Politique de l'Assemblée. — Politique des Jacobins. — Politique des Cordeliers. — Effort des constitutionnels pour mettre Louis XVI hors de cause. — L'intérieur du château. — Le roi et la reine interrogés. — Profession de foi de Philippe d'Orléans. — Injures de Suleau. — Louis XVI sacrifié par l'égoïsme du parti royaliste ; manifeste des 290. — Lettre de Bouillé. — Comment Suleau l'apprécie. — Réponse de Rœderer à Bouillé. — Visite au club des Jacobins ; leur répugnance pour la république ; en quoi ils différaient des constitutionnels. — Violences de Marat et de Camille. — Mensonges de Fréron. — Bonneville. — Son rôle en 1791. — Thomas Paine ; injustice de ses détracteurs. — Affiche de lui, traduite par Duchatelet et demandant la République. — Lettre de Duchatelet à Chabroud et à Le Chapelier. — Fondation du Républicain. — Initiative hardie prise par Brissot. — Condorcet et sa femme, républicains. — Voltaire porté au Panthéon. — Débats sur le sort du roi. — Déclaration ambiguë de Robespierre, aux Jacobins, touchant la République. — Barnave réactionnaire. — Décret du 15 juillet 1791. — Le peuple fait fermer les spectacles. — Projet de pétition. — Sage prévoyance de Robespierre. — Combinaisons politiques de Laclos. — Pétition rédigée par Brissot. — Desmeuniers pare le coup. — Réunion des Cordeliers au Champ de Mars. — Préparatifs menaçants. — Palinodie de Vadier. — Séance du soir aux Jacobins, le 16 juillet. — La pétition de Brissot retirée. — Tableau sinistre tracé par Robespierre.Que faire ? Telle fut la question que s'adressèrent à la fois tous les partis, dès que la famille royale se trouva ramenée aux Tuileries. Or, à cet égard, nous allons voir se développer, à travers les péripéties du drame intellectuel le plus intéressant qui fut jamais, trois opinions bien diverses : L'une aboutissant à conserver la monarchie et à sauver le roi : ce fut celle de l'Assemblée ; La seconde concluant au maintien de la monarchie, mais à la déchéance de Louis XVI : ce fut celle des Jacobins ; La troisième demandant la République : ce fut celle des Cordeliers. Étudions d'abord la marche de l'Assemblée. Parmi les constitutionnels, qui surpassaient de beaucoup en nombre les partisans de l'ancien régime, il avait toujours existé, à côté de la fraction parlementaire, conduite par Thouret, d'André, Le Chapelier, Desmeuniers, une fraction qui avait son point d'appui au dehors, et qui, poussée en avant par les Jacobins, servie par le Palais-Royal, acclamée par la presse révolutionnaire, s'était composée principalement, jusqu'à la fuite de Varennes, des deux Lameth, de Duport, de Barnave, de Buzot, de Pétion, de l'abbé Grégoire, d'Antoine, de Robespierre. On a vu de quelle douleur jalouse l'influence croissante de Robespierre aux Jacobins avait pénétré le cœur des Lameth, et comment, sur la pente rapide de la Révolution, Duport s'était arrêté tout à coup, saisi de lassitude, et comment le sourire d'une reine captive avait subjugué Barnave : à dater du retour de Louis XVI à Paris, ces quatre importants personnages n'hésitèrent plus. Rompant avec la place publique, rompant avec la fraction jacobine de l'Assemblée, ils se réunirent sans conditions comme sans réserve à la fraction purement parlementaire, qui, dès lors, devint tout à fait dominante, soit à la tribune, soit dans les comités. J'ai dit ailleurs[1], en parlant de la bourgeoisie de nos jours : La bourgeoisie qui n'a pas le sentiment démocratique, est cependant républicaine. Elle n'a, faisant violence à sa nature, adopté la monarchie que par égoïsme. Elle a cru que la royauté l'aiderait à contenir le peuple ; que le trône serait comme ces bâtons vêtus qu'on plante dans les champs pour empêcher les oiseaux de s'y abattre. Eh bien ! cet esprit était celui de la bourgeoisie en 1791. Elle voulait un roi qui lui fût asservi, qui consentit à vivre en sous-ordre, qui prît sa majesté au rabais, un roi sans initiative, sans pensée, sans mouvement, mais enfin elle voulait un roi. Considérant le trône comme une niche qui, dans l'intérêt de l'ordre, doit être toujours occupée, elle avait besoin d'y placer une statue, et s'attendait naïvement à la voir rester immobile, lorsque, après tout, cette statue était un homme. Aussi, que Louis XVI, en punition de sa fuite, fût dégradé publiquement et frappé de déchéance, les constitutionnels de l'Assemblée n'y auraient peut-être pas trouvé trop à redire, ne tenant à la monarchie par aucun sentiment tiré d'une croyance superstitieuse ou d'une fidélité chevaleresque, si le remplacement de Louis XVI sur le trône eût alors été possible d'une manière immédiate, effective et paisible. Mais le dauphin n'était encore qu'un enfant ; on se trouvait en pleine révolution, et il y avait, à greffer sur les complications d'une vaste rénovation sociale les embarras d'une régence, un péril qui parlait vivement à l'imagination, déjà fort effrayée, des Thouret, des Le Chapelier, des Sieyès, des Goupil de Préfeln, des Barnave, des Duport. Ils résolurent donc de détourner autant que possible, de la tète de Louis XVI, la responsabilité d'une fuite qui, aux yeux de l'opinion et eu égard aux circonstances, était un vrai crime d'État, et cette résolution les conduisit à une série de mesures où il ne pouvait y avoir ni franchise, ni droiture, ni dignité. La tortueuse politique qui, même après la déclaration si explicite de Louis XVI, avait fait appeler sa fuite un enlèvement, reparut dans le projet de décret suivant, présenté par Thouret, le jour de la rentrée de la famille royale à Paris. Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuileries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne. Il sera provisoirement donné à l'héritier présomptif de la couronne une garde particulière, et il lui sera nommé un gouverneur par l'Assemblée nationale. Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d'arrestation et interrogés ; le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations, le tout sans délai. Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine. Jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, le décret du 21 juin, qui enjoint au ministre d'apposer le sceau de l'État aux décrets de l'Assemblée nationale, sans qu'il soit besoin de la sanction et de l'acceptation du roi, continuera d'être exécuté dans toutes ses dispositions. Les ministres et les commissaires du roi préposés à la caisse de l'extraordinaire, à la trésorerie nationale et à la direction de la liquidation, demeurent autorisés provisoirement à faire, chacun dans son département, et sous sa responsabilité, les fonctions de pouvoir exécutif[2]. Si ce décret avait pu laisser quelques doutes sur l'esprit
qui l'avait inspiré, ils eussent été levés par le débat. Rœderer ayant laissé
échapper le mot d'arrestation provisoire du roi, les constitutionnels
éclatèrent en murmures, et Thouret se hâta de protester, en leur nom, contre
cette interprétation injurieuse à la royauté. Alexandre Lameth, de son côté,
eut grand soin d'établir qu'il ne s'agissait en aucune façon d'altérer la
forme du gouvernement. Envoyés ici, dit-il, pour donner une constitution à notre pays, nous avons cru
que l'étendue du royaume et une population de vingt-cinq millions d'hommes
demandaient une unité de puissance et d'action qui ne pouvait se trouver que
dans une constitution monarchique[3]. Enfin, Malouet
s'élevant contre des mesures qui, selon lui, constituaient le roi prisonnier,
et transportaient tous les pouvoirs dans l'Assemblée, Goupil proposa, pour tranquilliser M. Malouet, d'ajouter que la
personne du roi serait toujours inviolable et sacrée. Ainsi, rien de plus clair : dans la pensée des auteurs du projet, il s'agissait, selon le mot de Rœderer, non de préserver la nation contre le roi, mais de préserver le roi contre la nation. Et pourtant, ce projet passa à la presque unanimité[4]. Mais l'opinion publique ne prit pas le change. Marat, qui, souvent, rachetait par beaucoup de sagacité la violence et la grossièreté de son langage, rendit compte de la séance en ces termes[5] : Farce sérieuse jouée entre deux scènes. Dans la première, Malouet a feint de s'opposer au décret, sous prétexte qu'il tendait à changer la forme du gouvernement, pour donner lieu à Alexandre Lameth de déclarer que l'Assemblée n'y consentirait jamais.… Dans la dernière, Malouet s'est élevé contre le décret, sous prétexte qu'il tendait à faire le procès au roi, pour donner lieu à Thouret de vociférer qu'on prêtait à l'Assemblée des intentions loin de son cœur. Le décret a passé, et vite Le Chapelier biribi a proposé de le faire publier à son de trompe. A son tour, Brissot écrivit[6] : Comment caractériser cette duplicité d'arrêter le roi, et de ne vouloir pas déclarer qu'on l'arrête ? de rendre des officiers responsables de sa garde, et de vouloir faire croire qu'il est libre ? Est-il ou n'est-il pas prisonnier ? S'il l'est, pourquoi mentir ? S'il ne l'est pas, pourquoi le retenir ? Le fait est que, malgré les protestations de Thouret, e en dépit de toutes les. subtilités parlementaires, le roi e sa famille étaient très-réellement prisonniers. Une garde nombreuse avait été installée dans les cours du château. Couverts de tentes et de tout ce que traîne après lui le séjour des soldats, les jardins présentaient l'image d'un camp. Quiconque n'était pas du service indispensable se voyait fouillé en entrant et en sortant[7]. Gouvion, aide de camp de Lafayette, avait fait placer le portrait de la femme de garde-robe, sa maîtresse[8], au bas de l'escalier qui conduisait chez la reine, afin que la sentinelle ne permît pas à d'autres femmes d'y pénétrer[9] : pour soustraire Marie-Antoinette au despotisme injurieux de cette consigne, Louis XVI dut intervenir personnellement auprès de Lafayette. Des sentinelles furent placées jusque sur les toits ; et cela n'était rien en comparaison de la surveillance intérieure[10]. A côté de la chambre de la reine était une garde-robe si obscure, qu'en tout temps il fallait l'éclairer par des bougies ; elle était précédée d'un petit carré qui aboutissait à un escalier dérobé là, plus que partout ailleurs, le soupçon se tenait aux aguets. Dans les premiers jours, la reine était obligée de se coucher, de se lever et de s'habiller devant deux gardes, postés dans sa chambre ; ils y passaient les nuits, à la lettre…. Plus tard, la sévérité de ces dispositions indécentes fut un peu adoucie. Les gardes demeuraient dans la chambre de la reine tant qu'elle était levée ; ils ne se retiraient qu'au moment où elle se mettait au lit. Alors l'un d'eux s'établissait au fond d'une espèce de tambour que formaient deux portes pratiquées dans l'épaisseur du mur, de manière cependant à voir tout ce qui se passait, à travers celle qui donnait dans la chambre et qui restait toujours entr'ouverte[11]. A l'appui de ces détails, fournis par M. de Fontanges, madame Campan écrit[12] : Madame de Jarjaïe, ma compagne, m'a raconté qu'une nuit le commandant de bataillon, qui couchait entre les deux portes, voyant qu'elle dormait profondément et que la reine veillait, quitta son poste et s'approcha de Sa Majesté pour lui donner des avis sur la conduite qu'elle avait à tenir. Quoiqu'elle eût la bonté de lui dire de parler plus bas pour ne pas troubler le sommeil de sa première femme, celle-ci fut éveillée et pensa mourir de saisissement en voyant un homme en uniforme de la garde parisienne si près du lit de la reine. Sa Majesté la rassura, lui dit de ne pas se lever, que la personne qu'elle voyait était un bon Français... Et madame Campan ajoute que le