HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME SIXIÈME

LIVRE SEPTIÈME

 

CHAPITRE XII. — LE PEUPLE AUX TUILERIES.

 

 

Lettre menaçante de Lafayette à l'Assemblée. — Complot tramé chez ma- dame Roland. — Robespierre ne veut pas d'une insurrection partielle ; pourquoi il envoie Chabot dans les faubourgs. — Les exhortations de Chabot combattues par les menées des amis de Brissot, Boisguyon et Girey-Dupré. — Les grands agitateurs s'abstiennent. — Meneurs subalternes à l'œuvre. — Correspondance entre Pétion et le Directoire. — Incertitudes de Pétion. — Idée que lui suggère Saint-Prix et qu'il adopte. — Nuit du 19 au 20 juin. — Caricature qui représente Louis XVI et le duc d'Orléans jouant au piquet. — Ébranlement des faubourgs. — Procession pacifique. — L'officier municipal Mouchet. — Mouchet dans la chambre à coucher de Louis XVI. — Conduite remarquable des Girondins. — Le peuple dans l'Assemblée, véritable physionomie de l'événement. — Le peuple sur la place du Carrousel, ne sachant que faire. — L'ex-ministre Clavière fait circuler le mot d'ordre de la Gironde, Rappel des bons ministres. — Arrivée de Santerre sur le Carrousel. — Invasion du château. — Louis XVI et le peuple face à face. — Attitude du peuple. — Attitude du roi. — La vérité sur le fait du roi coiffé d'un bonnet rouge. — Il cède tout sur la forme, rien sur le fond. — Je suis bien ici, je veux y rester. — Manuel et Dumouriez dans le jardin des Tuileries. — Vergniaud et Isnard accourent auprès de Louis XVI. — Le verre de vin offert à Louis XVI, acte de dévouement affectueux. — Pétion harangue le peuple. — Il s'écoule. — La multitude défile devant la reine. — La vérité sur cette scène. — Le 20 juin, acte de badaudisme de la part des Parisiens ; faute commise par la Gironde ; journée des dupes.

 

Comme nous allons présenter sous un jour tout à fait nouveau la fameuse journée du 20 juin, il importe que nous fassions remarquer au lecteur que, laissant de côté et les Mémoires du temps, écrits sous l'empire des passions de parti, par des hommes qui n'avaient pas été témoins de l'événement, et tant d'histoires dont les auteurs, se copiant l'un l'autre, n'ont fait que servir d'échos aux mêmes erreurs, nous avons basé notre récit sur l'enquête même à laquelle le 20 juin donna lieu, enquête que le BRITISH MUSEUM a mise sous nos yeux — n° 6* Bibliothèque historique de la Révolution — et qui offre le plus imposant, le plus irrécusable ensemble de documents officiels et authentiques : déclarations de témoins oculaires, dénonciations signées, rapports, procès-verbaux, le tout imprimé, dans ce temps-là, par ordre du conseil général et publié sous le sceau de l'autorité publique.

C'est sur ces pièces que, longtemps après l'événement, Rœderer composa le récit publié en 1852 sous le titre de Chronique de cinquante jours. Mais il n'est pas exact, comme le prétendent les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XV, p. 119, que ce travail, qu'ils se bornent à reproduire, soit une analyse fidèle des matériaux réunis contre les fauteurs du 20 juin par le département de Paris. En comparant l'œuvre de Rœderer avec les documents qui lui ont servi, nous avons noté, tout d'abord, plusieurs omissions graves, plusieurs erreurs ; et même il se trouve qu'en ce qui touche la conduite personnelle de l'auteur, au 20 juin, le récit publié par lui en 1852 n'est pas strictement conforme au Rapport qu'il eut à publier, comme magistrat, en 1792. Or, comme nous avions à notre disposition les mêmes matériaux qu'il avait employés, nous avons refait son travail, en rectifiant ses inexactitudes et en réparant ses omissions.

Par le récit qu'il va lire, lequel s'appuie sur des données incontestables, dont les indications mises par nous au bas de chaque page rendent d'ailleurs la vérification très-facile, le lecteur verra dans quelles étranges, dans quelles déplorables altérations de la vérité sont exposés à tomber les historiens qui, au lieu de remonter aux sources premières, quand elles existent, se bornent à copier leurs prédécesseurs, en masquant ce plagiat fait au hasard, soit par des artifices de style, soit par des ornements tirés de leur seule imagination.

 

Pendant que la Cour descendait à ces obscures manœuvres, Lafayette, dans son camp, songeait à sauver par quelque coup hardi ce trône qu'il avait tant contribué lui-même à ébranler. Ne justifiant que trop bien les craintes prévoyantes si souvent exprimées par Robespierre, il n'avait pas attendu le renvoi des ministres girondins pour parler à la façon de Cromwell. Lorsque Roland était encore au ministère, une correspondance ouverte entre ce dernier et le général, par suite de quelques propos d'officiers, avait dévoilé d'étranges périls. A une lettre de Roland, calme et ferme, Lafayette avait fait une réponse que terminaient ces mots impérieux, menaçants : Je compte sur mon armée autant qu'elle compte sur moi. Notre confiance réciproque est fondée sur l'amour de la liberté, le respect de la loi, la haine des factions et le mépris de leurs chefs[1].

Le 18 juin, c'est-à-dire le jour même où Louis XVI acceptait la démission de Dumouriez, et annonçait à l'Assemblée la création d'un nouveau ministère, on remit au président une lettre que Lafayette, du milieu de ses soldats, adressait aux représentants du peuple. Or, les premières lignes, à défaut d'autre preuve, suffisaient pour démontrer que le renvoi, non-seulement des Girondins, mais de Dumouriez, était le résultat d'une intrigue secrète, ourdie entre les Feuillants qui fréquentaient la Cour, Louis XVI et Lafayette :

J'apprends, écrivait le général, qu'un ministère que ma correspondance accusait depuis longtemps, a succombé sous ses propres intrigues ; car, sans doute ce n'est pas en sacrifiant trois collègues asservis par leur insignifiance à son pouvoir que le moins excusable, le plus noté de ces ministres (Dumouriez) aura cimenté, dans le Conseil du roi, son équivoque et scandaleuse existences[2].

Lafayette savait donc avant le 16 juin, date de sa lettre, que Dumouriez menaçait de donner sa démission, et qu'elle serait acceptée[3].

Après cet exorde, le signataire en venait à des conseils qui ressemblaient à des ordres : Des ennemis intérieurs nous fatiguent de leur insolente malveillance : vous devez, messieurs, les réprimer. — Ce n'est pas sans doute au milieu de ma brave armée que les sentiments timides sont permis. — Toutes les vertus civiques et militaires, je les trouve ici. — Ici on ne connaît ni les calomnies ni les factions. — Il faut que le roi soit révéré. — Il faut que le règne des clubs, anéanti par vous, fasse place au règne de la loi, etc., etc.[4]

C'était parler en maître, et l'Assemblée eût dû se sentir blessée jusqu'au fond du cœur. Pourtant, des applaudissements éclatèrent de toutes parts. L'impression fut même décrétée à une très-grande majorité[5]. C'est qu'au fond l'Assemblée était Feuillantine ; mais les Girondins exerçaient sur elle une puissance de fascination, et l'opinion publique l'entraînait.

En cette occasion, ce fut Vergniaud qui, le premier, quoique timidement, essaya de changer la disposition d'esprit de ses collègues. Tout en reconnaissant que la Constitution était chère à Lafayette, et que jusqu'alors il avait défendu la liberté avec succès, il parut surpris que directement un soldat s'adressât à l'Assemblée pour lui donner des avis : Que sont les conseils d'un général d'armée, si ce ne sont des lois ?[6] Grande agitation. Guadet assure que Lafayette n'a pu connaître le 16 la démission de Dumouriez, qui n'a eu lieu que le 18, et il part de là pour révoquer en doute l'authenticité de la lettre.

A ces mots, Mathieu Dumas se lève brusquement : Cette signature est bien celle du général ; je la connais. Sans se déconcerter, Guadet reprend : Il est impossible que M. de Lafayette soit l'auteur de la lettre qui vient de vous être lue ; M. de Lafayette sait que lorsque Cromwell. Nouvelle interruption de Mathieu Dumas. Le tumulte devient général. Je disais, continue Guadet, que lorsque Cromwell tenait un pareil langage, la liberté était perdue en Angleterre. Chacun comprit ce que cela voulait dire. Au lieu de l'envoi aux départements, que les Feuillants demandaient avec passion, Carnot le jeune proposait le renvoi à un comité : c'est ce qui fut décrété les opinions flottantes ou craintives ayant, cette fois encore, subi l'ascendant de la Gironde[7].

Terrible fut l'explosion au dehors. Du haut de la tribune des Jacobins, Collot d'Herbois, Chabot, Réal, Robert, Bazire, tonnèrent contre la lettre du nouveau dictateur ; Fabre d'Églantine et Danton firent adopter la motion d'inviter par affiche toutes les sections à s'assembler ; Condorcet et Fauchet s'indignèrent bien haut ; Brissot, qui avait toujours jusque-là gardé quelques ménagements pour Lafayette, donna le plus grand éclat à leur rupture[8] ; et Robespierre dressa contre le général un acte d'accusation qui aboutissait à ce résumé formidable : Il n'y a pour l'Assemblée nationale que deux alternatives : il faut, ou qu'elle déploie contre Lafayette une énergie digne de cet attentat, ou qu'elle descende au dernier degré de l'avilissement[9].

Le 19 juin, sur la motion de Condorcet, l'Assemblée venait de rendre un décret portant que tous les titres généalogiques placés dans un dépôt public seraient brûlée[10], lorsque Louis XVI lui fit annoncer qu'il opposait son veto aux décrets des 24 mai et 8 juin. Dans une lettre particulière au roi, Lafayette lui avait écrit : Persistez, sire, fort de l'autorité que la volonté nationale vous a déléguée[11]. Et le roi persistait. A cette nouvelle, un silence singulier régna dans la salle, silence de satisfaction de la part des Feuillants, de fureur concentrée de la part des Girondins.

Puis l'Assemblée passa froidement à l'ordre du jour. Ce fut alors que Rouyer ayant appelé l'attention de la France sur la faiblesse des armées que la royauté opposait à l'ennemi, cette exclamation ironique se fit entendre : Eh ! si le roi trouve qu'il y a assez de soldats ![12]

On était à la veille du 20 juin, anniversaire du serment du Jeu de Paume, et depuis plusieurs jours déjà l'idée se trouvait répandue parmi le peuple de célébrer cet anniversaire fameux par la plantation sur la terrasse même des Feuillants d'un arbre de la Liberté.

