Maison militaire du roi ; ce qu'elle avait de menaçant. — Les Girondins, pour se défendre, cherchent à s'appuyer sur le peuple. — Leur manifeste. — Ils poussent à la fabrication des piques. — Émeute excitée à Paris par les royalistes ; troubles analogues dans les provinces. — Bonnet rouge recommandé par les Girondins. — Le Sans-Culottisme ; origine de ce mot. — Les Girondins, artistes en révolutions ; le mot sans-culotte leur plaît. — Tendance à l'emphase révolutionnaire : lettre pompeuse de Manuel à Louis XVI ; Carra et son assignat de mille livres ; mot fastueux de Danton sur lui-même. — Tenue simple et grave de Robespierre. — Il est pour la fabrication des piques, mais non pour le bonnet rouge ; son aversion pour le débraillé révolutionnaire. — Désordres dans les théâtres. — Attaque manquée des Constitutionnels contre les clubs. — Office impérial du 17 février. — Déchaînement des esprits. — Mort de Léopold. — Mort de Gustave III. — La Gironde devient toute puissante. — Quelques traits du caractère de Brissot. —Il provoque Camille Desmoulins ; terrible réponse de celui-ci. — Brissot attaqué par le Journal de Paris. — Circonstance curieuse qui se rattache au projet de mettre de Lessart en accusation. — Rochambeau, Luckner et Lafayette mandés à Paris par Narbonne ; sous quel prétexte et dans quel but. — Les trois généraux devant Louis XVI. — Rivalité de Narbonne et de Bertrand de Molleville. — Chute de Narbonne. — Colère de l'Assemblée ; sur un discours de Brissot, elle décrète de Lessart d'accusation. — Dumouriez, ministre des affaires étrangères. — Sa visite aux Jacobins. — Dumouriez dans les bras de Robespierre. — Pétion et Robespierre font tomber dans Paris la mode des bonnets rouges. — Amnistie qui couvre les horreurs de la Glacière ; ce sont les Girondins qui la font décréter. — Entrevue de Dumouriez et de madame Roland. — Le ministère des sans-culottes.Les Girondins avaient donc fait décider la guerre : il ne restait plus qu'à la déclarer, après avoir mis la main sur le pouvoir, afin de la conduire. Maîtres de l'Assemblée, il leur restait à le devenir du roi : c'est à quoi ils préludèrent par des coups vivement frappés. Le 9 février, les biens des émigrés furent mis sous le séquestre. Le 14, il fut décrété que les héros du 14 juillet, les gardes françaises, continueraient à recevoir leur solde. Le 16, une adresse aux Français, rédigée par Condorcet, voua aux malédictions du peuple les prêtres fanatiques, les privilégiés rebelles et les rois conspirateurs. De son côté, la royauté se mettait en défense. On avait décrété à Louis XVI et une maison militaire et une maison civile. La reine ne voulut point de celle-ci, et mit à former la première une ardeur passionnée. Que lui importait une maison civile où il eût fallu admettre des plébéiens, et qui, par les nouvelles dénominations des charges, n'eût servi qu'à mieux constater l'anéantissement des anciennes[1] ? Avoir autour du trône, pour le garder, des épées nues dans des mains sûres, là était sa préoccupation. D'où ces paroles de Barnave, dans une lettre qu'il lui adressait : Semblable au jeune Achille, parmi les filles de Lycomède, vous saisissez avec empressement le sabre, pour dédaigner de simples ornements[2]. Inutile de dire que, telle qu'on la composa, la garde du roi n'était pas autre chose que la contre-révolution sous les armes. Les mémoires présentés par ceux qui briguaient cette sorte de service révélèrent, quand plus tard on les publia, la nature des conditions exigées. Les uns faisaient valoir, à l'appui de leur demande, la haine qu'ils portaient à l'ordre nouveau ; les autres s'annonçaient sous des titres proscrits par la Constitution ; plusieurs étaient des officiers qui, pour se rallier sous le drapeau de la domesticité royale, désertaient celui de la nation[3]. Pour masquer ce que la composition de la garde pouvait avoir de menaçant, on eut soin d'y appeler un certain nombre d'hommes, fournis soit par les troupes de ligne, soit par les gardes nationales des quatre-vingt-trois départements ; mais la partie la plus nombreuse de la maison militaire, celle qui donna lieu à des choix calculés, ne compta que d'anciens gendarmes, des capitaines de cavalerie qui avaient quitté leurs escadrons, et, comme le journal des Révolutions de Paris les appelle, des coryphées des orgies de Versailles[4]. Du reste, fidèle à la lettre de la Constitution, Louis XVI n'accorda que dix-huit cents brevets d'activité. Mais derrière le groupe des prétoriens avoués, se cachait celui des prétoriens qu'on n'avouait pas. Or, ils formaient, ceux-là, une armée de près de dix mille hommes, et quels hommes ! Les chasseurs qui avaient commis les massacres de La Chapelle, les cavaliers farouches qui avaient chargé le peuple au Champ de Mars, les Suisses sous le commandement d'Affry, une foule d'aventuriers résolus et de hardis bretteurs[5]. Les Girondins sentirent bien le péril, et qu'il leur était impérieusement commandé de s'appuyer sur le peuple, dans leur lutte contre le trône. Ils commencèrent donc par publier, sous la forme d'une lettre que Pétion adressait à Buzot, un manifeste très-habile où l'alliance du peuple et de la bourgeoisie était invoquée comme moyen suprême de salut public. Selon le manifeste, la bourgeoisie et le peuple ne devaient faire qu'un. Noble parole, et vraiment sainte ! Malheureusement, rien qui indiquât à quelles conditions ce résultat serait obtenu ; rien sur les mesures à prendre pour élever le niveau de la dignité humaine ; rien sur les réformes sociales à tenter pour faire disparaître la distinction des classes, et, comme dernière réponse au cri déchirant de la misère : Tout le monde souffre. Il était trop clair que l'unique but de l'alliance tant recommandée était de défendre contre l'ancien monde les résultats déjà conquis, sans pousser au delà. La bourgeoisie et le peuple, disait Pétion, ont fait la Révolution ; leur réunion seule peut... — L'ACHEVER ? non : — LA CONSERVER[6]. Et la pensée véritable du manifeste éclatait, au surplus, d'une manière naïve dans cet appel : Union du tiers état contre les privilèges : privilèges politiques, bien entendu, puisque c'étaient les seuls qu'on eût encore mis en question ; et ils se trouvaient abolis déjà, à l'exception de celui contre lequel les Girondins ouvraient la campagne, à l'exception de la royauté ! Mais ce n'était pas tout que d'avoir pour soi le peuple,
il fallait l'avoir armé : les Girondins poussèrent avec fougue à la
fabrication des piques. Déjà, dans son discours du 18 décembre 1791,
Robespierre, comme on l'a vu, avait dit : Il faut
avant tout, partout, sans relâche, faire fabriquer des armes ; il faut armer
le peuple, ne fût-ce que de piques[7]. Et les fameuses
piques du 14 juillet n'avaient pas même attendu ce cri pour se montrer çà et
là. Au mois de février 1792, l'impulsion fut immense, le mouvement devint
général. Les républicains des Révolutions de Paris écrivaient : Que chacun de vous, citoyens, possède au moins deux
piques, l'une pour le repos de ses foyers, l'autre pour la sûreté de la
République. Jadis, les gentilshommes ne sortaient pas de leurs maisons sans
suspendre une épée à leur hanche : que le peuple ait sans cesse sa pique à la
main. Les Chinois et les Turcs ont leur fête des lanternes qui leur rappelle
la naissance du premier jour du monde et le retour de la lumière. Français,
ayez votre fête des piques, en commémoration de la conquête de la liberté[8]. Le 8 février,
Gorsas publiait l'article suivant : Des piques, des
piques, des piques ! Le brave Gonchon, orateur des hommes du 14
juillet, s'est présenté au club électoral de l'Évêché à la tête d'une
députation, pour offrir les flammes tricolores qui doivent voltiger au haut
des piques. Voici l'exorde et la péroraison de son discours : La cocarde nationale doit faire le tour du globe : elle a
pris racine sur un bonnet de laine ; elle prendra racine sur le turban[9]. Il n'y eut pas
jusqu'aux femmes qui demandèrent à porter des piques. Que dis-je, c'était une
femme qui, par une lettre, adressée au club électoral de l'Évêché[10], avait pris, à
proprement parler, l'initiative de ce mouvement. Bientôt les piques se
hérissèrent de toutes parts. Aux Jacobins, des piques ayant demandé l'entrée,
et quelque hésitation s'étant manifestée, à cause de la loi qui interdisait
les délibérations armées : Sans doute, cria
Danton, nous voulons observer la loi. Mais regardez
ces drapeaux ! Ils sont surmontés de lances. Je demande qu'en signe d'une
alliance indissoluble entre la force armée constituée et la force armée
populaire, une pique soit ajoutée à chacun de ces drapeaux. Et la
