HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME SIXIÈME

LIVRE SEPTIÈME

 

CHAPITRE V. — LES FAUX MARTYRS.

 

 

Guerre civile des consciences. — Le Paradis et l'Enfer aux prises. — Tableau de la Vendée sous la main des prêtres. — Libelles indécents en faveur des prêtres non assermentés : Grande conversion du Père Duchesne par sa femme. — Débats sur les troubles religieux. — Lutte entre deux évêques-jureurs, Fauchet et Torné. — Opinion de Gensonné. — Théorie des suspects développée par Isnard. — Mot de François de Neufchâteau. — Formation d'un comité de surveillance. — Décret contre les prêtres réfractaires. — La puissance des prêtres se maintenant sous la forme du martyre. — Le veto délibéré en conseil ; les ministres contre, Louis XVI pour ; Louis XVI l'emporte. — Lutte, sur la question du veto, entre le génie de Talleyrand et celui de Camille Desmoulins.

 

La constitution civile du clergé n'avait en aucune sorte touché à la religion ; œuvre des Jansénistes, c'est-à-dire des croyants les plus rigides qu'il y eût au monde, elle n'avait en rien altéré le dogme catholique, et il fallait une mauvaise foi bien grande pour prétendre qu'on avait déchiré l'Évangile, blasphémé le Christ, déclaré la guerre à Dieu, en établissant un siège épiscopal par département et une paroisse par commune ; en attribuant au peuple, selon l'usage de la primitive Église, l'élection des évêques et des curés ; en rendant les fonctions épiscopales et curiales gratuites ; en salariant ceux qui les remplissaient aux frais du trésor public. Mais la constitution civile du clergé n'en avait pas moins été une faute, et déplorable, par cela seul qu'elle fournissait aux prêtres, ennemis de la Révolution, un prétexte pour crier à la discipline de l'Église violée, à la religion perdue, et pour jeter ainsi un désordre mortel dans une foule de consciences encore enveloppées d'ombres.

Puis, était venue l'obligation imposée aux prêtres de prêter serment à cette constitution civile du clergé qu'ils déclaraient impie, nouvelle faute qui, aux yeux du peuple superstitieux des campagnes, ne pouvait manquer de transformer les réfractaires en martyrs.

Il n'y parut que trop. Le haut clergé, uni aux aristocrates, prit occasion de là pour tout embraser ; le bas clergé, qui avait d'abord salué la Révolution d'un cri de joie et de délivrance, n'osa, garrotté qu'il était dans les liens de la franc-maçonnerie religieuse, se séparer des évêques ; la désertion des évêchés et des cures devenant générale, il fallut remplacer les pasteurs, déjà et depuis longtemps en possession des âmes simples, par des hommes nouveaux, quelques-uns flétris et sans mœurs[1], d'autres respectables, mais poursuivis d'anathèmes jusque dans le temple, et contre qui sifflaient des serpents cachés sous la pierre de chaque autel.

Quelle guerre civile est comparable à celle où la folie humaine met aux prises le paradis et l'enfer ! Le service divin se faisant la baïonnette au bout du fusil[2] ; les églises tantôt désertes, tantôt ensanglantées ; des prêtres assermentés réduits à fuir devant des bandes de dévotes en fureur[3] ; chaque jour des femmes se séparant de leurs maris, ou des enfants de leurs pères[4] ; la Révolution fatalement englobée dans la haine que portaient aux intrus, surtout en Bretagne, une foule de paysans trompés ; enfin, l'émeute sur la place du village, le combat autour du confessionnal, la discorde au foyer de la famille, telle était la France, précipitée, égarée, entre deux genres de fanatisme.

Deux commissaires civils, Gallois et Gensonné, avaient été envoyés, en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres : leur rapport, présenté le 9 octobre à l'Assemblée législative, montra combien la plaie était envenimée et profonde. Nulle part, le schisme n'avait produit de plus désastreux effets que dans la Vendée. Attaché en général à ses anciens pasteurs, le peuple de ces campagnes y vivait dans un état d'inexprimable angoisse ou de colère farouche ; tout juge, tout administrateur, tout électeur, qui concourait à l'exécution de la loi concernant les fonctionnaires ecclésiastiques, devenait un objet de haine ; les municipalités étaient désorganisées ; l'indigent n'obtenait de secours, l'artisan n'obtenait d'emploi qu'autant qu'il s'engageait à ne pas aller à la messe des intrus ; dans les villages, dans les bourgs, les jours de dimanche et de fête, on voyait les habitants déserter en masse leurs foyers, pour aller entendre la messe du prêtre réfractaire, à une lieue de là, quelquefois plus loin, et lorsqu'ils rentraient chez eux, excédés de fatigue, on juge de quel œil ils regardaient les cinq ou six personnes qui, trouvant à leur portée un prêtre de leur choix, paraissaient jouir d'un privilège exclusif en matière de religion[5] !