Mais à cette inspiration toute populaire s'étaient associés des calculs de parti. Rejetés du haut du pouvoir dans la Révolution, les Girondins voulaient que Paris les relevât ou les vengeât. Un mouvement des faubourgs, alors même qu'il n'eût pas couronné leur ambition, attestait leur puissance et consolait leur orgueil. Sergent, alors administrateur de la police, apprit par des rapports fidèles qu'un complot se tramait chez madame Roland. Les moteurs principaux qu'on lui indiqua étaient Roland, Clavière, Gensonné, Guadet, Brissot. D'autres, moins en vue, se chargèrent du rôle d'excitateurs. Le mot d'ordre était Rappel des bons ministres[13].

Robespierre fut averti, et ses craintes s'éveillèrent. Que le trône pérît emporté dans un orage, il attendait ce moment avec un calme terrible ; et à cause de cela même, il ne voulait pas qu'on risquât de tout compromettre, en tout précipitant. Une agitation ayant pour mot d'ordre le rappel au pouvoir de ceux qui la fomentaient lui paraissait plus propre à conduire au succès d'une intrigue qu'à la vengeance ou à la victoire d'un principe. Dans sa défiance, certainement excessive, injuste même, à l'égard des Girondins, quoique expliquée par l'injustice contraire de leurs attaques, il tremblait que le peuple ne fût pris pour jouet, comme il arrive trop souvent, par quelques ambitieux, et que les faubourgs, poussés en avant, n'épuisassent dans une démonstration vaine, ou à la poursuite d'un but trompeur, une énergie bonne à réserver pour un coup décisif[14]. Déjà, le 13 juin, il avait invité le club des Jacobins à se tenir en garde contre les insurrections partielles qui ne font qu'énerver la chose publique[15]. Telle était aussi l'opinion des Jacobins les plus énergiques, celle du trio cordelier, composé de Merlin de Thionville, Bazire et Chabot, celle de Chabot surtout. Girey-Dupré et Boisguyon, amis de Brissot, sachant combien contagieuse était la turbulence de l'ex-capucin, mirent tout en œuvre pour le gagner à leurs vues, mais ce fut inutilement. Plus docile à l'impulsion de Robespierre, il alla au faubourg Saint-Antoine, avec quelques amis, conjurer le peuple de se borner à une simple pétition, d'attendre l'arrivée des Marseillais, et de ne se lever, quand le moment serait venu, que pour renverser le trône[16].

Or, rien n'était mûr encore, et les grands agitateurs le sentaient si bien, qu'aucun d'eux ne parut, cette fois, sur la scène. Plus paresseusement que jamais, Camille Desmoulins s'oublia auprès de Lucile. Danton avait, il est vrai, déclaré aux Jacobins qu'il s'engageait à porter la terreur dans une cour perverse, mais en expliquant que le moyen pour cela était de lever un impôt sur les riches et de renvoyer Marie-Antoinette en Autriche[17], ce qui n'avait aucun trait au mouvement projeté, dans lequel en effet nul ne rencontra sa personne, nul n'entendit sa voix, nul n'aperçut sa trace. Marat, Marat lui-même, cet infatigable apôtre des révoltes armées, ne remplit la journée du 20 juin que de son absence et de son silence.

Quels furent donc les excitateurs dont la passion s'alluma au souffle de la Gironde, et qui à leur tour agitèrent les faubourgs ? Ce furent des meneurs subalternes, plus emportés qu'intelligents : le bossu Buirette-Verrières, qui avait encore sur ses mains le sang versé aux 5 et 6 octobre ; Legendre, qui cherchait un emploi à sa violence ; Fournier l'Américain, qui apportait dans le meurtre les fureurs de l'amour ; l'élégant Polonais, Lazouski ; Gonor, un des vainqueurs de la Bastille ; Rotondo ; le sapeur Nicolas ; le futur général Rossignol, alors orfèvre, et enfin Santerre, que les faubourgs aimaient, parce que c'était un hercule bonhomme, un richard sans morgue, un patriote exalté mais point méchant, et, pour tout dire, un brasseur qui, de très-bonne grâce, laissait le pauvre peuple boire sans payer. Chez ce dernier, et, quelquefois, dans la salle du comité de la section des Enfants-Trouvés, se tinrent les conciliabules nocturnes[18] où se prépara la bruyante et stérile aventure du 20 juin.

Si ce fut une conspiration, il faut convenir qu'il n'y en eut jamais de plus étrange ; car, dès le 16, les meneurs allèrent tout simplement demander au conseil général de la commune l'autorisation de faire la démarche projetée, laquelle devait consister, pour le peuple, à s'armer, à se mettre processionnellement en marche, à planter sur la terrasse des Feuillants un arbre de la Liberté, et à présenter à l'Assemblée nationale une pétition pour la sanction des décrets[19].

Le conseil général ne pouvait ignorer que la loi proscrivait les rassemblements armés, à moins qu'ils ne fissent partie de la force légalement requise. Il passa donc à l'ordre du jour, et ordonna que son arrêté serait d'abord envoyé au directoire du département, puis communiqué au corps municipal[20]. Sur quoi, deux des meneurs, Alexandre et Santerre, dirent d'un ton résolu : Rien n'empêchera les citoyens de toutes armes de marcher[21].

Pétion était très-incertain. Comme homme de parti, il inclinait à favoriser le mouvement. Comme maire, il avait à faire respecter la loi. Il passa la journée du 17 dans cette incertitude, et ce fut le 18 seulement qu'il adressa au directoire l'arrêté pris deux jours auparavant par le conseil général de la commune[22].

Le lendemain, il était mandé au sein du directoire, et là, en sa présence, on décidait que la municipalité et le commandant supérieur de la garde nationale prendraient les mesures nécessaires pour contenir ou réprimer les perturbateurs du repos public[23].

Situation tragique ! Si la menace de Santerre et d'Alexandre se vérifiait, si Paris se levait portant sa pétition au bout d'une pique, que ferait Pétion ? Risquerait-il de noyer sa popularité dans le sang ? Déjà les fantômes livides du Champ de Mars se dressaient devant lui. Vivement ému, il envoya une ordonnance de cavalerie chercher l' acteur Saint-Prix, commandant du bataillon du Val-de-Grâce, et ardent royaliste. Interrogé sur les dispositions de sa section, Saint-Prix répondit : J'aurais pu, monsieur le maire, vous en rendre compte il y a six semaines ; mais depuis il s'est formé, à la porte Saint-Marcel, un club qui fait fermenter toutes les têtes...[24] Pétion garda le silence, perdu qu'il était dans ses pensées ; et ce fut alors que Saint-Prix lui conseilla de faire servir la garde nationale elle-même de cadre aux pétitionnaires armés, de façon à donner au mouvement, si on ne le pouvait empêcher, une apparence légale[25].

Cette idée frappa Pétion ; elle servait ses vues d'homme de parti, tout en couvrant sa responsabilité comme magistrat : à minuit, il écrivit dans ce sens à Rœderer, procureur général syndic du département ; et celui-ci, approuvant la proposition sans toutefois l'adopter, convoqua sur-le-champ le directoire pour la lui soumettre. Le résultat fut qu'on ne devait pas composer avec la loi. Nouvelle lettre de Pétion, très-vive, très-pressante. Le directoire déclara sèchement qu'il persistait[26].

C'en est fait : on n'est plus séparé que par une nuit de l'événement prévu. Que porte-t-il dans ses flancs ? Les sections sont rassemblées, elles veillent. Ceux qui les président échangent entre eux des lettres passionnées touchant la cérémonie du lendemain[27]. Aux Quinze-Vingts, Chabot fait décider qu'on ira à l'Assemblée sans armes, par une députation conforme à la loi. Mais des émissaires de la Gironde parcourent les quartiers populeux et leur soufflent de plus audacieuses pensées[28]. La terreur est aux Tuileries. Depuis deux jours, le roi a déposé son testament chez trois notaires, et la famille royale a fait aux personnes attachées à son service les derniers dons de son souvenir[29]. Car on parle d'un régicide froidement médité, et l'on commente d'une manière sinistre certaine caricature qui, les jours précédents, a couvert les murs des quais. Elle représentait Louis XVI jouant au piquet avec le duc d'Orléans, portant la main à sa couronne pour la retenir, et disant : J'ai écarté les cœurs, il a pour lui les piques... J'ai perdu la partie[30].

Du reste, à l'Hôtel de Ville, immobilité complète, silence de mort. Seulement, Romainvilliers, commandant de la garde nationale, a envoyé prévenir les chefs de bataillon de se tenir prêts à marcher[31].

Le 20 juin, de grand matin, Pétion écrivait aux commandants des divers postes d'obéir au directoire, et en même temps il chargeait plusieurs officiers municipaux d'aller dans les faubourgs demander respect pour la loi[32].

Déjà tout était en mouvement. De chaque maison sortaient, se hâtant vers les points de réunion convenus, hommes armés ou sans armes, en uniforme bleu ou en haillons, gardes, bourgeois, femmes, enfants. Un volontaire courait de rue en rue, tenant un papier à la main, et lisant : Tous les citoyens de la section se rendront au quartier général, armés des armes qu'ils voudront. SAINT-PRIX. Mensonge d'insurgé ! L'ordre était libellé en ces termes : Tous les citoyens de la section se rendront au quartier général, pour être prêts à marcher au premier signal. SAINT-PRIX[33]. De sorte que les chefs royalistes ne pouvaient pas même trouver un homme qui consentit à lire leurs proclamations sans les altérer !

Au poste du Val-de-Grâce, autre circonstance caractéristique, ce fut la garde nationale elle-même qui fit signe aux gens à piques de s'emparer des canons ; et lorsque, la pâleur sur le front, la rage dans le cœur et l'épée au poing, Saint-Prix accourut pour les défendre, pas une voix sympathique n'applaudit à son courage, et, sauf deux officiers, tous ses camarades l'abandonnèrent[34].

L'entraînement était donc général, et toutefois la violence n'avait aucun empire sur les âmes. Joie, curiosité, bonne humeur, voilà ce qu'exprimaient les physionomies. On se faisait une fête de défiler devant l'Assemblée. Plusieurs avaient eu déjà cet honneur : pourquoi pas tous ? Cela n'était pas juste. Et puis, on serait admis dans la demeure royale, peut-être ; on pourrait voir, et de près, le roi, la reine, leurs enfants, que beaucoup n'avaient jamais vus. Aussi, quelle impatience ! On ne marchera donc pas ? disaient les uns ; et les autres de répliquer : Et qui nous en empêcherait ? La confiance était entière : est-ce que Pétion n'était pas là ?[35]

Ainsi pensait, ainsi parlait le peuple au faubourg Saint-Antoine, quand les officiers municipaux se présentèrent pour le haranguer. Et comme ils furent touchés du cordial accueil qu'ils reçurent ! Tous ces hommes jugés si farouches par la Cour, répondaient à la fois qu'ils connaissaient la loi parfaitement ; qu'ils n'entendaient pas y manquer ; que leurs motifs étaient purs ; que tous faisaient bien, les officiers municipaux en remplissant leur devoir de magistrats, et eux en remplissant leur devoir de bons citoyens. Mais qu'on ne s'avisât pas de leur opposer des canons ! Ils en avaient, eux aussi. Et ils les montraient d'un air résolu. Les envoyés de l'Hôtel de Ville résistèrent tant qu'ils purent ; mais enfin les plus animés crièrent : Allons ! allons ! en voilà bien assez. En avant, M. le commandant ! L'ordre fut donné : tout le faubourg s'ébranla[36].

