Préparatifs de fuite. — Dissimulation et imprudence. — Rencontre singulière du duc d'Orléans et de Fersen sur la route de Vincennes. — Confidence de Javardin à Marat ; lettre trouvée dans la poche d'une dame de la cour ; Marat dénonce le projet de fuite. — Éveil donné par Carra. — Saisie d'un caisson appartenant au comte de Provence. — Bailly et Gouvion avertis secrètement. — Dispositions de Bouillé. — Paris, le soir du 20 juin. — Fuite nocturne de la famille royale. — Journée du 21 juin, à Paris. — Impression produite par l'évasion du roi. — Le peuple aux Tuileries. — L'Assemblée. — Mesures de salut public. — Les serviteurs du roi abandonnés aux vengeances populaires. — Proclamation aux Français. — Sortie violente de Bonneville. — Calme dédaigneux des représentants. — Attitude héroïque de Paris. — État moral des partis. — Madame Roland et Robespierre chez Pétion. — Robespierre aux Jacobins. — Lafayette apostrophé par Danton. — Paris, le 22 juin. — Complainte chantée par les rues. — La République demandée aux Cordeliers, repoussée par les Jacobins. — Placards républicains d'Achille Duchatelet et de Thomas Payne. — Exhortations en sens inverse de Bonneville et de Marat. — Humanité méprisante de Camille Desmoulins. — Motion du baron d'Elbeck ; nouvelle formule du serment. — Réponse de l'Assemblée à la Proclamation aux Français. — Nouvelle importante.Six cents sectionnaires enveloppaient le château d'une surveillance armée. Devant la porte extérieure, deux cavaliers vigilants ; à tous les postes du dehors, la garde nationale, attentive et inquiète ; des sentinelles à chaque porte du jardin ; le long de la terrasse sur la rivière, de cent pas en cent pas, des sentinelles. Les baïonnettes se hérissaient partout, dans l'intérieur même du palais, oui partout, et dans les issues qui conduisaient au cabinet du roi et sur le chemin des appartements de la reine, et jusqu'au fond d'un petit corridor noir où se trouvaient des escaliers dérobés pour le service des deux grands captifs[1]. Ils étaient épiés, d'ailleurs, par quiconque les approchait, depuis les premières femmes de chambre jusqu'aux derniers valets de pied. Malheur à eux s'ils ignoraient l'art de se comprendre par certains signes, s'ils n'avaient pas su créer pour leur usage quelque langage inconnu ; car les murailles regardaient et écoutaient ! On ne désespéra point cependant…. Mais, d'abord, où fuir, et de quel côté ? Depuis assez longtemps, le roi avait jeté les yeux sur Bouillé ; il correspondait avec lui en chiffres. A la suite d'un échange de lettres mystérieuses, Bouillé, qui avait dès le commencement mesuré toute l'étendue des périls, s'offrit sans réserve, avec un calme intrépide et morne. Entre lui et son maître, il fut convenu que le lieu de retraite serait Montmédy, ville très-forte, sur les confins de la Champagne. Là, on avait presque le pied sur les terres de l'empereur, on était dans le voisinage du Luxembourg, et, en cas de malheur, les Autrichiens accouraient. Restait à savoir par quelle route le roi gagnerait Montmédy : Bouillé proposa celle de Reims, plus aisée à couvrir, et qui donnait peu de villes à traverser. Mais c'était dans cette ville qu'avait eu lieu le sacre, et la figure de Louis XVI y était trop connue : il fut décidé qu'on prendrait la route de Châlons, par Clermont et Varennes. Bouillé se chargea de tout, depuis Châlons-sur-Marne, la première ville de son commandement en venant de la capitale, et, de son côté, la reine prit sur elle de tout préparer pour la sortie de Paris[2]. Il y avait, au rez-de-chaussée des Tuileries, un appartement qui s'ouvrait sur la cour des princes et sur la cour royale. Or, ni l'une ni l'autre de ces deux issues n'était gardée, et, de plus, les sentinelles qui garnissaient les cours étaient celles dont on avait le moins à redouter la surveillance, accoutumées qu'elles étaient à voir sortir du château beaucoup de monde à la fois, particulièrement vers onze heures du soir, lorsque le service du château était fini[3]. Si l'évasion était possible, c'était par là. Malheureusement, pour se rendre à cet appartement, que le duc de Villequier avait occupé et que son départ avait laissé vide, il fallait traverser la chambre de Madame de Ronchreuil, une des femmes attachées au service de la reine. Marie-Antoinette prétexta quelques arrangements intérieurs qui la forçaient de disposer de cette pièce, elle s'en empara, se procura la clef de l'appartement de M. de Villequier, et ne songea plus qu'aux autres dispositions jugées nécessaires. Du soin de tenir prêts chevaux et voitures, la reine chargea le comte de Fersen, jeune seigneur suédois, qui lui avait voué un culte poétique. Comme courriers, on choisit trois gardes du corps, MM. de Valory, de Moustier et de Malden, que le comte d'Agoult désigna[4]. Un passeport qui pût servir à toute la famille royale était indispensable : par une heureuse coïncidence, il arriva qu'une dame russe, la baronne de Korff, amie du comte de Fersen, venait de se faire donner un passeport pour elle, deux enfants, un valet de chambre et deux femmes. M. de Fersen n'eut pas de peine à obtenir de Madame de Korff qu'elle feindrait d'avoir laissé tomber ce passeport dans le feu, le lui céderait et en demanderait un autre[5]. Bouillé avait désigné au roi, comme pouvant lui être très-utile dans des circonstances imprévues, le comte d'Agoult, officier plein d'expérience et de bravoure ; mais la place qu'il devait occuper dans la voiture fut vivement réclamée par Madame de Tourzel, gouvernante des enfants. C'était un droit de sa charge ! Et telle est la misère de la vie des cours, que ce devoir d'étiquette parut absolument inviolable. Madame de Tourzel fut donc mise du voyage, et ce fut à elle que l'on conféra le titre de baronne de Korff. La reine devait voyager en qualité de gouvernante et s'appeler Madame Rochet. Il fut convenu que la princesse Élisabeth serait Rosalie, demoiselle de compagnie, et que Louis XVI, sous le nom de Durand, jouerait le personnage de valet de chambre[6]. Au comte de Fersen, depuis Paris jusqu'à Bondy, était réservé le rôle de cocher. Tout n'était, dans ces préparatifs, qu'imprévoyance et fausses mesures. Prendre pour courriers trois jeunes gardes-du-corps sans habitude du service des postes, au lieu de trois courriers véritables, connaissant la route, payant de mine, sachant mettre la main aux traits, faire aller les postillons, parler leur langage, n'était-ce point se trahir soi-même d'avance ? Du moins, si ces trois gardes du corps avaient connu Paris ! Mais non. Et, chose plus étrange, Fersen, le cocher Fersen, ne le connaissait pas davantage ! Mais il était dit qu'on accumulerait les imprudences.. Une des grandes préoccupations de la reine, qui le croirait ? était d'avoir à Bruxelles un trousseau complet, tant pour elle que pour ses enfants. Chargée de le faire faire ou de l'acheter, Madame Campan raconte qu'elle était obligée de sortir presque déguisée, et d'aller commander six chemises dans une boutique, six dans une autre, ici des robes, là des peignoirs[7]. Toute une soirée fut employée à l'emballage des diamants, et la reine fit partir, sous le prétexte, en vérité bien transparent, d'en faire cadeau à l'archiduchesse Christine, son nécessaire de voyage[8]. En même temps, et par une inconséquence singulière, on poussait la dissimulation jusqu'au mensonge. Louis XVI déclarait formellement au général Rochambeau que jamais il n'avait eu l'intention de quitter Paris[9] ; il en donnait si bien l'assurance à Madame de Lamballe, que celle-ci la transmettait à son médecin, M. Staëffert ; avec une bonhomie parfaitement jouée, le roi annonçait qu'il irait à la procession de la Fête-Dieu et payerait les frais du reposoir[10] ; ou bien, il faisait mettre une pierre de la. Bastille sur la table du conseil. De son côté, la reine assurait que, pour traîner le char triomphal de Voltaire, dont Paris attendait les cendres, elle voulait fournir un attelage de chevaux blancs[11]. Rencontrant M. de Montmorin, elle lui demanda s'il avait, vu Madame Élisabeth, et ajouta : J'ai fait tout au monde pour la décider à assister à la procession de la Fête-Dieu ; elle paraît s'y refuser : il me semble pourtant qu'elle devrait bien faire à son frère le sacrifice de son opinion[12]. Mais ce voile dont on essayait de se couvrir, on le déchirait à chaque instant soi-même. Fersen avait fait confectionner la voiture qui devait servir au voyage : c'était une berline énorme, si énorme qu'on ne pouvait manquer de la remarquer. Désirant s'assurer de sa solidité, il l'essayait, traînée rapidement par six forts chevaux, sur la route de Vincennes, lorsqu'il fut rencontré par le duc d'Orléans, qui s'y promenait avec Madame de Buffon : Êtes-vous fou, mon cher comte, s'écria le prince ; vous jouez là un jeu à vous casser le cou ! — C'est que je ne veux pas que ma voiture rompe en route. — Pourquoi donc est-elle si grande ? Nous enlèverait-elle tout un chœur d'Opéra ? — Non, monseigneur, je vous le laisse. — Adieu, bon voyage ! Ils se séparèrent, et trois jours après, le prince eût pu donner le signalement de la voiture, ce qu'il ne fit pas[13]. Tout à coup un article foudroyant est lancé. Marat, de sa plume que le peuple se plaît à regarder comme prophétique, laisse tomber ces mots effrayants : Une personne attachée au service du roi l'a surpris fondant en larmes dans son cabinet et s'efforçant de cacher ses pleurs à tous les regards.… On veut à toute force l'entraîner dans les Pays-Bas, sous prétexte que sa cause est celle de tous les rois de l'Europe.… Vous êtes assez imbéciles pour ne pas prévenir la fuite de la famille royale. Parisiens, insensés Parisiens, je suis las de vous le répéter : ramenez le roi et le dauphin dans vos murs ; gardez-les avec soin ; renfermez l'Autrichienne, son beau-frère, le reste de la famille. La perte d'un seul jour peut être fatale à la nation, et creuser le tombeau à trois millions de Français[14]. Voici le secret de cette prédiction. Parmi les patriotes qui pourvoyaient de nouvelles l'Ami du peuple, était un nommé Javardin, amant d'une blanchisseuse qui comptait au nombre de ses pratiques plusieurs personnes de la cour. Cette femme trouva dans la poche d'une dame attachée à la reine une lettre sans adresse, à demi déchirée, où néanmoins on lisait encore : les papiers sont prêts, on va préparer les voitures pour partir. La blanchisseuse remit cette lettre à Javardin, qui n'eut rien de plus pressé que de la communiquer à Marat[15]. L'éveil, du reste, avait été donné de divers côtés. L'abbé Maury avait demandé un passeport, et on s'en était inquiété ; Carra prétendait avoir reçu des confidences ; un caisson du comte de Provence, contenant de l'or, de l'argent et des assignats, avait été saisi et porté à la Ville[16]. S'il est vrai que, peu de jours avant la fuite, s'entretenant avec M. d'Ormesson, Lafayette ait ouvert un placard, en ait tiré un morceau de drap, et ait dit : Voici l'échantillon de l'habit, que le roi se fait faire pour partir, cette circonstance affirmée par l'abbé de Montgaillard[17], paraît peu croyable ; mais ce qui n'est pas douteux, c'est qu'on avait fait passer des avis décisifs à Bailly, à Lafayette, et à son aide de camp, M. de Gouvion. La maîtresse de ce dernier, employée au château, adressa au maire de Paris une dénonciation en forme : elle y déclarait qu'on faisait aux Tuileries d'actifs préparatifs de départ ; qu'elle avait deviné le motif de l'envoi du nécessaire de voyage ; qu'elle avait trouvé des diamants épars avec du coton sur le canapé de l'entresol de la reine, aux Tuileries[18]. Bailly garda le secret, au risque de commettre une trahison envers le peuple ; Lafayette et Gouvion l'imitèrent ; se contentant de redoubler de vigilance[19]. Le départ ayant été fixé à la nuit du dimanche au lundi, 19 et 20 juin, on se hâta d'en instruire Bouillé, qui sur-le-champ prit ses mesures. L'itinéraire du roi, à partir de Châlons, était celui-ci : D'abord, à trois lieues de Châlons, sur une petite rivière qu'il faut nécessairement passer, Pont-de-Somme-Vesle ; puis, à quatre lieues de là, Sainte-Menehould ; puis, à pareille distance, Clermont en Argonne ; après Clermont, le chemin se bifurque : celui de la droite est la grande route de Verdun ; celui de la gauche conduit à Varennes ; de Varennes à Dun, il y a cinq lieues ; à Dun, que six lieues à peine séparent de Montmédy, on passe la Meuse sur un pont, et l'on gagne la grande route de Verdun à Montmédy, en laissant Stenay sur sa gauche. Les arrangements de Bouillé consistèrent à placer, pour protéger la fuite de la famille royale : A Pont-de-Somme-Vesle, quarante hussards de Lauzun, sous le commandement du duc de Choiseul ; A Sainte-Menehould, quarante dragons du régiment royal, sous les ordres du capitaine Dandoins ; A Clermont, cent dragons du régiment de Monsieur et quarante du régiment royal, commandés par le comte Charles de Damas ; A Varennes, soixante hussards de Lauzun, commandés par le sous-lieutenant de Rodwel, le chevalier de Bouillé et M. de Raigecourt ; A Dun, cent hussards du régiment de Lauzun, sous les ordres du chef d'escadron Deslon. Pour se mettre en état de recevoir promptement les informations et de donner sans retard les ordres nécessaire, Bouillé devait lui-même se tenir entre Stenay et Dun, à peu près au centre de ses cantonnements. Mais la route à parcourir était une des plus soupçonnées ; le passage de beaucoup d'émigrés y avait rendu les populations défiantes à l'excès, et la Révolution, là plus que partout ailleurs, avait l'œil sur ses ennemis : qu'allait-on penser de ces mouvements de troupes ?.… Bouillé espéra déjouer les alarmes, en répandant le bruit d'un convoi d'argent pour la solde des régiments, et il couvrit sa sortie de Metz du prétexte d'une tournée qu'il avait eu soin d'annoncer d'avance. J'avais tellement persuadé le public, écrit-il dans ses Mémoires[20], que les Autrichiens rassemblaient un corps de troupes dans cette partie, quoiqu'il n'y eût aucun mouvement sur les frontières, que j'eus la possibilité de faire marcher dans les environs de Montmédy le peu de bons régiments qui me restaient. Parmi les personnes qui avaient la confiance de la reine, était le baron de Goguelat, officier au corps des ingénieurs géographes[21] : ce fut lui qui reçut mission de reconnaître la route et de rendre compte au roi des dispositions de Bouillé. Le secret fut aussi confié à MM. de Damas, Dandoins, d'Hoffelize, de Klinglin, Heyman, mais seulement à la veille de l'exécution. Quant aux autres commandants, on leur laissa croire qu'il ne s'agissait que d'escorter un trésor[22]. Tel était l'état des choses, lorsque, le 15 juin, Bouillé reçut à Longwy une lettre par laquelle le roi l'instruisait que son départ était retardé ; qu'il ne partirait que le 20, entre minuit et une heure ; qu'il ne pouvait mener avec lui dans sa voiture le marquis d'Agoult, parce que la gouvernante des enfants de France, madame de Tourzel, avait insisté sur les privilèges de sa charge qui lui donnait le droit de ne jamais quitter les enfants de France, dont elle était gouvernante[23]. Ce retard de vingt-quatre heures venait de ce qu'une