HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME NEUVIÈME

LIVRE DIXIÈME

 

CHAPITRE TROISIÈME. — MARAT ASSASSINÉ

 

 

Rapport de Saint-Just sur les Girondins ; modération de ce rapport. — Charlotte Corday ; sa famille ; sa généalogie ; son séjour chez sa tante, à Caen ; ses sympathies pour la Gironde. — Hypothèses romanesques et sans fondement. — Première entrevue avec Barbaroux. — Réponse de Charlotte Corday à une plaisanterie de Pétion. — Elle part pour Paris. — Singulier mélange de force et de légèreté d’esprit. — Récit moqueur. — Doctrine de Charlotte Corday : On ne doit point la vérité à ses tyrans. — Elle arrive à Paris. — Complot de Dillon dénoncé. — Dillon défendu par Camille Desmoulins. — humeurs scandaleuses à ce sujet. — Imprudents sarcasmes de Camille. — Étranges rapprochements. — Marat malade. — Son obstination dans la fureur. — Ses accès de générosité. — Description de la demeure de Marat ; son extrême pauvreté. — Catherine Evrard. — Charlotte Corday chez Marat. — Comment elle parvient à s’introduire. — Marat assassiné. — Lettre d’adieu de Marat a Gusman ; ce qu’il en faut penser. —Immense émotion parmi le peuple. — Déclaration tragique du chirurgien Pelletan. — Interrogatoire de Charlotte Corday par Guellard du Ménil. — Elle avoue qu'elle se serait sauvée, si elle avait pu. — Son extrait de baptême dans sa poche.-— Elle s’apitoie sur Catherine Evrard. — Son calme railleur. — Tenue décente de ceux qui l’environnent. — Elle a un instant de défaillance. — Son étonnement à la vue du respect que le peuple de Paris porte aux magistrats. — Arrestation de Duperret et de Fauchet. — Deuil public. — Dépit jaloux de Robespierre. — Funérailles. — Lettre à Barbaroux ; mélange de bien et de mal. — Autre lettre de Charlotte Corday à son père. — Charlotte Corday au tribunal révolutionnaire ; sur la charrette fatale ; sur l’échafaud. — Strophes d’André Chénier en son honneur — Adam Lux. — Charlotte Corday le plus illustre des disciples de Marat. — Jusqu’à quel point elle manqua son but. — Apothéose de Marat. — La perte des Girondins assurée. — Le parti de la fureur ravivé. — Appréciation de la doctrine de l’assassinat politique.

 

Le 8 juillet, on vit paraître à la tribune de la Convention le morne et pâle visage de Saint-Just. Attentive aux paroles qui allaient tomber de ces lèvres glacées, l’Assemblée fit silence. Lui : La conjuration dont j’ai à vous entretenir, dit-il, est enfin démasquée ; je n’ai point à confondre les hommes, ils sont confondus ; je n’ai point à arracher, par la force du discours, la vérité sanglante de leurs cœurs, je n’ai qu’un simple récit à vous faire[1].

Il le fit, ce récit, qui était celui des crimes que la Montagne, victorieuse, imputait aux Girondins ; il le fit dans un style plein de passion contenue et de sauvage grandeur. Des accusations qu’il accumulait contre les accusés, les unes étaient fondées, comme celle d’avoir excité la guerre civile, sous prétexte d’éteindre l’anarchie ; les autres étaient fausses, comme celle d’avoir tramé l'assassinat des Montagnards chez Valazé, et d’avoir voulu placer le fils de Louis XVI sur le trône[2]. Le rapport avait, du reste, un caractère de modération qui étonna. Les maximes y abondaient, revêtues d’une forme que n’eût point désavouée l’auteur du Dialogue d’Eucrate et de Sylla : Tous les députés détenus ne sont point coupables ; le plus grand nombre n’était qu’égaré : rien ne ressemble autant à la vertu qu’un grand crime. — Cromwell respecta le roi dans Charles Ier, pour ne pas avilir le pouvoir d’un seul. — Buzot fut le premier à lancer ici la discorde : la vertu n’a pas tant d’aigreur. — L’ordre eût régné dans la République, si l’on eût moins répété qu’il n’y régnait pas. — Un usurpateur a bientôt tous les vices de son parti, et le besoin du repos lait enfin supporter l’esclavage. — Les hommes habiles et pervers en même temps ont fini par sentir qu’il fallait suivre le peuple, persuadés que la ligne que parcourent les révolutions est horizontale, et que, par les excès, les malheurs et les imprudences qu’elles entraînent, on retourne au point d’où l’on était parti. — Les honneurs et la confiance aveugle que s’accordent les magistrats entre eux est une tyrannie. — Le bonheur public est la mesure des réputations.

Dans un seul passage de son discours, Saint-Just s'élevait jusqu’à la véhémence ; et c’était, chose à remarquer, à propos des massacres de septembre. Après s’être écrié, en s’adressant aux Montagnards : Et vous aussi, vous avez été sensibles aux agonies du 2 septembre, il ajoutait : Eh ! qui donc avait le plus de droit de s’en porter les accusateurs inflexibles, ou de ceux qui en ce temps- là jouissaient de l’autorité et répondaient de l’ordre public, de la vie des citoyens ; ou de nous, qui arrivions désintéressés de nos déserts ? Pétion et Manuel étaient alors les magistrats de Paris ; ils disaient à quelqu’un qui leur conseillait d’aller aux prisons, qu’ils ne voulaient point risquer leur popularité. Celui qui voit égorger sans pitié est plus cruel que celui qui tue... Ils ont déploré les forfaits qu’ils ont laissé commettre pour n’en être pas accusés... Accusateurs du peuple, on ne vous vit point, le 2 septembre, entre les assassins et les victimes. Quels qu’aient été les hommes inhumains qui ont versé le sang, vous en répondez tous, vous qui l’avez laissé répandre !

Saint-Just concluait en ces termes :

Quoi qu’il en soit, la liberté ne sera point terrible envers ceux qu’elle a désarmés. Proscrivez ceux qui nous ont fuis pour prendre les armes ; leur fuite atteste le peu de rigueur de leur détention. Proscrivez-les, non pour ce qu’ils ont dit, mais pour ce qu’ils ont fait. Jugez les autres, et pardonnez au plus grand nombre. L’erreur ne doit pas être confondue avec le crime. Il est temps que le peuple espère enfin d’heureux jours, et que la liberté soit autre chose que la fureur de parti... J’ai peint la conjuration : fasse le ciel que nous ayons vu les derniers orages de la liberté ! Les hommes libres sont nés pour la justice. On profite peu à troubler la terre[3].

 

Ce langage, surtout dans la bouche d’un homme tel que Saint-Just, annonçait de la part des Montagnards le parti pris d’adopter une politique magnanime : mais l’extrême fureur de leurs ennemis leur vint ravir cette gloire, et ils furent rejetés dans les voies de la rigueur par un de ces crimes qui, selon l’expression de Saint-Just, ressemblent à la vertu.

Il y avait alors à Caen une jeune fille que le sort des Girondins avait profondément touchée. On la remarquait tout d’abord à l’expression de sa physionomie, mélange aimable de calme, de gravité et de décence. Dans son œil d’un bleu incertain, la vivacité d’un esprit clair était amortie par beaucoup de tendresse, et les seules cordes de l’amour semblaient vibrer dans le timbre de sa voix, faible et douce comme celle d’un enfant[4].

Née le 27 juillet 1708, dans une chaumière de la commune des Ligneries, d’une famille noble, mais qu’un revenu de quinze cents francs sauvait à peine de l’indigence, elle se nommait Charlotte de Corday, du nom d’une terre située dans l’arrondissement d’Argentan[5]. Elle avait de bonne heure perdu sa mère ; ses deux frères, royalistes décidés, avaient émigré ; et son père, Jacques-François d’Armont de Corday, n’était connu que par un écrit qu’il avait lancé en 1790 contre le droit d’aînesse, dont il avait eu beaucoup à se plaindre comme cadet de Normandie[6]. Elle ne pouvait, au reste, avoir une plus illustre origine, car elle descendait au quatrième degré de Marie, sœur du grand Corneille[7].

Oblige de se séparer de ses filles, Jacques-François d’Armont les avait placées à cette Abbaye-aux-Dames que, dans la ville de Caen, avait fondée Mathilde, femme du conquérant de l’Angleterre. Ce fut là que, sous la protection de madame de Belzunce, l’abbesse, et de madame de Pontécoulant, sa coadjutrice, la jeune Charlotte de Corday resta jusqu’à l’heure solennelle qui sonna la Révolution. Le père vint alors se fixer à Argentan, et la fille trouva un asile décent chez sa tante à la mode de Bretagne, madame Coutellier de Breteville-Gouville, laquelle vivait à Caen, rue Saint-Jean, près de l’hôtel de Faudoas[8].

Cette darne, âgée d’environ soixante ans, menait une existence très-retirée[9]. Mais rien n’est plus propre que la solitude à nourrir les fortes pensées. Du fond de sa retraite, Charlotte Corday se mêlait en esprit aux agitations du dehors, sans dissiper au contact du monde le brûlant foyer qu’elle portait en elle-même, et dont ses éludes de prédilection ne servaient qu’à augmenter l’ardeur. Je me rappelle, raconte un auteur qui la connut, qu’un jour, à un déjeuner de quinze personnes, nous parlâmes de littérature et de politique ; elle me cita comme ses lectures favorites Jean-Jacques Rousseau et Raynal[10]. C’est assez dire que Charlotte Corday était républicaine[11]. Or comment eût-elle un instant balancé entre cette république des Girondins qui, de loin, semblait devoir continuer l’alliance du mâle génie de Déridés avec la grâce d’Aspasie, et celle autre république que les émissaires de la Gironde avaient toujours montrée aux provinces se traînant dans la fange et le sang, à la suite de Marat ?

Aussi Charlotte Corday n’apprit-elle pas sans la plus vive émotion l'arrivée à Caen des Girondins en fuite.

