvenu à glisser dans la main de Doyré un billet portant la signature de Custine et dans le quel les assiégés étaient engagés à rendre la place, pourvu qu’ils obtinssent une capitulation honorable. Le conseil de guerre, ayant pris connaissance de ce billet, passa tout de suite à l’ordre du jour, motivé sur la résolution de combattre jusqu’à la mort[30].

C’était là précisément ce que le roi de Prusse aurait voulu éviter. Comme des combats journaliers avaient lieu Sur le terrain qui séparait les retranchements prussiens des ouvrages français, il advint que, dans une de ces rencontres, le chef d’une troupe de cavaliers sortis de la place défia un officier prussien à un combat singulier. Et si je venais à vous comme ami ? dit ce dernier. — Je vous recevrais en ami, répond le Français. Là-dessus, les voilà qui se tendent la main. Le général Kalkreuth et Merlin, peu éloignés des avant-postes, sont avertis ; un pourparler a lieu, et un déjeuner est convenu pour le lendemain avec le prince Ferdinand de Brunswick et Rewbell. Ce repas militaire se passa gaiement, à quelle distance des troupes. Mais le prince eut beau mettre en jeu toutes les ressources d’une habile courtoisie, on ne put s’entendre, Rewbell exigeant, pour condition préféré, que le roi de Prusse se séparât de la coalition et reconnût la République française[31].

Aussi bien, une entreprise inattendue vint couper court aux égards réciproques. Une nuit, apprenant que Louis-Ferdinand de Prusse était au quartier général de Marienborn, les assiégés forment le projet d’enlever ce prince. Divisés en trois colonnes, ils se mettent en marche, au nombre de six mille hommes, conduits par un espion ; pénètrent dans le camp prussien à la faveur des ténèbres, et, au moyen du mot d’ordre, qui avait été livré[32], surprennent l’état-major, le massacrent. Le général Kalkreuth n’échappa que parce que le grenadier qui avait saisi la bride de son cheval reçut la mort au moment de la donner[33].

Le lendemain fut un jour de deuil pour les Français : Meunier périt à l’attaque de la grande île du Mein. C’était un héros qui disparaissait de la scène. Une trêve qui rap' pelle les plus nobles pages d’Homère fut aussitôt conclue, la trêve des funérailles ; et les Prussiens, en armes sur leurs lignes, répondirent par une salve générale au bruit des adieux militaires que les Français firent au tombeau où leur général venait de descendre[34].

A partir de cette journée, le siège fut poussé avec un redoublement de vigueur. Dans la nuit du 18 au 19 juin, la tranchée avait été ouverte, et, le 28, les Prussiens avaient emporté la redoute de Veisnau : l’achèvement des batteries précipita toute chose vers un dénouement meurtrier, et une partie de la ville s’affaissa bientôt sous un déluge de bombes. Le 16 juillet, le laboratoire des artificiers de la garnison sauta. Presque au même instant le feu prenait à un magasin de fourrages[35]. A la fin de juillet, vingt batteries armées de deux cent sept bouches à feu se hérissaient sur la rive gauche[36].

Mais la constance des assiégés avait à lutter contre un fléau plus terrible que les boulets et les bombes. Dès le début, Custine avait négligé d’approvisionner la ville, et il avait même écrit, comme pour endormir la Convention, que Mayence était parfaitement approvisionnée[37]. Après son départ, une compagnie de juifs s’était engagée a fournir les bœufs, le vin et l’eau-de vie nécessaires, mais à la condition que les convois arrêtés par l’ennemi seraient payés comme s’ils étaient arrivés à bon port. On jugea ces juifs capables de faire arrêter leurs propres convois pour vendre une seconde fois leurs denrées, et on ne voulut pas de la condition[38]. Vint le blocus, et avec e blocus la famine. Elle fit des progrès d’autant plus rapides, que l’ennemi, ayant des émissaires dans la ville, savait tous les endroits où étaient des magasins de blé et ne manquait pas de diriger son feu de manière à les incendier. On eut beau les changer de place à diverses reprises, rien n’y fit. Les moulins, à leur tour, ne tardèrent pas à être réduits en cendres, ce qui forçait d’avoir recours aux moulins à bras ; et le danger d’y travailler était tel, qu’on était obligé d’y conduire les ouvriers à la pointe du sabre. Sur la fin du siège cependant on avait encore du pain pour quinze jours, mais plus de fourrage, plus de médicaments, plus de viande, plus de beurre, plus dégraissé. Pour graisser ce qui leur tenait fieu de soupe, les soldats qui occupaient les forts employaient des rats et des souris[39].

La détresse devint si impossible à supporter, que le commandant de la place en fit sortir, après vives sollicitions, un grand nombre de vieillards, de femmes, enfants et de malades. Ces infortunés, au nombre d’environ deux mille, s’attendaient à être reçus dans le camp allemand. Ils se traînent jusque-là ; mais la guerre est la science du meurtre : on les repousse. Ils refluent vers la ville ; ils en trouvent les portes inexorablement fermées ; ce fut un spectacle déchirant. Sur le terrain même qui séparait les deux armées, il fallut que cette foule gémissante restât exposée, pendant toute une nuit, aux coups qui venaient des deux côtés. Le soleil se leva, et montra des soldats français emportant de pauvres enfants, blessés, dans les pans de leurs habits[40].

Si du moins, l’oreille ouverte aux plus lointaines, aux plus vagues rumeurs, ils eussent pu apprendre quelque chose de la patrie absente, ces vaillants hommes ! Mais, tandis qu’avec tant de dévouement ils combattaient pour la France, ils étaient condamnés au supplice d’ignorer si elle existait encore ; et ce supplice dura quatre mois. Avec quelle impatience ils attendirent Custine ! Dans quel douloureux étonnement les plongea cette absence si absolue et si prolongée de nouvelles ! Longtemps ils interrogèrent les flots du Rhin, pensant qu’au moyen de papiers mis dans des bouteilles bien bouchées on aurait pu les instruire des choses du dehors. Hélas ! les filets qu’ils jetèrent sur le fleuve furent muets jusqu’au bout[41].

