HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME SIXIÈME

LIVRE SIXIÈME (SUITE)

 

CHAPITRE IX. — COMBINAISONS DIPLOMATIQUES.

 

 

L'émigration réduite en système. — Monsieur à Bruxelles. — La cour de Coblentz. — Intrigues de Calonne. — Circulaire de Padoue. — Négociations secrètes entre la Prusse et l'Autriche. — Théroigne de Méricourt et Léopold. — Mot amer du prince de Condé sur la conduite de l'empereur d'Autriche. — Entrevue du roi de Suède et de Bouillé à Aix-la-Chapelle. — Lettre du comte de Gouvernet à Bouillé. — Politique des Constitutionnels relativement à l'étranger. — Mémoire envoyé au comte d'Artois, par ordre du roi, pour l'inviter à rentrer en France. — Les Constitutionnels, conseillers de la reine. — Craintes de la reine, concernant la conduite du comte d'Artois. — Mission de l'abbé Louis à Bruxelles. — Préparatifs, en prévision de la guerre. — Décret contre l'émigration. — Paix conclue entre l'Autriche et la Porte ; puis, entre la Porte et la Russie. — Sentiments secrets de la reine. — Lettre inédite de la reine à l'empereur d'Autriche. — Sympathie de la reine pour Barnave. — Les Constitutionnels en négociation avec Léopold. — Léopold fortifié dans son système de prudente temporisation. — Monsieur et le comte d'Artois poussent Frédéric-Guillaume à la guerre. — Bouillé appelé à Pillnitz. — Entrevue de l'empereur d'Autriche et du roi de Prusse à Pillnitz. — Débat entre les deux monarques. — Le comte d'Artois arrive sans avoir été invité. — Ses instances ; celles de Calonne. — Déclaration de Pillnitz, purement comminatoire. — Adhésion de l'Espagne et des principaux souverains de l'Italie. — Neutralité provisoire de l'Angleterre. — Le roi de Suède continue activement ses préparatifs d'invasion. — La France prête à relever le gant.

 

Le comte de Provence, - nous l'appellerons désormais Monsieur, titre de son rang à la cour, — était parti de Paris en même temps que Louis XVI, mais par une route différente et avec des précautions bien mieux calculées ; de sorte qu'il était arrivé à Bruxelles sain et sauf.

On a vu quelle avait été sa ligne de conduite, tant qu'il avait pu conserver l'espoir de se faire une place dans la Révolution, aux dépens de son frère, à force de ménagements artificieux et d'obscures menées. Jusqu'aux jours où les événements le forcèrent lui-même d'émigrer, nul n'avait su plus habilement que lui blâmer l'émigration et rendre suspectes les ardentes démarches du comte d'Artois : on en a trouvé la preuve dans une lettre confidentielle de lord Malmesbury au duc de Portland, précédemment citée par nous, et on y a certainement remarqué cette phrase : L'empressement du comte d'Artois a fait naître dans l'esprit de la reine et de Monsieur cette pensée que c'est pour lui-même, et non pour le roi qu'il travaille[1].

Le fait est que l'émigration, sourdement combattue par Monsieur et ses agents, était loin d'avoir pris, jusqu'à la fuite de Varennes, les développements qu'elle eut aussitôt après le retour de Louis XVI à Paris, c'est-à-dire quand le devoir des nobles était précisément de se presser autour de leur roi captif et du trône en péril. Même à Turin, parmi les premiers émigrants, il n'y avait eu ni concert pour le présent, ni plan pour l'avenir. Quelques gentilshommes emportés, que tentait l'éclat d'un complot militaire, quelques nobles de robe qui, en fuyant la France, n'entendaient que fuir la tempête, c'était à peu près à cela que se réduisait le contingent de la désertion aristocratique[2]. Il en alla tout autrement, après la fuite de Varennes. En France, Monsieur avait besoin d'être entouré du gros de la noblesse, dont il était le chef, et, vu la nullité de Louis XVI, le point de ralliement. Sortant de France, il était intéressé à entraîner les nobles avec lui.

Quel poids n'aurait-il pas alors dans les conseils de l'Europe ? De quelle importance son alliance ne serait-elle pas, pour les souverains, lorsqu'il se présenterait à la tête de toute la noblesse française ? Il est vrai que c'était abandonner Louis XVI, seul, aux mains de ses ennemis ; il est vrai que c'était lui enlever tous ses soutiens naturels, gens de conseil ou gens d'épée... Mais tant mieux, puisque de cette façon, l'on devenait plus roi que le roi ! Monsieur projeta donc, secouant tout scrupule, de réduire l'émigration en système[3], et voici comment il préluda, dans ce nouveau rôle.