motion fut adoptée d'enthousiasme, au bruit d'un tonnerre d'applaudissements[11]. On juge si les royalistes furent alarmés ! Ils se mirent de leur côté à fabriquer des poignards[12], et tous leurs journaux grondèrent. Mais Brissot : Ah ! le réveil du lion épouvante ceux qui comptaient sur son sommeil ! — Où se porteront ces piques, dites-vous ? — Partout où vous serez, ennemis du peuple. — On les promène sur la terrasse des Feuillants, comme pour menacer le château des Tuileries ; oseraient-elles se porter là ? — Oui, si vous y êtes. — Mais qui commande ces piques ? — La nécessité. — Qui en fera la distribution ? — Le patriotisme. — A qui seront-elles livrées ? — Au courage[13]. Le roi eut peur, lui aussi, manda Pétion, aux Tuileries ; et le même jour parut un arrêté municipal, statuant que tout porteur de piques serait tenu de faire sa déclaration au comité de sa section ; qu'on arrêterait quiconque se trouverait vaguant soit de jour, soit de nuit ; que les personnes, inscrites ou non inscrites, ne pourraient, ni se former en patrouilles, ni marcher sous d'autres drapeaux et obéir à d'autres officiers que ceux de la garde nationale. L'arrêté, signé par Pétion, un des chefs du parti de la Gironde, montrait, qu'après tout, ce parti n'était pas sans se défier du peuple, même en l'armant, comme le journal de Prudhomme en fit amèrement la remarque[14]. C'était indiquer aux royalistes une manière de calomnier le mouvement des piques. Pour montrer ce qu'il avait de dangereux, ils songèrent à fomenter une émeute ; et malheureusement, les circonstances ne se prêtaient que trop bien à ce manège impie. Car, pendant que les nobles menaçaient au dehors, que les prêtres fomentaient au dedans la guerre civile, et que, pour faire évader les fabricateurs de faux assignats, on incendiait leur prison, les riches spéculateurs, afin de ruiner les fabriques, de casser les bras aux ouvriers, de forcer la misère à maudire la Révolution, accaparaient tout, oui tout, jusqu'au papier, jusqu'aux ardoises, jusqu'aux épingles[15]. Paris et ses environs regorgeant de sucre, on y faisait payer au-delà de 5 livres la même denrée qu'à Liège et à Bruxelles, villes sans colonies, on ne payait que 14 sous. Un ancien constituant, d'André, chose honteuse, figurait à la tête des accapareurs[16]. Et comme si ce n'était pas assez de provoquer le peuple par la privation, voilà qu'on le provoqua par l'insulte. Un certain Joseph François d'Elbe, se disant Américain, fit savoir à l'Assemblée qu'il était propriétaire de deux millions de sucre et d'un million de café, qu'il mettait ces richesses sous la sauvegarde de la force publique, et qu'il ne vendrait les denrées qui lui appartenaient à aucun prix, tel étant son bon plaisir. En d'autres termes, pour se venger de l'insurrection de ses nègres à Saint-Domingue, il condamnait les Parisiens à avoir constamment deux millions de sucre sous les yeux et à s'en passer[17]. Il oubliait que, même sous l'ancienne monarchie, même sous François Ier, il avait été rendu une ordonnance ainsi conçue : Seront appréhendées au corps les personnes des monopoleurs et des accapareurs de marchandises, et leurs biens et denrées confisqués et vendus sur la place publique, au profit de l'Etat ![18] C'eût été merveille qu'irrité avec tant d'art, le peuple ne cédât point aux émissaires envoyés pour lui souffler de déplorables fureurs, émissaires dont l'action serait niée bien en vain ; car, ainsi que le firent observer les Révolutions de Paris, étaient-ce les pauvres qui auraient pu forcer les marchands, comme cela eut lieu, à délivrer le sucre, par pains, à 20 et 25 sous la livre[19] ? Où donc aurait-il trouvé 25 sous pour payer une livre de sucre, le malheureux qui avait laissé au logis sa femme en pleurs et ses enfants criant la faim ? L'émeute éclata donc, c'était tout simple ! Le faubourg Saint-Marceau s'ébranla ; beaucoup du faubourg Saint-Antoine se hâtèrent, de leur côté, vers l'Hôtel de ville, pour réclamer, non-seulement lè rabais du prix du sucre, mais celui de la viande de boucherie et du pain. Est-il vrai qu'à leur arrivée on fit faire un léger mouvement aux pièces de canon qui défendaient l'entrée de la maison commune ? Le bruit en courut ; mais le journal de Prudhomme, qui le rapporte, refuse d'y croire, pour l'honneur de la garde nationale[20]. Un autre bruit courut aussi, et celui-là monstrueux. Les agitateurs gagés n'allaient-ils pas, de groupe en groupe, désignant comme accapareurs. qui ? le duc d'Orléans et Pétion[21] ! Pendant ce temps, et tandis qu'on doublait la garde du château, Marie-Antoinette se promenait, en grand appareil, au bois de Boulogne. Ce jour-là même était arrivée la nouvelle que, dans les Pays-Bas, par ordre de sa sœur, des horreurs avaient été commises sur quarante personnes de tout âge et de tout sexe[22]. Du reste, Paris ne fut pas alors le seul point de la France où se produisirent ces agitations funestes. Dans le département de l'Oise, des milliers d'hommes se rassemblaient en tumulte, anathématisaient les accapareurs et arrêtaient sur la rivière d'Oise des bateaux chargés de grains ; l'accaparement des matières premières et des subsistances mettait en ébullition Dunkerque, Noyon, le Havre, Évreux, Verneuil, Montlhéry, Corbeil, Étampes, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Toulouse ; à Dunkerque, des brigands conseillèrent au peuple d'incendier le port ; des bandes, transportées de rage, parcoururent le département de l'Eure, traînant avec elles les officiers municipaux terrifiés, portant des fusils, brandissant des fourches, menaçant les villes si l'on ne taxait pas à leur volonté le bois et le pain, comme si le meilleur moyen de faire entendre raison au fermier eût été de bouleverser les fermes ! Un cultivateur lâchement immolé à Montlhéry, le maire d'Étampes assassiné pour avoir refusé de taxer le blé au-dessous du cours du marché, et de vastes déprédations commises dans les bois de l'Ile-Adam, complètent ce triste tableau. En le traçant, le journal de Prudhomme, avec une indignation généreuse, en appela au peuple de la barbarie et de l'astuce des imposteurs qui s'étudiaient à l'égarer ; et au spectacle des crimes conseillés ou commis à Dunkerque, à Montlhéry, à Étampes, il opposa celui des Marseillais apprenant qu'à Aix le régiment d'Ernest opprimait les patriotes, partant aussitôt en bon ordre, entrant à Aix, se concertant avec les magistrats, et regagnant leurs foyers sans avoir laissé d'autres traces de leur expédition que la tranquillité rétablie et la contre-révolution désarmée[23]. Nous avons dit que les Girondins étaient des artistes en
révolution : rien ne le prouva mieux que la façon dont ils pressèrent
l'adoption du bonnet rouge. Les motifs qui le leur fit aimer sont curieux à
lire dans le journal de Brissot, leur organe. Suivant le Patriote français,
ce n'est pas seulement comme symbole de la liberté que le bonnet rouge se
recommande, c'est aussi parce qu'il égaye, parce
qu'il dégage la physionomie, parce qu'il la rend plus ouverte, plus assurée,
couvre la tête sans la cacher, en
rehausse avec grâce la dignité naturelle, et est susceptible de toutes sortes
d'embellissements[24]. A la même disposition d'esprit se rapporte l'engouement des Girondins pour certaines expressions devenues fameuses dans le vocabulaire de la Révolution. Mesdames de Coigny et de P***, qui suivaient le torrent des idées nouvelles, assistant un jour à une séance de l'Assemblée constituante, et témoignant leur improbation d'un discours que tenait en ce moment l'abbé Maury, celui-ci, avec sa grossièreté ordinaire, s'écria, en les montrant du doigt : Monsieur le président, faites donc taire ces deux sans-culottes[25]. Le mot fit fortune ; il fut appliqué aux révolutionnaires exaltés ; Camille Desmoulins se plut à l'enchâsser dans son style athénien, et les railleries mêmes des royalistes contribuèrent à le mettre à la mode. Dans ce mois de février 1792, dont nous esquissons la physionomie, une députation de sans-culottes s'étant présentée à l'Assemblée nationale, les Sabbats jacobites leur mirent dans la bouche le discours suivant : Ah ! que nous serions satisfaits, Si, toujours patriotes, Au lieu de faire des décrets ; Vous faisiez des culottes[26]. Se parer des injures d'un ennemi est un moyen d'y répondre. Le mot sans-culotte, aussi original que familièrement cynique, et aussi expressif que brutal, plut aux Girondins, malgré leur atticisme, et à cause de leur penchant à apprécier les choses moins par le fond que par la surface. Ajoutons que ce goût pour les choses extérieures qui, combiné avec la vanité, enfante le désir de paraître, et, combiné avec l'orgueil, produit l'emphase, fut, dans