corridor noir derrière l'appartement servait au roi et à la reine pour communiquer ensemble ; que ce poste fut souvent réclamé par l'acteur Saint-Prix, dont le but était de ménager entre les deux époux de courts entretiens[13]. Cependant, les meneurs de l'Assemblée poursuivaient leur marche. Peu soucieux des attributs de la royauté, comme ils l'avaient prouvé naguère en la dépouillant de sa plus touchante prérogative, le droit de faire grâce[14] ; peu soucieux de la personne et de la dignité du monarque, comme ils le prouvaient maintenant en lui infligeant les rigueurs d'une captivité insultante, ils n'entendaient pas néanmoins que le trône cessât un seul jour, une seule minute, de servir de digue contre les flots de la démocratie débordée. Pour cela, il fallait parvenir à mettre Louis XVI hors de cause, sans renoncer à l'avantage de l'avoir sous la main. Mais il fallait éviter en même temps de pousser la colère de l'opinion publique jusqu'à la fureur en paraissant la braver. Les constitutionnels affectèrent donc, à l'égard des coupables subalternes, l'indignation la plus violente. Non contents de faire traîner en prison MM. de Malden, de Moustier, de Valory, ils accusèrent le corps entier auquel ces trois gentilshommes appartenaient de nourrir pour le roi un attachement qu'ils devaient à la patrie, et les quatre compagnies des gardes du corps furent cassées[15]. De Bonnal, ayant essayé de les défendre, fut lui-même dénoncé comme complice : on lui imputait d'avoir envoyé chercher un cheval à Versailles dans les écuries du, roi, pour accompagner la fuite. Il nia le fait, et s'écria : A mes yeux le roi et la nation sont indivisibles. A l'un et à l'autre j'ai juré obéissance. Consulté, je n'aurais pas conseillé le départ ; mais si le roi m'eût ordonné de le suivre, je me serais fait gloire de mourir à ses côtés[16]. La déclaration ne manquait pas de courage ; seulement il était absurde de proclamer le roi et la nation inséparables, lorsque le roi venait de se séparer de la nation avec tant d'éclat. Le 26 juin, Duport vint présenter, au comité de constitution, un projet de décret spécifiant que les personnes arrêtées en vertu de la décision antérieurement prise seraient interrogées par le tribunal de l'arrondissement des Tuileries, mais que, quant au roi et à la reine, leurs déclarations seraient entendues par trois commissaires de l'Assemblée. Je m'oppose à ces distinctions d'esclave, dit Robespierre. Est-ce que le roi est au-dessus de la loi ? Est-ce qu'il n'est pas citoyen ? — Le roi n'est pas un citoyen, répliqua Duport, c'est un pouvoir. Et Malouet se hâta de renchérir, ajoutant que c'était un pouvoir sacré, inviolable, rendu d'avance étranger à tout crime et à toute poursuite. Les habiles comprirent le danger de cet excès de zèle. Ramenant la question à des termes plus simples, d'André, Tronchet, observèrent qu'il s'agissait uniquement de renseignements à prendre auprès du roi et de la reine, ce qui écartait l'idée de juges, l'idée de procédure, et la nécessité de mettre en question le principe de l'inviolabilité royale. Eh bien, dit Barrère avec une finesse où se mêlait une intention railleuse, ces renseignements, pourquoi des juges ne les prendraient-ils pas ? Lorsqu'un délit a été commis, est-ce que le juge n'est point appelé à interroger, au besoin, les victimes de ce délit ? Mais il importait au succès de la politique des constitutionnels qu'une distinction formelle fût établie entre un roi accusé et un citoyen accusé. Le projet de décret passa, et les trois commissaires nommés furent Tronchet, d'André, Duport[17]. Le soir même, ils se rendirent au château, comme pour recevoir la déclaration spontanée de Louis XVI. Mais tout avait été soigneusement arrangé d'avance, et ils connaissaient à merveille la réponse qu'ils allaient chercher, cette réponse ayant été dictée secrètement à Louis XVI par Barnave[18]. Rien de plus misérable, de plus honteux, que le langage tenu en cette occasion par le roi, sous l'inspiration de ses nouveaux conseillers. Sa déclaration était, d'un bout à l'autre, un démenti donné à celle qu'il avait laissée en partant. Il affirmait, il osait affirmer : Qu'il était parti, justement pour prouver combien il était libre ; Qu'il se retrouvait avec grand plaisir au milieu des Français, et, particulièrement, des Parisiens ; Que sa précédente protestation n'avait point trait aux principes de la constitution, mais seulement à la forme dans laquelle ils devaient être sanctionnés ; Que son voyage lui avait montré du reste jusqu'à quel point la constitution était chère au peuple[19], etc., etc. Cette étrange déclaration une fois signée, les commissaires allèrent trouver la reine…. Mais elle leur envoya dire de revenir le jour suivant : elle était au bain. Quand ils reparurent, elle leur dicta une réponse aussi fière que celle de Louis XVI l'était peu. Attentive à écarter le péril de ceux qui l'avaient servie, elle se contenta de dire, en ce qui la concernait personnellement : Je déclare que le roi désirant partir avec ses enfants, rien n'aurait pu m'empêcher de le suivre ; j'ai assez prouvé depuis deux ans que je ne le quitterai jamais[20]. Sur ces entrefaites, les journaux publièrent une lettre qui fit grand bruit. Dès qu'ils avaient appris l'arrestation du roi à Varennes,
des hommes de parti, plus orléanistes que le duc d'Orléans, s'étaient mis à
parler de régence. Ils vantaient en même temps les qualités de leur prince,
rappelaient les services rendus par lui à la cause du peuple, le désignaient
enfin au choix de la Révolution. Survint une nouvelle : à Vendôme, le 23
juin, le jeune duc de Chartres, avec une intrépidité généreuse, avait sauvé
de la fureur populaire un vieux prêtre, coupable, disait-on, d'avoir insulté
un vicaire jureur[21]. Ce fut un
heureux texte fourni aux panégyristes de la famille : ainsi le fils se
montrait digne du père ! On alla si loin que, dans sa Feuille villageoise,
Cérutti se crut obligé de donner au duc de Chartres l'avertissement que voici
: Bon jeune homme, la couronne civique vous est due.
Vous êtes trop ami du peuple, pour qu'on vous en souhaite une autre[22]. Soit désintéressement sincère, soit crainte d'être compromis par l'ambition des siens, trop prompts à prendre les devants, Philippe fit insérer dans les journaux révolutionnaires la profession de foi suivante : Je suis prêt à servir ma patrie sur terre, sur mer, dans la carrière diplomatique, dans tous les postes qui n'exigeront que du zèle et un dévouement sans bornes au bien public ; mais s'il est question de régence, je renonce dans ce moment, et pour toujours, aux droits que la constitution m'y donne. J'oserai dire qu'après tant de sacrifices à l'intérêt du peuple et à la cause de la liberté, il ne m'est plus permis de sortir de la classe de citoyen, et que l'ambition serait en moi une inconséquence inexcusable[23]... Ce 26 juin 1791. L. P. D'ORLÉANS. Les patriotes applaudirent ; les ultra-royalistes furent transportés de rage, Fourbe insigne ! écrivit Suleau, qui t'a dit qu'il fût question de régence ? As-tu commandé l'assassinat de Louis XVI ! Les émissaires sont-ils partis ? L'Assemblée nationale doit-elle, à force de tortures, arracher au roi une abdication honteuse ? Le royalisme, on le voit, avait ses Marat et ses Fréron. Mais il y a quelque chose de plus hideux encore que le délire des partis, c'est leur égoïsme. Les constitutionnels s'épuisant en efforts pour épargner à Louis XVI l'humiliation et le danger d'un jugement, il semble que les contre-révolutionnaires du côté droit, en cela du moins, eussent dû leur venir en aide : eh bien, non. Qu'on étudie leur attitude dans des circonstances où leur infortuné maître avait tant besoin d'appui Une seule pensée les préoccupe : profiter de la confusion universelle, et, s'il est possible, l'augmenter pour ramener la France à l'ancien régime à travers le chaos. Un seul désir les anime : assister au spectacle des derniers triomphes de l'anarchie. A mesure que, par peur de la République, le parti constitutionnel se rapproche d'eux, ils reculent. Le concours qui leur est demandé, dans l'unique but de sauver le roi, ils le refusent. Au fait, qu'importe la ruine du monarque, si l'on peut acheter à ce prix la chance de revenir au passé ? Louis XVI mis en jugement ? la déchéance décrétée ? Tant mieux, tant mieux, parce qu'il faudra bien alors que les rois de l'Europe tirent l'épée. Et ne serait-il point permis de tout demander à l'imprévu, entre les hasards d'une guerre étrangère et les péripéties d'une guerre civile ? Les nobles et les prêtres ne cherchaient qu'à susciter une occasion bien prononcée de rupture avec les puissances étrangères. Ils eussent été charmés que l'Assemblée eût mis Louis XVI en jugement ; qu'elle eût décrété la déchéance[24]. Ainsi s'exprime le marquis de Ferrières, un des leurs, et qui fut de tous leurs secrets, sans partager toutes leurs passions. Ce n'est pas qu'il n'y eût parmi eux, comme parmi les constitutionnels, quelques esprits sincères, quelques âmes loyales, des fils de preux. Mais hélas ! dans les partis, il est rare que l'influence dirigeante, surtout à l'heure des grandes luttes, appartienne aux nobles penchants, ou même au génie, s'il est coupable de trop de vertu. Voulez-vous gouverner toujours, un parti ? Comprimez d'abord votre cœur, révoltez-vous contre la meilleure portion de vous-même, vous deviendrez alors le maître, et vous serez le dernier des esclaves ! Ici, que voyons-nous ? Pénétré de douleur, dégoûté de ce qui l'entoure, découragé de vivre, Cazalès donne sa démission ; il abandonne la tribune, où il parle en vain, pour le champ de bataille, où il pourra mourir... Et Maury reste ! Il reste pour faire signer aux siens, de concert avec les plus aveugles et les plus violents, un manifeste qui était un acte d'hostilité à l'égard des constitutionnels, et qui, à l'égard de Louis XVI, fut un véritable acte de désertion. Il y était dit que la personne du monarque étant atteinte, et l'anéantissement de la monarchie consommé, les membres du côté droit continueraient bien d'assister aux délibérations de l'Assemblée, mais avec la résolution de n'y plus prendre part, attendu qu'il ne leur était désormais loisible, ni de reconnaître la légalité des décrets, ni d'en avouer les principes. Et toutefois, par une restriction où se révélait la crainte d'abdiquer, on se réservait de voter, quand les seuls intérêts qui fussent encore à défendre seraient en péril[25]. Deux cent quatre-vingt-dix députés de la droite signèrent
ce manifeste, dont l'intention malfaisante[26] n'échappa point
aux constitutionnels : on voulait évidemment rejeter sur eux tout le poids de
la situation, les laisser en butte aux anathèmes des clubs et des faubourgs
s'ils sauvaient Louis XVI, et s'ils n'y réussissaient pas, les désigner
d'avance au ressentiment des rois. De là, le mot de Thouret, qui, sollicité
par les nobles de son parti de revenir sur l'abolition des titres de
noblesse, répondit furieux, le manifeste des deux cent quatre-vingt-dix à la
main : Tenez, lisez ! Plus d'arrangements. Ces
gens-là nous forcent, pour nous soustraire à leur haine, de nous appuyer sur
