Irritation profonde des constitutionnels ; ses causes. — Attaques frénétiques de Marat. — Injures de Camille. — Remarquable résumé de la conduite des constitutionnels par ce dernier. — Outrages adressés à la garde nationale. — Esprit de légalité, partout répandu. — Démarche légale faite le 16 juillet à l'Hôtel de Ville. — Récépissé donné par le procureur-syndic Desmousseaux ; La loi vous couvre de son inviolabilité. — Double assassinat commis au Gros-Caillou dans la matinée du 17. — Comme quoi ce crime n'avait rien de commun avec la pétition projetée par le peuple. — Efforts, à l'Assemblée, pour faire croire le contraire, et rumeurs fausses propagées. — Étrange générosité de Lafayette. — Le Champ de Mars présente l'aspect d'une fête. — Attitude paisible de la foule réunie autour de l'Autel de la Patrie. — Pétition signée au Champ de Mars. — Commissaires envoyés au Champ de Mars par l'Hôtel de Ville. — Ils sont charmés du spectacle qui est sous leurs yeux, et approuvent la pétition. — Aspect de la place de Grève, pendant ce temps : fureur de la garde nationale habilement excitée. — Messages de Charles Lameth à l'Hôtel de Ville ; le drapeau rouge déployé. — Retour des commissaires à l'Hôtel de Ville ; leur rapport, favorable au rassemblement ; ils protestent contre le déploiement du drapeau rouge ; la municipalité passe outre. — Les armes chargées sur la place de Grève. — Les provocateurs des glacis. — Décharge, avant les trois sommations légales ; femmes et enfants massacrés. — Généreuse conduite des gardes nationaux du Marais et du faubourg Saint-Antoine, et des gardes soldés, à l'École militaire. — Injustifiable absence de Danton, de Fréron, de Camille. — Soirée du 17. — Le club des Jacobins insulté. — Robespierre recueilli chez le menuisier Duplay. — Bailly, à la tribune, le 18. — Mensonges du procès-verbal de la municipalité. — Jugement historique. — Combien ces événements ont été défigurés jusqu'ici.Nous voici à une date sanglante : 17 juillet 1791 ! D'où naquit la violence des passions qui rendirent cette journée si funeste ? C'est ici surtout qu'il importe de ne rien omettre. L'historien n'est pas accusateur public, il est juge ; et l'appréciation des circonstances atténuantes fit toujours partie de la justice. Depuis le retour de Louis XVI à Paris, une irritation profonde régnait parmi les constitutionnels. Elle avait pour causes : Les attaques frénétiques dirigées contre eux ; La honte secrète des artifices auxquels leur politique de fictions les condamnait ; La naissance d'un parti qui menaçait de détruire leur œuvre et de les rejeter dans l'ombre ; Enfin le déclin rapide d'une popularité dont ils ne voulaient plus subir les exigences, mais dont ils regrettaient l'encens. Et d'abord, quant aux attaques, deux citations donneront une idée suffisante de la rage qui les dictait : Ô indignes représentants de la nation ! ce ne sont point les mensonges, les perfidies, les crimes de Louis XVI et de sa femme qui me révoltent. Qu'un roi soit corrupteur, accapareur, féroce, faux monnayeur, parjure, escroc, traître, c'est sa nature de dévorer la substance des peuples et d'être mangeur de gens, et je ne peux pas avoir plus de haine contre lui que contre un loup. Comme le tigre, quand il suce le sang du voyageur, l'animal-roi ne fait que suivre son instinct, quand il suce le sang du peuple ; mais c'est vous qui méritez toute notre haine, vous, nos représentants, que nous avons choisis pour nous défendre. C'est vous qui ne cessez d'appeler sur votre tête la peine portée par la loi des douze tables, qui permettait au premier passant de courir sus au mandataire infidèle : qui clienti fraudent fecerit sacer esto[1]. Mais quoi ! ce langage n'était rien auprès de celui de Marat, de Marat, devenu fou de cruauté : Que faire ?… couper les pouces à tous les valets-nés de la cour et aux représentants de la ci-devant noblesse et du haut clergé, non comme infidèles, mais comme ennemis. Quant aux députés du peuple, qui ont vendu au despote les droits de la nation, aux Sieyès, aux Le Chapelier, aux Duport, aux Target, aux Thouret, aux Voidel, aux Barnave, aux Emmery, aux Bureaux de Puzy, aux Prugnon ; empalez-les tout vivants, et qu'ils soient exposés sur les créneaux du sénat, pendant trois jours, aux regards du peuple[2]. Ces fureurs étaient trop odieuses pour enrégimenter de nombreuses colères ; mais, outre qu'elles accoutumaient insensiblement les esprits à l'image des supplices, elles avaient cet effet, même sur ceux qui ne les prenaient point au sérieux, qu'ils se croyaient modérés en se contentant de mépriser les constitutionnels ou de les haïr. L'homme est ainsi fait que les attaques exagérées ou injustes l'irritent moins que celles qu'il a méritées : les constitutionnels auraient encore pu peut-être pardonner à leurs adversaires des emportements qui touchaient au délire ; mais la dénonciation de leurs fautes, de leurs contradictions, de leurs ruses, de leurs sourdes menées, voilà ce qui remplissait leur âme de fiel. Bien plus que des injures de Camille Desmoulins, ils durent s'émouvoir de ce foudroyant résumé qu'il publiait de leurs actes : Ce qu'il fallait faire ? quand la nation, seule et en se jouant, enfante à la liberté des armées bien plus innombrables que celles que le despotisme leva jamais à Xerxès et à Tamerlan, dans vingt royaumes, il fallait prendre l'attitude convenable à la liberté d'un tel peuple. C'est le faible qui trompe. Il fallait appeler le crime de Louis XVI de son vrai nom, et ne point le pallier par le mensonge du mot enlèvement. Il fallait constituer Louis XVI prisonnier, parce qu'il était pris en flagrant délit, et en le constituant prisonnier, déclarer qu'on le mettait en état d'arrestation, et non pas qu'on lui donnait une garde. Il fallait se moquer de Malouet et de Duport, invoquant l'inviolabilité du roi, parce qu'il avait cessé d'être roi, du moment qu'il était allé se mettre à la tête des ennemis de la nation ; car on ne peut pas être le chef de deux armées ennemies. Il fallait interroger le roi, non par des commissaires, mais à la barre, à la face de la nation, et permettre à tous les députés de l'interroger sur faits et articles. Au lieu qu'en lui envoyant trois commissaires, un d'André, un Duport, un Tronchet, l'Assemblée a eu l'air de craindre les révélations qui sortiraient de la bouche de Louis XVI, et qu'il ne lui montrât dans son sein une foule de complices. Il ne fallait pas faire antichambre, souffrir qu'un criminel se mît au bain à l'arrivée des commissaires, et attendre que, dans sa baignoire, il eût tiré la sonnette pour admettre l'Assemblée comme un garçon de bain ! La fuite et le manifeste du roi étant un crime de lèse-nation s'il en fut jamais, il fallait saisir de ce procès la haute cour nationale.... L'office de roi étant un office qu'on peut abandonner au hasard de la naissance, partant qui ne demande ni expérience ni habileté, qui peut être rempli par un idiot, un fou ou un méchant, le roi étant si réellement un zéro dans la Constitution, qu'il ne pouvait rien faire sans la signature du ministre ; le roi n'étant, à vrai dire, qu'une sorte de griffe, il fallait dire aux monarchiens, comme l'avare au passant : Mettez une pierre à la place. Elle vous vaudra tout autant[3]. Autre cause d'irritation pour les constitutionnels : ils voyaient déjà poindre à l'horizon un astre nouveau, la République. Ainsi, cette constitution monarchique qui leur avait coûté tant de travaux et de veilles, qu'ils espéraient léguer à la postérité comme un monument immortel de leur sagesse, elle chancelait, à la veille d'être finie, sous les coups d'un parti que la place publique commençait à saluer de ses acclamations ! La place publique ! Ah ! elle les avait entourés, eux aussi, de ses hommages les plus enivrants, elle leur avait donné l'avant-goût de la gloire. Et maintenant ?... Si on parlait do Le Chapelier, de Thouret, de Desmeuniers, de Voidel, de Duport, c'était pour s'indigner ou gémir de ce qu'on appelait leur apostasie. Si l'on pensait aux Lameth, c'était pour se rappeler le mot de Mirabeau : Les Lameth, en attendant qu'ils puissent s'emparer du ministère, font garder les places par leurs valets[4]. Et Barnave ! hélas ! pour l'avoir loué autrefois, Camille se frappait la poitrine, et, plutôt que de ne pas renier des éloges dont à présent il rougissait, oubliant sa propre dignité, il s'accusait d'avoir menti. Il avouait qu'il n'était pas vrai, comme il l'avait prétendu, que Mirabeau lui eût jamais dit de Barnave que c'était un grand arbre qui deviendrait un mât de vaisseau : c'était Barnave lui-même qui avait eu soin de lui faire savoir la chose[5] ! Mais ce qui était vrai, ce qu'on n'aurait pas, grâce au ciel, à démentir plus tard, ce dont Barnave oublierait probablement de se vanter, c'est que, pendant le retour de Varennes, invité à diner par Louis XVI, il s'était tenu derrière le fauteuil, versant incessamment à boire, et faisant les fonctions de laquais[6]. Les toréadors, en Espagne, n'en font pas tant pour exciter le taureau amené dans l'arène. Ce n'est pas tout : Bailly et les municipaux, Lafayette et la garde nationale, avaient leur part de ces