Ceux qui ne veulent pas que la femme puisse, sans passer par l’amour, faire son entrée dans l’Histoire, se sont plu à supposer, entre la jeune nièce de madame de Bretteville et le comte de Belzunce, égorgé par le peuple en 1790, une liaison dont le souvenir serait resté uni, dans le cœur de Charlotte Corday, à de noires pensées de vengeance. Quelques-uns la représentent boutée par l’ombre de Boisjugan de Maingré, pris, en 1792, les armes à la main, et fusillé comme traître à son pays. Romanesques hypothèses que pas un fait ne justifie ! On en doit dire autant de la prétendue impression qu’aurait faite sur Charlotte Corday la beauté de Barbaroux ; d’autant que cette beauté, que les Mémoires de madame Roland ont rendue célèbre, n’avait pas été sans subir en peu de temps de très-rudes atteintes. Selon le témoignage de Louvel, l’Antinoüs de la Gironde était devenu très-gras, très-pesant, à l’époque dont nous parlons, et présentait, à l’âge de vingt-huit ans, l’embonpoint d’un homme de quarante[12].

Quoi qu’il en soit, ce fut à Barbaroux que la jeune fille s adressa durant le séjour des Girondins à Caen. Elle l’alla trouver à l’hôtel de l’Intendance, pour lui demander u ne lettre d’introduction auprès de Garat, voulant, dit- elle, retirer des bureaux ministériels certaines pièces utiles à une dame de ses amies, émigrée. L’entrevue eut lieu dans une salle ouverte à tout venant, en présence d’un vieux domestique[13], et Charlotte Corday exposa sa demande avec la modestie convenable à son sexe. Survint Pétion, et, comme il plaisantait la belle aristocrate qui venait voir des républicains, elle répondit : Vous me jugez aujourd’hui sans me connaître, citoyen Pétion ; un jour, vous saurez qui je suis[14].

Le 9 juillet, après avoir écrit à son père que, redoutant les horreurs de la guerre civile, elle se retirait en Angleterre[15], elle monta dans la diligence qui prenait la route de Paris. S’il en faut juger par le compte rendu qu’elle-même, plus tard, rendit de son voyage, elle ne subissait alors l’empire d’aucune de ces pensées toutes puissantes qui absorbent l'être qu’elles ont une fois envahi. Une certaine légèreté de caractère mêlée aux élans d’une âme capable de haines vigoureuses, et la malice d’une jeune fille moqueuse qui s’amuse des hommages dont on l’entoure, voilà ce qui marque le journal de ses impressions, écrit de sa propre main[16] : Vous avez désiré, citoyen, le détail de mon voyage ; je ne vous ferai pas grâce de la moindre anecdote. J’étais avec de bons Montagnards, que je laissé parler tout leur content, et leurs propos, aussi sols que leurs personnes étaient désagréable, ne servirent pas peu à m’endormir ; je ne me réveillai pour ainsi dire qu’à Paris. Un de nos voyageurs, qui aime sans doute les femmes dormantes, me prit pour la fille d’un de ses anciens amis, me supposa une fortune que je n’ai pas, me donna un nom que je n’ai jamais entendu, et enfin m’offrit sa personne et sa main. Quand je fus ennuyée de ses propos : — Nous jouons parfaitement la comédie, lui dis-je ; il est malheureux, avec tant de talent, de n’avoir point de spectateur ; je vais chercher les autres voyageurs, pour qu’ils prennent leur part du divertissement. Je le laissé de bien mauvaise humeur ; la nuit il chanta des chansons plaintive, propre à exciter le sommeil... J’ignorais que ces messieurs eussent interrogé les voyageurs, et je soutins ne les connaître aucuns, pour ne point leur donner le désagrément de s’expliquer ; je suivais en cela mon oracle Raynal, qui dit qu’on ne doit point la vérité à ses tyrrans[17].

Charlotte Corday arriva à Paris, le 11 juillet, vers midi, et alla descendre à l’hôtel de la Providence, rue des Vieux-Augustins. Se sentant fatiguée, elle ordonna qu’on lui préparât un lit, et pendant que le garçon de l’hôtel s’y employait, elle lui dit, contrairement à la vérité et à ce qu’elle savait, que soixante mille hommes marchaient sur Paris[18]. Puis elle s’enquit de ce qu’on disait à Paris du petit Marat ; à quoi le garçon répondit que les patriotes l’estimaient beaucoup, mais que les aristocrates ne l’aimaient pas[19]. La jeune fille se tut, alla se coucher et s’endormit paisiblement.

Ce jour-là même, la Convention apprenait de Cambon, parlant au nom du Comité de salut public : Qu’un complot venait d’être découvert ; Que les conjurés avaient à leur tête Dillon et douze autres officiers généraux ; Que le but de la conspiration était d’enlever le fils de Louis XVI, de le faire proclamer roi, et de donner la régence à Marie-Antoinette pendant la minorité du nouveau monarque ; Que les auteurs de celle révolution devaient former one garde privilégiée, et porter des médailles avec un ruban blanc moiré, sur lesquelles un aigle renversé, avec ces mots : A bas l’anarchie, Vive Louis XII !

Que Dillon, arrêté et interrogé, n’avait pas nié l’existence d’un complot ayant pour but d’abattre la Montagne, de seconder le mouvement des provinces, et de donner le dessus à ce que les contre-révolutionnaires appelaient le parti des honnêtes gens[20].

Cambon n’avait pas encore terminé son rapport que les bancs mêmes de la Montagne partit cette interruption inattendue : Rien d’absurde comme la fable qu’on vient de débiter[21]. C’était l’ardent Camille qui venait de pousser ce cri. Ses amis le regardent avec étonnement, Quelques-uns avec douleur, d’autres murmurent. Lui, d’un bond, s’élance à la tribune, et penché à l'oreille de Thuriot, qui présidait, réclame instamment la parole. Supplications vaines ! Thuriot, décidé à ne pas permettre que l’imprudent jeune homme se compromît davantage, faisait semblant de ne pas l’entendre, et d’une main infatigable agitait sa sonnette[22]. Camille insistant, Billaud-Varenne s’écrie : Il ne faut pas laisser Desmoulins se déshonorer ! Lui, regagne sa place, moins irrité peut- être qu’amusé de la protection qui pèse sur lui. David le suivait d’un œil morne. Il y en eut qui chuchotèrent autour de lui le mol suspect. Comme il sortait de la salle, Legendre l’aborde, et accompagnant ses apostrophes d’un geste furieux : Va dîner avec les aristocrates !... Je vous ai défendu hier, mais aujourd’hui je vous abandonne. Il poussa sa pointe, reprochant à Camille la tiédeur de son zèle révolutionnaire, sa paresse, son éloignement pour la tribune dans les importants débats. Et Camille de répliquer, avec cette railleuse insolence qui lui fit tant d’ennemis : Mais, mon cher Legendre, je n’ai pas tes poumons, et tu sais bien que, parmi les animaux, celui à qui la nature a donné la voix la plus retentissante n’est pas le plus propre à faire des lois[23].

Le bruit avait couru que Dillon, jeune encore et fort aimable, rendait à Lucile Desmoulins des soins assidus, et l’intérêt qu’en celle circonstance le mari n’hésita pas à témoigner au général fut méchamment attribué à l’influence de la femme. Mais Camille Desmoulins, qui connaissait le cœur de Lucile, alla droit à la calomnie, sur de la confondre, et prit la défense de Dillon hautement, bravement, dans une brochure tout étincelante du feu de son facile génie. Par malheur, il y perçait de traits lancés en souriant et au hasard la plupart de ceux qu’il aurait dû ménager, ne fût-ce que pour le besoin de sa cause. Il y tournait en ridicule les jaunes colères de Billaud-Varenne et les manières peu raffinées de Legendre ; il y comparait ses amis de la Montagne, essayant de couvrir ses imprudences, à ces fous d'Abdéritains qui, après la tragédie d’Andromède, s’en allaient gémissant sur la fragilité des vertus humaines et s’écriant : Ô amour, tyran des dieux et des hommes ![24] De Saint-Just, du terrible Saint-Just, il osa écrire qu’il portait sa tête sur Se s épaules avec respect et comme un saint-sacrement[25]. — Saint-Just ajourna sa réponse...

Au reste, eût-il été aussi discret qu’il se montra téméraire et provoquant, Camille n’eût pas sauvé Dillon, dont l’innocence ne pouvait être prouvée[26], il se trouvait d’ailleurs avoir mal pris son temps ; car, sur d’affreuses Machinations prèles à éclater, il s’était répandu depuis quelques jours des craintes d’autant plus actives qu’elles étaient plus vagues.

Le 10 juillet, à rassemblée de la Commune, on avait lu une lettre que le maire de Strasbourg communiquait comme ayant été adressée, de Paris, à un de ses administrés ; elle contenait ces lignes, qui semblaient annoncer quelque événement sinistre et prochain : ... La Montagne, la Commune, la Jacobinière, et toute la sérielle scélérate, sont à deux doigts du tombeau... D’ici au juillet, nous danserons ! Je désire qu’il n’y ait pas d autre sang répandu que celui des Danton, Robespierre, Marat et compagnie... Vive Wimpfen ! vivent les Normands, Bretons, Marseillais, Lyonnais, et tous les autres républicains ![27]

D’ici au 15 juillet... Quelle date funèbre était donc enveloppée dans ces mots ? Ce sang de Danton, de Robespierre, de Marat, dont la lettre parlait d’un ton si affirmatif, était-on à la veille de le répandre ?

Chose étrange ! Le U juillet, c’est-à-dire le jour de l'arrivée de Charlotte Corday à Paris, on lut dans un journal de couleur girondine : Voici une observation bien singulière et qui mérite d’être consignée. Depuis le commencement de la Révolution, nous avons vu disparaître beaucoup de patriotes à grande réputation, beaucoup de ces hommes en qui le peuple avait mis confiance ; mais ils étaient aussitôt remplacés par d’autres. Aujourd'hui il n’en est plus de même[28].