la Révolution, un défaut commun à tous ceux qui, de près ou de loin, par leurs naturelles affinités, sinon politiquement, tinrent au parti de la Gironde. Tantôt c'est Carra qui, après avoir médité toute une semaine son coup de théâtre et choisi son moment, court à la tribune des Jacobins agi- ter un assignat de mille livres, prix offert à sa conscience, qui a refusé de se vendre[27] ; tantôt c'est Manuel qui, sans nécessité, sans prétexte, publie une lettre à Louis XVI commençant par ces pompeuses paroles : Sire, je n'aime pas les rois[28]... ; tantôt enfin c'est Danton qui, prenant place au conseil général de la commune, prononce ces mots étranges : La nature m'a donné en partage les formes athlétiques et la physionomie âpre de la liberté[29]. Robespierre avait trop de gravité dans l'esprit pour s'abandonner à ce courant. Jamais on ne le vit donner ni dans l'affectation du débraillé révolutionnaire, ni dans l'emphase. Sa tenue décente annonça toujours qu'il se respectait lui-même ; et dans son langage, quoique le style de ses discours soit travaillé et révèle un peu trop peut-être l'habitude des préoccupations littéraires, dans son langage jamais il ne sacrifia le fond au luxe de la forme. Les piques aux mains du peuple lui convenaient fort, et il avait été des premiers à les demander, parce qu'il y avait là quelque chose d'effectif et de sérieux ; mais il ne goûta ni le mot sans-culotte ni la mode des bonnets rouges. Il pensait que la liberté doit avoir des mœurs simples, des allures dignes, et se montrer sobre dans l'adoption d'emblèmes qui ne servent trop souvent qu'à dissimuler l'idée quand ils n'en tiennent pas lieu ; il savait combien il est facile d'égarer les hommes avec des mois et de les conduire avec des signes ; il ne voulait pas que, pour tromper la multitude, les agitateurs vendus ou à vendre n'eussent qu'à se coiffer d'un bonnet de laine ; il se défiait, en véritable observateur qu'il était, de cette impétueuse tendance à se contenter des dehors, tendance malheureusement particulière au peuple français, le peuple artiste par excellence. Et il faut bien le dire : nul doute que, sous ce rapport, le génie de la Gironde ne répondît beaucoup mieux que celui de Robespierre au génie de la France. Aussi, on n'eut pas plutôt recommandé le bonnet rouge qu'il fit fureur. On ne vit plus que bonnets rouges partout, dans Paris ; on se promenait en bonnet rouge, on allait au café en bonnet rouge, on assistait en bonnet rouge aux séances des clubs et aux représentations théâtrales. Au Vaudeville, une rixe s'étant élevée entre les partisans de la Cour et ses adversaires, ceux-ci se hâtèrent de hisser, comme leur labarum, un bonnet rouge au haut d'une pique : In hoc signo rinces. Des citoyens, visitant les appartements des Tuileries, jetèrent leurs bonnets rouges sur le lit du roi, en formèrent une pile, et dirent : Puisse-t-il se coiffer une bonne fois de la liberté, il n'en dormira que mieux[30]. Tout cela entretenait Paris dans un état d'excitation extraordinaire. Les théâtres devinrent des arènes de gladiateurs, et là, généralement plus nombreux, les aristocrates triomphaient. Madame Campan, rapporte que, vers la fin de ce mois de février, comme la reine, sa sœur et sa fille assistaient un soir à la représentation des Événements imprévus, de Grétry, un effroyable tumulte s'éleva, parce que madame Dugazon, en chantant ces paroles : Ah ! comme j'aime ma maîtresse ! s'était inclinée vers la reine. Pas de maîtresse, pas de maître, liberté ! crièrent aussitôt, du parterre, plusieurs voix passionnées. Vive la reine ! répondent ceux des loges et du balcon. Les colères s'allument, le parterre se divise, on se bat, les Jacobins plient, et la reine se retire, ardemment applaudie par ses chevaliers, victorieux[31]. Pareille lutte au théâtre Molière, quelques jours après ; seulement, cette fois, le peuple du dehors s'en mêla, et deux pages du roi furent traînés dans le ruisseau[32]. Ce sont là de vulgaires désordres sans doute, et regrettables, mais qui n'ôtent pas plus à la Révolution sa grandeur que le bouillonnement partiel des flots autour de quelques écueils n'ôte sa majesté à la mer. Les Constitutionnels y virent un prétexte pour attaquer les clubs. Vau blanc et Ramond les dénoncèrent avec un emportement qui n'était pas exempt de courage, et un membre du côté droit, Mouysset, afin d'empêcher la réunion des députés soit aux Jacobins, soit dans d'autres sociétés populaires, proposa à l'Assemblée de décréter que toutes les fois qu'il n'y aurait pas séance le soir, la salle serait ouverte aux représentants pour des conférences non officielles. Mais cette motion, qui menaçait l'influence des Girondins, fut si heureusement combattue par Lasource, Guadet et leurs amis, qu'elle tomba, non sans avoir donné lieu à un débat enflammé[33]. L'attaque dirigée contre les sociétés populaires ne fit
que redoubler leur énergie. Elles n'avaient pas attendu le résultat pour
braver leurs détracteurs. Aux Jacobins, dans la séance du 22 février, Chabot
et Merlin étaient venus prêter le serment solennel de rester invariablement attachés aux incorruptibles Jacobins ; Robespierre
avait prononcé ces fières paroles : Où est-il celui
qui osera porter la main sur ceux que le peuple protège ? Je mets nos ennemis
au défi de le tenter ; et à l'instant même une députation de
patriotes, paraissant à la tribune, avait dit : Nos
piques sont prêtes à vous soutenir[34]. Mais ce qui servit plus que tout le reste à rallier le peuple autour des Jacobins, ce fut un nouvel office envoyé de Vienne, en ce temps-là même, et où l'empereur d'Allemagne les dénonçait d'une manière aussi violente que téméraire. En réponse à la demande d'explications présentée par le ministre de Lessart[35], Léopold justifiait les ordres qu'il avait donnés au maréchal Bender, par la nécessité de mettre un prince de l'Empire à l'abri d'une agression injuste, dans le cas où elle aurait lieu ; il rappelait ses efforts pour le maintien de la paix, insistait sur ce fait que les émigrés avaient été désarmés et dispersés, attribuait un caractère purement défensif et de précaution au concert des souverains, se plaignait amèrement des provocations incessantes de l'Assemblée, et après avoir peint sous les plus sombres couleurs l'état de captivité de son royal beau-frère, l'anarchie à laquelle la France gémissait en proie et son pouvoir contagieux, rejetait tout le mal sur les Jacobins, secte pernicieuse d'hommes qui n'étaient pas seulement les ennemis du roi, mais ceux du repos public et les perturbateurs de la paix[36]. Ce document, qui portait la date du 17 février[37] et la signature du prince de Kaunitz, fut communiqué à l'Assemblée par de Lessart, dans la séance du 17 mars, et accueilli par des murmures, par des ricanements sardoniques, par des exclamations méprisantes, qui annonçaient assez l'effet qu'il produirait, au dehors, sur l'opinion publique. La vérité est qu'il ne fut pas plutôt connu, qu'il y eut tempête de malédictions et de colères. Les conseils menaçants qu'un monarque étranger s'avisait de donner à la France parurent le comble de l'insolence et de la folie. Les Constitutionnels eux-mêmes, n'osant aller contre cette légitime révolte de la fierté nationale, feignirent d'y entrer. Suivant Madame de Staël, c'étaient les mystérieux conseillers
de la reine, Duport, Barnave, qui avaient rédigé cet imprudent office, et
elle ajoute expressément que le modèle en fut envoyé par Marie-Antoinette
elle-même au comte de Mercy-Argenteau, lequel s'empressa de le faire parvenir
à Léopold[38].
De son côté, et tout en disant que le document porte le cachet du style de la
chancellerie impériale, l'auteur des Mémoires tirés des papiers d'un homme
d'État assure que l'Empereur, ayant sous les yeux un mémoire que la reine
lui avait adressé sur l'état des partis, minuta de sa main les passages
dirigés contre les Jacobins, passages auxquels son chancelier de Cour et
d'État n'eut plus qu'à étendre ensuite la forme diplomatique[39]. Ce qui est
certain, c'est qu'on crut généralement, dans le public, que l'office du 17 février
avait été réellement concerté entre le roi de France, Léopold, et leurs
conseillers intimes. Il n'en fallait pas davantage : le déchaînement des
esprits fut terrible. On approchait, d'ailleurs, des heures tragiques. Un
jeune et beau Marseillais, Barba- roux, parut aux Jacobins, et dit d'un ton
de voix qui émut puissamment toutes les âmes : Les
Marseillais sont en marche[40]. Les nouvelles
des provinces dont chaque jour les divers députés entretenaient l'Assemblée
nationale, témoignaient de l'ardeur immense dont la France se sentait animée.