coups redoublés d'aiguillon. Il était un mot que Marat avait appliqué aux bourgeois en uniforme et qu'il avait mis à la mode, à force de le répéter : Mouchards de Lafayette. Chez un peuple où les susceptibilités de l'honneur furent toujours si vives, quelle injure plus provocante aurait-on pu imaginer ? Les meneurs de l'Assemblée se trouvèrent ainsi avoir au service de leurs colères celles de la municipalité, qui, le cas échéant, devait crier : Feu ! et celles de la bourgeoisie armée, qui, à ce signal funeste, devait tirer ! Toutefois, il était peu probable que l'occasion d'en venir là se présentât, à moins qu'on ne voulût absolument la voir où elle ne serait point. Car il est à remarquer qu'au sein de la fermentation générale, et quels que fussent les emportements de certains journalistes, le sentiment qui prévalait était, chose bizarre mais incontestable : le respect de la loi. On la critiquait outre mesure, avec violence ; mais nul ne mettait en doute qu'il ne fallût lui obéir. Aux Jacobins, c'est Robespierre qui dit solennellement : Nous voulons obéir à tous les décrets, même à ceux qui nous paraissent devoir être réformé[7]. Dans le Patriote français, c'est Brissot qui, à propos de la séance du 15 juillet, s'écrie : Le déshonneur de nos législateurs est consommé. Le décret est adopté. Cependant il est rendu, il faut obéir[8]. On a vu que, dans la soirée du 16 juillet, aux Jacobins, la pétition rédigée par Brissot avait été retirée : un des motifs était qu'elle avait perdu son caractère légal, depuis que, conformément à la proposition de Desmeuniers, l'Assemblée avait statué formellement sur le sort de Louis XVI. Or, au moment même où, par respect pour la loi, le club des Jacobins retirait la pétition qu'on était convenu d'aller le lendemain signer au Champ de Mars, les citoyens qui se proposaient de l'aller signer, envoyaient douze des leurs prévenir la municipalité de leur intention, conformément à cet article de la loi : Les citoyens qui veulent user du droit de pétition doivent être sans armes et avoir annoncé leur réunion vingt-quatre heures à l'avance. Les douze députés arrivèrent à l'Hôtel de Ville, firent leur déclaration, et obtinrent récépissé, de la main du procureur-syndic, Desmousseaux, lequel leur adressa, de plus, ces paroles qu'il ne faudra pas oublier : LA LOI VOUS COUVRE DE SON INVIOLABILITÉ ![9] Quant au récépissé, il fut présenté, plus tard, à Bailly, le jour de son jugement…, et lui coûta la vie ! L'état des choses, le matin du 17 juillet, était donc celui-ci : Les constitutionnels, et la garde nationale, sur laquelle ils s'appuyaient, ne se possédaient pas de colère, et se tenaient prêts à repousser la pétition de Brissot à coups de fusil. Cette pétition, la veille au soir, les Jacobins l'avaient mise de côté, la jugeant illégale, après examen. Mais les citoyens appelés à la signer et qui ne se trouvaient pas aux Jacobins, ne sachant ni qu'elle était retirée, ni pourquoi, ne s'en préparaient pas moins à se rendre au Champ de Mars, et avec d'autant plus de confiance, qu'ayant fait auprès de la municipalité les démarches requises, ils étaient parfaitement en règle aux yeux de la loi. Un crime préluda aux malheurs de cette journée. De fort grand matin, un jeune homme, presque un enfant, avait obtenu de son père la permission d'aller au Champ de Mars copier les inscriptions frappées autour de l'Autel de la Patrie. Tout à coup il entend sous ses pieds comme le bruit d'une vrille. Il court en prévenir le corps de garde du Gros-Caillou, le trouve trop faible pour se dégarnir, se hâte alors vers l'Hôtel de Ville, d'où il revient avec cent hommes, et des outils pour lever les planches. Elles sont levées, et qu'aperçoit-on ? Deux hommes, dont l'un était un invalide à jambe de bois, faisant semblant de dormir. Près d'eux, des vivres pour vingt-quatre heures, du vin[10]. Ils furent traînés à la section. Que faisaient-ils, qu'attendaient-ils, ainsi cachés sous l'Autel de la Patrie ? Suivant les uns, ils avouèrent une promesse de vingt-cinq louis de rente à chacun d'eux[11], ce qui les présentait comme agents de quelque noir complot ; suivant les autres, — et c'est la version la plus répandue, — ils répondirent de manière à faire croire qu'une curiosité lubrique avait été leur seul mobile[12]. Quoi qu'il en soit, le commissaire les remettait on liberté[13], lorsque des furieux les saisirent. Personne n'a su ou, du moins, personne n'a dit avec certitude si l'invalide et son compagnon se trahirent par des discours imprudents ; ou si, le baril de vin se transformant chemin faisant en un baril de poudre, le soupçon qu'ils voulaient faire sauter l'Autel de la Patrie naquit d'une panique ; ou si enfin il y avait là des scélérats chargés de la hideuse mission de pousser au désordre. Ce qui est malheureusement trop certain, c'est que les deux prisonniers furent égorgés. Mais ils le furent au Gros-Caillou, et non pas au Champ de Mars ; mais ils tombèrent sous les coups de quelques brigands, et non sous les coups du PEUPLE, auquel il est odieux d'étendre, avec ce vague terrible, arme favorite de ses calomniateurs, la responsabilité de semblables forfaits ; mais il n'y eut et il ne pouvait y avoir rien absolument de commun entre ce double assassinat commis de très-bonne heure au Gros-Caillou, et les pétitionnaires qui, neuf ou dix heures plus tard, se trouvaient, quand on les chargea, réunis au Champ de Mars[14]. Cependant, qu'arrive-t-il ? Tandis que les têtes des deux hommes assassinés sont plantées au bout de deux piques, et qu'on laisse l'épouvantable trophée se promener dans Paris, comme pour préparer le massacre par l'horreur du spectacle, — dit Camille Desmoulins[15], commentateur sinistre, — le président de l'Assemblée nationale s'exprime en ces termes, à l'ouverture de la séance : Il nous vient d'être assuré que deux citoyens avaient été victimes de leur zèle au Champ de Mars, pour avoir dit à une troupe ameutée qu'il fallait se conformer à la loi : ils ont été pendus sur-le-champ[16]. Et Regnauld de Saint-Jean-d'Angély ajoute : Les victimes sont deux gardes nationaux qui ont réclamé l'exécution de la loi[17]. Erreur involontaire ou mensonge calculé, cette manière de présenter les choses était déplorable, dans la première hypothèse ; et, dans la seconde, auquel le cœur refuse de s'arrêter, infâme, Il y avait là beaucoup de gardes nationaux présents : c'était jeter du feu sur de la poudre ! Ce fut à onze heures que le corps municipal apprit la sanglante exécution du Gros-Caillou[18]. Déjà, il avait pris et publié un arrêté contre les attroupements ; déjà il avait envoyé deux de ses membres dans le quartier de la Bastille, qu'on prétendait très-agité, et qu'ils trouvèrent fort tranquille[19] : tout examen fait, il fut décidé que trois commissaires de l'Hôtel de Ville partiraient à l'instant pour le Champ de Mars[20]. Lorsque, vers midi, les citoyens commençant à s'y réunir, les troupes de leur côté y étaient entrées, conduites par un aide de camp de Lafayette, un coup de pistolet, parti des glacis, avait atteint l'aide de camp. Lafayette lui-même, au Gros-Caillou, avait été mis en joue à bout portant par un furieux, dont le fusil rata, qu'on prétendit être Fournier l'Américain[21], et qui, arrêté aussitôt, fut relâché, sur l'ordre formel du général[22]. Mais, sauf cette circonstance, que la générosité de Lafayette, étrange en un tel moment et bien hâtive, rendit sujette à de funestes interprétations[23], la paix ne fut pas troublée. A deux heures, la vaste enceinte du Champ de Mars présentait le plus riant, le plus doux spectacle. Le temps était magnifique. Attirée par le soleil, par la curiosité, par le souvenir, toujours vivant, de la grande Fédération, qui donnait à ces lieux un caractère sacré, une foule considérable affluait là, depuis le milieu du jour, non-seulement des divers quartiers de Paris, mais des villages voisins. Les maris avaient amené leurs femmes, les mères leurs enfants. Pas un fusil, pas d'armes : c'est à peine si çà et là on apercevait des cannes. Les vendeuses de pain d'épices, les marchandes de gâteaux de Nanterre, allaient gaiement de groupe en groupe. Que dire encore ? C'était une réunion de plusieurs milliers de familles ; c'était une fête, le dimanche, pendant l'été[24]. Ajoutez à cela qu'aucun des hommes dont la présence eût pu servir de prétexte aux alarmes n'avait paru. Sans doute il eût été possible, en les cherchant bien, de trouver, perdus dans l'immense multitude, quelques personnages auxquels la Révolution assura, plus tard, une renommée orageuse : Momoro, Chaumette, Henriot, Hébert, le Belge Robert et Mlle Kéralio[25], qu'il venait d'épouser ; mais aucun de ces visages ne s'était fait encore remarquer, aucun de ces noms n'avait une influence révolutionnaire. Chaumette était un simple étudiant en médecine ; Hébert courait, sans l'avoir atteinte encore, après sa cynique célébrité ; personne n'avait jusqu'alors parlé d'Henriot. Et quant à ceux à qui l'Assemblée attribuait volontiers des pensées factieuses ou un ascendant néfaste, ils étaient absents. Marat n'avait point quitté ses chères ténèbres ; et Danton, Fréron, Camille