Ce n’est pas que le Comité de salut public eût perdu Mayence de vue ; mais la longue inaction de Custine avait été continuée par son successeur à l’armée du Rhin, Beauharnais, lequel, marié depuis cinq ans à la célèbre Joséphine, ne s’occupait guère, dans son quartier général, qu’à donner des l'êtes à sa jeune femme et à se divertir[42]. Soit répugnance à subir l’impérieuse tutelle des commissaires de la Convention, soit crainte de hasarder une bataille qui, perdue, le mettait sur la route de l’échafaud, ce général différa tant qu’il put de prendre l’offensive, et, lorsque enfin, pressé par des ordres formels, il s’y résolut, l’heure du salut était passée pour Mayence. Il est vrai que, le 19 juillet, Houchard, qui commandait l’armée de la Moselle, avait essayé de percer la ligne de trente lieues sur laquelle s’étendaient les troupes aux ordres de Wurmser ; mais, outre que cette attaque, réitérée trois fois, n’avait été nullement décisive, la garnison de Mayence fut amenée à croire, sur la foi de certains rapports mensongers que lui firent des Juifs envoyés par les Prussiens, qu’un dernier effort pour dégager Mayence avait abouti à la défaite de trente mille Français[43]. Cette fausse nouvelle, coïncidant avec Une sommation pressante du roi de Prusse, décida de la reddition de la place. Considérant qu’aucun mouvement ne se manifestait en sa faveur ; que deux armées d’observation couvraient le siège ; qu’une plus longue résistance contraindrait tôt ou tard dix-huit mille braves à se rendre sans conditions ou à périr ; que la France était dans une situation à réclamer le courage de tous ses enfants, et qu’il valait mieux conserver à la patrie un noyau de rudes guerriers que s’acharner à la conservation d’une ville allemande, isolée de tout secours... les défenseurs de Mayence cédèrent enfin à la fortune, Jais fièrement, noblement, comme il convenait à leur honneur et à celui de la République. La capitulation portait que la garnison rentrerait en France avec armes et bagages. Nul autre engagement que celui de ne pas servir d’un an contre les alliés[44].

En conséquence, les Prussiens, le 22 juillet, prirent Possession des forts extérieurs, et la garnison sortit tambour battant jusqu’aux glacis. Le 24 seulement, elle se mit en marche, et cela au bruit de la Marseillaise. La défense avait eu un caractère héroïque : ce caractère marqua la retraite. Un clubiste ayant été reconnu et insulté, Merlin (de Thionville), qui était en costume de hussard, sort tout à coup d’un groupe d’officiers, impose silence aux insulteurs, et les avertit que ce n’est pas la dernière fois qu’ils verront les Français[45].

Depuis, les ennemis de ce conventionnel firent sourdement courir le bruit qu’il avait vendu Mayence au roi de Prusse. Sa conduite pendant le siège dément assez une pareille calomnie, à laquelle donna sans doute naissance le faste qu’il déploya plus tard ; car il fut du très-petit nombre des commissaires de l’Assemblée que leurs missions enrichirent. Tandis que la plupart d’entre eux, pauvres au sein de la toute-puissance, se consolaient d’être l’effroi du monde en restant l'honneur de la Révolution, il achetait, lui, de belles maisons de campagne et des équipages magnifiques[46]. Un jour, raconte Levasseur, Merlin (de Thionville) vint s’asseoir à côté de moi, au sommet de la Montagne, au retour d’une mission. Il était tout essoufflé et se plaignait d’une extrême lassitude. — D’où viens-tu donc ? lui demandai- je. — Je viens de forcer le cerf. — Où donc ?Dans mon parc. — Ah ! tu as un parc ! Et des chevaux ?Mes écuries en sont bien garnies. — Ah ! tu as des écuries ! Et des chiens ?Deux meutes superbes. — Ah ! tu as des meutes ! Et, quand tu es venu siéger à la première législature, tu n’avais pas d’effets pour la valeur d’un louis. Ôte-toi de là ; je ne veux pas m’asseoir à côté d’un fripon. Merlin restait atterré sur son banc. Je me levai, et j’allai me placer à l’autre extrémité de la Montagne[47]. L’Histoire ne saurait enregistrer, sans faire ses réserves, un jugement dont l’austérité révolutionnaire a seule dicté les termes ; mais quelle pitié que, sous le rapport du désintéressement, Merlin, ce grand soldat, n’ait pas ressemblé un peu plus à Kléber, et un peu moins à Fouché ou à Cambacérès !