femme de chambre du dauphin, personne très-sûre qui devait prendre le service au jour primitivement fixé, s'étant trouvée malade[24], sa camarade, qu'on suspectait fort de jacobinisme, continua le service jusqu'au 20 ; or, comme on n'osait ni se fier à elle ni la renvoyer, on aima mieux attendre. Un pareil contre-temps était un véritable malheur : il nécessitait de nouveaux ordres, dont le moindre inconvénient était la prolongation du séjour des troupes sur des points où leur présence risquait d'amener l'orage ! Le jour du départ venu, la reine, pour éloigner tout soupçon, alla se promener en voiture sur le boulevard avec sa sœur et son fils. Elle termina sa promenade au jardin de Boutin, y resta jusqu'à neuf heures, et rentra au château[25]. Ce soir-là, en dépit des rumeurs inquiétantes depuis quelque temps répandues, un calme inaccoutumé régna dans Paris. Camille Desmoulins revenant, à onze heures, du club des Jacobins, avec Danton et quelques autres patriotes, s'étonna de ne rencontrer qu'une patrouille, et ne put s'empêcher de faire la remarque que la ville paraissait abandonnée[26]. Vers dix heures et demie, le roi et la reine ayant soupé
comme à l'ordinaire, s'étaient retirés comme pour se coucher. Dès qu'ils
purent supposer le château endormi, ils se rendirent dans l'appartement de
Madame Royale. Mon frère, a raconté cette
princesse dans un style d'une simplicité touchante, mon
frère avait été aussi réveillé par ma mère, et madame de Tourzel le conduisit
à l'entresol de ma mère. Je descendis avec lui. Nous trouvâmes là un des
gardes du corps, nommé monsieur de Maldan, qui devait nous faire partir. Ma
mère vint plusieurs fois nous voir. On habilla mon frère en petite fille ; il
était charmant. Comme il tombait de sommeil, il ne savait pas ce qui se
passait. Je lui demandai ce qu'il croyait qu'on allait faire ? il me dit
qu'il croyait qu'on allait jouer la comédie parce que nous étions déguisés[27]. Louis XVI, en
effet, qui devait passer pour le valet de chambre de madame de Korff, portait
un habit gris et une perruque. Madame de Tourzel sortit la première, emmenant les enfants et accompagnée par un des trois gardes du corps. Le comte de Fersen attendait les fugitifs, sur le petit Carrousel, au coin de la rue de l'Échelle, assis en cocher sur le siège d'une voiture de remise. Lorsque madame Élisabeth, qui suivait à peu de distance, arriva, madame de Tourzel était déjà dans la voiture, ayant à ses côtés. Madame Royale, et à ses pieds, couché dans le fond[28], le dauphin, qui, avec l'insouciance de son âge, s'était sans doute arrangé là pour dormir. Louis XVI vint ensuite, non sans avoir couru un grand péril ; car, comme il passait assez près d'une sentinelle de la porte du Carrousel, une de ses boucles de soulier s'étant cassée, il fut obligé de la raccommoder presque sous les yeux du soldat. On n'attendait plus que la reine, et elle ne paraissait pas. Qu'était-ce donc ? Avait-elle été reconnue ? Était-elle arrêtée ? En proie à une anxiété terrible, le malheureux Louis XVI comptait une à une ces minutes qui, quelquefois, sont des années. Quelques instants auparavant, un fiacre vide s'étant arrêté près de la voiture qui allait renfermer les destinées de la monarchie, le cocher avait attaqué de conversation monsieur de Fersen, le prenant pour un de ses camarades. Le hardi gentilhomme répondit avec présence d'esprit, dans le jargon convenable. Mais la situation était moins singulière encore que tragique. Le comte se trouvait avoir sur lui une mauvaise tabatière ; il offrit une prise de tabac à son gênant confrère, et parvint à se débarrasser de lui, sans avoir éveillé ses soupçons[29]. Enfin, on aperçut la reine, à qui on avait laissé, pour l'accompagner, le troisième garde du corps. Coiffée d'un grand chapeau qui lui couvrait le visage, et favorisée par l'obscurité d'une nuit plus noire que d'habitude, elle avait passé inaperçue, et même il lui avait été donné de croiser impunément Lafayette, qui traversait le Carrousel, juste en ce moment, dans une voiture entourée de laquais et de flambeaux[30]. Mais, par malheur, ni elle, ni son guide ne connaissaient Paris. Il en résulta qu'au lieu de prendre à gauche, ils tournèrent à droite, franchirent les guichets du Louvre, traversèrent le Pont-Royal et s'égarèrent dans la rue du Bac. Après avoir ainsi erré plus d'une demi-heure, il leur fallut se résoudre à demander leur chemin, qu'une sentinelle du pont leur indiqua, sans reconnaître la reine. Ils revinrent donc sur leurs pas, longèrent les cours des Tuileries, et atteignirent la rue de l'Échelle, ayant perdu beaucoup de temps, lorsque, peut-être, le gain d'une heure, d'une minute, c'était le salut[31]. N'importe ! Voici toute la famille réunie : les chevaux qui doivent l'arracher à la Révolution s'ébranlent sous le fouet ; on part. Il y avait à aller joindre la berline de voyage, placée au delà de la barrière Saint-Martin. Quelle fut l'inquiétude de Louis XVI, mieux instruit que son guide de la topographie de Paris, quand il sentit rouler le long de la rue Saint-Honoré cette voiture qui emportait sa femme, sa sœur, ses enfants, tout le trésor de son cœur ! Fersen ignorait ou n'avait osé prendre le plus court chemin ! On laissa la rue de Grammont derrière soi ; on traversa le boulevard ; on passa, dans la rue de la Chaussée-d'Antin, devant les fenêtres du n° 42.... — Ô Mirabeau, le roi de France serait-il forcé de fuir, si vous étiez encore là ? — puis on atteignit la rue de Clichy et la maison de madame Sullivan. Aussitôt Fersen mit pied à terre, pour s'enquérir de son postillon et de la berline[32] : Partis depuis une heure et demie[33], grommela le concierge, du milieu de son sommeil. Depuis une heure et demie ! Les chevaux reprirent leur course, et, par les vieux boulevards, gagnèrent rapidement la barrière Saint-Martin. La berline y était ; on la prit et on abandonna le carrosse de remise, tout attelé, dans la grande rue, sans personne pour le garder ou le ramener chez son maître[34]. Fersen tint les rênes jusqu'à Bondy, où la famille royale avait été précédée par deux femmes de chambre et un cabriolet de suite. Le postillon qui les avait conduites était resté, et ce ne dut pas être pour lui un médiocre sujet d'étonnement que de voir un homme, habillé en cocher de fiacre, descendre de son siège, prendre congé, avec un respect affectueux et des manières élégantes, de ceux dont il menait la berline, et monter, pour s'en retourner à Paris, dans une belle voiture qui semblait lui appartenir[35]. Cet homme, c'était le comte de Fersen, dont la mission finissait à Bondy. Plein d'émotion, il dit adieu à cette reine, au sort de laquelle le liait une fidélité chevaleresque. Cet adieu devait-il être le dernier ?