HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME HUITIÈME

LIVRE NEUVIÈME

 

CHAPITRE X. — LES DOUZE RENVERSÉS

 

 

Concours de circonstances fatales à la Gironde. — L'Histoire des Brissotins, par Camille. — Manœuvres corruptrices d'un agent de Roland révélées. — Aveux de Gonchon. — Lettres de Gadol. — Mesures votées dans le conciliabule tenu à l'Evêché. — Le club des Jacobins flotte sans direction. — Incertitudes poignantes de Robespierre. — La Commune hésite, elle aussi. — Danton s'abstient. — Parmi les chefs influents, seul, Marat marche résolument à la ruine de la Gironde. — Inaction soudaine du Comité des Douze. — Billet anonyme et sinistre remis à Garat. — Fausses rumeurs. — Disposition de Pache. — La Commune soucieuse. — Importance momentanée des hommes de l'Évêché. — L'Huillier et Pache devant le Comité de salut public. — Insurrection morale. — Les Girondins dans la nuit du 30 au 31 mai. — Illa suprema dies ! — Mot singulier de Danton à Garat. — La Commune, du même coup, cassée et rétablie. — Henriot, commandant général provisoire. — Garat à la tribune. — Attitude énergique de Valazé. — Langage timide de Vergniaud. — Aspect de Paris. — Proclamation de la Commune. — Intérieur de l'Hôtel de Ville. — La parole refusée à Rabaud Saint-Étienne. — Madame Roland dans la salle des pétitionnaires. — Sectionnaires à la barre. — Vive sortie de Guadet. — Deux pensées bien distinctes se partagent l'Hôtel de Ville — Étrange motion de Vergniaud. — Oscillations de l'Assemblée. — Nouvelle députation. — Barère propose de casser le Comité des Douze. — L'Huillier à la barre. — Les Montagnards sur les bancs de la Gironde. — Fausse démarche de Vergniaud. — Apostrophe terrible de Robespierre à Vergniaud. — Décret qui supprime le Comité des Douze. — Scène de fraternité. — Fête civique proposée par Barère. — Conversation de madame Roland avec un groupe de sans-culottes.

 

Le 29 mai 1795, qui vit, à Lyon, le triomphe des Girondins, fut pour eux, à Paris, une date néfaste. Ce jour-là, en effet, l'idée d'un autre 10 août à tenter contre eux se précisa et se généralisa, d'abord à cause du rétablisse- ment du Comité des Douze, et ensuite par l'effet d'un fatidique concours de noires nouvelles.

Coup sur coup on apprit :

Que l'armée du Nord avait été repoussée ;

Que toute communication était coupée entre Cambrai et Valenciennes ;

Qu'à Perpignan, les gendarmes avaient lâché pied ;

Que Chalbos avait été battu par les Vendéens ;

Que Fontenay-le-Peuple était menacé[1].

La Gironde n'était certes pas comptable de ces revers ; mais il suffisait, pour qu'on les lui imputât, qu'ils fussent liés aux désordres suscités ou encouragés par elle à l'intérieur ; et tel était le cas, malheureusement ; car on savait :

Que Nantes élargissait les ennemis de la liberté et en écrouait les défenseurs ; Que Rennes ne reconnaissait plus, parce qu'ils étaient Montagnards, les commissaires de la Convention ;

Que le Jura se soulevait et que la Lozère semblait à la veille d'imiter la Vendée ;

Que les murs de Bordeaux se couvraient de placards où l'opposition des Girondins éclatait en menaces de guerre civile ;

Qu'à Marseille, les Girondins, devenus les maîtres, promettaient leur protection aux riches qui déserteraient la France en emportant leur fortune ;

Qu'à Lyon, enfin, la Gironde ne formait plus que l'avant-garde du royalisme[2].

Au nombre des circonstances fatales, il ne faut pas oublier la récente publication de l'Histoire des Brissotins, par Camille. Une épée ornée de fleurs, voilà ce qu'était ce livre. Tout ce qui pouvait rendre les Girondins odieux se trouvait rassemblé là avec un art meurtrier, dans un style plein de gaieté voltairienne et de grâce :

Nous étions seuls dans le salon jaune de la rue Neuve-des-Mathurins. Le vieux Sillery, malgré sa goutte, avait frotté lui-même le parquet avec de la craie, de peur que le pied ne glissât aux charmantes danseuses. Madame Sillery venait de chanter sur la harpe une chanson que je garde précieusement, où elle invitait à l'inconstance ; et mesdemoiselles Paméla et Sercey dansaient une danse russe dont je n'ai oublié que le nom, mais si voluptueuse et qui était exécutée de manière que je ne crois pas que la jeune Hérodias en ait dansé devant son oncle une plus propre à lui tourner la tête, quand il fut question d'en obtenir la lettre de cachet contre Jean-le-Baptiseur. Bien sûr de ne pas succomber à la tentation, je ne laissais pas de jouir intérieurement d'être mis à une si rude épreuve, et je goûtais le même plaisir que dut éprouver saint Antoine dans sa tentation. Quelle fut ma surprise, au milieu de mon extase et dans un moment où la gouvernante magicienne opérait sur mon imagination avec le plus de force, et où la porte devait être fermée aux profanes, de voir entrer... qui ? un aide de camp de Lafayette. — J'ai fait toucher au doigt la jointure entre Brissot et d'Orléans. J'achève de compléter l'ensemble irrésistible de preuves, qui surprendront bien du monde, que Brissot, Pétion et la clique n'étaient que les continuateurs de la faction d'Orléans. Comme, depuis longtemps, j'étais devenu suspect à Sillery, qui ne m'a plus invité, je n'ai pu continuer mes observations sur les lieux ; mais il m'a été facile de deviner que Louvet, Gorsas et Carra dînaient à mon couvert, dans le salon d'Apollon... etc. —N'est-ce pas un fait que Brissot a été secrétaire de madame Sillery, ou de son frère Ducrest ?... N'est-ce pas un fait que Pétion a fait le voyage de Londres dans une dormeuse, avec madame Sillery et mesdemoiselles d'Orléans, Paméla, Sercey, qu'on pouvait appeler les trois Grâces, et qui pressaient son genou vertueux et heureusement incorruptible ; et que c'est à ce retour qu'il a été nommé maire de Paris ? etc.[3] ...

C'est ainsi qu'à travers de riantes descriptions et des phrases légères, Camille Desmoulins avait distillé le poison d'une calomnie mortelle.

Mais les haines de parti avaient eu un aliment plus sérieux dans le rapport fait par Brival, au nom du Comité de sûreté générale, relativement à des papiers saisis chez Roland. De neuf lettres non signées, mais d'une écriture qu'on vérifia, il résultait que Roland avait employé, pour propager ce qu'il appelait l'esprit public, un corrupteur vulgaire nommé Gadol, dont les passages suivants feront apprécier l'action :

Il faudra me faire parvenir, par l'Allemand Gobel, une somme de 600 livres au moins, ce soir, en assignais de 50 livres et de 5 livres, et quelques-uns de plus petits, s'il se peut. J'ai déjà bien dépensé, et j'ai besoin de me faire des amis. Une petite fête remet les choses ; au dessert, je persuade, je découvre des projets[4]. — La raison pour laquelle j'ai fait accepter à cet homme les 50 livres était fondée sur ce qu'il aurait besoin d'offrir quelques verres de vin à ses acolytes du faubourg, de peur qu'ils ne tombassent dans l'assoupissement moral, faute d'un entregent bachique[5]. Il s'ouvre entièrement à moi. Il en est de même de ce sapeur à large sabre, qui est concierge du Temple. Enfin, tout mon monde ne voit en moi qu'un ardent patriote, qui caresse et choie les défenseurs de la patrie, qui fait amitié à leurs enfants, leur prête, ou donne à l'enfant de quoi acheter un beau joujou, bien persuadé que le ménage en tirera parti. — J'amènerai Peuchon et les autres en faveur de la garde (départementale). Allons doucement[6]...