le peuple[27]. Ce n'est pourtant pas ce qu'ils firent, tant les effrayait le fantôme de la République qui déjà, sous des formes gigantesques, se dressait devant eux ! Le 30 juin, le président de l'Assemblée nationale reçut un paquet contenant une lettre que, de Luxembourg où il s'était réfugié, Bouillé adressait aux représentants du peuple. Gengiskan, à la tête de cent mille Tartares, n'aurait pas écrit autrement. Je connais mes forces, disait Bouillé avec une incroyable arrogance, et bientôt votre châtiment servira d'exemple mémorable à la postérité ; c'est ainsi que doit vous parler un homme auquel vous avez d'abord inspiré la pitié. N'accusez personne du complot contre votre infernale constitution ; le roi n'a pas fait les ordres qu'il a donnés. C'est moi seul qui ai tout ordonné ; c'est contre moi seul que vous devez aiguiser vos poignards et préparer vos poisons. Vous répondez des jours du roi et de la reine à tous les rois de l'univers : si on leur ôte un cheveu de la tête, il ne restera pas pierre sur pierre à Paris, Je connais les chemins, je guiderai les armées étrangères.… Adieu, messieurs, je finis sans compliments ; mes sentiments vous sont connus[28]. Un immense éclat de rire[29] accueillit dans
l'Assemblée, ces fanfaronnades, dont le ridicule effaçait presque la
criminelle audace. Au dehors, les royalistes eux-mêmes, à quelques exceptions
près, s'en montrèrent tout honteux. Suleau, le contre-révolutionnaire Suleau,
ne ménagea pas le capitaine par excellence de la contre-révolution : C'est à mon sens un étrange courage que celui qu'on a la
bonté d'admirer dans ce cartel : Dans les champs de Pharsale il eût fallu l'avoir. Ne sied-il pas bien de s'escrimer en rodomontades, quand tout est perdu, même l'honneur ?[30] L'Assemblée avait passé dédaigneusement à l'ordre du jour : ce fut Rœderer, qui, pour sa satisfaction personnelle, se chargea de l'accusé de réception. Après avoir rappelé à Bouille une conversation dans laquelle ce dernier lui avait dit : Je vous donne ma parole d'honneur de faire toujours respecter les décrets de l'Assemblée nationale, Rœderer ajoutait : Depuis longtemps, la philosophie travaillait à déshonorer l'honneur, pour élever la vertu à sa place. Louis XVI et vous, avez rendu ce service à la nation[31]. Et aux Jacobins, pendant ce temps, que faisait-on ? Un résumé rapide des séances de ce club va montrer quelle nuance d'opinion il représentait. SÉANCE DU 23 JUIN. Danton : L'individu déclaré roi des Français est criminel ou imbécile. Pouvant choisir, choisissons ce dernier parti. Mais l'individu royal ne saurait continuer d'être roi dès qu'il est imbécile. Pas de régent, non plus ; mais un conseil à l'interdiction, nommé par les départements[32]. SÉANCE DU 27 JUIN. D'Anjou demande un conseil de régence, présidé par un lieutenant général du royaume, celui que le droit de sa naissance porterait à la régence : La Providence semble avoir conservé cet homme, aux genoux duquel il faudrait se jeter. A ce servile hommage rendu au duc d'Orléans, murmures d'improbation. L'orateur continue. Il veut qu'on fasse leur procès aux membres de la famille royale ; que le jugement soit prononcé a premier coup de canon tiré sur les frontières ; qu'on nomme pour gouverneur à l'héritier présomptif, non un de ces hommes que désignent les commérages des salons, tels que Condorcet et La Rochefoucauld, mais des patriotes de la trempe de Pétion ou de Robespierre. Girey-Dupré observe que Louis XVI, inviolable comme roi, ne l'est point comme individu. Pourquoi confondre l'inviolabilité avec l'impunissabilité ? En conséquence, Girey-Dupré demande que Louis XVI soit déchu de la couronne, jusqu'à ce que son procès soit fait et parfait, pas plus tard que le 30 août, devant un haut jury. Dans le cours de cette âpre harangue, il a osé dire : Deux fois les Anglais vous ont donné un grand exemple : vous êtes dignes de les imiter. Allusion sanguinaire qui est écoulée avec calme[33]. SÉANCE DU 29 JUIN. Antoine propose un régent et la déchéance : Qu'une seule tête par sa hauteur abaisse celle des ambitieux. Rœderer désire un conseil de régence, afin qu'une régence sans régent prouve qu'on peut avoir une fort bonne monarchie, sans monarque[34]. SÉANCE DU 1er JUILLET. Varennes[35] pose la question
: Quel est du gouvernement monarchique ou du
gouvernement républicain, celui qui nous convient le mieux ? A ces
mots, grand bruit. Bouche, qui préside, interrompt l'orateur : La constitution a déclaré que le gouvernement monarchique
est celui qui convient le mieux à la France. Vous voyez l'improbation qui
vous frappe ! Je vous retire la parole. Royez, évêque de l'Ain, et un
des membres les plus influents du club, se lève, et propose formellement
qu'on raye de la liste de la société le nom de Varennes. D'autres opinent
qu'il faut se borner à le rappeler à l'ordre. Il essaye de s'expliquer : la
majorité refuse de l'entendre. Il sort : des applaudissements retentissent. Ainsi, à la différence des constitutionnels, les Jacobins voulaient la déchéance de Louis XVI, sa mise en jugement, et Girey-Dupré, sans les émouvoir, avait pu leur montrer dans le lointain… un échafaud ; mais, comme les constitutionnels, avec eux, et d'une égale ardeur, ils insistaient pour le maintien du principe monarchique, tellement qu'il n'avait pas été permis à Varennes de s'élever contre ce principe, que dis-je ? de le mettre en question ! Les Jacobins ne se séparaient donc des constitutionnels
que relativement à la personne du monarque, et cela parce que le club était
plus près que l'Assemblée de la place publique, d'où montaient alors, contre
l'infortuné Louis XVI, les plus injurieuses clameurs. En pouvait-il être
autrement ? Marat, Fréron, Camille Desmoulins n'étaient-ils pas là, toujours
là, surexcitant les passions du peuple, l'encourageant à la haine des
personnes bien plus qu'à la discussion des idées, et lui soufflant la cruauté
dans l'excès du mépris ? L'orgueil, la gourmandise,
la colère, l'avarice, la luxure, les sept péchés capitaux sont la pâte ou la
boue dont Arimane a pétri l'animal-roi, mâle ou femelle[36]. — Louis XVI est un idiot à destituer, ou un monstre à étouffer....
La femme de l'ex-monarque, féroce instigatrice de
tous les forfaits de la cour, doit être rasée et renfermée dans une maison de
force[37].
— Cette reine scélérate réunit la lubricité de
Messaline à la soif du sang qui dévorait Médicis[38]. Et comme si ce
n'était pas assez de ce débordement d'injures, suivaient les inventions les
plus grossières, et des récits d'une invraisemblance grotesque. Tantôt, Louis
XVI était représenté comme un fou dont le plus grand divertissement était de
se cacher sous le lit[39], tantôt comme un
maniaque qui brisait, dans son appartement, glaces et pendules[40]. Nul doute que,
dès-son arrivée aux Tuileries, il n'eût dit : J'ai
fait là un f...u voyage. Mais je puis bien faire mes farces comme un autre.…
Qu'on m'apporte un poulet[41]. Fréron
prétendit avoir écrit sous la dictée d'une Madame de Flandre une lettre que
celle-ci assurait avoir été adressée par Marie-Antoinette au prince de Condé,
et qui commençait en ces termes : Notre ami, ne
faites aucune attention au décret lancé contre vous par l'assemblée des
cochons. Nous apprendrons à faire remuer les crapauds et les grenouilles (les Parisiens).
Voici la façon dont notre gros partira, etc., etc. Et il se trouvait
des gens pour croire à ces brutales calomnies ! Et Fréron mena gravement
Madame de Flandre à la section du
Théâtre-Français, où elle persista
dans son dire[42]
! Et la section du Théâtre-Français
ayant nommé douze commissaires, parmi lesquels Camille Desmoulins, ils
eussent porté l'affaire dans l'Assemblée, si l'accès leur en eût été facilité
par Pétion et Robespierre, auxquels ils s'adressèrent, et qui éludèrent la
demande[43],
indignés sans doute de cette farce indécente ! De la part de Fréron, singe de Marat, ou plutôt second Marat, moins la sincérité et le coup d'œil, de semblables fureurs étonnent à peine. Mais de quelle désolation, de quel désespoir on se sent l'âme saisie, quand on songe qu'en ceci l'émule de Fréron, c'était Camille, oui Camille, ce charmant esprit, l'époux de la tendre Lucile, et qui, à cette époque du moins, aurait dû être bon, puisqu'il était heureux, puisqu'il était aimé ! Détournons vite les yeux de ce triste spectacle, et transportons-nous sur la scène où, sans s'avilir par de basses attaques contre la personne du monarque, de hardis penseurs appelaient l'opinion à condamner la monarchie. Ici apparaissent quatre figures principales : Bonneville, Thomas Paine, Brissot, Condorcet. En 1825, un de nos amis[44], passant, à Paris, dans la petite rue des Grès, remarqua sur le devant d'une des nombreuses boutiques de libraire qui bordent cette rue, bien connue des habitants du quartier latin, une femme déjà vieille, mais aux allures vives, à la physionomie frappante, et que désignaient plus spécialement à l'attention ses cheveux d'un noir de jais relevés au-dessus de sa tête d'une manière tout à fait inusitée. Notre ami entre, et se met à causer avec cette femme. Au fond de la boutique, dans l'ombre, on apercevait, assis sur une chaise, un homme d'apparence fort étrange, qui né parlait guère qu'à son chien et ne' prononçait qu'en anglais le peu de mots qui lui échappaient. Ce débris du passé, c'était Bonneville. De sa femme, réduite alors à vendre des bouquins pour vivre, l'ami de qui nous tenons ces détails apprit que le pauvre homme avait perdu la raison ; que son imagination, éprise, vers la fin, de ces images fantastiques dont Hoffmann fut obsédé, s'était égarée dans le pays, du merveilleux ; qu'il se trouvait, chose inexplicable, avoir oublié sa langue maternelle et ne paraissait pas avoir conservé le sentiment de son individualité. Il avait un fils au service de l'Amérique. La femme, intelligente, active, philosophe, d'une grande probité, parlait sans regret de sa richesse évanouie, e avec simplicité des connaissances illustres qui avaient charmé leur âge mûr, du Bernardin de Saint-Pierre, par exemple. Elle possédait quelques souvenirs très-curieux des jours éteints, et montrait comme une relique l'écritoire de Thomas Paine. Quels mélancoliques rapprochements présente la vie humain ! Le vieillard de la rue des Grès était ce même homme dont le talent avait jeté tant d'étincelles et que Charles Nodier a tant admiré ! Ce fut lui qui, après la fuite de Varennes, éleva le premier la voix en faveur de la République. Bonneville avait toujours été très-enthousiaste, Jeune encore, on raconte que, se promenant sur la montagne de Primrose, un livre à la main, il tomba tout à coup dans un tel délire, qu'il se tourna vers les quatre parties du monde et bénit le genre humain avec le volume qu'il venait de lire : la fameuse lettre de Junius Brutus à George III[45]. En 1790, peu après la fête de la Fédération, il avait adressé à Louis XVI, qu'on aimait alors, une lettre très-singulière où le monarque, pour la première fois de sa vie, était publiquement tutoyé ; Ô Louis XVI, ô mon père ! c'est ton malheur que tu n'aies commencé à entendre le langage de la vérité que dans les plaintes d'un peuple au désespoir… La loi t'a déclaré inviolable ; cette loi est chère au peuple français[46]. Éclairé par les fautes du roi, Bonneville avait fait bien du chemin depuis ; et, quant à son enthousiasme des premières heures, s'il existait encore, ce n'était plus qu'associé aux rudiments d'une logique austère ou à d'incroyables élans d'audace intellectuelle. Nulle part le principe monarchique ne fut attaqué avec un plus singulier mélange d'esprit et de fougue que dans la Bouche de fer. Il est de Bonneville, ce mot dont Brissot fut heureux de pouvoir s'emparer, sans, du reste, en dissimuler la source : Les Égyptiens avaient mis sur le trône une pierre pour leur servir de roi. Faisons de même, et donnons à cette pierre, éternel symbole du cœur d'un roi, un excellent conseil exécutif[47]. D'autres fois, c'étaient des emportements sombres et lyriques. A ceux qui affirmaient que les temps n'étaient pas mûrs pour la République, Bonneville répondait par cette adjuration : Si les temps ne sont pas mûrs, vous qui en un clin d'œil mûrissez les Bastilles, ô amis de la vérité, allumez dans tout l'univers un feu si terrible que la liberté mûrisse enfin pour les nations. Que de tous côtés l'on s'écrie. Les