Cette marche n'avait rien du caractère sombre, épouvantable, que tant d'écrivains se sont complu à lui attribuer. Ce n'étaient ni apostrophés insultantes, ni sarcasmes atroces, ni éclats de voix succédant à des intervalles de silence farouche ; on marchait paisiblement, gaiement[37].

Vous eussiez dit un fleuve immense grossi dans son cours par des milliers de rivières et de ruisseaux. La fraternité et l'égalité faisaient les honneurs de cette fête où s'avançaient pêle-mêle, et se donnant le bras, des gardes nationaux ; des artisans, des invalides presque centenaires, la corporation des charbonniers, les forts de la halle, des mères suivies de leurs enfants[38]. Nulle bannière injurieuse ne flottait au vent ; nulle pique n'apparaissait surmontée d'allégories menaçantes : les emblèmes effrayants dont on a tant parlé ne se produisirent aux Tuileries et à l'Assemblée que plus tard : ils furent comme improvisés dans la scène de l'invasion et grâce à son tumulte[39]. Les inscriptions adoptées par le cortège étaient : La nation et la loi !Quand la patrie est en danger, tous les sans-culottes se lèvent. — Nous ne voulons que l'union. — Avis à Louis XVI. — Peuple, garde nationale, nous ne faisons qu'un cri... et autres devises du même genre. Ceux-ci, il est vrai, étaient armés de piques ; ceux-là de bâtons ferrés, de haches, de marteaux, même de pelles et de couteaux emmanchés ; mais beaucoup étaient sans armes d'aucune espèce ; et quant aux citoyens qui, non moins inoffensifs, avaient trouvé plaisant de prendre une sorte d'allure guerrière, ils avaient si peu pour but de multiplier l'horreur de la mort en la présentant sous mille formes cruelles et inusitées[40], que partout on apercevait, se confondant avec le fer et l'acier, des épis de blé, des rameaux verts et des bouquets de fleurs[41]. Une joie franche animait ce tableau mouvant[42], gagnait jusqu'aux âmes rebelles ; et il ne faut pas s'étonner si Pétion, dans son rapport imprimé, put écrire : Je restai jusqu'à deux heures et demie à la maison commune. Toutes les nouvelles étaient excellentes ; le spectacle était beau ; de la joie, de la gaieté ; les propriétés étaient respectées ; pas une plainte particulière. Je me rendis à la mairie plein de calme et de sécurité[43].

Ce qui forme aujourd'hui la rue de Rivoli, depuis le château jusqu'à la rue Castiglione, formait alors la cour du Manège, bâtiment d'environ cent cinquante pieds de longueur que l'Assemblée constituante avait approprié à son usage, lorsqu'elle quitta Versailles, et qui s'étendait parallèlement à la terrasse des Feuillants. Arrivée à la hauteur des Tuileries, après avoir monté la rue Saint-Honoré, la foule aurait pu, pour pénétrer jusqu'à la salle de l'Assemblée, entrer dans la cour du Manège ; mais cette cour était longue, étroite : il parut dangereux de s'y engager. On préféra donc suivre la rue Saint-Honoré jusqu'à la hauteur de la place Vendôme, et se présenter par la porte des Feuillants[44].

Mais dans ce moment même, l'admission des pétitionnaires était, au sein de l'Assemblée, l'objet d'un débat orageux. Rœderer était venu lui faire part des craintes du Directoire, en appeler d'une tolérance anarchique à l'exécution stricte de la loi, et il avait terminé son discours par ces paroles fermes : Nous demandons que rien ne diminue l'obligation où nous sommes de mourir pour le maintien de la tranquillité publique[45].

La conduite des Girondins en cette circonstance mérite d'être remarquée. Au fond, il ne leur échappait pas qu'ouvrir l'Assemblée à des bandes de visiteurs en armes, c'était mettre à la merci de toutes les séditions possibles la liberté de ses débats, l'indépendance de ses votes, la dignité de ses membres, la perdre enfin ; mais, par un aveuglement ordinaire aux partis, ils s'imaginaient qu'il serait toujours à temps d'arrêter, quand il leur deviendrait contraire, un élan qu'ils entendaient favoriser, tant qu'il leur restait favorable. Ils ne prévoyaient pas le 31 mai !

Vergniaud n'hésita donc pas à opiner qu'il fallait permettre à la multitude de défiler devant l'Assemblée, s'appuyant sur l'exemple qu'en avait donné l'Assemblée constituante d'abord, puis la Législative, lorsque, le 9 avril, elle avait admis la foule se pressant sur les pas des Suisses de Châteauvieux. Il reconnaissait d'ailleurs la gravité des circonstances, laissait percer l'appréhension, vague encore et cependant importune, que lui causaient les futurs périls... et proposait qu'une députation de soixante membres se rendît chez le roi jusqu'à ce que l'attroupement fût dissipé[46]. Dumolard appuya cette dernière partie de la motion de Vergniaud, mais en repoussant celle de l'admission des gens armés. Ramond était à la tribune et s'attachait à réfuter Vergniaud, quand tout à coup on remet au président un billet du commandant de la garde.... Huit mille hommes armés insistaient pour être admis ! Puisqu'ils sont huit mille, s'écrie Calvet d'une voix ironique et amère, puisqu'ils sont huit mille et que nous sommes seulement sept cent quarante-cinq, je propose que nous levions la séance. Calvet est rappelé à l'ordre. Ramond reprend : Si huit mille hommes attendent à votre barre votre décision, vingt-cinq millions d'hommes ne l'attendent pas moins. Je continue... Mais pressé par l'impatience des auditeurs, il finit en demandant qu'au moins les pétitionnaires déposent leurs armes à la porte. Guadet s'y oppose et rappelle les précédents. Allons, s'écrie Mathieu Dumas, voici l'heure suprême où il faut faire son devoir ! A peine ces mots sont-ils prononcés, que l'irruption des pétitionnaires, qui paraissent à la barre, et les applaudissements enthousiastes des tribunes, jettent l'Assemblée dans la plus grande confusion. Debout et irrités, les membres du côté droit protestent, ils invoquent l'inviolabilité du sanctuaire de la loi : L'Assemblée n'a pas encore prononcé. Retirez-vous ! Retirez-vous ! Et, respectueuse jusque dans les emportements de son patriotisme, la députation se retire[47]. Alors seulement, son admission fut mise aux voix et décrétée.

Elle rentre, et Huguenin, son orateur, lit une pétition pleine de colère, pleine de menaces, et qui, à cause de cela même, répondait fort peu aux dispositions de la foule :

..... Au nom de la nation, qui a les yeux fixés sur cette ville, nous venons vous assurer que le peuple est debout. La trame est découverte, l'heure est arrivée ; le sang coulera, ou l'arbre de la liberté que nous venons planter fleurira en paix... Le pouvoir exécutif n'est point d'accord avec vous, témoin le renvoi des ministres patriotes. Les ennemis de la patrie s'imagineraient-ils que les hommes du 14 juillet sont endormis ? Leur réveil est terrible. Nous nous plaignons, messieurs, de l'inaction de nos armées ; nous demandons que vous en pénétriez la cause. Si elle dérive du pouvoir exécutif, qu'il soit anéanti !... Le peuple est là, il attend dans le silence une réponse digne de sa souveraineté. Législateurs, nous demandons la permanence de nos armes jusqu'à ce que la Constitution soit exécutée[48].

 

Français de Nantes présidait. Il répondit, avec un courage qui n'excluait pas l'habileté, que les trames des conspirateurs seraient déjouées, mais qu'aux lois seules il appartenait de venger le peuple.

Les pétitionnaires ayant ensuite traversé la salle au milieu des applaudissements du côté gauche et des tribunes, l'Assemblée décréta que les citoyens des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine seraient admis[49].

Pendant ce temps, voici ce qui s'était passé au dehors.

L'avant-garde de l'armée populaire s'étant trouvée arrêtée au seuil de l'Assemblée, dont la porte n'avait laissé passer que les commissaires, une foule ardente s'était jetée dans le passage qui conduisait à la terrasse des Feuillants ; mais aussitôt des ordres partis du château avaient fait fermer la grille du jardin. Alors, renonçant à planter sur la terrasse l'arbre de la Liberté, ceux qui l'escortaient se détournèrent dans le potager des Capucins, à quelques pas de là, et ce fut, faute de mieux, a cette terre classique des préjugés anciens qu'ils confièrent l'emblème de la foi nouvelle.

Mais, le long de la rue Saint-Honoré, la multitude arrivait de plus en plus dense ; elle arrivait comme la mer, les vagues poussant les vagues ; et elle s'amoncelait dans le passage sans issue, et elle y écumait. A la fin, l'engorgement devenant effroyable, la pression meurtrière, des clameurs s'élèvent, et la grille tremble sous des coups redoublés. Trois officiers municipaux, Mouchet, Boucher. Saint-Sauveur et Boucher-René, accourent ; ils essayent de calmer le peuple ; mais on leur répond par ce cri : Nous étouffons ! En ce moment, au lieu d'ouvrir la grille, un officier nommé Tassin, qui se trouvait dans l'intérieur du jardin, fait avancer des canons. Le sang allait donc couler à flots, si les officiers municipaux, saisis d'effroi, ne se fussent entremis. Revêtus de leurs écharpes, ils arrêtent les canons, et se rendent en toute hâte au château pour parler à Louis XVI[50].

Le roi était dans sa chambre à coucher, entouré de personnes toutes vêtues de noir[51], parmi lesquelles Terrier-Monteil, ministre de l'intérieur. A peine introduits, les trois officiers municipaux se plaignirent de ce que la porte donnant sur la terrasse des Feuillants eût été fermée.

Mouchet dit que le rassemblement marchait sous l'égide de la loi ; qu'il se composait de citoyens paisibles conduits par le désir de célébrer l'anniversaire du Jeu de Paume ; que ces citoyens étaient armés des mêmes armes et portaient les mêmes habits qu'à une époque glorieuse ; que l'aspect des canons pointés contre eux leur avait causé une indignation profonde, parce qu'ils ne méritaient pas d'être soupçonnés. Le roi répondit : Vous devez faire exécuter la loi. Entendez-vous avec le commandant de la garde. Si vous le jugez nécessaire, faites ouvrir la porte de la terrasse des Feuillants, et que les citoyens, défilant le long de cette terrasse, sortent par la cour des écuries[52].