Desmoulins, sous l'inspiration de craintes que nous aurons à juger, étaient partis la nuit précédente pour la campagne[26]. Arriva un envoyé des Jacobins. Il venait annoncer que la Société avait retiré la pétition attendue, et qu'elle allait s'occuper d'une rédaction nouvelle. Alors, une voix ayant crié qu'il fallait rédiger cette nouvelle pétition à l'instant sur l'Autel de la Patrie, et la proposition ayant été unanimement adoptée, les assistants nomment quatre commissaires ; on se range autour d'eux, et l'un des élus écrit : SUR L'AUTEL DE LA PATRIE, LE 17 JUILLET DE L'AN III. Représentants de la nation, vous touchiez au terme de vos travaux ; bientôt des successeurs, tous nommés par le peuple, allaient marcher sur vos traces sans rencontrer les obstacles que vous ont présentés les députés de deux ordres privilégiés, ennemis nécessaires de tous les principes de la sainte égalité. Un grand crime se commet : Louis XVI fuit ; il abandonne indignement son poste ; l'empire est à deux doigts de l'anarchie. Des citoyens l'arrêtent à Varennes, il est ramené à Paris. Le peuple de cette capitale vous demande instamment de ne rien prononcer sur le sort du coupable sans avoir entendu l'expression du vœu des quatre-vingt-trois autres départements. Vous différez ; une foule d'adresses arrivent à l'Assemblée ; toutes les sections de l'empire demandent simultanément que Louis soit jugé. Vous, messieurs, avez préjugé qu'il était innocent et inviolable, en déclarant, par votre décret d'hier, que la Charte constitutionnelle lui sera présentée, alors que la Constitution sera achevée. Législateurs ! ce n'est pas là le vœu du peuple, et nous avions pensé que votre plus grande gloire, que votre devoir même consistait à être les organes de la volonté publique. Sans doute, messieurs, que vous avez été entraînés à cette décision par la foule de ces députés réfractaires, qui ont fait d'avance leur protestation contre toute espèce de constitution ; mais, messieurs, mais, représentants d'un peuple généreux et confiant, rappelez-vous que ces deux cent trente protestants n'avaient plus de voix à l'Assemblée nationale, que le décret est donc nul et dans la forme et dans le fond : nul au fond, parce qu'il est contraire au vœu du souverain ; nul en la forme, parce qu'il est porté par deux cent quatre-vingt-dix individus sans qualité. Ces considérations, toutes les vues du bien général, le désir impérieux d'éviter l'anarchie à laquelle nous exposerait le défaut d'harmonie entre les représentants et les représentés, tout nous fait la loi de vous demander, au nom de la France entière, de revenir sur ce décret, de prendre en considération que le délit de Louis XVI est prouvé, que ce roi a abdiqué ; de recevoir son abdication et de convoquer un nouveau pouvoir constituant pour procéder d'une manière vraiment nationale au jugement du coupable, et surtout au remplacement et à l'organisation d'un nouveau pouvoir exécutif. PEYRE, VACHART, ROBERT, DEMOY. L'original de cette pétition existe ; il a été conservé[27] aux archives de la Seine. Exilé de mon pays, il ne m'a point été donné de pouvoir consulter ce document, qui est unique. Mon illustre confrère, M. Michelet, a été plus heureux : qu'il me permette de lui emprunter les curieux ou caractéristiques détails qui suivent[28] : Des milliers de signatures remplissent plusieurs feuilles ou petits cahiers, que l'on a cousus ensemble. Nul ordre. Visiblement chacun a signé, à mesure qu'il arrivait, presque tous à l'encre, quelques-uns au crayon… — Il y a nombre de signatures de femmes et de filles : sans doute, ce jour de dimanche, elles étaient au bras de leurs pères, de leurs frères, de leurs maris. — Le nombre des signatures dut être véritablement immense. Les feuilles qui subsistent en contiennent plusieurs milliers. Mais il est visible que beaucoup ont été perdues. — La signature d'Hébert n'est point du tout en pattes d'araignée, comme quelques-uns l'ont dit : elle est peu allongée, plutôt basse et sans caractère, de tout point commune. — La dernière signature est celle de Santerre. Et qu'on ne croie pas que tout cela se passait tumultueusement, dans la fièvre d'une colère séditieuse. Non. Fabre d'Églantine était présent. Rédacteur des Révolutions de Paris, c'est lui, selon toute apparence, qui a rédigé le récit très-circonstancié qu'on y trouve, et où il est constaté que les jeunes gens s'amusaient à des danses ; que, parmi les cinquante mille personnes qui bientôt couvrirent la plaine, il y avait beaucoup de paisibles mères de famille ; que c'était une de ces assemblées majestueuses et touchantes, telles qu'on en voyait à Athènes et à Rome[29]. Aussi, quand les trois officiers municipaux envoyés par l'Hôtel de Ville, et accompagnés d'une nombreuse escorte de garde nationale, se présentèrent, vers deux heures, au Champ de Mars, ils furent surpris à la fois et enchantés de la tranquillité qui y régnait. S'étant rendus à l'Autel, ils y furent reçus au milieu des plus attendrissants transports de patriotisme et de joie. Vivement touchés, ils dirent : Messieurs, nous sommes charmés de connaître vos dispositions. On nous avait dit qu'il y avait ici du tumulte, on nous avait trompés. Nous ne manquerons pas de rendre compte de ce que nous avons vu, et, loin de vous empêcher de faire votre pétition, si l'on vous troublait, nous vous aiderions de la force publique[30]. On leur lut la pétition, ils la trouvèrent conforme aux principes, et assurèrent qu'ils la signeraient eux-mêmes s'ils n'étaient point en fonctions[31]. Voilà ce qu'affirment les Révolutions de Paris ; et bien vainement essayerait-on de récuser l'autorité de ce témoignage : un document a été conservé, grâce au ciel, pour le triomphe de la vérité, document irréfragable, terrible, qui fut mis sous les yeux de Bailly, le jour de son jugement ! C'est la déclaration même des trois conseillers municipaux, lesquels se nommaient Le Roux, Regnaud, Hardy. On y lit que Les citoyens assemblés au Champ de Mars n'avaient en rien manqué à la loi ; qu'ils demandaient seulement le temps de signer leur pétition avant de se retirer ; que la foule avait témoigné aux commissaires tous les égards imaginables et donné des marques de soumission à la loi et à ses organes[32]. Les trois officiers municipaux firent donc retirer les troupes, et se retirèrent eux-mêmes très-satisfaits, emmenant avec eux douze citoyens députés à l'Hôtel de Ville par ceux du Champ de Mars, pour demander la mise en liberté de deux citoyens, dont l'arrestation avait paru imméritée[33]. Mais déjà le corps municipal était de toutes parts sollicité à la violence ; dès une heure et demie, il avait reçu du président de l'Assemblée, Charles Lameth, un message pressant[34] ; les courriers se succédaient à l'Hôtel de Ville ; on répandait des bruits pleins d'alarmes[35] ; par une meurtrière confusion, imposture des uns, erreur des autres, on mêlait hideusement ensemble le double assassinat du matin et la pétition, les desseins des pétitionnaires et la tentative de meurtre commise sur Lafayette, si bien que, se croyant insultée, menacée, attaquée dans son chef, la garde nationale, frémissante, attendait moins qu'elle ne l'appelait le signal de marcher. Vers cinq heures, le corps municipal se décide. La loi martiale est proclamée. Ordre est donné de battre la générale, de tirer le canon d'alarme. A cinq heures et demie, le drapeau rouge flottait à la principale fenêtre de l'Hôtel de Ville[36]. Faut-il le rappeler, ce détail affreux ? A l'aspect de l'étendard de mort, les gardes nationaux qui couvraient la place de Grève élevèrent leurs armes en l'air et se mirent à pousser des cris de joie[37]. Mais, ô bonheur inespéré ! au moment même où la municipalité se met en marche, voilà que les trois officiers municipaux, envoyés au Champ de Mars, montent les degrés de l'Hôtel de Ville[38]. Accompagnés des douze députés du Champ de Mars, ils parviennent, à travers une forêt de baïonnettes, jusqu'à la salle d'audience : Attendez-nous ! disent-ils à la députation, et ils entrent. Ce qu'ils avaient vu, ils le racontèrent. L'hommage dû à la vérité, ils le lui payèrent fidèlement, Ils protestèrent contre la proclamation de la loi martiale. Ils déclarèrent que, si le drapeau rouge était déployé, on les regarderait, avec grande apparence de raison, comme des traîtres, comme des gens sans foi 1[39]. Inutiles efforts ! Les douze députés du Champ de Mars voient sortir les municipaux. Ils vont droit à Bailly, lui parlent des prisonniers qu'ils viennent réclamer ; de la promesse faite. Bailly répond : qu'il n'entre pas dans ces promesses et qu'il va marcher au Champ de la Fédération pour y mettre la paix[40]. En effet, les municipaux descendent sur la place, où un d'eux fut aperçu allant, ceint de son écharpe, de rang en rang, abordant un à un les officiers, et leur parlant à l'oreille[41]. Un capitaine de la garde nationale accourt : Le Champ de Mars est rempli de brigands[42]. Et puis, l'Assemblée avait envoyé un second message... Que faire ? L'Assemblée commande, a écrit M. Michelet, Bailly ne peut qu'obéir[43]. Nous écrirons, nous : Plutôt mourir que de tuer des innocents ; l'Assemblée