temps sont arrivés, et pour leur châtiment, La trompette a sonné le dernier jugement[48]. Ou bien : On répand que les
ambassadeurs refusent de traiter directement, au nom de leurs maîtres ? Nous combattrons vos rois, retournez les servir ![49] Et aux Jacobins qui repoussaient la République, il criait sur un ton plein de dédaigneuse fierté : Jacobins, rompez vos fers ! Mais, pour le triomphe de la doctrine républicaine, les ironies passionnées et les emportements de Bonneville, n'auraient pas suffi : il y fallait une raison froide, une calme érudition, une intelligence de sang-froid : ces qualités se rencontrèrent dans un Anglais. Il est peu d'hommes qui aient été, plus cruellement que Thomas Paine, déchirés par leurs compatriotes. Chalmer, Rose, Cobbett, presque tous les biographes anglais, se sont, avec une sorte de rage, acharnés sur sa mémoire. A les entendre, la vie de Thomas Paine ne fut qu'un assemblage de vices. Dans un pamphlet, publié contre lui, sous le pseudonyme de Francis Oldys, venimeux libelle qui eut jusqu'à six éditions, et qui est intitulé : Vie de Thomas Paine, auteur du séditieux écrit : les Droits de l'homme[50], il est comparé à une bête fauve[51], et l'asile qu'on lui donne à une tanière[52]. Sa biographie, par William Cobbett, aboutit à la conclusion que voici : Quel que soit le lieu, quel que soit le moment de la mort de Thomas Paine, son dernier soupir n'éveillera ni la douleur, ni la pitié. La main d'un ami ne fermera pas ses yeux. Nul, près de sa froide dépouille, ne poussera un soupir, nul ne versera des larmes. Comme Judas, il vivra dans la mémoire de la postérité. Les hommes apprendront à exprimer tout ce qui est vil, méchant, perfide, blasphématoire, par ce simple monosyllabe : PAINE[53]. Ces anathèmes avaient été déjà lancés depuis quelques années, lorsqu'un beau jour, un voyageur, venu d'Amérique, annonça d'une manière solennelle aux habitants de Liverpool, qu'il rapportait les ossements du célèbre républicain Thomas Paine, et qu'il conviait tous les amis de la liberté à honorer, par l'érection d'un magnifique monument funéraire, la mémoire d'un grand homme. Ce voyageur était…. William Cobbett[54] ! Il nous serait facile de réfuter les accusations dirigées contre Thomas Paine par des écrivains dont la haine parle évidemment le langage du délire. Ainsi, ils ont bien dit que, collecteur d'accises en Angleterre, il avait perdu cet emploi, et ils ont insinué que ce devait être par suite de quelque action criminelle ; mais ils n'ont eu garde d'ajouter que, moins d'un mois après, il était remis en possession de sa charge, preuve qu'il n'avait pas mérité de la perdre[55]. Ils racontent qu'il se sépara de sa première femme, et ils écrivent négligemment : Quelques-uns disent que la mort de cette femme fut le résultat des mauvais traitements qu'elle avait eut à subir[56] ; mais donner une aussi vague hypothèse pour base à une imputation aussi terrible est un crime à la fois et une lâcheté. Ils lui reprochent, sans plus de détails, d'avoir été jeté en prison pour dettes ; mais il aurait fallu spécifier qu'ayant essayé, à Rotheram dans le Yorkshire, la construction d'un pont de fer, il fut victime de la banqueroute soudaine d'un marchand américain[57]. Ils assurent que, faisant, en 1777, office de secrétaire pour le département des affaires étrangères, auprès du Congrès des États-Unis, il fut renvoyé comme coupable d'un scandaleux abus de confiance[58] ; mais ils ne disent pas que ce scandaleux abus de confiance avait consisté dans une courageuse et publique dénonciation de Silas Deane, agent infidèle, sur lequel il venait de découvrir, dans la correspondance étrangère, des rapports très-défavorables, et dont les concussions depuis furent si bien prouvées, qu'il dut se cacher en Angleterre, n'osant plus reparaître en Amérique[59]. Ah ! ce ne furent point là, aux yeux de ses détracteurs, les vrais crimes de Thomas Paine : il en commit d'autres, que l'aristocratie anglaise ne pouvait pardonner. Il avait pris pour devise : JE PENSE PAR MOI-MÊME, I THOUGHT FOR MYSELF, et fidèle à cette devise, digne de Descartes, il ne ménagea dans ses écrits ni les préjugés religieux de l'Angleterre, ni ses institutions politiques. Le déclin et la chute du système anglais des finances — The decline and fall of the English system of finance — est un livre qui explique assez les invectives dont Thomas Paine fut l'objet, de la part de beaucoup d'écrivains anglais. Mais ce qui explique bien mieux encore leur ressentiment, c'est la part active, éclatante, infatigable, féconde que Thomas Paine avait prise à l'indépendance des Américains. Honoré de l'amitié de Franklin, illustré par la reconnaissance patriotique de Washington[60], auteur de ce fameux pamphlet le Sens commun — the Common sense — qui, dans les destinées de l'Amérique, eut presque le poids d'une bataille gagnée, enrichi par l'État de Pennsylvanie et par celui de New-York, qui, en récompense de ses services, lui firent cadeau, le premier d'une propriété à la Nouvelle-Rochelle, le second d'une somme de cinq cents livres sterling[61], Thomas Paine était déjà populaire dans le nouveau monde, lorsque la Révolution française l'attira et le retint. Bientôt les salons et les clubs se réunirent pour le mettre à la mode. Naturellement présomptueux, il professait pour les livres d'autrui un dédain suprême, avouant sans détour que, s'il eût été en son pouvoir d'anéantir toutes les bibliothèques du monde, il l'aurait fait, pour détruire les erreurs dont elles sont le dépôt ; et on peut en croire, sur ce point, l'affirmation d'Etienne Dumont[62], car déjà Paine avait écrit, en parlant de lui-même : J'ai suivi ce que mon cœur m'a dicté. Je n'ai pas lu les livres, et ne me suis jamais attaché à étudier les opinions des autres[63]. Mais il n'était pas jusqu'à cette suffisance, abritée derrière le paradoxe, qui n'attirât sur lui l'attention. D'autant qu'il avait de l'esprit, une imagination vive, une éloquence populaire, et une certaine habileté à manier le ridicule[64]. C'était au mois de mars 1791 qu'il avait publié, sous le titre de Droits de l'homme, la première partie de sa réponse à Burke : en apprenant la fuite de Varennes, il dit à son ami, M. Christie : Vous voyez l'absurdité des gouvernements monarchiques ! Voilà toute une nation qui va être troublée par la folie d'un seul homme[65]. On raconte aussi que, lors de la rentrée de Louis XVI à Paris, se trouvant sur le passage de la voiture royale au moment où chacun se tenait la tête couverte, il ne fut pas sans courir un grand danger, pour avoir perdu la cocarde attachée à son chapeau[66]. Mais il paraît que cet accident le toucha peu, puisque quelques jours après, il figurait au premier rang des agitateurs populaires, au moins dans la sphère des idées. C'est lui[67], en effet, qui le 1er juillet, rédige l'adresse suivante qu'un jeune militaire, Achille Duchatelet, traduisit, signa et fit placarder, non-seulement sur tous les murs de Paris, mais jusque dans les corridors de l'Assemblée : Frères et citoyens, tout ce qui concerne le ci-devant roi se réduit à ces cinq points : 1° Il a abdiqué, il a déserté son poste dans le gouvernement. 2° La nation ne peut jamais rendre sa confiance à un homme qui, infidèle à ses fonctions, parjure à ses serments, ourdit une fuite clandestine, obtient frauduleusement un passeport, cache un roi de France sous le déguisement d'un domestique, dirige sa course vers une frontière plus que suspecte, couverte de transfuges, et médite évidemment de ne rentrer dans nos États qu'avec une force capable de nous dicter des lois. 3° ..... A-t-il pris sa résolution de lui-même, ou la lui a-t-on inspirée ? Que nous importe ? Idiot ou tyran, il est également indigne des fonctions de la royauté. 4° Il est par conséquent libre de nous, comme nous sommes libres de lui ; nous ne lui devons plus obéissance. 5° L'histoire de France n'offre qu'une longue suite des malheurs du peuple, dont la cause remonte toujours aux rois.... A tous leurs crimes, la trahison manquait. La mesure est comblée. Qu'est-ce, dans un gouvernement, qu'un office qui ne demande ni expérience ni habilité, qu'on peut abandonner au hasard de la naissance ? qui peut être rempli par un idiot, un fourbe, un méchant, comme par un sage ? Que la France, parvenue à l'âge de raison ne se laisse plus imposer par des mots, et qu'elle examine si un roi insignifiant n'est pas en même temps fort dangereux[68].... ? Cette adresse inattendue émut extrêmement l'Assemblée. Malouet veut qu'on poursuive l'auteur, Martineau qu'on l'arrête, Chabroud qu'on le méprise. Il y eut de vifs débats que termina l'ordre du jour[69]. Le lendemain, Duchatelet écrivit à Chabroud et à Le Chapelier : J'ai appris que j'avais été accusé par l'un de vous d'être fou, et par l'autre d'être criminel, pour avoir signé un écrit anti-royaliste. On ne peut pas croire à beaucoup de bonne foi dans ces inculpations, quand elles sortent de la bouche de gens qui ont élevé une statue à Rousseau, lequel se nommait l'ennemi des rois, et qui ont rendu de justes hommages à Benjamin Franklin, lequel regardait le royalisme comme un crime égal à celui de l'empoisonnement. Un homme qui m'a honoré de son amitié, le docteur Price, pensait comme Rousseau et Franklin ; il prétendait même que l'époque devait arriver où le monde entier ne formerait qu'une seule république. J'ignore si vous l'auriez déclaré fou, mais j'ai vu bien des gens le considérer comme un sage[70]. De son côté, Thomas Paine provoqua publiquement Sieyès à une discussion en règle sur les avantages comparés de la république et de la monarchie[71]. Mais Sieyès descendait difficilement des nuages où il se plaisait à rester enveloppé. Il fallait un journal à ce mouvement : le Républicain fut fondé. Du reste, la République avait déjà son Moniteur dans la feuille de Brissot, qui, à cette époque, déploya une rare vigueur d'initiative. Dès le 24 juin, il avait dit en parlant de la politique du club des Jacobins : Cette répugnance pour le nom de la République, pour le nom d'un état où l'on est, doit paraître bien singulière aux yeux du philosophe ![72] Le 2 juillet, il écrit[73] : L'opinion républicaine gagne et gagnera toujours : c'est le propre de la vérité. Elle ne marche plus qu'à pas de géant. Et, dans le numéro suivant[74], on lit : Prix de 300 livres, déposé à l'imprimerie du Patriote français, pour celui qui fixera nettement les caractères politiques et moraux qui distinguent le citoyen libre du républicain. On est fâché que le prix soit aussi mesquin ; mais on n'a pas la liste civile à sa disposition. Ces défis, ces railleries hautaines, cette certitude bruyamment affichée d'un prochain triomphe, ne tardèrent pas à ébranler l'opinion. Aux Jacobins, Réal put s'écrier : La République est le pain des forts : c'est cette nourriture dont parle Rousseau qui demande pour sa digestion des estomacs qui ne sont pas les nôtres. Dans vingt ans, notre jeunesse aura de l'instruction ; nos vieillards n'auront pas de préjugés ; nous aurons des mœurs, et le gouvernement républicain sera, n'en doutez pas, le gouvernement français, peut-être celui de tous les peuples de l'Europe[75]. Mais Brissot se réservait de frapper un coup plus fort. Le 10 juillet, dans ce même club d'où quelques jours auparavant on avait voulu chasser Billaud-Varennes comme républicain, Brissot prononça, en faveur de la République, un discours d'un éclat et d'une force extraordinaires. Ah ! le roi était inviolable, assurait-on ? Inviolable ! Comme roi, oui, aux termes de la constitution ; mais comme individu, quelle dangereuse folie ! Si pour des actes d'administration, dont d'autres étaient appelés à répondre en son lieu et place, la fiction qui le couvrait se pouvait concevoir à la rigueur, comment l'admettre pour les actes qui, par leur nature, ne dépendaient que de lui ? Ainsi donc, inviolable le prince qui porterait la main sur sa femme ! inviolable le prince qui enlèverait sa fille ! inviolable le prince qui brûlerait sa maison ! O rois, courage ! Soyez fous tout à votre aise, soyez furieux, soyez traîtres, soyez assassins : vous êtes inviolables ! Était-ce assez insulter à la raison humaine ? On citait l'exemple de l'Angleterre. Mais il était faux que, même en Angleterre, l'inviolabilité eût jamais été entendue de cette façon dérisoire. Est-ce qu'en Angleterre, la Convention de 1688 n'avait pas déclaré le trône vacant ?