… Deux voitures, neuf voyageurs, onze chevaux, trois courriers en vestes neuves d'un jaune éclatant, l'un assis sur le siège, l'autre galopant à la portière, un troisième courant en avant pour préparer les relais, voilà ce qu'il fallait que vissent passer devant eux, sans y prendre garde, sur une route hantée par le fantôme de l'émigration, des milliers d'hommes soupçonneux jusqu'au délire ! Mais Paris, ce formidable Paris, n'ayant plus la main sur eux, les fugitifs avaient presque cessé de croire au péril, et ils se hâtaient vers Châlons, le cœur ouvert à l'espérance. Cependant tout Paris était debout. Le 21 juin, dès la pointe du jour, les personnes de la domesticité du château avaient trouvé déserts l'appartement du roi, celui de la reine, et, de bouche en bouche, la nouvelle fatale était parvenue jusqu'aux quartiers les plus éloignés. Dans les rues inondées de peuple, sur les places publiques, le long des faubourgs mugissants, au seuil de chaque boutique, à la porte de chaque maison, les citoyens s'abordaient avec ces mots : Eh bien, il est parti ! L'étonnement, l'inquiétude, la colère, furent les mouvements de la première heure. Comment avait-il pu s'enfuir ? Par où ? Et ses complices ? Lafayette avait donc fermé les yeux, le traître ! Mais à quelle épouvantable trame se rattachait donc ce départ ? La France allait-elle périr étouffée entre la guerre civile et la guerre étrangère ? Oh ! ce Louis XVI, ce roi honnête homme, qui tant de fois avait juré qu'il ne partirait pas ! C'était ainsi que les rois tenaient leur parole ! L'Assemblée se réunit à la hâte. La municipalité, par trois coups de canon, annonça officiellement la fuite du monarque. Les clubs se déclarèrent en permanence[36]. Ordre de mettre les scellés aux Tuileries. Défense de sortir de Paris. En même temps on battait la générale dans toutes les directions ; les fameuses piques du 14 juillet, maintenant retrouvées, étaient accueillies sur la place de Grève par un tonnerre d'applaudissements[37] ; au bruit du tambour, les malades de l'hôpital du Gros-Caillou forçaient la garde, prenaient des épées, et sortaient avec l'habit ordinaire de l'hôpital, pour défendre la patrie[38] ; les bonnets de laine reparaissaient, éclipsant cette fois les bonnets d'ours[39], et une foule immense se portait aux Tuileries, dont elle prenait irrésistiblement possession. Là, l'indignation faisant place au mépris, le portrait du roi fut décroché et suspendu à la porte ; une jeune fille foula aux pieds le bonnet de la reine, dont on l'avait voulu coiffer ; et, assise sur le lit de Marie-Antoinette, une fruitière vendait des cerises en disant : C'est aujourd'hui le tour de la nation de se mettre à son aise[40]. Le journal de Prudhomme, qui a conservé à l'histoire ces détails caractéristiques, assure qu'on respecta le cabinet d'étude du dauphin, mais il ajoute, phrase calomnieuse, évidemment dictée par la haine : Nous rougirions de rapporter le titre des livres du choix de sa mère[41]. Des scènes analogues se passaient sur chaque point de la
ville. Et partout, le dédain effaçant la colère ; partout une gaieté ironique
se mêlant au dédain. Ici, on proscrivait les enseignes où figurait le mot roi,
y compris le Bœuf couronné[42] ; là, on
remarquait que les petites affiches n'avaient rien dit de l'évasion, même à
l'article des effets perdus ; ailleurs, des patriotes proposaient, en riant,
d'envoyer des courriers au prince de Condé pour lui mesurer le nez, qui,
disaient-ils, devait être singulièrement long[43]. La motion fut
faite en plein vent, au Palais-Royal, si on ramenait le roi, de l'exposer
pendant trois jours à la risée publique, et de le renvoyer ensuite avec
ignominie. Car, qu'en ferions-nous ? Il viendrait
comme Thersite nous verser ces larmes grasses dont parle Homère[44]. Les femmes
disputèrent aux hommes la garde des portes de la ville : Ce sont les femmes qui ont amené le roi à Paris ; ce sont
les hommes qui le laissent évader, et les hommes de répliquer : Ne vous vantez pas tant, mesdames ; vous ne nous aviez
point fait là un grand cadeau[45]. Comme le comte de Provence, frère du roi, s'était échappé, lui aussi, du Luxembourg, et avait pris la route de Bruxelles, où, plus heureux que Louis XVI, il arriva sans accident, la section du Luxembourg déchira un drapeau donné à Monsieur, et en fit la bourre d'un canon[46]. Quant aux partis, l'évasion du roi les satisfit tous également, quoique par des motifs bien divers. Les nobles, les prêtres, les courtisans s'attendaient, avec une joie soigneusement dissimulée, à voir enfin l'épée de l'étranger couper ce nœud gordien qu'ils se sentaient impuissants à dénouer. Le trône, devenu vacant, plaisait aux orléanistes. Les constitutionnels espéraient amener plus facilement Louis XVI à accepter la constitution, lorsqu'il aurait perdu tout autre titre à la couronne. Les républicains comptaient prouver que la fuite du monarque était l'anéantissement du contrat passé par lui avec le peuple, et équivalait à une abdication. Un homme, un seul homme paraissait saisi d'un trouble profond, et redoutait à l'excès le lendemain. C'était Robespierre. Madame Roland était arrivée à Paris, avec son mari, le 20 février 1791[47]. Le 21 juin, s'étant rendue dans l'après-midi chez Pétion, elle le trouva s'entretenant avec Robespierre et Brissot de l'événement de la nuit. Brissot et Pétion étaient pleins d'allégresse, pleins d'espoir. Suivant eux, le roi, en fuyant, n'avait fait que céder la place à la République. Mais était-il présumable, était-il possible que la famille royale se fût risquée à une telle démarche sans laisser derrière elle une coalition prête à ordonner une Saint-Barthélemy des patriotes ? Ainsi parlait Robespierre, et il demandait ce que c'était qu'une république ; paroles d'ailleurs assez obscures, assez ambiguës, surtout s'il est vrai qu'il les prononça en mangeant ses ongles et en ricanant[48]. Une des premières pensées du peuple, dans cette crise, avait été pour l'Assemblée nationale. Louis XVI, avait-il dit, peut aller où il voudra, notre roi est là dedans[49]. Et de fait, l'Assemblée déploya beaucoup d'intelligence, de vigueur. Après avoir mandé les ministres, expédié des courriers dans les départements avec ordre d'arrêter toute personne sortant du royaume ; après avoir placé de forts détachements autour de la salle, assuré la liberté de ses délibérations, envoyé des commissaires pour veiller à l'ordre public, et mandé à sa barre Lafayette, Bailly, Gouvion. qu'une foule ardente retenait comme coupables de complicité dans la fuite du roi, l'Assemblée fit afficher une proclamation portant : Que les mesures les plus sévères étaient prises pour suivre la trace des machinateurs de l'évasion ; Que les citoyens devaient se reposer uniquement sur les représentants du peuple du soin de pourvoir au salut public ; Que tout mouvement tendant à exciter des troubles, toute menace adressée aux personnes, toute atteinte aux propriétés étaient des crimes de lèse-nation. Puis, afin de mettre de l'unité et de l'activité dans le gouvernement, on décida : Que les ministres seraient admis aux séances ; Que les décrets de l'Assemblée auraient force de loi dans tout le royaume ; Que le ministre de la justice y apposerait le sceau de l'État ; Que le comité militaire se chargerait de veiller à la sûreté intérieure ; Qu'on s'assurerait des dispositions des régiments suisses. Tout à coup on annonce l'arrivée de Lafayette. Instruit un des premiers de l'invasion, il avait couru aux Tuileries ; y avait écrit, de l'avis de Beauharnais et de Bailly, sous sa propre responsabilité, l'ordre à tous les gardes nationaux du royaume, d'arrêter le roi ; s'était rendu de là à l'Hôtel de Ville, au milieu des imprécations de la foule, l'avait étonnée par son sang-froid et désarmée par ces mots habiles : Eh bien ! de quoi vous plaignez vous ? Chaque citoyen ne gagne-t-il pas 20 sols de rente à la suppression de la liste civile ?