Humiliation de tous les anciens pouvoirs. — Lally-Tollendal et Robespierre — Terrible situation du peuple. — Les députés de l'Assemblée nationale se mettent à genoux sur la place publique devant le peuple. — Meurtre de Sauvage ; grâce de Thomassin obtenue. — Mort de Foulon. — Mort de Bertier. — Véritable caractère de ces événements. — Sensation produite. — Proclamation proposée par Lally-Tollendal. — Rôle étrange de Mirabeau. — Avènement de la commune. — Terreur parmi les nobles ; mouvement d'émigration. — Défiances du peuple. — Complot de Brest ; motion de Duport ; établissement d'un comité de recherches. — Deux doctrines dans l'Assemblée. — Retour de Necker ; excès et terme de sa popularité. — Aventure mystérieuse de Pinet ; la compagnie des accapareurs. — Fin tragique du major Belsunce. — La Révolution dans toute la France.Les coups de marteau qui démolissaient la Bastille avaient été entendus d'un bout de la France à l'autre : l'émotion fut immense dans toutes les provinces. Mais avant de dire sous quelles formes diverses cette émotion éclata, avant de raconter comment, jusqu'au fond des campagnes les plus reculées, l'enthousiasme et la terreur se mêlèrent, il faut achever le tableau de Paris pendant les derniers jours de ce mois de juillet, si glorieux à la fois et si terrible. La royauté ayant donné l'exemple de la soumission, les anciens pouvoirs l'imitèrent. Majesté nouvelle, l'Assemblée nationale eut, comme toutes les majestés, des courtisans et des adorateurs. A ses pieds vinrent s'humilier tour à tour le grand conseil, la chambre des comptes, la cour des monnaies. Le parlement lui-même dut fléchir. Naguère il avait voulu lever la tête ; et, d'un seul mot, l'Assemblée nationale l'avait rejeté dans le néant : il comprit que les jours de l'orgueil étaient passés pour lui ; qu'en essayant de ranimeriez restes de son autorité abattue, il ne ferait que creuser sa honte : il se résigna. On en peut juger par l'arrêté suivant, qu'il prit à l'occasion du voyage de Louis XVI à Paris : La cour a arrêté que M. le premier président se retirera par devers le seigneur roi, pour le remercier d'avoir accordé toute sa confiance aux représentants de la nation et d'avoir dissipé les alarmes de la capitale en y ramenant par sa présence le calme et la sécurité. A pareillement arrêté que M. le premier président se retirera par devers l'Assemblée nationale, à l'effet de lui faire ses remercîments d'avoir interposé ses bons offices auprès du seigneur roi, pour le rétablissement de la paix dans la capitale. Il y avait loin de ce langage aux fières paroles de la magistrature alors qu'elle se présentait comme l'unique et vivante image de la patrie. Ce n'était plus seulement par devers le seigneur roi qu'il fallait se retirer aujourd'hui, c'était par devers l'Assemblée nationale, réunion de rois. Or, le parlement était resté visible à côté du trône ; dans l'ombre de l'Assemblée, il, disparut. Ainsi parvenus jusqu'au faîte, les représentants de la bourgeoisie avaient à maintenir leur âme à la hauteur de leur fortune. Ce fut la gloire de quelques-uns. Les autres se troublèrent. Nous devons ajouter, pour être juste, que si l'Assemblée était omnipotente à l'égard des pouvoirs du passé, elle ne l'était pas à l'égard du peuple, qui, depuis le 14 juillet, se sentait souverain et dont l'attitude avait quelque chose d'indomptable. D'ailleurs, les malentendus commençaient à se produire. Respect à la royauté soumise ! disait la bourgeoisie, parce qu'elle cherchait des garanties. Qu'est-ce que la royauté sinon le plus éclatant des privilèges ? demandait le peuple, parce qu'il cherchait l'égalité. De là, dans la plupart des membres de l'Assemblée nationale, une invincible disposition à s'alarmer des moindres détails de la vie populaire. Effacer le mot royal sur chaque enseigne[1] ; boire à là nation, sans se souvenir du roi ; poursuivre de menaces familières toute livrée arrogante ; applaudir l'acteur Dugazon, lorsqu'en plein théâtre il comparaît madame — de polignac, amie de la reine, à la trop célèbre favorite de Marie de Médicis[2]… ce n'était qu'un jeu pour le peuple ; pour la bourgeoisie, c'était un sujet d'épouvante. Dans la séance du 20 juillet, Lally-Tollendal se leva le front chargé de tristesse. Il venait conjurer ses collègues de prendre garde aux émotions de la liberté. A quelques pas du jeu de paume si hardiment envahi, à quelques lieues de la Bastille renversée, en présence d'ennemis qui n'avaient pas l'épée au fourreau, il venait dire que le grand danger du moment c'était l'esprit de révolte ; que les représentants de la nation ne devaient faire qu'un avec le roi, père de son peuple et vrai fondateur de la liberté ; qu'au seul mot de troubles tout citoyen devait frémir ; que quiconque manquerait de confiance à l'Assemblée ou de fidélité au Toi serait désormais réputé un mauvais citoyen ; qu'il fallait remettre aux mains de son jugé naturel tout homme soupçonné, accusé, arrêté ; que les municipalités auraient à exclure de la formation des milices bourgeoises ceux qui étaient capables de nuire à la patrie[3]. Et ces sentiments, Lally-Tollendal demandait qu'une proclamation solennelle en fît la loi morale du peuple français. Les provinces s'agitaient ; un meunier, nommé Sauvage, venait d'être tué à Poissy comme accapareur ; la ville de Saint-Germain était livrée au tumultueux empire de la disette : Lally-Tollendal fut, aux yeux de beaucoup de ses collègues, l'orateur du salut public, et de vifs applaudissements saluèrent son discours. Nul doute que son projet n'eût été adopté, ayant enlevé presque tous les suffrages[4], si les membres les plus énergiques du club Breton, si de Glaizen, de Blésau, Buzot, Robespierre surtout, n'eussent éclaté. Robespierre était peu connu encore[5], mais ce jour-là on put deviner quelle pourrait devenir l'autorité de sa parole. Plein d'un étonnement impérieux, plein d'une austère véhémence : Qu'est-il donc arrivé, s'écria-t-il, qui autorise M. Lally-Tollendal à sonner le tocsin ? On parle d'émeute ! Cette émeute, messieurs, c'est la liberté. Ne vous y trompez pas ; le combat n'est point à sa fin. Demain, peut-être, se renouvelleront des tentatives funestes ; et qui les repoussera, si d'avance nous déclarons rebelles ceux qui se sont armés pour notre salut ?