… Est-ce que Jacques Ier, tout théoricien du despotisme qu'il était, n'avait pas reconnu que le prince est soumis à la loi ? Qu'on se donnât la peine de parcourir l'histoire : en y verrait que Mariana, qui écrivait sous Philippe II, admettait le tyrannicide ; que, chez les Juifs, les rois étaient jugés par le sanhédrin ; chez les Spartiates, par le sénat des vingt-huit et les éphores ; chez les Francs, par la nation, qui les déposait, rien que pour cause d'impéritie. La fuite de Varennes était-elle d'aventure un acte dont d'autres que Louis XVI fussent appelés à répondre ? non, puisque ses propres ministres avaient été laissés dans l'ignorance. Louis XVI devait donc être jugé. Quant à la question de savoir quelle peut être l'utilité d'un monarque constitutionnel, d'un monarque automate, ceux qui se montraient pénétrés si profondément de cette utilité, auraient dû au moins songer à la rendre un peu moins coûteuse, et imiter les Égyptiens qui, jugeant la royauté bonne mais les rois funestes, les avaient remplacés par une pierre ; on avait encore l'exemple des Seïkhs, qui mettent sur le trône l'Alcoran, un sabre, et vivent en républicains : en tout cas, c'était un moyen d'économiser la liste civile ! Passant ensuite à l'examen des motifs qu'on pouvait avoir de craindre le ressentiment des cours étrangères, Brissot fit de leur impuissance une rapide et vive peinture. D'ailleurs : Si l'on avait dit à Miltiade, à Cimon, à Aristide : Recevez notre roi, ou vous périrez, ils auraient répondu : Nous nous verrons à Marathon ou à Salamine ! Les soldats de Washington, sans souliers et teignant la glace de leur sang, disaient : Nous aurons des souliers demain : nous battrons les Anglais. Ils devinèrent juste, parce qu'ils combattaient pour être libres[76]. Ce discours fit rêver les Jacobins, et transporta de joie les Cordeliers. Camille Desmoulins n'y put tenir. Oubliant avec quelle violence il avait dénoncé le penchant de Brissot pour Lafayette, l'impressionnable écrivain se répandit en exclamations admiratives. Lui aussi, depuis longtemps, il soupirait après la République, l'annonçait, la proclamait inévitable. Dans son n° 84[77], on trouve cette remarque profonde : L'Assemblée, toute monarchique qu'elle est, a été entraînée par ses propres décrets, par les circonstances et par ses passions, à des mesures républicaines. Ils ne veulent point de régence, et la pudeur les empêche de reconnaître pour chef de la nation un roi aussi déshonoré que Louis XVI. Sans roi et sans régent, nous aurons la République, comme qui dirait par la force des cartes. Il est certain que tandis qu'ils repoussaient avec tant de véhémence l'idée de république, les constitutionnels de l'Assemblée se laissaient aller, sans y prendre garde, sur une pente qui y conduisait tout droit, par l'adoption des mesures les plus propres à avilir, dans Louis XVI, et le monarque et le chef de famille. Il avait été décrété, on l'a vu, qu'un gouverneur serait nommé au dauphin ; et, dans la séance du 28 juin, l'Assemblée avait déclare que nul de ses membres ne pouvait être désigné pour cet emploi, se réservant toutefois de former elle-même la liste indicative des candidats : cette liste, qu'attendait impatiemment la curiosité publique, parut enfin[78]. Parmi beaucoup de noms obscurs et qui étonnèrent, elle en contenait quelques-uns de connus, mais qui se trouvaient singulièrement rapprochés : Berquin, Bougainville, Ducis, Condorcet, Bernardin de Saint-Pierre, Lacépède, le mystique Saint-Martin, Hérault de Séchelles, Cérutti, Bossu, Dacier l'académicien, l'ancien avocat-général Servan. Or, même sur ces noms, recommandables à divers titres, la malignité s'exerça de manière à les rendre à peu près impossibles : BOSSU ? Quand le dauphin en sera aux mathématiques. — BOUGAINVILLE ? Il a fait le tour du monde, mais nous avons un décret qui ne permet au roi que le tour de France, pourvu qu'il ne débute pas par un voyage à Montmédy. — CÉRUTTI ? Quel malheur qu'il ait été jésuite et qu'il ait tant d'esprit ! — DUCIS ? Autre chose est de représenter sur la scène des rois aveugles, imbéciles ou fous, autre chose de faire faire à un jeune prince l'apprentissage du trône. Dans le premier cas, on ne manque pas d'originaux ; dans le second, tout est à créer. — HÉRAULT DE SÉCHELLES ? Magistrat petit-maître, homme aimable. Ce serait dommage de l'enlever aux cercles dont il fait les plaisirs[79]. Le seul candidat qu'on eût été disposé à prendre au sérieux était Condorcet. Or, il travaillait à l'établissement de la République, et certes, nul ne méritait mieux de partager les hasards de cette marche vers l'avenir que l'auteur de l'immortelle Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, que celui qui écrivit : l'espèce humaine sera heureuse, alors qu'il était lui-même accablé d'infortunes, atteint dans toutes les parties sensibles du cœur, et presque sous le glaive de mort, qui n'aurait attendu pour frapper que le temps de constater l'identité de la victime[80]. En 1791, Condorcet avait quarante-huit ans ; il représentait, dans la Révolution, cette génération des encyclopédistes dont il ne restait plus que quelques débris ; il était déjà en pleine possession de sa renommée d'académicien, de géomètre et de savant ; il était dans toute la maturité de son génie. Il n'y eut donc rien d'un emportement juvénile dans les motifs qui le poussèrent à mettre au service du principe républicain ses vastes connaissances et l'autorité de son nom. Bonneville, Thomas Paine, Brissot, Camille Desmoulins, ne pouvaient rencontrer un plus puissant auxiliaire. Les traits par où se révèle une âme vraiment républicaine abondaient dans sa vie. Rédacteur du Mercure, il avait refusé l'insertion d'une lettre dans laquelle le patriarche de Ferney rabaissait Montesquieu outre mesure, préférant la justice à l'amitié glorieuse de Voltaire[81], Pour n'avoir pas de relation avec Necker, dont il ne partageait pas les opinions économiques, il avait donné sa démission d'inspecteur des Monnaies[82]. Affirmant un jour, lui qui se trouvait dans ce cas, que ceux qui se brouillaient avec Diderot avaient toujours tort, Mais vous ? lui objecta son interlocuteur. — Moi ? répondit-il simplement, j'avais tort[83]. Caractère ferme et nature timide, homme du monde et homme du peuple, esprit froid et cœur passionné, tout en lui était contrastes, jusqu'à ses jambes grêles portant une haute stature, une tête d'un volume immense et un buste athlétique. Son visage était d'une douceur si voisine de la mollesse, que Madame Roland s'y trompa ; elle le définissait : Une liqueur fine imbibée dans du coton[84]. Mais d'Alembert, qui le connaissait mieux, l'avait défini : Un volcan couvert de neige[85]. Aussitôt après le voyage de Varennes, Condorcet tint chez lui des conférences où il convia ses amis à discuter les moyens d'établir la République. La vinrent entre autres personnages marquants, Dupont de Nemours, et ce duc de La Rochefoucauld, sur la tête de qui, selon le mot plaisant de Rulhières, Turgot avait placé tant de principes. La majorité se prononça pour la monarchie. Mais Condorcet ne se jugea point lié par un vote de salon, et, au risque de rompre avec le duc, son ancien ami, qui en effet ne lui pardonna pas cette démarche, il courut transporter débat au Cercle social. Grande y fut l'émotion, lorsqu'en présence d'un auditoire nombreux, instruit et attentif, il prouva : Que la prétendue nécessité d'un roi n'existait nullement, partout où les pouvoirs étaient bien organisés ; Que la liberté de la presse, et son empire défiaient le retour d'un Cromwell ; Que l'étendue de la France était plus favorable que contraire à l'établissement d'une république ; Qu'on avait tort d'en revenir sans cesse à Rome et à Athènes, où il n'y avait point de vraie république, puisqu'on y tolérait des classes privilégiées ; Qu'en les détruisant, on avait détruit tout ce qui pouvait rendre la protection d'un monarque nécessaire ; Que l'hérédité du trône, obstacle permanent à la marche des sociétés, créait la lutte, loin d'être une cause de stabilité et une garantie contre le désordre[86]. L'opinion d'un homme tel que Condorcet était faite pour entraîner beaucoup d'esprits, et c'est ce qui arriva. Sa société, suivant un témoignage contemporain de beaucoup de poids, fut véritablement le foyer de la République[87]. Il avait épousé Mademoiselle de Grouchy, jeune personne si pleine de grâce et d'esprit, que la mère du duc de La Rochefoucauld, adversaire avouée du mariage des savants, avait dû dire, cette fois, au géomètre coupable : Nous vous pardonnons[88]. L'influence de Madame Condorcet ne contribua pas faiblement au résultat politique qui vient d'être signalé. Vengeance de femme, ont prétendu quelques-uns, expliquée par quelques mépris de la reine ! Mais Étienne Dumont, peu suspect ici de partialité, repousse bien loin cette offensante hypothèse : Un caractère sérieux, un esprit qui aimait à se nourrir de méditations philosophiques, des lectures républicaines, une passion pour les écrits de Rousseau, avaient enflammé la tête de Madame Condorcet. Son mari avait un enthousiasme de réflexion, elle en avait un de sentiment ; tous deux étaient fortement persuadés que la liberté en France ne pouvait pas se soutenir à côté du trône[89]. Pour compléter l'histoire du mouvement républicain, ajoutons qu'il était servi dès cette époque d'une manière ardente par Madame Roland, qui était arrivée de Lyon avec son mari au mois de février, et dont le salon devint un écho de plus en plus sonore, placé sur la route des idées. Un événement, tout nouveau quoique attendu, fit un moment diversion à ces luttes : Le 11 juillet, au milieu d'un prodigieux concours de peuple, les cendres de Voltaire traversèrent Paris en triomphe. De l'abbaye de Sellières, d'où les avaient rappelées un décret de l'Assemblée et un des cris les plus puissants qui fussent jamais sortis du cœur de la France, elles étaient arrivées dans un modeste chariot, sur les deux côtés duquel ces vers : Si l'homme a des tyrans, il doit les détrôner. Si l'homme est créé libre, il doit se gouverner[90]. Aux portes de la capitale, un char magnifique reçut les augustes dépouilles, et elles prirent le chemin du Panthéon, Il est des fêtes qui ne parlent pas à l'esprit, qui ne touchent point à l'âme