Gonchon se trouvant désigné dans certaines lettres de Gadol à madame Roland, le fameux orateur des faubourgs avait été mandé au Comité de sûreté générale, le 24 avril 1793. Interrogé, il avoua que Gadol avait eu avec lui plusieurs entrevues ; qu'il lui avait, en mainte occasion, suggéré ses discours et ses démarches ; que souvent il lui avait donné de l'argent, et notamment le jour d'une pétition présentée par lui à la barre[7].

Rien de tout cela, on le devine, n'était resté à l'état de mystère. Le rapport de Brival, distribué dans la matinée du 19 mai, avait occupé le club des Jacobins, qui en arrêta, ce jour-là même, non-seulement la réimpression, mais l'envoi aux sociétés affiliées[8].

Quant aux commentaires, ils ne pouvaient manquer. Est-ce en corrompant le peuple, avait dit Brival[9], qu'on se flatte de lui donner un esprit public ? Est-ce en séduisant l'enfant par de riches joujoux, convertis bientôt par la mère en d'autres colifichets ; est-ce en conduisant le père au cabaret, en troublant sa raison par l'ivresse, en procurant à l'ouvrier le moyen d'exister sans travail, qu'on espère de rétablir les bonnes mœurs ?... L'émissaire de Roland n'avait donc, de son aveu, que le masque du patriotisme, qu'une fraternité hypocrite ! Et son action consistait dans l'habitude criminelle d'arracher aux patriotes leurs secrets pour en abuser ! Un tel langage devait naturellement éveiller mille échos ; de sorte que tout concourait à la perle des malheureux Girondins.

Ce fut à l'Évêché qu'eut lieu, le 29 mai, la réunion d'où allait partir l'impulsion première. Trente-six sections, sur quarante-huit, y étaient représentées par leurs commissaires. L'assemblée, au sein de laquelle on n'était admis qu'en justifiant d'une carte de société patriotique, se composait d'environ cinq cents personnes, et de ce nombre cent femmes. Une commission dite des Six ayant été formée la veille pour aviser aux moyens extraordinaires de salut public, Dufourny, au nom de cette commission, propose qu'avant toute chose, on envoie prier la Commune de procéder à la nomination provisoire d'un commandant de la garde nationale. Une des femmes présentes appuie vivement la proposition, et, parmi les commissaires désignés, elle est choisie la première. On décide ensuite qu'on demandera justice à la Convention du crime d'Isnard envers Paris ; que les douze sections non représentées à l'Évêché seront invitées à y figurer par leurs élus ; que les divers cantons du département seront appelés à se concerter avec Paris, et qu'on fera partir pour Versailles des députés munis d'instructions particulières[10]. On parla d'insurrection, mais vaguement. Des orateurs, qui touchaient de trop près cette question brûlante, se virent interrompus, taxés d'imprudence. Un d'eux paraissant insister, Dufourny s'écria : Si vous perdez tant de temps à délibérer, je crains bien que vous ne soyez de la fête. Une confiance sans bornes, une obéissance aveugle furent demandées au nom des Six, et promises[11]. Mais les Six eux-mêmes, quelle pensée les dirigeait ? Ce n'était ni celle de Robespierre, ni celle de Danton : c'était celle de Marat. Varlet et Dobsent, qui venaient de sortir de la prison où le Comité des Douze les avait jetés ; Hassenfratz, le brutal Henriot, Maillard, le sinistre juge de septembre, comptaient parmi les meneurs[12]. Toutefois, on eût dit qu'ils craignaient de trop afficher la violence ; car, sur les bancs de la salle des délibérations, était une bannière qui portait ces mots, singuliers dans la circonstance : L'instruction et les bonnes mœurs peuvent seules rendre les hommes égaux[13].

Pour ce qui est du club des Jacobins, il semblait partagé en sentiments divers. Les uns auraient voulu qu'avant de recourir à l'insurrection, on essayât des voies légales ; les autres jugeaient le moment venu de trancher d'un seul coup les embarras de la situation, et Legendre, qui était de l'avis des premiers, fut par les seconds traité d'endormeur[14]. Il est à remarquer cependant que, dans la séance du 29, un membre ayant dit qu'à Rome les sénateurs étaient inviolables, ce qui n'empêchait point qu'on ne poursuivît les traîtres jusqu'au sein du Sénat, le président interrompit l'orateur, en lui faisant observer que ses paroles donnaient matière aux calomnies[15].

La vérité est qu'à l'égard du parti à prendre, le club des Jacobins flottait encore sans direction. De Robespierre seul il avait coutume de la recevoir, et Robespierre était livré à une incertitude qui touchait à l'angoisse. Sa haine et ses convictions le portaient également à désirer la chute des Girondins ; mais, à mesure que la crise approchait, il sentait redoubler les appréhensions prophétiques dont l'image de la représentation violée avait, tout d'abord, rempli son cœur. Il était, du reste, sujet à ces accès, non de découragement, mais de lassitude mélancolique, où tombent, à la vue des calamités humaines, les âmes sérieuses et sincères. Il y avait deux mois à peine que, s'entretenant avec Garat de ces luttes sans cesse renaissantes, il lui était échappé de dire : Je suis bien las de la Révolution ; je suis malade ; jamais la patrie ne fut dans de plus grands dangers, et je doute qu'elle s'en tire[16]. Or, rien depuis ne s'était passé qui fût de nature à calmer un esprit tel que le sien. Il y parut assez par le discours qu'il tint aux Jacobins, le soir du 29 mai. Si la Commune de Paris ne s'unit pas au peuple, ne forme pas avec lui une étroite alliance, elle viole le premier de ses devoirs. Je suis incapable de prescrire au peuple les moyens de se sauver ; cela n'est pas donné à un seul homme ; cela ne m'est pas donné à moi, qui suis épuisé par quatre ans de révolution, et par le spectacle déchirant du triomphe de la tyrannie, à moi qui suis consumé par une fièvre lente, surtout par la fièvre du patriotisme. J'ai dit : il ne me reste plus d'autre devoir à remplir en ce moment[17].

Ainsi, Robespierre ne pouvait se résoudre ni à subir plus longtemps la domination, jugée par lui malfaisante, des Girondins, ni à prendre personnellement la responsabilité du coup qui, en les frappant, frappait un principe ; et, dans sa tragique indécision, il s'en remettait à la Commune du soin de pourvoir au salut de la chose publique.

Mais la Commune hésitait, de son côté. Lorsque, dans la nuit du 29 au 30, Garat, informé de ce qui avait lien à l'Évêché, courut à l'Hôtel de Ville s'en expliquer avec Pache, ce dernier ne cacha point que l'Évêché lui inspirait, à lui aussi, des inquiétudes[18]. Une seule chose paraissait le rassurer : l'aveu fait par cette assemblée que, pour toute mesure d'exécution, elle était incompétente[19].

Restait comme chef possible du mouvement, en dehors des maratistes, Danton. Mais Danton était loin de haïr les Girondins, et peut-être eût-il volontiers pactisé avec eux, s'ils n'eussent été les premiers à rendre toute conciliation impossible. Dans ses vrais sentiments à leur égard, il entrait moins d'amertume que de regret ; et son rôle fut conforme à la disposition de son esprit. Il ne songea ni à combattre le mouvement, ni à le diriger. Une fois déjà, les Girondins avaient repoussé la main qu'il leur tendait[20] : les voyant près de périr, il s'abstint, en détournant les yeux[21].

Autre fut l'action de Marat. Il ne répugnait pas, comme Danton, à abattre la Gironde, et il ne croyait pas, comme Robespierre, que viol er brutalement la représentation nationale fût, après tout, un si grand malheur. Selon lui, le peuple ne devait respect à ses mandataires qu'autant qu'ils se montraient dignes de sa confiance : le jour où ils la trahissaient, il fallait les casser aux gages et les punir. Mais cette haute justice du souverain, la laisserait-on flotter à la merci de la première faction venue ? A quels signes certains reconnaîtrait-on que la confiance de la nation est trahie ? Pour légitimer la révocation des mandataires et leur châtiment, suffirait-il qu'une petite portion du peuple se soulevât, après s'être appelée le peuple ? Si le difficile travail des lois ne devait plus désormais s'accomplir que sous l'empire d'une menace éternelle, au bruit des canons roulant sur le pavé, et dans l'avilissement de la peur, quel honnête homme consentirait à cette lâche abdication de la conscience et de la pensée ? Il y avait évidemment à empêcher l'usurpation des droits du souverain par l'émeute ; il y avait, tant que subsisterait le régime des assemblées délibérantes, à concilier la liberté et la dignité de leurs membres avec l'exercice de la souveraineté populaire : où poser la règle ? où tracer la limite ? Ces questions pouvaient préoccuper Robespierre ; Marat n'était pas de ceux que de pareils scrupules arrêtent. Aussi courut-il à l'Évêché, que sa parole enflamma[22].