commande, Bailly ne peut que désobéir. Mais il n'obéit que trop bien ! L'ordre fut donné ; les armes, circonstance caractéristique, furent chargées sur la place de Grève même[44] ; la garde s'ébranla, et les canons roulèrent sur le pavé. Pendant ce temps, au Champ de Mars, les jeunes gens continuaient de se livrer à leurs danses joyeuses ; les mères continuaient de se promener, tenant leurs enfants par la main ; le ciel, un instant obscurci[45], avait repris son éclat, tous les cœurs étaient à la joie. Que pouvait-on craindre ? On signait une pétition ; mais le droit de pétition avait été solennellement consacré par les décrets ; mais il formait, écrit en caractères ineffaçables dans la Constitution, un des articles de foi du nouvel évangile ; mais la rédaction approuvée se trouvait incontestablement légale, ne demandant à l'Assemblée, et cela en termes respectueux, que de revenir sur un décret par elle rendu ; mais toutes les conditions prescrites pour l'exercice régulier du droit de pétition, étaient remplies, la municipalité ayant été prévenue la veille, et aucun des pétitionnaires ne portant des armes ; mais on venait de recevoir la visite de trois officiers municipaux, et on n'avait eu à échanger avec eux que des félicitations, que des encouragements patriotiques. Oui, que pouvait-on craindre ? On était le droit, on était la loi ! Tout à coup, le bruit des tambours retentit. Les bataillons arrivaient sur le Champ de Mars par toutes les issues. Par une des extrémités, du côté de l'École militaire ; par l'autre extrémité, du côté du fleuve, et enfin par le milieu, correspondant au chemin qui traversait le Gros-Caillou. Quoi ! par toutes les issues ? Est-ce qu'il s'agit de cerner le rassemblement, non de le disperser ? Est-ce qu'on a juré que nul n'échapperait ? Ô magnanime confiance du peuple ! Il se croit si bien sous la protection de la loi, et sa sécurité est si grande, que, selon le témoignage d'un des gardes nationaux qui vinrent se ranger devant l'École militaire[46], la foule, dans cet endroit, accourut au-devant des troupes. Mais elle fut repoussée par les colonnes d'infanterie, qui, obstruant les issues, s'avancèrent et se déployèrent rapidement, et surtout par la cavalerie, qui, en courant occuper les ailes, éleva un nuage de poussière, dont toute cette scène tumultueuse fut enveloppée[47]. Or, à l'extrémité opposée, une seconde colonne débouchait par le pont de bois, et la troisième, celle qui arrivait par le Gros-Caillou[48], entrait furieuse au milieu du Champ de Mars, ayant Bailly dans ses rangs, et traînant à sa suite une bande nombreuse de perruquiers, ridiculement armés en guerre par-dessus leur costume de métier[49], très-remarquable à cette époque, Là était le drapeau rouge, mais si petit, si peu visible, qu'on le désigna depuis sous le nom de drapeau de poche[50] ; et au lieu de le porter en tète des troupes, comme la loi le voulait, on l'avait placé dans une position où il était impossible à ceux sur qui on marchait de l'apercevoir[51]. Alors, sans qu'on puisse dire d'une manière certaine si ce fut excès de stupidité ou trahison, des hommes qui se tenaient sur les glacis[52], des hommes qui ne faisaient aucunement partie de la masse paisible agglomérée dans le Champ de Mars, se mirent à crier : A bas les baïonnettes ! 8[53] Bailly donne le commandement de halte, et veut faire les trois sommations[54] de rigueur. Déjà des membres du corps municipal s'avançaient la loi à la main. Mais voilà que les provocateurs, épars sur les glacis, jettent des pierres à la garde nationale, et un dragon est blessé d'un coup de pistolet. La garde nationale répondit par une décharge en l'air. La foule qui se pressait autour de l'Autel de la Patrie ne pouvait croire qu'on vînt la massacrer dans ce lieu bénit, sur ce théâtre auguste de la fraternelle alliance, célébrée à cette même place, trois jours auparavant, par des invocations patriotiques et des prières. Plusieurs voix crièrent : Ne bougeons pas, on tire à blanc, il faut qu'on vienne ici publier la loi[55]. Et la foule demeura immobile. Où aurait-elle fui d'ailleurs ? Partout des baïonnettes. Mais les troupes continuent d'avancer…. et soudain une effroyable détonation, suivie d'un grand cri. Après la décharge dérisoire, ou, si l'on veut, généreuse, faite sur les provocateurs des glacis, une seconde décharge, sérieuse cette fois et terrible, venait d'être faite sur l'inoffensive multitude du Champ de Mars ! Et quand la fumée se dissipa, on vit, spectacle d'horreur, l'Autel de la Patrie inondé de sang ; on vit, gisant sur le sol, des cadavres d'enfants, des cadavres de femmes ! Sans se demander maintenant si quelque issue avait été laissée à la fuite, ils fuyaient les infortunés, et l'air ne retentissait plus que de lamentations déchirantes : Ô ma mère ! Ô mon mari ! Ô mon fils ![56] Mais la postérité croira-t-elle à tant de délire ? — La cavalerie en fureur courait sur cette masse éperdue ; et des gardes nationaux furent aperçus jetant leurs sabres aux jambes de ceux qu'ils ne pouvaient atteindre[57]. A leur tour, et comme avides de leur part de gloire dans cette boucherie, les artilleurs frémissaient d'impatience, et un d'eux allait tirer, lorsque, épouvanté à la fin, mais plein d'une épouvante intrépide, Lafayette poussa son cheval devant la gueule du canon[58]. Heureusement, les troupes déployées devant l'École militaire étaient loin de partager cette ivresse sauvage. C'étaient les gardes nationaux du Marais et du faubourg Saint-Antoine ; c'était un bataillon de cette garde soldée, un bataillon de ces anciens gardes françaises qui avaient refusé d'ensanglanter le berceau de la Révolution, lui avaient offert leur courage, et s'étaient unis au peuple sous les murs de la Bastille assiégée. Ici, tous, gardes nationaux et gardes françaises, furent admirables d'humanité, de vrai patriotisme. Ils ouvrirent leurs rangs aux citoyens qu'on assassinait, ils les couvrirent de leurs corps, et on les entendit exhaler en termes expressifs leur étonnement, leur indignation, leur douleur[59]. Quant à la pétition, elle était sauvée. Sur les cadavres des victimes, presque sous les pieds des chevaux, devant la bouche des canons, des hommes héroïques s'étaient occupés de recueillir les cahiers du manuscrit vengeur. La pétition reste, purent écrire les Révolutions de Paris, elle repose dans une arche sainte, placée au fond d'un temple inaccessible à toutes les baïonnettes. Elle en sortira quelque jour ![60] Il était près de huit heures du soir, quand les municipaux et leur drapeau rouge avaient paru au Champ de Mars : la nuit tombait quand ils en partirent. Les vainqueurs rentrèrent dans Paris, au milieu de malédictions à demi étouffées qui çà et là interrompaient le morne silence de la ville. Pas un des leurs n'avait péri dans cette bataille sans danger ; mais deux chasseurs de la garde nationale, assassinés ensuite[61], témoignèrent de la violence des ressentiments. Du côté du peuple, quel fut le nombre des victimes ? Les évaluations varièrent à l'excès : quelques-uns dirent deux cents, d'autres six cents ; il y en eut qui allèrent jusqu'à deux mille, exagération manifeste dans un sens, comme le fut dans un sens contraire le chiffre de vingt-quatre, hasardé par la municipalité, au moment de la rédaction hâtive de son procès-verbal[62]. Elle n'était que trop intéressée à diminuer le nombre des fosses funéraires qu'elle venait d'ouvrir ! On assura, mais cela ne fut point prouvé[63], que beaucoup de cadavres furent précipités dans la Seine. Nous avons dit que, parmi les promoteurs du mouvement, plusieurs évitèrent de se montrer. Tandis qu'on massacrait ceux qu'avaient conduits au Champ de Mars les discours emportés de Danton, de Fréron, de Camille Desmoulins, eux ils étaient à la campagne, à Fontenay-sous-Bois, et tranquillement attablés chez le limonadier, beau-père de Danton, ils attendaient le résultat ! Que Rotondo eût été attaqué, la veille, en plein jour ;
que Fréron eût été assailli sur le pont Neuf ; qu'il en eût été de même d'un
citoyen en qui les agresseurs avaient cru reconnaître Camille Desmoulins,
c'est ce qui est affirmé, en manière de justification, dans le numéro 86 du
journal de ce dernier. Eh ! quand l'assertion serait vraie ! La prudence
couvre-t-elle le défaut de courage, lorsque c'est le courage qui est le
devoir ? Fréron écrivait, le 15 juillet : Lafayette
a reçu de la municipalité l'ordre de faire tirer sur le peuple. Mais ne vous
laissez pas intimider. Croyez donc que, si Lafayette donne l'ordre de
fusiller un peuple désarmé, ses soldats, je veux dire les soldats de la
patrie, mettront aussitôt bas les armes, comme ils le firent le 18 avril. D'ailleurs
qui ne sait pas mourir n'est pas digne d'être libre[64]. Et, après de