Dans la Loire-Inférieure, les femmes demandèrent à être chargées de la
défense des villes[41]. Un seul obstacle à la guerre restait encore., et il venait d'être levé par le destin : le 1er mars, au moment même où son office parvenait à l'Assemblée, Léopold était mort ; il était mort presque subitement, dans une crise de vomissements convulsifs, n'ayant auprès de lui qu'un valet de chambre, et lorsque toute la ville de Vienne le croyait en parfaite santé. Qui l'avait frappé, ce coup imprévu ? Était-ce bien la nature ? Léopold avait toujours été dévoré de la soif des voluptés ; d'après des témoignages peu récusables, on trouva dans son cabinet des traces singulières de ses galanteries : une collection d'étoffes précieuses, de bagues, d'éventails, et jusqu'à cent livres de fard super fin[42] ; il avait plusieurs maîtresses à la fois, dona Livia, la Prohaska, la comtesse de Wolkenstein, et il ne s'était pas fait scrupule de présenter la dernière à l'impératrice[43], au risque de lui briser le cœur ; s'il avait rendu à la liberté Théroigne de Méricourt, devenue sa prisonnière, c'était en considération des grands yeux noirs de la jolie Liégeoise, circonstance dont celle-ci oublia de se vanter lorsque, de retour à Paris, elle courut aux Jacobins raconter ses aventures[44] ; enfin l'on donne pour constant qu'il faisait un usage immodéré, dans sa poursuite du plaisir, de certains excitants connus en Italie sous le nom de diavolini, et qu'il préparait lui-même[45]. Sa mort pouvait donc être rapportée à des causes naturelles. Telle ne fut point cependant l'opinion générale. Des bruits d'empoisonnement coururent, appuyés sur le témoignage de Lagusius, médecin du prince. Les Jacobins et les émigrés furent tour à tour accusés de ce crime : les premiers, parce qu'on - les jugeait intéressés à se débarrasser d'un ennemi revêtu de la pourpre ; les seconds, parce qu'on les savait irrités jusqu'au délire de la répugnance de Léopold à armer la contre-révolution. Pour ce qui est des moyens adoptés, des récits divers furent répandus. Les uns prétendirent que, dans un bal masqué, et à la faveur de son déguisement, une dame lui avait offert des bonbons empoisonnés ; les autres affirmèrent qu'on s'était servi de la main même d'une Italienne qu'il aimait tendrement[46]. La mort de Léopold servait la fortune des Girondins en précipitant la guerre : la mort de Gustave III vint, quelques jours après, ajouter à leurs succès en privant la coalition du plus enthousiaste de ses futurs capitaines. Le 16 mars, le roi de Suède était au moment de se rendre à un bal masqué, lorsqu'il reçut une lettre anonyme lui annonçant qu'il y était attendu... par la mort. Des bruits d'assassinat prochain, semés à profusion depuis quelque temps, jamais réalisés, avaient façonné son cœur à la confiance : il se mit à sourire et partit ; arrivé dans la salle du bal, à une heure avancée de la nuit, il se mêla gaiement à la foule, puis s'étant assis à côté du comte d'Essen : Eh bien, lui dit-il, n'avais-je pas raison de mépriser cet avertissement tragique ? Si l'on en voulait à ma vie, quel moment serait plus favorable que celui-ci pour me l'arracher ?[47] Il se leva, et se perdit de nouveau dans le tourbillon. Soudain un mouvement étrange se fait autour de lui ; le comte de Horn l'aborde, et prononce ces mots, signal convenu, signal sanglant : Bonsoir, beau masque. Au même instant, un coup de pistolet retentit, et le roi tombe, atteint d'une blessure mortelle. Ordre fut aussitôt donné de fermer les portes, et tandis qu'on transportait le prince dans une chambre voisine, des gardes postés au seuil de la salle faisaient démasquer les assistants, visitant leurs habits, prenant leurs noms, et, d'un œil soupçonneux, interrogeant leurs visages. Nul ne se trahit, nul ne fut arrêté ; mais on trouva par terre le pistolet qui avait servi au meurtre et un couteau semblable à celui qu'avait employé Ravaillac[48]. Ces armes ayant été le lendemain reconnues par l'ouvrier qui les avait fournies, il déclara les avoir vendues à un gentilhomme, ancien officier aux gardes, nommé Anckarstroëm. Le dernier de tous, Anckarstroëm avait quitté la salle du bal, et c'était lui qui effectivement était l'assassin. A la haine profonde dont les nobles suédois poursuivaient Gustave III, leur tyran, il associait la violence d'un ressentiment particulier, né de la perte d'un procès où le roi était intervenu ; mais il est faux, comme l'ont avancé les panégyristes de sa victime, qu'il eût voulu livrer la Finlande aux Russes, et, que condamné à mort pour cette trahison, il n'eût été redevable de la vie qu'à la générosité du roi de Suède[49]. L'ardeur de la vengeance agitait tellement son cœur, qu'admis dans la conjuration, il avait sollicité comme une grâce l'honneur de porter le coup, ce qu'il ne put obtenir que sur la désignation du sort, les jeunes comtes de Ribbing et de Horn lui ayant disputé ce sinistre privilège[50]. Arrêté, il déploya une intrépidité morne, et, suivant plusieurs, refusa constamment de nommer ses complices. D'autres[51] prétendent qu'il ne montra de la fermeté que dans ses premières réponses et finit par tout avouer. Ce qui est certain, c'est que les conjurés furent découverts, et tons ils appartenaient à la noblesse. De ce nombre était Lillienhorn, major des gardes bleues, que le roi avait comblé de faveurs[52], et qui, aux approches de l'heure fatale, combattu de sentiments contraires, avait écrit la lettre anonyme dont l'orgueil de Gustave refusa de tenir compte. Un autre conjuré, le baron Bjelike, prévint son arrestation en s'empoisonnant. Un troisième, le comte de Ribbing, fut indiqué par le roi lui-même comme devant appartenir à la conspiration, et cela par suite d'un incident singulier. Sur son lit de mort, Gustave se ressouvint qu'au mois de janvier précédent, comme il partait pour Gêfle, une diseuse de bonne aventure se présenta tout à coup, et lui cria : Sire, défiez-vous du mois de mars et de la première personne que vous allez rencontrer. Or, cette première personne se trouva être Ribbing[53]. Anckarstroëm, le seul des conjurés qu'on exécuta, fut condamné à être décapité, après avoir été battu de verges pendant trois jours. Du haut de la charrette qui le traînait au supplice, on le vit promener sur la foule des regards tranquilles[54]. Ce fut seulement sous la main du bourreau que, son courage paraissant fléchir, il réclama quelques minutes pour demander pardon à Dieu. Quant à Gustave III, il expira après quatorze jours de souffrances supportées avec courage. Dans l'intervalle, il lui échappa ce mot singulier : Je voudrais bien savoir ce que Brissot dira de ma mort ?[55] De telles paroles ouvraient carrière aux commentaires les plus venimeux : les révolutionnaires de France furent accusés de préluder par le régicide à la guerre. Comme si l'assassinat de Gustave III ne s'expliquait pas de reste par les deux coups d'État qu'il avait successivement frappés en 1772 et en 1789, coups d'État que marqua un mélange inouï de duplicité et d'audace, d'insolence et d'hypocrisie[56] ! Comme si la noblesse suédoise avait eu besoin que la propagande française lui remît en mémoire le jour où, après avoir environné de grenadiers la salle des États, Gustave tira de sa poche un livre de prières et força les gentilshommes, saisis d'effroi, à chanter une hymne d'actions de grâces au Tout-Puissant pour le coup sous lequel ils succombaient[57] ? Les émigrés pleurèrent fort la perte du roi de Suède : Il y a maintenant du ride dans le Nord, disaient-ils tristement[58] ; mais plus que de leurs regrets l'ombre de Gustave se put enorgueillir de la joie des Jacobins ! La Gironde, surtout, se montra radieuse. Elle avait alors le vent en poupe, et, pour saisir le gouvernail, il ne lui restait plus guère qu'à étendre la main. L'Assemblée ? Elle l'entraînait à son gré et la fascinait. La place publique ? Elle l'eut bientôt à ses ordres d'une manière absolue ; car les officiers municipaux que, dans ce temps-là même, les quarante-huit sections élurent étaient : Dussault, Clavière, Chambon, Thomas, Sergent, Roucher Saint-Sauveur, Bidermann, Patris, Boucher-Renette, Mouchette, Osselin, Leroy, Molard, Hue, Jurie, Féral, Lefebvre, Guyard, Guinot, Thérin, Panis, Debourges[59] : tous, à l'exception de Sergent et Panis, ou Girondins ou alliés à la Gironde. Et le maire de Paris, n'était-ce pas Pétion ? Ajoutez à cela que la Gironde avait dans son sein, ou plutôt à sa tête, un de ces hommes qui, pour un parti, valent à eux seuls toute une armée. Car aux vertus qui justifient le succès, Brissot joignait les vices qui, trop souvent, y conduisent. Bon, généreux, insouciant, désintéressé, lorsqu'il ne s'agissait que de sa personne, Brissot devenait, aussitôt qu'il s'agissait de son parti, violent, ambitieux, intrigant, capable de ruse et d'injustice. Sans être naturellement immoral, il tenait par-dessus tout à rester fidèle à son parti. Un écrivain qui le connut à fond, et qui l'aima pour ses qualités personnelles, a écrit de lui : Il avait le zèle du couvent : capucin, il aurait aimé sa vermine et son bâton ; dominicain, il aurait brûlé les hérétiques[60]. Son activité s'arrêtait si peu aux scrupules, que, comme synonyme du mot intriguer, on en vint à employer le mot Brissoter, de même que, par allusion au caquetage de l'ex-capucin