Le lendemain, le journal qui vient d’être cité écrivait, dans un style dont l’intention ironique était manifeste : On dit Marat très-sérieusement malade. S’il quittait la vie, on en trouverait sans doute quelques motifs secrets ; car chacun sait que la mort des grands hommes a toujours quelque chose d'extraordinaire ![29]...

Il est juste de reconnaître que Marat était en effet malade. Car, tandis que la Chronique de Paris sonnait d’avance ses funérailles, Maure, envoyé par les Jacobins pour s’informer de sa santé, leur faisait le rapport suivant : Nous venons de trouver notre frère Marat dans le bain. Une table, un encrier, des journaux, des livres auprès de lui, l’occupaient sans relâche de la chose publique. Ce n’est point une maladie, mais une indisposition qui ne prendra jamais les membres du côté droit ; c’est beaucoup de patriotisme pressé, resserré, dans un très- petit corps[30]...

La vérité est que jamais, quoi qu’on en ait dit, Marat ne s’était plus complètement abandonné au démon familier qui avait pris d’une façon si rude possession de son âme. Sa dévorante activité d’esprit ne s’était pas ralentie un seul instant. Un de ses collègues, par allusion à la facilité avec laquelle il accueillait toute dénonciation, avait comparé sa tête à une boîte aux lettres, qui reçoit tous les paquets qu’on y jette[31] : il eût été plus exact de la comparer à un volcan toujours en éruption. D’une plume que la douleur faisait trembler dans sa main, il n’avait cessé, pendant le mois de juin, d’adresser à ses collègues de l’Assemblée des lettres haletantes où il demandait, tantôt le rappel de Lecointe-Puyraveau, tantôt la destitution de Menou, ou bien encore un décret d’arrestation contre Leygonnier et Westermann[32]. Le 5 juillet, sept jours à peine avant la visite officielle de Maure, il avait écrit à la Convention pour renouveler la proposition de mettre à prix les têtes des Capet rebelles[33]. C’est donc à tort que quelques écrivains ont représenté Marat comme arrivé, dans la dernière période de sa vie, à l’écueil où Périrent l’une après l’autre les générations révolutionnaires, l’indulgence et la modération[34]. Non, non ; et il y eut cela, au contraire, de prodigieux dans Marat, qu’il se montra jusqu’au bout fidèle à ce génie de la fureur dont l’âme humaine se fatigue si vite, et qu’il passa, sans intervalle de repos, d’un immense délire à l’éternel sommeil. S’il fit exempter Ducos, Dussaulx et Lanthénas du décret fulminé contre les Girondins ; si, après la chute de ses plus mortels adversaires, il déclara vouloir se tenir à l’écart, pour ne pas peser sur leur sort ; s’il couvrit d’une protection magnanime le physicien Charles, son ennemi personnel ; s’il sauva la vie à des malheureux qui l’imploraient... il serait peu équitable d’attribuer ces actes de générosité, soit à un affaiblissement physique, soit à une sorte d’attiédissement intérieur et subit : la carrière de Marat, dès le début, avait été semée de traits semblables, très-faciles à expliquer de la part d’un fanatique, et d’un fanatique de cette trempe. L’homme est ondoyant et divers, selon la vive expression de Montaigne. C’était, ne l’oublions pas, par des pages d’une tendresse presque morbide que le farouche ami du peuple s’était annoncé au monde ; et qui sait, pour nous servir d'un mot de Byron, si la haine, chez lui aussi, n’était pas de l’amour aigri au fond du cœur ?

On voit, aujourd’hui encore, rue de l’Ecole-de-Médecine, n° 18, une maison d’assez triste apparence, contiguë à celle que signalent tout d’abord à l’attention du passant une architecture antique et bizarre, des fenêtres étroites et une tourelle hexagone portant sur des soubassements voûtés. La maison n° 18 n’a rien de remarquable, sinon qu’on dit aussitôt qu’on l’aperçoit : Là vivait Marat. L’appartement qu’il y occupait se composait d’une antichambre, éclairée d’une seule croisée ayant vue sur la cour ; d'une très-petite pièce ayant vue aussi sur la cour, et conduisant à un réduit où il y avait à peine place pour une baignoire ; d’une chambre à coucher où le jour de la rue pénétrait par deux croisées à verres de Bohême, et enfin d’une pièce également à deux croisées servant de salon[35]. L’aspect de cette demeure d’un homme alors si puissant ne présentait rien que de misérable. Les fenêtres étaient lourdes, à vitres étroites, et construites de telle sorte que la partie inférieure se relevait sur l’autre en glissant dans une coulisse ; pour toute tapisserie, de grandes colonnes torses dessinées sur un fond blanchâtre[36]. Le salon meublé en damas bleu et blanc, les rideaux de soie élégamment relevés en draperies, le lustre brillant, l’ottomane voluptueuse, les superbes vases de porcelaine remplis de fleurs naturelles, rares et de haut prix, tout cela n’exista jamais que dans l’imagination de madame Roland, abusée par un récit mensonger[37]. Ce qui est vrai, c’est que Marat était pauvre, si pauvre, que lorsque après sa mort on leva les scellés qu’on avait mis partout à son domicile, on ne trouva chez lui qu’un assignat de vingt-cinq sous[38]. Son unique trésor, — le plus précieux, du reste, qu’il soit donné a l’homme de posséder en ce monde, — était l’amour d’une femme bonne et dévouée, qui avait nom Catherine Evrard.

Dans la matinée du 15 juillet, une jeune fille d’un extérieur modeste et d’un visage tranquille se présenta à la maison qu’habitait Marat, demandant à lui parler. La portière ayant répondu que l’ami du peuple, malade, ne pouvait recevoir personne, l’inconnue se retira en murmurant[39], après avoir laissé pour Marat une lettre, qui lui fut remise et qui était conçue en ces termes :

Citoyen, j’arrive de Caen. Votre amour pour la patrie me fait présumer que vous connaîtrez avec plaisir les malheureux événements de cette partie de la République. Je me présenterai chez vous vers une heure. Ayez la bonté de me recevoir, et de m’accorder un moment d’entretien, je vous mettrai à même de rendre un grand service à la France.

Je suis, etc.

Charlotte CORDAY[40].

 

Le soir, à sept heures, l’inconnue revint. La portière et Catherine Evrard refusant l’entrée, un débat s’élève, dont le bruit parvient jusqu’à Marat, qui était au bain dans ce moment et occupé à écrire. Il avait reçu la requête de l’étrangère et ordonna qu’on la laissât entrer. Quelques instants après, un cri lamentable : A moi, ma chère amie ! Catherine Evrard s’élance, épouvantée, éperdue, dans le cabinet de Marat, et n’a que la force de crier : A la garde ! Marat, la figure couverte d’une pâleur livide, était sans mouvement dans sa baignoire, toute rouge de sang. Laurent Basse, commissionnaire, entre, attiré par le bruit ; il aperçoit Charlotte Corday debout près du corps de la victime, et, pour l’empêcher de fuir, se hâte de barrer les portes. Nul doute que cette jeune fille, si belle et si calme, ne fût l’assassin : dans sa fureur, l'homme du peuple courut à elle et lui asséna un coup de chaise sur la tête[41]. Un chirurgien, qui demeurait dans la maison, était accouru : penché sur Marat, dont le sein laissait voir une blessure profonde, il essaya en vain d’arrêter le sang, qui coulait à gros bouillons ; le corps fut retiré de la baignoire et porté dans un lit, où étant, Marat ne remua plus[42].

Dulaure assure que Marat, quoique percé de part en part, vécut assez pour adresser à son ami Gusman le billet que voici, dont l’auteur des Esquisses historiques dit avoir l’original sous les yeux et donne le fac-similé :

Les barbares, mon ami, ne m’ont pas voulu laisser la douceur de mourir dans vos bras ; j’emporte avec moi la consolante idée que je resterai éternellement gravé dans votre cœur. Ce petit présent, tout lugubre qu’il est, vous fera souvenir du meilleur de vos amis, portez-le en mémoire de moi, et vous — ici un mol oublié ; peut-être voulait-il écrire tout à vous — jusqu’à mon dernier soupir.

MARAT[43].

 

Suivant Dulaure, ces lignes, tracées d’une main tremblante, furent envoyées à Gusman, qui les garda, enveloppées d’un morceau de taffetas noir, et les porta sur lui jusqu’à sa mort. Mais comment croire qu’après avoir reçu un coup si terrible Marat ait eu la force de tenir la plume ? C'est, d’ailleurs, ce que rien n’indique dans les dépositions qui suivirent[44].

Par une tragique coïncidence, au moment même où l’on assassinait Marat, les sœurs de Léonard Bourdon se présentaient à la barre de l’Assemblée, ardentes à demander Au sursis en faveur de ceux qui avaient tenté d’assassiner leur frère ! La Convention passa à l’ordre du jour, par ce double motif que le code pénal ne déléguait pas le droit de grâce et qu’elle avait à sauvegarder la vie de ses membres. Elle ignorait quel sanglant à-propos donnaient à cette décision les scènes dont la rue des Cordeliers était en cet instant le théâtre[45] !