telles paroles. On a prétendu, pour excuser cette conduite misérable, que la présence des meneurs en renom n'aurait fait qu'ajouter à l'irritation de la garde nationale. Mauvaise excuse ! Elle suppose qu'il y avait danger ; or, quiconque précipite le peuple dans la carrière des périls a sa place marquée d'avance, s'il est homme de cœur, là où l'on est le plus près possible de la mort. La soirée fut menaçante. Les gardes nationaux qui, de retour du Champ de Mars, descendaient le long de la rue Saint-Honoré, insultèrent en passant le club des Jacobins. Plusieurs craignirent pour leur liberté, ou pour celle de leurs amis. Roland et sa femme, qui étaient loin d'avoir, à cette époque, pour Robespierre, les sentiments de haine qu'éveillèrent depuis dans leur âme les luttes politiques, se firent conduire chez lui au fond du Marais, à onze heures du soir, décidés à lui offrir un asile[65]. Mais il était absent. Comme il quittait le club des Jacobins, le menuisier Duplay l'avait aperçu, l'avait fait entrer chez lui. Gagné par les instances de l'ardent patriote, par celles de Mme Duplay, par les prières muettes des demoiselles peut-être, Robespierre consentit à rester, en attendant que l'orage se dissipât. Mais quand il fut pour partir, impossible. On le retint affectueusement, comme de force, et c'est ainsi que la maison du menuisier devint la sienne. Le lendemain du massacre, 18 juillet, Bailly montait à la tribune de l'Assemblée nationale, et y prononçait ces paroles, où le mensonge servait d'apologie au meurtre : Le corps municipal se présente devant vous, profondément affligé des événements qui viennent de se passer. Des crimes ont été commis et la justice de la loi a été exercée. Nous osons vous assurer qu'elle était nécessaire. L'ordre public était détruit ; des ligues et des conjurations avaient été formées : nous avons publié la loi vengeresse. Les séditieux ont provoqué la force ; ils ont fait feu sur les magistrats et sur la garde nationale ; mais le châtiment du crime est retombé sur leurs têtes coupables[66]. Ainsi, le droit de pétition, régulièrement exercé, exercé conformément aux plus strictes prescriptions de la loi, se trouvait transformé en crime ! Les citoyens venus à l'Autel de la Patrie, avec leurs femmes et leurs enfants, étaient des séditieux ! Et ces séditieux, qui n'étaient pas même armés d'une canne, on ne se contentait pas de les rendre responsables d'un coup, d'un seul coup de pistolet tiré du haut des glacis, sur un dragon, mais on osait dire qu'ils avaient fait feu sur les magistrats et sur la garde nationale ! Le procès-verbal de la municipalité, lu ensuite par Bailly, était digne de ce préambule. La vérité s'y trouvait outragée presque à chaque paragraphe, tantôt par voie d'affirmation, tantôt par voie de réticence, par voie de réticence surtout. Il n'y était question, notamment, ni de la démarche faite le 16 juillet à l'Hôtel de Ville, pour lui annoncer, vingt-quatre heures à l'avance, aux termes de la loi, le rassemblement du lendemain ; ni du récépissé donné aux envoyés par le procureur-syndic, Desmousseaux ; ni de ces paroles de lui : La loi vous couvre de son inviolabilité ; ni de cette circonstance que les armes avaient été chargées sur la place même de l'Hôtel-de-Ville, lors du départ des bataillons ; ni de cette autre que la foule du Champ de Mars était sans armes ; ni enfin, — et ceci était plus grave que tout le reste, — du rapport des trois officiers municipaux, Jacques Le Roux, Regnaud et Hardy, touchant l'attitude paisible et les dispositions irréprochables du peuple qui entourait l'Autel de la Patrie[67]. Sur ce dernier point, l'omission était d'autant plus coupable qu'elle tendait à déshonorer les trois malheureux commissaires, en laissant supposer qu'ils avaient violé leurs promesses, et menti à leur conscience. Ils auraient pu élever la voix, ils l'auraient dû, et ils le firent plus tard. Mais dans ces moments de fièvre ardente, ils aimèrent mieux passer pour traîtres en gardant le silence, que de faire passer leurs collègues pour assassins. Il en résulta que ceux qui, au Champ de Mars, avaient reçu leur parole, les jugèrent infâmes, et par une injustice involontaire, écrivirent : Jacques Le Houx, Regnaud, Hardy, sont trois noms voués pour jamais à l'exécration publique[68]. Lorsque, dans la séance du 18 juillet, Bailly eut terminé son exposé, l'Assemblée, par l'organe du président, le félicita ; et Barnave se répandit en éloges sur la fidélité de la garde nationale, sur son courage. Prenant alors la parole au nom des comités de constitution et de jurisprudence, Regnault de Saint-Jean d'Angély proposa de décréter que ceux-là seraient désormais regardés comme séditieux et perturbateurs qui, par écrits ou discours, auraient, provoqué le meurtre, le pillage, l'incendie, la désobéissance à la loi. Ce qui semblait donner à entendre que la réunion du Champ de Mars avait eu pour objet le meurtre, le pillage, l'incendie, la désobéissance à la loi. Pétion ayant observé que c'était de la sorte qu'on parvenait à tuer la liberté de la presse, l'auteur de la motion l'interrompit : Eh bien, qu'au lieu des mots provoqué la désobéissance à la loi, on mette ceux-ci : conseillé formellement. Le projet, amendé de cette façon, fut adopté. Après quoi, l'Assemblée se sépara, triomphante[69]. Beaucoup ne virent dans ces événements que le résultat d'un vaste, d'un épouvantable complot : Examinez, disaient-ils, et rapprochez toutes les circonstances. Deux hommes, sans qu'on ait pu savoir au juste pourquoi, se cachent sous l'Autel de la Patrie. Découverts, ils parlent d'argent reçu ; et des misérables, qui restent inconnus, qui restent impunis, les égorgent : excellent moyen de couper court à des révélations plus amples, et, en même temps, prétexte admirable fourni aux calomniateurs du mouvement populaire ! Aussi, que fait-on ? A l'Assemblée, on présente, avec une fausseté impudente, le double assassinat du Gros-Caillou comme ayant été commis par les pétitionnaires sur de bons citoyens qui invoquaient le respect des lois ; et afin d'irriter la garde nationale, on se hâte de dire que les victimes sont deux gardes nationaux. Puis, comme il importe que la colère arrive jusqu'à la fureur, il se trouve qu'à point nommé un brigand, quelque pétitionnaire sans doute, attente aux jours de Lafayette. Par bonheur, le fusil rate. Quel était, en ce cas, le premier devoir de Lafayette ? L'assassin était arrêté : il fallait évidemment le retenir prisonnier ; l'interroger du moins, savoir son nom.… Mais alors la comédie de l'assassinat manqué tournerait contre les auteurs ! Lafayette y pourvoit, par une générosité trois fois habile : il fait mettre le prisonnier en liberté.... Et tout aussitôt, l'on s'en va répandant parmi la garde nationale que les séditieux ont tiré à bout portant sur son chef, et que lui, toujours héroïque, il a pardonné. Voilà donc la garde nationale suffisamment préparée à ce qu'on attend d'elle, la voilà transportée de rage ! Cependant le peuple afflue au Champ de Mars. Pour endormir ses inquiétudes, s'il en avait, on a eu soin de dire la veille, aux commissaires députés par lui à l'Hôtel de Ville, qu'il n'avait rien à craindre ; que la loi le couvrait de son inviolabilité. Peuple infortuné ! Il se fie à ces Sinons en écharpe ; et tandis que, tranquillement, joyeusement, il signe sur l'Autel de la Patrie une pétition dont chaque mot respire l'amour de la loi, les gardes nationaux partent de la place de Grève, avec leurs fusils déjà chargés, tant l'intention du meurtre est formelle, arrêtée d'avance ! Chose bizarre, le drapeau rouge, employé ce jour-là, est si petit qu'il en est presque imperceptible, et loin de le déployer en tête des colonnes, suivant les prescriptions de la loi, on le porte caché dans les rangs. La garde nationale arrive au Champ de Mars, et elle se présente à toutes les issues. Malheur au peuple ! Car, à supposer qu'on fasse les trois sommations légales, comment lui sera-t-il possible d'y obéir, puisqu'il est cerné ? Maintenant, qui a conduit là, sur les glacis, ces hommes qui s'y sont tenus séparés de la foule ; et quel motif les pousse, quand la garde paraît, à proférer des cris impuissants, à lancer quelques pierres, ou plutôt des mottes de terre à des gens qui leur peuvent répondre à coups de fusil ? Fureur insensée ! dira-t-on. Soit. Mais voici un bien étrange mystère. Sur ceux qui la provoquent, la garde nationale tire à blanc ; et sur ceux qui ne la provoquent pas, sur les vieillards, sur les femmes, sur les enfants, qui sont pressés dans le Champ de Mars, qui entourent l'Autel de la Patrie, elle fait une décharge furieuse ! Et cette décharge, elle n'attend pas les trois sommations prescrites par la loi, par cette loi qu'on prétend défendre ou venger ![70] Ce serait insulter à la nature humaine que d'admettre comme possible, en l'absence de preuves mathématiques, et quelles que soient les apparences, une aussi infernale préméditation. Tout ce qu'il est permis de dire, parce que ce fait appartient à l'histoire, c'est que, devant le tribunal révolutionnaire, Bailly, interpellé sur la question de savoir s'il y avait eu complot, fit cette réponse remarquable : Je n'en avais point connaissance alors, mais l'expérience m'a donné lieu de penser, depuis, qu'un tel complot existait à celte époque[71]. Le courage, calme et réfléchi, mais inébranlable, qui fut une des vertus de Bailly, n'autorise pas la supposition que cette réponse lui ait été arrachée par une lâche terreur ; et son panégyriste a eu conséquemment raison de penser que rien