Chabot, on disait Chaboter, au lieu de jaboter[61]. Toujours est-il que l'influence de Brissot était alors à son point culminant. Mais il subissait, d'autre part, le sort de quiconque touche à la puissance ou y est arrivé : son nom traînait dans toutes les injures et dans toutes les calomnies. Camille Desmoulins, avocat consultant d'une dame Beffroi et d'un certain d'Hiturbide, condamnés par la police correctionnelle à six mois de prison, avait fait afficher un placard rouge dans lequel il dénonçait comme abusive la sévérité du tribunal : Brissot attaqua vivement ce placard, qu'il accusa d'attaquer les mœurs ; et à la demande que lui fit Camille d'insérer textuellement l'affiche pour que le public en décidât, il répondit que jamais sa feuille ne servirait de véhicule au poison. Imprudence terrible ! c'était le génie même du pamphlet que Brissot venait de provoquer. Camille s'arma de sa plume, rédigea les révélations, vraies ou fausses, de Morande dans le style de Juvénal, et, sous le titre de Brissot démasqué, lança un libelle où chaque phrase était un coup de poignard[62]. De son côté, avec une habileté impitoyable, le Journal de Paris réveilla le souvenir des hardiesses philosophiques de Brissot, et le scandale des rapprochements que, dans un livre de sa jeunesse, il avait établis entre la propriété et le vol. Brissot eut beau reculer, il eut beau se rejeter sur une distinction subtile entre la propriété naturelle et la propriété civile ; il eut beau prouver par des citations qu'il n'avait jamais entendu attaquer celle-ci, et n'avait parlé de celle-là que pour aboutir à la conclusion qu'il ne fallait pas punir si cruellement les voleurs ; le critique du Journal de Paris lui adressa cette question, à laquelle il eût pu aisément répondre s'il eût eu le courage de ses anciennes convictions, mais à laquelle il ne répondit pas : Eh ! mon ami, si tu n'as voulu que me dire que mon blé, mon champ, ma maison, sont à moi, par quel étrange travers d'esprit as-tu fait, si longuement et avec tant d'emphase, l'apologie du vol et la satire de la propriété ? Pourquoi me dis-tu que mes portes, mes serrures, mes murs, ne prouvent que ma tyrannie, et tant d'autres maximes de Rolando dans la caverne de Gil-Blas ?[63] Ainsi harcelé, Brissot n'en poursuivait pas avec moins d'ardeur, pour le compte de son parti, la conquête du pouvoir ministériel. Pour ouvrir la brèche, il songea d'abord à frapper un des ministres, et la victime qu'il choisit fut de Lessart. Il est certain que si l'on refusait de tenir compte de la situation difficile où le ministre des affaires étrangères était placé, on lui pouvait reprocher d'avoir temporisé sous les hauteurs du prince de Kaunitz ; de n'avoir pas parlé, au nom de la France, comme elle aime à parler dans ses moments de dédain ou de colère ; d'avoir de la sorte enhardi les rois ; d'avoir enfin apporté trop de réserve dans ses communications avec l'Assemblée. Mais ces crimes de de Lessart n'étaient que ceux de sa situation, de sa faiblesse, et nul n'était plus homme à comprendre cela que Brissot, dont le cœur était sans fiel ; mais il avait le fanatisme de l'esprit de corps, et tout fanatisme est implacable. Il se mit donc à préparer contre le malheureux ministre un réquisitoire qui concluait au crime de haute trahison. J'entendis dans le comité,
raconte Étienne Dumont, la lecture de cet acte qui
contenait dix-sept ou dix-huit griefs. Je gardai le silence, mais quand je
fus seul avec Brissot et Clavière, je fis au premier des observations : je lui
représentai que ces griefs rentraient les uns dans les autres ; que plusieurs
étaient couchés en termes si vagues, qu'il était impossible d'y répondre ;
qu'ils étaient artificieux, contradictoires. Brissot sourit d'un rire
sardonique : — C'est un coup de parti, me dit-il. Il faut absolument que de Lessart soit envoyé à Orléans. Nous
avons besoin de gagner de vitesse les Jacobins. Je sais bien qu'il sera
absous, car nous n'avons que des soupçons, et point de preuves. Mais nous
aurons gagné notre objet en l'éloignant du ministère. — Devant Dieu, lui dis-je, confondu de cette légèreté
odieuse, vous voilà dans le machiavélisme des partis jusqu'au fond du cœur. Êtes-vous
l'homme que j'ai connu si ennemi de tous les détours ? Est-ce Brissot qui
opprime un innocent ? — Mais, me répondit-il
déconcerté, vous n'êtes pas au courant de notre situation... Depuis ce moment, je ne vis plus Brissot du même œil, je
ne rompis pas avec lui, mais l'amitié s'affaiblit avec l'estime. Je l'avais
connu candide et généreux, je le voyais insidieux et persécuteur[64]. Survint un événement qui concordait à merveille avec les vues de la Gironde. Narbonne, menacé par le crédit dont Bertrand de Molleville, son rival, jouissait auprès du roi, avait appelé à Paris, sous prétexte de leur faire rendre compte au Conseil de l'état des armées, mais en réalité pour s'appuyer sur eux, les trois généraux Rochambeau, Luckner et Lafayette[65]. Il obtint de leur complaisance ou de leurs sympathies trois lettres qui portaient en substance que les bruits répandus touchant l'imminence de sa retraite leur causaient la plus grande inquiétude ; que son amour pour la patrie lui commandait de rester à son poste, et que, s'il le quittait, ils seraient eux-mêmes dans l'impossibilité de remplir dignement la mission qui leur avait été confiée. Cette correspondance, qui, dans l'intention des généraux[66], ne devait qu'être montrée au roi, fut publiée fastueusement par Narbonne, et indigna ses collègues[67]. Particulièrement ému de la pression qu'on prétendait exercer sur lui, Louis XVI mande les trois généraux. Nous verrons, s'écria Lafayette en recevant cet ordre, lequel, du roi ou de moi, aura la majorité dans le royaume[68]. Il se rendit au château, néanmoins, avec les deux autres. Rochambeau s'excusa sur ce que Narbonne était aimé de l'armée ; et Luckner dit : Ce ministre m'était commode[69]. Là-dessus, Louis XVI prit son parti, d'autant que les généraux adressèrent à l'Assemblée un mémoire dont le préambule avait pour objet d'attribuer les maux du royaume à la défiance qu'inspiraient encore les intérêts du roi[70]. Narbonne fut donc renvoyé, sans autre formalité qu'une lettre très-sèche que Louis XVI lui fit porter par un valet de pied. Elle était ainsi conçue : Je vous préviens, monsieur, que je viens de nommer M. de Grave au département de la guerre ; vous lui remettrez votre portefeuille[71]. Seulement, pour conjurer, autant que possible, l'explosion de l'opinion publique, il avait été convenu que, de son côté, Bertrand de Molleville se retirerait[72]. Ce fut dans la séance du 10 mars que l'Assemblée reçut communication de la chute de Narbonne. Les Constitutionnels en furent consternés à la fois et irrités ; les Girondins s'en applaudirent en secret, à cause de l'inévitable agitation des esprits, et tous grondèrent. Les changements de scène qui se préparaient alors en Europe, la Pologne menacée, la mort de Léopold annoncée par de vagues rumeurs, la nomination de d'Aranda en Espagne comme premier ministre, sa haine connue pour les Anglais, tout cet ordre de choses si nouveau parlait vivement aux imaginations, et ajoutait à l'émotion générale. Ramond donna le signal : L'intrigue a prévalu. Il faut déclarer que le ministère a perdu la confiance de la nation. Cambon appuya. Gensonné soutint que tous les ministres étaient coupables de trahison. Tout à coup Guadet se lève, et demande que Brissot soit entendu. Brissot monte à la tribune, et après avoir disposé l'Assemblée à frapper l'incapacité comme la trahison, il accuse de Lessart de n'avoir donné connaissance à l'Assemblée ni du traité avec le roi de Prusse, ni de la convention de Pillnitz, ni même de la déclaration du mois de novembre. Il l'accuse d'avoir celé jusqu'au 1er mars l'office reçu le 12 janvier, et qui annonçait les sentiments hostiles de l'Empereur. Il l'accuse d'avoir demandé des explications sur le concert des rois, alors qu'il avait sous les yeux les preuves de ce concert. Le décret terrible qui était au bout de ce réquisitoire se trouvait tout préparé, et la conclusion fut ce qu'on pouvait attendre[73]. Nul ne se porta défenseur du ministre. L'exaltation était si grande, l'entraînement tel, que, pour se faire écouter sur un amendement, il fallait prendre la précaution de dire : Je ne parle pas pour le ministre[74]. Cependant, quelques voix timides demandaient que, du moins, on se donnât le temps de réfléchir. Mais Vergniaud : Une voix plaintive sort de l'épouvantable glacière d'Avignon. Elle vous crie : le décret de réunion du comtat à la France a été rendu au mois de septembre dernier ; s'il nous eût été envoyé sur-le-champ par le ministre de Lessart, peut-être il nous eût apporté la paix. Un jour Mirabeau prononça ces paroles : De cette tribune où je parle, on aperçoit la fenêtre d'où la main d'un monarque français, armée contre ses sujets, tira l'arquebuse qui fut le signal de la Saint-Barthélemy. Et moi aussi je m'écrie : De cette tribune, on aperçoit le palais où des conseils pervers égarent le roi que la constitution nous a donné. La salle retentit d'applaudissements. Lui, poursuivant : La terreur et l'épouvante sont souvent sorties, dans les temps antiques, et au nom du despotisme, de ce palais fameux ; qu'elles y rentrent aujourd'hui, au nom de la