Des rapports circonstanciés tenaient le Comité des Douze au courant de ce qui se passait[23] ; mais, soit qu'il ne crût pas le péril aussi proche, soit que son assurance l'eût tout à coup abandonné, il ne prit, le 30, aucune mesure, ni pour l'attaque, ni pour la défense. Il avait transporté ses cartons, sans même en prévenir le ministre de l'intérieur, à la maison de Breteuil, où Garat, le 30, ne trouva que deux membres[24].

Toutes sortes de bruits alarmants remplirent cette journée. On assurait qu'à l'Evêché il ne s'agissait pas de moins que de fermer les barrières, de sonner le tocsin, de tirer le canon d'alarme. La nuit précédente, Garat avait reçu un billet anonyme conçu en ces termes : Je sors de l'Évêché ; à sept heures, la République sera en deuil[25]. On colportait, en outre, de rue en rue, des placards dénonçant de nocturnes conciliabules tenus, disait-on, à Charenton, par Robespierre, Danton, Marat, Chaumette et Pache. Ce dernier y était appelé l'Escobar politique, et on l'y accusait de préparer, de concert avec de sinistres amis, de nouveaux massacres de septembre[26].

Garat, en sa qualité de ministre de l'intérieur, se hâta d'envoyer à la découverte : les rumeurs étaient fausses, sauf en ce qui concernait l'Évêché. Les conciliabules sanglants de Charenton, pure calomnie ! et les sept heures qui, suivant le billet anonyme, devaient mettre la République en deuil, s'étaient écoulées, sans que rien eût encore troublé Paris[27].

Le calme, toutefois, n'existait qu'à la surface ; l'agitation était au fond des âmes, au fond des choses ; et c'était précisément sur l'issue à lui donner que la réunion de l'Évêché délibérait.

La veille encore, Pache ne considérait cette réunion que comme un assemblage de citoyens occupés des affaires publiques[28] ; et quoique, même à ce titre, elle lui parût inquiétante, il s'était flatté un moment qu'il n'en sortirait aucune tempête[29]. Mais, le 30, il apprit que, la plupart des sections ayant envoyé à l'Evêché des commissaires munis de pleins pouvoirs révolutionnaires[30], un point noir se formait à l'horizon. Si le chagrin qu'il en conçut ne fut qu'hypocrisie, c'est ce que ses ennemis ont toujours dit et n'ont jamais prouvé. Pache, écrit Garat, se montrait à moi au désespoir de ces mouvements, qu'il attribuait au rétablissement du Comité des Douze[31].

D'un autre côté, le procès-verbal de la séance du 30, à la Commune, la montre préoccupée et soucieuse. Sur l'observation de Chaumette que la réunion de l'Évêché pouvait, alarmer les citoyens, le Conseil général y députa quatre de ses membres pour prendre connaissance des opérations de l'assemblée et en rendre compte. Pache lui-même partit, accompagné de six commissaires[32].

Chose étrange ! La situation que ni la Montagne, ni le club des Jacobins, ni la Commune, ni Danton, ni Robespierre, ne se croyaient en mesure de dominer, sembla un instant appartenir à des hommes obscurs, comme Dobsent, ou sans autorité morale, comme Varlet ! Il est vrai que l'Évêché, qui s'était intitulé le Club central, se trouvait avoir dans son sein des commissaires de la plupart des sections, ce qui lui donnait l'air de représenter la souveraineté de Paris ; mais, outre que les sections, désertées à cette époque par un nombre considérable de citoyens, ne répondaient nullement à la masse de la population, Paris n'avait-il pas son représentant naturel et régulier dans la Commune ? La force momentanée du club central tint donc moins à sa signification officielle qu'à la décision avec laquelle il exprima ce qu'au fond voulaient en commun, quoique d'une manière beaucoup plus indéterminée, et la Montagne, et les Jacobins, et la Commune, c'est-à-dire la chute des Girondins.

Cependant, le Comité de salut public désirant se renseigner auprès des autorités constituées, Garat était allé chercher Pache à l'Hôtel de Ville. Il le rencontra montant le grand escalier, et, suivi de dix à douze hommes dont les gilets montraient autant de pistolets qu'ils avaient de poches[33]. Le maire, qui revenait de l'Évêché, n'a pas plutôt aperçu Garat que, se penchant à son oreille, il lui dit à voix basse : J'ai eu beau m'y opposer ; ils viennent de déclarer par un arrêté, que la Commune de Paris et le Département qu'ils représentent sont en état d'insurrection. Informé par Garat qu'il est attendu au Comité de salut public, Pache ne prend que le temps de raconter à ses collègues ce qui se passe au club central, ajoutant que l'insurrection y a été proclamée contre son avis et malgré ses efforts pour l'empêcher1. Cela dit, il sort, rejoint le ministre, et tous les deux vont au Comité de salut public. Dans la route, Garat se répandait en lamentations auxquelles il assure que Pache s'associait : En exprimant les mêmes craintes et la même douleur, le maire déplorait, et je déplorais avec lui, ces horribles querelles des passions, qui seules avaient rendu de si grands attentats possibles[34].

Quand ils arrivèrent au Comité de salut public, L'Huillier, procureur-syndic du Département, et deux membres du Directoire y étaient déjà. De leurs aveux ou plutôt de leurs déclarations ressortait la preuve que le Département était dans ce qu'ils appelaient l'insurrection. Pache était loin de parler comme L'Huillier. Il rendait compte des faits sans approbation et sans blâme, sans abattement et sans emportement, avec tristesse et gravité[35].

Il affirma, du reste, que tant qu'il serait à son poste, l'insurrection n'entraînerait aucune violence. Les membres du Département donnèrent, en ce qui les concernait, la même assurance au Comité de salut public, et, pour définir le caractère du mouvement, L'Huillier employa le mot Insurrection morale, qu'on vit en effet, le lendemain, sur quelques banderoles[36].

Une séance du soir, où la Convention élut pour président Mallarmé, en remplacement d'Isnard, et où Lanjuinais vint dénoncer, avec son courage ordinaire, les complots de l'Évêché[37], clôt la série des événements qui marquèrent la journée du 30. Bien qu'on n'entrât à l'Évêché qu'au moyen d'une carte, Lanjuinais avait réussi à y pénétrer, et c'était devant lui que ses ennemis, sans le connaître, avaient déroulé leurs plans[38].

La nuit descendit sur la ville, sans y apporter le repos. Il ne pouvait y avoir de sommeil pour moi, écrit Garat, dans ces tempêtes de la République[39]. De leur côté, Buzot, Barbaroux, Guadet, Bergœing, Rabaut-Saint-Étienne, Louvet, gagnèrent une chambre écartée, où étaient trois mauvais lits, mais de bonnes armes[40]. Ils y dormirent jusqu'à trois heures du matin, et furent alors réveillés par un bruit funèbre[41] : c'était le tocsin qui sonnait à Notre-Dame[42]. A six heures, ils descendent bien armés, et se dirigent vers les Tuileries. Tous, d'un pas ferme, marchaient au-devant de leur destinée, à l'exception de Rabaut-Saint-Étienne, qui, dans la route, ne cessa de crier : Illa suprema dies ![43]

Quand ils entrèrent dans la salle, trois Montagnards s'y trouvaient déjà : Vois-tu, dit Louvet à Guadet, en lui montrant l'un d'eux, vois-tu quel horrible espoir brille sur cette figure hideuse ?Sans doute, répondit Guadet, c'est aujourd'hui que Clodius exile Cicéron[44].