humaine ; il est d'imbéciles et insultantes fêtes imaginées pour distraire de leur abaissement les peuples, trop jeunes ou déjà vieillis, qu'on tient sous ses pieds pourvu qu'on leur donne panem et circenses. De tels spectacles sont le luxe de la servitude. Plus ils sont splendides, plus ils dégradent la curiosité qui les accepte. Mais ici, Voltaire mort allant prendre au Panthéon, à travers les flots d'une multitude émue, possession de son droit à l'immortalité, c'était un encouragement sublime pour les uns, et pour les autres un châtiment ou une leçon. Dieu, tu seras vengé, cria un prêtre, caché dans la foule[91]. Mais Voltaire avait passé sa vie à défendre l'Être des Êtres contre ceux qui, usurpateurs de sa majesté, la font servir à leurs passions en la plaçant sur un autel. Ah ! c'était Voltaire qui, ce jour-là, vengeait Dieu ! Il vengeait le peuple aussi, bien qu'encenser les rois eût été une de ses faiblesses ; et quelles réflexions ne durent pas être celles de Louis XVI se rappelant son entrée récente à Paris et la rapprochant de la scène saisissante qu'il contemplait, étonné, du haut d'une lucarne du pavillon de Flore[92] ! Douze chevaux blancs traînaient le sarcophage, et, sur un lit funèbre, l'image endormie du philosophe. Ses œuvres, par qui le monde fut agité et l'est encore, on les portait dans une cassette d'or. D'innombrables devises flottaient sur la soie des drapeaux, quelques-unes touchantes, d'autres terribles. Exterminez, grand Dieu, de la terre où nous sommes, Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes. Telle était la devise qu'avait choisie la société fraternelle des halles, Mais à la tête des citoyens du faubourg Saint-Antoine, marchait une femme tenant une pique au haut de laquelle ces mots : La dernière raison du peuple[93], réponse violente à la dernière raison des rois, baptême des canons ! Le char s'arrêta devant la maison de Charles Villette, où Voltaire avait rendu le dernier soupir. Des guirlandes de chêne entrelacées y formaient un dais poétique que soutenaient des peupliers. Descendant d'un amphithéâtre rempli de jeunes filles couronnées de roses, Mme de Villette reçut en pleurant la visite de celui qui l'avait surnommée Belle et Bonne. A ses côtés étaient les filles de Calas[94] ! Le soleil, malheureusement, n'éclaira point la fin de la cérémonie. Il plut depuis la place du Théâtre-Français jusqu'au Panthéon : Ablution expiatoire, dit gaiement Camille, satisfaction que saint Denis avait exigée pour quelques endroits de la Pucelle[95]. Cet accident, la présence des actrices dans le cortège, un trop pompeux étalage de costumes antiques, Mme de Villette vêtue en Iphigénie, et une couronne par elle jetée à Lafayette, qui la ramassa en rougissant[96], tout cela fournit matière, de la part des royalistes, à des railleries auxquelles le dépit plus sombre des jansénistes mêla ses invectives. Mais l'impression générale n'en fut pas moins celle de l'enthousiasme et de l'attendrissement[97]. Fréron, le fils du célèbre journaliste que Voltaire avait si cruellement déchiré, Fréron, qui se disait le seul homme en France auquel il ne fût pas permis d'être voltairien, écrivit pourtant : La pompe d'hier rappelait à l'imagination les Athéniens rapportant dans Athènes les ossements de Thésée, vainqueur des monstres et des tyrans, comme Voltaire le fut des préjugés et des prêtres[98]. Pendant ce temps, l'Assemblée semblait prendre il tâche de s'effacer le plus possible : elle passait le temps à écouter des lectures d'adresses ; elle votait une récompense nationale à Drouet et à ses compagnons ; elle s'occupait de police municipale ; elle décrétait la fabrication et l'émission d'une petite monnaie d'argent, à la taille des pièces de 15 et 30 sols ; en un mot, elle paraissait avoir oublié, pour des soins secondaires, la grande question qui tenait tous les esprits en éveil. Mais cette insouciance de l'Assemblée n'était qu'apparente. Il y avait eu réunion des sept comités, et c'était dans l'ombre des bureaux que les meneurs se préparaient au coup qu'ils voulaient frapper. Jamais intérêt de cette importance n'avait été soumis à la discussion. L'impatience était ardente, l'anxiété universelle. Enfin, le 13 juillet, Muguet de Nanthou apporte à la tribune le travail des comités. Bien étonné fut le public qui remplissait les galeries. A entendre le rapporteur, Louis XVI n'était nullement coupable. Qu'avait-on à lui reprocher ? Sa fuite ? Mais il n'était pas sorti du royaume ! Son départ de la capitale ? Mais la constitution lui donnait le droit de s'éloigner de l'Assemblée jusqu'à la distance de vingt lieues ! Sa déclaration ? Mais n'étant contre-signée d'aucun ministre, elle n'était qu'un acte privé du roi, un simple brouillon pour mémoire. La France, d'ailleurs, voulait la monarchie, et, sans l'inviolabilité royale acceptée d'une manière absolue, pas de monarchie possible. Car, que vaudrait une royauté sans cesse mise en question, poursuivie sans cesse, exposée aux coups du premier calomniateur venu, perpétuellement en butte aux traits empoisonnés qui vont toujours chercher la grandeur et la puissance[99] ? La conclusion des comités réunis était donc qu'il fallait renvoyer devant la cour d'Orléans et livrer à la rigueur des lois Bouillé, Heyman, de Klinglin, d'Hoffelize, Goguelat, Choiseul, Fersen, les trois gardes qui avaient servi de courriers... et mettre Louis XVI hors de cause[100]. Robespierre savait que l'Assemblée arrivait avec un parti pris ; que le débat ne modifierait pas le vote. Il aurait voulu donner à l'opinion du dehors le temps d'intervenir, et, dans ce but, il demanda l'ajournement. Mais Charles Lameth s'y opposa d'une manière fort vive, et les constitutionnels qui avaient hâte d'arriver au dénouement, ouvrirent la discussion sur-le-champ. L'attitude de Robespierre, en cette circonstance, mérite qu'on s'y arrête. Quoiqu'il ne ressentît assurément pour la monarchie aucune tendresse, il avait vu avec inquiétude Condorcet et Brissot prendre une initiative qu'il jugeait trop fougueuse et intempestive. La question de République lui avait paru posée prématurément, parce que, selon lui et comme il s'en expliqua plus tard, elle était de nature alors à diviser les patriotes, et fournissait aux ennemis du peuple un prétexte pour publier qu'il existait un parti qui, sous couleur de patriotisme, conspirait contre la constitution. En conséquence, le 13 au soir, sans plus attendre, il se rendit aux Jacobins, où il fit cette profession de foi singulière : On m'a accusé, au sein de l'Assemblée, d'être républicain : on m'a fait trop d'honneur ; je ne le suis pas. Si on m'eût accusé d'être monarchiste, on m'eût déshonoré ; je ne le suis pas non plus. Les mots république et monarchie, pour beaucoup d'individus, sont vides de sens. Le mot république ne signifie aucune forme particulière de gouvernement, il appartient à tout gouvernement d'hommes libres. On peut être libre avec un monarque comme avec un sénat. Qu'est-ce que la constitution actuelle ? C'est une république avec un monarque. Elle n'est ni monarchie ni république, elle est l'une et l'autre[101]. Ce langage manquait de netteté, il manquait de franchise. Sacrifiant, cette fois, aux inspirations d'une habileté vulgaire, et oubliant que sa force avait toujours consisté à marcher en ligne droite, à travers les oscillations des partis, Robespierre descendait à la politique de la petite prudence. Il était républicain, de son propre aveu, puisque c'était l'honorer que de l'appeler tel, et qu'il se fût considéré comme déshonoré, s'il eût encouru l'accusation de monarchisme : pourquoi donc jouer sur les mots ? pourquoi affecter tant de dédain pour les formes de gouvernement, toujours et partout si importantes ? Il tenait à régler exactement son pas sur celui de la Révolution ; il craignait d'aller plus vite que les Jacobins : à la bonne heure ; mais il aurait dû être alors ce qu'il avait été jusque-là et ce qu'il fut depuis : du parti de sa conscience ! Ce qui explique la conduite d'un homme n'est pas ce qui la justifie ; et je n'hésite pas à dire qu'ici Brissot se montrait plus grand que Robespierre. A son tour, Danton prit la parole, mais sans oser davantage se déclarer républicain, tant le jacobinisme était encore timide ! Il se contenta de tonner contre l'inviolabilité royale[102], bien sûr que, dans cette sphère d'idées, les applaudissements du club des Jacobins ne lui feraient pas faute. A l'Assemblée, le débat, ouvert le 13 juillet, ne fut fermé que le 15. Pétion prouva fort bien que, pour avoir le droit d'être inviolable, il faudrait être impeccable, et que, dans tous les cas, l'inviolabilité ne pouvait être étendue sans folie aux crimes privés du monarque ; L'abbé Grégoire démontra péremptoirement qu'il était impossible de séparer la responsabilité personnelle du roi de tant de circonstances accusatrices : complots de Bouillé, faux passeports, déguisements, évasion nocturne, préparatifs hostiles de l'étranger, mémoire lancé à la manière du Parthe, qui tirait sa flèche en fuyant ; Robespierre fit ressortir ce qu'il y avait de lâche à frapper les coupables subalternes quand on épargnait les coupables puissants, et combien il était absurde de poursuivre des complices là où l'on assurait qu'il n'existait point de délit ; Enfin, Buzot nia le droit de l'Assemblée à juger un pouvoir rival, et invoqua l'exemple de la Chambre des Communes d'Angleterre, qui avait laissé à une Convention nationale le soin de décider du sort de Jacques II[103]… Mais ni Pétion, ni l'abbé Grégoire, ni Robespierre, ni Buzot, ne touchaient à la vraie question du moment : la vraie question était celle qui, posée aux Jacobins, y avait soulevé une tempête : Lequel vaut mieux d'un gouvernement monarchique ou d'un gouvernement républicain ? Car, si l'on admettait que le gouvernement monarchique devait être maintenu, il ne restait plus aux constitutionnels qu'à prouver une chose : savoir que le principe de l'inviolabilité royale, quels que pussent être d'ailleurs les inconvénients de cette fiction politique, était une condition nécessaire d'existence pour la monarchie. Voilà ce qu'avait parfaitement compris Barnave, et en appuyant sur ce point, il se tenait assuré du triomphe. Mais pour ôter d'avance à la victoire ce que la culpabilité de Louis XVI, implicitement avouée, lui aurait donné d'immoral, le parti constitutionnel avait senti qu'avant de défendre le principe, il fallait s'attacher à défendre l'homme ; et, dans le partage des rôles, Barnave s'étant chargé du premier, Salles prit le second. Le discours de Salles fut un chef-d'œuvre d'habileté insinuante. Il établit, ce qui était vrai au fond, que la fausseté de Louis XVI — le mot ne fut pas prononcé — ne provenait que de l'excès de sa faiblesse. Il le peignit entouré de courtisans qui calomniaient devant lui la Révolution, le trompaient sur les sentiments et les volontés du peuple, mettaient un art infernal à égarer son esprit et à épouvanter son cœur. Il présenta le complot qu'on accusait Louis XVI d'avoir tramé contre la nation comme un piège infâme dans lequel l'infortuné monarque avait été lui-même attiré par des serviteurs criminels. Il éveilla la pitié, qui, quelquefois, est la justice. Il prononça ces mots, qui, appliqués à Louis XVI, avaient une signification touchante : Combien est malheureuse la condition d'un roi ![104] Barnave se leva. Il avait toujours visé, même étant tribun, à la gloire de l'homme d'État. Toujours, même dans l'emportement de ses luttes contre Mirabeau, il avait commandé le calme à sa parole