Le clergé ennemi de la Révolution avait soin, de son côté, d'attiser cette flamme. Vainement la loi lui ouvrait-elle, pour y dire la messe, les églises mêmes desservies par les curés qui avaient prêté serment : il n'avait garde d'user de cette liberté, le mot d'ordre étant de n'avoir aucune espèce de communication avec les intrus[6], afin que le peuple s'habituât à les fuir comme des pestiférés.

Dans leur rapport, rédigé d'ailleurs avec une modération remarquable[7] et qui concluait à la consécration du principe de tolérance comme au meilleur remède contre le mal dénoncé, Gallois et Gensonné citèrent des manuscrits saisis chez les missionnaires de la maison de Saint-Laurent, et rédigés en forme d'instruction, à l'usage du peuple des campagnes. Il y était dit que s'adresser aux intrus pour l'administration des sacrements, c'était péché mortel ; que ceux que mariaient les intrus n'étaient pas mariés ; que les enfants issus de tels mariages étaient des bâtards ; que la malédiction divine planerait sur leurs berceaux ; qu'il fallait enterrer les morts secrètement, plutôt que de confier aux assermentés le soin des sépultures[8]. En d'autres termes, l'Église disputait le citoyen à l'État jusque dans le tombeau ! Une lettre explicative de l'instruction de l'évêque de Langres, et adressée, sous enveloppe, au curé de la Réorthe, contenait des recommandations analogues.

On y rappelait, en outre, pour le besoin du moment, cette simplicité, cette pauvreté des premiers siècles de l'Église — dont elle avait si bien su s'affranchir depuis — comme un bon procédé pour enflammer la ferveur des fidèles : Une simple grange, un autel portatif, une chasuble d'indienne ou quelque autre étoffe commune, des vases d'étain, suffiront[9].

Là ne se bornaient pas les excitations. A Paris, ne rougissant pas de se faire les plagiaires de tout ce que le délire de la Révolution avait enfanté, comme pamphlet, de plus calomnieux et de plus indécent, les défenseurs du clergé publièrent contre les prêtres assermentés une foule de libelles où l'on empruntait à Hébert son style, ses fureurs, et le nom même qui lui avait valu tant de vogue dans les tavernes : De par la mère Duchesne, anathèmes très-énergiques contre les jureurs ; — sur la bâtardise des enfants nés d'un mariage constitutionnel. Grand jugement de la mère Duchesne ; — grande conversion du père Duchesne par sa femme, etc., etc.[10] Il faut donner une idée de ces productions, sortes de documents qui enseignent mieux l'histoire vraie que beaucoup de pièces officielles, que beaucoup de harangues pompeuses, et que nos prédécesseurs, soit fausse pudeur, soit ignorance, ont si complètement passées sous silence.

LE PÈRE DUCHESNE. — Sac... mille... mort... nom d'un tonnerre... comment ! des b.....s d'aristocrates encore chez moi ! Femme, j'ai déjà dit mes volontés : de la mémoire, sinon gare tes deux bras ! Et vous, commère, qui venez engueuser ma femme, voyez-vous bien ste porte : eh bien, elle vous montrera toujours visage de bois.

LA MÈRE DUCHESNE. — Mn'ami, filons doux, s'il vous plaît. Vous savez que je n'nous mouchons pas du pied. Pour la gueule, je l'ons aussi bonne que vous, monsieux not homme.

LE PÈRE DUCHESNE. — Comment ! sapré g....., t'ose me raisonner. Si je te.....

LA MÈRE DUCHESNE. — N'approche pas, vieux bouc, car si je me mets en furie, malgré mon chien de rhumatisme, j'arrache au moins les deux yeux de ta b.....e de tête.

MONSIEUR LE CURÉ. — Mes amis, mes bons amis, point de bruit, je vous en conjure. Je ne viens pas pour être un sujet de discorde entre vous. Puisque ma présence vous est désagréable, monsieur Duchesne, je me retire. Cependant, toutes les fois que je pourrai vous être utile, ma porte sera ouverte, et je me ferai un véritable plaisir de vous obliger.