[6] Le geste absolu de Robespierre, le feu couvert qui brillait dans ses yeux, le mouvement convulsif de ses lèvres minces, son visage d'une pâleur formidable, l'appel menaçant et bref qu'il faisait à la force du peuple insulté, tout cela fit sur l'Assemblée une impression profonde sans doute, car tout à coup la scène changea d'aspect. Personne n'osa plus soutenir ce projet de proclamation, applaudi d'abord avec tant de fougue. Quand Lally-Tollendal essaya de se défendre, un silence morne, puis des murmures le condamnèrent[7]. Monsieur, lui cria une voix partie des tribunes, vous abusez de votre popularité ! Lui, saisi d'un trouble subit, il proposa de modifier son projet, affirmant qu'il avait été bien loin de sa pensée d'attaquer la-conduite des Parisiens et déclarant qu'il retirait le mot rebelles[8]. Mais l'Assemblée n'osa rien résoudre. Le projet de proclamation fut renvoyé à l'examen des bureaux, qui le défigurèrent[9]. Il eût été, du reste, bien étrange qu'on ne songeât qu'à maintenir le peuple, quand il y avait à le sauver de l'agonie de la faim. Jamais situation ne fut plus douloureuse, plus irritante. Chaque jour, d'indescriptibles scènes de détresse venaient épouvanter les quartiers populeux de la capitale. Dans le faubourg Saint-Antoine, des milliers d'hommes demandaient avec un sombre désespoir quelque occasion de glorieuse lutte. Mourir pour mourir, disaient-ils, nous aimons mieux le canon que la misère[10]. On fit circuler des listes de souscription, Caron de Beaumarchais donna aux pauvres douze mille livres[11], l'archevêque de Paris se taxa généreusement à vingt mille, mais ces efforts partiels ne servaient qu'à prouver l'impuissance de la charité. Le pain de quatre livres était, depuis plusieurs mois, à quinze sols : l'assemblée des électeurs le mit, à douze sols six deniers. Bienfait dérisoire ! la question était de pouvoir se procurer du pain à douze sols, et les pauvres ne le pouvaient pas, parce qu'on leur masquait d'une main barbare les sources de la vie ; parce que des accapareurs[12], que nul n'avait le courage de dénoncer, manœuvraient à l'aise dans leur infamie et épuisaient le crime de leur conspiration d'assassins. Or, à ces maux trop réels des bruits, faussement répandus, ajoutaient l'émotion de périls imaginaires. On crut que l'abbesse de Montmartre avait consenti à faire de son couvent un arsenal mystérieux[13], on crut que le complot avait été formé d'empoisonner les gardes françaises de la caserne de l'Ourcine en mêlant des drogues nuisibles à leur nourriture ou à leur boisson[14]. De sorte que le peuple se voyait, se sentait environné d'ennemis. S'il prêtait l'oreille aux délibérations de l'Assemblée nationale, il s'entendait traiter de rebelle, pour prix de son dévouement héroïque à la liberté. S'il jetait les yeux autour de lui, il ne rencontrait que le spectacle de la faim marquant d'un sceau fatal le visage des enfants et des mères. S'il interrogeait les rumeurs venues d'en haut, elles ne lui apportaient que sujets d'alarmes. Et si, à bout de résignation, il criait : Justice ! pas un tribunal où le passé ne siégeât encore, pas un juge qui ne pût être soupçonné de connivence avec ceux qu'il fallait punir. Des événements vont être racontés qui vous feront, peut-être, saigner le cœur : pour peu que l'équité vous soit chère, n'oubliez pas ce qui précède ! Nous avons parlé de la mort du meunier Sauvage : dans le temps même où ce malheureux périssait victime des soupçons excités, l'Assemblée nationale fut avertie qu'un riche fermier des environs de Saint-Germain était menacé d'un sort semblable. Ce fermier, nommé Thomassin, avait été noté comme accapareur ; des précautions insensées prises par lui achevèrent de le dénoncer. Un cavalier de maréchaussée l'escortant partout[15], on ne douta plus, et sa mort fut résolue. Il venait d'être renfermé dans la prison de Poissy, autour de laquelle hurlait déjà la foule, lorsqu'une députation de l'Assemblée nationale arriva, impatiente de le sauver. L'évêque de Chartres harangue celte multitude furieuse, il l'apaise ; mais quelqu'un s'écrie : Ils n'ont pas essayé de protéger Sauvage parce qu'il était pauvre ; ils veulent sauver Thomassin parce qu'il est riche. A ces mots, la fureur des assistants se réveille ; on envahit la prison impétueusement ; on en tire le prisonnier et les glaives brillent. L'évêque de Chartres se mit à genoux sur la place publique, les députés l'imitèrent ; et tous ils tendaient vers le peuple des mains suppliantes. Non, non, il faut qu'il meure ! Alors, les yeux remplis de larmes, l'évêque de Chartres demanda, pour grâce dernière, qu'on permît à la victime de se confesser. Un curé s'avança, le peuple fut attendri et Thomassin sauvé[16]. Mais de tous les hommes désignés aux ressentiments populaires, le plus délesté, c'était Foullon, caractère dur, âme sombre et violente. Je me souviens, dit un de ses fervents apologistes[17], je me souviens très-bien que, lorsqu'on parlait de l'admettre au ministère, l'alarme était générale dans les faubourgs. On lui prêtait des mots féroces : Si j'étais ministre, je ferais manger du foin aux Français, et encore : On devrait faucher Paris comme on fauche un pré. Foullon laissa-t-il échapper en effet ces paroles, dignes de l'insolente cruauté des anciens empereurs de Rome ? La plupart des écrits du temps[18] les lui attribuent, et on ne le jugea pas incapable de les avoir prononcées. On prétendait aussi qu'il avait souillé par des actes de concussion et de rapine ses fonctions successives d'intendant d'armée, de guerre, de marine, des finances ; qu'il avait conseillé la banqueroute ; qu'il s'était fait des malheurs publics un moyen d'opulence ; qu'il avait spéculé sur la famine. Mais nous devons à la justice d'ajouter qu'aucune de ces accusations ne fut prouvée, sa fortune, quoique très-considérable, n'étant point contre lui un suffisant témoignage[19]. Ce qui est certain, c'est que la Révolution eut droit de le compter au nombre de ses plus mortels ennemis. On le connaissait si bien à la cour que, lorsqu'il y fut question d'opposer la force au génie de la liberté, le maréchal de Broglie s'empressa de le demander pour adjoint. Foullon n'accepta point un fardeau dont s'effrayait sa vieillesse ; mais il donna des conseils, des conseils terribles. Selon lui, le roi n'avait que deux partis à prendre : ou se jeter éperdu dans les bras de la Révolution ou l'abattre d'un seul coup[20]. En ce dernier cas, pas un moment à perdre : il fallait aller droit aux principaux meneurs, leur donner des juges, il fallait tuer la Révolution en visant à la tête. Ceux que Foullon avait ainsi menacés ne tardèrent pas à le savoir ; et, dès lors, son arrêt fut porté. Après la prise de la Bastille, l'orage commença de gronder autour de lui d'une manière si menaçante, que, le 16 juillet, il alla prendre un passeport à sa section. En cela, du reste, il n'avait fait que céder aux sollicitations de sa belle-fille[21], et, quand le lendemain elle le pressa de se réfugier à Moulins, il refusa de partir, trompé qu'il était par les illusions de sa conscience ou de son orgueil. Cependant, le danger croissait d'heure en heure. Le 17 juillet, on l'a vu, Louis XVI était venu à Paris contracter alliance avec la bourgeoisie ; il avait consenti à se parer des couleurs de l'insurrection ; la défaite du parti féodal était complète, évidente, irréparable. Foullon se sentit ébranlé. La mort de son valet de chambre, arrivée sur ces entrefaites, lui suggéra l'idée d'un stratagème propre à déjouer la colère de ses ennemis et les vengeances du peuple : il se fit passer pour mort[22]. Le 19 juillet, il avait quitté Paris : la matinée du 20 le trouva chez M. de Sartines, à Viry, village situé sur la route de Fontainebleau. En partant de son château de Morangis, où il s'était d'abord rendu, Foullon avait laissé l'ordre qu'on lui envoyât ses lettres. Son postillon les apporta conséquemment à Viry ; mais ce fut un domestique de M. de Sartines qui les reçut. Or, la haine qui poursuivait Foullon était tellement répandue, qu'au lieu de lui remettre les lettres, le domestique courut les porter à Grappe, syndic du village. Aussitôt on sonne le tocsin ; les paysans accourent ; Foullon est découvert et arrêté. Les défenseurs de sa mémoire contestent le fait de son
arrestation par ses propres vassaux.