et la gravité à son maintien. A plus forte raison devait-il garder cette attitude, maintenant que, lassé du rôle d'agitateur, il se posait en futur ministre. Il fut donc sec, compassé, contenu, dogmatique. Rien, dans son discours, qui fût donné à l'imagination, à l'éclat. Il semblait avoir de propos délibéré éteint son cœur, et ne laissa parler que sa tête. Mais de tout ce qui pouvait servir la cause des constitutionnels, rien ne fut omis par lui. Vous avez voulu que le roi sanctionnât vos décrets. Il doit pouvoir le faire avec indépendance : s'il n'est pas inviolable, sera-t-il indépendant ! Et, s'il doit être inviolable pour que son indépendance soit garantie, ne doit-il pas l'être aussi pour que l'État soit stable ? Car c'est l'inviolabilité qui, le mettant à couvert des efforts de tous les factieux, le maintient à sa place, et maintient avec lui le gouvernement dont il est le chef. — Il existe pour le roi deux genres possibles de délit : délits politiques et délits civils. Quant aux premiers, il faut observer que ce n'est pas le roi qui, à proprement parler, exerce le pouvoir exécutif, ce sont ses ministres, dont le contreseing est nécessaire ; or, ils sont responsables. Pour ce qui est des délits civils, l'avantage qui résulterait de la punition d'une faute de cette nature est en vérité bien peu de chose en comparaison de l'avantage qui résulte pour le peuple de sa tranquillité conservée et de la forme du gouvernement maintenue. Ainsi donc, si le monarque commet un délit civil, le remède à ce mal, c'est la supposition de démence ; supposition heureuse qui protège la stabilité du pouvoir, et assure la paix publique, à chaque instant compromise, dans le système contraire, par les accusations auxquelles le prince serait en butte. Telle fut, résumée en peu de mots, l'argumentation de Barnave ; et, quoique très-faible contre les républicains, elle avait beaucoup de force contre ceux qui étaient assez inconséquents pour vouloir une monarchie sans les conditions, choquantes mais indispensables, qui la constituent. Barnave finit par ce remarquable appel aux intérêts et aux craintes de la bourgeoisie : La Révolution ne peut faire un pas de plus sans péril. Si, dans la ligne de la liberté, le premier acte qui suit est l'anéantissement de la royauté, le premier acte qui pourrait suivre, dans la ligne de l'égalité, serait l'attentat à la propriété. — Quelle nuit du 4 août reste à faire maintenant ? Tout le monde doit sentir que l'intérêt commun est que la Révolution s'arrête. Ceux qui ont perdu doivent s'apercevoir qu'il est impossible de la faire rétrograder ; qu'il ne s'agit plus que de la fixer… Régénérateurs de l'empire ! présentons une occasion de triomphe aux hommes qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt à notre révolution. Ils nous crient : Vous êtes puissants, soyez sages, soyez modérés. Là sera le terme de votre gloire[105]. Ainsi, par l'effet d'un égoïsme bien propre, hélas ! à attrister la pensée du philosophe, les novateurs de la classe moyenne, qui avaient tant profité de la Révolution, lui demandaient de s'arrêter au point où ils n'avaient plus rien à gagner, et ils disaient à ceux d'en haut : Faites taire vos regrets ! A ceux d'en bas : Renoncez à vos espérances ! Mais comment empêcher l'âme humaine de se souvenir et d'espérer ? Les conclusions des comités furent adoptées[106]. Louis XVI était mis implicitement hors de cause, et quiconque avait coopéré à sa fuite renvoyé devant la haute cour d'Orléans ; en d'autres termes, on déclarait qu'il y avait des complices, et pas de coupable principal. Le peuple fut profondément indigné. Le soir, aux Jacobins, Pouape parut à la tribune, et y apporta cette nouvelle émouvante : Un deuil universel couvre aujourd'hui la capitale, il va se répandre dans les quatre-vingt-trois départements. Je vous apprends avec plaisir que le peuple vient de faire fermer les spectacles[107]. Aussitôt, Laclos propose de présenter à l'Assemblée une pétition, au nom de tous les bons citoyens, hommes, femmes et enfants. On classera les trois ordres de signatures, et elle en aura dix millions. Alors on verra si ceux qui veulent la déchéance sont des factieux[108]. Danton appuya vivement la proposition : Nous avons besoin d'un scrutin épuratoire. Eh bien, le voilà tout trouvé[109]. Robespierre, en cette occasion, déploya une prudence et une réserve extrêmes. La loi n'étant pas suffisamment claire, puisqu'elle parle de complices et qu'il ne saurait y en avoir sans un principal coupable, la nation a le droit de dire à l'Assemblée : EXPLIQUEZ-VOUS ! Quant à l'opinion de M. Laclos, elle me parait devoir être, sinon rejetée, du moins modifiée. Pourquoi faire signer les femmes, les mineurs ?[110] Il est probable que Robespierre craignait de voir l'agitation tourner au profit du duc d'Orléans, comme semblaient l'indiquer, et l'intervention de Laclos, et la proposition suspecte de faire signer les enfants. Toujours est-il qu'au moment où la pétition allait être votée, près de quatre mille personnes se précipitèrent dans la salle, déclarant qu'elles entendaient aller, dès le lendemain, au Champ de Mars, pour y jurer de ne pas reconnaître Louis XVI. Or, ce qui tendrait à prouver que c'était là une scène arrangée d'avance, c'est que toute cette foule, selon le témoignage de Mme Roland, qui était présente[111], venait du Palais-Royal, le théâtre ordinaire des combinaisons politiques de Laclos, auquel le prétexte fut ainsi fourni d'appuyer sa motion sur une démarche du peuple[112]. Grâce à ce renfort, le projet passa ; il passa tel que le vrai chef du parti orléaniste l'avait présenté, et sans qu'on s'arrêtât aux sages observations de Robespierre, qui, mieux pesées, eussent évité bien des malheurs. Les bases de la pétition convenues, des commissaires furent nommés, au nombre desquels Laclos et Brissot. Ils restèrent dans la salle, tandis que l'assemblée s'écoulait, et se mirent à l'œuvre. Après le désistement, si formel, du duc d'Orléans, il peut sembler étrange que Laclos continuât avec tant de zèle à conspirer pour lui. Mais il ne faut pas oublier que le duc était le dernier à être de son propre parti. Soit crainte de compromettre le succès de ses desseins secrets par trop d'empressement, soit désir de flatter Brissot pour l'amener plus facilement à une réaction orléaniste, Laclos affecta de s'en rapporter tout à fait à son collègue. Prétextant un mal de tête, le besoin de dormir, il pria Brissot de prendre la plume[113]. La seule chose qu'il demandât, c'est que la pétition exprimât, en même temps que le vœu de la déchéance de Louis XVI, celui de son remplacement par les moyens constitutionnels. C'était ménager une porte au duc d'Orléans. Cette intention échappa-t-elle à Brissot ? Ou bien, crut-il ne pas devoir trop bien deviner une ambition qui s'enveloppait dans le respect de la légalité ? Quoi qu'il en soit, il écrivit : Les Français soussignés, membres du souverain, considérant que, dans les questions auxquelles est rattaché le salut du peuple, il est de son droit d'exprimer son vœu pour éclairer et diriger ses mandataires ; Que jamais il ne s'est présenté de questions plus importantes que celle qui concerne la désertion du roi ; Que le décret rendu le 15 juillet ne contient aucune disposition relative à Louis XVI ; Qu'en obéissant à ce décret, il importe de statuer promptement sur le sort de cet individu ; Que sa conduite doit servir de base à la décision ;... Que son parjure, sa désertion, sa protestation, emportent abdication formelle de la couronne ; Que l'Assemblée nationale l'a jugé ainsi en s'emparant du pouvoir exécutif, en suspendant les pouvoirs du roi, en le tenant dans un état d'arrestation ; Que de nouvelles promesses de la part de Louis XVI n'offriraient point une garantie suffisante contre une conspiration nouvelle ; Qu'enfin il serait contraire à la majesté de la nation, comme à ses intérêts, de confier désormais les rênes de l'empire à un homme parjure, traître et fugitif ; Demandent formellement et spécialement que l'Assemblée nationale ait à recevoir, au nom de la nation, l'abdication faite le 21 juin par Louis XVI, et à pourvoir à son remplacement par tous les moyens constitutionnels ; Déclarant les soussignés qu'ils ne reconnaîtront jamais Louis XVI pour leur roi, à moins que la majorité de la nation n'émette un vœu contraire à celui de la présente pétition[114]. Laclos eut sujet de s'applaudir, dans son demi-sommeil : la phrase qui était pour lui toute la pétition se trouvait enfin couchée sur le papier. A part cela, rien de plus habile que la rédaction de Brissot. Quoique très-violente, elle n'était pas factieuse. On ne protestait pas contre le décret du 15 juillet ; seulement on constatait, ce qui était vrai, qu'il ne s'expliquait pas sur le sort de Louis XVI, ce qui laissait à chacun le droit de désirer cette explication, et que la nation elle-même la donnât. Les constitutionnels du parlement, avertis de ce qui avait eu lieu aux Jacobins le soir du 15 juillet et pendant la nuit, parèrent le coup avec une dextérité remarquable. Déjà, dans la séance du 14, c'est-à-dire la veille de l'adoption du décret, Prieur, rencontrant Desmeuniers dans les couloirs de l'Assemblée, lui avait demandé : Et quel sera le sort du roi, si l'on vote dans le sens des comités ? A quoi Desmeuniers avait répondu : Ses pouvoirs seront suspendus jusqu'à l'achèvement de la Constitution ; s'il ne l'accepte pas, il ne sera plus roi. Et Grégoire, qui assistait à l'entretien, de répliquer : Il acceptera, jurera, et ne tiendra pas 2[115]. Or, le 16 juillet, pour ôter à la pétition de Brissot le caractère de légalité qu'elle tirait des réticences de l'Assemblée, Desmeuniers mit en décret sa réponse à Prieur[116] ; et l'Assemblée, avec une grande affectation de solennité, décréta ce qui suit : ARTICLE PREMIER. Si le roi, après avoir prêté son serment à la Constitution, se rétracte, il sera censé avoir abdiqué. ART. 2. Si le roi se met à la tête d'une armée pour en diriger les forces contre la nation, ou s'il ordonne à ses généraux d'exécuter un tel projet, ou enfin s'il ne s'oppose pas par un acte formel à toute action de cette espèce qui s'exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué. ART. 3. Un roi qui aura abdiqué ou sera censé l'avoir fait redeviendra simple citoyen : il sera accusable selon les formes ordinaires pour tous les délits postérieurs à son abdication[117]. Ce décret, qui avait pour but de changer la pétition de Brissot en acte de révolte, n'était guère de nature à satisfaire l'opinion publique ; il ne répondait pas à la préoccupation que Grégoire avait si bien rendue, quand il avait dit : Le roi acceptera, jurera et ne tiendra pas. Au fond, les constitutionnels le comprenaient de reste. Aussi n'avaient-ils rien négligé pour protéger l'Assemblée contre les effets prévus, du moins possibles, de l'indignation populaire. Depuis quelque temps, ce n'étaient que parades menaçantes dans les rues, manœuvres, bruits de tambours battant la générale. Le 16 juillet, l'Assemblée, dominée par les constitutionnels et présidée par Charles Lameth, alla plus loin : prenant tout à coup le rôle agressif, elle sembla, d'une ardeur fiévreuse, appeler le combat. Vadier, qui avait tonné, dans une séance précédente, contre les conclusions des comités, avec une exagération si brutale, que Marat put l'accuser de plagiat[118], Vadier ayant déclaré que, puisque les conclusions des comités étaient converties en décret, il exposerait sa vie pour les défendre, et qu'il détestait le système républicain, cette lâcheté obtint plusieurs salves d'applaudissements[119]. D'André, pour mieux souffler aux municipaux et au faible Bailly les colères du parti constitutionnel, affecta de se plaindre de la mollesse de l'Hôtel de Ville. Que tardait-on ? Il fallait faire une adresse aux Français ; mander la municipalité ; lui enjoindre de veiller avec soin à la tranquillité publique ; rendre les accusateurs publics de la ville de Paris responsables de toute infraction aux lois, non poursuivie ; donner l'éveil aux ministres. Tout cela fut voté presque sans discussion, sur-le-champ, dans une sorte de sombre transport, et sous la protection des canons de Lafayette. Car il s'était hâté de convoquer la garde nationale, et, comme si l'on avait eu peur, raconte Brissot, que les uniformes bleus ne succombassent dans ce terrible combat imaginaire, — le peuple, quoique irrité, était tranquille, — on avait convoqué les forts de la halle en équipage guerrier[120]. Inutile d'ajouter que, de toutes parts, retentissaient des imprécations contre Lafayette. Brissot lui-même, jusque-là son admirateur, et qui, pour l'avoir défendu, s'était attiré tant d'injures, Brissot fit dans le Patriote français la déclaration suivante : Ces horribles manœuvres s'exécutent sous les ordres d'un homme qui m'a dit cent fois être républicain, qui se dit l'ami du républicain Condorcet, Lafayette !