Au point du jour, poussé par son inquiétude dans les cours des Tuileries, en ce moment presque désertes, Garat y avait rencontré Danton. Surpris, il l'aborde et l'interroge. Qu'est-ce que tout cela ? qui remue les ressorts ? Que veut-on ?Bah ! répond Danton, il faut les laisser briser quelques presses, et les renvoyer avec cela. — Ah ! Danton, je crains bien qu'on ne veuille briser autre chose que des presses. — Eh bien, il faut y veiller[45].

Une heure après, les commissaires de l'Évêché allaient déclarer à la Commune, par l'organe de Dobsent, que le peuple de Paris annulait les autorités constituées. Ils parlaient au nom de la majorité des sections : en avaient-ils le droit ? Invités sur le réquisitoire de Chaumette, à justifier de leurs pouvoirs, ils prouvèrent qu'ils avaient effectivement reçu mandat de la majorité des sections[46].

Mais jusqu'où s'étendait ce mandat ? Un historien qui, des quarante-huit procès-verbaux des sections de Paris, en a eu quarante et un sous les yeux, affirme que cinq seulement mentionnent des pouvoirs illimités ; que trois les donnent d'une manière douteuse ou après coup ; que quatre refusent positivement ; que quatorze n'accordent de pouvoir que pour délibérer et pétitionner ; que les autres sont muets[47]. Il est certain, d'autre part, que la Commune en jugea autrement ; car le compte rendu de la séance des 30 et 31 mai porte en termes exprès : Il résulte du dépouillement des pouvoirs que trente-trois sections ont donné à leurs commissaires des pouvoirs illimités pour sauver la chose publique[48].

Quoi qu'il en soit, la vérification faite, Dobsent déclare que les pouvoirs de la municipalité sont annulés. Aussitôt, comme si le souverain se fût prononcé, le Conseil général se retire ; mais il est quelques instants après rappelé par les commissaires du club central, et réintégré dans ses fonctions au cri de Vive la République ![49] Le but de cette formalité, en apparence superflue, était de donner à la Commune une sorte d'investiture révolutionnaire. Henriot fut ensuite nommé commandant général provisoire de la force armée de Paris[50]. C'était un homme d'exécution, d'une audace brutale, et qui, commandant de la section des sans-culottes, avait attiré sur lui l'attention des esprits violents.

En ce moment, on apporte à l'Hôtel de Ville une lettre par laquelle le maire de Paris est mandé à la barre pour rendre compte de l'état actuel de Paris. Accompagné d'une députation qu'on nomme sur-le-champ, il part[51].

La Convention s'était réunie de grand matin, au bruit du tocsin et de la générale. Quand Pache parut, Garat descendait de la tribune. A l'instant même où ce dernier était entré dans la salle, Lanjuinais, l'abordant, non avec colère, mais avec dérision, lui avait dit : Eh bien, Garat, c'est le café Corazza ![52] Allusion amère au 10 mars, dont les Girondins reprochaient au ministre de l'intérieur d'avoir méconnu la portée ! Cette fois, il n'y avait pas à se tromper sur la gravité de la situation, mais Garat n'avait pu rien apprendre à l'Assemblée, sinon que les barrières étaient momentanément fermées, que les citoyens se réunissaient en armes dans leurs sections respectives, et que des patrouilles nombreuses parcouraient la ville : toutes choses que nul n'ignorait. A son tour, Pache se contenta d'annoncer qu'il avait donné ordre au commandant provisoire de doubler les gardes de poste aux établissements publics, à la Trésorerie, et plus particulièrement au Pont-Neuf, pour empêcher qu'on tirât le canon d'alarme[53].

Il achevait à peine, arrive un message. Henriot avait voulu faire tirer le canon, et le chef du poste, au Pont-Neuf, s'y était opposé. A cette nouvelle, Valazé éclate. Il rappelle le décret qui défend de tirer le canon d'alarme, sous peine de mort ; il s'étonne et s'indigne de l'audace de Henriot. Les murmures des tribunes l'interrompant : Je suis ici, reprend-il avec fermeté, le représentant de vingt-cinq millions d'hommes, et il termine en demandant, d'abord, que Henriot soit arrêté, et ensuite, que le rapport du Comité des Douze soit entendu. Moi, dit Thuriot, c'est l'anéantissement de ce comité que je sollicite. Un membre : Voilà qu'on tire le canon d'alarme ! Vergniaud laissa tomber quelques paroles où perçaient le découragement de son âme et la conviction poignante que, s'il y avait combat, c'en était fait de la République : Pour prouver, dit-il, que la Convention est libre, il faut ne pas casser aujourd'hui la commission des Douze ; ajournons à demain. Cette demande timide répondait mal à l'attitude de Valazé, et ressemblait trop au cri d'un parti qui s'abandonne. Vergniaud ajoutant qu'il importait de savoir qui avait donné l'ordre de sonner le tocsin, des bancs opposés partit cette réponse terrible : Qui ? La résistance à l'oppression. La conclusion de l'infortuné grand homme fut qu'on devait mander Henriot à la barre, et jurer de mourir chacun à son poste. Tous jurèrent. Ah ! si, pour sauver la liberté, il ne fallait que mourir !

Cependant la ville s'agitait en sens divers. Les uns, ignorant les décisions de la nuit, envoyaient demander à la Commune pourquoi le tocsin sonnait, ce qu'il y avait à faire[54]. Les autres saisissaient leurs fusils, et couraient se ranger autour des drapeaux de section flottant à la porte des capitaines[55]. D'autres, par un mouvement de curiosité machinale, se dirigeaient vers les Tuileries[56]. Comme il arrive toujours en de telles circonstances, les rumeurs mensongères abondaient. Ici, on répandait que cinq députés, prenant la fuite, venaient d'être arrêtés ; là, on assurait que le commandant de Valenciennes avait eu la tête coupée pour trahison, et qu'on avait trouvé dans sa poche les preuves de sa complicité avec le Comité des Douze. On bombardait Valenciennes, selon quelques-uns ; selon plusieurs, l'ennemi l'occupait. Les plus emportés parmi les adversaires de la Gironde s'efforçaient de changer en colère contre elle l'inquiétude née de ces récits, tandis que, parmi les pauvres, moins préoccupés des querelles de parti que de leur détresse, certains imputaient à la Convention tout entière le renchérissement des denrées, et, dans le vague de leurs désirs, liaient à l'idée de sa dissolution l'espoir de jours meilleurs[57].

Une proclamation de la municipalité, publiée sur ces entrefaites, ôta aux inquiétudes publiques ce qu'elles avaient de dangereux, sans néanmoins les dissiper d'une manière complète. Cette proclamation, antérieure à l'investiture révolutionnaire que la Commune avait acceptée de ceux de l'Évêché, portait : Citoyens, la tranquillité est plus que jamais nécessaire à Paris. Le Département a convoqué les autorités constituées et les quarante-huit sections pour ce malin. Toute mesure qui devancerait celles qui doivent être prises dans cette assemblée pourrait devenir funeste. Le salut de la patrie exige que vous demeuriez calmes et que vous attendiez le résultat de la délibération[58].