Il est sûr, pourtant, que ses terres n'étaient pas éloignées du lieu où l'on
s'empara de sa personne, et nous lisons dans Montjoie lui-même cet aveu
caractéristique : On dit qu'il était en exécration à
ses vassaux et il est vraisemblable qu'il n'en était pas aimé puisque ce
n'est pas chez eux qu'il chercha un asile[23]. Quoi qu'il en soit, à peine eut-il été découvert, que son supplice commença. Les paysans lui mirent un collier d'orties, un bouquet de chardons à la boutonnière, une botte de foin sur les épaules ; et, l'attachant derrière une charrette, les mains liées, ils le traînèrent à Paris. Sur la route, on l'accablait d'outrages. Il eut soif : on lui offrit un verre de vinaigre[24]. Le 22 juillet, vers six heures du matin, il montait les marches de l'Hôtel de Ville. Ce fut un grand sujet de trouble pour les membres du comité permanent que l'apparition soudaine de cet homme, déjà condamné. Comment échapper à la responsabilité de son supplice ? Comment éviter le péril de son impunité ? Le comité décida qu'il serait transporté secrètement, à l'entrée de la nuit, dans les prisons de l'abbaye Saint-Germain. Mais l'arrestation de Foullon ayant été bientôt connue de tout Paris, la place de Grève ne tarda pas à se couvrir de groupes que paraissaient exciter des personnages d'un extérieur élégant, des hommes du monde[25]. On se mit à crier : Foullon ! Foullon ! nous voulons voir Foullon ! Se présentant aux électeurs assemblés, un inconnu leur remit des lambeaux d'une lettre que le prisonnier, disait-on, avait déchirée entre ses dents lorsqu'il fut arrêté[26]. Alors, accompagné de vingt électeurs, Bailly s'avança sur le perron, afin de haranguer la foule ; mais ne pouvant ni se faire entendre de tous ni ramener pour longtemps ceux qui l'entendirent, il rentra désespéré. La situation devenait pressante. On menaçait de brûler l'Hôtel de Ville si le comité laissait échapper Foullon ; les clameurs se changeaient en rugissements.... que faire ? Saisis d'effroi, les électeurs présents ignoraient eux-mêmes où était Foullon, dans quel endroit l'avaient caché les membres du bureau de la nuit, si enfin on n'avait pas favorisé son évasion. Ils parcourent l'hôtel de ville, découvrent le prisonnier dans la salle de la Reine et l'engagent à se montrer au peuple. Foullon avait soixante-quatorze ans : à l'aspect de ce visage que la vieillesse marquait de son empreinte, la foule se calma ; et déjà elle semblait pencher vers la pitié, lorsque tout à coup un cri s'élève : Qu'on l'amène et qu'il soit jugé ![27] Au même instant, une bande de furieux pénètre dans l'hôtel de ville ; les sentinelles sont culbutées, les barrières brisées ; la salle du comité permanent est envahie. L'énergique Moreau de Saint-Méry réclame le silence, l'obtient ; et, s'adressant à la foule, l'électeur Delapoise s'écrie d'une voix émue : Tout coupable doit être jugé. Je ne pense pas qu'il y ait parmi vous un seul bourreau. — Oui, jugé sur-le-champ et pendu. — Mais, reprend un autre électeur, Osselin, pour juger il faut des juges. — Jugez vous-mêmes. Alors fut improvisé une sorte de tribunal composé de sept membres dont les noms étaient jetés des divers points de la salle et parmi lesquels on avait choisi deux curés de Paris. Duveyrier, nommé pour remplir les fonctions d'accusateur public, commence un simulacre d'instruction : De quel crime Foullon est-il accusé ? — Il a opprimé le peuple ; il a dit qu'il lui ferait manger de l'herbe, il a conseillé la banqueroute ; c'est un accapareur ; il était dans le projet. Les deux prêtres se levèrent : Il s'agit ici de crimes capitaux. Notre devoir est de nous récuser. Car l'Église défend de verser le sang. — Oui, oui, ils ont raison. Mais, craignant sans doute que la fureur de la multitude ne vînt à leur manquer, les meneurs en habits s'emportèrent : qu'on y prît garde ! on se jouait de la crédulité du peuple ; on ne pensait qu'à faire évader le coupable. Le tumulte devint affreux. De la salle de la Heine, Foullon entendait tout. Vous êtes bien calme, lui dit un de ses gardes. — Le crime seul peut se déconcerter, répondit-il[28]. Il ignorait que, comme la vie privée, la vie publique a ses crimes, et que c'en est une de conspirer contre la liberté. On vint le prendre, pour le conduire à la grande salle. De leurs bras entrelacés, des hommes du peuple avaient formé une chaîne qui protégea l'entrée de Foullon[29]. Une chaise fut montée sur une table ; on lui ordonna de s'y asseoir. Ainsi exposé aux regards, un accusé de soixante-quatorze ans eût inspiré quelque compassion, si, parmi les accusateurs, il ne se fût trouvé des hommes qu'enflammait l'ardeur d'une vengeance particulière, d'autres qui peut-être avaient hâte d'ensevelir un secret au fond de cette mort, d'autres enfin qui, ennemis couverts de la dévolution, espéraient la voir, une fois plongée dans l'ivresse du sang, marcher à l'aventure et chanceler[30]. Lafayette parut. Justifier Foullon était impossible,
s'intéresser à lui dangereux : Lafayette essaya de le sauver en se montrant
implacable : Je ne puis blâmer, dit-il, votre indignation contre cet homme. Je ne l'ai jamais
aimé. Je l'ai toujours regardé comme un grand scélérat, et il n'est aucun
supplice trop rigoureux pour lui... Mais il a
des complices ; il faut que nous les connaissions. Je vais le faire conduire
à l'Abbaye. Là, nous instruirons son procès et il sera condamné à la mort
infâme qu'il n'a que trop méritée[31]. Ceux qui
étaient à portée d'entendre ce discours applaudirent. Malheureusement, le
vieillard, qu'on apercevait de toutes les parties de la salle, comprit trop
bien l'intention du général Lafayette ; il se crut sauvé, et, par un
mouvement machinal, il joignit des signes d'approbation aux applaudissements
de l'auditoire. Vous le voyez, cria une voix,
ils s'entendent ! et un particulier bien vêtu[32] ajouta : Qu'est-il besoin de juger un homme déjà jugé depuis trente
ans ? C'était un arrêt de mort. Vainement Lafayette s'efforça-t-il à
plusieurs reprises de retarder le moment fatal ; on annonça que le
Palais-Royal se soulevait, que le faubourg Saint-Antoine était en marche. Une
foule nouvelle pousse la multitude qui déjà inondait les escaliers de l'hôtel
de ville, les corridors, la salle Saint-Jean. Electeurs, juges, témoins, sont
acculés contre le bureau, la table s'ébranle, la chaise de Foulon est
renversée, le malheureux traîné sous la lanterne. On lui passe une corde
autour du cou, on l'élève jusqu'à une certaine hauteur. Deux fois la corde
cassa ; deux fois on vit le vieillard retomber sur ses genoux en criant
miséricorde ! Des hommes du peuple, émus de pitié, tendaient leurs sabres pour
qu'on abrégeât cette agonie[33]. Les exécuteurs
s'y opposent ; l'ignominie du supplice, ils la réclament comme leur droit et
ils vont chercher une corde neuve, tandis que, succombant à la terreur, le
regard plein d'angoisse, les mains jointes, Foullon demande la vie et ne peut
même obtenir la mort. Après un quart d'heure d'attente, il est pendu une
troisième fois, il expire enfin. On trouva sur lui une boucle d'argent, deux
montres d'or, deux bourses contenant douze louis ; on porta tout cela au
comité des électeurs, qui en donna reçu[34]. Puis, un
forcené coupa la tête, traversa la bouche d'un bâillon formé avec une poignée
de foin et courut promener à travers Paris cet horrible trophée[35]. Le tronc fut