Aussitôt qu'ils avaient appris son arrivée à Bruxelles, les nobles, retirés en Brabant, s'étaient empressés d'accourir. Avant de quitter la ville pour aller à Coblentz, il les convoqua, et en présence du comte d'Artois qui était venu le joindre : Messieurs, leur dit-il, j'ai cru devoir vous assembler, avant mon départ, pour vous marquer ma reconnaissance des sentiments que la noblesse française n'a cessé de me témoigner depuis mon arrivée. J'ai aussi voulu vous recommander l'union qui seule fait notre force, et surtout l'obéissance et le respect au gouvernement du pays, dont nous vous donnerons nous-mêmes l'exemple. Ainsi, il parlait du gouvernement du pays ; mais, de Louis XVI, pas un mot ! Puis, pour montrer que de lui désormais l'émigration allait recevoir une constitution hiérarchique, une assiette fixe, il ajouta : Tous les gentilshommes français sont sans doute égaux par leur opinion ; mais il est impossible qu'une si grande réunion reste sans chefs. Nous vous en proposons six : MM. les ducs d'Uzès, de Villequier, les marquis de Laqueille, de Frondeville, de Robin et de Jaucourt : nous vous demandons de la déférence pour eux. Ces messieurs seront chargés de correspondre avec nous et le gouverne- ment : ils vous feront parvenir nos avis. — Vos ordres ! s'écria-t-on. Et lui de répondre aussitôt : Nos ordres, puisque vous le voulez. Alors, de peur que le comte d'Artois ne fût alarmé de cette prise de possession et n'en conçût un secret chagrin : Si nous avons des espérances, eut-il soin d'ajouter, c'est à mon frère que nous les devons, je n'apporte ici que mon zèle. Tout n'était qu'élan chez le comte d'Artois : ému par ces paroles que sa sincérité naturelle lui fit croire sincères, il répondit vivement : Je n'ai fait que ce que j'ai dû, et je serai le premier à vous obéir comme à notre chef. Sur quoi, les deux frères se jetèrent dans les bras l'un de l'autre[4].

Monsieur eut bientôt une petite cour, où, selon l'observation de Ferrières[5], on vit les mêmes rivalités, les mêmes haines, les mêmes intrigues qui autrefois agitaient Versailles. Si Monsieur n'avait eu à défendre son ascendant que contre le comte d'Artois, il n'aurait pas eu à faire de bien grands efforts ; mais à Coblentz, il trouva sur son chemin comme obstacle un homme d'un génie à la fois souple et entreprenant, fertile en ressources, façonné aux intrigues. Calonne, qui gouvernait le comte d'Artois d'une manière absolue, mit en mouvement, pour saper l'influence de Monsieur, tous les ressorts dont il disposait, ses créatures, le gouvernement de l'électeur, l'électeur lui-même. Il représentait que Monsieur, n'ayant pas d'enfants, était moins intéressé que le comte d'Artois à la résurrection de la puissance royale. A l'entendre, le comte d'Artois seul possédait le mystère de la contre-révolution[6].

Ce fut sur ces entrefaites que Léopold écrivit sa fameuse circulaire du 6 juillet, datée de Padoue.

Dans l'intervalle qui s'écoula entre l'entrevue de Mantoue et la fuite de Varennes, Léopold, nous l'avons dit[7], avait changé de manière de voir au sujet de cette fuite ; il s'en était même expliqué en ces termes : Réussir est difficile, échouer est dangereux. L'événement n'ayant fait que justifier ses appréhensions, il en fut moins surpris qu'affligé ; mais toujours prudent, toujours circonspect, il ne crut pas devoir se lancer dans une guerre contre la France, avant de savoir s'il aurait l'appui effectif de tous les cabinets, et s'il y avait chance de donner à cette guerre le caractère d'une croisade. Il prit donc le parti de rédiger une circulaire par laquelle il invitait tous les autres souverains à se concerter avec lui, pour déclarer à la France :

Qu'ils regardaient tous la cause du roi très-chrétien comme la leur propre ;

Qu'ils demandaient la mise en liberté immédiate de ce prince et de sa famille ;

Qu'ils réclamaient pour ces personnes royales l'inviolabilité et le respect auxquels le droit de nature et le droit des gens obligent les sujets envers leurs princes ;

Qu'ils se réuniraient pour venger, avec le plus grand éclat, tous les attentats ultérieurs commis ou qu'on se permettrait de commettre contre la liberté, l'honneur et la sûreté du roi, de la reine et de la famille royale ;

Qu'ils ne reconnaîtraient comme lois constitutionnelles légitimement établies en France que celles qui seraient munies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite ;

Mais qu'au contraire ils emploieraient de concert tous les moyens en leur puissance, pour faire cesser le scandale d'une usurpation de pouvoir qui portait le caractère d'une révolte ouverte, et dont il importerait à tous les gouvernements de réprimer le funeste exemple[8].

 

Frédéric-Guillaume, roi de Prusse, avait été profondément affecté du malheur de Louis XVI : il s'empressa de répondre à l'appel de l'empereur d'Autriche. Le général major Bischofswerder se rendit à Vienne, muni d'instructions pressantes, s'y aboucha avec le prince de Kaunitz, et le 25 juillet les deux négociateurs signèrent, sans le publier officiellement, un traité préliminaire d'alliance entre les deux souverains. Il y était stipulé que les deux cours s'entendraient pour effectuer incessamment le concert des principaux cabinets de l'Europe sur les affaires de France, et concluraient en outre une alliance défensive dès que la paix aurait été rétablie entre l'Empire ottoman et l'Empire russe[9].

Léopold et Frédéric-Guillaume n'ignoraient pas combien Catherine désirait ardemment qu'une digue fût opposée au débordement de la Révolution française : leur but en se liant par la convention, purement éventuelle, du 25 juillet, fut de montrer à la czarine qu'ils attendraient, pour s'armer contre la France, qu'elle-même se fût désistée de ses projets sur la Turquie[10].