De semblables recommandations avaient beaucoup de force, venant de la Commune ; car nulle puissance alors n'était plus respectée, comme le prouva de reste le mouvement dont, ce jour-là, elle fut le centre unique. Le tableau que présente à cet égard son procès-verbal est singulièrement caractéristique et animé. Tantôt c'est la section de Bon-Conseil qui vient faire part de l'ordre donné par elle aux courriers de la poste de retarder leur départ, aux administrateurs de rester à leur poste ; tantôt c'est la section de l'Observatoire qui envoie demander ce qu'il faut répondre aux approvisionneurs de Paris arrêtés aux barrières et voulant sortir. De toutes parts, officiers civils, juges de paix, fonctionnaires divers, simples citoyens, se présentent pour prêter, entre les mains du pouvoir qui siège à l'Hôtel de Ville, le serment révolutionnaire, c'est-à-dire le serment d'être fidèle à la République une et indivisible, et de défendre jusqu'à la mort la sainte liberté, la sainte égalité, le respect des propriétés et la sûreté des personnes. C'est ce que viennent jurer avec enthousiasme, au milieu des applaudissements et en défilant dans la salle du Conseil, les gendarmes de la 33e division, lesquels reçoivent, comme récompense de leurs services, la glorieuse autorisation d'écrire sur leur drapeau : Ils furent toujours fidèles au peuple. Puis arrive une députation annonçant que les pompiers ont envoyé des hommes dans tous les postes, mais qu'ils demandent des armes, décidés qu'ils sont à servir doublement la République, soit qu'il y ait à éteindre l'incendie ou à combattre[59]. A la Convention, pendant ce temps, le débat continuait sur la suppression du Comité des Douze. Danton insistait, non-seulement pour cette suppression, mais pour qu'on soumît à un jugement la conduite particulière des membres dont le comité était composé[60]. Rabaut-Saint-Étienne prenant la défense d'un pouvoir si rudement attaqué, on l'interrompt, et plusieurs veulent que la parole lui soit ôtée. Non, dit Bazire, laissez-la-lui, il n'est pas dangereux ; c'est un menteur[61]. On vint annoncer qu'une députation de la Commune était là. Fallait-il l'introduire à l'instant ? Fallait-il la renvoyer au Comité de salut public ?

Cette question commençait à s'agiter, quand Perrin cria : Rabaut, concluez donc ! Lui : Eh ! bien, je conclus à ce qu'il n'y ait plus de Commission des Douze, et à ce que le Comité de salut public soit chargé de toutes les recherches, investi de toute votre confiance. Il avait parlé d'une lettre tendant à prouver que Santerre avait l'intention de marcher sur Paris à la tête des volontaires de la Vendée, et cette lettre, les interruptions l'avaient empêché de la lire. Comme il descendait de la tribune, la droite le presse d'y remonter pour donner connaissance à tous d'une chose aussi grave ; mais il ne peut parvenir à se faire entendre, les murmures couvrant sa voix[62].

Dans la pièce réservée aux pétitionnaires, une femme, vêtue d'une robe du matin, enveloppée d'un châle noir, et voilée, se promenait à grands pas depuis près d'une heure, écoutant, d'un cœur ému, le bruit affreux qui, par intervalles, partait de la salle de l'Assemblée, y portant ses regards chaque fois que la porte s'ouvrait, et attendant avec impatience Vergniaud, qu'elle avait fait demander. Cette femme était madame Roland, accourue pour mettre sous la protection de la Convention son mari, dont l'arrestation venait d'être ordonnée par la Commune. L'héroïne de la Gironde brûlait d'être admise à la barre. Livrée à ces mouvements de l'âme qui rendent éloquent, élevée par l'indignation au-dessus de la crainte, et exaltée par les périls où elle savait enveloppé tout ce qu'elle avait de plus cher, elle comptait sur l'effet de sa présence, sur l'effet de sa parole... Vergniaud parut enfin. Elle lui communique son projet. Vergniaud, tristement : Vous ne devez guère espérer. Si vous êtes admise à la barre, peut-être, comme femme, obtiendrez-vous un peu plus de faveur ; mais la Convention ne peut plus rien de bien. — Elle pourrait tout, car la majorité de Paris n'aspire qu'à savoir ce qu'elle doit faire... Je ne crains rien au monde, et si je ne sauve Roland, j'exprimerai avec force des vérités qui ne seront pas inutiles à la République... Un élan de courage serait du moins d'un grand exemple. — Mais on va discuter un projet de décret en six articles ; des pétitionnaires, députés par les sections, attendent à la barre : voyez quelle attente !Je vais donc chez moi savoir ce qui s'y est passé, et je reviens ; avertissez nos amis. — Ils sont absents pour la plupart ; ils se montrent courageusement quand ils sont ici, mais ils manquent d'assiduité. — C'est malheureusement trop vrai. Madame Roland sortit, et Vergniaud rentra dans la fournaise ardente[63].

Les pétitionnaires y étaient déjà, se présentant comme envoyés par la Commune pour communiquer à la Convention les mesures prises, savoir : la conservation des propriétés mise sous la responsabilité des vrais républicains, le soin de les garder confié à la vigilance des sans-culottes, et un salaire de quarante sous par jour offert aux ouvriers qu'il faudrait distraire de leur travail, tant que les projets des contre-révolutionnaires resteraient à déjouer. Le ton de la pétition était impérieux. Elle dénonçait un complot, rappelait le 14 juillet, le 10 août, et déclarait que le peuple se levait pour la troisième fois[64].

Guadet s'élance aussitôt à la tribune, et d'une voix amère : Les pétitionnaires se sont trompés d'un mot, dit-il ; ils ont parlé d'un grand complot qu'ils avaient découvert, ils auraient dû dire qu'ils avaient voulu l'exécuter[65]. Et au milieu de murmures que le président eut de la peine à réprimer, il émit l'opinion que si le Comité des Douze était maintenu, il fallait lui donner charge de rechercher ceux qui avaient arrêté la circulation des postes, sonné le tocsin, fait tirer le canon d'alarme[66].

Une nouvelle députation est introduite ; et celle-ci encore se présente au nom de la Commune. Mais quel autre langage ! Législateurs, en ces moments de crise, la municipalité a cru qu'il serait très-avantageux d'établir une correspondance directe entre elle et la Convention. Nous désirons que vous nous indiquiez un local où les commissaires de la Commune puissent se réunir[67].

Ainsi, au lieu de menacer l'Assemblée, on exprimait maintenant le vœu de marcher avec elle de concert. Elle se hâta d'y consentir.

Mais d'où venait, dans les dispositions apparentes de la Commune, ce brusque revirement ? De ce qu'elle avait obéi jusqu'alors à deux pensées bien distinctes. Soit dans le Conseil général, soit dans le Comité qui, formé d'une partie de ses membres, avait pris le nom de Comité révolutionnaire, il y avait : d'un côté, ceux qui, sans souci de la dignité de la Convention ou de son existence, entendaient qu'on courût mettre hardiment la main sur les députés à proscrire ; et, de l'autre côté, ceux qui, par une démarche légale, soutenue d'une imposante démonstration populaire, voulaient amener la Convention elle-même à suivre contre les Girondins le funeste exemple qu'ils avaient donné en décrétant l'arrestation de Marat.

Or, parmi les premiers, figuraient des agitateurs de circonstance, tels que Varlet et beaucoup d'hommes dont les fureurs étaient rendues quelque peu suspectes par leur qualité d'étrangers : Gusman, Espagnol ; Pio et Dufourny, Italiens ; Proly, Autrichien ; Pereyra, Belge ; Arthur, Anglais[68].

Les seconds, au contraire, représentaient les forces vraiment sérieuses de la Révolution ; ils avaient dans leurs rangs, comme on en verra bientôt la preuve, le maire de Paris, Pache ; le procureur de la Commune, Chaumette ; le substitut du procureur de la Commune, Hébert, et jusqu'à Dobsent, qui, depuis l'absorption de l'Évêché par l'Hôtel de Ville, s'était rangé sous le drapeau de ce que L'Huillier avait appelé l'insurrection morale. Cette idée d'une insurrection morale était d'ailleurs celle qui prévalait au club des Jacobins, au Département ; et on la savait conforme aux sentiments de Robespierre.

Toutefois, les violents semblaient avoir pour eux l'autorité dont les sections avaient investi l'Évêché par l'envoi de leurs commissaires : ce fut pour détruire ce prestige, que les Jacobins tinrent, à leur tour, une assemblée où furent convoqués, toujours sous couleur de salut public, et des députés des quarante-huit sections, et des représentants de l'autorité départementale. On y décida qu'une commission de onze membres serait élue ; qu'elle serait autorisée à prendre et à exécuter toutes les mesures jugées nécessaires ; qu'aussitôt nommée, elle irait se joindre au Conseil général de la Commune et travailler avec lui à l'affermissement de la liberté et de l'égalité[69].