porté à la morgue, musée des cadavres sans nom. La même journée allait éclairer un drame non moins effrayant. Foullon avait commis le crime de pousser à la conspiration ourdie contre la Révolution la plus légitime, la plus inviolable qui fut jamais ; Bertier de Sauvigny, gendre de Foullon, avait été l'intendant de l'armée contre-révolutionnaire, et il avait dû, en cette qualité, pourvoir à la subsistance des troupes dont la présence menaçait, outrageait, affamait Paris. On le soupçonnait fortement d'avoir voulu qu'on fauchât les récoltes sur pied, tant pour nourrir la cavalerie que pour amener un renchérissement des grains[36] ; on l'accusait d'avoir dressé des listes de proscriptions, distribué aux soldats du camp de Saint-Denis huit mille cartouches et douze cents livres de poudre[37] ; enfin, diverses lettres trouvées dans son portefeuille et rendues publiques par l'impression[38], indiquent à quels faits se rapportaient les imputations : Le 5, M. le comte de Revellac demande à partager les fonds dans les ventes de grains faites par le gouvernement. — Le 11, compte rendu du nombre des soldats, des sectes du Palais-Royal et du nom des orateurs. — Même date, M. de Lambesc accuse la réception de trois mille cartouches remises à une heure du matin. — Même date, M. de Besenval se plaint de n'avoir pas de cartouches. — Même date, M. Despres se plaint de manquer de balles. — Le 12, la fille de l'intendant de Paris se plaint de l'esprit de licence qui gagne les esprits. Elle frémit des suites et l'engage à quitter Paris. — Même date, M. de Bar demande où il peut aller chercher des balles ? — Même date, M. le comte de Vassan demande trois mille cartouches. — Intention d'établir un camp à Saint-Denis. — De couper les récoltes a vert, sauf indemnité, etc. Bertier était un administrateur intelligent et intègre ; mais sa dureté, ses hauteurs, l'insolence de ses manières et de son langage[39] lui avaient fait de nombreux ennemis. On rappelait volontiers qu'il était le digne gendre de Foullon, le digne fils de l'ancien président du parlement Maupeou. Montjoie raconte[40] qu'un jour un vieux paysan de Vincennes s'était présenté à l'intendant de Paris pour redemander son fils, tombé au sort, et que repoussé sèchement, après l'offre du peu d'argent qu'il possédait, après mille supplications mêlées de larmes, le vieillard avait adressé à Bertier ces paroles sinistres : Mon fils partira, mais vous, homme dur, âme de bronze, père de famille aussi, souvenez-vous de la malédiction que vous donne un père de famille. Vous mourrez misérablement, vous mourrez en place de Grève, et le terme n'est pas éloigné. Trois mois après — c'était le 20 juillet — deux maçons aperçurent Bertier traversant une rue de Compiègne. Ils descendent aussitôt de leur échafaudage, vont droit à Bertier et s'emparent de sa personne en disant qu'ils avaient ordre de l'arrêter partout où ils le rencontreraient[41]. Informé de cette arrestation, le comité des électeurs de Paris la désapprouva d'abord. Devenus arbitres du sort des citoyens, ces étonnants dictateurs auraient voulu cette fois s'emparer du droit de grâce, usurper la clémence ; mais, apprenant que, si l'intendant était mis en liberté, les officiers municipaux de Compiègne ne répondaient plus de sa vie, ils décidèrent qu'un détachement de deux cent quarante cavaliers irait à Compiègne, sous le commandement de deux électeurs, Étienne de La Rivière et André de La Presle, se saisirait de Bertier et l'emmènerait dans une des prisons de Paris[42]. Pendant ce temps, une scène touchante se passait à Versailles. Dans la matinée du 22, le soleil n'étant pas encore monté sur l'horizon, Lally-Tollendal fut réveillé en sursaut par des accents plaintifs. Il entr'ouvre ses rideaux et voit devant lui un jeune homme dont le visage était couvert d'une pâleur mortelle. Il lui tend les bras ; le jeune homme s'y précipite, et d'une voix qu'étouffaient à demi ses sanglots : Ah ! monsieur, vous avez passé quinze ans à défendre la mémoire de votre père, sauvez la vie du mien[43]. C'était le fils de Bertier qui parlait. Lally-Tollendal le conduisit chez le duc de Liancourt, élevé, depuis peu, à la présidence de l'Assemblée nationale. Mais il se trouva que, ce jour-là, il n'y avait pas séance, et le retard ici, c'était la mort. Il paraît que les prières du fils de Bertier furent transmises à Louis XVI, qui dicta lui-même une lettre de salut[44]... Inutile intervention ! Louis XVI, ce n'était déjà plus le roi. De Compiègne à Paris, la marche de l'intendant fut semblable à un triomphe funèbre. Le passage des cavaliers de l'escorte n'ayant servi qu'à éveiller la curiosité défiante des populations, six cents hommes à cheval étaient accourus de divers points, moins pour grossir le cortège que pour le surveiller. D'un air farouche, ils entouraient le cabriolet où Bertier était monté avec Étienne de La Rivière, tandis que, sur le chemin, des milliers de citoyens[45] s'avançaient à la rencontre du prisonnier. Vainement les électeurs avaient-ils expédié à l'escorte l'ordre de coucher au Bourget, afin que l'arrivée de Bertier ne coïncidât point avec la mort de Foullon : cet ordre ne put être exécuté, tant la foule était nombreuse et menaçante ! Tout le long de la route, des malédictions, des cris sinistres se faisaient entendre. Au Louvres, on avait brisé les auvents du cabriolet, pour que rien n'empêchât de voir l'ancien intendant. Vingt fois Bertier fut couché en joue ; vingt fois l'électeur le protégea de son corps. Il y eut un moment où la multitude ne pouvant distinguer dans le cabriolet lequel des deux était Bertier, voulut que le prisonnier ôtât son chapeau ; mais à l'instant même, par un mouvement héroïque, Étienne de La Rivière se découvrit. A la barrière Saint-Martin, une charrette parut, portant sur des planches disposées en étages des écriteaux où on lisait : Il a volé le roi et la France. — Il a dévoré la substance des peuples. — Il a été l'esclave des riches et le tyran des pauvres. — Il a trahi sa patrie, etc.[46] et d'autres phrases accusatrices dont la rédaction, peu conforme au langage habituel des faubourgs, semblait plutôt se rapporter à celui des personnages bien vêtus qui, dans le cours de cette journée sanglante, s'étudièrent à irriter les passions du peuple. Ce fut à la vue et comme sous le feu de ces inscriptions infamantes que Bertier entra dans Paris. Ce pain noir et dur, ce pain homicide auquel les pauvres étaient condamnés, on lui en montrait des morceaux à la pointe des piques, ou bien on les jetait dans la voiture et on criait : Voilà le pain que tu nous faisais manger[47]. Des bourgeois couronnés de lauriers[48] précédaient la voiture, des femmes chantaient au son d'une musique militaire, des tambours battaient, et cinquante torches allumées jetaient sur le cortège une lumière lugubre[49]. A la hauteur de Saint-Méry, un groupe vint présenter à Bertier, au bout d'une pique, la tête de Foullon, souillée de sang et de boue. C'est la tête de de Launey, se hâta de dire le généreux. Étienne de La Rivière. Bertier le crut. Cependant, il devint pâle ; un sourire douloureux contracta ses lèvres, et il dit à l'électeur : Je croirais ces avanies sans exemple si Jésus-Christ n'en avait éprouvé de plus sanglantes. Il était un Dieu, je ne suis qu'un homme[50]. Il était environ neuf heures du soir. Bertier, conduit à l'Hôtel de Ville, est introduit dans la salle Saint-Jean, devant l'assemblée des électeurs. Bailly l'interroge. J'ai obéi à des ordres supérieurs, répondit-il avec assurance. Vous avez mes papiers, vous êtes aussi instruit que moi. Bailly prolongeait, pour la forme, un interrogatoire insignifiant, quand Bertier demanda la permission de prendre quelque repos, disant qu'il avait passé quatre nuits sans dormir. En ce moment, d'effroyables clameurs partent de la place de Grève, et au milieu du tumulte on distingue ces mots : Voici le Palais-Royal ! Voici le faubourg Saint-Antoine ! Aussitôt un groupe violent s'élance dans la salle, les électeurs sont refoulés sur le bureau, et Bailly, troublé jusqu'au fond du cœur, balbutie ces mots... Messieurs... le