Cependant la nouvelle lugubre s’est répandue de proche en proche, et déjà presque tout Paris répète : L'ami du peuple est mort ! On vient d'assassiner l’ami du peuple ! Parmi ceux pour qui Marat, selon sa propre expression, s’était fait anathème, la sensation fut inexprimable. Car, enfin, ce qu’il semblait personnifier en lui, cet homme, avec sa taille rabougrie, sa laideur, ses sombres pensées, son dur langage, ses sales vêtements, sa vie souterraine, et tous les mépris qu’on lui avait prodigués, c’était celle immense masse d’infirmités et de difformités dont se compose le limon des sociétés humaines. Robespierre pouvait bien représenter la puissance du peuple, Danton ses emportements, Saint-Just ses mornes tristesses ; mais sa misère !... quel autre que Marat pouvait représenter sa misère ? D’ailleurs, — et nous en verrons bientôt un exemple ! — s’il est vrai que, trop souvent, le peuple, trompé, se tourne contre ses défenseurs, ce n’est jamais du moins quand l’assassinat les sacre martyrs. Aussi quel spectacle de deuil ! Et de quel mouvement impétueux ils allèrent saluer les dépouilles mortelles de leur tribun, tous les damnés de ce monde ! Dans la foule qui, de ses flots pressés, inondait la rue des Cordeliers et bouillonnait autour de la maison mortuaire, la douleur, la vengeance, la rage, étaient les seuls sentiments que trahît l’expression des visages, et un seul cri montait vers le ciel, celui qui demandait la tête de l’assassin. Rendant ce temps, la garde était arrivée, et Charlotte Corday, entourée de soldats, était descendue. Mais le limonadier Berger, qui la conduisait, s’étant aperçu qu’elle désirait être livrée à la fureur du peuple, la fit remonter chez Marat, où presque aussitôt après parut Guellard du Mesnil, commissaire de police de la section du Théâtre-Français[46].

Guellard du Mesnil, sans s’arrêter dans l’antichambre, où l’on retenait Charlotte prisonnière, va droit à la chambre à coucher où le cadavre était exposé. Là se trouvait un chirurgien consultant des armées de la République, Philippe-Jean Pelletan, lequel fit remarquer au commissaire de police que le coup porté à Marat avait pénétré près de la clavicule du côté droit, entre la première et la deuxième côte, et cela si profondément, que l’index avait fait écart pour s’enfoncer de toute sa longueur à travers le poumon blessé, et que probablement le tronc des carotides avait été ouvert[47].

Quelle plus effroyable preuve pouvait être fournie de l’assurance apportée par Charlotte Corday dans l’accomplissement du crime ?

Interrogée en présence des administrateurs de police Marinot et Louvet, elle répondit avec beaucoup de sang-froid :

Qu’ayant vu la guerre civile sur le point de s’allumer dans toute la France, elle avait résolu de sacrifier sa vie au salut de son pays ;

Que c’était bien effectivement pour tuer Marat qu’elle avait quitté Caen ;

Qu’elle n’avait pas de complices ;

Qu’elle ne connaissait personne à Paris, où elle n’était Jamais venue auparavant ;

Qu’arrivée le jeudi, vers midi, elle s’était couchée, Il était sortie que le vendredi malin pour aller se promener vers la place des Victoires, et, rentrée chez elle, s’était mise à écrire ;

Que, dans la matinée du 13, elle s’était rendue au Palais-Royal, où elle avait acheté un couteau à gaine façon de chagrin ;

Qu’elle avait ensuite pris une voiture de place pour aller chez Marat, près duquel on ne l’avait point laissée parvenir ;

Qu’elle s’était alors décidée à lui écrire pour lui demander audience sous un faux prétexte ;

Que, lors de sa seconde visite, et dans la crainte d’un nouveau refus, elle s’était munie d’une autre lettre, dont elle n’avait pas eu à se servir, ayant celle fois été admise ;

Qu’enfin son projet n’était point un projet ordinaire[48].

Le commissaire de police lui ayant demandé si, le meurtre commis, elle n’avait point cherché à s’évader par la fenêtre : Non, répondit-elle, mais je me serais évadée par la porte, si l’on ne s’y lut opposé[49].

On la fouilla, et l'on trouva sur elle la clef de sa malle, un dé à coudre en argent, un peloton de fil, la gaine façon de chagrin du couteau, cinquante livres en argent, cent vingt livres en assignats, une montre d’or. Elle avait caché la gaine du couteau dans son sein, ainsi que deux papiers, attachés ensemble avec une épingle, et dont l’un était un projet d’adresse manuscrit aux Français, l’autre son extrait de baptême[50]. Quel motif l’avait pu amener à se munir de cette dernière pièce ? Elle n’entendait donc pas mourir incognito, comme elle l’écrivit à son père du fond dosa prison ! Et la crainte de compromettre sa famille ne l’avait pas empêchée de se placer d’avance sur la route de la postérité, pour y prêter l’oreille au bruit de son nom !

Survinrent, envoyés par l’Assemblée, Maure, Legendre, Chabot et Drouet[51].

Charlotte Corday était parfaitement calme : l'unique chose qui, de temps en temps, parut la faire souffrir[52] était la douleur de Catherine Evrard. Les cris de la pauvre femme éveillaient des échos plaintifs dans un cœur fait pour connaître, de la vie, toutes ses agitations et fous ses orages[53]. N’eût été cette émotion passagère, on eût pu croire Charlotte Corday insensible, tant il se mêlait de malice ironique et de présence d’esprit à sa fermeté ! Legendre la prenant pour une femme dont il avait reçu, le malin, une visite suspecte, elle le détrompa etl lui faisant observer qu’il n’était pas de taille à être le tyran de son pays, et qu’au surplus elle ne prétendait pas punir tant de monde[54]. À Chabot tendant la main vers la montre trouvée sur elle, elle dit : Oubliez-vous que les capucins font vœu de pauvreté ?[55] Et, le même Chabot lui demandant : Comment avez-vous pu frapper Marat droit au cœur ? elle lui répondit : L’indignation qui soulevait le mien m’indiquait la route[56].

Harmand (de la Meuse) raconte, comme une circonstance dont il fut témoin, que, Chabot ayant aperçu un papier plié dans le sein de la jeune fille et ayant fait un geste pour l’en arracher, elle rejeta ses épaules en arrière avec faut de vivacité, que les épingles et les cordons qui retombent sa robe échappèrent ou se rompirent. Sa poitrine Se trouva, de la sorte, tout à fait nue ; et, malgré la Promptitude avec laquelle elle courba sa tête sur ses genoux pour se dérober aux regards, sa pudeur eût pu avoir cruellement à souffrir, sans la tenue parfaitement décente de ceux qui l’environnaient[57]. Elle avait les mains liées : on se hâta de les lui délier, afin qu’elle réparât elle-même ce désordre accidentel, ce qu’elle fit la face tournée contre le mur. On lui permit, en outre, de rabattre ses manches et de mettre des gants sous ses liens[58].

Lorsqu’on la fit monter en voilure pour la conduire en prison, il s’éleva du milieu du peuple un mugissement si formidable, qu’elle se sentit défaillir[59]. Revenue à elle, et voyant avec quelle docilité la foule se retirait à la voix des commissaires, elle témoigna son étonnement d’être encore en vie, et demanda d’une voix troublée comment il se faisait que les interprètes de la loi eussent autant d’autorité sur un peuple qu’on lui avait peint comme composé de cannibales[60]. Pendant la nuit, elle parla beaucoup, avec quelque désordre, mais sans laisser échapper un mot de regret ou de repentir. Loin de là, on lui entendit dire d’un air satisfait : J’ai rempli ma tâche, d’autres feront le reste[61].

La séance du 14 juillet fut remplie tout entière par les divers incidents qui se rattachaient au meurtre commis la veille. Une section vint réclamer pour Marat les honneurs du Panthéon[62]. Guirault, orateur de la section du Contrat-Social, s’étant écrié au milieu de son discours : Où es-tu, David ? Tu as transmis à la postérité l’image de Lepelletier mourant pour la patrie, il te reste encore un tableau à faire... David répondit : Aussi le ferai-je ![63] On avait saisi des lettres de nature à compromettre Fauchet et Duperret : ces deux députés lurent amenés à ta barre par une véhémente dénonciation de Chabot. Voici le résumé des déclarations de Duperret :

Le 12 juillet, au moment où il entrait chez lui pour dîner, ses filles lui remirent un paquet renfermant des imprimés à lui adressés par Barbaroux, et une lettre qu’on ne lui laissa pas le temps de lire et qu’il plaça sur la cheminée. Au dessert, une inconnue entra ; et, comme elle manifestait le désir de lui parler en particulier, il la conduisit dans un cabinet voisin, où, après lui avoir donné des nouvelles de quelques-uns de ses amis, elle le pria de l’accompagner chez le ministre de l’intérieur. La visite ayant été ajournée au lendemain, et l’étrangère s’étant retirée, Duperret dit à ses filles : La plaisante aventure ! Celte femme m’a paru une intrigante[64]. J’ai vu dans son attitude, dans sa contenance, quelque chose qui m’a semblé singulier. Demain je saurai ce qui en est. Le lendemain il l’alla prendre, et la conduisit chez ta ministre, qu’on lui assura n’être visible que de huit à dix heures du soir. Là-dessus", nouvel ajournement. Mais dans l’intervalle, la correspondance de Duperret ayant été saisie par suite d’un décret qui le supposait de connivence avec Dillon, il craignit que sa présence chez le ministre ne fût plus nuisible qu’utile à sa protégée. Il lui en fit la remarque à la seconde visite qu’il lui rendit : sur quoi Charlotte Corday lui dit : Citoyen Duperret, j’ai un conseil à vous donner ; quittez l’Assemblée, et retirez-vous à Caen, où vous pourrez, avec vos collègues, servir la chose publique. Lui, répondant qu’il ne voulait pas abandonner son poste : Vous faites une sottise, répliqua-t-elle[65].

Tel fut le récit de Duperret. Il y était question d’imprimés envoyés de Caen : Billaud-Varenne accusa Duperret de les avoir distribués, dans l’Assemblée même, à des membres qui tiraient de leur poche des assignats et les donnaient en échange[66]. Or vainement le députe girondin nia-t-il le fait en termes formels ; vainement Levasseur assura-t-il qu’effectivement Billaud-Varenne se trompait, et qu’à Rabaud-Pommier seul était imputable le manège signalé ; les rapports de Duperret avec Charlotte Corday, en de pareilles circonstances, le désignaient trop naturellement aux soupçons pour qu’on lui fil grâce d’un examen plus approfondi. Sur la motion de Couthon, il fut décrété d’accusation par l’Assemblée[67]. Contre Fauchet aussi, un décret de mise en arrestation fut lancé, à la suite de ces paroles violentes de Danton : Je demande qu’on entende cet apostat de la liberté ; peut-être ce qu’il dira vous confirmera-t-il davantage dans l’idée que c’est un infâme conspirateur[68]. Rapprochement qui fait penser et qui attriste ! Le malheureux Fauchet reçut son décret d’arrestation précisément le même jour et à la même heure où, quatre ans auparavant, il avait eu, devant la Bastille, son manteau troué de balles[69] !