Tant de lenteurs irritaient l'impatience des émigrés. Les plus fougueux allèrent jusqu'à soupçonner Léopold d'une lâche indifférence pour le sort de sa sœur. La fameuse Théroigne de Méricourt, conduite de Paris à Liège par le désir de propager les sentiments révolutionnaires, avait été arrêtée, livrée à l'Autriche, et jetée dans la forteresse de Kulstein ; l'empereur fut tenté de la curiosité de la voir, la trouva jolie, la rendit à la liberté[11] : on juge si, aux yeux des émigrés, c'était là un médiocre grief !

Au prince de Condé, surtout, les hésitations de Léopold paraissaient coupables. Un de ses intimes ayant dit un jour devant lui : Que fera le frère si l'on assassine la sœur ?Peut-être, répondit-il amèrement, peut-être osera-t-il prendre le deuil ![12]

Mais il y avait un monarque qui ne s'offensait pas moins de ces retards que le prince de Condé lui-même : c'était le roi de Suède. Apprenant que Bouillé s'était réfugié à Luxembourg, il lui avait offert par lettres d'entrer à son service, l'y avait déterminé depuis dans une entrevue qu'ils eurent à Aix-la-Chapelle, et ce dernier n'avait pas manqué d'enflammer de plus belle les penchants belliqueux de Gustave, en lui montrant l'invasion facile si on la brusquait, l'armée française abandonnée par ses chefs et ses officiers, livrée d'ailleurs à la licence ; la plupart des places frontières délabrées, le trésor impuissant à faire face aux dépenses militaires, et les généraux émigrés prêts à fournir de bons renseignements sur les moyens d'attaque, sur le local, sur les personnes, sur les choses. Ô aveuglement de l'esprit de parti ! Ô misère des rancunes politiques ! Tandis que, de son propre aveu[13], Bouillé pressait l'invasion de son pays, et la main étendue vers la France, semblait dire à nos ennemis : Voici les points vulnérables : frappez là ! il se trouvait avoir reçu, et peut-être portait-il sur lui en ce moment même une lettre du comte de Gouvernet, contenant ces nobles paroles : Il n'appartient qu'à vous, mon général, qu'à votre probité, au milieu de la plus grande agitation qu'un homme puisse éprouver, de se souvenir qu'il est Français. Non, vous ne donnerez jamais vos lumières et votre courage pour le démembrement et l'asservissement de l'empire. Ce n'étaient pas là vos projets quand vous meniez le roi à Montmédy. Vous vouliez, au contraire, épargner à ce royaume la honte d'un joug étranger ; et aujourd'hui, vous pourriez contribuer à le lui imposer ! Vous vous connaissez en vraie gloire, mon général, et vous savez bien que ce n'en est pas là une véritable[14].

Ce fut donc sous l'influence des excitations de Bouillé, que Gustave, naturellement porté d'ailleurs à tirer l'épée, fit ses préparatifs et prit ses mesures. Il écrivit au roi d'Angleterre Georges III, lui demandant, comme électeur du Hanovre, douze mille Hanovriens qui seraient à la solde des princes français, et s'engageant, de son côté, à débarquer seize mille hommes à Ostende[15]. En même temps, le comte de Mercy-Argenteau allait à Londres sonder les dispositions de Pitt, déjà informé par lord Elgin, ambassadeur d'Angleterre à Naples, de toutes les résolutions de Léopold à l'égard de la France[16]. Mais les combinaisons de ce prince furent alors paralysées, du moins en partie, par la politique des hommes qui dirigeaient officiellement la Révolution française.

Ces hommes, c'étaient alors les Constitutionnels, dominateurs souverains de l'Assemblée nationale, maîtres de la bourgeoisie armée par Lafayette, et, depuis le retour de Varennes, inspirateurs de la reine par les Lameth. A étouffer les intrigues de l'émigration, à prévenir l'embrasement de l'Europe, et même à empêcher toute démonstration menaçante des puissances monarchiques, les Constitutionnels avaient un intérêt de premier ordre. Car, que devenait leur plan de faire triompher la Constitution tout en sauvant la monarchie, si, par une prise d'armes générale, précédée de manifestes offensants, les souverains ligués blessaient l'amour-propre de la France, portaient atteinte à son honneur, défiaient son indignation, et rendaient bon gré mal gré le roi de France complice du crime de la France outragée et du territoire envahi ? La victoire de l'étranger, dans ce cas, c'était la mort de la Constitution ; sa défaite, c'était la mort de la monarchie.

Aussi les Constitutionnels ne négligèrent-ils rien pour écarter ce danger.

Barnave, devenu de la part du public l'objet d'une attention particulière et soupçonneuse à l'excès, n'avait pu voir la reine depuis le retour de Varennes, et ne parvint jusqu'à elle, ainsi qu'on le verra plus loin, que le jour de l'acceptation de la Constitution[17] ; mais les Lameth, moins surveillés, avaient mystérieusement accès au château. Or, quoique Marie-Antoinette n'eût de sympathie que pour Barnave et continuât, au fond, à ne regarder les Lameth que comme des déserteurs de la noblesse, elle en était venue à croire qu'il fallait, dans la circonstance présente, ou suivre leurs conseils, ou périr.