Cet ordre avait déjà cessé d'être nécessaire ; car l'Assemblée venait d'admettre l'admission de la foule, comme il a été raconté plus haut, et c'était par la porte de la salle des délibérations, toute grande ouverte, qu'elle s'écoulait maintenant.

Spectacle inouï ! On vit entrer pêle-mêle des musiciens, les gens à piques, forts de la halle et charbonniers, des gardes, des mendiants, de curieuses jeunes filles, de pauvres mères traînant par la main leurs enfants demi-nus, et dont le visage pâle souriait. C'était une revue de cette civilisation pleine de navrants contrastes, fille de l'ignorance mariée au crime. La misère était là, mais comme en vacances. Les fusils, les lances, les épées brillaient, mais à travers des branches d'oliviers. Quelques femmes portaient un sabre nu... et dansaient. D'autres chantaient le Ça ira, hymne sauvage adressé à la plus clémente des déesses, l'Espérance. 0 désordre ! ô bouffonnerie poignante de certaines joies populaires ! de quelle accusation profonde vous poursuivez les maîtres de la terre ! Il est trop vrai que des culottes déchirées, mises au bout d'un bâton, furent saluées par quelques cris, et qu'on vit entrer au bout d'une pique un cœur de veau avec cette inscription : Cœur d'aristocrate. Mais le dégoût général fit aussitôt disparaître le hideux emblème ; et, quant aux potences avec la figure de la reine suspendue, quant aux guillotines promenées en grande pompe, ce sont des calomnies que réfute assez l'ensemble des documents officiels réunis dans l'enquête qui fut ouverte sur le 20 juin[53]. Au reste, on peut juger du sentiment qui prévalait dans cette masse confuse par ces mots que Santerre, son principal meneur, adressa au président de l'Assemblée, en lui tendant un drapeau : Les citoyens du faubourg Saint-Antoine sont venus vous offrir leur vie pour la défense de vos décrets. Ils vous prient d'agréer ce drapeau pour les marques d'amitié que vous avez bien voulu nous donner[54].

En sortant de l'Assemblée, le peuple entra dans le jardin des Tuileries ; il se mit à défiler le long de la terrasse, pour aller sortir par la porte qui donne sur le Pont-Royal. Dix bataillons de gardes nationaux avaient été placés devant le palais, où ils formaient un front de bandière. Mais les dispositions de la foule semblaient rendre ce déploiement de forces bien inutile. L'officier municipal Mouchet, homme de mine chétive, et si petit que son écharpe traînait dans la boue2, n'eut qu'un mot à dire pour faire ôter les baïonnettes[55] ; et, traversant paisiblement le jardin, le peuple alla se présenter aux guichets du Carrousel, que gardaient les fusiliers du Petit-Saint-Antoine, mais qu'il franchit malgré leur résistance, grâce à l'intervention de quelques officiers municipaux, de Mouchet surtout, un des plus singuliers héros de cette journée[56].

On occupait le Carrousel : fallait-il que chacun regagnât ses foyers... sans avoir vu le roi ? Ils étaient tous là regardant le château, désirant d'y entrer, ne l'osant[57]. Les émissaires de la Gironde avaient beau parcourir les groupes ; l'ex-ministre Clavière avait beau se mêler à la foule et l'exciter à pénétrer aux Tuileries pour demander le rappel des ministres patriotes[58], l'hésitation était manifeste, elle était générale. Même les plus emportés sentaient peser sur eux la modération de ce peuple qui s'en allait disant : Nous ne voulons pas de mal au roi[59]. Pour soulever ce lac tranquille, il eût fallu un souffle puissant, celui de Santerre, par exemple. Il parut, accompagné de deux hommes ardents, le marquis de Saint-Huruge, le boucher Legendre ; et voyant la foule arrêtée : Eh bien ! que faites-vous là ? Il faut entrer au château. Vous n'êtes pas descendus pour autre chose... Si on refuse d'ouvrir la porte, il n'y a qu'à la briser à coups de canon[60]. Les canonniers du Val-de-Grâce se trouvaient précisément sur la place, et comme Saint-Prix leur ordonnait de reprendre la route du quartier, Non, non, s'écria le lieutenant. Le Carrousel est forcé, il faut que le château le soit. Il n'y a pas de commandant ici. Voilà la première fois que les canonniers du Val-de-Grâce marchent. Ce ne sont pas des J. F. et nous allons voir ! Puis, montrant du doigt le château : A moi, canonniers ; droit à l'ennemi ! Et les canons furent braqués contre la demeure royale[61].

Ce mouvement que la foule interpréta mal d'abord, mais que l'infatigable Mouchet se hâta de lui expliquer, précipita le dénouement. Tandis que Boucher-René, revêtu de son écharpe, intervient pour faire admettre dans les cours une députation de vingt personnes, la menace d'enfoncer la porte d'un coup de canon est entendue ; ceux de l'intérieur, alarmés, crient qu'on va ouvrir ; un canonnier lève la bascule qui assujettissait les deux battants ; les meneurs s'élancent, entraînant, comme il arrive, les curieux, les incertains ; la foule suit, et, en un instant, la cour des Tuileries regorge de monde[62].

Où étaient, pendant ce temps, les défenseurs du château ? Les personnages noirs remarqués par Mouchet dans la chambre à coucher du roi se sont éclipsés ; les gendarmes, postés sur le Carrousel, ont mis leurs chapeaux à la pointe de leurs sabres et crient Vive la nation ! Romainvilliers est dans la cour, mais l'âme troublée et comme frappé de stupeur. Au fougueux royaliste Carle, qui veut résister, il dit : Faites ôter les baïonnettes, c'est l'avis de la municipalité. — Et si l'on me sommait de rendre mon épée, d'ôter ma culotte ? répond Carle, aussi surpris qu'indigné. Sur quoi, le commandant général balbutie, et disparaît[63].

D'Éprémesnil s'était de bonne heure rendu aux Tuileries, armé de pistolets et d'une épée. Renvoyé par Louis XVI, il dit aux frères Laizardières qui l'accompagnaient et à d'Allonville : Il périra, le malheureux prince, pour n'avoir pas eu le pouvoir, il y a quatre ans, de faire tomber ma tête[64].

Voilà le peuple au bas de l'escalier du pavillon ! qui l'arrêtera désormais ? Quelques citoyens vont droit à Santerre, lui reprochant d'égarer la multitude. Lui, soit raillerie, soit prudence, il prononce, tourné vers les siens, ces paroles, singulières dans sa bouche : Messieurs, dressez procès-verbal du refus que je fais de marcher à votre tête dans les appartements du roi[65]. Saint-Huruge et Legendre, qui le comprennent, le poussent en avant, et, à leur suite, le peuple s'engouffre sous la voûte, se presse et s'entasse sur le grand escalier. Un canon était là.

Quelques hommes robustes s'en emparant, le portent à bras jusque dans la salle des Cent-Suisses. Pourquoi ? Ils ne le savaient guère eux-mêmes. Car Boucher-René accourant et blâmant cette violence, ils s'empressèrent de reconnaître qu'ils avaient tort, qu'il fallait bien vite descendre le canon ; ce qu'ils firent aussitôt, au milieu d'une confusion inexprimable, en coupant à coups de hache le tambour de la porte qui faisait obstacle, et tandis que ceux d'en bas, s'imaginant qu'on les allait foudroyer, poussaient les plus inquiètes clameurs[66].

Du fond de sa chambre, entouré de sa femme, de sa sœur et de ses enfants, Louis XVI écoutait ce bruit inaccoutumé, effrayant, immense. Tout à coup, un homme, le chef de la 2e légion, frappe à la porte. Ouvrez, ouvrez, de grâce ! Je suis Aclocq. A ce nom, à cette voix connue et amie, la porte s'ouvre, et Aclocq s'élançant vers le roi, que d'un mouvement involontaire, passionné, il étreint dans ses bras, le conjure de se montrer. Louis XVI y consent ; il passe dans la chambre du lit, où se réunissent autour de sa personne les trois ministres Beaulieu, Lajard et Terrier, quelques serviteurs fidèles, le vieux maréchal de Mouchy, et Madame Elisabeth, qui n'a pas voulu se séparer un seul moment de son frère[67].

Déjà le peuple a traversé la salle des Suisses, il a pénétré dans la seconde pièce, il se heurte à la troisième, appelée l'Œil-de-Bœuf. Madame Élisabeth fond en larmes. Mouchy, l'épée à la main, se prépare à couvrir son maître de son corps. Au dehors, les clameurs diverses qui se croisaient dans l'air, le fracas des portes violemment ébranlées, le retentissement de tant de milliers de pas sur le parquet, le froissement des armes, semblaient annoncer d'effroyables périls. En cette circonstance, le courage que déploya Louis XVI fut admirable. Quelques grenadiers de service chez la reine étant survenus, et un d'eux lui disant : Sire, n'ayez pas peur, il répondit : Je n'ai pas peur. Mettez la main sur mon cœur, il est pur[68]. Saisissant alors la main du grenadier, il l'appuya avec force contre sa poitrine.

Au même instant, des coups de massue retentissent ; on brisait les croisées, on enfonçait les portes. Aclocq raconte qu'il cria au suisse d'ouvrir ; un autre témoin dit que ce fut le roi lui-même. Le suisse obéit, et se présentant aux envahisseurs, Louis XVI d'un ton calme : Que me voulez-vous ? Je suis votre roi. Je ne me suis jamais écarté de la Constitution[69].

Toute grande foule mise en action se change bien vite en torrent ; et par là s'expliquait la brutalité de l'irruption. Mais quel fut l'étonnement du roi, lorsqu'au lieu de cette horde féroce qu'il s'attendait à voir paraître, et qu'ont si complaisamment décrite tant d'historiens infidèles, il aperçut, soudainement arrêtés devant lui des milliers de citoyens animés d'une curiosité, respectueuse d'abord, puis turbulente mais sans colère. La plupart des physionomies étaient riantes[70] ; on eût compté les visages assombris par la haine ; lorsque, après un court silence, des voix s'élevèrent pour demander le rappel des ministres patriotes et la sanction des décrets, ce fut avec l'accent d'un vœu, non d'une menace ; jamais dispositions plus inoffensives ne se produisirent au sein d'un plus bizarre désordre[71]. Un seul homme, au moment de l'invasion, fit mine de vouloir atteindre le roi[72]. Il était armé d'un long bâton que terminait une lame d'épée rouillée. Mais on l'écarta sans peine, et Louis XVI n'eut pas d'autre danger réel à courir de tout le jour. Selon le témoignage d'un officier municipal, royaliste décidé, la masse ne paraissait pas se douter que ce fût un délit de violer le domicile du représentant héréditaire de la nation[73] : palais du roi, palais du peuple. Suivant le témoignage d'un autre royaliste, député des Bouches-du-Rhône, les intentions en général étaient si peu hostiles, que plusieurs, par précaution, avaient démonté la platine de leurs fusils[74].