loi ! Que tous ceux qui l'habitent sachent que le roi seul est inviolable, que la loi y atteindra sans distinction tous les coupables, et qu'il n'y a pas une tête qui, convaincue d'être criminelle, puisse échapper à son glaive[75]. Ces éloquentes, mais formidables paroles, qui conduisaient jusqu'au cœur de la reine le glaive des révolutions, se perdirent dans un tonnerre d'applaudissements. La demande d'ajournement fut écartée par la question préalable, et le décret d'accusation contre de Lessart adopté à une majorité considérable[76]. Louis XVI assistait à son Conseil quand cette foudroyante nouvelle lui parvint. Il pâlit ; et comme pour achever de troubler son âme, le courrier de Vienne lui apporta, dans cette même séance, cette autre nouvelle : L'Empereur n'est plus ![77] Le lendemain, Pellenc écrivait au comte de La Marck : On dit que le roi se conduit, dans son intérieur, comme un homme qui se prépare à la mort[78]. Une dernière humiliation attendait Louis XVI : recevoir un ministère de la main de ses ennemis. L'impérieuse Gironde lui imposa comme ministre des affaires étrangères Dumouriez, qui avait Gensonné pour ami[79] et Brissot pour prôneur[80] ; Dumouriez, c'est-à-dire un admirable soldat, un diplomate, un esprit romanesque, un sceptique, un chevalier, un intrigant, un homme de génie, un aventurier, un héros. Car comment, sans rassembler tous ces traits, si divers pourtant et si contradictoires, l'histoire arriverait-elle à peindre ce personnage extraordinaire, au regard si effronté, si faux et si doux, au langage si insinuant et si décidé, aux manières si brusquement militaires et si galantes, qui à vingt-deux ans pouvait compter le nombre de ses années par celui de ses blessures, et qui, avec une âme capable de s'élever jusqu'à l'amour[81], avait été, sous Louis XV, l'agent en sous-ordre d'une diplomatie presque plus honteuse que l'espionnage[82]. Dumouriez entra au ministère le 15 mars, et, le lendemain, reçu en audience particulière par Louis XVI, il lui parla avec une franchise et une rondeur qui étonnèrent fort ce prince timide[83]. Quelques jours après, il prévint le roi, sans façon, qu'il comptait se présenter aux Jacobins, ce qu'il fit le soir même. Ce fut une curieuse séance. En l'absence de Mailhe, Doppet présidait. Traversant la foule des assistants, qu'étonnait cette visite inattendue, le général se dirigea d'un pas hardi vers la tribune, se coiffa du bonnet rouge, promit d'être bon patriote, annonça en termes brefs qu'il allait négocier de manière à aboutir à une paix solide ou à une guerre décisive, et déclara que, dès qu'il aurait à quitter sa plume, il prendrait son épée[84]. L'imprévu de cette démarche, cet habile et fier langage, l'hommage rendu au club par ce soldat devenu ministre, tout cela charma l'assistance, et l'enthousiasme fut au comble, lorsque, sur l'observation de Collot d'Herbois, que Du- mouriez devait agir désormais comme il avait parlé, celui-ci leva la main[85]. L'impression de son discours avait été demandée : Legendre s'y opposant, l'orateur fut forcé de quitter la tribune par d'horribles cris partis de la porte[86]. Alors eut lieu une scène étrange. Seuls, à cette époque, les Jacobins avaient renoncé à l'usage de se poudrer les cheveux[87]. Vêtu avec son élégance ordinaire, la tête nue, les cheveux bien arrangés et soigneusement poudrés, Robespierre s'avança, et il allait prendre la parole, lorsque s'apercevant qu'il ne portait pas la coiffure de rigueur, un sans-culotte va droit à lui et lui enfonce un bonnet rouge sur la tête. Incapable de sacrifier la dignité de son caractère à ce bas amour de la popularité, maladie des tribuns vulgaires, Robespierre prit le bonnet, le jeta par terre, à la grande stupéfaction de tous, et commença[88]. Il fit remarquer que, pour décerner des éloges au nouveau ministre, il était convenable d'attendre qu'il eût vaincu les ennemis, désarmé les conspirateurs, et réalisé les espérances que venait d'éveiller sa parole. Il protesta contre l'atteinte portée au principe de la liberté et de l'égalité par les clameurs confuses qui avaient étouffé la voix de Legendre. Il promit à Dumouriez qu'il aurait dans le club des Jacobins des appuis et des défenseurs, tant qu'il se montrerait patriote. Mais, ajouta-t-il, un ministre qui prétendrait avoir dans cette société plus d'influence que tout autre membre, y serait nuisible. Au nom de la liberté, je jure qu'il n'en sera pas ainsi. A ces mots, Dumouriez courut à Robespierre, et l'embrassa au bruit d'unanimes applaudissements[89]. Une autre circonstance mémorable marqua aux Jacobins, la séance du 19 mars. Voyant que le bonnet rouge avait été adopté comme coiffure révolutionnaire, les hypocrites du parti royaliste s'en étaient parés, pour attirer à eux, sans avoir besoin d'autre preuve de patriotisme, la foule, partout très-nombreuse, de ceux qui prennent l'ombre pour le corps et l'emblème pour l'idée. De leur côté, les royalistes violents, les spadassins aux gages de la Cour, parlaient déjà d'opposer aux bonnets rouges des bonnets verts, ce qui eût fait revivre le souvenir des guelfes et des gibelins, des rose-croix rouges et blancs, et reporté la civilisation à ces époques de barbarie où l'on s'exterminait pour des chaperons[90]. Pétion, l'homme grave de la Gironde, ne tarda pas à le comprendre, et il en écrivit aux Jacobins. Quand sa lettre fut remise à Doppet, qui présidait alors le club, celui-ci avait le bonnet rouge sur la tête. Or, dès le milieu de la lecture, écrit le Journal des Jacobins, le bonnet du président était rentré dans sa poche, et à la fin de la lettre, il n'en restait plus dans la salle[91]. Robespierre appuya, par quelques paroles bien senties, les exhortations du maire de Paris, dont il éleva jusqu'aux nues, lui qu'on a représenté envieux, les lumières, le patriotisme et les services[92]. Pendant ce temps, au théâtre de la Nation, le peuple coiffait du bonnet rouge le buste de Voltaire[93]. Mais les observations de Robespierre et de Pétion portèrent coup, dès qu'elles furent connues. Brissot lui-même s'y rendit, après quelques regrets assez faiblement exprimés[94], et la disparition du bonnet rouge dans Paris fut aussi soudaine que l'avait été son invasion[95]. Ce qui resta, ce fut l'excitation populaire. Triste et bizarre empire des circonstances ! Les Girondins qui, quelques mois, seulement quelques mois après, firent tant d'efforts pour retenir le char, ne songeaient maintenant qu'à le précipiter ; et eux que nous verrons poursuivre de leurs plus éloquents anathèmes les massacres des 2 et 5 septembre, ils furent les premiers, au mois de mars, à demander qu'on couvrît d'une amnistie nationale les horreurs de la Glacière[96]. Car si, le 19 mars, l'Assemblée voila d'une main imprudente la statue de la justice, si elle décréta au profit d'une bande de cannibales l'indulgence ou l'oubli, si elle courut le risque d'encourager d'avance par l'espoir de l'impunité les débris de l'esprit de faction, ce fut Guadet, ce fut Lasource, ce fut Vergniaud, qui le remportèrent, ce triomphe déplorable[97], qu'un autre Girondin, Barbaroux, avait déjà préparé aux Jacobins, par un discours dont il se vante presque dans ses Mémoires[98]. Il est vrai que les deux partis qui déchiraient Avignon, avaient fourni l'un et l'autre de grands coupables ; il est vrai que cent prisonniers, quatre cents accusés, dix mille citoyens compromis, des fureurs réciproques[99], semblaient rendre difficile l'exercice de la justice dans toute sa plénitude. Mais le carnage n'avait-il pas eu ses héros, dont la main, comme celle de lady Macbeth, portait la tache de sang, la tache ineffaçable ? Ceux-là, il n'était que trop facile de les distinguer ; et l'impunité de monstres tels que Jourdan, due à l'éloquence d'hommes de cœur tels que Vergniaud, est un spectacle qui flétrit l'âme ! La chute de Narbonne, celle de Bertrand de Molleville, et la mise en accusation de de Lessart, entraînaient naturellement la recomposition complète du Cabinet, et la Gironde était toute puissante : Brissot, en quête d'un ministre de l'intérieur, jeta les yeux sur Roland. Le 21 mars, il alla trouver madame Roland pour lui offrir le portefeuille de Cahier de Gerville ; le 22, Roland fit savoir qu'il était prêt à se charger de ce fardeau ; et, le 23, à onze heures du soir, Dumouriez, entrant chez l'austère Girondin, le saluait son collègue[100]. Madame Roland reçut, de l'aspect et des manières de Dumouriez, une impression désagréable ; elle lui trouva le regard faux ; elle crut reconnaître en lui, selon ses propres expressions, un roué très-spirituel, un hardi chevalier, qui devait se moquer de tout, hormis de ses intérêts et de sa gloire[101] ; et frappée du peu de rapport qui existait entre un tel homme et son mari, elle dit à ce dernier : Je ne serais pas étonnée qu'il te fît renvoyer un jour[102]. Les autres ministres que la Gironde nomma en réalité ou laissa nommer furent : Lacoste à la marine, Duranton à la justice, et Clavière aux finances. De la sorte, le Conseil se trouva complet, et Dumouriez, qui ne pouvait manquer de le dominer, déclare dans ses Mémoires qu'il était fort bien composé[103]. La vérité est que Lacoste et Duranton étaient de très-insignifiants personnages. Quant à de Grave, ministre de la guerre, il était si peu fait pour ce poste élevé, que