Nous avons laissé les alliés, au nord, se disposant à emporter Valenciennes. Dès les premiers jours de mars, un équipage de cent quatre-vingts bouches à feu de gros calibre était parti de Vienne. De son côté, la Hollande av ait fourni cent sept bouches à feu. Les mortiers, au nombre de quatre-vingt-treize, se trouvaient approvisionnés à six cents coups, les canons à mille[48]. Le duc d’York conduisait le siège ; et Ferrand, à la tête de dix mille hommes, défendait la place[49]. Elle fut sommée le 14 juin. Mais là étaient des soldats de la trempe de ceux qui immortalisèrent la résistance de Mayence. Peu de temps avant la sommation, réunis aux habitants, dont masse rivalisait avec eux de patriotisme et d’ardeur, ils avaient prêté sur la grande place de Valenciennes, autour de l’autel de la patrie, au son des instruments guerriers, et dans une sorte de magnanime ivresse, le Arment de mourir plutôt que de se rendre. Ferrand se contenta d’envoyer copie de ce serment au duc d’York, et, un quart d’heure après, le feu commença. La première bombe, partie d’Anzin, éclata, sans atteindre pérenne, au milieu de la rue de Tournay, en ce moment emplie de monde. Cela parut de bon augure. Nul visage c’avait pâli, et le bruit de la bombe avait été couvert par un immense cri de Vive la République ! Le bombardement devint formidable. Il m’est arrivé, rapporte un témoin des événements, de compter, de onze heures du soir à deux heures du matin, jusqu’à 723 bombes. Il y en avait souvent quinze ou dix-huit en l’air, et j’en ai vu Partir huit à la fois de la même batterie à Sainte-Sauve[50]. Aussitôt qu’un incendie se manifestait, l’ennemi le célébrait par des fanfares. Dès le cinquième jour, l’église de Saint-Nicolas s’étant embrasée, ce fut, toute la nuit, comme un vaste édifice de feu. La tour, qui brûlait a l’intérieur, semblable à un volcan, et qui vomissait, mêlés à d’épais tourbillons de fumée, des torrents de flamme, formait un spectacle à troubler les âmes les plus fermes. Bientôt l’arsenal fut incendié ; et quatorze mille fusils furent réduits en cendres, avec une prodigieuse quantité de mèches, de sacs à terre, de pelles, de pioches, d’affûts et roues de rechange. Sur tout le front de l’attaque, le ciel ne présentait qu’un épouvantable nuage de poussière rougeâtre ou de fumée, et, depuis Lardon jusqu’à Poterne, le rempart ressemblait à un long cimetière où l’on aurait creusé d’innombrables fosses[51].

Une seule chose répondait à la grandeur du désastre : le courage des assiégés ; et à Valenciennes, comme cela s’était vu à Lille, la gaieté, l’indomptable gaieté française se plut à défier la mort. Trois boulets étant tombés sur une maison, on entendit le propriétaire crier, du seuil de sa porte : Eh ! eh ! qui veut loger à l’enseigne des trois boulets ? Un bourgeois très-riche, apprenant la chute de sa cinquième maison, demanda si quelqu’un était blessé. Rassuré à cet égard, il dit en riant : Voilà qui est pour le mieux ; les hommes font les maisons, et les maisons ne font pas les hommes[52].

Tel était l’esprit de la majorité des habitants ; mais la bourgeoisie renfermait une classe de gens qui, atteints dans leurs intérêts matériels, étaient loin de partager l’entraînement général. Et, par malheur, cette classe égoïste s’appuyait sur la municipalité. Les opposants n’osèrent d’abord se produire, et durent se borner à chercher refuge au fond des souterrains. Mais, lorsque l’image de la désolation et de la ruine fut partout, ils commencent à avoir le courage de leur peur. Des pétitions fâcheuses, que la municipalité provoqua sous main, circulèrent. Les émissaires de l’autorité locale s’étaient étudiés à mettre du parti de la soumission l’irritabilité nerveuse d’un sexe facile à impressionner, ils réussirent. Ce fut an point qu’un jour, contre un rassemblement de femmes, l’intervention d’un détachement de cavalerie fut nécessaire. Le soir, les groupes se reforment ; et, sans s’arrêter aux instances de leurs maris, qui, le visage morne, les lèvres tremblantes et pâles, leur parlent de la patrie, des femmes courent se précipiter en pleurs aux pieds des municipaux, soupçonnés d’avoir eux-mêmes arrangé cette scène[53]. Les deux commissaires de la Convention, Cochon de Apparent et Briez, étaient présents : une des pétitionnaires, s’adressant au premier comme à une divinité terrible, s’écrie : Monsieur, quand cesserez-vous donc votre colère sur nous ? Il répondit avec beaucoup de dignité et de douceur. Sa situation dans Valenciennes était fort pénible, le poids des animosités bourgeoises portant sur lui d'une manière exclusive, à cause du peu de crainte qu’inspirait le caractère timide de Briez, son collègue, et du respect affectueux que commandaient les services militaires du général Ferrand, son âge avancé et son air paternel. Chargé particulièrement de représenter, dans une ville accablée de maux, l’immuable politique delà Montagne, le malheureux commissaire fut abreuvé de tant d’amertumes, qu’il en vint à désirer la mort. Mais elle ne voulut pas de lui, et le funèbre espoir qui le conduisait à l’endroit le plus périlleux du rempart fut trompé jusqu’à la fin[54].

L’agitation continua pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’enfin les canonniers, indignés, déclarèrent que, si l’émeute se renouvelait, ils tourneraient leurs canons contre la ville[55]. Les opposants ne doutèrent pas que la menace ne fût sérieuse, et le drame de la sédition cessa de compliquer celui de la défense. Mais imposer silence aux mécontents, ce n’était point couper court aux manœuvres obscures des traîtres. On avait fort mal à propos décidé qu’on bannirait de la ville tout homme qui aurait manqué au service, tout ivrogne : des gens se firent chasser de la sorte, sans autre but que d’aller renseigner l’ennemi. On assure, en outre, que la municipalité correspondait avec le duc d’York, au moyen d’obus non chargés. Ce qui est certain, c’est que le général anglais n’ignora rien de ce qui avait lieu dans l’intérieur de la place, et il en fil lui-même la confidence aux parlementaires de la garnison, en leur montrant une liasse de bulletins qu’il avait reçus, jour par jour, pendant le siège[56]. Quant à Ferrand et aux deux commissaires, ils eurent toujours soin de ne donner leurs instructions que verbalement. Un papier sur lequel était écrit le mot Confiance, avec les signatures de Briez, de Cochon et de Ferrand, servait à accréditer les envoyés, qui portaient ce papier cousu dans leur jarretière de culotte[57].