Tandis que ces choses se passaient dans l’Assemblée, les sections se succédaient autour des dépouilles sanglantes de Marat. Semblables aux chœurs des tragédies antiques, des groupes sombres de Jacobins allaient répétant le cri : Il est mort, l’ami du peuple ! Les uns, s’adressant aux femmes, disaient : Citoyennes, jetez des fleurs sur le corps pâle de Marat ![70] Les autres, sur le poignard qui lui avait percé le sein, juraient de l’imiter et de le venger. La plupart le voulaient au Panthéon.

Ces transports répugnaient au caractère grave de Robespierre et parurent offenser son orgueil. Au fond, il était humilié de n’avoir pas été choisi pour victime expiatoire par la haine des Girondins, et il lui déplaisait de voir prodiguer tant d'hommages à un homme qu’il n’avait jamais regardé que comme un énergumène sincère. Ce sentiment, très-sérieux chez lui, mais associé à un dépit qui manquait de grandeur, perça si bien dans le discours où, en pleine séance des Jacobins, il combattit l’idée de porter tout de suite le corps de Marat au Panthéon, que Bentabole l’interrompit par ces dures parles : C’est un honneur qu’il obtiendra, malgré les jaloux[71]. Néanmoins la majorité des Jacobins se rangea de l’avis de Robespierre, tant l’autorité morale de sa parole était souveraine !

Ces funérailles de Marat avaient été fixées au 16 juillet : la veille, sur la proposition de David, la Convention décida qu’elle assisterait en corps à la cérémonie funèbre. Et le 16, en effet, tous les membres de l’Assemblée se rendirent à l’église des Cordeliers, où le corps avait été exposé. Le concours était immense ; les cris de fureur av aient fait place à un deuil muet ; quelques flambeaux brûlaient çà et là. On fit l’éloge du mort ; on jeta des fleurs sur sa dépouille sanglante ; puis on alla déposer Je corps dans le jardin des Cordeliers, sous des arbres, Thuriot, qui présidait alors la Convention, prononça, devant la fosse ouverte, les paroles de suprême adieu ; la fosse reçut le dépôt qu’on lui était venu confier, elle se referma, et la foule s’écoula en silence[72].

Pendant ce temps, Charlotte Corday était transférée de l’Abbaye à la Conciergerie. Celle translation interrompit une longue lettre qu’elle était occupée à écrire à Barbaroux, et qui est datée : Aux prisons de l’Abbaye, dans la ci-devant chambre de Brissot, le second jour de la préparation de la paix[73].

Rien de plus mêlé que le style de ce document. On y trouve certainement de la force, des élans de sensibilité, de l’élévation, une âme maîtresse d’elle-même ; mais, à côté de cela, une affectation manifeste d’enjouement, un ton de plaisanterie qui ressemble trop à un calcul, une préoccupation de gloire toute païenne, et l’adoption systématique de la morale qui, par le but, justifie les moyens :

Je n’ai jamais liai qu’un seul être, et j’ai fait voir avec quelle violence, mais il en est mille que j’aimais encore plus que je ne le baissais... — Comme j’étais vrayment de sang-froy, je souffris des cris de quelques femmes... — Je jouis délicieusement de la paix ; depuis deux jours, le bonheur de mon-pays fait le mien... —Je passe mon temps à écrire des chansons... — On m’a donné des gendarmes pour me préserver de l’ennui ; j’ai trouvé cela fort bon pour le jour, et fort mal pour la nuit... Je crois que c’est de l’invention de Chabot ; il n’y a qu’un capucin qui puisse avoir ces idées... — Une imagination vive, un cœur sensible promettaient une vie bien orageuse ; je prie ceux qui me regretteraient de le considérer, et ils se réjouiront de me voir jouir du repos dans les champs Élysées avec Brutus et quelques anciens... — J’avoue que j’ai employé un artifice perfide pour attirer Marat à me recevoir. Tous les moyens sont bons dans une telle circonstance[74]... etc. etc.

 

C’est dans cette lettre à Barbaroux que se trouve l’unique fondement historique sur lequel les écrivains, nos prédécesseurs, puissent asseoir la réalité des dernières paroles qu’ils mettent dans la bouche de Marat. Après avoir écrit vos noms à tous, raconte Charlotte Corday, il me dit, pour me consoler, que dans peu de jours il vous ferait tous guillotiné à Paris. Ces derniers mots décidèrent de son sort[75]. Que Marat ail effectivement prononcé une telle menace, il n’y a là certes rien d’invraisemblable ; mais, pour établir le fait historiquement, il ne suffit pas de l’assertion d’une femme qui proclamait bien haut qu’on ne doit pas la vérité aux tyrans ; que tous les moyens sont bons dans certaines circonstances, et qui, dans le cours du procès, ne se fit, comme on le verra, nul scrupule de trahir la vérité, ei1 des choses où l’intérêt de sa conservation n’était pas même engagé. Il était, au reste, manifestement faux lue, dans l’esprit de Charlotte Corday, les derniers mots de Marat eussent décidé de son sort, puisqu’elle était partie de Caen avec le dessein bien arrêté de le tuer, et qu’elle avait eu soin de se munir, dès le matin, du couteau fatal.

Une chose avait évidemment frappé Charlotte Corday : la modération du peuple de Paris en ce qui la concernait. Dans la partie de sa lettre quelle écrivit à la Conciergerie, on remarque la phrase suivante : Il est bien étonnant que le peuple m’ait laissé conduire de l’Abbaye à la Conciergerie ; c’est une preuve nouvelle de sa modération ; dites-le à nos bons habitants de Caen ; ils se permettent quelquefois de petites insurrections qu’on ne contient pas si facilement[76].

Elle adressa aussi à son père quelques lignes, dont le fac-simile est sous nos yeux, et dont nous conservons l’orthographe :

Pardonnes moi, mon cher papa, d’avoir disposé de mon existance sans votre permission, j’ai vengé bien d’innocentes victimes, j’ai prévenu bien d’autres désastres. Le peuple un jour désabusé se réjouira d’être délivré d’un tyrran ; si j’ai cherché a vous persuadé que je passais en Angleterre, cesque j’esperais garder l’incognito mais j’en ai reconu l’impossibilité, j’espcre que vous ne serés point tourmenté. En tous cas, je crois que vous aurés des défenseurs à Caën ; j’ai pris pour défenseur Gustave Doulcet, un tel attentat ne permet nulle defense c’est pour la forme ; adieu, mon cher papa, je vous prie de moublier ou plutôt de vous rejouir de mon sort la cause en est belle, jembrasse ma sœur que jaime de tout mon cœur ainsi que tous mes parens, n’oubliés pas ce vers de Corneille[77]

Le crime fait la honte et non pas l’échafaud.

C’est demain à huit heures que l’on me juge.

Ce 16 juillet.

CORDAY.

 

Le lendemain en effet, 17 juillet, Charlotte Corday comparut devant le tribunal révolutionnaire.

Elle était coiffée d’un bonnet à papillons, et un ample fichu lui couvrait le sein[78]. L’homme qui lui servit d’avocat trace son portrait en ces termes : Stature assez forte quoique légère, longs cheveux négligemment épars sur les épaules, yeux ombragés par de grandes paupières, visage ovale dans la physionomie duquel respirait sa grande âme, voix enfantine en harmonie avec la simplicité de ses dehors[79].

Le président lui ayant demandé si elle avait un défenseur, elle répondit qu’elle avait choisi un ami, qui sans doute n’avait pas eu le courage de se présenter. Alors le président, apercevant Chauveau de La Garde dans la salle, le nomma d'office. Il monte près de l’accusée ; et elle, de fixer sur lui des regards pleins d’inquiétude, comme craignant une justification qu’il lui eût fallu désavouer[80].

La lecture de l’acte d’accusation par Fouquier-Tinville et l’audition des témoins durèrent peu : le crime n’étant pas nié, il n’y avait guère sujet à débat. Voici quelles furent, selon le Bulletin révolutionnaire, les réponses les plus saillantes de l’accusée, lorsqu'on l’interrogea :

Qui vous a poussé à assassiner Marat ? — Ses crimes. Qu’entendez-vous par ses crimes ? — Les malheurs dont da été la cause depuis la Révolution. — Quels sont ceux qui vous ont engagée à commettre cet assassinat ? — Personne. Moi seule en ai conçu l’idée. — Quel est en ce Moment l’état de Caen ? — Il y a un comité central de l °us les départements qui sont dans l’intention de marcher sur Paris. — Que font les députés transfuges ? — Ils Ile se mêlent de rien ; ils attendent que l’anarchie cesse pour reprendre leur poste. — Qui vous a dit que l’anarchie régnait à Paris ? — Je le savais par les journaux. — Quels sont ceux que vous lisiez ? — Perlet, le Courrier français et le Courrier universel. — C’est donc dans les Journaux que vous lisiez que vous avez appris que Marat c'ait un anarchiste ? — Oui, je savais qu’il pervertissait la France. J’ai tué un homme pour en sauver cent mille. C’était d’ailleurs un accapareur d’argent ; on a arrêté à Caen un homme qui en achetait pour lui. J’étais républicaine bien avant la Révolution, et n’ai jamais manqué d’énergie. — Qu’entendez-vous par énergie ? — Ceux qui mettent l’intérêt particulier de côté et savent se sacrifier pour la patrie. — Était-ce à un prêtre assermenté ou insermenté que vous alliez à confesse, à Caen ? — Je n’avais point de confesseur. — Ne vous êtes-vous point essayée d’avance avant de porter le coup à Marat ? — Non. — Il est cependant prouvé par le rapport des gens de l’art, que si vous eussiez porté le coup de cette manière (en long), vous ne l’eussiez point tué. — J’ai frappé comme cela s’est trouvé ; c’est un hasard[81].