LA MÈRE DUCHESNE. — Eh bien, chien d'animal, frais-tu ben ce que t'a fait, en congédiant ce bon prêtre, not père, not consolateur, qui nous a tant prêché, tant dit de bonnes choses, tant soulagé depuis quarante ans ! hélas ! si je n'sommes pas morts de faim, si j'avons élevé nos enfants, si on n'a pas vendu nos meubles, si j'avons marié not fille à not gendre, à qui en avons-nous obligation, si ce n'est à ce prêtre du bon Dieu ?... Ma pauvre voisine était la seule à qui je contions nos peines. Al' faisait tout ce qu'el pouvait pour nous aider ; mais la pauvre diablesse est maintenant presque aussi à plaindre que nous. Voyant donc comme ça not misère, al est allé trouvé not curé, non pas ce bon vieux saint homme qui sort d'ici et que tu as si mal agancé, mais ce petit f.....t si pincé, si frisé, si calamustré, et qui ressemble plutôt à une poupée qu'à un prêtre. Eh ben, tu ne sais pas ce que lui a dit ce b.e-là, avec ses six mille livres de rente, et ses manches fines, et ses souliers luisants, et sa donzelle parée comme un autel ? Ma mie, ma mie, j'nous mêlons plus des pauvres, nous ; j'nen avons pas trop, nous. Allez, allez au district. Et puis, zeste ! il l'y f..t la porte au nez. N'est-il pas vrai, voisine, que ça vous est arrivé comme ça ?

LA VOISINE. — Hélas ! oui. Jamais not bon vieux ancien n'nous a reçu de cette magnière-là. Voyant donc comme ça que j'étais si mal reçue de ce curé de la nation, j'allons au district, j'demandons à parler au maire. Eh ben, ma bonne, que voulez-vous ? — Du pain pour ma voisine. — Qu'al vienne elle-même. — Mais elle est malade, a ne peut grouiller ; v'nez la voir sur son chien de lit, où al crie comme une damnée. — Oh, un district ne va pas comme ça chez le monde. — Mais, sapré chien, quand al pourra marcher, elle n'aura pas besoin de toi.

Comment ! coquine, t'insultes un district ! En prison !... Hélas ! on f..t la pauvre voisine en prison comme une voleuse. Ah ! si j'retourne jamais au district, j'veux ben qu'un loup me croque. Queux diable a aussi inventé ces f.....s noms là ? Ah, not bon vieux curé ne nous recevait pas comme ça, etc., etc.

 

A la suite de cet artificieux tableau, l'auteur du dialogue met dans la bouche de Grospain, gendre du père Duchesne, le résumé banal de tous les arguments employés par les prêtres non assermentés contre leurs adversaires, pour prouver que ceux-ci ont rompu avec la véritable Église, celle du pape, celle du Christ ; et, comme le père Duchesne, ne pouvant répondre, renvoie son gendre à ce que disent de fort bons citoyens, l'abbé Gouttes, l'abbé Grégoire, l'abbé Marolles, le dialogue continue en ces termes :

LA MÈRE DUCHESNE. — Ah ! oui, oui, j'ons déjà entendu ben parler de toutes ces b.....s de nations-là. Et d'abord, stila que t'a nommé le premier, aide-moi donc t'un peu.

LE PÈRE DUCHESNE. — Qui, l'abbé Gouttes ?

LA MÈRE DUCHESNE. — Ah oui, stila qu'aime la goutte, et qui n'y voit pas pus que son nom, qui barbotte, et qu'a perdu toute sa crinière à la bataille.

LA VOISINE. — Effectivement, à la bataille. Car on m'a conté qu'il a porté la brête au c. pendant longtemps ; qu'il a ensuite changé son bonnet de dragon contre un bonnet carré ; et qu'après avoir enfin fait son tour de France et juré contre ses capitaines et ses évêques, on l'a enfin, pour récompense, f.....u évêque d'Autun.

LE PÈRE DUCHESNE. — Mais l'abbé Grégoire, c'est mon bon ami, celui-là, et je te défends bien d'en dire du mal, f.....e !

LA MÈRE DUCHESNE. — Ah ! oui, ce p'tit gueux de juif qui veut concire tout son diocèse ?

GROSPAIN. — Dites donc circoncire, notre mère.

LA MÈRE DUCHESNE. — Laisse-moi en repos avec ton sir. On s'embarrasse ben aujourd'hui d'un sire de plus ou de moins !

LE PÈRE DUCHESNE. — Pour le coup, femme, tu n'auras rien à dire de celui qu'on vient de nommer évêque de Lyon, et qui a fait tant de bons sermons sur la Révolution ?

LA MÈRE DUCHESNE. — Qui, et'abbé, l'amour... l'amoureux... l'amourette. Je ne sais s'il est amoureux des p.....s, mais tout ce que j'sais, c'est qu'il est f.....t amoureux d'argent, comme lui a dit un jour, en pleine assemblée, son imprimeur Marigot, à qui l'chien a voulu voler son labeur, etc., etc.

 

Faire peser sur tout le clergé la responsabilité de ces attaques indécentes serait injuste ; mais elles montrent que, si dans la Révolution, on fit usage d'armes grossières et empoisonnées, ce ne fut pas, du moins, le tort d'un seul parti !