Toutefois, comme il était impossible de prévoir d'une manière certaine ce qui sortirait d'une telle confusion, accrue de minute en minute par les nouveaux arrivants, très- pressés à leur tour devoir la famille royale, Louis XVI s'était retiré dans l'embrasure d'une croisée, monté sur une banquette, il se montrait à tous. Madame Élisabeth se tenant près de lui, et quelques-uns la prenant pour Marie-Antoinette, objet de haines si profondes, elle dit ce mot sublime : Laissez-leur croire que je suis la reine ![75]

Quant au roi, retranché comme dans une forteresse inexpugnable, dans un respect apparent pour la Constitution, il ne cessait de répéter que la Constitution lui accordait le veto, et que le lui disputer c'était enfreindre le pacte national ; ce qui ne l'empêchait pas, d'ailleurs, d'agiter son chapeau en l'air, et de crier : Vive la nation ![76]

Ainsi attentif à ne rien céder sur le fond des choses, il amusait la foule en paraissant se plier aux formes de son patriotisme, lorsque perçant jusqu'à lui : Monsieur, lui dit Legendre, — à ce mot de Monsieur, Louis XVI fit un geste de surprise, — écoutez-nous, vous êtes fait pour nous écouter. Vous êtes un perfide ; vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore. Mais prenez garde à vous ! la mesure est comble. Le peuple est las de se voir votre jouet. Et il lut une pétition menaçante. Louis XVI l'écouta sans s'émouvoir et répondit : Je ferai ce que la Constitution m'ordonne de faire[77].

Ici se place une circonstance qui a été horriblement défigurée par presque tous les historiens. Il n'est pas vrai qu'on força violemment Louis XVI à se coiffer du bonnet rouge. Bertrand de Molleville, dont nous avons eu si souvent à relever les mensonges, rapporte une prétendue conversation dans laquelle Louis XVI se serait plaint à lui d'avoir subi l'affront de voir placer le bonnet sur ses cheveux. Ma tête, aurait observé Louis XVI, étant trop petite pour qu'il pût y entrer[78]. De son côté, dans des pages toutes noires de calomnies, mais qui ont fait loi pour l'Europe entière, Peltier, qui n'était pas là, se plaît à écrire : Un factieux enfonça lui-même le bonnet rouge sur la tête de Louis XVI. Il l'enfonça lui-même avec une longue violence, en portant ses mains sur les deux tempes de son maître. Ainsi Marcel posa jadis le chaperon à Charles V[79].

Or, ce fut Mouchet qui fit passer à Louis XVI le bonnet rouge, et voici comment ce magistrat de la cité raconte le fait dans un procès-verbal authentique imprimé par ordre du Conseil général, publié le lendemain presque de l'événement, destiné à être mis sous les yeux du roi, et dont les assertions ne furent jamais démenties : Pendant cet intervalle, un particulier portant au bout d'un long bâton un bonnet de la liberté, plusieurs personnes penchèrent le bâton vers moi, et indiquaient par ce mouvement l'intention de l'offrir au roi. Le roi présentant la main pour le recevoir, je pris le bonnet, le lui remis, et il le plaça aussitôt sur sa tête. De vifs applaudissements ont éclaté ; et les cris de Vive la nation ! Vive le roi ! Vive la liberté ! ont été répétés par toutes les bouches ![80]

Autre témoignage non moins authentique : on lit dans le procès-verbal de l'officier municipal Patris : Le peuple était en force, et je n'ai pas entendu une parole, pas remarqué un geste qui annonçât la plus légère mauvaise intention. Je vis avancer le bonnet de la liberté, et je dois à la vérité de dire que le roi, en étendant la main, le demandait plutôt qu'il ne lui fut offert. Je crois pouvoir affirmer que dans le cas où le roi n'aurait pas avancé la main pour saisir le bonnet rouge et n'aurait point paru empressé de s'en couvrir, on ne l'aurait pas exigé de lui[81].

Quelques instants après, Louis XVI fit remarquer à Mouchet une femme qui tenait une épée entourée de fleurs, surmontée d'une cocarde de rubans : il voulut avoir ce glaive symbolique et se le fit donner[82]. Il se trouvait si rassuré par l'expression des physionomies et le cri de Vive le roi ! qui se mêlait à celui de Vive la nation ! qu'un membre du conseil municipal l'engageant à passer dans la pièce contiguë, il répondit : Je suis bien ici, je veux y rester[83].

Le temps s'écoulait ; à des flots de peuple succédaient des flots de peuple ; le vestibule, l'escalier, la salle des gardes étaient encombrés ; dans le jardin même stationnaient des groupes nombreux au milieu desquels figurait un homme dont une des dépositions donne le signalement en ces termes : Habit bleu clair, gilet fond blanc brodé, grosse cravate, frisé et poudré, le visage rayonnant. C'était le procureur de la commune, c'était Manuel[84]. Là aussi était Dumouriez. Caché sous un large chapeau, enveloppé dans une grande redingote, et arrêté au bord du bassin du milieu, il fut reconnu par Mathieu Dumas, qui traversait le jardin au moment où il menaçait du geste le pavillon central du château[85].

A quelques pas de Dumouriez, un jeune officier, au regard profond, au visage maigre et pâle, contemplait toute cette scène, immobile, muet, mais indigné. Soudain, ayant aperçu à une fenêtre le roi coiffé du bonnet rouge : Les misérables ! s'écria-t-il ; on devrait mitrailler les premiers cinq cents : le reste prendrait bien vite la fuite[86]. Cet officier était NAPOLÉON BONAPARTE.

Cependant les Girondins commençaient à comprendre que le rappel des bons ministres avait été réclamé avec assez d'instances. Quelque paisibles que fussent, au fond, les sentiments de cette masse bruyante, comment répondre que les refus de Louis XVI ne finiraient point par l'irriter ? Après une longue attente, qui, à part l'apostrophe de Legendre, n'avait provoqué aucune menace[87], l'impatience pouvait se changer en colère. Un mauvais coup, d'ailleurs, n'avait-il rien de possible, et cette foule mêlée était-elle sans contenir dans ses profondeurs quelques hommes capables d'un noir dessein ? La sanglante inscription : Cœurs des aristocrates, venait de reparaître aux Tuileries, et l'on y avait remarqué, cherchant à s'approcher du roi, un certain Soudin, au visage sinistre, le même qui, à l'origine des troubles, était allé chercher à la morgue les têtes de Berthier et de Foulon[88] ! Il était donc temps d'enrayer. Vergniaud, Isnard, suivis de quelques-uns de leurs collègues, accoururent. Ce dernier, élevé sur les bras de deux assistants, criait avec force : Je suis Isnard ; je vous invite à vous retirer, et vous réponds sur ma tête que vous aurez satisfaction[89]. A son tour, Vergniaud agitait sa carte de député, et essayait l'empire de sa voix éloquente.

Mais ceux qui étaient entassés dans l'Œil-de-Bœuf s'y trouvant retenus par l'encombrement même, et ceux du dehors cherchant à y pénétrer pour voir le roi, eux aussi, la foule au lieu de diminuer, augmentait. La chaleur était devenue extrême. De grosses gouttes de sueur coulaient sur le visage du roi. A cette vue, touché d'un sentiment de généreuse compassion, un grenadier qui avait trouvé moyen de se faire parvenir, de main en main, une bouteille de vin et un verre qu'un camarade lui envoyait, se tourne vers Louis XVI, et d'une voix où l'affection se mariait au respect : Sire, vous devez avoir bien soif, car moi je me meurs... Si j'osais vous offrir... Ne craignez rien, je suis un honnête homme, et pour que vous buviez sans crainte, je boirai le premier si vous me le permettez. Louis XVI, ému, répondit aussitôt : Oui, mon ami, je boirai dans votre verre. Et il but après avoir crié : Peuple de Paris, je bois à votre santé et à celle de la nation française ! Toast qu'accueillit un tonnerre d'applaudissements. Telle est l'exacte vérité sur cette circonstance à laquelle, grâce aux récits menteurs, s'était toujours attachée jusqu'ici une idée de violence et d'outrage[90].

Une demi-heure après, accompagné de Sergent, Pétion arriva. Comme il s'excusait du retard sur son ignorance de ce qui se passait : C'est bien étonnant, dit Louis XVI avec aigreur, car voilà déjà deux heures que cela dure[91]. Survint un grand jeune homme, fort animé, qui, apostrophant le roi, s'écriait : Sire..., sire... je vous demande, au nom de cent mille hommes qui m'entourent, le rappel des ministres que vous avez renvoyés ; je demande la sanction du décret sur les prêtres et le camp des vingt mille, ou vous périrez. Mais Louis XVI, froidement : Vous vous écartez de la loi[92].

Sans s'arrêter à imposer silence au jeune homme, Pétion, monté sur un fauteuil, dit au peuple que ses réclamations, dans une situation semblable, n'étaient pas convenables ; que le roi devait être libre ; que d'ailleurs on connaissait le vœu de Paris seulement ; qu'il fallait attendre celui des provinces ; qu'alors sans doute le roi céderait aux vœux de la nation entière ; qu'en attendant il n'y avait qu'une chose à faire : se retirer[93]. En même temps des personnages à baguettes d'ivoire couvertes de fleurs de lis faisaient entendre le mot sacramentel : Respect à la loi[94] !

Chose à noter, une considération qui, autant que les sages discours du maire, détermina le peuple à s'écouler, fut qu'il y avait encore beaucoup de citoyens qui n'avaient pas vu le roi, et qu'il n'était pas juste de les empêcher d'avoir leur tour3.

Louis XVI ayant donc ordonné qu'on ouvrît les appartements de manière à ménager une issue à la foule tout au travers du château, le défilé commença, les uns sortant par une porte, tandis que, placés à la porte opposée, des grenadiers volontaires empêchaient les autres d'entrer.

L'arrivée d'une députation de vingt-quatre membres que l'Assemblée, peu émue d'ailleurs d'un rapport alarmant de Mathieu Dumas, avait cru devoir envoyer, occasionna une seconde irruption. Ce fut la dernière. Sergent, son écharpe à la main, n'eut qu'à se présenter au haut du grand escalier, et à dire : Obéissance à la loi ! Le flot de ceux qui montaient s'arrêta sur-le-champ, recula, et l'administrateur de la police n'eut aucune difficulté à faire respecter la consigne[95].

Quant à ceux auxquels une route venait d'être frayée, à travers le château, ils s'écoulèrent très-paisiblement, sans opposition, si ce n'est de la part de deux ou trois hommes en redingote déchirée, qui se plaignaient d'avoir été joués et menaçaient de revenir[96].