résultat... nos délibérations de ce matin... Il faut le transférer à l'Abbaye[51].... Bertier sortit, accompagné de M. de La Rivière. Dans l'escalier, il prononça ces paroles, qui annonçaient en lui, ou une surprenante sécurité, ou des préoccupations étranges : Mon Dieu ! que ce peuple est bizarre avec ses cris ![52] Puis, se retournant vers Étienne de La Rivière : Je vais en prison, et je n'ai pas d'argent. Étienne de La Rivière, qui comprenait trop bien le sens des clameurs de la Grève, ne répondit rien, poussa un profond soupir, et tirant de sa poche quelques louis, il les remit à Bertier[53]. Mais, à peine étaient-ils sur la place, qu'on se précipite. Déjà l'on a saisi le prisonnier, déjà on le traîne à la lanterne où vient d'expirer Foullon ; alors, transporté de rage, il s'empare d'un fusil, se jette tête baissée au plus épais des assaillants, frappe à son tour, et tombe percé de mille coups. Un dragon qui disait avoir son père à venger et qui était probablement le fils du vieillard dont nous avons parlé, s'approcha du corps, ouvrit les entrailles, arracha le cœur, et l'alla porter tout sanglant au comité de l'hôtel de ville, en criant : Voilà le cœur de Bertier ![54] A ce spectacle épouvantable, un électeur s'évanouit ; Bailly reste immobile et comme foudroyé, pendant que Lafayette s'écrie : Qu'on me délivre d'une charge qui me force à être témoin de ces horreurs ![55] Un frémissement d'indignation courut aussi parmi le peuple, et le féroce soldat fut tué en duel, la nuit même, par ses camarades[56], qui lui imposèrent la nécessité de mourir. Le tableau qui vient d'être tracé présente des traits contre lesquels il est impossible qu'une âme élevée ne se révolte pas. Les raffinements de cruauté, la vengeance savourée lentement, l'impatience de tenir entre ses mains la tête d'un ennemi mort, l'ardeur à la voir sanglante et souillée, ce sont là des délices qu'il faut laisser aux tyrans, et le peuple se doit de ne jamais descendre, même en ses plus légitimes colères, jusqu'au niveau de ses oppresseurs. Mais ici les barbaries inutiles furent l'œuvre d'un très-petit nombre de forcenés dont quelques hommes d'une condition supérieure précipitaient les coups. Ce qui est vrai de l'ensemble du peuple, c'est qu'il abhorrait Foullon et Bertier ; c'est qu'il se réjouit tumultueusement de leur arrestation, et que leur mort lui parut, sauf les circonstances qui en firent l'odieux, non pas un acte de vengeance, mais un acte de justice. Aux yeux de celte multitude menacée, insultée, affamée, réduite au désespoir, Foullon et Bertier personnifiaient le récent complot de la cour : on frappa dans leur personne la contre-révolution comme dans la personne de de Launey on avait frappé la Bastille. Il convient aussi de ne pas oublier qu'il n'y avait alors aucun tribunal régulier devant lequel on pût les faire comparaître ; que le pouvoir judiciaire, tel que le comportaient les grands changements survenus, n'existait pas encore ; que l'ancien pouvoir judiciaire était précisément une des institutions à détruire ; que, de la part de la Révolution, il y aurait eu démence à saluer ses juges dans ses ennemis ; que si la France, enfin, se trouvait soumise à l'état de guerre, la faute en était à ceux qui avaient eu la sacrilège audace de mettre entre eux et Paris l'appareil des armes, un camp, des soldats étrangers, et pour répondre à la voix de la patrie… des canons. Quoi qu'il en soit, on s'agita beaucoup autour de ce double supplice. Lafayette donna sa démission, que les districts refusèrent. Mirabeau écrivit sur les forfaits des usurpateurs de la terre, sur la trop longue patience des peuples, sur ce qu'avait de légitime en certains cas l'explosion des colères publiques, des pages d'une éloquence forte et terrible, ajoutant toutefois que le régime des emportements populaires ne pouvait se prolonger sans pousser les esprits à regarder tôt ou tard un despote même comme un sauveur[57]. Malheureusement, à côté des commentaires qui à la véhémence unissaient la gravité, parurent des pamphlets pleins d'une gaieté odieuse : La vie, la mort et les miracles de M. Foullon. — La botte de foin ou la mort tragique d'un ministre de quarante-huit heures. — Les enragés aux enfers. — Adresse de remercîment de monseigneur Belzébuth au peuple parisien. — Convoi, service et enterrement des très-hauts et très-puissants seigneurs Foullon et Bertier de Sauvigny, morts subitement en place de Grève et enterrés... à leur paroisse, etc. Une estampe fut exposée qui représentait un homme assis devant un bureau, tenant une plume à la main et faisant une règle d'arithmétique. Il avait sur son bureau cinq têtes coupées, et sur le papier on lisait : qui de vingt-quatre paye cinq, reste dix-neuf[58]. Que ces plaisanteries effrayantes, que ces sanguinaires images aient été un calcul contre-révolutionnaire, il est certes bien permis de le supposer quand on songe aux seules conséquences possibles d'un pareil dévergondage. D'autant que parmi les brochures dont nous parlons il y en eut de manifestement royalistes ; celles-ci, par exemple : La démission du bourreau de Paris ; — Lettre de l'exécuteur des hautes œuvres à ses confrères. Qu'importe, au surplus ? la Révolution n'a pas à reconnaître pour siens ceux qui, même en la suivant, lui auraient manqué de respect. On ne juge pas d'ailleurs les flots de la mer par leur écume. L'Assemblée nationale reçut de la mort de Foullon et de Bertier une impression profonde. Gourmander les élans du peuple, comprimer la violence de son enthousiasme, imposer silence à la Grève, empêcher la liberté individuelle de périr immolée à la loi du salut public, beaucoup le désiraient ; mais déjà le torrent commençait à rouler ses digues. Lally-Tollendal, cependant, reproduisit son projet de proclamation. Prompt à intéresser au succès de ses vues la sensibilité de ses auditeurs, il présenta un récit pathétique de son entrevue avec le jeune Bertier, s'efforçant ainsi de changer en pitié pour le fils la haine que le père avait inspirée[59]. Mirabeau l'interrompit brusquement. Vous ne savez que sentir, lui cria-t-il, lorsqu'il ne faut que penser ; et accompagnant ces paroles d'un geste expressif, il agitait, sans y prendre garde, les pleureuses qu'il portait à ses manches[60]. Car il était alors en grand deuil : lui-même il venait de perdre son père[61]. Quoique mollement appuyée, quoique vivement combattue, la motion de Lally-Tollendal passa, mais avec des modifications qui en détruisaient complètement la portée. L'Assemblée nationale invitait les citoyens à la paix et déclarait que la loi seule devait punir les dépositaires du pouvoir qui, par leurs crimes, causeraient les malheurs du peuple. Un acte semblable était une faute parce qu'il manquait de sanction. Paris ne s'en occupa nullement ; c'est à peine s'il le connut. L'attitude de Mirabeau ici mérite d'être remarquée. On se rappelle que, vers la fin du mois de juin, il avait été le premier à proposer une adresse, dont le projet de Lally-Tollendal ne fut, à vrai dire, que la résurrection. Ces entraînements populaires qu'il blâmait alors avec tant de véhémence, son génie les adoptait maintenant : il en faut dire la cause. Depuis quelque temps, il était question à la cour d'appeler le comte plébéien au secours de la monarchie expirante. C'était l'avis des plus habiles conseillers de Louis XVI ; c'était l'avis de ses deux tantes, madame Adélaïde et madame Louise, qui, toutes deux, mêlaient leur vie à la politique, la première de son château de Bellevue, la seconde du fond de son couvent de Saint-Denis[62]. Mirabeau fut informé de ces dispositions, et, succombant aux désirs insatiables de son cœur, il chargea le comte de Lamarck de lui servir d'intermédiaire