Or, la première chose à tenter, pour les Constitutionnels, puisqu'ils voulaient éviter la guerre, c'était une démarche auprès du comte d'Artois, qui mettait une ardeur infatigable à la provoquer. En conséquence, Duport, les Lameth et Barnave suggérèrent l'idée d'envoyer au comte d'Artois un mémoire qui l'engageât, au nom du roi, à rentrer en France. Ce mémoire fut rédigé avec beaucoup d'art. Il portait :

Que si le comte d'Artois restait hors des frontières sans projets, il devait rentrer en France, de peur qu'on ne lui en supposât de funestes ;

Que s'il se proposait, au contraire, d'influer sur les affaires intérieures du royaume, soit par les réfugiés français, soit par une intervention des puissances étrangères, l'un et l'autre dessein étaient contraires à son intérêt, contraires à sa gloire ;

Qu'il ne pouvait, en effet, se flatter de prescrire, avec une poignée de Français, à une grande et forte nation, des conditions à peine admissibles après des victoires ;

Que, quant à une intervention étrangère, il lui était interdit, sous peine de devenir un objet d'horreur pour son pays, de donner le premier le signal de la guerre civile, de livrer le royaume à des étrangers, d'en causer le démembrement ;

Que le succès, d'ailleurs, dans cette voie, ne devait pas être espéré, parce qu'il fallait s'attendre alors à une guerre sans exemple dans les annales d'un peuple, à la guerre de toute une nation contre une armée, et d'une nation, se renversant sur ses frontières, non-seulement pour défendre ses foyers, mais pour préserver sa vie morale, pour conserver le libre exercice de sa pensée, pour sauver son honneur et ses lois ;

Que la Constitution était à la veille d'être présentée au roi, qui devrait ou l'accepter comme une condition de la royauté, ou, en la refusant, descendre du trône ;

Que son acceptation n'était point douteuse, et qu'il serait pourvu à ce qu'elle émanât de sa-volonté libre ;

Que, dès lors, le comte d'Artois, s'il s'armait contre la nation, se trouverait du même coup en révolte contre son roi ;

Que, par conséquent, il ne devait songer ni à enrégimenter les émigrés, ni à irriter la colère des puissances, ni à provoquer des changements à la Constitution par des levées de troupes et des menaces.

La conclusion était que le comte d'Artois n'avait qu'un parti à prendre : rentrer.

Le mémoire finissait en ces termes :

Mais il n'y a qu'un seul instant où le retour de M. le comte d'Artois puisse se concilier entièrement avec toute sa conduite, c'est le moment de l'acceptation du roi. Différer après un tel changement dans les circonstances, ce serait paraître hésiter ; et par cela même éveiller la plus juste défiance, perdre tous les avantages d'un retour parfaitement libre, et s'exposer à le rendre impossible. En choisissant, au contraire, un tel moment, M. le comte d'Artois prouvera qu'il n'a point changé de principes, mais que les circonstances seules ont changé. Il se croira lié par l'acceptation du roi, parce qu'il est dans la nature des choses que le chef de la famille royale stipule pour les membres appelés à la royauté qu'il doit leur transmettre. M. le comte d'Artois ne cessera donc pas d'être conséquent ; son retour ne sera, ni une rétroaction, ni un acte de faiblesse, mais une adhésion à l'acceptation du roi, dont les principes mêmes de l'honneur lui feront un devoir[18].

 

Les Constitutionnels, conseillers de la reine, avaient ici un double but : le premier, de jeter de l'incertitude dans les résolutions des puissances étrangères, et de la division parmi les émigrés ; le second, d'annuler le comte d'Artois s'il acceptait, et, s'il hésitait par intérêt personnel, de le perdre dans la fraction modérée de son parti.

D'un autre côté, une semblable démarche devait plaire à la reine, très-mécontente du comte d'Artois ; alarmée du rôle brillant qu'il cherchait à se donner aux yeux des royalistes, à demi convaincue, selon le mot de lord Malmesbury, qu'il travaillait pour lui-même, non pour le roi, for himself, not for the king[19], et entretenue dans ses appréhensions jalouses par d'aigres rapports, dont Madame Élisabeth combattait en vain l'impression[20].

Le mémoire fut donc adopté à la cour, remis au chevalier de Coigny, et porté le 31 juillet 1791, au comte d'Artois, par ordre du roi.

Le comte de Mercy, en ce moment-là, était à Bruxelles : les Constitutionnels ne désespérèrent pas de le gagner, de Je ramener à des idées pacifiques, et d'agir par lui efficacement sur les dispositions des cabinets étrangers.

Animés à cet égard d'un désir qui leur faisait illusion, ils dépêchèrent au comte, avec invitation pressante de revenir, l'abbé Louis, homme sans fortune et sans état, qui ne pouvait se tirer d'affaire qu'en obtenant une place, dirigeait tous ses efforts vers ce but, ménageait avec soin tous ses amis, et se créait des protecteurs dans tous les partis, clairvoyant d'ailleurs, fin, actif et discret[21].