Selon le récit de Chauveau de La Garde, Charlotte Corday aurait fait quelques réponses plus remarquables encore par leur énergique précision :

Qui vous avait inspiré tant de haine contre Marat ? — Je n’avais pas besoin de la haine des autres ; j’avais assez de la mienne. — Mais la pensée de le tuer a dû vous être suggérée par quelqu’un ? — On exécute mal ce qu’on n’a pas conçu soi-même. — En tuant Marat, qu’espériez-vous ? — Rendre la paix à mon pays. — Croyez- vous avoir tué tous les Marat ? — Celui-là mort, les autres auront peur, peut-être[82].

 

Dans le cours de son interrogatoire, elle déclara qu’elle aurait voulu immoler Marat sur les cimes delà Montagne, ajoutant : J’étais bien sûre alors de devenir à l’instant victime de la fureur du peuple, et c’est ce que je désirais. On me croyait à Londres, mon nom eût été ignoré[83].

Sommée de déclarer si elle connaissait Claude Fauchet, qu’on avait tait venir à l’audience, elle répondit qu’elle ne le connaissait que de vue et le méprisait[84].

Lorsqu’elle était descendue à l’hôtel de la Providence, l’hôtesse lui ayant demandé s’il était vrai qu’une force armée marchât sur Paris, elle avait répondu en riant : Je me suis trouvée sur la place de Caen, le jour où l’on a battu la générale pour venir à Paris ; il n’y avait pas trente personnes[85]. Interrogée à cet égard, elle dit — mensonge calculé pour faire peur à la Montagne — : J’avais voulu donner le change, attendu qu’il y en avait plus de trente mille[86].

On lut à l’audience la seconde lettre qu’elle avait écrite à Marat, mais dont elle n’eut pas occasion de faire usage, ayant été admise la seconde fois qu’elle se présenta. Celle lettre était ainsi conçue :

Je vous ai écrit ce matin, Marat ; avez-vous reçu ma lettre ? Je ne puis le croire, puisqu’on m’a refusé votre Porte. J’espère que demain vous m’accorderez une entrevue. Je vous le répète, j’arrive de Caen j’ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. D’ailleurs, je suis persécutée pour la cause de la liberté, je suis malheureuse : il suffit que je le sois pour voir droit à votre protection.

Charlotte CORDAY[87].

 

Sur l’observation que ce moyen de s’introduire auprès de sa victime tenait de la perfidie, et qu’elle ne pouvait Regarder comme un monstre l'homme à qui elle adressait un semblable appel, elle répondit :

Selon le compte rendu officiel : Que m’importe que Marat se montre humain envers moi, si c’est un monstre envers les autres ?[88]

Selon Chauveau de La Garde, son défenseur : J’avoue que ce moyen n’était pas digne de moi ; mais tous les moyens sont bons pour sauver son pays[89].

Chauveau de La Garde raconte aussi qu’à l’aspect du couteau qu'un huissier lui présentait, elle détourna la vue avec émotion ; et lorsque, faisant allusion à la manière dont elle avait porté le coup, l’accusateur dit : Il faut que vous soyez bien exercée à ce crime, elle s’écria indignée : Oh ! le monstre ! il me prend pour un assassin ! Exclamation qui, comme un coup de foudre, termina le débat[90].

L’avocat s’étant levé, les jurés lui faisaient dire de garder le silence, et le président de la déclarer folle ; mais lui, qui sentait bien que ce qu’elle craignait plus que toute chose était d’être humiliée, s’exprima en ces termes :

L’accusée avoue avec sang-froid l'horrible attentat qu’elle a commis ; elle en avoue avec sang-froid la longue préméditation ; elle en avoue les circonstances les plus affreuses... Ce calme et cette abnégation sublimes ne sont pas dans la nature ; ils ne peuvent s’expliquer que par l’exaltation du fanatisme politique qui lui a mis le poignard à la main.... Je m’en rapporte à votre prudence[91].

Pendant que Chauveau de La Garde parlait ainsi, le visage de Charlotte Corday rayonnait de joie. Elle se fit conduire à l’avocat par les gendarmes, le remercia d’une voix douce de l’avoir défendue d’une manière digne de lui et d’elle ; et, comme témoignage de sa reconnaissance, le pria de payer ses dettes de prison. Elles s’élevaient à trente-six livres en assignats, que Chauveau de La Garde paya le lendemain au concierge de l’Abbaye[92].

Charlotte Corday fut condamnée à mort.

On lit dans l’Histoire secrète du tribunal révolutionnaire, par Proussinalle[93] : Ce 20 juillet I 795, le comité de salut public fil mettre en accusation le président du tribunal révolutionnaire, pour avoir, dans le jugement de Charlotte Corday, changé la cinquième question, ainsi conçue : L’a-t-elle fait avec préméditation et dessein criminel, en celle-ci : L’a-t-elle fait avec dessein prémédité ? Ce président s’appelait Montané. De retour dans sa prison, Charlotte Corday refusa de recevoir un prêtre[94]. Elle prit la plume et écrivit : A Doulcet-Pontécoulant. Doulcet-Pontécoulant est un lâche d’avoir refusé de me défendre*[95]. Celui qui l’a fait s’en est Acquitté, avec toute la dignité possible ; je lui en conserverai ma reconnaissance jusqu’au dernier moment. Elle achevait à peine, qu’on entra.... C’était le bourreau.

Elle fut conduite au supplice en chemise rouge, costume alors en usage pour les assassins[96]. Il était sept heures du soir. D’épais nuages couvraient le ciel et annonçaient un orage, qui ne tarda pas en effet à éclater[97]. Le peuple suivait eu silence la charrette lugubre, du haut de laquelle Charlotte Corday promenait sur les objets environnants un regard tranquille. Au pied de l’échafaud une légère pâleur, aussitôt remplacée par les couleurs les plus vives, se répandit sur son beau visage[98]. Quand on fut pour lui enlever une partie de ses vêtements, ses traits exprimèrent un sentiment de pudeur offensée[99] qui rappelle le mol sublime de Madame Elisabeth à l'exécuteur. au moment où il lui arracha le fichu qui lui couvrait le sein : Au nom de votre mère, monsieur, couvrez- moi ![100]

Après l’exécution, un des aides du bourreau, ayant saisi la tête pour la montrer au peuple, eut l’infamie de la souffleter, lâcheté abominable que le peuple accueillit par un immense et presque universel murmure[101]. La tête alors était pâle, mais d’une beauté parfaite. L’exécuteur l’ayant une seconde fois montrée, on la vit, ou on crut cette fois la voir colorée, comme si l’indignation de l’outrage eût survécu au supplice ! Et cette circonstance tragique donna lieu, les jours suivants, dans le Journal encyclopédique de Millin, à un débat non moins tragique sur la question de savoir si la vie s’éteint au moment précis où la tête est séparée du corps[102].

Le misérable qui avait insulté la mort fut jeté en prison et publiquement flétri[103].

La fière altitude de Charlotte Corday, sa jeunesse, sa beauté, son courage, frappèrent tous les esprits, et excitèrent chez quelques-uns une admiration passionnée. Un grand poète composa en son honneur une ode apologétique de l’assassinat :

Son œil mourant t’a vue, en ta superbe joie,

Féliciter ton bras et contempler ta proie.

Ton regard lui disait : Va, tyran furieux,

Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices.

Te baigner dans le sang fut tes seules délices :

Baigne-toi dans le tien, et reconnais les dieux.

Ô discordes civiles ! l’auteur de ces strophes violentes était André Chénier ; et ce fut Marie-Joseph Chénier, son frère, qui fit, plus tard, le rapport qui mit Marat au Panthéon !

Parmi les fils adoptifs de la Révolution et de la France, on comptait, à cette époque, un député de Mayence, nommé Adam Lux, cœur sincère et intrépide. Il s’était trouvé sur le passage de la charrette qui conduisait la jeune fille à l’échafaud ; et, dès ce moment, poursuivi, obsédé par un fantôme charmant et triste, il avait résidu de mourir ; il écrivit et publia une brochure où, sans approuver l’assassinat en théorie, il disait : S’ils veulent me faire l’honneur de leur guillotine, qui désormais n’est à mes yeux qu’un autel... je les prie, ces bourreaux, de faire donner à ma tête abattue autant de soufflets qu’ils en firent donner à celle de Charlotte... Il proposait, en terminant, qu’on élevât à l’héroïne une statue avec cette inscription : Plus grande que Brutus ![104]

La Chronique de Paris, ce même journal qui avait annoncé en termes si singuliers la mort prochaine de Marat, essaya de sauver Adam Lux, en accréditant le bruit que la brochure portait un nom supposé[105], et, lorsqu’on l’eût arrêté, elle fit un dernier effort, en affectant de le croire fou. Comment répondre du moral d’un homme qui, arrêté, s’est écrié avec joie : Je mourrai donc pour Charlotte Corday ! Il faut être fou pour avoir plaisir à mourir pour une personne qui n’existe plus. S’il est vrai que tout ce qui est inutile peut devenir nuisible, on doit empêcher cet homme-là de mourir[106].

Telle ne fut pas l’opinion du Tribunal révolutionnaire ; et le malheureux Adam Lux fut condamné à mort le 5 novembre 1793. Dans son délire, il avait eu la pensée d’aller se faire sauter la cervelle à la barre de la Convention[107].