auprès du roi[63]. Accepter les avances de Mirabeau… Louis XVI l'aurait fait ; la reine s'y opposa. La royauté était-elle descendue si bas que son salut fût au prix d'une pareille alliance ? Après avoir redouté Mirabeau comme ennemi, le subir comme auxiliaire, c'était trop d'humiliation ; sans compter que de tels hommes s'imposent quand ils semblent se donner. Ainsi pensait, ainsi parlait Marie-Antoinette. Elle détestait Mirabeau, et, l'âme toute meurtrie du sacrifice récent de ses affections, elle s'irritait d'avoir à y joindre le sacrifice de ses haines. Mirabeau fut donc repoussé une fois encore. On devine sa colère. Sûr de ce qu'il pouvait contre ceux qui avaient l'imprudence de le dédaigner, il jura de les mettre à ses pieds à force de leur faire peur. Trouvant ses rancunes trop à l'étroit dans l'Assemblée nationale, il résolut de se créer une royauté de place publique. Il courut de district en district, soufflant partout ses colères, laissant partout la trace enflammée de son éloquence, décriant le règne indécis des électeurs, préparant la chute de leur pouvoir usurpé et posant en pleine agitation sa propre candidature. Sa grande ambition était d'être élu maire de Paris, et il se, sentait bien décidé, si la cour ne fléchissait pas, à faire du pouvoir qui flottait aux mains incertaines de Bailly le gouvernement des tempêtes. Mais les districts se trouvaient à la merci d'une immense majorité de bourgeois auxquels la violence de ses passions fut un sujet d'inquiétude ; de sorte que ses efforts ne firent que précipiter des changements dont le bénéfice lui échappa. Il est naturel, après une longue servitude, de tâter, pour ainsi dire, sa puissance, de se la prouver à soi-même. On n'eut pas plutôt entretenu les assemblées primaires de leur souveraineté, qu'elles s'ébranlèrent. De son côté, l'oligarchie de l'Hôtel de Ville était loin de croire à son droit. Il arriva donc que, sur l'invitation de Bailly, les soixante districts nommèrent une nouvelle assemblée de cent vingt membres. Elle avait charge de pourvoir à la réorganisation du pouvoir municipal ; mais, son premier élan la portant bien au delà, elle confirma dans leurs fonctions Bailly et La Fayette ; elle félicita les électeurs de leur zèle en les invitant à continuer leurs séances ; elle établit une commission de police ; elle institua un bureau de subsistances ; en un mot elle prit les rênes de la cité et se para de ce nom, devenu depuis si tragique : LA COMMUNE. Cependant, la mort de Foullon et de Bertier ayant rempli les nobles de terreur, beaucoup d'entre eux émigrèrent, parmi lesquels le duc de Luxembourg, le duc de Coigny, le prince de Lambesc, le comte de Vaudreuil, la princesse de Beauffremont, le comte du Cayla, le marquis de Sérens, etc. Cette vaste désertion des principaux de la noblesse ne couvrait-elle pas un signal de guerre ? n'était-elle pas un recours silencieux, mais sinistre, à l'intervention de l'étranger ? Le peuple ne s'y trompa point. Il sentit que si des personnages attachés à la patrie par les mille liens de la richesse, du bonheur, de l'orgueil, des douces habitudes, fuyaient au lieu de se résigner ou de se défendre, ce ne pouvait être qu'avec l'intention de revenir à la tête de ces mêmes soldats étrangers dont ils avaient naguère osé menacer Paris. Aussi le peuple fut-il inexorable dans sa vigilance. Le baron de Bachmann, major du régiment des gardes suisses, se vit traîné à l'Hôtel de Ville, uniquement parce qu'en descendant le pont Royal vis-à-vis les Tuileries, sa voiture avait pris à gauche, du côté de Versailles[64]. Bientôt, de Paris la défiance gagna les provinces. Le soupçon garda les chemins, il se dressa aux portes des villes, il ameuta les villages, il s'étendit le long des frontières. La municipalité de Villenaux retint Besenval prisonnier. Cazalès, qui avait quitté précipitamment l'Assemblée nationale, où il devait s'illustrer par les combats de l'éloquence, Cazalès fut arrêté à l'entrée de Caussade et rendu malgré lui à sa renommée. L'abbé Maury s'était enfui vers le Nord, après avoir jeté son rabat, noué ses cheveux ; mais, comme il traversait Péronne, des paysans remarquèrent qu'il ne portait pas de cocarde à son chapeau : on l'interrogea, on le reconnut, on lui fit une prison d'une salle de l'hôtel de ville de Péronne. A peu près dans le même temps, on amenait aux autorités du Havre un personnage aux allures suspectes ; il se faisait appeler Chevalier, se disait marchand et avait pour compagnon de voyage un jeune homme sur lequel on ne trouva point de passeport : ils furent l'un et l'autre constitués prisonniers[65]. Or, ce marchand, ce voyageur soupçonné, cet homme qu'on arrêta ainsi qu'un obscur vagabond, c'était le duc de La Vauguyon, ambassadeur de France en Espagne, ex-gouverneur de Louis XVI. Son compagnon, c'était le duc de Carency, son fils. De pareils faits suffisent pour marquer quelle était alors la situation des esprits dans toute l'étendue de la France. Pourquoi s'en étonner ? Tout concourait à exciter, à aigrir les défiances populaires. Ce n'étaient que messages funestes, que courriers mystérieux sillonnant les routes. Pour comble, les premiers pouvoirs issus de la Révolution se montraient incertains, ils se refusaient sinon aux soucis du moins à la responsabilité de la vigilance, ils avaient évidemment peur des conditions auxquelles les jours de crise mettent le salut commun ; et pendant qu'à l'Hôtel de Ville, les représentants de la haute bourgeoisie ne se faisaient pas scrupule d'apporter d'injurieuses restrictions au droit de colporter les écrits d'auteurs sans existence connue[66], la majorité de l'Assemblée nationale n'osait contester à des conspirateurs connus le droit de correspondre impunément avec leurs complices de l'intérieur, le droit de sceller leurs intrigues d'un cachet inviolable, la liberté enfin de conspirer contre la liberté. Le comte d'Artois, on l'a vu, s'était fait le centre de la contre-révolution. Or, des lettres à son adresse ayant été saisies sur le baron de Castelnau, résident de France à Genève, on se hâta de les porter à l'Hôtel de Ville, d'où Bailly les fit passer au duc de Liancourt, président de l'Assemblée nationale. Embarrassé d'un tel fardeau, le duc de Liancourt renvoya les dépêches à l'Hôtel de Ville. Là-dessus, les débats s'ouvrirent. Lorsque la patrie était en danger, lorsqu'il y allait du triomphe des plus nobles sentiments qui aient jamais parlé au cœur des hommes, pouvait-il être permis de rompre le cachet d'une correspondance manifestement dangereuse ? Dupont de Nemours, Le Camus, Lally-Tollendal, Mirabeau se prononcèrent vivement pour la négative. L'opinion contraire fut soutenue par le comte de Châtenay, par Rewbell, par Gouy d'Arcy. A ces derniers, l'évêque de Langres opposa des exemples tirés de l'antiquité, il cita César ; mais selon l'expression de Gorsas, Robespierre foudroya l'argument de l'évêque de Langres[67]. Ce n'était pas l'antiquité qu'il y avait ici à invoquer, c'était la suprême loi du salut public. Salut public ! ces deux mots, dans la bouche de Robespierre, auraient fait tressaillir l'Assemblée, si elle avait pu entrevoir alors tout ce qu'ils contenaient de puissance, de majesté, de terreur et de prodiges. La discussion, du reste, ne fut suivie d'aucun vote. Que disaient les lettres saisies ? On l'ignora, et les appréhensions s'en accrurent. Glorieux tourments du peuple, bien faciles à concevoir : le trésor qu'il s'agissait de conserver avait tant coûté à conquérir ! Au milieu de cette universelle inquiétude, une nouvelle se répandit qui pénétra les âmes d'indignation. Des hommes allaient de rue en rue, criant : La grande conspiration, la grande trahison des aristocrates ; et les gazettes annoncèrent qu'on