A partir de ce moment, l'influence des violents, à l'Hôtel de Ville, se trouva tout à fait vaincue. Un citoyen, dont le nom n'a point été conservé, pressant l'adoption de mesures promptes et sûres, Chaumette, invoqua la nécessité de la prudence ; et, comme le préopinant insistait, accusait le procureur de la Commune de faiblesse et s'offrait à diriger les opérations révolutionnaires, Hébert soutint vivement Chaumette[70]. Un autre citoyen ayant proposé de se mettre à la tête des bataillons de Paris et de se porter à la Convention, le Conseil général se montra saisi d'horreur[71]. Pache alla même jusqu'à dire, en cette occasion, que le peuple de Paris savait distinguer ses vrais amis des énergumènes et des imbéciles qui cherchaient à l'égarer[72], emportement remarquable de la part d'un homme aussi réservé que Pache ! Enfin, sur une motion de même nature que les précédentes, Chaumette déclara avec indignation que, si quelqu'un osait la renouveler, il le dénoncerait lui-même au peuple[73].

Ces détails sont les seuls qui puissent expliquer le spectacle singulier de Paris sillonné de bataillons qui le parcouraient l'arme au bras, sans but clairement défini, et avec la tranquillité martiale de troupes convoquées pour une revue. L'inquiétude produite dans la matinée par le bruit du tocsin ou les mille rumeurs çà et la répandues, avait insensiblement fait place à la sécurité ; et, comme rien de sinistre n'avait eu lieu ; qu'aucun désordre n'avait été commis ; que, de plus, la journée était superbe, chacun se promenait, riait ; et beaucoup de femmes étaient assises sur leurs portes, pour voir passer l'insurrection[74].

De là ces mots de Couthon, en réponse aux attaques de Guadet : Sans doute, il y a un mouvement dans Paris, et Paris est louable d'avoir commis des magistrats pour le sauver. Mais où est la preuve de cette insurrection que Guadet accuse la Commune d'avoir préparée ? C'est insulter le peuple que de le dire en insurrection[75].

Selon l'orateur, tout le mal venait du Comité des Douze, qu'il fallait se hâter de supprimer. Moi, ajouta-t-il, je ne suis ni à Marat ni à Brissot, je suis à ma conscience. Que ceux-là se rallient qui ne sont que du parti de la liberté[76].

Que Couthon cherchât à écarter de l'Assemblée la crainte de paraître céder à la violence en renversant un pouvoir qu'elle-même avait créé, rien de la part d'un Montagnard n'était plus naturel ; mais ce qui étonna, ce fut d'entendre Vergniaud s'écrier tout à coup : Ce jour suffira pour montrer combien Paris aime la liberté. On n'a qu'à parcourir les rues, à voir l'ordre qui y règne, les nombreuses patrouilles qui y circulent. Je demande que vous décrétiez que Paris a bien mérité de la patrie !

Par cette motion, étrange dans sa bouche, Vergniaud croyait sans doute, ou gagner les sections, ou donner le change sur la nature et le but de leur soulèvement ; mais les ennemis de la Gironde ne virent là qu'un aveu de faiblesse. A l'oreille charmée de la Montagne, le cri de Vergniaud ne résonna que comme le cri de la peur, et elle applaudit d'un air triomphant[77]. Au dehors, l'impression ne fut pas autre. Vous apprendrez avec joie et quelque surprise, dit Chaumette à la Commune, le décret rendu sur la motion de Vergniaud... Au reste, d'où que vienne une telle déclaration, elle est conforme à la vérité[78].

Exemple frappant des oscillations d'une assemblée nombreuse ! Tandis que la Montagne attribuait les paroles de Vergniaud aux inspirations d'un cœur troublé, ces mêmes paroles semblaient ranimer la droite. Camboulas proposa formellement que des poursuites fussent intentées contre ceux qui avaient fait fermer les barrières, sonner le tocsin, tirer le canon d'alarme ; ces actes, il les appela des crimes. Et ce fut en vain que Robespierre jeune s'écria : Vous voulez savoir qui a fait sonner le tocsin ? c'est la trahison de nos généraux, c'est la perfidie qui a livré le camp de Famars, c'est le bombardement de Valenciennes, c'est le désordre mis dans l'armée du Nord, ce sont les conspirateurs de l'intérieur, dont plusieurs sont ici... En dépit de cette sortie véhémente, la proposition de Camboulas, appuyée cette fois par quelques voix parties des tribunes, fut soumise au vote et adoptée[79].

Peut-être ceux du Marais et de la droite espérèrent-ils un instant, sur la foi de la motion de Vergniaud, qu'en effet le mouvement de Paris n'était pas dirigé contre eux ; peut-être voulurent-ils simuler la confiance, semblables au voyageur effrayé qui chante en traversant un bois pendant la nuit.

En tout cas, l'illusion ne pouvait être de longue durée. Une députation entra :

Législateurs, les hommes du 14 juillet, du 10 août et du 31 mai sont dans votre sein. Nous demandons :

Que le décret liberticide arraché par une faction scélérate soit rapporté ;

Que vous décrétiez, avec paye de quarante sous par jour, une armée révolutionnaire centrale de sans-culottes ;

Que le prix du pain soit fixé à trois sous la livre dans tous les départements ;

Que des ateliers soient établis sur toutes les places et qu'on y fabrique des armes pour les sans-culottes ;

Qu'on envoie des commissaires à Marseille et dans les autres villes du Midi où ont eu lieu des mouvements contre-révolutionnaires ;

Que Paris soit vengé de ses calomniateurs ;

Que les ministres Lebrun et Clavière soient mis en état d'arrestation...

Quoi encore ?

 

Les pétitionnaires n'eurent garde d'oublier les vingt-deux, contre lesquels ils provoquaient un décret d'accusation, aussi bien que contre les Douze. A la vérité, ils s'offraient en otage pour répondre aux départements de la personne de ces importants accusés ; mais ils avaient indiqué d'une façon assez claire jusqu'où ils entendaient porter l'étendue de cette garantie, lorsqu'en commençant, ils avaient dit, le visage tourné vers la Montagne : Délégués du peuple qui n'avez pas trahi sa cause... livrez les intrigants conspirateurs au glaive de la justice[80].

Ils furent admis aux honneurs de la séance, pourtant ; et l'impression, l'envoi aux départements, de cette adresse si menaçante, fut décidée, chose inconcevable, sur la motion de Vergniaud[81] !

Barère alors présente, au nom du Comité de salut public, un projet de décret ayant pour but de mettre à la réquisition de la Convention la force armée de Paris et de casser le Comité des Douze. Cette proposition, dirigée en apparence contre les Girondins, leur était au fond très-favorable, puisqu'elle faisait passer entre les mains de la majorité de la Convention, c'est-à-dire entre les leurs, cette force des baïonnettes dont jusqu'alors la Commune seule avait eu le droit de disposer. Mais c'est ce qu'ils parurent ne pas comprendre. Robespierre, lui, ne s'y trompa point : et il se disposait à répondre, lorsque la délibération fut interrompue par l'arrivée des membres composant l'administration du Département, réunis aux autorités constituées de la Commune et aux commissaires des sections[82].

L'Huillier, procureur général-syndic, portait la parole. Dans un style qui ne manquait pas d'élévation mais singulièrement âpre, il accusa les Girondins de fomenter des divisions mortelles, de pousser aux massacres de la Vendée ; de chercher à égarer le peuple, pour acquérir le droit de s'en plaindre ; d'être sans cesse à dénoncer des complots imaginaires pour en créer de réels ; de travailler à l'avilissement des autorités constituées ; de haïr Paris, surtout ; et de l'avoir calomnié. Parlant d'Isnard, il a, tout à la fois, dit l'orateur, flétri la ville de Paris, en supposant qu'elle pût jamais se rendre digne d'un sort si affreux, — être anéantie, — et il a flétri les départements en leur prêtant l'atrocité de son âme. Mais n'y avait-il qu'Isnard de coupable ? Non ; et L'Huillier nomma Brissot, Guadet, Vergniaud, Gensonné, Buzot, Barbaroux, Roland, Clavière. S'étonnant ensuite qu'on eût pu concevoir le sacrilège projet de détruire Paris, ce centre des arts et des sciences, ce foyer des lumières, cet étincelant miroir des idées et des sentiments de la France entière, vous respecterez, continua-t-il, vous défendrez le dépôt des connaissances humaines. Vous vous souviendrez que Paris fut le berceau de la liberté et qu'il en est encore l'école ; qu'il est le point central de la République ; qu'il peut toujours fournir cent mille combattants pour défendre la patrie ; qu'il en a la volonté ; qu'il a fait d'immenses sacrifices à la Révolution, et qu'il n'en regrette aucun ; qu'il éprouve enfin pour les autres départements l'amour le plus sincère et le plus fraternel[83].