Lorsque, devant le Tribunal révolutionnaire, Charlotte Corday avait dit : J’ai tué un homme pour en sauver cent mille, elle ne se doutait pas probablement qu’elle ne faisait en cela que professer la doctrine de Marat lui-même ; n’avait-il pas dit, lui aussi, et répété sans cesse qu’il demandait cinq cents têtes pour en sauver cinq cent mille ? Sa carrière n’avait-elle pus été, d’un bouta l’autre, déterminée et dominée par celle maxime que proclama si follement, sur .son cadavre, celle qui le tua : Tous les moyens sont bons dans certaines circonstances ?

Oui, de tous les disciples de Marat, le plus illustre fut..... Charlotte Corday. Et elle poussa la logique du système jusqu’à assassiner le professeur, en vertu des principes qu’il avait professés ! De sorte que Marat périt, victime de la fausseté de ses prétendus axiomes ; et, pour que rien ne manquât à ce solennel enseignement, il arriva qu’à son tour, en poignardant Marat, Charlotte Corday, loin d’atteindre son but, poussa au but contraire.

Quelles furent, en effet, les suites ?

D’abord, en ce qui louche Marat, de tribun qu’il était il devint martyr.

Qui ne connaît le tableau de David ? La tête appuyée sur le bord de son lit, Marat n'a que la poitrine et le bras hors de la baignoire, toute rouge de son sang. Dans une de ses mains est encore la lettre de Charlotte Corday : Il suffit que je sois malheureuse pour avoir droit à votre protection. Le bras, tombant avec la rigidité du cadavre, tient une plume. Sur un billot accoté à la baignoire, on voit un encrier, un assignat, et un écrit ainsi conçu : Vous donnerez cet assignat à cette mère de cinq enfants, dont le mari est mort pour la défense de la patrie. Loin de chercher un effet théâtral dans le jeu des lumières et des ombres, David a peint son tableau d’un ton clair, dans une manière rapide et ferme, légère et discrète, mais avec une vérité saisissante. La tête, cependant, après avoir été dessinée à la plume d’après nature, est idéalisée et sans hideur. Le tableau est d’une simplicité antique ; tout y rappelle la pauvreté stoïque du personnage ; pas d’autre accessoire que la plume et le couteau ! Il semble que le peintre, en dessinant la victime, ait évoqué les grandes figures de Sénèque et de Caton. Marat ! disait David, ah ! celui-là, je l’ai peint du cœur[108].

Eh bien, qu’on se figure l’effet d’une œuvre pareille exposée pendant plusieurs jours dans la cour du Louvre, sur un autel, avec celle inscription au-dessous : Ne pouvant le corrompre, ils l’ont assassiné !

De là une enthousiasme funèbre, dont les transports lièrent jusqu’à la superstition. Marat eut des temples, il des arcs de triomphe[109]. Son buste, colporté partout, devint, dans beaucoup de maisons, un préservatif pour les suspects[110]. Beaulieu assure avoir eu entre les mains un imprimé en forme de prière, composé par un nommé Brochet, et où se lisaient ces mots : Cœur de Jésus, cœur de Marat ! Ô sacré cœur de Jésus ! Ô sacré cœur de Marat ![111] Et ce cœur, on le renferma dans l’urne la plus précieuse du garde-meuble de la couronne[112]. Le 14 novembre 1793, une loi, rendue sur le rapport de Marie-Joseph Chénier, ordonna que les restes de Marat seraient admis au Panthéon, à la place de ceux de Mirabeau. Que dire encore ? On bâtit à sa gloire, en plein Carrousel, une espèce de pyramide dans l’intérieur de laquelle on plaça son buste, sa baignoire, son encrier, sa lampe ; et Mercier, à qui nous empruntons ces détails, ajoute : On y posa une sentinelle qui, une nuit, mourut de froid ou d’horreur[113].

Telles furent, relativement à Marat, les conséquences de Patientât de Charlotte Corday. Et l’influence de cet attentat, soit sur le sort des Girondins, soit sur la situation générale, quelle fut-elle ?

La Montagne, d’abord disposée à l’indulgence, comme on a pu en juger par le rapport de Saint-Just, fut violemment ramenée à des pensées sombres, et sentit renaître toutes ses haines, quand elle entendit Levasseur crier au côté droit : Le poignard des assassins est levé sur nous ! Doublons, s'il est possible, notre existence politique[114]. À partir de ce moment, une prompte décision sur les députés incarcérés fut ardemment poursuivie, et leur destin parut fixé !

D’un autre côté, le parti de la fureur, qui commençait à se fatiguer, reprit des forces. Marat était sincère, et sa sincérité, en mainte occasion, servait de garantie. Ses folies, qui avaient leur contre-poids dans une sagacité peu commune, étaient une sorte de maximum démocratique, au delà duquel ne pouvaient se flatter d’aller les démagogues sans bonne foi, dont l’ascendant se trouvait de la sorte annulé. Rien de plus profond et de plus vrai que ce mot de Camille Desmoulins : Tout le temps que je vois Marat dans notre sein, je ne saurais avoir de crainte ; car celui-là au moins ne saurait être dépassé[115]. Marat mort, il n’y eut plus de sauvegarde contre les popularités intéressées et hypocrites, contre les faux tribuns aux gages de l’étranger. Marat fut remplacé par une tourbe de vils plagiaires qui, sans avoir ni sa droiture, ni sa vigilance patriotique, ni son coup d’œil, reprirent son apostolat sanguinaire et exagérèrent ses exagérations. Marat, s’il eût vécu, rendait Hébert impossible.

Qu’il nous soit donc permis de répéter ici, comme conclusion et avec toute l’autorité des faits qui viennent d'être exposés, ce que nous avons dit dans un autre ouvrage : L’assassinat est une faute aussi bien qu'un crime ; et il le faut laisser aux aristocrates et aux tyrans. Que Henri III attire le duc de Guise dans le château de Blois et l’y fasse égorger par des sicaires d’antichambre ; que des séides royalistes essayent contre Napoléon d’une machine infernale, ce sont là forfaits dignes de ceux qui les commirent, et la démocratie défend qu’on la serve ainsi. De tels moyens sont contraires par essence à son génie et à son principe. Eh ! qui donc pourrait sans insolence s’attribuer droit de se mettre, seul, soit comme vengeur de la liberté, soit comme redresseur du destin, à la place de tout un peuple, presque à la place de l’Histoire ? Un coup de poignard est une usurpation. Où est d’ailleurs le pouvoir correspondant à ce droit monstrueux ? Quoi ! il serait donné au premier venu de changer, en avançant le bras, le cours des lois historiques ! Cet homme qui passe dans la rue n’aurait qu’à presser la détente d’un pistolet pour donner une secousse au monde ! Non, il n’en va pas de la sorte. Le mal, quand il existe au sein d’une société, tient à un vaste ensemble de causes auprès desquelles l’existence d’un individu, quelque puissant qu’on le suppose, ne figure qu’à titre d’accident. A nul homme on ne saurait accorder l'honneur de faire tenir dans sa vie celle d’un peuple. Nous en demandons pardon à l'ombre de Pascal, mais il nous semble avoir amoindri l’humanité jusqu’au scandale, quand il a fait dépendre de la longueur du nez de Cléopâtre les destinées de l’univers. L’occasion est la surface de la cause, et voilà pourquoi, trop souvent, l’on prend l’une pour l’autre. On s’imagine abattre la tyrannie en abattant le tyran : erreur ! Le mal est au fond des choses, quand il est. Il n’existe point parce que quelqu’un le représente ; quelqu’un le représente parce qu’il existe. Vous avez poignardé César, malheureux ? il va ressusciter, plus terrible, dans Octave ! Vous avez forcé Néron à se donner la mort ? vous n’échapperez pas à Vitellius ! Marat expire, noyé dans son sang ? voici venir Hébert ! Il ne sert de rien de faire disparaître la personnification, lorsqu’on laisse subsister le principe personnifié, toute chose créant un homme pour son usage.

Sans doute, respect est dû à l’héroïsme, même quand il s’égare. La Grèce antique dressa des autels à Harmodius, à Aristogiton ; et nous avons tous été élevés à trouver belles ces paroles que Shakespeare met dans la bouche de Brutus : As Cæsar loved me, I weep for him ; as he was fortunate, I rejoice at it ; as he was valiant, I honor him ; but, as he was ambitions, I slew him. — César m’aima, je le pleure ; il fut heureux, je m’en réjouis ; il fut vaillant, je l’honore ; mais il était ambitieux, je l’ai tué. Malheureusement ce sont les erreurs les plus respectables qui, par la séduction qu’elles exercent, sont les plus dangereuses. Où en serait la société, si, l’individualisme y devenant la loi du dévouement, chacun y était admis à n’accepter, de la légitimité de ses actes à l’égard dotons, d’autre juge que lui-même ? Et pourtant tel est le pouvoir du dévouement, jusque dans son délire, que les meurtriers à la manière de Sand et de Stabs déconcertent Presque également l’approbation et le blâme. Quand on Encontre leurs noms dans l’histoire, on est mécontent de sa raison si on les absout, et de son cœur si on les condamne.

 

 

 



[1] Histoire parlementaire, t, XXVIII, p. 241.

[2] Le montagnard René Levasseur en fait le loyal aveu dans ses Mémoires, t. I, chap. X, p. 333.

[3] Voyez ce rapport reproduit in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 241-269.

[4] Charlotte de Corday. Essai historique, par Louis Dubois. Paris, 1838. — Notes communiquées à Louis Dubois par M. Vaultier.

[5] Charlotte de Corday. Essai historique, par Louis Dubois, p. ij de l’Avant-propos.

[6] Essai historique.

[7] La généalogie de Charlotte Corday n'ayant été donnée en détail, que nous sachions, par aucun des historiens de la Révolution, peut-être nos lecteurs seront-ils bien aises de la trouver dans l'Essai de Louis Dubois, dans lequel elle forme le n° 2 des Pièces justificatives.

[8] Essai historique, p. 6.

[9] Essai historique, p. 13.

[10] Essai historique, p. 15.

[11] Sa propre profession de foi sur ce point est plus croyable qu’une note de Wimpfen qui la déclare royaliste. Cette note, insérée dans l’ouvrage de Toulongeon, contient d’évidentes erreurs que nous avons déjà relevées... faut-il dire des mensonges ?