Dans cet intervalle, le roi, protégé par le cercle des personnes qui l'entouraient, s'était dirigé vers une porte dé- robée, par laquelle il disparut. Il était alors huit heures, et, pour le monarque, l'épreuve en avait duré quatre[97].

Marie-Antoinette n'a pas encore figuré dans ces scènes.

La garde de service dans son appartement s'était éclipsée en partie quand le peuple y entra ; il écarta une vingtaine de volontaires qui essayaient de l'arrêter, dérangea quelques paravents, chercha derrière avec une curiosité maligne, et ce fut tout[98].

Pour ce qui est de Marie-Antoinette elle-même, elle était dans la salle du Conseil avec ses deux enfants, et Mesdames de Lamballe, de Tourzel, de Mau, de Soucy, refugiée derrière - la grande table qu'on avait roulée devant elle pour la défendre, et attendant avec angoisse la revue qu'elle aurait à passer. L'aspect de la garde nationale mêlée au peuple la rassura. Ce fut de M. de Wittengoff, lieutenant-général de la 17e division, et sans y avoir été contrainte, comme on l'a prétendu, par la violence ou la menace, qu'elle prit le bonnet rouge, et ce fut elle-même qui le mit sur la tête du petit prince[99]. Peu de temps après, Santerre s'avança. L'expression de son visage n'avait rien que de bienveillant. Il dit à Marie-Antoinette de se tranquilliser, qu'on la trompait, que tout ce peuple ne lui voulait point de mal, mais qu'il tenait à défiler devant elle[100] ; et à mesure que les gens des faubourgs passaient, il leur disait, répondant à leurs désirs curieux : Voici la reine ! Voici le prince royal ! Assis sur la table, devant sa mère, le pauvre enfant étouffait sous son bonnet rouge : Santerre s'en aperçut, et regardant Marie-Antoinette d'un air de compassion : Ôtez le bonnet à cet enfant, il a trop chaud[101]. Et la reine ôta le bonnet qu'elle garda à la main. Pas un des témoins dont les dispositions furent recueillies officiellement et rassemblées ne parle d'injures qui, en cette occasion, aient été, de près ou de loin, adressées à la reine[102] ; et deux d'entre eux racontent même qu'en la contemplant, une femme se mit à sangloter[103].

A dix heures du soir, le château, les cours, le jardin, étaient évacués ; tout faisait silence.

Ô merveille ! là venait de passer un torrent d'hommes dont la fureur, si elle eût réellement existé, n'avait pas d'obstacle à vaincre, un immense torrent de malheureux sortis de tous les repaires où la civilisation moderne refoule ses ennemis ou ses victimes, et le dégât commis se réduisait à quelques portes enfoncées[104] ! Là venait d'apparaître un assemblage inouï de fusils, de pistolets, de piques, dé fourches, de haches, de bâtons ferrés, de tout ce que le génie de la haine u mettre au service de la mort, et, à part une légère blessure que, dans la confusion, un capitaine de grenadiers reçut à la main[105], pas une goutte de sang ne coula ! Et parmi cette horde de prétendus cannibales, la police fut si facile à faire que, le soir, au club des Jacobins, un orateur put se vanter d'avoir maintenu l'ordre au moyen d'une arme qu'il montra... C'était une épée d'Arlequin[106] !

Mais quoi ! les Tuileries forcées, un front qui portait la couronne et un autre front qui l'attendait humiliés sous une coiffure de paysan ou de galérien, le sanctuaire de la royauté rempli de mendiants, de ces mendiants que jamais prince n'admit dans son palais quoique Dieu les reçoive dans ses temples, et Louis XVI amené à sourire aux envahisseurs, à paraître désirer qu'on lui fit cadeau du bonnet rouge, à se poser en patriote, à se faire en quelque sorte le compère de l'émeute. était-ce là des blessures qui désormais se pussent aisément cicatriser ? Plus terrible, plus impossible à éluder ou à déjouer, la violence du peuple eût peut-être produit une humiliation moins profonde ; car, l'outrage une fois passé, on souffre plus de l'avoir accepté que de l'avoir subi. Et c'est pourquoi Louis XVI, devant la reine, remarquant que le bonnet rouge était encore sur sa tête, rejeta bien loin, avec fureur, cet emblème vers lequel lui-même, le sourire sur les lèvres, il avait étendu la main ! Et c'est pourquoi, de son côté, Marie-Antoinette versa de telles larmes, tomba dans un tel abîme de désespoir, que Merlin de Thionville ne se put défendre, en la voyant ainsi, d'une vive émotion, à laquelle, du reste, il se hâta de donner ce dur commentaire : Il est vrai, madame ; je pleure sur les malheurs d'une femme belle, sensible, et mère de famille. Mais ne vous y méprenez point, il n'y a pas une de mes larmes pour le roi, pour la reine : je hais les rois et les reines... C'est ma religion[107].

Tel se présente, dépouillé de toute exagération mélodramatique et pur de toute réticence artificieuse, le récit de la fameuse journée du 20 juin 1792.

Elle ne fut — pour nous servir d'un mot trivial, mais qui est le seul qui rende bien notre pensée — elle ne fut, de la part du peuple, qu'un acte par où se montra, sous des formes épiques, le badaudisme parisien. Le véritable caractère du 20 juin, en ce qui touche la masse qu'il mit en mouvement, est dans le fait de Santerre s'offrant pour démonstrateur à la curiosité populaire, et disant aux gens des faubourgs, à mesure qu'ils défilent devant Marie-Antoinette : Cette dame, c'est la reine ; cet enfant, c'est le prince royal.

De la part des meneurs de la Gironde, le 20 juin fut une faute. Ils avaient tout abandonné au hasard ; et qu'avaient-ils obtenu ? Rien. Que dis-je ? Ils venaient de fournir au roi une occasion éclatante de se relever, aux, yeux de la France et de l'Europe, par une attitude, qui eut vraiment quelque chose d'héroïque ; ils venaient de mettre du côté de la Révolution les apparences de la tyrannie, sans même la triste légitimation du succès ; ils venaient d'intéresser au sort de la famille royale les âmes où la compassion est le commencement de l'amour.

Sergent-Marceau a donc eu raison, quand il a baptisé le 20 juin la journée des dupes[108] ; et peut-être eût-elle été pis encore, si la Cour n'avait perdu le bénéfice qu'elle en pouvait retirer, par une incroyable accumulation de folies.

Ah ! on le nierait bien en vain : le doigt de la fatalité était là (voir la note ci-dessous) !

 

———————————————

Pour relever toutes les erreurs, toutes les omissions, — omissions, erreurs, c'est bien souvent la même chose, — commises par les historiens qui nous ont précédé, ne fût-ce que relativement au 20 juin, c'est à peine si un gros volume suffirait. Nous ne nous arrêterons donc pas aux tableaux tracés par Ferrières, Weber, madame Campan, Toulongeon, Montgaillard, Thiers, Mignet, Carlyle, Alison, Maton de La Varenne, Peltier, etc., etc.

Presque tous ces auteurs ont, plus ou moins, défiguré l'événement, les uns à force d'être mal renseignés, comme Ferrières ; aveuglés par la passion, comme Weber ; étourdis comme madame Campan et Montgaillard ; incomplets comme Carlyle, Thiers, Mignet ; hommes de parti comme Alison ; les autres à force d'être, tranchons le mot, menteurs de profession comme Peltier. Nous nous bornerons à quelques réflexions sur les récits, plus récemment publiés, de deux grands écrivains, MM. Michelet et de Lamartine, réflexions qui ne seront peut-être ni sans intérêt pour le lecteur, ni sans profit pour la cause de la vérité.

Et d'abord, hâtons-nous de reconnaître que, de tous les historiens nos prédécesseurs, M. Michelet est celui qui a le mieux compris le 20 juin ; il en a bien saisi et vivement rendu le côté naïf, le côté populaire. Mais il en a complètement altéré la physionomie politique.

En premier lieu, dans son fougueux enthousiasme pour Danton, dont il veut faire à tout prix l'homme d'action par excellence et l'initiateur des vastes tumultes, M. Michelet (liv. VI, chap. VIII) n'est pas loin de supposer, sans que rien au monde l'y autorise, que la scène fut arrangée par Danton, pour entraîner les Jacobins. Or, il est certain que Danton ne parut en aucune façon dans toute cette affaire.

Par contre, M. Michelet avance que la Gironde n'agit pas, et effectivement il ne dit mot ni des conciliabules préparatoires tenus chez madame Roland, ni des menées de Girey-Dupré et de Boisguyon, ni des excitations adressées au peuple sur la place du Carrousel par l'ex-ministre Clavière, ni du cri suggéré aux faubourgs, Rappel des bons ministres, toutes choses fort importantes, certifiées par Sergent, très au courant de ce qui se passait, puisqu'il était alors administrateur de la police, et en relations avec Pétion, avec les faubourgs, avec tous les hommes d'influence. Sans compter qu'ici le témoignage de Sergent se trouve de point en point confirmé par une solennelle déposition de Chabot, que l'auteur passe également sous silence.

Quant au rôle de Robespierre, M. Michelet, fidèle à ses antipathies systématiques, essaye de le décrier en rappelant que le 15 juin, aux Jacobins, Robespierre s'éleva contre les insurrections partielles. Mais, ce qu'il ne dit pas, c'est ce que Chabot affirme dans cette même déposition dont nous venons de parler, savoir : que Robespierre, en fait d'insurrections, en voulait une sérieuse, décisive, ayant pour but avoué l'affranchissement du peuple, et non la victoire de telles ou telles ambitions particulières. Robespierre prévoyait que le mouvement du 20 juin n'aboutirait qu'à un stérile tumulte, et le fait prouva qu'il avait raison. Car, si M. Michelet avait introduit dans son récit tous les détails qui démontrent la parfaite inanité du 20 juin comme insurrection ou comme complot, détails qu'il a omis, soit intentionnellement, soit faute d'informations suffisantes, comment serait-il arrivé à comparer le 20 juin au 10 août et à déclarer que, sans ces deux remèdes extrêmes, la France périssait à coup sûr ? Quoi ! l'existence de la France, cette nation prédestinée, tenait à ce que le château des Tuileries fût bruyamment envahi par une cohue de gens du peuple qui n'obtinrent rien de ce qu'on leur faisait demander, qui au fond ne désiraient que voir la famille royale, et dont la tumultueuse démarche n'eut pour effet que de rendre Louis XVI intéressant !