… Il n'y a plus rien de commun entre lui et moi[121]. Cependant les Cordeliers et un nombre considérable d'hommes du peuple sont réunis au Champ de Mars, attendant qu'on apporte des Jacobins, pour être signée sur l'Autel de la pairie, la pétition que Laclos et Brissot ont dû rédiger la veille. Les commissaires paraissent, lisent la pétition ; mais à peine a-t-on entendu ces mots : Remplacement de Louis XVI par les moyens constitutionnels, qu'un violent tumulte s'élève ; on apprend que le rédacteur est Brissot, et l'on s'étonne qu'une pareille phrase soit tombée de la plume d'un républicain : après débat, elle est effacée[122]. Dans l'intervalle, le jour s'était écoulé, et les Jacobins se trouvaient assemblés dans leur noir sanctuaire. On leur rapporte la pétition, moins la phrase suggérée par Laclos, moins l'orléanisme. On juge si Laclos garda le silence ! Voulez-vous, oui ou non, s'écria-t-il, renoncer au plus beau de vos titres, celui d'amis de la Constitution ? Voyez M. Brissot, tout républicain qu'il est, il a reconnu qu'il ne fallait rien brusquer. Ces paroles firent impression. D'ailleurs, le décret par lequel, dans la journée même, l'Assemblée avait statué, très-explicitement cette fois, sur le sort du roi, altérait le caractère de la pétition de Brissot. Elle fut retirée, et l'impression, qu'on avait commencée déjà, suspendue[123]. Ce soir-là, vers sept heures, Robespierre, s'adressant aux Jacobins, leur disait : J'obéirai à la loi, mais je vous dois la vérité… terrible ! Et il se mit à tracer, de la conduite des comités réunis, de leurs artifices, de leurs sinistres desseins, un tableau qui épouvanta. On croyait entendre Raleigh, criant à ses bourreaux : Frappez ! quand le cœur est droit, qu'importe où va la tête ?[124] |
[1] Histoire de dix ans, t. V, CONCLUSION.
[2] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 360 et 361.
[3] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 364.
[4] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 364.
[5] L'Ami du peuple, n° 503.
[6] Le Patriote français, n° 688.
[7] Relation de l'archevêque de Toulouse, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 142.
[8] Mémoires de madame Campan, t II, chap. XVIII, p. 141.
[9] Mémoires de madame Campan, t II, chap. XVIII, p. 147.
[10] Relation de l'archevêque de Toulouse, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 142.
[11] Relation de l'archevêque de Toulouse, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 143.
[12] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XVIII, p. 149.
[13] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XVIII, p. 150.
[14] Décret du 3 juin 1791.
[15] Bertrand de Molleville, Annales de la Révolution, t. IV, chap. XLII.
[16] Bertrand de Molleville, Annales de la Révolution, t. IV, chap. XLII.
[17] Voyez Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 380-389, et le Patriote français, n° 689.
[18] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 389.
[19] Voyez le texte reproduit in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. X, p. 394-397.
[20] Voyez le texte reproduit in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. X, p. 397.
[21] Journal du fils aîné de d'Orléans, 27 juin 1791.
[22] La Feuille villageoise, 41e semaine.
[23] Cette lettre fut d'abord adressée à un journal intitulé l'Assemblée nationale.
[24] Mémoires du marquis de Ferrières, t. II, liv. X, p. 418.
[25] Voyez le texte reproduit in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. X, p. 433-437.
[26] Ce sont les propres paroles du marquis de Ferrières. Voyez ses Mémoires, t. II, liv. X, p. 417.
[27] Mémoires du marquis de Ferrières, t. II, liv. X, p. 418.
[28] Mémoires du marquis de Ferrières, t. II, liv. X, p. 393 et 394.
[29] Voyez la séance du 30 juin dans le Moniteur, ou dans l'Histoire parlementaire, t. X, p. 404.
[30] Journal de M. Suleau, n° 4.
[31] Voyez cette lettre de Rœderer dans la Feuille villageoise, 42e semaine.
[32] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 15. — Le premier numéro de ce journal est du 1er juin 1791.
[33] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 15.
[34] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 18.
[35] C'est ainsi que le Journal des Jacobins désigne Billaud-Varennes, le même qui depuis devint si fameux. S'il faut en croire le récit de l'archevêque de Toulouse, il était de ceux qui, à Varennes, arrêtèrent Louis XVI. Son nom était Billaud, il y ajouta le mot Varennes, en souvenir de cet événement. Voyez Souvenirs de la Terreur, par George Duval, t. I, chap. XII, p. 311.
[36] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 83.
[37] L'Ami du peuple, n° 501.
[38] L'Orateur du peuple, IIIe vol., n° XLVI.
[39] Révolutions de France, etc., n° 83.
[40] L'Orateur du peuple, IIIe vol. n° LIII.
[41] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 83.
[42] L'Orateur du peuple, IIIe vol., n° XLIX.
[43] Voyez à ce sujet le récit de Camille Desmoulins, dans son journal, n° 82.
[44] Dulac, représentant du peuple dans la dernière Assemblée, homme d'un noble cœur, aujourd'hui frappé de proscription, comme tant d'autres !
[45] Biographie universelle.
[46] Biographie universelle.
[47] Le Patriote français, n° 701.
[48] La Bouche de fer, n° 75.
[49] La Bouche de fer, n° 78.
[50] The life of Thomas Pain,
the author of seditious writings entitled : Rights of Man, by Francis Oldys. The sixth edition.
[51] Like other
hunted animals our adventurer, etc., p. 9.
[52] Pain, like
other animals, who delight in savage life, etc., p. 17.
[53] Whenever
or wherever he breathes his last, he will excite neither sorrow nor compassion.
No friendly hand will close his eyes. Not a groan will be uttered, not a tear
will be shed. Like Judas, he will be remembered by posterity ; men will learn
to express all that is base, malignant, freacherous, unnatural, and
blasphemous, by the single monosyllable : PAINE. The
life of Thomas Paine, by William Cobbett, p. 57.
[54] Voyez Rose's Biographical
dictionary, et the Biographical treasury, by Samuel Maunder, au mot
Thomas Paine.
[55] A
circumstance which seems to prove that he had not merited his dismission. Impartial Memoirs of the life of Thomas Paine, p. 6.
[56] By some it is said to have perished on the road of ill usage. Francis Oldys, p. 6.
[57] Impartial Memoirs, p. 12.
[58] Scandalous
breach of trust. Chalmer's Biographical dictionary.
[59] Biographie universelle.
[60] Impartial Memoirs, p. 12.
[61] Impartial Memoirs, p. 12. Voyez Chalmer's Biographical dictionary.
[62] Voyez ses Souvenirs sur Mirabeau, chap. XVI, p. 332.
[63] I followed
exactly what my heart dictated. I neither read books nor studied other people's
opinions.
[64] C'est ce que reconnaît dans ses Souvenirs, chap. XVI, p. 322, Étienne Dumont, qui ne l'aimait pas.
[65] You see the absurdity of monarchical governments. Here will be a whole nation disturbed by the folly of one man. Impartial Memoirs, p. 13.
[66] Impartial Memoirs.
[67] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 398.
[68] Le Patriote français, n° 693.
[69] Séance du 1er juillet 1791.
[70] Cette lettre fut insérée dans le Patriote français, n° 695.
[71] Patriote français, n° 701.
[72] Patriote français, n° 686.
[73] Patriote français, n° 693.
[74] Patriote français, n° 694.
[75] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 21.
[76] Voyez le texte, ou dans le Patriote français, ou dans le n° 85 du journal de Camille Desmoulins.
[77] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 84.
[78] Le Patriote français, n° 698.
[79] Révolutions de Paris, n° 104.
[80] Éloge de Condorcet, par François Arago, p. CXLIV, dans les Œuvres complètes de Condorcet.
[81] Biographie universelle.
[82] Biographie universelle.
[83] Éloge de Condorcet, par François Arago, p. CLXX.
[84] Éloge de Condorcet, par François Arago, p. CXVI.
[85] Éloge de Condorcet, par François Arago, p. CLXII.
[86] La Bouche de fer, n° 88.
[87] Souvenirs d'Étienne Dumont, chap. XVI, p. CXV.
[88] Éloge de Condorcet, par François Arago, p. 95, dans les Œuvres complètes de Condorcet.
[89] Souvenirs d'Étienne Dumont, chap. XVI, p. 329.
[90] Révolutions de Paris, n° 105.
[91] Révolutions de Paris, n° 105.
[92] La Bouche de fer, n° 90,
[93] La Feuille villageoise, 43e semaine.
[94] La Feuille villageoise, 43e semaine.
[95] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 85.
[96] Révolutions de Paris, n° 104.
[97] Cette fête a été sublime et attendrissante, dit Cérutti dans la Feuille villageoise, 43e semaine. Et cette impression, on la retrouve dans presque tous les récits du temps.
[98] L'Orateur du peuple, vol. IV, n° 2.
[99] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, depuis la page 428 jusqu'à la page 434.
[100] Voyez le texte du décret dans l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 69 et 70.
[101] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 26.
[102] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[103] Voyez les Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 437-441, et l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 30.
[104] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 441-449.
[105] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 452-462.
[106] Séance du 15 juillet 1791.
[107] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[108] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[109] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[110] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[111] Mémoires de madame Roland, p. 353. Collection Berville et Barrière.
[112] Journal des Débats de la Société des amis de la Constitution, n° 27.
[113] Mémoires de madame Roland, p. 354.
[114] La Bouche de fer, n° 95.
[115] Le Patriote français, n° 706.
[116] Le Patriote français, n° 708.
[117] Voyez le Moniteur.
[118] L'Ami du peuple, n° 253.
[119] Voyez la séance du 16 juillet, dans l'Histoire parlementaire, t. XI, p. 90.
[120] Le Patriote français, n° 707.
[121] Le Patriote français, n° 707.
[122] La Bouche de fer, n° 96.
[123] Le compte rendu de cette séance manque dans le Journal des Jacobins, mais il se trouve dans le n° 96 de la Bouche de fer.
[124] La Bouche de fer, n° 96.