En attendant le résultat de ces deux missions, qui étaient trop opposées aux vues politiques du comte de Mercy et aux espérances du comte d'Artois pour avoir quelque succès, les Constitutionnels passèrent en revue les forces dont la France pourrait disposer, en cas d'attaque. D'après un rapport d'Alexandre Lameth, l'effectif des troupes de ligne était de cent quarante-six mille hommes ; les magasins des vivres se trouvaient abondamment pourvus, ainsi que les magasins des munitions ; les places étaient en très-mauvais état, mais les travaux de construction se poursuivaient avec activité ; dans les places du Nord et de l'Est, il existait onze cents bouches à feu, avec tout leur attirail ; et six cents bouches à feu en fonte, quinze cents en fer, étaient réparties sur toutes les frontières. La mise en activité immédiate de quatre-vingt-dix-sept mille gardes nationaux fut ordonnée[22].

Huit jours après, soit pour retenir un reste de popularité, soit pour prouver qu'ils n'avaient point abandonné leurs principes, ou enfin pour se donner aux yeux des nobles une contenance ferme, les Constitutionnels décrétèrent la suppression de tout ordre de chevalerie, de tout signe extérieur, de toute décoration ou qualification de nature à supposer des distinctions de naissance[23]. Et ce décret fut rendu sur la proposition de Rœderer, le même qui, sous le régime impérial, devait s'appeler le comte Rœderer !

Puis, comme le mouvement d'émigration continuait, l'Assemblée décréta : Tout Français, absent du royaume, est tenu d'y rentrer dans le délai d'un mois, sous peine de payer, par forme d'indemnité du service personnel que chaque citoyen doit à l'État, une triple contribution ; se réservant, au surplus, l'Assemblée nationale, de prononcer telle peine qu'elle jugera à propos contre les réfractaires, en cas d'invasion hostile sur les terres de France. — Aucun Français ne pourra sortir du royaume sans avoir satisfait aux formalités qui seront prescrites[24].

Soudain, et au grand étonnement de l'Europe, eut lieu un événement qui semblait lever le dernier obstacle à une coalition contre la France : après une série de victoires foudroyantes, et au moment où l'on croyait l'empire ottoman effacé de la carte, Catherine II conclut tout à coup avec les Turcs, à Galatz, le 11 août 1791, une paix qui ne les condamnait qu'à la perte définitive d'Oczakow et de tout le territoire situé entre le Bog et le Dniéper[25]. Quels furent les motifs de cette princesse ? Craignit-elle que son empire épuisé ne pût suffire jusqu'au bout a la dépense sanglante de ses triomphes ? Fut-elle touchée des reproches que lui adressaient les souverains, sur une opiniâtreté belliqueuse qui, seule, s'opposait à leur ligue contre la Révolution française ? Fut-elle entraînée par l'exemple de l'Autriche qui s'était montrée si impatiente de mettre fin aux conférences de Sistow, et qui, peu de jours auparavant, le 4 août 1791, avait fait définitivement sa paix avec la Porte ? Il est vraisemblable que toutes ces raisons à la fois la déterminèrent, d'autant que, pour suspendre l'exécution de ses desseins sur Constantinople, elle ne les abandonnait pas.

Quoi qu'il en soit, c'était un prétexte de plus enlevé au système temporisateur de Léopold. Mais, dans l'intervalle, diverses circonstances vinrent fortifier la répugnance de ce prince pour l'emploi des moyens brusques et violents : avant tout, ce qu'il savait de la situation de sa sœur, et de ses dispositions. La lettre suivante, lettre inédite, dont nous avons l'autographe sous les yeux, et que nous publions sans rien changer, ni au style, ma l'orthographe, ni à la ponctuation, fera connaître quels étaient, à cette époque, les sentiments secrets de Marie-Antoinette.

12 août 1791.

L'occasion qui se présente de vous écrire mon cher frère, est plus sûre qu'aucune de celles que j'ai eu jusqu'à présent J'en proffitte avec empressement, car nous sommes observes d'une facon odieuse. Je vous ai dit dans ma lettre du 30 du mois dernier ce qui a suivi notre retour a paris et les impressions que m'ont fait les hommes dont j'ai été entourée depuis que je fus revenue de ma première agitation, mes idées sont toujours les memes, je ne crois pas me tromper sur la sincérité de quelques-uns d'eux autrefois nos plus dangereux ennemis. l'un d'eux est doué de l'éloquence la plus vive et la plus entrainante et ses talents exercent sur l'Assemblée une très grande influence, on a déja vu jusqu'à un certain point l'effet de ses efforts pour rammener les esprits et leur faire reprendre confiance dans la pureté de nos intentions. C'est depuis longtemps le seul moyen que nous avons, il est trop tard, je le crains pour essayer des autres et ils sont devenus innutile et dangereux. Nous ressemblons peut etre à vos yeux à ces malheureux qui se noyent et qui embrassent au hazard avec avidité tous les moyens de salut qui se présente, cela paroitroit être l'opinion de M. de M. mais je le crois sur ce point trop confiant. Je souhaitterois cependant qu'il fut à paris et qu'il put etre autorise à parler ferme, mais il faudroit que ce langage fut tenu de concert avec toutes les puissances, ou bien, je le répette, il faut se résigner, car c'est surtout l'Autriche contre laquelle on est en garde, mais il y a de la différence entre des démarches eloignées dont les méchants grossissent l'importance et l'attitude ouverte dont on se defie le moins, du reste mon cher frere, les evenements marchent si vite à la vérité, qu'a peine a-t-on pris un parti qu'on est tout de suite dépassé, le courage ne me manque pas dieu merci et je lutterai jusqu'au bout. Nous sommes à la veille de la présentation de la constitution, elle est si effrayante et monstrueuse que je doute qu'elle puisse se maintenir, mais je vous recrirai la dessus la semaine prochaine si une favorable occasion se présente. Adieu mon cher frere, j'ai besoin de votre amitié.