Sur ces entrefaites, Custine, quittant le Rhin, était arrivé au camp de César ; et le voisinage de l’armée dont il venait prendre le commandement autorisait les assiégés à se bercer de l’espoir d’un prompt secours ; mais leur attente fut cruellement déçue. Ils imaginèrent alors de faire partir un ballon, auquel ils attachèrent un paquet contenant une lettre des deux commissaires à l’Assemblée nationale. Un billet, joint à cette lettre, promettait une récompense à quiconque, ayant trouvé le paquet, irait le remettre sur-le-champ à la municipalité la plus voisine. Le ballon s’enleva très-bien. Un vent favorable le dirigeait vers la France. Longtemps la garnison le suivit des yeux, aux cris mille fois répétés de Vive la nation ! tandis que, sortis de leurs tentes près de Famars, les ennemis criaient, à leur tour, d’un air triomphant : Voilà les députés qui se sauvent ! Malheureusement, le ballon ne parvint pas à sa destination : il alla tomber dans le camp de Cobourg, qui apprit de cette Manière que ceux de Valenciennes avaient juré de se dépendre jusqu’à la dernière extrémité[58].

Vers le milieu du mois de juillet, une allégresse générale se manifesta parmi les assiégeants : Condé venait d ouvrir ses portes, après une vaillante résistance de près de quatre mois. L’état de la garnison, réduite de quatre raille hommes à quinze cents, témoignait assez haut de ta vigueur de la défense. Mais la famine sévissait à tel point, que le général Chancel, gouverneur de la place, s’était vu un jour condamné à la douloureuse nécessité d’en faire sortir les femmes et les enfants ; et cela même n’avait servi de rien, les Autrichiens ayant eu la barbarie de repousser dans la ville à coups de fusil les malheureuses créatures[59]. Il fallut se rendre ; et, à cette Nouvelle, les émigrés royalistes qui combattaient sous le drapeau de l’Angleterre, devant les murs de Valenciennes, se mirent à exhaler leur joie en insultes et en sarcasmes. Il y en avait un, entre autres, dont les assiégés entendaient monter du fond de la tranchée la voix Perçante ; il s’épuisait à répéter en ricanant : Président, je vous demande la parole[60].

Ce 25 juillet, tout étant prêt pour l’explosion des mines et l’assaut du chemin couvert, une attaque décisive fut résolue par l’ennemi. Elle devait s’effectuer sur trois colonnes, l’une composée d’Anglais, l’autre d’Allemands, la troisième de Hongrois et de Valaques. Le feu s’ouvrit à dix heures du soir. Deux mortiers battaient sur le réduit de la citadelle, dont les palissades étaient en même temps assaillies de mousqueterie et de grenades. Mais ce grand fracas n’était que pour diviser l’attention et les forces des assiégés pendant l’attaque des ouvrages de Mons. Après avoir fortifié de ce côté postes et réserves, les Français venaient de s’engager dans une vive fusillade, lorsque, soudain, l’explosion de trois globes décompression, faisant sauter deux places d’armes, ouvrit un large passage par le déchirement de la palissade. Les trous étaient si énormes, que cinq ou six mille bottes de foin eussent à peine suffi à les combler. Aussitôt l’ennemi s’v précipite, en poussant des hurlements affreux : Tue ! tue ! tue !... Weich patriote (vilain patriote) !... Froissés de leur chute, couverts de terre, nos soldats ne se relèvent que pour gagner les réserves, qu’ils trouvent abandonnées et déjà au pouvoir de l’ennemi. Les volontaires de la Côte-d’Or, de la Charente et des Deux Sèvres se battirent vaillamment en retraite jusqu’aux poternes. Les assaillants les y suivent. Alors déroule complète. Le carnage fut horrible. A une des poternes, il y eut entassement de cadavres, parce qu’on refusa d’ouvrir aux fuyards, de peur que l’ennemi n’entrât pêle-mêle avec eux dans la ville. Plusieurs se tirent hisser le long des brèches ; d’autres n’évitèrent la mort qu’en se couchant au milieu de leurs compagnons égorgés. Un soldat du 29e, qui, blessé à la tête, avait eu recours à ce lamentable artifice, fut dépouillé comme mort, et, après la retraite des assaillants, rentra par la brèche, entièrement nu[61].

On estime que, ce jour-là, la ville eût été emportée, si les alliés eussent en quelque chose de l’audace et de la vivacité françaises. Mais ils se hâtèrent de regagner leurs ouvrages, sans chercher à s’établir dans les nôtres, excepté dans la corne, où ils jetèrent un certain nombre de travailleurs[62].

Le lendemain, un trompette parut, tenant un drapeau blanc à la main. Il apportait l’offre de conditions honorables, si la garnison se rendait, et, en cas de refus ou d’hésitation, la menace d’un assaut furieux. Ce fut pour les partisans de la soumission comme un signal depuis longtemps attendu. Ils sortent de leurs caves, et courent un tumulte à la maison commune. Les municipaux s’avancent alors sur le perron, pour donner communication Solennelle des motifs qui rendent, disent-ils, une capitulation indispensable. Des applaudissements frénétiques Sentissent. Malheur à qui parlerait de continuer la lutte ! L’un des deux commissaires de la Convention était accouru : on l’insulte. Dans l’intervalle, le conseil de guerre s’est réuni ; et le bataillon de la Charente, descendit de la citadelle, s’avance sur la place au pas de charge, bien décidé à protéger contre les violences de l’esprit bourgeois la liberté des délibérations. Mais, un ordre supérieur, arraché à la faiblesse des chefs militaires, ayant fait rentrer ce bataillon, la place devint le théâtre à un hideux désordre. Quelques soldats, l’écume des régiments, avaient été d’avance gagnés à la sédition : ils pillent les magasins de vivres et d’habillements. On les voyait revenir par les rues avec d’énormes charges de has, de culottes, de souliers, qu’ils vendaient à vil prix. Quelques-uns portaient des bidons d’eau-de-vie et de vin[63].