Toujours est-il qu'ici le sentiment de Robespierre fut celui des révolutionnaires les plus prononcés ; et M. Michelet se trompe quand il raconte que, le soir du 19, Chabot se rendit aux sections du faubourg Saint-Antoine, et leur dit que l'Assemblée les attendait le lendemain sans faute et les bras ouverts. Le rôle de Chabot, d'après sa déposition devant le tribunal révolutionnaire, fut exactement le contraire de celui que M. Michelet lui prête. Il est bien vrai qu'un des témoins, nommé Turot, s'exprime ainsi : Lorsque la foule envahissait l'appartement de la reine, un homme d'environ soixante ans, vêtu de brun, portant perruque, me raconta que le 19, à minuit, Chabot était venu au comité des Enfants-Trouvés, avait fait un charmant discours, et fini par dire : Mes enfants, l'Assemblée nationale vous attend demain, sans faute, à bras ouverts. Serait-ce là, par hasard, l'autorité de M. Michelet ? Mais comment une rumeur anonyme pourrait-elle contre-balancer, en ce qui touche la conduite de Chabot, le témoignage de Chabot lui-même, racontant dans une circonstance solennelle, devant un tribunal, et avec détail, tout ce qu'il a fait, pouvant ainsi être démenti, et ne l'étant pas ?

Nous pourrions prolonger ces observations, mais cela nous conduirait trop loin. Passons à M. de Lamartine.

Faut-il le dire ? M. de Lamartine a été si mal renseigné ; il a manqué si complètement de tout ce qui était document officiel, et les matériaux mis sous ses yeux l'ont tellement égaré, que c'est à peine s'il y a dans son récit un fait, un seul fait important, qui ne soit inexact.

On a vu par le récit contemporain de Prudhomme, par le compte rendu de Pétion, par les procès-verbaux des officiers municipaux, par les déclarations formelles de plusieurs témoins oculaires, combien fut paisible, inoffensive et d'un aspect rassurant, la marche du peuple se rendant à l'Assemblée. Eh bien ! M. de Lamartine, qui ne cite pas ses autorités, et dont le livre, pas plus que celui de M. Michelet, ne contient les indications de sources, M. de Lamartine nous peint les faubourgs en marche (voyez dans l'Histoire des Girondins, son récit complet, depuis la page 479 jusqu'à la page 499), comme une épouvantable, une sauvage armée, la plus sauvage et la plus épouvantable qui ait. jamais été. Clameurs homicides, sarcasmes féroces, écriteaux pleins de sang, effigies de reines pendues, guillotines promenées, signes de reconnaissance écrits sur les chapeaux avec de la craie blanche, etc., etc. Tel est le tableau qu'il trace. Qui lui en a fourni les couleurs ? Il ne nous l'apprend pas. Mais qu'on lise Peltier ! Et quelle autorité historique que Peltier, grand Dieu !

Le Moniteur et des témoignages qui font foi mentionnent le fait du cœur saignant mis au bout d'une pique avec cette inscription : Cœur d'aristocrate. Mais ce hideux emblème ne parut que dans l'Assemblée, il ne fut arboré que par un seul individu : M. de Lamartine, lui, le fait pompeusement figurer dans la procession populaire, et, sous sa plume, un seul homme se transforme en une bande de gardons bouchers : Chacun de ces assommeurs d'abattoirs portait au bout d'un fer de pique un cœur de veau percé de part en part et encore saignant, avec cette légende : Cœur d'aristocrate !

Dans l'Assemblée, M. de Lamartine, pour ajouter à l'horreur de la scène, ne manque pas de faire promener des potences et des guillotines, d'après les Mémoires ultra-royalistes de Weber sans doute, où les guillotines sont mises fort ridiculement au nombre des armes que portait le peuple, burlesque exagération d'un récit anonyme inséré en ces Mémoires, et que les éditeurs ne peuvent s'empêcher de relever dans une note.

Si jamais fait historique se trouva établi sur un imposant, sur un irrécusable ensemble de témoignages, c'est celui qui se rapporte à l'attitude de la masse du peuple dans le château des Tuileries. Que cette masse, toute bruyante qu'elle était, n'ait pendant plusieurs heures manifesté aucune mauvaise intention, et que tout se soit borné, en fait d'outrages directs, — en dehors du discours de Legendre, fait qui n'est pas bien prouvé, - à une menace venant d'un homme armé d'un bâton, et à l'apostrophe ...... Je demande la sanction des décrets ou vous périrez, c'est ce que démontrent invinciblement les procès-verbaux, rapports ou dépositions des officiers municipaux Hüe, Patris, Leroux, Champion ; du député Blanc-Gilli, de l'officier supérieur de la garde nationale Lachesnaye, de l'administrateur de la police Sergent ; de l'enquête enfin qui fut ouverte sur l'événement du 20 juin. Cependant, que dit M. de Lamartine ? Des forcenés se dégageaient à chaque instant des rangs et venaient vomir de plus près des injures et des menaces de mort contre le roi. Ne pouvant l'approcher a travers la haie de baïonnettes croisées devant lui, ils agitaient sous ses yeux et sur sa tête leurs hideux drapeaux et leurs inscriptions sinistres, les lambeaux de culottes, la guillotine, le cœur saignant, la potence, etc., etc. Plus hideux encore est le tableau qu'il trace des violences commises à l'égard de la reine, bien que ce qui est dit à cet égard par madame Campan, qui n'était pas là, soit formellement démenti par les dépositions des personnes présentes. Comment, du reste, concilier cet immense déploiement de fureur avec le résultat. Quoi ! à la suite de ce général débordement de rage, et comme conséquence du refus obstiné du roi., pas une égratignure !

M. de Lamartine raconte que, pendant l'invasion du château, des journalistes girondins, des hommes politiques, Garat, Gorsas, Marat, criaient : L'a-t-on frappé ? Est-il mort ? Jetez-nous les têtes ? C'est ce que rapporte en effet Ferrières, t. III, liv. XII, p. 115 de ses Mémoires. Mais Ferrières ne parle pas ici comme témoin oculaire et auriculaire ; mais son récit du 20 juin fourmille d'erreurs grossières et évidentes ; mais il n'y a pas une des pièces de l'enquête qui fasse même la plus légère allusion à ces prétendus appels meurtriers jetés à ceux d'en haut par ceux d'en bas. Manuel fut aperçu dans le jardin ayant un air de satisfaction, voilà ce que dit une déposition que nous avons mentionnée. Rien de plus.

Non-seulement M. de Lamartine rapporte d'une manière qui n'est pas tout à fait exacte la belle parole prononcée par Louis XVI, lorsqu'il prit la main du grenadier ; mais il la lui met dans la bouche après l'invasion, tandis que, d'après la déposition de Lachesnaye, qui se trouvait auprès du roi, le mot fut dit avant l'invasion ; ce qui n'est pas sans importance, dans l'appréciation à faire de l'attitude respective du roi et du peuple.

Le fait du bonnet rouge sur la tête de Louis XVI est représenté par M. de Lamartine comme le résultat d'une violence exercée par les envahisseurs sur le roi. Rien de tel n'eut lieu. Que le lecteur se rappelle les procès-verbaux des officiers municipaux Mouchet et Patris, présents l'un et l'autre, et dont le premier fut justement celui qui fit passer le bonnet à Louis XVI.

M. de Lamartine raconte d'une manière bien plus inexacte encore la circonstance du verre de vin offert au roi, circonstance que M. Michelet, lui, passe complètement sous silence. On a vu d'après la lettre de Blanc-Gilli, qui était présent à la scène et placé à côté de Louis XVI, que le roi reçut le verre des mains d'un grenadier qui en cela crut lui rendre service et ne se trompait pas, la chaleur étant étouffante. On a remarqué aussi que Louis XVI reconnut cet élan d'un bon cœur par des paroles affectueuses, et qu'il n'eut pas lieu de craindre le poison, puisque, précisément pour lui ôter cette crainte, le grenadier avait commencé par tremper ses lèvres dans le verre, après en avoir obtenu du roi lui-même la permission. Eh bien, voici, qui le croirait ? la version de M. de Lamartine : Un homme en haillons, tenant une bouteille à la main, s'approcha du roi et lui dit : Si vous aimez le peuple, buvez à sa santé ! Les personnes qui entouraient le prince, craignant le poison autant que le poignard, conjurèrent le roi de ne pas boire. Louis XVI tendit le bras, prit la bouteille, l'éleva à ses lèvres et but à la nation ! Cette familiarité avec la foule, représentée par un mendiant, acheva de populariser le roi... Pendant que l'infortuné prince se débattait ainsi contre un peuple tout entier, la reine, dans une salle voisine, subissait les mêmes outrages et les mêmes caprices. Ai-je besoin de faire ressortir la portée de semblables altérations ?

Je m'arrête. Nul doute que M. de Lamartine n'ait involontairement trompé ses lecteurs, trompé qu'il a été lui-même. Mais ceci même montre avec quel soin les recherches historiques doivent être faites. Quand, sur un événement, diversement apprécié, les témoignages abondent, il est indispensable de les prendre un à un, de les peser, de les rapprocher, de les confronter. Long et fastidieux travail, sans doute ! Mais la vérité est à ce prix. Un historien doit être un juge d'instruction, avant d'être un peintre.

 

Maintenant, un mot encore à M. Mortimer-Ternaux, qui, dans son Histoire de la Terreur, t. I, p. 198, nous accuse d'avoir méconnu les faits consignés dans les procès-verbaux authentiques de la journée du 20 juin, en déclarant que jamais dispositions plus inoffensives ne se produisirent au sein d'un plus bizarre désordre.

Il nous est facile de réfuter cette imputation.

1° Notre récit s'appuie tout entier sur les procès-verbaux authentiques cités par M. Mortimer-Ternaux ;

2° M. Mortimer-Ternaux avoue lui-même qu'il lui semble incontestable que les masses entraînées par quelques meneurs dans l'inviolable domicile de Louis XVI y étaient entrées sans intentions perverses ; que nombre de ces femmes, de ces enfants, de ces désœuvrés qui n'étaient venus que par curiosité, ne se doutaient pas qu'ils commettaient un attentat national en outrageant le monarque chez lui. Voyez Histoire de la Terreur, t. I, p. 198.

 

 

 



[1] Voyez la correspondance du ministre de l'intérieur Roland avec le général Lafayette, dans l'Histoire parlementaire, t. XV, p. 102-112.

[2] Voyez le texte de cette lettre, reproduite in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. XV, p. 69-75.

[3] Ainsi, M. Michelet se trompe, quand, d'une manière si absolue, il dit, liv. VI, chap. VIII de son Histoire de la Révolution, à la page 462 : Il n'y a pas un mot dans la lettre de Lafayette qui indique qu'il connait la démission de Dumouriez.

[4] Ubi supra.

[5] Histoire parlementaire, t. XV, p. 74.

[6] Histoire parlementaire, t. XV, p. 75.

[7] Voyez le compte rendu de cette séance, t. II, p. 206, 207 et 208 des Souvenirs de Mathieu Dumas, qui était présent.

[8] Voyez le Patriote français, n° 1044.