MARIE-ANTOINETTE[26].

 

De cette importante et curieuse lettre, il résulte :

Que la reine avait la plus grande difficulté à correspondre avec son frère, à cause de la stricte surveillance qui pesait sur elle ;

Qu'elle croyait à la sincérité de ceux que la peur des Jacobins faisait maintenant se presser autour du trône ;

Qu'elle comptait beaucoup sur l'ascendant parlementaire de Barnave et le charme de son éloquence ;

Qu'elle ne considérait toutefois cette ressource que comme celle du désespoir ; Que tout ce qu'elle attendait, pour le moment, de son frère, c'était un langage ferme, pourvu qu'il y eût accord entre les Puissances, et qu'on se donnât l'attitude de la franchise.

On retrouve, du reste, dans les lignes qui précèdent, Marie-Antoinette tout entière : son caractère fier, son courage, ses fluctuations politiques, et, dans le temps même où elle subissait l'influence des Constitutionnels, son horreur profonde pour la Constitution.

Quant au personnage qu'elle désigne par l'initiale M. et dont elle présente l'opinion d'une manière assez obscure, c'est sans nul doute le comte de Mercy. Aux yeux de ce diplomate, en effet, c'était se noyer que de se livrer aux Constitutionnels, même avec une arrière-pensée : Malgré l'opinion, écrivait-il au prince de Kaunitz, le 12 août 1791, malgré l'opinion que la reine paraît avoir prise de la franchise et des intentions de MM. Lameth et Barnave, ils ne se sont jamais montrés ci-devant que comme des scélérats d'autant plus dangereux que le premier a des talents, et le second une éloquence très-séduisante, qui toujours a été mise en œuvre sous la direction de son ami Duport, le plus déterminé anti-royaliste et le factieux le plus intrépide de l'Assemblée. Je ne saurais croire que d'une pareille source il puisse provenir rien que de très-suspect[27].

Mais les sympathies de la reine pour Barnave l'emportèrent, et l'empereur d'Autriche, son frère, en ressentit naturellement le contre-coup.

Les Constitutionnels l'apprirent ; ils surent que Léopold, bien qu'il fût l'âme de la coalition qui se formait, craignait au fond de se voir poussé jusqu'à la guerre, et le confirma dans ces dispositions rassurantes devint une de leurs préoccupations les plus vives. Les meneurs des comités dans l'Assemblée adressèrent, par Montmorin, au marquis de Noailles, cousin germain du représentant, et ambassadeur de France à la cour de Vienne, des instructions confidentielles, conformes à cette politique. Ils chargeaient le marquis de faire entendre à Léopold :

Qu'il se trompait étrangement s'il les croyait animés du désir de renverser le trône ;

Que leur but, au contraire, était de le sauver de la tourmente ;

Que c'était pour cela qu'ils avaient rejeté sur le marquis de Bouillé toute la responsabilité du voyage de Varennes, et précipité les bataillons de la garde nationale sur ceux qui demandaient la déchéance ;

Qu'ils avaient reconnu l'inviolabilité du roi ;

Qu'ils ne cherchaient qu'à transiger avec lui, à des conditions raisonnables, sur des bases en harmonie avec les exigences légitimes de l'opinion ;

Que, dans cet état de choses, toute tentative de l'étranger sur le royaume, au lieu de servir le roi, lui serait funeste, en paralysant la bonne volonté des Constitutionnels, en justifiant les alarmes répandues par les Jacobins, en irritant la nation, en exaltant les passions révolutionnaires.

 

Une note dans ce sens fut donc remise à l'empereur par le marquis de Noailles[28]. Elle fit sur l'esprit de Léopold une impression profonde et acheva ce que les lettres de sa sœur avaient commencé.

Mais pendant que les Constitutionnels, par des négociations habilement conduites, détournaient Léopold de la guerre, Monsieur, à qui le roi avait dès le 7 juillet envoyé ses pleins pouvoirs, et le comte d'Artois, s'étudiaient, au contraire, à enflammer l'ardeur belliqueuse du roi de Prusse. Pressé par le baron de Roll, leur envoyé, Frédéric-Guillaume fit savoir aux princes français qu'il était prêt à seconder leur cause, et parut même disposé à mettre ses troupes en mouvement vers le Rhin, persuadé que Léopold allait le seconde[29].

Une entrevue entre les deux souverains avait été précédemment convenue, et le rendez-vous avait été fixé au château électoral de Pillnitz, dans les États de l'électeur- archevêque de Mayence. Or, le roi de Prusse était si convaincu que, de son entrevue avec l'empereur d'Autriche ; sortirait la guerre, qu'il fit inviter Bouillé à se trouver à Pillnitz, le 26 ou le 27 août, avec un plan d'opérations des armées étrangères sur les différentes frontières de France[30].

Bouillé en fit un, le soumit, à Coblentz, au conseil des princes, et ses vues ayant été adoptées dans une réunion à laquelle assistaient les maréchaux de Broglie et de Castries, il se rendit à Pillnitz, après avoir informé le roi de Suède de la conférence qui devait avoir lieu, et dont, selon ses conjectures, une déclaration de guerre ne pouvait manquer d'être le résultat[31].