Le fut au milieu de cette anarchie que la question de la reddition s’agita : débat plein d’angoisse et sur lequel planait l’image de la Convention courroucée ! Quelques chefs, parmi lesquels Dillon, colonel du 87e, et le commandant du bataillon de la Charente, rappelèrent le serment de s’ensevelir sous les ruines de la place, et déclarèrent que, si on ne pouvait la défendre, il fallait mourir. D’autres représentèrent que, lorsque ce serment fut prête, une seule et même pensée paraissait dominer l’esprit des citoyens, mais que, depuis lors, une opposition aussi fougueuse qu’imprévue s’était produite ; qu’il s’agissait conséquemment de vaincre désormais et les ennemis et une partie des habitants ; que cette circonstance donnait à la situation une face toute nouvelle ; que la garnison avait opposé à des forces supérieures une résistance qui marquerait dans les annales des sièges ; qu'on avait assez fait pour la gloire et que quelque chose restait à faire pour l’humanité. Un rapport du directeur du génie, Tholozé, établissant l’impossibilité matérielle de tenir six jours de plus, trancha la question ; et il fut décidé qu’en réponse à la sommation de l’ennemi on demanderait les honneurs de la guerre, la faculté d’emmener l’artillerie, l’engagement de garantir la sûreté de tous les habitants sans exception, l’exemption des corvées militaires, le maintien des ventes de biens nationaux, la circulation des assignats. Trois commissaires allèrent porter ces conditions au duc d’York, qui débuta par leur dire, en riant : Ah, ah ! messieurs ! Et, si à présent je ne voulais pas, moi ? Il se contenta d’exiger de la garnison la promesse formelle que, rentrée en France, elle ne servirait pas d’un an contre les alliés[64].

Ainsi se termina ce siège mémorable, après cinquante- six jours de tranchée ouverte, et un bombardement qui dura quarante trois jours et quarante-trois nuits[65]. La place avait été battue par plus de deux cents pièces. On lui jeta quatre-vingt-quatre mille boulets, vingt mille obus et quarante-huit mille bombes[66]. La garnison, qui, au commencement, s’élevait à dix mille hommes, se trouva réduite à moins de cinq mille[67], c’est-à-dire que la moitié 'le ces intrépides soldats périrent ; et quant à ceux qui survécurent, ils gardèrent jusqu’au dernier moment une altitude héroïque. Le jour de la sortie de la ville, 28 juillet, les armes du bataillon de la Charente étaient nettoyées comme pour un jour de parade. Pas une maison que le boulet n’eût touchée. Les bombes anéantirent presque la rue de Mons, la place Verte et tout le voisinage de l’hôpital. Inutile d’ajouter que, de leur côté, les assiégeants avaient beaucoup souffert : d’après une confidence d’un officier anglais à Ferrand, l’ennemi ne perdit pas moins de vingt mille hommes[68].

La conduite du général Ferrand avait été aussi patriotique que vaillante, et Tholozé avait déployé des talents militaires du premier ordre. Cependant telle était l’ombrageuse politique de la Convention, que, n’étant pas morts, il s furent suspects. On envoya Ferrand à la prison de l’Abbaye, Tholozé à la maison du Luxembourg ; et ils auraient eu probablement à comparaître devant le tribunal révolutionnaire, si Briez et Cochon de Lapparent ne s’étaient fait un devoir de témoigner bien haut en leur faveur[69].

Le 29, le duc d’York entra dans Valenciennes, accompagné du prince de Lambesc ! L’indigne municipalité avait élevé un énorme trophée d’armes à l’invasion, et les rues apparaissaient pavoisées de drapeaux blancs, avec cette inscription : A noire libérateur ![70] Le soir ? comme le duc était au théâtre, un acteur s’avance, aussitôt après le lever du rideau, et, le visage tourné vers la loge du prince anglais, commence en balbutiant : Monseigneur... Votre Altesse... Votre Altesse... Monseigneur... Votre... Une voix du parterre : Est-ce que vous avez peur ? Et l’acteur de répliquer : Eh ! quand cela serait ? Son Altesse a fait peur à bien d’autres[71]. Il va sans dire que cette scène d’abominable et sacrilège bassesse avait été arrangée d’avance. C’était le compliment de bienvenue fait par les royalistes à l’étranger ! Voici comment l’étranger y répondit : le lendemain même, le feld-maréchal Cobourg annonçait qu’à Valenciennes, ainsi qu’à Condé, il prenait possession de la ville, au nom du roi son maître, et, de peur qu’on n’en doutât, une junte, composée de sujets autrichiens, fut aussitôt instituée, et l’aigle impériale arborée sur les remparts[72] !...

Hâtons-nous d’ajouter que, pendant ce temps, cinq mille gardes nationaux républicains qui, accourus des villes voisines, avaient concouru à défendre, dans Valenciennes, le sol sacré, abandonnaient volontairement leurs foyers domestiques[73], et, unis à la garnison, allaient chercher la mort pour ne pas perdre l’honneur. La nouvelle de la reddition de Mayence n’était pas encore arrivée à Paris ; mais on y était instruit déjà de l a capitulation de Condé, et l’on y tremblait de voir succomber Valenciennes, lorsque le Comité de salut public manda Custine.