[50] Lorsqu'il entra dans l'Assemblée, Barnave, qui commençait à changer de sympathies et de haines, venait de le défendre, avec une chaleur qu'on crut généreuse, contre les soupçons dont il avait été poursuivi. Le général était en uniforme. Comme il s'asseyait à côté de Camus, celui-ci, se levant aussitôt, s'écria d'une voix passionnée : Point d'uniforme ici ![51] Ce fut le seul mouvement de nature à diviser ou à aigrir les esprits ; il fut bien vite apaisé, et l'Assemblée reprit ses délibérations avec un calme qui ne se démentit plus. Duport rendit compte de l'état des différents quartiers de Paris. Lafayette. et Gouvion furent entendus. Une lettre, adressée à la reine et trouvée dans ses appartements par le peuple, avait été remise au président ; on s'abstint de l'ouvrir. Les ministres étaient successivement arrivés, et Montmorin, dont le peuple avait assailli la maison, mais que l'Assemblée avait envoyé délivrer, avait été invité à prendre place parmi ses collègues. Accusé d'être au moins dans le secret du roi, il dit au président : Il y a à parier que si j'avais donné au roi le conseil de partir, je l'aurais précédé ou suivi[52]. Le mot était décisif. Et, en effet, Louis XVI ne s'était ouvert de son dessein ni à Montmorin, ni à la plupart de ses serviteurs qui, dans l'assaut livré au trône, combattaient sur la brèche : prudence profondément égoïste qui abandonnait ces malheureux au hasard des vengeances populaires ! Quelle dénonciation de cette indifférence cruelle dans le billet suivant, que Montmorin écrivait au comte de La Marck, à la date du 21 juin : Je reçois dans l'instant une lettre du roi qui m'annonce qu'il est parti. Jugez dans quel étal je dois être ; je ne sais ce qui va arriver. Je crois devoir rester[53]. De Laporte, intendant de la liste civile, n'avait pas été mis non plus dans le secret, bien que chargé d'une mission qui risquait de lui coûter la vie : il apporta un mémoire que le roi avait déposé tout cacheté entre ses mains, avec ordre, de le communiquer au président de l'Assemblée nationale, à un moment donné qu'on avait indiqué d'avance. Ce mémoire, intitulé Proclamation à tous les Français, commençait ainsi : Lorsque, le roi a pu espérer de voir renaître l'ordre et le bonheur par les moyens employés par l'Assemblée nationale et par sa résidence auprès de cette Assemblée, aucun sacrifice ne lui a coûté ; il n'aurait pas même argué du défaut de liberté dont il est privé depuis, le mois d'octobre 1789 ; mais aujourd'hui que le résultat de toutes les opérations est de voir la royauté détruite, les propriétés violées, la sûreté des personnes compromise, une anarchie complète dans toutes les parties de l'empire, sans aucune apparence d'autorité suffisante pour l'arrêter, le roi, après avoir protesté contre tous les actes émanés de lui pendant sa captivité, croit devoir mettre sous les yeux des Français le tableau de sa conduite. Ici Louis XVI rappelait avec amertume les journées d'octobre, son séjour aux Tuileries, les incommodités que cette demeure, inhabitée depuis plus de cent ans, avait offertes à lui et à sa famille, l'éloignement forcé de ses gardes, le meurtre de deux d'entre eux, les attaques dirigées contre l'honneur d'une épouse fidèle qui venait de mettre le comble à sa bonne conduite, son emprisonnement dans son propre palais, sa mise hors la constitution, la modicité de sa liste civile, les brèches faites à son pouvoir, l'omnipotence des clubs insultant à l'autorité royale avilie, l'opposition mise au départ des tantes du roi, l'émeute de Vincennes, les serviteurs les plus dévoués du trône ignominieusement chassés des Tuileries, enfin le système de contrainte qui l'avait réduit à éloigner sa chapelle, à approuver la lettre du ministre Montmorin aux puissances étrangères, et à aller à la messe du nouveau curé de Saint-Germain-l'Auxerrois. D'après tous ces motifs, disait Louis XVI en finissant, et l'impossibilité où est le roi d'empêcher le mal, il est naturel qu'il ait cherché à se mettre en sûreté. Français ! et vous qu'il appelait habitants de la bonne ville de Paris, méfiez-vous de la suggestion des factieux, revenez à votre roi, il sera toujours votre ami, quand notre sainte religion sera respectée, quand le gouvernement sera assis sur un pied stable, et la liberté établie sur des bases inébranlables. P. S. Le roi défend à ses ministres de signer aucun ordre en son nom, jusqu'à ce qu'ils aient reçu des ordres ultérieurs, et enjoint au garde des sceaux de lui renvoyer le sceau lorsqu'il en sera requis de sa part. Signé : LOUIS[54]. Dans le précieux manuscrit que nous possédons, et où, plusieurs fois déjà, nous avons eu occasion de puiser des détails entièrement inconnus jusqu'ici, on affirme que la Proclamation aux Français fût rédigée par Monsieur[55]. Si le fait est vrai, il y faudrait voir une preuve nouvelle de la noirceur de ce prince artificieux. Car, quoi de plus malhabile, de plus ridicule, de plus propre à décrier Louis XVI, qu'un manifeste où il exhalait, sur la modicité de sa liste civile et l'incommodité de son séjour aux Tuileries, des plaintes si peu dignes d'un esprit élevé, avouant d'ailleurs qu'il avait toujours eu en horreur cette constitution jurée par lui avec tous les dehors d'une sincérité parfaite, s'accusant ainsi lui-même de duplicité, et descendant jusqu'à donner à sa femme, à la reine de France, un certificat de bonnes mœurs ! Perfide, lisait-on à ce sujet, le lendemain, dans la Bouche de Fer[56], tu as voulu imiter le roi Jean, qui appela les Brabançons et les bulles du pape pour l'aider à violer la foi promise et anéantir la grande charte d'Angleterre, signée, disait-il, malgré lui ! Tu ne réussiras pas davantage. Tu te plains, comme un enfant gâté, que rien n'était prêt aux Tuileries pour te recevoir ? Ingrat ! Cinq à six cent mille hommes armés veillaient à ta sûreté, et n'accusaient des malheurs de l'empire que la fatale destinée des rois et les êtres vils qui t'avaient entouré. Ce langage exprimait avec violence un sentiment qui, dans l'Assemblée, revêtit les formes du dédain. M. de Rochambeau et les officiers généraux qui se trouvaient à Paris furent appelés et s'empressèrent de mettre leur épée au service des représentants du peuple. On chargea Montmorin d'assurances pacifiques pour les puissances étrangères. A des commissaires spéciaux on confia le soin d'inventorier les effets du Garde-Meuble, de surveiller la caisse de l'extraordinaire, de constater l'état actuel du trésor public ; et sur leur rapport, qu'il n'avait été rien soustrait des diamants de la couronne, que le trésor public contenait 31 millions 300 mille livres, dont 10 millions en numéraire, que les payements étaient au pair, que la trésorerie les continuait activement, l'Assemblée, au milieu des acclamations des tribunes, passa froidement à l'ordre du jour[57]. Quant au peuple, son attitude était admirable. Les premiers transports une fois calmés, un ordre extraordinaire s'établit partout, comme par enchantement. La sérénité avait reparu soudain sur tous les visages. Les affaires s'expédiant avec la même célérité que si le roi eût été aux Tuileries, les ouvriers allèrent à leurs travaux accoutumés, les carrosses roulèrent, les spectacles s'ouvrirent. On avait vu, chose assez nouvelle, des princes se faire sentinelles, et le duc de Montpensier avait été remarqué montant la garde à la porte du Palais-Bourbon[58] ; mais à quoi bon des sentinelles ? Le sentiment qui prévalait désormais était une sorte de calme méprisant et fier. Rome, après la bataille de Cannes, n'avait pas montré plus de hauteur que Paris menacé d'avoir sur les bras l'Europe entière. Ce fut au point que, la vente des biens nationaux continuant, on en vendit, dans un seul jour, pour 100 mille livres[59] ! Mais avec ce sentiment de sécurité générale contrastait l'inquiétude de quelques tribuns soupçonneux. Ni Camille Desmoulins, ni Marat, ni Danton, ni Robespierre, ni Bonneville, n'étaient satisfaits. L'Assemblée qui, au point de vue constitutionnel, s'était montrée si sage, si vigilante et si forte, leur