Ce fut le 24 août que le roi de Prusse arriva au château de Pillnitz, où il trouva l'empereur d'Autriche, qui l'y avait précédé de quelques heures. Frédéric-Guillaume était accompagné du prince royal de Prusse, du général prince Hohenloe-Ingelfingen, du baron de Bischofswerder et du colonel de Stein. L'empereur avait à sa suite l'archiduc François, le maréchal de Lascy, le baron de Spielmann et le comte de Palffy. L'électeur était au milieu de sa cour, une des plus polies dé l'Europ[32].

Rien de plus solennel que cette entrevue, et rien de plus propre à rendre témoignage de la grandeur de la Révolution française. Car c'était elle, elle seule, qui rapprochait, par la communauté des alarmes, deux puissants souverains qu'avaient jusqu'alors armés l'un contre l'autre les rivalités de l'ambition. Une table de quarante couverts réunit les monarques dans un banquet somptueux, auquel succédèrent une représentation théâtrale, des illuminations, le cercle, puis un souper splendide pendant lequel le baron de Roll vint annoncer l'arrivée à Dresde... du comte d'Artois[33]. Cette nouvelle étonna. Le prince n'avait point été invité ; mais comme il demandait à prendre part aux conférences sous les auspices du roi de Prusse, celui-ci n'osa le repousser, et, l'empereur donnant son adhésion tacite[34], le comte d'Artois fut attendu pour le lendemain.

Dans l'intervalle, les deux souverains eurent un entretien secret qui surprit fort le roi de Prusse, en lui révélant les dispositions pacifiques de l'empereur. Les hasards d'une aussi prodigieuse aventure qu'une croisade contre une nation comme la nation française ; les immenses ressources matérielles dont elle disposait ; le courage de ses enfants, qu'exalterait l'éclat inaccoutumé d'un tel péril ; la surexcitation de l'esprit révolutionnaire, au milieu de l'Europe embrasée ; le danger d'une propagande servie par le contact des armes ; le coup qu'une agression de ce genre pouvait porter, et à la puissance de l'Autriche en exposant les Pays-Bas, et à celle de l'empire germanique en livrant aux ravages des armées les pays bordés par le Rhin, tout cela, Léopold le fit valoir vivement, avec autorité, et sans dissimuler que l'idée d'une guerre légèrement entreprise avait contre elle l'opinion du maréchal de Lascy, le plus expérimenté des généraux autrichiens.

La conclusion de Léopold était que le meilleur parti à prendre serait de convoquer un congrès, appelé à négocier, pour la liberté de Louis XVI et le rétablissement de l'ordre, avec le parti qui dominait en France, sauf à appuyer les démarches de ce congrès par le déploiement de forces imposantes[35].

A ces considérations, que pouvait opposer le roi de Prusse ? L'opinion de Bouillé ? Mais Bouillé n'était, en ce moment, pour eux, que l'homme du roi de Suède, dont la turbulente ambition les inquiétait, dont ils désapprouvaient les desseins, et contre lequel ils avaient conçu des préventions qui rejaillissaient naturellement sur ses serviteurs[36]. D'ailleurs, le danger personnel que feraient sans doute courir à sa sœur et à Louis XVI les fureurs qu'une semblable guerre aurait déchaînées, était, dans la bouche de Léopold, un argument bien difficile à réfuter : Frédéric-Guillaume céda ; d'autant que Léopold avait su, par une adroite déférence, s'emparer de son esprit[37].

L'arrivée du comte d'Artois fit plus qu'animer la scène politique de Pillnitz, elle modifia un peu le résultat des premières impressions données et reçues. Il eut beau combattre la circonspection de l'empereur avec une fougue excessive si le sentiment des convenances ne l'eût tempérée ; il eut beau mettre en avant Calonne, qui se montra souple, hardi, persuasif, pressant, il ne put obtenir qu'on tirât l'épée du fourreau ; mais ce qu'il obtint, ce fut la déclaration suivante, résultat définitif de cette conférence fameuse :

Sa Majesté l'empereur et Sa Majesté le roi de Prusse, ayant entendu les désirs et les représentations de Monsieur et de M. le comte d'Artois, déclarent conjointement qu'elles regardent la situation où se trouve actuellement Sa Majesté le roi de France comme un objet d'un intérêt commun à tous les souverains de l'Europe. Elles espèrent que cet intérêt ne peut manquer d'être reconnu par les puissances dont le secours est réclamé ; et qu'en conséquence, elles ne refuseront pas, conjointement avec leurs dites Majestés, les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d'affermir dans la plus parfaite liberté les bases d'un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être des Français. Alors, et dans ce cas, leurs dites Majestés sont décidées à agir promptement et d'un mutuel accord, avec les forces nécessaires pour obtenir le but proposé et commun. En attendant, elles donneront à leurs troupes les ordres convenables pour qu'elles soient à portée de se mettre en activité.

A Pillnitz, le 27 août.

Signé : LÉOPOLD, FRÉDÉRIC-GUILLLAUME[38].

 

La dernière phrase, proposée par Calonne, avait été arrachée aux hésitations de Léopold par les instances du comte d'Artois[39].