avait effectivement conçu l'odieux dessein de livrer le port de Brest aux Anglais[68]. Aussi bien, le bruit avait une source officielle ; il n'était que le retentissement d'une confidence faite à M. de Montmorin par l'ambassadeur d'Angleterre, vers les premiers jours du mois de juin. Restait à savoir si, en dénonçant à la cour de France un complot dont on se gardait soigneusement d'ailleurs, soit de nommer les auteurs, soit de préciser les circonstances, l'Angleterre n'avait pas voulu, fidèle au génie de sa politique, agiter la flamme de nos discordes. Ce qui est certain, c'est que le duc Dorset mit un empressement singulier à agrandir le scandale. Il écrivit à M. de Montmorin une lettre qu'on lut en pleine assemblée. L'ambassadeur y disait[69] : Votre Excellence se rappellera plusieurs conversations que j'eus avec elle au commencement du mois de juin dernier, le complot affreux qui avait été proposé relativement au port de Brest, l'empressement que j'ai eu à mettre le roi et ses ministres sur leurs gardes, la réponse de ma cour, qui correspondait si fort avec mes sentiments et qui repoussait avec horreur la proposition qu'on lui faisait. Vous sentez combien il est essentiel pour moi qu'on rende justice à ma conduite et à celle de ma cour... L'accusation, quoique vague, était trop grave, elle tombait de trop haut, elle répondait à des craintes trop vivement excitées pour qu'on ne s'étudiât point à l'approfondir ; et, d'un autre côté, des tentatives du même genre pouvant se renouveler, il fallait se ménager les moyens d'en connaître désormais l'origine, les auteurs, le lien secret, le but définitif. Dans la séance du 28 juillet, Duport demanda la parole. C'était un esprit ferme, hardi, allant droit au fond des choses, avare des coups sans portée, mais, quand il frappait, frappant fort. Déjà, sur la proposition de Volney, l'Assemblée avait établi un comité de trente membres, investi de la mission de recevoir, d'examiner les mémoires, plaintes, requêtes[70]. Duport voulut davantage. Après une description sobre et nerveuse des malheurs du pays, il conclut à ce qu'on instituât une commission de quatre personnes, pour entendre le rapport et les indices sur le complot de Brest et autres semblables. Faire peser sur la liberté de quelques-uns une surveillance favorable à la sécurité de tous ; restreindre le droit individuel au nom et au profit du droit social, tel était le but. ; mais on pouvait prévoir qu'il serait dépassé : il n'y avait qu'un pas d'une commission spécialement chargée de découvrir les complots à une commission spécialement chargée de les punir. Ainsi furent posées, de la main d'un conseiller au parlement, d'un magistrat, les premières bases du fameux tribunal révolutionnaire. Combattue avec moins d'autorité que de véhémence par Virieu, par l'élégant chevalier de Boufflers, la proposition eut pour principaux appuis, circonstance assez remarquable, des nobles : le vicomte de Noailles, le comte de Castellane, le duc de La Rochefoucauld. Rewbell ayant dévoilé l'image d'un tribunal provisoire ; Gouy d'Arcy ayant parlé d'une commission secrète à établir, l'effroi déjà gagnait l'Assemblée, lorsque Le Chapelier ramena aux idées de Duport la majorité des suffrages en présentant le projet sous une forme habilement adoucie. D'André avait demandé que le nombre des commissaires fût porté de quatre à douze, ce qui tendait à énerver l'institution ; cet amendement facilita l'adoption de la mesure. La crainte que Paris inspirait fit le reste. Les commissaires choisis furent Duport, l'évêque de Chartres, le duc de La Rochefoucauld, de Glaizen, Fréteau, Tronchet, Rewbell, d'André, Bouche, Pétion, Yvernault et le plus fougueux adversaire du projet, le comte de Virieu. Les débats dont nous venons de faire revivre le souvenir n'eurent pas l'éclat de certaines grandes joutes oratoires ; mais ils étaient d'une importance capitale, parce qu'ils dessinaient les deux doctrines rivales qui allaient se partager la révolution comme elles s'étaient partagé le dix-huitième siècle. Avec Lally-Tollendal, Mounier, Malouet, les élèves de Voltaire et de Montesquieu soutenaient que le code des nations civilisées est, avant tout, un code de garanties ; qu'aucune considération d'utilité publique ne doit l'emporter sur la religion du droit individuel ; que donner trop de ressort à l'action commune, même quand la patrie est en danger, c'est forger des armes pour la tyrannie. Robespierre et les disciples de Jean-Jacques pensaient, au contraire, que les hommes sont liés par une solidarité, chaîne mystérieuse dont le premier anneau tient au trône de Dieu ; que c'est le bonheur de l'humaine famille tout entière qui fournit le principe, la règle, la mesure, la justification des droits ; que hors de là il ne saurait y avoir qu'usurpations effrontées ou prétentions injustes ; que les droits des individus ne se pouvant déterminer que d'après leurs rapports avec l'avantage de tous, immoler à ces droits, considérés isolément, ce qui est dû à la patrie en danger, c'est une folie déplorable quand ce n'est pas un crime. C'était soutenir, au point de vue du combat — et il le fallait bien alors, — une doctrine qui est essentiellement celle de la paix. Car le progrès consiste à réaliser de plus en plus, au sein des sociétés humaines, la loi d'unité qui se voit aux œuvres divines, cette admirable loi qui se révèle dans le corps humain par la mutuelle dépendance des membres, et dans le mécanisme étincelant de l'univers par l'attraction des mondes. Tandis qu'asservie à la loi des événements qui, à de certaines hauteurs, se joue de la volonté des hommes, l'Assemblée nationale se laissait entraîner à des mesures de précautions presque sinistres, Necker revenait de son exil, l'âme ouverte à des pensées de clémence. Arrivé à Bâle le 20 juillet, il s'était fait préparer un appartement dans l'auberge des Trois Rois. Le lendemain, informé que le due et la duchesse de Polignac venaient de descendre à l'hôtellerie voisine, il n'hésita pas à leur rendre visite ; et ce fut d'eux qu'il apprit les récentes nouvelles de Paris[71]. Peu de jours après, Dufresne de Saint-Léon-lui apporta la lettre du roi et l'arrêté de l'Assemblée. Necker commençait à éprouver alors cette fatigue du cœur qui annonce le soir de l'ambition ; la duchesse de Polignac n'avait pas manqué de lui faire un effrayant tableau des emportements populaires : un instant il hésita. Sa réponse au roi respire une gravité mélancolique. A l'Assemblée, il écrivit : Je dois, messieurs, vous aller porter l'hommage de ma respectueuse reconnaissance. Mon dévouement ne vous est pas nécessaire, mais il importe à mon bonheur de prouver au roi et à la nation française que rien ne peut ralentir un zèle qui fait depuis si longtemps l'intérêt de ma vie[72]. Le retour de Necker fut un vrai triomphe. A son approche, les paysans accouraient semant la route de fleurs, et, quand il passait, tous criaient en agitant leurs chapeaux : Vive M. Necker, le père du peuple ! Les milices bourgeoises venaient au-devant de lui ; les cloches des villages qu'il traversait sonnaient en volées. A Chaumont en Bassigny, il fut reçu par les officiers municipaux qui l'attendaient pleins d'une sorte d'impatience religieuse et qui lui offrirent, à la manière des Allemands, les vins de la ville[73]. L'enthousiasme était si extraordinaire, si déréglé même dans ses transports, qu'au moment où Necker se mettait à table avec sa famille, un habitant réclama l'honneur de le servir : indigne hommage que madame de Staël écarta par ces mots : Non, monsieur, vous êtes un citoyen[74]. Necker s'étant retiré pour prendre quelque repos, la milice bourgeoise tout entière voulut veiller sur son sommeil, et Durville, commandant du premier