de plus grave n'avait jamais été écrit contre les promoteurs des violences sanguinaires du 17 juillet[72]. Ces promoteurs, quels furent-ils ? Si nous hésitions à le dire, les faits, d'une voix terrible, le diraient à notre place : ce furent les meneurs du parti constitutionnel dans l'Assemblée. Même en rejetant toute idée d'un complot ourdi froidement et combiné en ses diverses parties, on est invinciblement conduit à reconnaître que les chefs du parti constitutionnel voulaient un coup d'État et ne négligèrent rien pour le frapper. L'intérêt pressant et personnel qu'ils y avaient ; leurs discours, qui le préparèrent ; le profit immédiat qui leur en revint ; les plaintes de d'André sur la tiédeur des autorités répressives ; le faux rapport de Regnault de Saint-Jean d'Angély ; les messages meurtriers envoyés par Charles Lameth à l'Hôtel de Ville ; les félicitations officiellement adressées à Bailly et à la garde nationale ; l'espèce de chant de victoire entonné par Barnave : tout les accuse. Lafayette ne fut que leur épée, et Bailly que leur éditeur responsable. Il était réservé à ce dernier de payer un tel honneur de sa tête. C'est pourquoi il nous est doublement commandé d'être juste envers sa mémoire. L'amnistier d'une manière absolue, ce serait sacrifier la vérité au sentiment de compassion que son sort inspire ; mais il est, en sa faveur, des circonstances atténuantes que l'équité veut qu'on rappelle. Bailly, très-ferme devant le péril, était très-facile à conduire ; il avait ce genre de faiblesse qui rend souveraine l'influence d'un entourage ami, et cet excès de confiance qui fait quelquefois de la nature la plus droite l'instrument des desseins les plus pervers : J'ai le malheur, écrivait-il à Voltaire en 1776, d'avoir la vue courte. Je suis souvent humilié en pleine campagne. Tandis que j'ai peine à distinguer une maison à cent pas, mes amis me racontent les choses qu'ils aperçoivent à cinq ou six lieues. J'ouvre de grands yeux et je me fatigue, sans rien voir[73]. Eh bien, au moral comme au physique, Bailly était myope. Trompé par les échevins qui ! entouraient influencé outre mesure par l'attitude de l'Assemblée et ses messages, étourdi et entraîné par les cris de la garde nationale, il céda. Il céda ! et si ces considérations ne sont pas de celles qui fléchissent d'ordinaire la rigueur d'un tribunal politique, elles n'en sont pas moins dignes de rester présentes à l'esprit du philosophe et au cœur de l'homme. Il est bien certain, d'autre part, que ce ne fut point Bailly qui fit charger les armes sur la place de Grève ; que ni lui ni Lafayette ne donnèrent, au Champ de Mars, l'ordre de faire feu ; et, même, que Bailly fut affligé du massacre, au point d'adresser de publiques félicitations, ce soir-là, aux gardes soldés qui, sous le commandement de Hulin, s'étaient montrés si généreux[74]. Il est vrai que, le lendemain, à l'Assemblée, le langage de Bailly fut tout autre ! Eh, quelle preuve plus saisissante de sa faiblesse ? Le 18 juillet, après une nuit employée sans doute à des obsessions auxquelles il ne sut résister, le maire de Paris seul parla. Celui qui, le 17, sur le Champ de Mars, teint de sang, avait parlé, c'était Bailly ! Le massacre du Champ de Mars, plus encore que celui de Nancy, fit fermenter dans l'âme du peuple un impérissable levain de haine et de vengeance. D'avance, il donnait aux journées du 20 juin et du 10 août le caractère d'une revanche. C'est que de tels événements ne passent point sur une société sans y laisser des traces. La portée de celui-ci — nous y reviendrons — fut incalculable, elle fut terrible *. (*) Et c'est pour cela justement que cette partie de l'histoire de
la Révolution a été si étrangement défigurée par les historiens de toutes les
nuances. Car nous ne craignons pas de dire que, de tous les récits publiés
jusqu'ici, le nôtre est le plus complet et le seul véritablement exact. Dans
ses Essais historiques sur les causes et les effets de la Révolution de
France, Beaulieu entasse erreurs sur erreurs : faut-il dire calomnies sur
calomnies ? Sans rien prouver, sans rien spécifier, sans tenir le moindre
compte des documents existants, il présente les pétitionnaires comme des
factieux, qui égorgent deux individus mangeant un mauvais déjeuner à l'abri
des ardeurs du soleil, puis qui s'en vont promener les deux têtes dans Paris
pour y exciter une patriotique terreur,
et, quand la garde nationale se rassemble, sont obligés de s'enfuir avec leurs affreux trophées, etc.,
etc. ! Dans l'Histoire de la Révolution par deux amis de la liberté, ouvrage contemporain cependant des événements qu'il raconte, ouvrage auquel le Moniteur a fait, sans les avouer, des emprunts considérables, et qui est généralement mis à contribution, ce n'est qu'un cri de rage contre les brigands, la horde furieuse, la multitude emportée, qui remplit le Champ de Mars, devenu le Champ des furies ! Il est vrai que ce livre est écrit tout entier dans le sens du parti constitutionnel, dont il exprime ici les passions. Bertrand de Molleville est
tout aussi véridique. On en jugera parce trait : en parlant des deux
malheureux qui furent assassinés au Gros-Caillou, il dit qu'ils furent mis en
pièces, probablement pour avoir refusé de signer la pétition ! Ainsi du
reste. (Voyez ses Annales, t. IV, chap. XLIV.) Madame Roland, quoique
présente au Champ de la Fédération dans la matinée du 17, ne fait que
mentionner le massacre. (Voyez ses Mémoires, p. 355.) Ferrières n'a presque rien
su, et le peu qu'il dit montre combien il est mal informé. Il assure, par
exemple, que, le 17, Danton lut la pétition au Champ de Mars, et que Camille
Desmoulins harangua le peuple sur l'Autel de la Patrie ! Or, on sait que
Camille et Danton n'étaient pas à Paris ce jour-là. (Voyez les Mémoires de
Ferrières, t. II, liv. X, p. 470 et 471.) Ferrières, au surplus, a commis
beaucoup d'inexactitudes, surtout en matière de dates, et n'est bon à
consulter en général que pour ce qui concerne les choses qu'il a vues et en
quelque sorte touchées du doigt, débats parlementaires, intrigues des partis,
parce qu'il possède une sorte d'impartialité sceptique qui rend son
témoignage admissible, toutes les fois qu'il a eu chance d'être bien informé. L'abbé de Montgaillard,
dans les vingt-deux lignes qu'il consacre à l'affaire du Champ de Mars,
trouve moyen de faire tenir toutes sortes d'imputations fausses et de
contre-vérités, celle-ci notamment : Le commandant Lafayette, par l'ordre du
maire Bailly, fait faire feu. (Voyez son Histoire de France, t. II, p.
390 et 391.) M. Thiers ne consacre à
l'événement du Champ de Mars que quelques lignes où chaque mot presque est
une erreur, sans parler de l'omission de tous les détails qui donnent aux
faits leur vrai caractère. Il parle de municipaux qui font retirer la
populace, de gardes nationaux qui veillent à sa retraite, de tumulte qui
recommence ; et c'est après tout cela qu'il place la circonstance des deux
hommes assassinés. Et de cet incroyable entassement d'erreurs, ce qui résulte
naturellement, c'est que l'emploi de la force était juste ; c'est que les pétitionnaires
étaient des factieux ; c'est que Bailly devait faire exécuter la loi ; c'est
qu'il le fit d'une manière d'autant plus méritoire, qu'il reçut sans être
atteint plusieurs coups de feu, etc., etc. ! ! ! (Voyez l'Histoire de la
Révolution, par M. Thiers, t. I, p. 186 et 187, édition de Bruxelles.) M. Mignet n'a évidemment
consulté que Ferrières. C'est tout dire. MM. Buchez et Roux se sont bornés, suivant leur usage, à un travail de ciseaux. Ils reproduisent le récit systématique de Camille Desmoulins, le récit des Révolutions de Paris, et seulement une partie du procès-verbal de la municipalité. Mais ces documents, quelque importants qu'ils soient, ne suffisent point. Ils peuvent même, si on ne les confronte point avec d'autres, conduire à d'étranges méprises, notamment à regarder comme des imposteurs et des traitres les trois officiers municipaux, Regnaud, Leroux et Hardy, lesquels ne furent coupables que d'avoir gardé le silence sur la trahison qui, injustement, leur était imputée. Et c'est précisément l'erreur commise par M. Alphonse Esquiros, qui, dans son éloquente Histoire des Montagnards, t. I, chap. IV, se contente de suivre pas à pas les Révolutions de Paris. M. de Lamartine ne dit pas
un mot de toutes les circonstances qui prouvent que la réunion du Champ de
Mars était parfaitement légale. Il ne parle, ni de la députation envoyée le
16 juillet à l'Hôtel de Ville, ni de la réponse qui lui fut faite, ni du
récépissé qu'elle prit des mains du procureur-syndic, ni du rapport des trois
officiers municipaux Leroux, Regnaud et Hardy, sur l'attitude paisible de la
réunion et sur l'excellent esprit dont elle était animée. Ce n'est pas tout.
Son récit, qui pèche si fort par omission, ne pèche pas moins par
affirmation. Comment peut-il dire, par exemple, s'il a eu sous les yeux le
procès-verbal lu par Bailly lui-même à la séance du 18 juillet, comment
peut-il dire que Bailly fit faire les sommations légales ?... (Voyez l'Histoire
des Girondins, t. I, liv. III, p. 128, édit. de Bruxelles.) Dans le récit de M.