[9] Défenseur de la Constitution, n° 6.

[10] Le Patriote français, n° 1045.

[11] Voyez cette lettre dans l'Histoire parlementaire, t. XV, p. 100 et 101.

[12] Séance du 19 juin 1792.

[13] Notice historique sur les événements du 10 août 1792 et des 20 et 21 juin précédent, par Sergent Marceau, dans la Revue rétrospective, t. III, 2e série.

[14] Déposition de Chabot devant le tribunal révolutionnaire, séance du 5 brumaire. Histoire parlementaire, t. XXX, p. 40 et 41.

[15] Journal des débats des amis de la Constitution, n° 213.

[16] Déposition de Chabot, ubi supra.

[17] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 213.

[18] Déclaration de Lareynie, volontaire du bataillon de l'île Saint-Louis, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — 20 juin. — 6* — British Museum.

[19] Proclamation du roi concernant l'arrêté du département qui suspend provisoirement le maire et le procureur général de la commune. Bibliothèque historique de la Révolution. — 20 juin. — 6* — British Museum.

[20] Proclamation du roi, etc., ubi supra.

[21] Rapport et conclusions du procureur général, syndic du département de Paris. Proclamation du roi, etc., ubi supra.

[22] Rapport et conclusions du procureur général, syndic du département de Paris. Proclamation du roi, etc., ubi supra.

[23] Rapport et conclusions du procureur général, syndic du département de Paris. Proclamation du roi, etc., ubi supra.

[24] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce, le 20 juin 1792, avec les pièces à l'appui.

[25] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce, le 20 juin 1792, avec les pièces à l'appui.

[26] Rapport et conclusions du procureur général syndic du département de Paris.

[27] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce, n° 4 des pièces justificatives.

[28] Déposition de Chabot, ubi supra.

[29] Lettre de Blanc-Gilli, député au département des Bouches-du-Rhône, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — n° 6*. — British Museum.

[30] Histoire particulière des événements pendant les mois de juin, juillet, août et septembre, par M. de la Varenne, p. 19 et 20. 1792.

[31] Rapport de Romainvilliers.

[32] Rapport et conclusions du procureur général syndic du département.

[33] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce, n° 5, 6 et 7 des pièces justificatives.

[34] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce, n° 5, 6 et 7 des pièces justificatives.

[35] Procès-verbal dressé par Mouchet, Guiard et Thomas, officiers municipaux, — et déclaration de Lareynie.

[36] Procès-verbal ci-dessus.

[37] Rapport du procureur général syndic du département.

[38] Relation de la journée du 20 juin, par Prudhomme. — Voyez les Révolutions de Paris, n° 154.

[39] C'est ce qu'a affirmé Sergent Marceau, témoin oculaire, et ce qui résulte aussi du récit de Prudhomme. — Voyez Notice historique sur les événements du 10 août 1792 et des 20 et 21 juin précédents, dans la Revue rétrospective, t. III, 2e série, et les Révolutions de Paris, n° 154.

[40] Ce sont les mots dont se sert M. de Lamartine, dans son Histoire des Girondins, t. I, p. 479. Édition de Bruxelles, Wouters frères.

[41] Révolutions de Paris, n° 154.

[42] Révolutions de Paris, n° 154.

[43] Conduite tenue par M. le maire de Paris, à l'occasion des événements des 20 et 21 juin, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — 6*. — British Muséum.

[44] Nous empruntons ces détails topographiques à la Chronique de cinquante jours, par Rœderer.

[45] Histoire parlementaire, t. XV, p. 128.

[46] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 110, et l'Histoire parlementaire, t. XV, p. 130.

[47] Histoire parlementaire, t. XV, p. 156.

[48] Cette pétition se trouve in extenso dans les Révolutions de Paris, n° 154.

[49] Histoire parlementaire, t. XV, p. 140.

[50] Procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur. — Procès-verbal dressé par Boucher-René.

[51] Procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur. — Procès- verbal dressé par Boucher-René.

[52] Rapport de Terrier, ministre de l'intérieur. — Procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur. — Procès-verbal dressé par Boucher-René.

[53] Le fait est que, parmi les procès-verbaux, rapports, déclarations de témoins oculaires, que nous avons sous les yeux, il n'y a trace de ces guillotines dont parle si complaisamment l'auteur anonyme de la relation insérée dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. V, p. 186.

[54] Histoire parlementaire, t XV, p. 142.

[55] Voyez son rapport.

[56] Sur tous ces mouvements, voyez la déclaration de Turot, celle des fusiliers, les procès-verbaux des officiers municipaux Hüe et Patris.

[57] Déclaration de La Reynie.

[58] Notice historique sur les événements du 10 août et des 20 et 21 juin précédents, par Sergent Marceau, dans la Revue rétrospective, t. III, 2e série.

[59] Rapport de Louis Marotte, adjudant dans la garde nationale.

[60] Déclaration de La Reynie.

[61] Rapport de ce qui s'est passé dans le bataillon du Val-de-Grâce.

[62] Voyez, en les rapprochant et les comparant, le procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur ; — le procès-verbal dressé par Boucher-René ; — la déclaration de La Reynie ; — le rapport de Pierre Moiteaux et de Jean Foret ; — la déclaration de Bron, suisse de la porte royale du château des Tuileries.

[63] Rapport de Carle, premier lieutenant-colonel de la 30e légion.

[64] Mémoires secrets de d'Allonville, t. II, chap. XVIII, p. 312. Bruxelles.

[65] Déclaration de La Reynie.

[66] Procès-verbal dressé par Boucher-René ; — procès-verbal dressé par Mouchet.

[67] Rapport d'Aclocq.

[68] Et non pas, comme on l'a tant écrit et répété : Mets la main sur mon cœur, et vois s'il bat plus vite qu'à l'ordinaire. Voyez la déclaration de Lachesnaye, témoin auriculaire. — Autre erreur, très-répandue : ce fut avant l'entrée de la foule, et non en sa présence, que le mot fut prononcé. C'est par l'altération de tous les détails de ce genre qu'on est parvenu à défigurer complètement le caractère du 20 juin.

[69] Voyez Déclaration de Lachesnaye ; — rapport d'Aclocq ; — déclaration de Fontaine.

[70] Déclaration de Lachesnaye, officier supérieur de la garde nationale.

[71] Voyez la note critique placée à la fin de ce chapitre.

[72] Déclaration de Lecrosnier. — Les mots dont le témoin se sert sont : Un homme s'étant mis en posture de foncer sur la personne du roi.

[73] Procès-verbal dressé par J. J. Leroux.

[74] Lettre de Blanc-Gilli au département des Bouches-du-Rhône, p. 13. Au reste, ce que nous disons ici des dispositions du peuple s'appuie sur une infinité de témoignages émanés d'hommes de tous les partis. Voyez déclaration de Lachesnaye ; — procès-verbal dressé par Sergent ; — procès-verbal dressé par Hüe ; — procès-verbal dressé par l'officier municipal Champion (ardent royaliste), etc., etc.

[75] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XX, p. 212.

[76] Déclaration de Fontaine.

[77] Ce fait, rapporté dans les Mémoires contemporains, et consigné par Rœderer dans sa Chronique de cinquante jours, ne se trouve relaté, nous devons le dire, dans aucune des dépositions que nous avons sous les yeux, non plus que dans aucun rapport ou procès-verbal.

[78] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. II, ch. XXII, p. 45.

[79] Le Cri de la douleur, ou journée du 20 juin, par l'auteur du Domine salvum fac regem, extrait de la Correspondance politique ou Tableau de Paris, p. 12.

[80] Procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur, officiers municipaux.

[81] Procès-verbal dressé par Patris, imprimé par ordre du conseil général.

[82] Procès-verbal dressé par Mouchet et Boucher Saint-Sauveur.

[83] Procès-verbal dressé par Hüe, officier municipal.

[84] Déclaration de Masserey, employé au bureau de liquidation.

[85] Cette circonstance, affirmée par Mathieu Dumas dans ses Souvenirs, t. II, p. 215 et 216, se trouve démentie par cette phrase des Mémoires de Dumouriez, t. II, p. 508 : Dumouriez apprit, le 21 juin, avec la plu grande douleur, l'insulte faite au roi. Mais, lorsqu'il écrivait ses Mémoires, le très-peu véridique Dumouriez était fort intéressé à tenir ce langage. Et Mathieu Dumas qui, lorsqu'il le reconnut, était en compagnie de Jaucourt et de Théodore Lameth, ne pouvait se tromper.

[86] Mémoires de Bourrienne, t. I, p. 75.

[87] Pendant une heure au moins que j'ai été là, je n'ai vu faire au roi aucune menace. — Procès-verbal dressé par Hüe, officier municipal.

[88] Déclaration de Guibout.

[89] Déclaration de Fontaine.

[90] Voyez Lettre de Blanc-Gilli au département des Bouches-du-Rhône, p. 13 et 14, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — 6*. — 20 juin. — British Museum. — Blanc-Gilli parle d'un fait dont il a été témoin oculaire et auriculaire. Il faisait partie de la députation volontaire dont étaient Vergniaud, Isnard, et se trouvait en ce moment tout près du roi.

[91] Déclaration de Fontaine.

[92] Déclaration de Lecrosnier.

[93] Procès-verbal dressé par Sergent. Deux témoins seulement accusent Pétion d'avoir dit au peuple qu'il avait agi avec dignité, comme il convient à des hommes libres. Cette version, peu vraisemblable, se trouve unanimement contredite par tous les autres témoins, qui s'accordent à affirmer que Pétion parla avec autant de fermeté que de sagesse. Voyez, outre le procès-verbal dressé par Sergent, la déclaration de Fontaine, le procès-verbal dressé par Patris, celui dressé par J. J. Leroux, le récit fait au club des Jacobins, dans la séance du 20 juin au soir, etc., etc.

[94] Récit fait au club des Jacobins le soir même.

[95] Procès-verbal dressé par Sergent.

[96] Déclaration de Lachesnaye.

[97] Copie de la déclaration de Guibout.

[98] Dénonciation de Jaladon, volontaire de la 4e légion.

[99] Déclaration de Leclercq, adjudant-général de la 1re légion. — Copie du rapport de Mandat, chef de la 4e légion.

[100] Déclaration de Leclercq.

[101] Rapport de Lagarde, adjudant de la 4e légion. — Copie du rapport de Mandat.

[102] Madame Campan, qui en parle, elle, n'était pas là, et ne cite pas ses autorités.

[103] Déclaration de Balin. — Copie du rapport de Mandat.

[104] Rapport et conclusions du procureur général syndic du département de Paris.

[105] Déclaration de Pierre Mussey.

[106] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 218-219.

[107] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XX, p. 215.

[108] Dans sa notice historique, Revue rétrospective, t. III, 2e série.