[12] Mémoires de Louvet, p. 155.

[13] Mémoires de Louvet, p. 114. — Mémoires de Meillan, p. 75.

[14] Charlotte de Corday. Essai historique, par Louis Dubois, p. 21. — Notes fournies à l'auteur par M. Vaultier.

[15] Lettre de Charlotte Corday à Barbaroux, dans l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 330.

[16] Nous conservons son orthographe en la citant.

[17] Histoire parlementaire, t. XXVIII.

[18] Déposition de Pierre-François Feuillard, garçon de l'hôtel de la Providence, dans le procès de Charlotte Corday. Voyez le t. XXVIII de l’Histoire parlementaire, p. 319.

[19] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 319.

[20] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 375 et 274. — Rapprochement omis par tous les historiens.

[21] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 274.

[22] Camille Desmoulins donne lui-même ces détails dans la brochure qu’il publia sous ce titre : Réponse de Camille Desmoulins à Arthur Dillon.

[23] Réponse de Camille Desmoulins à Arthur Dillon.

[24] Réponse de Camille Desmoulins à Arthur Dillon.

[25] Réponse de Camille Desmoulins à Arthur Dillon.

[26] Nous le verrons plus loin.

[27] Charlotte Corday, Essai historique, par Louis Dubois, p. 27. — Rapprochement omis par tous les historiens de la Révolution

[28] Chronique de Paris, n° du 11 juillet 1793.

[29] Chronique de Paris, n° du 12 juillet 1793. — Rapprochement omis par tous les historiens de la Révolution.

[30] Le Républicain français, n° 244, cité par les auteurs de l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 303.

[31] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 209.

[32] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 302.

[33] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 303.

[34] Michelet, Histoire de la Révolution, liv. XII, chap. II, p. 147 et 148.

[35] Procès-verbal de l'arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte Corday, par Jacques-Philibert Guellard. (Revue rétrospective, avril 1855.)

[36] Voyez, dans le Livre des Cent et an, l'article de Drouineau, intitulé : Une maison de la rue de l'École-de-Médecine.

[37] Madame Roland, t. II, p. 223 de ses Mémoires, ne donne la description qui précède que sur la foi d'une personne qu'elle ne nomme pas et qu'elle-même désigne ainsi : Petite femme du Midi, née à Toulouse, ayant toute la vivacité du climat ardent sous lequel elle a vu le jour.

[38] Et non de cinq francs, comme dit. M. Thiers. Voyez, ainsi que le font observer avec raison les auteurs de l’Histoire parlementaire, et le rapport fait à la Commune le 27 juillet, et le Moniteur et tous les journaux.

[39] Dépositions de la citoyenne Evrard et de Marie-Barbe Aubin, portière de la maison de Marat, dans le procès de Charlotte Corday.

[40] Lettre produite au procès.

[41] Déposition de Laurent liasse dans le procès.

[42] Déposition d’Antoine Delafondée, principal locataire de la maison.

[43] Esquisses historiques sur les principaux événements de la Révolution, par Dulaure, t. II, chap. X, p. 155. Paris, 1825.

[44] Le document ci-dessus, que Dulaure donne comme extrait de la collection d'autographes de M. Villenave, n'est pas sans présenter des signes assez frappants d’authenticité. Mais, s’il est authentique, il doit se rapporter à une date un peu antérieure. La lettre a pu effectivement être écrite la veille ou l’avant-veille, Marat sentant déjà la vie lui échapper.

[45] Cette coïncidence, si caractéristique ; est une des omissions à signaler dans le récit de nos prédécesseurs.

[46] Charlotte Corday, Essai historique, par Louis Dubois, p. 34.

[47] Procès-verbal de l’arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte de Corday, par Jacques-Philibert Guellard, inséré dans la Revue rétrospective, avril 1835.

[48] Procès-verbal de l’arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte de Corday, par Jacques-Philibert Guellard, inséré dans la Revue rétrospective, avril 1855.

[49] Procès-verbal de l’arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte de Corday, par Jacques-Philibert Guellard, inséré dans la Revue rétrospective, avril 1855.

[50] Procès-verbal de l’arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte de Corday, par Jacques-Philibert Guellard, inséré dans la Revue rétrospective, avril 1855.

[51] Procès-verbal de l’arrestation et du premier interrogatoire de Charlotte de Corday, par Jacques-Philibert Guellard, inséré dans la Revue rétrospective, avril 1855.

[52] Lettre de Charlotte Corday à Barbaroux.

[53] Une imagination vive, un cœur sensible, promettaient une vie bien orageuse. (C’est ainsi que Charlotte Corday se juge elle-même dans sa lettre à Barbaroux.)

[54] Lettre de Charlotte Corday à Barbaroux.

[55] Couet de Gironville.

[56] Histoire abrégée de la Révolution, t. III, liv. XVIII.

[57] Anecdotes de la Révolution, par Harmand (de la Meuse).

[58] Anecdotes de la Révolution, par Harmand (de la Meuse).

[59] Rapport de Drouet à la Convention, séance du 14 juillet 1793.

[60] Rapport de Drouet à la Convention, séance du 14 juillet 1793. — Ceci omis par nos prédécesseurs.

[61] Rapport de Drouet à la Convention, séance du 14 juillet 1793.

[62] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[63] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[64] Ceci omis par les historiens nos prédécesseurs.

[65] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[66] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[67] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[68] Moniteur, séance du 14 juillet 1793.

[69] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 209.

[70] Voyez le discours de l’orateur de la section de la République dans le Journal de la Montagne, n° 47.

[71] Séance des Jacobins du 14 juillet 1793.

[72] Voyez le n“ 18 du Journal de la Montagne.

[73] Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 328.

[74] Voyez cette lettre reproduite in extenso dans l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, par 328-331.

— Nous en avons détaché les traits caractéristiques, soit en bien, soit en mal.

— La phrase tous les moyens sont bons, etc., a été soigneusement omise par nos prédécesseurs.

[75] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 329.

[76] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 332. — Pas un de nos prédécesseurs qui n’ait omis cet hommage rendu par Charlotte Corday à la modération du peuple de Paris.

[77] C'est le comte d'Essex qui dit ce vers, dans une tragédie, non de Pierre, mais de Thomas Corneille, acte IV.

[78] D’après un tableau dessiné pendant l’audience même, et au bas duquel on lit : Marie-Anne-Charlotte Corday, ci-devant d'Armont, âgée de vingt-cinq ans, moins trois mois ; à l'instant où elle s'aperçoit qu'un des auditeurs est occupe à la dessiner, elle tourne la tête de son côté.

[79] Note de Chauveau de La Garde dans les Femmes, par le vicomte A.de Ségur.

[80] Note de Chauveau de La Garde dans les Femmes, par le vicomte A.de Ségur.

[81] Voyez le compte rendu du Bulletin révolutionnaire, dans l'Histoire parlementaire, t. XXVIII, par 311-325.

[82] Note de Chauveau de La Garde, ubi supra.

[83] Note de Chauveau de La Garde, ubi supra.

[84] Cette version est celle du Moniteur. La version du Bulletin révolutionnaire prête à l’accusée des paroles dont le sens est le même, mais moins dures dans la forme.

[85] Déposition de Marie-Louise Grolier.

[86] Bulletin du tribunal révolutionnaire. — Autre omission de nos prédécesseurs. — Exception faite ici pour M. Michelet.

[87] Bulletin du tribunal révolutionnaire.

[88] Bulletin du tribunal révolutionnaire.

[89] Note de Chauveau de La Garde, ubi supra.

Ni M. de Barante, ni M. Thiers, ni M. Michelet, ne mentionnent cette profession de foi : Tous les moyens sont bons, etc. Quant à M. de Lamartine, il fait mieux : à la phrase de Charlotte Corday, il substitue celle-ci : Il fallait paraître l’estimer pour arriver jusqu’à lui.

[90] Note de Chauveau de La Garde, ubi supra.

[91] Bulletin du tribunal révolutionnaire.

[92] Note de Chauveau de La Garde, ubi supra.

[93] T. I, p. 161.

[94] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 354. — Prudhomme, n° 209.

[95] Elle se trompait. Doulcet-Pontécoulant ignorait qu’elle l’eût choisi pour défenseur. Comme il le manda au président du tribunal révolutionnaire par une lettre datée du 20 juillet, il n’avait reçu celle de Charlotte Corday que le samedi, et décachetée.

[96] Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 354.

[97] Essai historique, par Louis Dubois, p. 55.

[98] Cabanis, d’après le témoignage d’un médecin de ses amis, témoin oculaire.

[99] Beaulieu. Biographie universelle.

[100] Anecdotes de la Révolution.

[101] Récit de la Chronique de Paris.

[102] L’affirmative fut soutenue par Cabanis contre le docteur Süe et l’anatomiste allemand Scunnering.

[103] Voyez la lettre de Roussillon, juré au tribunal révolutionnaire, telle que la rapportent, d’après la Chronique de Paris, les auteurs de l’Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 335.

[104] Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution, par Adam Lux, réimprimés à Strasbourg, 1794.

[105] N° du 24 juillet 1793.

[106] N° du 28 juillet 1793.

[107] Histoire abrégée de la Révolution, t. III, liv. XVIII, p. 191.

[108] Mots cités par M. Jal, dans ses Esquisses et Croquis.

Comment ne pas rappeler ici le beau tableau de Charlotte Corday, par M. Henry Scheffer ?

[109] Mercier, le Nouveau Paris, chap. CXLVI : Fêtes de la Raison.

[110] Beaulieu. Biographie universelle.

[111] Beaulieu. Biographie universelle.

[112] Beaulieu. Biographie universelle.

[113] Nouveau Paris, chap. CXLVI.

[114] Mémoires de Levasseur, t. I, chap. X, p. 507.

[115] Mémoires de Levasseur, t. I, chap. X, p. 527.