le vertige le prit. Après deux mois de travaux, il perdit la tête, au point qu'il oublia son nom dans ses signatures, et que, ne sachant plus ce qu'il faisait, il signa maire de Paris[104]. Un choix meilleur fut celui de Clavière, homme très-versé dans la science des chiffres, désintéressé, modeste, et d'une activité sans bornes. Quoique timide par tempérament, il avait toujours aspiré aux positions qui veulent un caractère intrépide. Ayant eu toute sa vie l'instinct de son élévation, il lui était arrivé de dire, dès 1780, en passant devant l'hôtel du ministre des finances : Le cœur me dit que j'habiterai un jour cet hôtel[105]. On trouve partout, excepté dans les Mémoires de Dumouriez, la saisissante anecdote qui se lie à l'avènement de Roland. Comme il ressemblait à un quaker endimanché, avait des cheveux plats, et très-peu de poudre, portait un habit noir et des souliers avec des cordons, la première fois qu'il parut au Conseil dans cet accoutrement, le maître des cérémonies s'approcha de Dumouriez d'un air inquiet, et lui montrant Roland du coin de l'œil : Eh ! monsieur, point de boucles à ses souliers ! — Oh ! monsieur, répondit Dumouriez avec le plus grand sang-froid, tout est perdu[106]. A la Cour, on appela le ministère girondin le ministère des sans-culottes, ce qui amusa beaucoup Dumouriez. Si nous sommes sans culottes, dit-il avec ce mélange de cynisme et d'esprit qui le caractérisait, on s'en apercevra d'autant mieux que nous sommes des hommes[107]. ——————————————— Dans son Histoire de la Terreur, t. II, p. 373, M. Mortimer Ternaux, après avoir fait l'éloge de notre récit des massacres de la Glacière d'Avignon, ajoute : S'il nous était permis de scruter la pensée qui a guidé la plume de l'historien, nous pourrions demander si M. Louis Blanc n'a pas voulu saisir cette occasion pour accuser les Girondins, objets de ses attaques incessantes, non d'avoir participé au crime — ils n'étaient pas encore au pouvoir, pas même à l'Assemblée —, mais d'en avoir fait l'apologie. Nous protestons contre l'insinuation malveillante et injuste de M. Mortimer Ternaux. Notre réponse sera péremptoire : elle s'appuie sur des faits irrécusables. 1° Il n'est pas exact que les Girondins soient l'objet de nos attaques incessantes. Notre livre fait foi, au contraire, qu'en toutes circonstances nous n'avons jamais hésité à affirmer notre profonde et sincère sympathie pour cette illustre et infortunée Gironde, à rendre justice aux services rendus par elle à la plus noble cause, à ses paroles généreuses, à son héroïsme. Mais ces fautes nombreuses et considérables dont on peut, dont on doit, au dire de M. Mortimer Ternaux, lui-même, rendre responsables les Girondins, devions-nous chercher à les pallier ? Ah ! les dire a été notre douleur presque plus encore que notre devoir. Nous n'avons pas, d'ailleurs, été plus indulgent pour celles de leurs adversaires, et nous n'avons pas plus épargné le blâme à Robespierre qu'à Danton, à Danton qu'à Vergniaud, à Vergniaud qu'à Barnave, à Barnave qu'à Mirabeau, lorsque ces grands hommes nous ont paru coupables. En effet, nous n'avons qu'un culte : celui de la justice et de la vérité. Et tout écrivain qui, par esprit de parti ou par une considération quelconque, viole la justice ou altère la vérité, est à nos yeux indigne non-seulement du titre d'historien, mais de celui d'honnête homme. 2° Il n'est pas exact que nous ayons accusé les Girondins d'avoir fait l'apologie des crimes de la Glacière. Nous avons simplement dit qu'ils furent les premiers à demander qu'on couvrît ces crimes d'une amnistie nationale. Or, voici la preuve de notre assertion : Moniteur du 17 mars 1792. — Séance du 16 mars. M. GRANGENEUVE : L'amnistie est du mois de septembre 1791, et le décret de réunion n'est que du mois de novembre ; il est juste que les Avignonnais jouissent comme le reste des Français des avantages de ce décret. M. GUADET : ..... Je demande que l'amnistie du mois de septembre s'étende à tous les crimes commis avant la réunion d'Avignon à la France. Moniteur du 20 mars 1792. — Séance du 19 mars. M. LASOURCE : ..... Je dirai que si l'amnistie accordée à la fin de la Révolution française a effacé tous les crimes relatifs à cette révolution, le décret d'amnistie pour la révolution Avignonnaise doit effacer aussi tous les crimes commis pendant le cours entier de cette révolution. Si vous n'étendez pas l'amnistie à tous les crimes commis pendant la révolution, vous faites une exception injuste ; et si vous n'accordez l'amnistie pour aucun des délits, vous faites une injustice d'une autre nature, car les conspirateurs français auraient une amnistie, tandis que les malheureux Avignonnais n'en auraient pas. M. VERGNIAUD : ..... Les crimes antérieurs au décret d'amnistie ont été commis par les contre-révolutionnaires, et les crimes postérieurs par ceux qui ont constamment combattu pour la révolution. Que résulterait-il si le décret d'amnistie, maintenu pour les coupables de l'un de ces partis, n'était pas appliqué aux coupables de l'autre ?... Que vous donneriez à l'Europe entière le scandale de vous montrer indulgents envers ceux qui vous ont constamment trahis, de leur donner protection, de leur tendre des bras paternels, tandis que vous livreriez aux fers des bourreaux ceux qui vous ont constamment servi, et qui n'ont formé d'autre vœu que celui d'être Français. ..... Quand même il n'existerait pas un décret d'amnistie, il faudrait le rendre. ..... Il ne s'agit pas ici de crimes ordinaires ; il s'agit de crimes commis dans l'effervescence qui accompagne toujours les grandes révolutions ; or, les grandes révolutions ne sont pas annuelles, mais rares ; si elles devaient se renouveler, croyez-vous que le souvenir de vos échafauds pût y prévenir la fermentation des passions ? ..... Je vous en conjure, que des bourreaux ne soient pas le premier présent que vous ferez aux Avignonnais. Envoyez-leur plutôt des paroles de paix, et des secours qui effacent, s'il est possible, la trace de leurs malheurs. Ils ont tant souffert pour devenir Français ; qu'ils n'aient pas à souffrir encore de l'être devenus ! Et maintenant, nous le demandons à M. Mortimer Ternaux : Grangeneuve, Guadet, Lasource et Vergniaud étaient-ils, oui ou non, des Girondins ? |
[1] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XIV, p. 176.
[2] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XIV, p. 177.
[3] Voyez le rapport de Gohier sur les papiers inventoriés dans les bureaux de la liste civile, Histoire parlementaire, t. XVII, p. 285.
[4] Révolutions de Paris, n° 132.
[5] Voyez sur la composition de cette garde, et en les rapprochant, le rapport précité de Gohier et le n° 132 du journal de Prudhomme.
[6] Voyez le texte, soit dans les Révolutions de Paris, n° 135, soit dans le Patriote français, n° 914.
[7] Il n'est ni juste ni conforme à la vérité historique d'attribuer exclusivement aux Girondins, comme le fait M. Michelet, dans le livre VI, page 584 de son Histoire de la Révolution, l'honneur d'avoir mis les armes aux mains des pauvres. Et, de leur côté, les auteurs de l'Histoire parlementaire manquent d'équité à l'égard du parti des Girondins, lorsqu'ils lui reprochent de n'avoir entendu se servir du peuple qu'à titre de forces brutes. Voyez le t. XIII de l'Histoire parlementaire, p. 215.
[8] Révolutions de Paris, n° 136.
[9] Histoire parlementaire, t. XIII, p. 219.
[10] Histoire parlementaire, t. XIII, p. 219.
[11] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 146. — M. Michelet n'était donc pas autorisé à dire que les Jacobins, mortifiés d'avoir été prévenus, goûtèrent peu les piques. Voyez son Histoire, liv. VI, p. 385.
[12] Dénonciation de Dufourny aux Jacobins, dans le n° 145 du Journal des débats des Amis de la Constitution.
[13] Le Patriote français, n° 917.
[14] Révolutions de Paris, n° 136. — Dans sa partialité manifeste pour les Girondins, M. Michelet passe très-légèrement sur cette circonstance qui dément un peu ce qu'il dit de la confiance immense que les Girondins montrèrent dans le peuple, en mettant les armes aux mains des pauvres. Liv. VI, p. 584.
[15] Révolutions de Paris, n° 133.
[16] Révolutions de Paris, n° 133. Voyez aussi le Patriote français, n° 908.
[17] Révolutions de Paris, n° 133.
[18] Ordonnance du mois de novembre 1539, rappelée dans le journal de Prudhomme.
[19] Révolutions de Paris, n° 133.
[20] Révolutions de Paris, n° 133.
[21] Révolutions de Paris, n° 133.
[22] Révolutions de Paris, n° 133.
[23] Révolutions de Paris, n° 133.
[24] Patriote français, n° du 6 février 1792.
[25] Telle est, du moins, l'origine assignée au mot sans-culotte, par l'abbé Montgaillard, dans son Histoire de France, t. II, p. 58 et 59.
[26] Sabbats jacobites, n° 60.
[27] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 140. — Dans leur n° 135, les Révolutions de Paris blâment avec raison cette mise en scène, peu digne en effet de la simplicité républicaine.
[28] Révolutions de Paris, n° 134.
[29] Révolutions de Paris, n° 134. Le journal de Prudhomme ne fait ressortir cette phrase que pour faire remarquer ce qu'elle a de déplacé.
[30] Révolutions de Paris, n° 141.
[31] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XIV, p. 173 et 174.
[32] Le Patriote français, n° 930.
[33] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 82-87.