L’attitude équivoque de ce général, le mélange incompréhensible de vues très-justes et de mesures singulières[74], qui avait marqué sa carrière de soldat, son faction prolongée à l’armée du Nord, les éloges imprudents dont le comblaient les artisans de la guerre civile et les Girondins fugitifs, leur confiance en lui hautement déclarée[75], la lettre où Wimpfen l’appelait Mon cher maître[76], et se montrait si assuré de son concours, tout le désignait aux soupçons d’un parti ombrageux, aigri d’ailleurs par l’excès des revers. Ce n’est pas que Custine eût paru disposé à répondre aux sollicitations de Wimpfen ; il les avait, au contraire, repoussées avec rudesse, et dénoncées[77]. Mais sa conduite, en cette dernière occasion, ne fut attribuée qu’à un calcul de prudence. Aussi longtemps qu’entre les Girondins et les Montagnards la lutte avait paru douteuse, sa haine à l’égard des seconds s’était librement épanchée, et la Convention elle-même, prise dans son ensemble, avait été de sa part l’objet de dédains qu’il mettait une coupable jactance à afficher devant ses troupes[78]. Les Montagnards savaient cela, et ne lui tinrent aucun compte d’une soumission qui lui fut imputée à faiblesse.

Lui, cependant, arrive à Paris, affectant beaucoup de sécurité et portant la tête haute. Il se présente au Palais-Royal, et, sur ce théâtre des conciliabules secrets du royalisme, reçoit une ovation[79]. On eût dit une page de l’histoire de Dumouriez ; et ce qui, malheureusement pour Custine, compléta la ressemblance, c’est qu’il devint, par cela seul qu’il était suspect à la Montagne, le point de ralliement de l’aristocratie[80]. La France, à cette époque, semblait toucher de si près à sa ruine, que beaucoup crurent la Révolution à l’agonie. Aussi les royalistes déployaient-ils une confiance qui croissait à chaque nouveau revers des armées. A peine Custine fut-il à Paris, qu’ils l’entourèrent, et la section de la Butte-des-Moulins, celle des Filles-Saint-Thomas, se pressèrent autour de lui, comme elles avaient fait jadis autour de la Fayette et de Dumouriez[81]. Ce fut sa perle.

A la séance du 22 juillet, Bazire annonce que Custine a paru la veille au Palais-Royal, et que les habitués des tripots ont crié : Vive Custine ! Il l’accuse d’avoir donne pour mot d’ordre : Condorcet, Paris, la Constitution[82]. Simon l’inculpe à son tour pour avoir déclaré insolemment que, lorsque les décrets de la Convention lui déplaisaient, il en faisait des papillotes[83], et cette inculpation s’appuie sur le témoignage du ministre de la guerre. Danton dit que la nation a des doutes, et qu’il importe de les éclaircir promptement. La détention provisoire de Custine à l’Abbaye fut décrétée[84].

Survint la nouvelle de la reddition de Mayence. Barère se rend à la Convention, et, au nom du Comité de salut public, s’exprime en ces termes : Nous venons de recevoir des nouvelles... qui ne serviront qu’à enflammer le courage des républicains ; ils savent que l’empire de la liberté ne se fonde que sur des revers... Mayence a capitulé, au moment où deux armées victorieuses s'avançaient à son secours... Houchard, après avoir délivré Mayence, devait prendre les Autrichiens par derrière, et les forcer à évacuer les départements du Nord. Custine s’est toujours opposé à cette expédition, en disant qu’il ne fallait s’avancer sur Mayence que vers le 15 août. Ce général perfide triomphe ; voilà l’effet de ses trahisons : il voulait livrer Valenciennes et Condé en même temps que Mayence. Nous avons appris qu’il existait un billet signé, Custine, où il engageait Doyré, commandant de Mayence, à livrer la place aux Prussiens[85]. Barère alors donne lecture d’une dépêche du général Houchard, qui commandait l’armée de la Moselle. Houchard pressait la Convention de faire arrêter sur-le-champ Custine, comme suspect de trahison ; il ajoutait : Sans ses perfidies, j’étais avant huit jours à Mayence, et je délivrais la place. L’ordre donné par Custine d’enlever de Lille soixante-seize pièces de canon, sans motif appréciable, et une lettre de lui contenant ces mots étranges : Emmenez avec vous le plus de Prussiens que vous pourrez : ce sont des Prussiens, il faut pus tout tuer ; quant aux Autrichiens et aux Hessois, je vous les abandonne, faites en chair à pâté : tels furent les documents qui complétèrent l’acte d’accusation présenté par le rapporteur du Comité de salut public. Les lignes du billet qui précède ne rappelaient que trop les relations du fils de Custine avec le duc de Brunswick, auquel le général français avait, par une manœuvre absolument inexplicable, livré Francfort : la Convention n’hésita pas, et Custine fut décrété d’accusation[86].

Or, ce jour-là même, on l’a vu, la ville de Valenciennes, qu’on lui reprochait aussi d’avoir abandonnée, capitulait. A la vérité, il pouvait répondre que, l’armée du Nord étant désorganisée, son premier soin avait dû être d’en recomposer les débris, et que la chance de sauver Valenciennes ne valait pas le risque d’une grande bataille perdue. Mais son crime, aux yeux de la Convention, était moins dans sa circonspection que dans une sorte d’indifférence systématique qui, rapprochée de sa conduite à l’égard de Francfort, puis à l’égard de Mayence, éveillait des idées de trahison. Ce que je lui reproche, écrivait un soldat de la dernière garnison délaissée, c’est de n’avoir point provoqué un rapide rassemblement de forces par la vive peinture de notre détresse, qu’il devait présumer, et d’avoir, au lieu de cela, endormi le peuple et l’armée par des récits mensongers sur nos vigoureuses sorties ; c’est de n’avoir pas même essayé — ce dont je suis sûr — de nous faire parvenir de ses nouvelles ; c’est de n’avoir établi aucuns signaux sur les endroits dont il était maître, et que nous découvrions ; par exemple, le drapeau tricolore, élevé au lieu Saint-Amand, eût confirmé la résolution du soldat, diminué la frayeur des citoyens faibles et contenu l’audace des malveillants[87]. De fait, Valenciennes était la troisième place importante qui tombait, après avoir compté sur le voisinage des troupes de Custine et sur son secours.