Dès le 7 octobre, Couthon avait commencé la guerre aux prêtres non assermentés par la dénonciation de ce fait, très-permis, il en faut convenir, aux termes mêmes de la Constitution, qu'ils confessaient, disaient la messe, faisaient de l'eau bénite dans leurs maisons ; à quoi il avait ajouté, il est vrai, l'affirmation d'un fait plus grave, celui d'un curé réfractaire, qui, disant la messe dans une église qu'un prêtre assermenté desservait, s'était tout à coup déshabillé au milieu de la cérémonie et s'était enfui en criant : Cette église est polluée[11]. Peu de jours après, consultée sur la question de savoir si on devait continuer leur pension aux prêtres qui se mariaient, l'Assemblée révéla son esprit, en déclarant, malgré l'opposition de Lecoz, évêque assermenté du reste, que la pension devait être continuée, attendu que nulle loi n'interdisait le mariage des prêtres[12]. L'orage approchait. Le 21 octobre, le parti à prendre relativement aux troubles religieux fut mis à l'ordre du jour.

Lejosne demanda que, par mesure générale et sans autre formalité, les prêtres réfractaires fussent relégués dans les chefs-lieux des départements. Car, disait-il, s'ils excitent des désordres, que faire ? Les renvoyer devant les tribunaux ? Ils seront acquittés, parce que les gens de robe sont ennemis de la Constitution.

Mais quoi ! on allait donc la descendre, cette pente formidable des lois exceptionnelles ? A cela l'orateur répondait que les prêtres n'appartenaient point à la classe des citoyens ordinaires ; que leur responsabilité devait être mesurée à leur influence ; qu'ils gouvernaient dans l'homme, rivaux dangereux de l'Etat, ce qui est tout l'homme... l'âme ![13]

On ne pouvait aller plus droit à la question. Seulement, Lejosne oubliait que le coup frappé ici sur le prêtre retombait sur le croyant. La justice, à l'égard du premier, risquait, à l'égard du second, de devenir tyrannie ; et, pour les fidèles qui, en perdant leurs pasteurs, croyaient perdre leur Dieu, que devenait ce principe trois fois sacré, cette conquête de l'esprit nouveau, cette inestimable garantie que la Constitution avait consacrée : la liberté de conscience ?

Ému du danger qu'elle semblait courir, un esprit charmant, un poète, demanda grâce pour elle, hors de l'Assemblée. C'était André Chénier. Malheureusement, il hasarda plusieurs affirmations d'une fausseté trop manifeste, celle-ci, par exemple : Les prêtres ne troublent point les États quand on ne s'y occupe point d'eux[14].

Dans les séances des 26 et 27 octobre, une lutte très-vive et tout à fait inattendue s'engagea, au sein de l'Assemblée, entre deux évêques assermentés l'un et l'autre, l'un et l'autre appartenant à la Révolution : Fauchet, évêque du Calvados, et Torné, évêque du Cher. On connaît Fauchet. Torné joignait beaucoup de modération à du talent ; à Versailles, il avait prêché avec distinction devant Louis XVI ; appelé ensuite à la cour de Stanislas, il y était devenu l'aumônier de ce prince[15], jusqu'au jour où il se senti entraîné par le torrent des idées nouvelles.

Point de persécution, messieurs, dit d'abord Fauchet : le fanatisme en est avide, la philosophie l'abhorre, la vraie religion la réprouve, et ce n'est pas dans l'Assemblée nationale qu'on l'érigera en loi. Il ne voulait point, conséquemment, qu'on emprisonnât les réfractaires, qu'on les exilât, qu'on les déplaçât, qu'on mît obstacle à la propagation de leurs pensées. Mais l'État était-il tenu de nourrir ses plus cruels ennemis ? La communauté se devait-elle de payer pension à ceux qui refusaient d'accepter la loi commune ? C'est ce que Fauchet niait résolument : La nation permet tous les cultes, mais elle n'en paye qu'un. Il trouva des mots pleins d'emportement.

Il cita le vers fameux : Abîmons tout plutôt, c'est l'esprit de l'Eglise. En parlant de ces faux ministres de l'Évangile, artisans cachés de troubles, doucereux apôtres de guerre civile, il s'écria : En comparaison de ces prêtres, les athées sont des anges. Sa conclusion fut : refuser tout traitement aux prêtres non assermentés, les vieillards ou invalides exceptés ; et ceux qui seraient convaincus de tentatives de troubles, les condamner à cinq ans de gêne[16].