[34] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 148.
[35] Voyez le chapitre qui précède.
[36] Voyez le texte de cet office reproduit très au long dans les Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 232-247.
[37] Une note y était jointe, datée du 19, et c'est à cette note qu'appartiennent les mots cités textuellement.
[38] Considérations sur la Révolution française, IIIe partie, chap. V.
[39] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'Etat, t. I, p. 250 et 251.
[40] Journal des débats de la Société des Amis de la Constitution, n° 155. Barbaroux, qui n'était pas connu encore, y est nommé Barbarousse.
[41] Séance du 5 mars 1792.
[42] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 258 et 259.
[43] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 258 et 259.
[44] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 146.
[45] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 257.
[46] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, pages 257 et 258.
[47] Rees's Cyclopedia, vol. XVII.
[48] Mémoires du marquis de Bouillé, chap. XIV, p. 334.
[49] Voyez la Biographie universelle, au mot Anckarstroëm.
[50] Biographie universelle, au mot Anckarstroëm.
[51] Le marquis de Bouillé, par exemple. Voyez ses Mémoires, ch. XIV, p. 335.
[52] Voyez les Mémoires du marquis de Bouillé, chap. XIV, p. 335.
[53] Annual register, vol. XXXIV, chap. XV, p. 380.
[54] Biographie universelle.
[55] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 275.
[56] Duplicity, dissimulation, hypocrisy, fraud and treachery, were charged by his enemies. Annual register, vol. XXXIV, chap. XV, p. 393.
[57] The circumstance of the king's drawing a prayer-book out of his pocket, and compelling the astonished and terrified states, surrounded with grenadiers and bayonets, to join in singing a hymn, returning thanks to the Almighty for their own destruction and that of the Constitution, was a wanton if not a cruel exercise of power, and a most indefensible mockery of religion. Annual register, vol. XXXIV, chap. XV, p. 393.
[58] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 276.
[59] Révolutions de Paris, n° 136.
[60] Étienne Dumont, Souvenirs sur Mirabeau, chap. XVIII, p. 357.
[61] Sabbats jacobites, n° 51.
[62] Qui croirait que, dans sa haine aveugle pour Robespierre, M. Michelet va jusqu'à le rendre responsable de ce pamphlet, supposant que ce fut lui qui poussa Camille Desmoulins, comme si pour expliquer la violence de la réponse il ne suffisait pas de la violence de l'attaque ! Comme si Camille n'avait pas été provoqué par Brissot ! Comme si l'irascible pamphlétaire était homme à se laisser déchirer impunément ! Ce qu'il y a de plus singulier, c'est ce que M. Michelet met en avant pour appuyer sa supposition. Il fait remarquer que Camille Desmoulins, dans sa brochure, reproche à Brissot d'avoir préparé le massacre du Champ de Mars par une proclamation prématurée des doctrines républicaines, grief qui se trouve reproduit au premier numéro du journal que Robespierre publia peu après. Quelle déduction ! Quoi ! parce que, parmi toutes sortes d'accusations que lance contre Brissot Camille Desmoulins, il s'en trouve une que, plus tard, Robespierre à son tour articulera, il demeure constant que c'est Robespierre qui est comptable devant l'histoire d'un pamphlet que Camille Desmoulins n'aurait pas écrit s'il n'eût été outrageusement provoqué !
[63] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XIII, p. 434.
[64] Étienne Dumont, Souvenirs sur Mirabeau, chap. XIX, p. 378-381. Aussi partial pour les Girondins qu'injuste à l'égard de Robespierre, M. Michelet n'a garde de rappeler, dans le livre VI, chap. V de son Histoire de la Révolution, cette circonstance si tristement caractéristique. Et cependant il est manifeste qu'il avait les Souvenirs de Dumont sous les yeux ; car, dans le chap. VI, il leur emprunte, sur Brissot, ce trait tout particulier : Il avait l'ardeur et l'intrigue d'un capucin pour son couvent.
[65] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. I, chap. XIII.
[66] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, t. I, chap. XIII, p. 261.
[67] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, chapitre XIV, p. 262.
[68] Lettre de Pellenc au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 297.
[69] Lettre de Pellenc au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 297.
[70] Lettre de Pellenc au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 297.
[71] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, chapitre XIV, p. 276.
[72] Mémoires particuliers de Bertrand de Molleville, chapitre XIV, p. 276.
[73] Voyez cette séance dans l'Histoire parlementaire, t. XIII, p. 369-399, ou dans les Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 97-102.
[74] Lettre de Pellenc au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 206.
[75] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XIII, p. 397 et 398.
[76] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XIII, p. 399.
[77] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'Etat, t. I, p. 274.
[78] Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 298.
[79] Mémoires de Dumouriez, t. II, chap. VI. Collection des Mémoires sur la Révolution française.
[80] Voyez l'éloge pompeux de Dumouriez dans le n° 922 du Patriote français.
[81] Dumouriez raconte lui-même dans ses Mémoires, t. I, liv. I, chap. IV, p. 75, et plus loin, chap. VIII, p. 152, comment il devint amoureux d'une de ses cousines ; avec quelle douleur il apprit qu'assiégée en son absence par les prêtres et les dévotes, elle était entrée au couvent ; comment enfin, informé que la mauvaise santé de la jeune fille l'avait forcée à rompre son noviciat, il lui écrivit pour lui offrir sa main.
Dans son Histoire des Girondins, t. I, p. 589, édition de Bruxelles, imprimerie de Wouters frères, M. de Lamartine écrit : La jeune fille, désespérée, se réfugie dans son couvent. Dumouriez jure de l'en arracher ; le chagrin le saisit en route, il achète de l'opium à Dieppe, s'enferme dans sa chambre, écrit un adieu à son amante, un reproche à son père et s'empoisonne... la nature le sauve, etc., etc. Tout cela est sans contredit fort intéressant et tout à fait de nature à plaire aux dames. Malheureusement, l'histoire, telle que Dumouriez la raconte, lui qui devait la connaître, est un peu plus prosaïque : La réponse que Dumouriez reçut commençait par ces mots : C'est du pied de mon crucifix que je vous écris. Le reste de la lettre était du même genre ; elle l'exhortait à renoncer au inonde ; enfin, elle était absolument négative. Il se crut entièrement quitte de cet engagement, et ne s'en occupa plus. Il y a loin de là à s'empoisonner.
[82] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 277.
[83] Mémoires de Dumouriez, t. II, liv. III, chap. VI, p. 139.
[84] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 163.
[85] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 163.
[86] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 163.
[87] Mémoires de madame Campan, t. II, p. 174.
[88] Je tiens ce détail, si frappant, du docteur Souberbielle, qui était présent à la séance, et qui, il y a quelques années, me citait ce trait comme une preuve incontestable du courage civil de Robespierre. Le Journal des Jacobins, pour des motifs qu'on devine, s'abstient de mentionner le fait dans son compte rendu, incomplet d'ailleurs comme le sont presque tous ceux qu'on trouve dans cette feuille, rédigée grossièrement et à la hâte.
[89] Journal des débats des Amis de la Constitution, n° 163.
[90] C'est ce que font observer les Révolutions de Paris, dont les auteurs avaient été néanmoins des premiers à recommander le bonnet rouge. — Voyez le n° 141 de ce journal, aussi sage qu'énergique.
[91] N° 163.
[92] Journal des Jacobins, n° 163. C'est, du reste, ce qu'il faisait alors en toute occasion, et ce qu'il avait fait notamment dans la séance des Jacobins du 10 février, où il place au premier rang des patriotes Pétion d'abord, et la municipalité, presque toute composée de Girondins, à cette époque. Cela n'empêche pas M. Michelet de dire, p. 306 du livre VIe, que Robespierre se retournait dans son fiel, etc. !
[93] Patriote français, n° 954.
[94] Voyez le n° 954 du Patriote français.
[95] Il ne disparut pas néanmoins d'une manière absolue. Il resta comme l'emblème de la Liberté, et, même, l'usage de le porter fut ravivé par la fête donnée aux soldats de Châteauvieux, le bonnet rouge étant celui des galériens. C'est ainsi que s'explique l'erreur (relevée avec raison par M. Michelet) des écrivains qui assignent cette fête comme origine unique de l'adoption du bonnet rouge.
[96] Voyez la note critique placée à la fin de ce chapitre.
[97] Souvenirs de Mathieu Dumas, t. II, p. 25, et Mémoires de Barbaroux, p. 26.
[98] Page 26.
[99] Révolutions de Paris, n° 141.
[100] Mémoires de madame Roland, t. I. p. 68. — Édition P. Faugère, Paris, 1864.
[101] Mémoires de madame Roland, t. I. p. 69.
[102] Mémoires de madame Roland, t. I. p. 68.
[103] Mémoires de Dumouriez, t. II, liv. III, chap. VI, p. 145.
[104] C'est ce qu'affirme en propres termes Étienne Dumont, et il ajoute : Je tiens le fait de lui-même. Souvenirs sur Mirabeau, chap. XIX, p. 583.
[105] Étienne Dumont, Souvenirs sur Mirabeau, chap. XIX, p. 399.
[106] Mémoires de Ferrières, t. III, liv. XI, p. 54. — Ceci rapporté presque littéralement de la même manière dans les Mémoires de madame Roland, t. I, p. 70. — Édition P. Faugère. Paris, 1864.
[107] Mémoires de Dumouriez, t. II, liv. III, chap. VI, p. 146.