Michelet, très-intéressant d'ailleurs et très-circonstancié, nous pourrions
relever quelques inexactitudes, mais elles sont peu de chose en comparaison
de l'erreur capitale qui domine tout ce récit, erreur infiniment regrettable
en un livre écrit avec tant de cœur et de talent. Que M. Michelet ait cédé,
sans y prendre garde, à une préoccupation au fond très-honorable, en
s'étudiant à détourner de la bourgeoisie et des constitutionnels la
responsabilité de cette exécution sanglante, personne n'est plus disposé que
nous à l'admettre. Mais est-il conforme à la vérité, est-il conforme à la
justice de dire, comme il le fait, dans le sommaire du chap. VIII, t. III de
son livre : La garde soldée et les royalistes tirent
sur le peuple. — La garde nationale sauve les
fuyards. Et ailleurs, chap. IX, p. 158 : Qui
poussa la garde soldée ? Le bon sens suffit pour répondre : ceux qui y
avaient intérêt, c'est-à-dire les royalistes, les nobles ou clients des
nobles. D'abord, ceux qui y avaient intérêt, c'étaient les constitutionnels,
eux qui alors menaient l'Assemblée, eux contre qui la pétition était
spécialement dirigée, eux qui avaient fait rendre le décret du 15 juillet,
eux qui se voyaient à la veille d'être remplacés dans leur influence
politique par les républicains et commençaient à l'être dans leur popularité,
eux qui figurèrent seuls dans toute cette affaire, par d'André, par Regnaud
de Saint-Jean d'Angély, par Charles Lameth, par Bailly, par Lafayette, par
Barnave. Loin d'être intéressés à ce qu'on repoussât, au prix d'une victoire
sanglante, la pétition qui demandait la déchéance de Louis XVI, victoire qui
ne pouvait profiter, au moins immédiatement, qu'aux constitutionnels, comme
cela eut lieu, les nobles ou clients des nobles devaient, dans leur égoïsme
de caste, désirer la proclamation de la déchéance, afin de tout brouiller et
d'amener la guerre avec l'Europe. Et c'est ce qu'effectivement ils
désiraient, selon le témoignage de Ferrières, très au courant de leurs
dispositions secrètes, et qui s'exprime ainsi : Ils
eussent été charmés que l'Assemblée eût mis Louis XVI en jugement, qu'elle
eût décrété la déchéance. (Voyez les Mémoires de Ferrières,
t. II, liv. X, p. 418.) Mais quoi ! après avoir avancé, p. 158, que les
nobles ou clients des nobles avaient intérêt au massacre du Champ de Mars, M.
Michelet, par une contradiction singulière, dit, p. 164, que nulle part l'effet de terreur ne fut plus grand qu'en deux endroits,
aux Tuileries el aux Jacobins, que aux premiers coups, la reine reçut le
contre-coup au cœur ; que elle sentit que ses imprudents amis venaient
d'ouvrir un gouffre sanglant qui ne se refermerait plus. Mais quoi
qu'il eu soit de ce que le bon sens suggère ici, l'histoire, quand il existe
des faits précis, ne saurait se payer de suppositions. Or, qu'on prenne les
journaux du temps de toute nuance, qu'on prenne les documents officiels,
qu'on prenne le procès-verbal de la municipalité, partout c'est la garde nationale qui est présentée comme ayant
fait feu. Les uns la félicitent, d'autres l'excusent, d'autres la maudissent,
mais sa responsabilité, personne ne s'avise de la nier. M. Michelet la nie,
cependant : où sont ses autorités ? Il ne les cite pas. Il lui suffit que le
bon sens en décide, et il parait regarder comme décisive cette circonstance que
des nobles ou clients des nobles se trouvaient là
comme officiers de la garde nationale, ou comme volontaires amateurs, témoin
un chevalier de Malte qui s'en vanta dans les journaux, quelques jours après
(p. 158). Franchement, c'est se contenter de trop peu ! Le pire est que, pour
disculper la garde nationale, M. Michelet accuse mal à propos la garde
soldée, les anciens gardes françaises. S'il est une chose certaine et
prouvée, c'est que la garde soldée, placée sous le commandement de Hulin, fut
au contraire indignée du massacre, recueillit les fuyards de concert avec les
généreux gardes nationaux du Marais et du faubourg Saint-Antoine, et sauva un
grand nombre de malheureux citoyens qu'on poursuivait pour les assassiner.
S'il est une chose certaine et prouvée, c'est que Bailly, le soir même de
l'événement, les en félicita. Quelque hostiles qu'elles soient à Bailly, les
Révolutions de Paris s'expriment sur ce point d'une manière catégorique, et
on peut lire ce qu'affirme, de son côté, à cet égard, le savant et judicieux
auteur de la Biographie de Bailly, M. François Arago, p. CCXXII de son beau travail. Mais cette erreur
d'appréciation, chez M. Michelet, s'appuie sur des erreurs de fait plus
graves encore, et en voici un exemple bien frappant. La partie des troupes
qui tira sur le peuple était celle qui était arrivée au Champ de Mars par le
Gros-Caillou. Eh bien, c'est là que M. Michelet (p. 151), place la masse
principale de la garde soldée, et quant à cette portion de la garde nationale
qui amenait avec elle Bailly et le drapeau rouge, il la fait venir (p. 152)
par le pont de bois (où est le pont d'Iéna), c'est-à-dire du côté de
Chaillot. Or, ici M. Michelet s'est matériellement trompé. Bailly et les
municipaux, partis de l'Hôtel de Ville, suivirent le chemin qui traverse le
Gros-Caillou, et il existe à cet égard un témoignage irréfragable, celui de
Bailly lui-même, qui certes ne pouvait ni se tromper ni tromper personne sur
la route qu'il avait suivie. Voici les propres termes du procès-verbal de la
municipalité : EN ARRIVANT PAR LE CHEMIN QUI TRAVERSE LE GROS-CAILLOU, LE CORPS
MUNICIPAL a remarqué un
très-grand nombre de personnes qui sortaient du Champ de la Fédération... L'intention du CORPS MUNICIPAL était d'abord de se porter vers l'Autel
de la Patrie, qui était couvert de personnes des deux sexes, ensuite à
l'École militaire. MAIS À PEINE LE CORPS
MUNICIPAL ÉTAIT-IL ENGAGÉ DANS LE PASSAGE QUI CONDUIT AU CHAMP DE LA
FÉDÉRATION, QUE, etc. Et un peu plus
loin : La GARDE NATIONALE, ne pouvant retenir son indignation, a
fait feu. Et un peu plus loin encore : Le corps municipal n'ayant pu exécuter l'article VI de la
loi martiale, la GARDE NATIONALE a usé du pouvoir que donne l'article vu, elle a déployé la force, etc. Il reste donc bien prouvé, prouvé officiellement,
prouvé par le témoignage de Bailly lui-même : 1° que la garde nationale qui
l'accompagnait, arriva par le chemin du Gros-Caillou, et non par le pont de
bois, comme le croit M. Michelet ; 2° que ce fut cette garde nationale qui
tira sur le peuple, et non pas les gardes soldés seulement, ceux dont M. Michelet
dit, p. 151 et 152 : Cette garde soldée est sa force
(de
Lafayette). Vous la voyez
presque entière qui entre, bruyante et formidable, par le Gros-Caillou, au
milieu du Champ de Mars, près du centre, près de l'autel, près du peuple.... gare au peuple ! Il ne nous reste plus qu'à
mentionner, non pas le récit de M. François Arago, — ce n'est pas un récit, —
mais sa lumineuse et honorable dissertation sur l'affaire du Champ de Mars
dans la Biographie de Bailly. Nul doute que M. François Arago n'ait
entrepris l'étude approfondie des faits relatifs à cette catastrophe, avec un
désir passionné de laver entièrement de cette tache la mémoire de Bailly,
qu'il aime, qu'il admire, dont il est chargé de faire le panégyrique.
Cependant, qu'arrive-t-il ? Que M. François Arago est conduit, par ses
recherches, à considérer le massacre du Champ de Mars comme une sanguinaire
violence, comme une brutale violation de la loi, comme un crime. Ici encore
pourtant, quelque chose est à reprendre. M. François Arago, tout en vouant
l'attentat commis au Champ de Mars par les prétendus vengeurs de la loi, à la
flétrissure qu'il mérite, s'efforce d'absoudre Bailly, sur ce qu'il était
trop confiant, sur ce qu'il ne croyait pas ceux qui l'entouraient capables de
mentir, sur ce qu'il n'ordonna pas le feu et exprima même, en présence du
carnage, le regret du sang versé. Mais le discours si dur, si injuste, qu'il
prononça le 18 juillet, M. Arago ne le cite pas. D'autre part, il reconnait
que les omissions du procès-verbal étaient graves, mais il les appelle
involontaires, tandis qu'au contraire, elles furent parfaitement bien
calculées. L'avis légal donné le 16 à la municipalité par les députés du
peuple, le mot fameux la loi vous couvre de son inviolabilité, le récépissé
délivré par le procureur-syndic, le rapport de Leroux, Regnaud et Hardy,
toutes ces circonstances, d'une importance si décisive, l'Hôtel de Ville,
témoin et acteur, pouvait-il les ignorer ? Et s'il omit de les mentionner,
lorsqu'elles l'accusaient d'une façon si accablante, peut-on supposer que ce
fut involontairement ? Arrêtons-nous. Peut-être
quelques personnes trouveront-elles à redire à ce qu'un confrère se soit
ainsi permis de critiquer ses confrères. Mais, pour un historien, il est un
culte qui doit passer même avant celui du bon goût, c'est celui de la vérité. FIN DU CINQUIÈME VOLUME |
[1] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 83.