Le lendemain, Torné, avec une émotion visible, montait à la tribune. Il convint que les trames ourdies entre la sacristie et le confessionnal devaient être l'objet d'une inquiétude vigilante, il convint que les prêtres convaincus d'avoir fomenté des désordres devaient être punis ; mais proscrire en masse, aveuglément, indistinctement, à la manière de Sylla, à la manière de tous les tyrans ; mais faire précéder le crime par le châtiment, qui toujours le doit suivre ; mais frapper du même coup, pour le refus d'un serment que la loi, après tout, proposait mais n'ordonnait pas, le factieux et l'homme paisible, l'agitateur et l'ermite, le prêtre qui trompait et le prêtre qui se trompait, celui dont le refus de prêter serment tenait à de grands vices et celui dont le refus tenait à de grandes vertus !... Il appela le décret proposé par son collègue du Calvados un système de honteux dépouillement. Et encore s'il n'eût été mis en avant, ce système, que contre ceux dont la culpabilité serait prouvée ! Mais non. Voilà qu'il s'agissait d'étendre cette féroce mesure même sur ceux qui n'auraient commis que de paisibles erreurs. Ah ! ce ne serait plus alors seulement une barbarie dans le code pénal, ce serait une horreur en morale, et en législation un opprobre. Condamner à la faim des hommes ci-devant fortunés, après les avoir déjà condamnés à l'indigence, ce serait une cruelle. et basse parcimonie. Elle n'aurait que la dureté du corsaire, sans avoir l'iniquité du vol ; mais en serait-elle moins pour cette législature une tache éternelle ?[17]

De la part d'un de ces intrus que les prêtres réfractaires poursuivaient d'une haine si farouche, rien de plus généreux que cette indignation de Torné : elle toucha vivement les cœurs. Je demande, s'écria le jeune Ducos, je demande l'impression de ce discours, en expiation du discours intolérant dont l'impression a été décrétée hier, il parlait de celui de Fauchet. Des applaudissements retentirent, mêlés de murmures cependant ; et d'un ton sévère : Je pense, dit Lacroix, que l'Assemblée n'a ici à expier que sa trop grande facilité à se laisser injurier par ses membres. On décréta l'impression du discours de Torné, sans que Fauchet eût pu obtenir de répondre.

Il revint à la charge le 3 novembre, s'étonna qu'on l'eût accusé d'intolérance pour n'avoir pas voulu qu'on payât des empoisonneurs publics ; et, comme exemple de l'esprit de fureur que soufflaient autour d'eux les prêtres non assermentés, il cita le fait de deux ou trois cents femmes d'une paroisse de Caen, qui avaient poursuivi le curé constitutionnel, homme fort paisible, l'avaient chassé à coups de pierre jusque dans son église, et y avaient descendu, pour le pendre devant l'autel, le réverbère du chœur[18].

A cette voix passionnée succéda la parole grave de Gensonné : Séparons de la religion tout ce qui tient à l'ordre civil. Lorsque les ministres du culte que la nation salarie seront réduits à des fonctions purement religieuses ; lorsqu'ils ne seront plus chargés des registres publics, de l'enseignement et des hôpitaux ; lorsqu'ils ne seront plus dépositaires des secours que la nation destine à l'humanité souffrante ; lorsque vous aurez détruit ces corporations religieuses de prêtres séculiers, absolument mutiles, et cette nuée de sœurs grises qui s'occupent moins de soulager les malades que de répandre le poison du fanatisme, alors, les prêtres n'étant plus fonctionnaires publics, vous pourrez adoucir la rigueur des lois relatives au serment ecclésiastique ; vous ne gênerez plus la liberté des opinions, vous ne tourmenterez plus les consciences, vous n'inviterez plus, par l'intérêt, les hommes au parjure. Il termina par ces simples et belles paroles : Rappelez-vous que le respect pour la liberté individuelle est le plus sûr garant de la liberté publique, et qu'on ne doit jamais cesser d'être juste, même envers ses ennemis[19].

Gensonné venait d'indiquer en partie le vrai remède. Tout principe qui a sa racine dans l'esprit des hommes enfante son armée. Mettre cette armée en déroute, l'exterminer même, ce n'est rien, tant que subsiste le principe générateur, tant que l'hydre de Lerne est là ! On n'abat point une idée d'un coup de sabre : c'est en lui opposant une idée contraire qu'on la tue si elle est d'essence périssable. Et de là vient que, dans l'histoire, la violence des persécuteurs ne profita jamais, en fin de compte, qu'à la doctrine des persécutés. Le prêtre est puissant, parce que, dans le partage du pouvoir entre l'État et lui, il gouverne les affections, la part de Marie, tandis que l'État n'a que le gouvernement des intérêts, la part de Marthe ; le prêtre est puissant, parce que, non content de sa part, que le Christ déclarait la meilleure, il a trouvé moyen d'empiéter sur celle de l'État, et subordonné le titre de citoyen à la qualité de fidèle. Le coup véritablement profond eût été celui qu'on aurait porté au principe des usurpations ecclésiastiques, en suivant d'un pas calme la route ouverte par Gensonné.