inspirait par cela même une défiance mêlée de colère. Accoutumés à voir clair dans les intrigues de parti, ils avaient remarqué avec quelle dextérité suspecte les meneurs de la gauche monarchique avaient maintenu le piédestal, tout en s'attaquant à l'idole, et détourné de la royauté les coups qu'il leur avait fallu porter au roi. Ils pressentaient de prochaines désertions. D'où venait, par exemple, cette sollicitude subite que Barnave avait témoignée à l'égard de Lafayette ? Une chose les irritait surtout : c'était l'affectation que l'Assemblée avait mise à appeler la fuite du roi un enlèvement ; grossier mensonge, si grossier, qu'il en devenait puéril. Rencontrant Lafayette, Camille Desmoulins lui dit sans plus de détour : Je pardonne à un valet de mentir, lorsque son maître le chasserait s'il disait la vérité ; mais l'Assemblée, quand elle a autour d'elle trois millions de baïonnettes ! quelle bassesse ou quelle trahison ! Lafayette balbutia que le mot enlèvement était un vice de rédaction ; que l'Assemblée le corrigerait[60]. Mais il savait bien le contraire. Voulant adoucir l'ardent jeune homme, il le quitta en lui serrant la main et en disant à plusieurs reprises : C'est bien infâme, cette conduite du roi[61]. Le soir du 21 juin, les Jacobins s'assemblèrent.
Robespierre y parut le visage plus sombre que de coutume. Barnave entendait
faire décider que la société mère écrirait aux sociétés affiliées : Toutes les divisions sont oubliées, tous les patriotes
sont réunis. L'Assemblée nationale, voilà notre guide ; la Constitution,
voilà notre cri de ralliement. Robespierre qui croyait le peuple
environné de pièges, prit la parole. Dans un formidable système de
dénonciation, il enveloppa le roi, ses complices couronnés, l'émigration en
masse, les contre-révolutionnaires de l'intérieur, les ministres, l'Assemblée
; l'Assemblée, qui essayait de tromper l'opinion sur le caractère de la fuite
du roi, et qui laissait aux mains des serviteurs d'un trône déshonoré la direction
des forces nationales. Dans un moment, tout 89, le
maire, le général, les ministres, dit-on, vont arriver ici. Comment
pourrions-nous échapper ? Antoine commande les légions qui vont venger César
! et c'est Octave qui commande les légions de la République ! On nous parle
de réunion, de nécessité de se serrer autour des mêmes hommes ; mais lorsque
Antoine fut venu camper à côté de Lepidus, et parla aussi de se réunir, il
n'y eut bientôt plus que le camp d'Antoine, et il ne resta plus à Brutus et à
Cassius qu'à se donner la mort… Je sens que
ces vérités ne sauveront pas la nation sans un miracle de la Providence, qui
daigne veiller mieux que vos chefs sur les gages de la liberté. Mais j'ai
voulu du moins déposer dans votre procès-verbal un monument de ce qui va vous
arriver… En accusant la presque universalité de mes confrères, les membres de
l'Assemblée, d'être des contre-révolutionnaires, les uns par terreur, les
autres par ignorance, d'autres par ressentiment, d'autres par suite de
l'orgueil blessé ou d'une confiance aveugle, je sais, je sais que j'aiguise
contre moi mille poignards ; mais si, dans les commencements de la
Révolution, et lorsque j'étais à peine aperçu dans l'Assemblée nationale, si,
lorsque je n'étais vu que de ma conscience, j'ai fait le sacrifice de ma vie
à la vérité, aujourd'hui que les suffrages de mes concitoyens m'ont bien payé
de ce sacrifice, je recevrai presque comme un bienfait une mort qui
m'empêchera d'être témoin de maux que je vois inévitables[62]. L'Assemblée était profondément émue, Tout à coup, les yeux pleins de larmes, Camille Desmoulins se lève et s'écrie : Nous mourrons avant toi. A ces mots, huit cents personnes, les bras tendus vers Robespierre, jurent de se rallier autour de lui, offrant un tableau admirable par le feu de leurs paroles, l'action de leurs mains, de tout leur visage, et par l'inattendu de cette inspiration soudaine[63]. En ce moment même, entraient Desmeuniers, Le Chapelier, Beaumetz, d'André, Lafayette, et toute la léproserie de 89[64]. Les attaques étendues par Robespierre sur un si grand nombre de têtes, Danton imagina aussitôt de les rassembler sur un seul homme, pour l'accabler, et il choisit Lafayette. L'adhésion donnée par le général au système des deux chambres du prêtre Sieyès, sa tendresse hypocrite pour les conceptions de Mounier, sa guerre de chaque jour aux libres écrits, l'expédition de Vincennes, la protection accordée aux chevaliers du poignard, celle offerte au roi partant pour Saint-Cloud, l'affaire des grenadiers de l'Oratoire, enfin tout ce dont se composait depuis quelques mois le texte des accusations, bien ou mal fondées, qui pleuvaient sur Lafayette, Danton le résuma dans une foudroyante apostrophe. Je parlerai, avait-il dit en commençant, comme si je burinais l'histoire pour les siècles à venir[65]. Ô prodige d'audace ! Danton qui osait parler ainsi à Lafayette, avait reçu l'argent de la cour, et Lafayette le savait[66] ! Voici ce que Mirabeau, peu de temps avant sa mort,
écrivait au comte de La Marck[67] : Danton a reçu hier trente mille livres, et j'ai la preuve
que c'est Danton qui a fait faire le dernier numéro de Camille Desmoulins.…
Enfin, c'est un bois ! Quelle considération arrêta sur les lèvres de Lafayette le mot, le mot terrible, qui eût écrasé son antagoniste ? Recula-t-il devant la crainte de compromettre Montmorin le corrupteur ? Craignit-il de se compromettre lui-même en ne révélant que pour le besoin de sa cause personnelle, ou de ses vengeances, un secret aussi honteux ? Ce qui est sûr, c'est qu'il s'abstint, ainsi que l'habile impudence de Danton l'avait pressenti. Conciliateur empressé, Alexandre Lameth se leva, et interpellant ce dernier : N'est-il pas vrai, demanda-t-il, que même lorsque je vous ai dit le plus de mal de Lafayette, j'ai toujours cautionné son patriotisme et affirmé que, dans une contre-révolution, il se ferait tuer à la tête des patriotes ? Danton était revenu s'asseoir auprès de Camille Desmoulins. Est-il possible ? s'écria celui-ci. — Oui, répondit Danton, et il n'hésita pas à confirmer les paroles de Lameth[68]. Toutes les voix appelaient Lafayette à la tribune : il y alla, raconte Camille Desmoulins, en frappant le pas militaire pour soutenir une marche chancelante, se contenta de déclarer qu'il venait se réunir aux Jacobins, parce que là étaient les vrais patriotes, et sortit de la salle pendant que, secondés des membres du club de 89, ses partisans faisaient grand bruit de ce qu'ils nommèrent sa victoire[69]. La vérité est que la conscience du danger commun disposait les esprits à la concorde. La lettre aux sociétés affiliées, telle que Barnave l'avait conçue, fut adoptée, et elle le fut avec cette phrase, où se retrouvaient les calculs de l'Assemblée et ses préoccupations monarchiques : Le roi, égaré par des suggestions criminelles, s'est éloigné de la capitale[70]. Le lendemain, 22 juin, le mot des Parisiens, à leur réveil, était : Nous n'avons pas de roi, et cependant nous avons très-bien dormi[71]. La bourgeoisie, à son tour, se répandait en railleries, et un grave journal du temps rapporte avec complaisance que les députations de la garde nationale, en marche vers l'Assemblée, se faisaient précéder de musiciens jouant, par allusion à l'arrestation présumée du roi, l'air : Ah ! le bel oiseau, maman ! Colin l'a mis dans ma cage[72]. Les républicains sentirent que le moment était venu pour eux de pousser à l'établissement de la République. Le club des Cordeliers imprima la citation suivante, accommodée aux circonstances, en tête d'un manifeste