Grands applaudissements dans l'Assemblée, dans les tribunes. Derrière la députation se pressait une foule considérable de citoyens : la députation entrant dans la salle, ils y entrent à sa suite, et vont se confondre avec les membres du côté gauche. Ceux du côté droit en tirant avantage : Eh bien, crie Levasseur aux Montagnards, nous n'avons qu'à passer dans la partie opposée. Nos places seront bien gardées par les pétitionnaires. Aussitôt les Montagnards se lèvent et courent s'asseoir sur les bancs des Girondins[84].

Tel était l'aspect de l'Assemblée, quand elle vota l'impression de l'adresse présentée par le Département. Il n'en fallait pas davantage pour autoriser la Gironde à nier la légitimité du vote. Valazé proteste. Des clameurs s'élèvent : Nous ne sommes pas libresnous sommes environnés d'individus que nous ne connaissons pasl'asile des représentants du peuple est violé. Au milieu de l'émotion générale, Vergniaud propose à l'Assemblée d'aller se joindre à la force armée qui est sur la place, et lui-même, suivi de plusieurs de ses collègues, il sort[85]. Il espérait entraîner la Convention presque tout entière. Vain espoir ! ceux du centre restent immobiles, et les spectateurs se répandent en applaudissements railleurs. Vergniaud rentra, humilié, désespéré : il devenait évident que, par égoïsme ou par peur, le Marais abandonnait la Gironde.

Au moment où Vergniaud regagnait sa place, Robespierre, qui avait demandé la parole avant l'arrivée de la dernière députation, se trouvait à la tribune. Je n'occuperai point l'Assemblée, dit-il durement, de la fuite ou du retour de ceux qui ont déserté ses séances[86]. Puis examinant la motion de Barère, il s'attache à prouver que la suppression du Comité des Douze est une mesure insuffisante, et que si on met la force armée à la disposition de la Convention, c'est aux Girondins qu'on la livre. Quoiqu'il n'eût encore prononcé que quelques mots, Vergniaud lui crie : Concluez donc ! Irrité, il reprend : Oui, je vais conclure, et contre vous ; contre vous qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l'échafaud ceux qui l'ont faite ; contre vous qui n'avez cessé de provoquer la destruction de Paris ; contre vous, qui avez voulu sauver le tyran ; contre vous, qui avez conspiré avec Dumouriez ; contre vous, qui avez poursuivi avec acharnement les patriotes dont il demandait la tête ; contre vous, dont les vengeances ont provoqué ces mêmes cris d'indignation dont vous faites un crime à ceux qui sont vos victimes. Ma conclusion ! c'est un décret d'accusation contre tous les complices de Dumouriez et tous ceux qui ont été désignés par les pétitionnaires[87].

Vergniaud ne répondit pas, bien qu'il eût demandé la parole[88]. Il resta accablé sous cette apostrophe terrible.

Mais en le rangeant au nombre des complices de Dumouriez, Robespierre manquait de justice ; et il avait bien peu de générosité, quand un parti était déjà par terre, à lui marcher ainsi sur le corps.

Quoi qu'il en soit, après quelques débats touchant le mode de requérir la force publique, un décret fut rendu, portant : que la force publique du Département de Paris était mise jusqu'à nouvel ordre en réquisition permanente ; qu'au Comité de salut public appartiendrait désormais le droit de suivre, de concert avec les autorités constituées, la trace des complots dénoncés à la barre ; que le Comité des Douze était supprimé ; que ses actes et papiers seraient déposés au Comité de salut public ; qu'une proclamation explicative des décrets et des circonstances du 31 mai serait envoyée par courriers extraordinaires aux départements et aux armées[89].

Un pareil acte était décisif. Au grand nombre de suffrages que ces dispositions réunirent, les Girondins purent juger que la défection du Marais commençait[90], et que, même au sein de l'Assemblée, leur règne était passé. Et cet indice, précurseur de leur chute, ne fut pas le seul : en approuvant, sur la motion de Lacroix, l'arrêté de la Commune qui assurait deux livres par jour aux ouvriers sous les armes, jusqu'au rétablissement de la tranquillité publique[91], la Convention semblait consacrer la continuation d'un mouvement dont la durée ne pouvait qu'aboutir à la ruine complète de la Gironde.

La séance allait se terminer, lorsque soudain la barre se remplit d'une foule de citoyens donnant des signes d'allégresse. La réunion vient de s'opérer, s'écrie un d'eux avec enthousiasme. Les citoyens du faubourg Saint-Antoine et des sections de la butte des Moulins, de Quatre-vingt-douze, des Gardes-Françaises, que des scélérats voulaient égorger les uns par les autres, viennent de s'embrasser, et en ce moment leurs cris de joie et leurs larmes d'attendrissement se confondent[92].

Voici en effet ce qui venait d'avoir lieu : Parmi les sections dévouées à la Gironde, il en était une, celle du Mail, qui se trouvait avoir conservé son ancien drapeau, un étendard blanc fleurdelisé. Le fait fut dénoncé, le 31 mai, à la Commune par Chaumette, et la section du Mail se vit sommée de changer sur-le-champ sa bannière royaliste en un drapeau tricolore[93]. De là le bruit d'un mouvement royaliste : bruit que les uns répandirent de bonne foi, selon toute apparence, tandis que les autres le propageaient sans y croire, et uniquement pour remuer les faubourgs. Ils s'émurent au point, que le faubourg Saint-Antoine se mit en marche. De son côté, la section de la butte des Moulins, qui s'était levée, elle aussi, non pour attaquer les Girondins, mais pour les défendre, recevait des rapports qui la menaçaient : on se préparait, disait-on, à la désarmer. Décidée à lutter jusqu'à la mort plutôt que de subir cet affront, et renforcée de quelques compagnies de la section du Mail, elle s'enferme dans le jardin du Palais-Royal, s'y retranche, ferme les grilles, se met en bataille. Arrive, tout frémissant, le formidable faubourg, et déjà les canons sont braqués... Mais un canonnier : Qu'allons-nous faire ? Égorger nos frères, sur une rumeur, peut-être fausse ! vérifions le fait d'abord. Là-dessus, quelques-uns se détachent, entrent comme députés dans l'avant-cour... Qu'aperçoivent-ils ? Le bonnet de la liberté, et, à tous les chapeaux, la cocarde tricolore. On s'explique alors, on se mêle, on s'embrasse. La vue d'un commandant qui, à la nouvelle que lui et ses compagnons d'armes ont été soupçonnés de royalisme, s'est évanoui, ajoute à l'impression de cette scène touchante, et le vœu d'une éternelle union monte vers le ciel dans un cri prolongé de Vive la République ![94]

Dans l'Assemblée, aussitôt qu'elle fut informée de l'événement, Bazire demanda que la Convention, levant la séance, allât fraterniser avec les milliers de citoyens qui l'entouraient, et qu'une fête civique fût improvisée par où se réalisât d'avance la fédération des cœurs. Des applaudissements retentirent, et la séance fut levée. Il était neuf heures et demie du soir[95].