Malheureusement, la Révolution était insultée, harcelée, provoquée, tourmentée, à en perdre le sens. Chaque jour apportait à l'Assemblée quelques nouvelles dénonciations, toutes très-irritantes, quelques-unes erronées ou mensongères[20], mais la plupart appuyées sur des documents et des témoignages officiels. Un courrier extraordinaire, dépêché par le directoire de Mayenne-et-Loire à la députation de ce département, fit savoir que la superstition y était tombée à l'état d'ivresse furieuse. Le meurtre pour le compte de Dieu, le meurtre saintement enrégimenté, s'y déroulait en longues processions nocturnes que conduisaient des prêtres en délire. On y avait vu des bandes de pèlerins sombres s'en aller à travers champs, non plus le chapelet, mais le fusil ou la fourche à la main. Les églises des campagnes, fermées en vertu des décrets de l'Assemblée, y étaient ouvertes à coups de hache. On parlait de trois villes assiégées en quelque sorte et autour desquelles s'agitaient déjà les torches incendiaires[21].

Lue dans l'Assemblée, le 6 novembre, l'adresse qui constatait ces excès du fanatisme produisit un sentiment d'horreur. D'un plus sauvage élan, d'une voix plus vibrante que jamais, Isnard formula l'impression générale dans un discours impétueux, haletant, sans suite, plein de pensées fortes, plein de cris de rage, trivial et profond, proclamant tour à tour et outrageant la justice. Oh, certes, il eut bien raison de dire qu'un prêtre coupable l'est plus que tout autre citoyen et doit être plus rudement châtié, parce que chez lui la puissance du mal est incalculable, et qu'on punit plus sévèrement l'incendiaire que le voleur ; il eut raison d'affirmer qu'un prêtre, s'il est pervers, ne l'est jamais à demi ; que pardonner le crime, c'était presque le partager ; qu'il fallait un dénouement à la Révolution française ; que ses ennemis voulaient la forcer à les vaincre. Tout cela était pris dans le vif de la situation, d'une vérité que chacun sentait, et fut exprimé avec une élévation imposante, quoique un peu sinistre. Mais où Isnard s'égara, ce fut lorsqu'il parla d'envoyer en masse dans les lazarets de Rome et d'Italie ceux qu'il appelait les pestiférés ; ce fut lorsqu'il oublia qu'en temps de révolution, proscrire c'est presque toujours se proscrire ; ce fut lorsqu'il osa s'écrier : Si le prêtre qui n'a pas prêté serment reste sans qu'il soit porté de plainte contre lui, il jouira de la protection de la loi ; s'il existe des plaintes, il doit être forcé de sortir du royaume. IL NE FAUT PAS DE PREUVES[22]. Toujours cette effroyable théorie des suspects ! IL NE FAUT PAS DE PREUVES : ce furent de pareils mots, trop souvent et follement répétés, qui poussèrent la Révolution à se noyer à demi dans le sang de Septembre !

La parole sans frein d'Isnard remua diversement l'Assemblée. Ce cri lui étant échappé : Mon Dieu, c'est la loi ; je n'en connais point d'autre, Lecoz lança contre lui, séance tenante, l'accusation d'athéisme, accusation que les échos de la presse royaliste agrandirent en la répétant, et qui provoqua, de la part de l'orateur girondin, une lettre dont les dernières lignes étaient : J'ai contemplé la nature, je ne suis point insensé, je dois donc croire en Dieu[23].

L'Assemblée flottait indécise ; l'impression du discours d'Isnard, demandée par plusieurs membres, avait été refusée[24] : de nouveaux rapports comblèrent la mesure et précipitèrent le dénouement. François de Neufchâteau n'étonna personne quand il compara les prêtres à des serpents venimeux dont le père de famille doit délivrer son champ[25]. Torné eut beau dire : Ma tolérance n'est pas celle des crimes ; mais grâce, grâce à l'insermenté auquel on ne peut reprocher que son grabat et son scrupule, le vent était à la colère. Le 25 novembre, elle créa un comité de surveillance, composé d'Isnard, Fauchet, Goupilleau, Antonelle, Chabot, Merlin, Bazire, Thuriot, etc. ; et dans la séance du 29, il fut décrété :

Que tous les ecclésiastiques seraient tenus de prêter, dans le délai de huit jours, le serment civique ;

Que les réfractaires seraient privés de tout traitement, de toute pension ;

Qu'ils seraient, en outre, réputés suspects de révolte contre la loi et de mauvaises intentions contre la patrie, et soumis comme tels à la surveillance des autorités ;

Que, dans les communes où surviendraient des troubles, ils pourraient être éloignés provisoirement du lieu de leur domicile, en vertu d'un arrêté du Directoire ;

Que la désobéissance à cet arrêté serait punie d'un emprisonnement de deux ans au plus ;

Que deux années de détention seraient infligées au prêtre convaincu d'avoir poussé à la désobéissance aux lois ;

Qu'en cas de troubles religieux dans une commune, les frais de la répression resteraient à la charge de la commune, sauf son recours contre les instigateurs ;

Que les églises entretenues par l'État ne pourraient servir à un autre culte ;

Que la liste des prêtres réfractaires serait mise sous les yeux de l'Assemblée ;

Que l'Assemblée ferait imprimer, aux frais de l'État, avec récompense nationale pour les auteurs, les ouvrages de nature à prémunir contre le fanatisme les habitants des campagnes.