Quoi qu’il en soit, ce dernier événement rendait fort critique la position du camp de César, dont Kilmaine, à la suite du rappel de Custine, avait accepté le commandement provisoire ; car l’armée qui occupait ce camp était à peine le tiers de celle que pouvaient former les forces réunies du duc d’York et de Cobourg. La question était de savoir quel parti prendrait l’ennemi.

Selon le plan adopté à l’ouverture de la campagne, le prince de Cobourg devait, marchant à gauche, aller s’emparer de la ville du Quesnoy, tandis que le duc d’York, dirigeant à droite, irait assiéger Dunkerque. Et le Carnet de Londres pressait l’exécution de ce plan. Mais le Prince de Cobourg, qui, par là, aurait perdu la direction d’une grande partie des troupes, et qui tenait à rester l’arbitre de la guerre, fit décider qu’on attaquerait d’abord le camp de César, espérant détourner ainsi les Anglais de l’entreprise sur Dunkerque[88]. Le duc d’York consentit à demander de nouveaux ordres au gouvernement britannique, et, en attendant, se mit en marche à la tête de vingt-deux mille hommes, la veille du jour où le prince de Cobourg partait de son camp de Hérin, avec le gros de l’armée impériale[89].

Le camp de César, situé à cinquante lieues en avant de Paris, était la dernière défense de la frontière. Derrière, pas de réserve ! Kilmaine, averti qu’il allait avoir toute l’armée combinée sur les bras, ne voulut pas exposer à une destruction presque certaine les seules forces qui défendissent le Nord : la retraite fut résolue ; et, sur l’avis ouvert par l’adjudant général Gay de Vernon, l’on se rangea à l’idée de porter l’armée derrière la Scarpe, entre Douai et Arras. De la sorte nous nous attachions aux places de la Flandre maritime ; nous mettions Lille derrière nous, et, comme au camp de César, nous nous trouvions protégés par deux places fortes et un bon cours d’eau[90].

Ce fut le 8, dans la matinée, que la retraite commença. De Solesmes à Cambrai s’étend une plaine de plusieurs lieues. La chaleur était excessive. Grand nombre de chevaux périrent.

Cependant l’année du duc d’York s’avançait avec lenteur, en trois colonnes que couvrait une cavalerie nombreuse soutenue de trente pièces d’artillerie légère. Kilmaine, feignant d’attaquer, lorsqu’il ne songeait qu a gagner du temps, s’avance avec trois mille chevaux à la rencontre du prince, force les premiers régiments de l’ennemi à se déployer, retarde leur marche. Au commencement de la soirée, de retour au quartier général, il ordonne à l’avant-garde de contenir l’ennemi, et de prendre position de manière à rester jusqu’au lendemain maîtresse du passage de l’Escaut en amont de Cambrai. Mais, n’ayant pu ou su exécuter ces ordres, la cavalerie abandonna sans résistance Noyelle, Marcoing, Crèvecœur, et vint se former à Fontaine-Noire-Dame, à la gauche de Bourbon[91].

A l’entrée de la nuit, le duc d’York était devant Cambrai. Sommé d’en ouvrir les portes, le général Declaye répond : Je ne sais pas me rendre, mais je sais me battre. Et, pour le prouver, il ordonne deux sorties, tombe sur les Anglais, leur tue une centaine d’hommes et leur prend un drapeau[92].

Le 9, l’armée française continua son mouvement de retraite avec beaucoup d’ordre et de fermeté. Deux bataillons, s’étant égarés, se virent enveloppés par les Anglais ; mais Kilmaine, accouru à temps, les dégagea : ce fut le seul épisode alarmant de la journée. Toutefois, vers le soir, ce cri des traîtres qui a traversé toutes les guerres de la Révolution française, ce cri infâme de Sauve qui peut ! se fit entendre. Mais, grâce au ciel, on n’eut pas, cette fois, à gémir des suites ; et, le lendemain, 10 août, au moment où Paris célébrait, comme nous le raconterons, l’anniversaire du renversement de la royauté, l’armée du Nord occupait la position de Gravelle, ayant sa gauche appuyée à Douai, sa droite à Arras, et son front couvert par la Scarpe.

 

 

 



[1] Chiffre tiré d’un document du ministère de la guerre, intitulé Tableau de la force des armées de la République, depuis le mois de décembre 1792 jusqu’au mois de pluviôse an V. (Voyez l’Histoire de la Révolution, par M. Villiaumé, t. III, n° 9 des pièces justificatives.)

[2] Voyez le volume précédent, livre IX, chapitre XII.

[3] Selon Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 205, l’armée du Rhin était forte de trente-six mille hommes, et celle de la Moselle de vingt-sept mille. Mais cette dernière eut à subir une diminution notable. Toulongeon ne l’évalue qu’à quatorze mille hommes après le départ de Custine, c'est-à-dire au mois de juin. (Voyez cet auteur, t. II. p. 284, édition in-4°.)

[4] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 205. — Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État.

[5] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 210.

[6] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 209.

[7] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 213.

[8] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 21.

[9] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 256.

[10] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 208.

[11] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 224.

[12] Compte rendu à la Convention nationale de la mission des représentants du peuple à l’armée des Alpes, par Dubois-Crancé, dans les Mémoires du général Doppet, aux éclaircissements historiques, note E.

[13] Mémoires du général Doppet.

[14] Mémoires du général Doppet, liv. IV, chap. I, p. 226.

[15] Mémoires du général Doppet, liv. IV, chap. I, p. 226.

[16] Rapport de Cambon, au nom du comité de Salut public, dans la séance du 11 juillet 1793.

[17] Mémoires de Doppet, p. 225.

[18] Nous empruntons ces curieux détails à la traduction anglaise des Mémoires de la cour, de l’aristocratie et de la diplomatie d'Autriche, par le docteur E. Velise.