Telle fut cette célèbre déclaration. Elle n'était, on le voit, que comminatoire ; elle trahissait les intentions pacifiques de Léopold et subordonnait l'action des deux princes allemands à l'intervention des autres puissances.

L'Espagne et les principaux souverains de l'Italie, ayant reçu le manifeste, y répondirent favorablement[40].

L'Angleterre se prononça pour la neutralité la plus stricte ; et il peut paraître singulier que le cabinet de Saint-James ait été le dernier à se réunir à une confédération dont il fut l'âme depuis. Mais, à cette époque, l'opinion publique en Angleterre était si opposée à la guerre, qu'au mois de mars 1791, un message royal ayant recommandé au parlement un armement maritime destiné à tenir en bride la Russie, dont les conquêtes, alors, menaçaient l'empire ottoman d'une destruction complète, le projet fut abandonné, repoussé qu'il était par le sentiment général[41]. D'ailleurs, l'opinion de Pitt, en ce temps-là, était que l'Angleterre ne devait point intervenir dans les affaires du continent[42].

Quant au roi de Suède, il se plut à considérer la déclaration de Pillnitz comme un encouragement à ses desseins. Que l'Allemagne, au reste, le secondât ou non, sa résolution était prise. Pour avoir toute la liberté de ses mouvements, il avait décidé que, durant son absence, la Suède serait gouvernée par un conseil de régence ayant à sa tête le prince royal, âgé de douze ans[43], et à Bouillé il écrivait ces fières paroles : Il est temps qu'on prenne un parti, car la saison avance ; et pour moi, je ne connais qu'un seul obstacle insurmontable aux projets de la vie, l'obstacle physique[44].

Mais c'est justement à la France révolutionnaire qu'il sera donné de montrer jusqu'où l'homme peut aller dans sa lutte contre l'impossible.

 

 

 



[1] His eagerness has created a jealousy in the queen and Monsieur that it is for himself, not for the king, that he is working. Diaries and correspondence of the Earl of Malmesbury, vol. II, p. 438.

[2] Manuscrit de M. Sauquaire-Souligné.

[3] Manuscrit de M. Sauquaire-Souligné.

[4] L'allocution de Monsieur, telle que nous la donnons ici, se trouve en entier dans les Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 384 et 385.

[5] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 386.

[6] Histoire secrète de Coblentz dans la Révolution des Français, attribuée à M. de Rivarol. Londres, 1795.

[7] Voyez le chapitre intitulé Origines de la coalition, t. V de cet ouvrage.

[8] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 116 et 117. Paris, 1831.

[9] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 120 et 121.

[10] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 120 et 121.

[11] Mémoires secrets du comte d'Allonville, t. II, chap. XII, p. 216. Édition de Bruxelles.

[12] Mémoires secrets du comte d'Allonville, t. II, chap. XII, p. 216.

[13] Voyez ses Mémoires, chap. VII, p. 274.

[14] Cette foudroyante condamnation de sa conduite, Bouillé l'a consignée lui-même dans ses Mémoires, chap. XII, p. 280 et 281.

[15] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 118.

[16] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 118 et 119.

[17] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XIX, p. 187.

[18] Voyez le texte du mémoire tout entier, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 163-171.

[19] Diaries and correspondence of the Earl of Malmesbury, t. II, p. 458.

[20] Rapports émanés d'un émigré, ami de Roux-Fazillac, et son instrument, selon les Mémoires secrets de d'Allonville, t. II, chap. XIV, p. 252. Édition de Bruxelles.

[21] Lettre du comte de La Marck au comte de Mercy-Argenteau dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 172.

[22] Décret du 22 juillet 1791.

[23] Décret du 30 juillet 1791.

[24] Décret du 17 août 1791.

[25] Annual register, vol. XXXIII, chap. V, p. 106.

[26] Ce document a fait partie de la célèbre collection d'autographes de M. Donnadieu. Il appartient aujourd'hui à l'honorable M. Monkton-Milnes, membre de la Chambre des Communes, qui a bien voulu me le communiquer.

[27] Mémoires secrets du comte d'Allonville, t. II, chap. XIV, p. 255. Édition de Bruxelles.

[28] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 128.

[29] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 132 et 133.

[30] Mémoires de Bouillé, chap. XII, p. 293.

[31] Mémoires de Bouillé, chap. XII, p. 293.

[32] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 135.

[33] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 136.

[34] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 137.

[35] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 137-139.

[36] Ils me le témoignèrent d'une manière qui n'était pas équivoque, dit Bouillé dans ses Mémoires, chap. XII, p. 296.

[37] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 141.

[38] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 134 et 144.

[39] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 145.

[40] Conversation de Léopold et de Bouillé, rapportée dans les Mémoires de ce dernier, chap. XII, p. 300.

[41] Diaries and correspondence of the Earl of Malmesbury, vol. II, p. 441.

[42] It appears very clear to me, from some confidential communications which were made, to me, that lord Grenville was the cause of Mr. Pitt's giving way, and that he acted not from the reason which was given, the nation being against it, but from its being his fixed opinion that we should not interfere at all in the affairs of the continent. Diaries and correspondence of the Earl of Malmesbury, vol. II, p. 441.

[43] Annual register, vol. XXXIII, chap. IV, p. 79.

[44] Mémoires de Bouillé, p. 302.