Nul doute que ce décret ne témoignât d'une grande irritation. Cependant il était beaucoup moins rigoureux que ne l'ont prétendu la plupart des historiens, et l'on ne doit point perdre de vue dans quelles circonstances il fut rendu. Ce qui a trompé beaucoup d'auteurs et le public, c'est qu'ils ont cru que le serment imposé ici aux prêtres était le serment à la constitution civile du clergé, tandis qu'il ne s'agissait, ce qui est bien différent, que du serment civique. Or, que prescrivait le serment civique ? Rien autre chose que la fidélité à la nation, à la loi et au roi.

En ceci la conscience de personne n'était sommée d'abdiquer ; et quand l'Assemblée déclarait suspect de mauvaises intentions contre la patrie quiconque refusait de jurer fidélité à la patrie, suspect de révolte contre la loi quiconque ne voulait point prendre l'engagement, si simple et si sacré partout où existe un contrat social, d'obéir à la loi, que faisait-elle sinon proclamer l'évidence ? Cette théorie des suspects, toujours dangereuse, au surplus, elle ne la professait pas, qu'on le remarque bien, à la manière d'Isnard ; elle n'allait pas jusqu'à frapper ses ennemis, sans preuve, sur une simple dénonciation, elle se bornait à décréter, en ce qui les concernait, la vigilance de la Révolution, alors que, pour la Révolution, la vigilance était si manifestement une question de vie ou de mort.

L'abbé Jager, tout partial qu'il se montre à l'égard du clergé, reconnaît lui-même que, d'après le sentiment de plusieurs ecclésiastiques respectables, les prêtres pouvaient prêter en conscience le serment prescrit par le décret du 29 novembre[26], et le Moniteur du 1er décembre 1791 rapporte que vingt-quatre curés de la Somme en firent la déclaration formelle.

Mais la grande majorité du clergé ne manqua pas d'être d'un avis contraire. A faire de leur refus une question de conscience, ils trouvaient l'avantage énorme de paraître encourir pour la défense de la foi la misère et la faim ; ils intéressaient d'autant mieux à leur sort le troupeau qui les suivait dans les ténèbres ; ils devenaient martyrs, et, sous cette forme, restaient puissants. On reprocha au décret du 29 novembre d'être une injustice : il était une faute.

Seul, au conseil, Louis XVI voulut le veto. Narbonne, Cahier de Gerville, Tarbé, Bertrand de Molleville lui-même, parlèrent contre, ou pour qu'on différât, Narbonne surtout. De Lessart garda le silence. La reine l'avait envoyé chercher et l'avait prié de soutenir le roi. Le mot par lequel Louis XVI mit fin aux débats fut celui-ci : Je fais assez ce que tout le monde désire pour qu'on fasse une fois ce que je veux[27]. Obéir aux prêtres, Louis XVI n'avait de fermeté qu'en cela !

Le directoire du département de la Seine crut devoir appuyer le veto par une pétition à l'Assemblée. Rédigée, selon toute apparence, par Talleyrand, elle parut avec sa signature, associée à celles de Germain Garnier, de Brousse, de Beaumetz, de Desmeuniers, de La Rochefoucauld. Le style en était dogmatique et hautain. On y disait : Puisque aucune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit un crime.

Voltaire accourut pour défendre, contre Talleyrand et les hypocrites, les peuples trompés. Quel effroi parmi les prêtres, quand ils le virent, ce Voltaire qu'ils croyaient mort, reparaître soudain, toujours étincelant de verve, mais rayonnant de jeunesse cette fois, et la lèvre entr'ouverte par un sourire plus violent, dans la personne de Camille Desmoulins ! Camille avait dû fuir après l'affaire du Champ de Mars ; mais, comme le Parthe, il n'avait cessé de lancer ses flèches en fuyant.