[2] L'Ami du Peuple, n° 514.
[3] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 84.
[4] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 422.
[5] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 85.
[6] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 85. La forme de l'énonciation était outrageante, mais le fait était vrai.
[7] Journal des Débats de la Société des amis de lu Constitution, n° 27.
[8] Le Patriote français, n° 706
[9] Voyez dans les Mémoires de l'Institut de France, t. XXIII, la Biographie de Sylvain Bailly, par François Arago, p. CCXV.
[10] Récit fait au club des Jacobins, dans la séance du 18 juillet, par Santerre, qui tenait les faits du jeune homme lui-même. Voyez le Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 29.
[11] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 29.
[12] Révolutions de Paris, n° 106. — Les éditeurs des Mémoires de madame Roland, attribuent ce récit des Révolutions de Paris à Loustalot, dans les éclaircissements historiques. C'est une erreur : à cette époque, Loustalot était mort.
[13] Révolutions de Paris, n° 106.
[14] C'est ce que François Arago établit fort bien, dans sa Biographie de Bailly, tout disposé qu'il est en faveur du maire de Paris. Voyez, dans cette biographie, la page CCXV.
[15] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 86.
[16] Révolutions de Paris, n° 106.
[17] Révolutions de Paris, n° 106.
[18] Procès-verbal de la municipalité de Paris, lu dans la séance du 18 juillet.
[19] Procès-verbal de la municipalité de Paris, lu dans la séance du 18 juillet.
[20] Procès-verbal de la municipalité de Paris, lu dans la séance du 18 juillet.
[21] Weber le dit positivement. Voyez ses Mémoires, t. II, chap. IV, p. 149.
[22] Weber, Mémoires, t. II, chap. IV, p. 149.
[23] Camille Desmoulins suppose, dans son numéro 86, que le prétendu assassin était un homme aposté, et, cet attentat manqué, impuni, une comédie jouée pour exciter la garde nationale. Mais ici l'opinion de Camille Desmoulins ne saurait avoir, il faut bien le dire, beaucoup d'autorité.
[24] S'il est un fait certain, historiquement prouvé, appuyé sur la concordance de tous les témoignages, c'est celui-là. Dans sa Biographie de Bailly, M. François Arago invoque, à cet égard, l'autorité d'un de ses collègues de l'Institut, qui était ce jour-là au Champ de Mars. A son tour, M. Michelet, p. 151, t. III de son Histoire de la Révolution, cite, à l'appui, une relation à lui communiquée, et depuis publiée, par M. Moreau de Jonnès, témoin oculaire. (Voyez Aventures de guerre au temps de la République, etc., t. I, p. 48.) Sans parler des journaux du temps, et, notamment, des Révolutions de Paris, tous si explicites sur ce point, et si affirmatifs.
[25] Tous ces noms se lisent au bas de l'original de la pétition, conservée aux archives de la Seine.
[26] Voyez la note explicative du n° 86 des Révolutions de France et des royaumes, etc.
[27] Voyez cette pétition dans les Révolutions de Paris, n° 106, et dans l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 114 et 115. Les deux rédactions, dont la dernière a été copiée sur l'original même, sont identiques, sauf une légère différence dans l'intitulé, comme MM. Buchez et Roux l'observent avec raison. Les Révolutions de Paris, en effet, portent : PÉTITION À L'ASSEMBLÉE NATIONALE, RÉDIGÉE SUR L'AUTEL DE LA PATRIE, LE 17 JUILLET 1791, tandis que, dans l'original, on fit : SUR L'AUTEL DE LA PATRIE, LE 17 JUILLET DE L'AN III.
[28] Michelet, Histoire de la Révolution française, t. III, p. 144 et 145.
[29] Révolutions de Paris, n° 106.
[30] Révolutions de Paris, n° 106.
[31] Révolutions de Paris, n° 106.
[32] De tous ces faits et de la déclaration qui les constate invinciblement, M. de Lamartine ne dit pas un mot, dans son récit, déplorablement incomplet d'ailleurs, et très-peu exact. M. Michelet lui-même, chose qui étonne, se contente de parler en passant de l'envoi de deux commissaires, auxquels on lit la pétition qu'ils ne désapprouvent pas. Quant aux autres historiens de la Révolution, Beaulieu, Bertrand de Molleville, Thiers, ils se gardent bien de faire connaitre ce qui leur aurait ôté le droit de dire vaguement, sans rien spécifier, sans rien prouver : Les factieux du Champ de Mars, les séditieux du Champ de Mars, l'émeute du Champ de Mars, etc. Ô sainte vérité !
[33] Révolutions de Paris, n° 106. — C'est ce que M. de Lamartine présente ainsi : Les séditieux, alarmés par l'aspect du drapeau rouge flottant à une des fenêtres de l'Hôtel de Ville, avaient envoyé douze d'entre eux en députation vers la municipalité ! !… Histoire des Girondins, t. I, liv. III, p. 126, édition de Bruxelles. — Quels séditieux ? Quoi ! les séditieux qui étaient au Champ de Mars avaient été alarmés par l'aspect du drapeau rouge qui flottait à l'Hôtel de Ville !
[34] Procès-verbal de la municipalité.
[35] Procès-verbal de la municipalité.
[36] Procès-verbal de la municipalité.
[37] Révolutions de Paris, n° 106.
[38] Procès-verbal de la municipalité.
[39] M. Michelet, t. III, p. 147 de son livre, glisse là-dessus très-légèrement, trop légèrement, peut-être par un souvenir trop compatissant de la fin tragique de Bailly, et pour atténuer autant que possible la responsabilité d'une conduite que le maire de Paris expia si cruellement. M. François Arago, tout admirateur qu'il est de Bailly, tout disposé qu'il est à protéger sa mémoire, ne s'est pas cru tenu à tant de réserve ; et il faut l'en louer. Voyez la Biographie de Sylvain Bailly, p. CCXVI. Quant à M. de Lamartine, il ne dit pas un mot de tout cela.
[40] Révolutions de Paris, n° 106. Le rédacteur déclare tenir ce fait de deux des députés.
[41] Révolutions de Paris, n° 106.
[42] Révolutions de Paris, n° 106.
[43] Histoire de la Révolution, t. III, p. 147.
[44] Biographie de Sylvain Bailly, par François Arago, p. CCXXI.
[45] Révolutions de Paris, n° 106.
[46] M. Moreau de Jonnès.
[47] Récit de M. Moreau de Jonnès. — Voyez Aventures de guerre au temps de la République, etc., t. I, p. 48. — Paris, 1858.
[48] Ici, M. Michelet a commis une très-grave erreur, que nous mettrons plus loin en lumière, à cause des conséquences qu'il en tire.
[49] Annales patriotiques, de Carra.
[50] Biographie de Sylvain Bailly, par François Arago, p. CCXXI.
[51] Biographie de Sylvain Bailly, par François Arago, p. CCXXI.
[52] Ceci avoué dans le procès-verbal de la municipalité de Paris, lu à la séance du 18 juillet.
[53] Ceci avoué dans le procès-verbal de la municipalité de Paris, lu à la séance du 18 juillet.
[54] Ceci avoué dans le procès-verbal de la municipalité de Paris, lu à la séance du 18 juillet.
[55] Révolutions de Paris, n° 106.
[56] Révolutions de Paris, n° 106.
[57] Révolutions de Paris, n° 106.
[58] Mémoires de Lafayette, publiés par sa famille, t. III, ch. XVII, p. 100, édition de Paris.
[59] Voyez le n° 108 des Révolutions de Paris, et la Biographie de Sylvain Bailly, par François Arago, p. CCXXII.
[60] Révolutions de Paris, n° 106.
[61] Procès-verbal de la municipalité.
[62] On a évalué, y est-il dit, le nombre des morts à onze ou douze, et celui des blessés à dix ou douze. Mais cette évaluation du premier moment, si vaguement énoncée, la municipalité eut, depuis, tous les moyens de vérifier si elle était exacte. D'où vient donc qu'elle n'osa pas publier, après vérification, le chiffre officiel.
[63] On ne saurait regarder comme une preuve l'affirmation, si formelle qu'elle soit, de Marat, dans l'Ami du peuple, n° 524.
[64] L'Orateur du peuple, t. IV, n° VIII.
[65] Mémoires de madame Roland, p. 356. Collection Berville et Barrière.
[66] Voyez Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. XI, p. 117.
[67] Voyez le procès-verbal de la municipalité dans l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 117-123, ou, si on veut l'avoir complet, dans les Mémoires de madame Roland, p. 114-125 des pièces officielles. Collection Berville et Barrière.
[68] Voyez les Révolutions de Paris, n° 106, et les Révolutions de France, n° 86.
[69] Voyez cette séance dans l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 123-126.
[70] Voyez, au sujet de ce système d'accusation, les Révolutions de Paris, n° 106 ; les Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 86 ; la Biographie de Sylvain Bailly par François Arago, p. CCXXI.
[71] Biographie de Bailly, p. CCXX.
[72] Biographie de Bailly, p. CCXX.
[73] Lettres à Voltaire sur l'origine des sciences, passage cité par François Arago dans sa Biographie de Bailly, p. CCXXII.
[74] Biographie de Bailly, par François Arago, p. CCXXII. — Ces regrets de Bailly se trouvent aussi constatés par le témoignage, peu suspect à cet égard, des rédacteurs des Révolutions de Paris. Voyez le n° 108 de ce journal.