dans lequel il déclarait renfermer autant de régicides que de membres : Songez qu'au Champ de Mars, à cet autel auguste, Louis nous a juré d'être fidèle et juste. De son peuple et de lui tel était le lien : Il nous rend nos serments, puisqu'il trahit le sien. Si, parmi vous, Français, il se trouvait un traître Qui regrettât les rois et qui voulût un maître, Que le perfide meure au milieu des tourments ! Que sa cendre coupable, abandonnée aux vents, Ne laisse ici qu'un nom plus odieux encore Que le nom des tyrans que l'homme libre abhorre[73]. Parmi les journaux qui s'élancèrent le plus vivement dans cette voie, il faut citer la Bouche de Fer, dont Claude Fauchet, alors à Caen, avait abandonné la rédaction aux hardiesses de Bonneville : Avez-vous remarqué comme on est frère quand le tocsin sonne, quand on bat la générale et que les rois ont pris la fuite ? — Plus de rois, pas de dictateurs, pas d'empereurs, pas de protecteurs, pas de régents ! Notre ennemi, c'est notre maître : je vous le dis en bon français. — Point de Lafayette, point de d'Orléans ! La loi, la loi seule, et faite par tous. — D'Orléans est un ambitieux. Barnave s'est laissé égarer par des calculs d'écolier. Lafayette est toujours moitié l'un, moitié l'autre. — Voulez-vous absolument une formule de serment ? Faites celui-ci : Je périrai, citoyens, ou vous serez sans maître. — Ô Parisiens ! Athéniens modernes ! Philippe est près du trône : voilà le danger ![74] Tout autre était le langage de Marat. Ce qu'il voulait,
lui, au contraire, c'était un dictateur : un dictateur, pour en finir avec la
contre-révolution, rapidement, puissamment, d'un seul coup ; un dictateur,
car, disait-il avec une audace féroce, c'était le
moment de faire tomber la tête des ministres et de leurs subalternes, de
Mottié, de tous les scélérats de l'état-major et de tous les commandants
antipatriotes de bataillons, de Bailly, de tous les municipaux
contre-révolutionnaires, de tous les traîtres de l'Assemblée nationale.
— Un tribun ! criait ce Machiavel sincère et
forcené, un tribun militaire, ou vous êtes perdus
sans ressource[75]. Grâce à Dieu ! l'état des âmes n'était point tel qu'un aussi sanglant appel eût chance d'être entendu, et Camille Desmoulins était beaucoup mieux que Marat dans le courant de l'opinion, lorsqu'il écrivait : Le roi a couché la nation en joue. Il a fait long feu. A la nation de tirer maintenant. Sans doute elle dédaignera de se mesurer contre un homme, et je serai le premier à tirer en l'air ; mais il faut que l'agresseur me demande la vie[76]. Quant à la République, ce gouvernement des nations majeures, le seul qui donne à l'homme le droit de marcher la tête haute, nul doute qu'elle n'eût été fort possible alors, si l'Assemblée, sous ce rapport, ne se fût trouvée au-dessous de son rôle. Mais le club des Jacobins lui-même était si peu, en ce moment, au niveau des circonstances, qu'il refusa d'entendre la pétition républicaine du club des Cordeliers[77] ! Ce fut un grand malheur, peut-être. L'histoire prouve trop bien que les couronnes sont ramassées, qui tombent du haut des échafauds ! Au milieu de ce mouvement des esprits, l'Assemblée n'était pas sans inquiétude sur les dispositions des troupes de ligne : la séance du 22 fut spécialement consacrée à l'adoption de mesures qui se rapportaient à cette préoccupation. L'engagement d'honneur qu'on avait fait précédemment souscrire aux officiers ne suffisait plus : comment tolérer qu'ils continuassent de jurer fidélité à un roi, maintenant armé contre la nation ? Emmery, que l'exemple du serment de Louis XVI, de Bouille, de Guignard, de Maury, de Malouet, n'avait pas encore ramené à la doctrine des pythagoriciens, lesquels regardaient le serment comme une impiété et un acte de folie[78], Emmery proposa la formule suivante, qui fut unanimement adoptée : Je jure d'employer les armes remises dans mes mains à la défense de la patrie, et à maintenir contre tous ses ennemis, du dedans et du dehors, la constitution décrétée par l'Assemblée, nationale, de mourir plutôt que de souffrir l'invasion du territoire français par des troupes étrangères, et de n'obéir qu'aux ordres qui me seront donnés en conséquence des décrets de l'Assemblée national[79]. A peine ce décret était-il rendu, que, sur une motion du baron d'Elbeck, accueillie avec enthousiasme, les membres de l'Assemblée qui étaient militaires se précipitèrent en foule à la tribune pour prêter serment. Liancourt, Toulongeon, Custine, Menou, d'Aiguillon, Alexandre Lameth, Montmorency, La Marck, d'Orléans, Charles Lameth, Crillon, Castellane, La Rochefoucault, Montesquiou, Mortemart[80], les plus grands noms de la monarchie, les descendants des preux d'autrefois, coururent à l'envi engager leur épée au service d'une constitution qui venait déplacer pour jamais la fidélité chevaleresque. Le soir, en réponse à la proclamation du roi, Desmeuniers lut, au nom du comité de constitution, un projet d'adresse qui commençait en ces termes : Un grand attentat vient de se commettre. L'Assemblée nationale était au terme de ses longs travaux ; la constitution allait être finie, les orages de la Révolution allaient cesser ; et les ennemis du bien public ont voulu, par un seul forfait, immoler la nation entière à leurs vengeances. Le roi et la famille royale ont été enlevés le 21 de ce mois[81]. Ainsi, on s'obstinait à appeler enlèvement ce que Louis XVI lui-même affirmait être une fuite volontaire ! La crainte de rompre définitivement avec la monarchie ressortait plus vivement encore de cette phrase : Faut-il craindre les suites d'un écrit arraché, avant son départ, à un prince séduit, que nous ne croirons inexcusable qu'aux derniers instants ?[82] A part cela, le manifeste ne manquait ni de force ni de dignité. Il mettait en relief, d'une manière inexorable, tout ce que les griefs exposés par Louis XVI présentaient de faux ou de puéril. Des désordres avaient été commis au 5 octobre. Mais parce que quelques brigands se peuvent trouver au milieu d'une foule immense, est-ce à dire qu'on la doive déclarer comptable de leurs excès ? La nation avait-elle reproché à Louis XVI les violences exercées sous son règne et sous celui de ses aïeux ? Le roi se plaignait de l'obligation où il avait été de prêter serment à la constitution. Ah ! s'il ne déclarait pas un jour que des séditieux, en le poussant à exhaler cette plainte imprudente, avaient surpris sa bonne foi, il aurait donc lui-même dénoncé au monde entier... son parjure ! Les représentants du peuple, était-il dit dans l'adresse — et ceci en était le passage important —, triompheront de tous les obstacles. Ils mesureront avec calme l'étendue des devoirs qui leur sont imposés. La liberté publique sera maintenue. Les conspirateurs et les esclaves apprendront à connaître l'intrépidité de la nation française, et nous prenons, au nom de la nation, l'engagement de venger la loi ou de mourir. La France veut être libre, elle sera libre. La Révolution ne rétrogradera pas[83]. Cette rédaction ayant été approuvée, la séance fut suspendue. Il était neuf heures et demie du soir. Soudain une grande agitation éclate dans toutes les parties de la salle. Un courrier s'élançait dans les corridors, haletant, couvert de sueur : une voix cria : Il est arrêté ! |
[1] Relation du voyage de Varennes par un prélat, membre de l'Assemblée constituante, à un ministre en pays étranger, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV. — Cette relation est de M. de Fontanges, archevêque de Toulouse, et écrite sur les renseignements fournis par la reine elle-même.