Sur la scène où venait de s'aventurer Talleyrand, il s'élança pour l'écraser. Le 11 décembre, il apporta dans l'Assemblée une contre-pétition qu'il pria Fauchet de lire, parce qu'il se défiait de sa voix. C'était un chef-d'œuvre de grâce et de malice, comme presque tout ce qui sortit de cette plume d'or. Dignes représentants, les applaudissements sont la liste civile du peuple... Il continuait dans ce style charmant, se gardant bien de reprocher au roi son veto ; car il était tout simple qu'un roi n'aimât point la souveraineté nationale et s'opposât précisément aux meilleurs décrets. Machiavel n'avait-il pas dit qu'il serait par trop cruel de trouver mauvais qu'un prince résistât constamment à la volonté générale, attendu qu'il est contre nature de tomber volontairement de si haut ? Le bon cœur de Camille se rangeait bien vite à cette maxime, et, en excusant le roi, il prenait exemple de Dieu, dont les commandements ne sont point impossibles. Mais les vrais coupables, c'étaient ceux qui, après avoir fait très-bien fusiller les pauvres pétitionnaires du Champ de Mars, et avoir sévi dans la Constitution contre tout écrit provoquant à l'avilissement des pouvoirs, s'en venaient maintenant décrier l'Assemblée nationale par une pétition, premier feuillet d'un grand registre de contre-révolution, véritable souscription de guerre civile, envoyée à la signature de tous les fanatiques, de tous les esclaves permanents et de tous les idiots. Là-dessus, la conduite à tenir était toute tracée d'avance. Contre les princes conspirateurs, la foudre ; contre un directoire insolent, la verge. Vive était la péroraison : Exorcisez le démon du fanatisme par le jeûne... et... frappez à la tête ![28]

L'Assemblée décréta l'envoi du procès-verbal de cette séance aux départements ; mais, le lendemain, remis de leur trouble, les Feuillants firent si bien, qu'au milieu des murmures par où éclatait l'indignation des galeries, le décret d'envoi fut rapporté.

Ainsi se poursuivaient la guerre aux émigrés, la guerre aux prêtres : restait à décider. la guerre aux rois.

 

 

 



[1] Mémoires de Dumouriez, t. II, p. 126. Collection Berville et Barrière.

[2] Mémoires de Dumouriez, t. II, p. 127.

[3] L'abbé Jager, dans sa très-partiale Histoire de l'Église de France pendant la Révolution, avoue néanmoins le fait de prêtres constitutionnels chassés des églises à coups de pierres : Les femmes, dit-il, étaient les plus ardentes. T. III, p. 6.

[4] Rapport de MM. Gallois et Gensonné à l'Assemblée nationale. Histoire parlementaire, t. XII, p. 87.

[5] Rapport de MM Gallois et Gensonné, etc., Histoire parlementaire, t, XII, p. 87 et 88.

[6] Rapport de MM Gallois et Gensonné, etc., Histoire parlementaire, t, XII, p. 89.

[7] L'abbé Jager est forcé d'en convenir. Voyez son Histoire de l'Église de France pendant la Révolution, t. II.

[8] Rapport de Gallois et Gensonné, t. XII, p 85 de l'Histoire parlementaire.

[9] Rapport de Gallois et Gensonné, t. XII, p 81 de l'Histoire parlementaire.

[10] Tous ces libelles pieux se trouvent réunis dans la Bibliothèque historique de la Révolution. PÈRE DUCHESNE, 1035, 6, 7. British Museum.

[11] Moniteur, séance du 7 octobre 1791.

[12] Moniteur, séance du 19 octobre 1791.

[13] Moniteur, séance du 21 octobre 1791.

[14] Moniteur, séance du 22 octobre 1791.

[15] L'abbé Jager, Histoire de l'Église de France pendant la Révolution, t. III, p. 17.

[16] Moniteur, séance du 26 octobre 1791.

[17] Moniteur, séance du 27 octobre 1791.

[18] Moniteur, séance du 3 novembre 1791.

[19] Moniteur, séance du 5 novembre 1791.

[20] Par exemple, un prêtre nommé Ruelle fut accusé d'avoir excité des troubles dans une commune, et, plus tard, son absence fut constatée. Voyez Histoire de l'Église de France pendant la Révolution, par l'abbé Jager, t. II, p. 460 et 461.

[21] Adresse du directoire de Mayenne-et-Loire, lue dans la séance du 6 novembre 1791.

[22] Discours d'Isnard, séance du 6 novembre 1791.

[23] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XII, p. 101.

[24] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XII, p. 101.

[25] Voyez l'Histoire de l'Église de France, par l'abbé Jager, t. III, p. 36.

[26] Voyez son Histoire de l'Église de France pendant la Révolution, t. III, p. 46.

[27] Lettre de Pellenc au comte de La Marck, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 285.Ces détails donnés, avec toute la bonne foi des épanchements intimes par un homme très au fait de ce qui se passait dans le conseil, montrent dans quelle erreur sont tombés les écrivains qui disent, comme Mathieu Dumas, dans ses Souvenirs, t. II. p. 14, que les ministres furent, sur le veto, du même avis que le roi.

[28] Voyez cette adresse, reproduite in extenso dans Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XII, p. 255-259.