[19] Mémoires inédits et manuscrits du maréchal Jourdan.

Des rapports de famille nous ont mis en possession de ce document un prix inestimable pour l'histoire des guerres de la Révolution. Nous y aurons souvent recours.

[20] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 260 et 261.

[21] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 260-267.

[22] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 292.

[23] L’auteur des Mémoires d'un homme d'État, si prompt à dénoncer l’égoïsme des cabinets de Vienne et de Saint-James, n’a garde de mettre en cause le cabinet de Berlin, ce qui s’explique, du reste, de la part d’un homme qui fut au service du roi de Prusse.

[24] Jomini, Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution, t. III, p. 224.

[25] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 258.

[26] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 257.

[27] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p 300. — Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 224.

[28] Biographie universelle.

[29] C’était son costume le jour où la ville fut évacuée. (Voyez les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 318.)

[30] Déposition de Rewbell dans le Procès de Custine.

[31] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 302 et 303.

[32] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 303 et 304.

[33] Déposition du général Aubert Dubayet dans le Procès de Custine.

[34] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'Etat, t. II, p. 304.

[35] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'Etat, t. II, p. 311.

[36] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XVI, p. 238.

[37] Dépositions de Rewbell et du général Schstilinski, dans le Procès de Custine.

[38] Déposition de Rewbell dans le Procès de Custine.

[39] Déposition de Rewbell dans le Procès de Custine.

[40] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État.

[41] Voyez la déposition du général Schstilinski, dans le Procès de Custine.

[42] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 314 et 315.

[43] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 316.

[44] Voyez le texte des articles de la capitulation de Mayence dans l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 378-380.

[45] Mémoires tirés des papiers d'un homme d’Etat, t. II, p. 318 et 319.

[46] Biographie universelle.

[47] Mémoires de René Levasseur, t. II, chap. I, p. 11.

[48] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XV.

[49] Il existe sur le siège de Valenciennes un document très-précieux, et pourtant très-peu connu. C’est une brochure écrite d’un fort bon style, dans un excellent esprit, et intitulée Précis historique du siège de Valenciennes, par un soldat du bataillon de la Charente en garni- dans cette ville. Nous avons trouvé ce document dans la Bibliothèque historique de la Révolution, au 1055-6-7 (British Muséum), et est là que nous avons puisé les traits les plus caractéristiques de notre récit.

[50] Précis historique du siège de Valenciennes, par un soldat du bataillon de la Charente en garnison dans cette ville, p. 25, ubi supra.

[51] Précis historique du siège de Valenciennes.

[52] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 65.

[53] Précis historique du siégé de Valenciennes, p. 14 et 15.

[54] Précis historique du siégé de Valenciennes, p. 14 et 15.

[55] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 20 et 21.

[56] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 20 et 21.

[57] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 66.

[58] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 66.

[59] The new Annual Register for the year 1793, p. 189.

[60] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 41.

[61] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 48-50. — Jomini ne donne de cette attaque, et en général du siège de Valenciennes, qu’une idée très-incomplète. Son récit est très-écourté, même au point de vue militaire. (Voyez son Histoire critique, etc., t. III, liv. IV, chap. XV, p. 178 et 179.)

[62] Précis historique du siège de Valenciennes.

[63] Précis historique du siège de Valenciennes, p. 52-54.

[64] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par Gay de Vernon, p. 216.

[65] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par Gay de Vernon, p. 54, 62.

[66] Jomini, t. III, liv. IV, chap. XV.

[67] Jomini se trompe en disant sept mille. Cinq mille est le chiffre donné par le Précis historique... qui doit faire autorité ici. Trois mille cinq cents est le chiffre qu’on trouve dans l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 381.

[68] Précis historique, etc., p. 63. — Gay de Vernon, dans son Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, chap. XI, p. 216, dit que les alliés perdirent trente mille hommes tués ou blessés.

[69] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par le baron Gay de Vernon, chap. XI, p. 217.

[70] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par le baron Gay de Vernon, chap. XI, p. 218.

[71] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par le baron Gay de Vernon, chap. XI, p. 219.

[72] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par le baron Gay de Vernon, chap. XI, p. 219.

[73] Mémoires sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Houchard, par le baron Gay de Vernon, chap. XI, p. 216.

[74] Jomini, Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution, t. II, liv. III, chap. XI, p. 280.

[75] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 334.

[76] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 334.

[77] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 334. Biographie universelle.

[78] Mercier du Rocher, que ses rapports avec l’armée de Mayence en Vendée mirent à même de bien connaître quelle avait été la conduite de Custine, donne, à ce sujet, des détails curieux sur lesquels nous aurons à revenir.

[79] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 393.

[80] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 336.

[81] Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VI, p. 336.

[82] Le général Leveneur écrivit quelques jours après pour informer la Convention que ce mot d’ordre avait été donné ; en l'absence de Custine.

Note des auteurs de l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 392.

[83] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 392.

[84] Séance de la Convention du 22 juillet 1793.

[85] Voyez, sur ce point, Jomini, t. II, liv. III, chap. XI, p. 284, et les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 87, 89. — Nous avons raconté, livre VIII, chapitre VIII du septième volume, comment Custine laissa prendre Francfort.

[86] Séance de la Convention du 28 juillet 1793.

[87] Précis historique du siège de Valenciennes, par un soldat du bataillon de la Charente, p. 66, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 1052-6-7. (British Muséum.)

[88] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 342 et 343.

[89] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 345.

[90] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Mouchard, par le baron Gay de Vernon, chap. II, p. 222.

[91] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Mouchard, par le baron Gay de Vernon, chap. II, p. 223.

[92] Mémoire sur les opérations militaires des généraux en chef Custine et Mouchard, par le baron Gay de Vernon, chap. II, p. 224.