[2] Relation du voyage de Varennes par un prélat, membre de l'Assemblée constituante, à un ministre en pays étranger, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV.
[3] Relation du voyage de Varennes, etc.
[4] Précis historique du comte de Valory, dans les Mémoires sur l'affaire de Varennes, p. 249. Paris, 1823.
[5] Voyez dans l'Annual Register, vol. XXXIII, appendix to the chronicle, n° 13, la lettre de M. Simolin, ministre de Russie, à M. de Montmorin, suivie de la lettre où madame de Korff parle de son passeport brûlé.
[6] Relation du voyage de Varennes, par madame la duchesse d'Angoulême, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV.
[7] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XVIII.
[8] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XVIII.
[9] L'abbé Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 369.
[10] Chronique de Paris, année 1791, n° 174.
[11] L'abbé Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 369.
[12] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 333.
[13] Mémoires secrets du comte d'Allonville, t. II, chap. XIII, p. 221.
[14] L'Ami du peuple.
[15] Fragment des mémoires de M. le baron de Goguelat, dans les Mémoires de tous, t. III, p. 341 et 342. Paris, 1835.
[16] Chronique de Paris, n° 173, année 1791.
[17] Voyez son Histoire de France, t. II, p. 505.
[18] Mémoires de madame Campan, t. II, chap. XVIII, p. 142.
[19] C'est ce qui résulte de la déposition, d'ailleurs très-embarrassée de Gouvion, dans la séance du 21 juin 1791.
[20] Mémoires de Bouillé, chap. XI, p. 236.
[21] Mémoires du baron de Goguelat, aux pièces justificatives, p. 55 et 54. — Ibid., p. 9.
[22] Relation de l'archevêque de Toulouse dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 80.
[23] Mémoires de Bouillé, chap. XI, p. 236.
[24] Relation de l'archevêque de Toulouse dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 81.
[25] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 335.
[26] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[27] Relation du voyage de Varennes, par la duchesse d'Angoulême, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 57.
[28] Relation du voyage de Varennes, par la duchesse d'Angoulême, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 57.
[29] Relation de l'archevêque de Toulouse dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 86.
[30] Précis historique du comte de Valory, p. 262 des Mémoires sur l'affaire de Varennes.
[31] Relation de l'archevêque de Toulouse dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 86 et 87.
[32] Mémoires du duc de Choiseul, p. 79. Paris, 1822.
[33] Carlyle, the French Revolution,
vol. II, book IV, chap. III.
[34] Relation de l'archevêque de Toulouse, dans les Mémoires de Weber, t. II, chap. IV.
[35] Précis historique, par le comte de Valory, p. 264 des Mémoires sur l'affaire de Varennes.
[36] Bouche de Fer, supplément au n° 70, année 1791.
[37] Chronique de Paris, n° 175, année 1791.
[38] Révolutions de Paris, n° 102.
[39] Révolutions de Paris, n° 102.
[40] Révolutions de Paris, n° 102.
[41] Révolutions de Paris, n° 102.
[42] Chronique de Paris, n° 175, année 1791.
[43] Chronique de Paris, n° 175, année 1791.
[44] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[45] Révolutions de Paris, n° 102.
[46] Chronique de Paris, n° 173, année 1791.
[47] Mémoires particuliers de madame Roland, p. 250. Firmin Didot, 1847.
[48] Mémoires particuliers de madame Roland, p. 255.
[49] Révolutions de Paris, n° 102.
[50] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 340.
[51] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 25
[52] Mémoires de Weber, t. II, aux pièces officielles, note E bis.
[53] Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 161.
[54] Cette proclamation se trouve in extenso dans Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 269-274
[55] Manuscrit de M. Sauquaire-Souligne.
[56] Bouche de Fer, n° 72, année 1791.
[57] Mémoires de Ferrières, liv. X, p. 347 et 348.
[58] Chronique de Paris, n° 174, année 1791.
[59] Chronique de Paris, n° 174, année 1791.
[60] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[61] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[62] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[63] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[64] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[65] Extrait des registres des Amis de la Constitution, du 21 juin 1791.
[66] Voyez la note critique placée à la fin du chapitre intitulé : Procès et mort des Dantonistes, t. X de cet ouvrage.
[67] Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. III, p. 82.
[68] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[69] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[70] Journal des débats des Jacobins, séance extraordinaire du 22 juin 1791.
[71] Chronique de Paris, n° 175, année 1791.
[72] Ce départ dont on s'était un instant effrayé, on ne faisait plus que s'en moquer dans les faubourgs avec un gai mélange de mépris pour le roi et d'aversion naissante pour la royauté. La complainte suivante que le peuple s'en allait chantant par les rues donnera une idée vraie du sentiment qui l'animait :
Not' gros s'en va-t-en guerre,
Mironton, ton-ton, mirontaine.
Il part à la légère,
Mais il lui en cuira.
J' gagn'rai ma nourriture,
Mironton, ton-ton, mirontaine.
Je vous ferai z'une serrure,
Dont vous prendrez la clef.
J' m'ennuie de ma couronne,
Mironton, ton-ton, mirontaine.
J'la laisse à qui me donne
Du vin de Malaga.
Dites qu'on m'en apporte,
Mironton, ton-ton, mirontaine.
Et mettez sur ma porte :
C'est le dernier des rois*.
* Bouche de Fer, n° 73, année 1791.
[73] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[74] Bouche de Fer, n° 71, 72 et 73, année 1791.
[75] Manifeste de l'Ami du peuple.
[76] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[77] Chronique de Paris, n° 178, année 1791.
[78] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 82.
[79] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 351 et 352.
[80] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 308.
[81] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 313.
[82] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 315.
[83] Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 314.