En ce moment, madame Roland quittait son mari, le laissant en lieu sûr, et se dirigeait vers l'Assemblée. Elle atteint le Carrousel, et remarque que la force armée a disparu. Il n'y avait plus à la porte du Palais National qu'un canon et quelques hommes. L'Assemblée n'était donc pas en permanence ! Elle avait donc fait tout ce qu'on lui ordonnait ! Livrée à ces sombres pensées, madame Roland s'avance vers le groupe de sans-culottes : Eh bien, citoyens, cela s'est-il bien passé ?Oh ! à merveille ! Ils se sont embrassés, et l'on a chanté l'hymne des Marseillais, là, à l'arbre de la liberté. — Est-ce que le côté droit s'est apaisé ?Parbleu ! il fallait bien qu'il se rendît à la raison. — Et la commission des Douze ?Dans le fossé. — Et ces vingt-deux ?La municipalité les fera arrêter. — Bon, est-ce qu'elle le peut ?Jarnigué, est-ce qu'elle n'est pas souveraine ?Mais les départements... — Qu'appelez-vous ? les Parisiens ne font rien que d'accord avec les départements ; ils l'ont dit à la Convention. — Cela n'est pas trop sûr ; pour savoir leur vœu, il aurait fallu des assemblées primaires. — Est-ce qu'il en a fallu au 10 août ? Et les départements n'ont-ils pas approuvé Paris ? Ils feront de même ; c'est Paris qui les sauve. — Ce pourrait bien être Paris qui les perd...[96] Madame Roland rentra chez elle, le cœur rempli de tristesse. Les rues étaient solitaires et illuminées[97].

 

 

 



[1] Convention, séance du 29 mai 1793.

[2] Voyez la Proclamation de la Société des Amis de la liberté et de l'égalité aux départements, sur l'insurrection du 31 mai. — Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 134. — Les Mémoires de Louvet, p. 88. — Séances des Jacobins des 17 et 20 mai 1793.

[3] Histoire des Brissotins, etc. — Voyez Histoire parlementaire, t. XXVI, p. 268-309.

[4] Lettre de Gadol à madame Roland, en date du 15 octobre 1792.

[5] Lettre de Gadol à madame Roland, en date du 21 octobre 1792.

[6] Lettre de Gadol à madame Roland, en date du 21 octobre 1792.

[7] Rapport de Brival. — La dépuration de Gonchon y est donnée en propres termes. Voyez t. XXVIII de l'Histoire parlementaire, p, 95 et 96.

[8] Journal de débats du club des Jacobins, n° 427.

[9] Rapport de Brival, ubi supra, p. 71 et 79.

[10] Notes remises au Comité des Douze sur ce qui se passa le 29 à l'Évêché. Voyez la brochure de Bergœing, reproduite dans l'Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 125-127, et n° B des pièces officielles placées à la suite des Mémoires de Meillan.

[11] Brochure de Bergœing, dans l'Histoire parlementaire, t. XXVIII, p. 125-127.

[12] Précis des événements des 31 mai et 2 juin 1793, par Gorsas.

[13] Notes remises au Comité des Douze, ubi supra.

[14] Club des Jacobins, séance du 29 mai 1793.

[15] Club des Jacobins, séance du 29 mai 1793.

[16] Mémoires de Garat, t. XVIII, de l'Histoire parlementaire, p. 339.

[17] Club des Jacobins, séance du 29 mai 1793.

[18] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 400.

[19] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 400.

[20] Voyez le volume précédent.

[21] Voyez, plus loin, ce que René Levasseur dit de l'attitude des amis de Danton, dans la séance du 31 mai.

Les divers historiens de la Révolution ont eu presque tous la manie, on pourrait dire, les uns pour mieux grandir Danton, les autres pour mieux le flétrir, de lui attribuer, par voie de supposition, les principaux mouvements révolutionnaires de l'époque. Rien de plus contraire aux faits que cette supposition. Le 10 août, Danton ne fut point au nombre des meneurs qu'on peut citer, et il parut à peine ; il ne parut pas du tout le 20 juin ; en septembre, il ne fit que suivre le torrent populaire, et il est ridicule de lui attribuer le 31 mai sur ce mot de lui : Nous leur prouverons que nous les passons en vigueur révolutionnaire, comme si ce langage n'était pas alors celui de tous les Montagnards.

[22] Dans son Histoire des Montagnards, t. II, p. 350-353, M. Esquiros donne, composé sur des notes de la sœur de Marat, le discours que Marat prononça le 30 mai à l'Évêché.

[23] Ils ont été cités plus haut.

[24] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 401.

[25] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 401.

[26] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 402.

[27] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 401 et 402.

[28] C'est ce que le 29 il avait dit à Garat, selon le témoignage de ce dernier. Voyez ses Mémoires, ubi supra, p. 400.

[29] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 400.

[30] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 402.

[31] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 401.

[32] Voyez le compte rendu de la séance du 30 à la Commune, dans l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 305.

[33] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 403.

[34] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 403.

[35] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 403.

[36] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 404.

[37] Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 300 et suiv.

[38] Fragment, par M. le comte Lanjuinais, pair de France, ancien conventionnel, à la suite de l'Histoire de la Convention nationale, par Durand de Maillane.

[39] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 405.

[40] Mémoires de Louvet, p. 88.

[41] Mémoires de Louvet, p. 88.

[42] Séances de la Commune des 30 et 31 mai 1793.

[43] Mémoires de Louvet, p. 89.

[44] Mémoires de Louvet, p. 89.

[45] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 405.

[46] Commune, séances des 30 et 31 mai 1793.

[47] Michelet, Histoire de la Révolution, t. V, liv. X, chap. X, p. 553.

[48] Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 306.

[49] Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 307.

[50] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 307.

[51] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 308.

[52] Mémoires de Garat, ubi supra, p. 376.

[53] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 324.

[54] Commune, séances des 30 et 31 mai 1793.

[55] Précis rapide des événements des 30 et 31 mai, 1er et 2 juin 1793, par Gorsas.

[56] Récit de la Chronique de Paris.

[57] Récit de la Chronique de Paris.

[58] Commune, séances des 30 et 31 mai 1793.

[59] Commune, séances des 30 et 31 mai 1793.

[60] Voyez son discours, t. XXVII, p. 329 de l'Histoire parlementaire.

[61] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 331.

[62] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 335.

[63] Voyez les Mémoires de madame Roland, t. I, p. 11 et 12. — Édition P. Faugère, Paris, 1864.

[64] Voyez le texte, Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 334 et 335.

[65] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 334 et 335.

[66] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 338.

[67] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 338 et 339.

[68] Mémoires de Louvet, p. 95. — A cette nomenclature, Louvet ajoute Fournier, Américain. Le fait est que Fournier avait longtemps vécu en Amérique, ce qui le faisait désigner sous le nom de Fournier l'Américain ; mais en réalité il était Français, étant né dans le Limousin. Voyez les Mémoires de Meillan, p. 25.

[69] Voyez le procès-verbal de la Commune, séance du vendredi 31 mai 1793, dans l'Histoire parlementaire, t. XVII, p. 516.

[70] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 318.

[71] C'est le mot employé dans le procès-verbal.

[72] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 318.

[73] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 321.

[74] Récit de la Chronique de Paris.

[75] Voyez le discours de Couthon, Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 339 et 340.

[76] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 339 et 340.

[77] Voyez sur ce point les Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VII, p. 254.

[78] Voyez sur ce point les Mémoires de René Levasseur, t. I, chap. VII, p. 254.

[79] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 341 et 342.

[80] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 343 et 344.

[81] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 343 et 344.

[82] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 343 et 344.

[83] Séance du 31 mai 1793.

[84] Mémoires de Levasseur, t. I, chap. VII, p. 253 et 254.

[85] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 349.

[86] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 349.

[87] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 350.

[88] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 349.

[89] Voyez le texte, Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 351.

[90] Voyez les Mémoires de Levasseur, t. I, chap. VII, p. 254.

[91] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 351.

[92] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 351 et 352.

[93] Cette circonstance est mentionnée formellement dans le procès-verbal du 31 mai. Voyez ce que disent à cet égard les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 406.

[94] Récit de la Chronique de Paris. — Précis des événements, par Gorsas.

[95] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 351 et 352.

[96] Mémoires de madame Roland, t. I, p. 15 et 14. — Édition P. Faugère, Paris, 1864.

[97] Récit de la Chronique de Paris.