corps d'infanterie, coucha dans sa chambre[75] ; tant il y avait d'exaltation au fond des idées que Necker semblait alors représenter ! A peine à Versailles, le ministre rappelé se rendit au château. Il le trouva morne et désert. Marie-Antoinette, si hautaine naguère, si menaçante, avait l'attitude, la figure, le langage de l'abattement. A Louis XVI, il ne restait même plus la force de l'insouciance. La charge de gouvernante des enfants de France, laissée vacante par le départ de la duchesse de Polignac, avait été donnée à la marquise de Tourzel ; on avait rendu à M. de Montmorin le portefeuille des affaires étrangères, et le comte de Saint-Priest remplaçait M. de Villedeuil au ministère de la maison du roi[76]. L'aspect de la cour était complètement changé. Le 29 juillet, Necker alla remercier l'Assemblée, où des applaudissements dont il n'y eut jamais d'exemple accueillirent sa présence. A quelques paroles qu'il prononça d'une voix tremblante, promesses de dévouement mêlées à un témoignage de gratitude, le duc de Liancourt répondit par une harangue qui épuisait toutes les formules de l'admiration. Du reste, pour avoir une idée de la popularité dont Necker jouissait à cette époque, il faut lire les journaux du temps. Le cœur se serre, dit Gorsas[77], en pensant à ce qu'il a souffert, à ce qu'il aurait pu souffrir. On cherche dans ses yeux à deviner les mouvements de son âme. C'est un père qui revient au milieu de sa famille, qui le chérit ; quoiqu'il n'ait plus rien à craindre, on s'inquiète encore, on l'interroge pour savoir s'il n'a pas quelque blessure cachée qu'il ne veut pas découvrir de peur d'affliger ses enfants. Comment un homme qu'on entourait de tant d'amour, de tant de respect, se serait-il préservé du vertige de l'orgueil ? Necker se crut la main quand il n'était que l'instrument. Amnistier la défaite, à l'origine de la lutte ; décréter l'oubli des ressentiments, alors que s'aggravaient les injures, alors que se multipliaient les périls ; sauver les coupables, au risque d'encourager leurs complices ; sauver Besenval ; interdire à la Révolution sa colère, qui était sa prudence, voilà ce que Necker osa concevoir. Une chose aurait dû, pourtant, l'avertir de la témérité de ses espérances. Passant à Villenaux, il s'était empressé d'écrire, de sa voiture, aux autorités du lieu une lettre qui implorait la liberté de Besenval, il n'avait rien obtenu. Mais l'encens de Versailles l'enivrait. Il ne comprit pas que, dans tout ce bruit qu'on faisait autour de sa personne, il y avait un malentendu formidable ; que ce qu'on applaudissait en lui, c'étaient justement des idées qui déjà dépassaient de beaucoup les siennes. Il ignorait, en outre, que la gloire est un piège tendu à l'activité des cœurs d'élite ; que la réputation est la livrée dont un peuple décore les talents qu'il admet à son service, et que la popularité veut pour esclaves ceux qu'elle semble choisir pour idoles. Necker prit donc cette roule de l'Hôtel de Ville de Paris qui venait d'être témoin des angoisses de Louis XVI et à l'extrémité de laquelle étaient les pavés que de Launay, Bertier, Foullon avaient rougis de leur sang. Une armée entière précédait, entourait et suivait la voiture du ministre. Aussi nombreuse et plus brillante que celle qui avait accompagné le roi, la cour de Necker se composait de la marquise de La Fayette, des princesses Luhomiska et Protoska, de la baronne de Staël, du comte de Saint-Priest, de MM. de La Fayette, de Clermont-Tonnerre, de Rochechouart, de Lusignan[78], etc. A l'hôtel de ville, douze électeurs vinrent recevoir le visiteur attendu, le conduisirent jusqu'à son fauteuil, au milieu des applaudissements ; et alors, s'avançant vers Lui, Moreau de Saint-Méry lui présenta la cocarde de la Révolution : Ces couleurs vous sont chères, ce sont celles de la liberté. Après avoir été harangué par M. de La Vigne, au nom de la Commune, Necker, dans un discours noble et touchant, demanda la grâce de Besenval. Pendant qu'il parlait, ses traits étaient altérés, ses yeux humides. Il suppliait, d'ailleurs. Cette tristesse dans le triomphe, cette humilité dans la gloire firent une impression profonde. Oui, cria-t-on de toutes parts, grâce, pardon, amnistie ! L'élan fut si vif qu'une amnistie générale proposée par Clermont-Tonnerre fut aussitôt consentie. Necker regagna Versailles, le visage radieux, le cœur plein de joie. Là cependant venait d'être l'écueil, là le terme de sa popularité. L'arrêté des électeurs, qui consacrait l'amnistie, n'est pas plutôt connu que tout s'embrase. Qui donc avait donné aux électeurs le droit d'annuler les décrets de l'Assemblée nationale, de pardonner aux ennemis déclarés du peuple, de disposer des vengeances ou de la générosité de Paris ? Ce baron de Besenval, objet d'une si étrange sollicitude, n'était-il pas le même qui devait présider à l'égorgement des Parisiens, le même qui écrivait au gouverneur de la Bastille de tenir bon ? Que n'avait-on pour les crimes obscurs, ceux de la misère, ceux de la faim, cette indulgence dont on couvrait les crimes nés du délire de l'ambition, des enivrements de l'orgueil ? On l'espérait en vain : la Révolution ne se laisserait pas désarmer ; et s'il lui plaisait d'être généreuse, ce serait après et non avant le combat. Le déchaînement fut universel. Le district de l'Oratoire envoya deux de ses membres à Villenaux, avec injonction d'empêcher que Besenval fût mis en liberté. Le district des Blancs-Manteaux fit retentir l'Assemblée nationale de ses plaintes, de ses menaces. Alors, saisis d'épouvante, les électeurs se hâtèrent de revenir sur leur précédent arrêté ; ils expliquèrent qu'ils avaient entendu seulement proscrire les actes de violence, les peines extra-légales. De son côté, l'Assemblée nationale déclara qu'elle approuvait l'explication fournie par les électeurs et que Besenval resterait sous la garde de la loi. Un jour avait suffi pour précipiter Necker du haut de son piédestal. En apprenant la rétractation des électeurs, il pâlit et écrivit : Mon bonheur a peu duré. Or, ce fut précisément à cette époque qu'eut lieu l'aventure de Pinet, aventure sanglante, mystérieuse, qu'il importe de raconter, parce qu'elle se lie étroitement aux causes qui retenaient le peuple sur la pente des rigueurs. Pinet, agent de change et secrétaire du roi, était un homme généralement estimé[79]. Il avait des mœurs douces, une âme bienfaisante, et mettait à remplir ses engagements une exactitude presque religieuse. Toutefois, sa fortune, originairement très-bornée, avait pris en peu de temps un accroissement prodigieux. Comment ? on l'ignorait. Tout ce qu'on savait, c'est qu'il n'était point joueur, ne confiait rien aux hasards de la loterie, ne se livrait à aucune négociation usuraire, et payait un intérêt énorme des fonds qu'attirait dans sa caisse l'universelle confiance qu'il avait su inspirer[80]. Ses relations avec plusieurs des principaux personnages de la cour étaient intimes ; elles ajoutaient à son crédit, qu'il semblait, d'ailleurs, employer avec noblesse, préférant admettre à ses bénéfices les personnes peu riches, comme pour sanctifier son bonheur par la bonté. Après la mort de Foullon et de Bertier, on le vit tomber tout à coup dans une sombre tristesse[81]. Le 29 juillet, une lettre lui ayant été apportée, il la lut jusqu'à trois fois, dîna d'un air fort calme avec sa famille, invita même quelques amis à souper ; mais, entre six et sept heures du soir, il sortit sous un prétexte vain, et ne reparut pas. Le lendemain, à l'entrée du bois du Vésinet, près Saint-Germain, on rencontra un homme couvert de sang : c'était Pinet. Transporté à l'auberge du Pecq et interrogé, il répondit qu'il ne concevait rien à son affreuse aventure ; qu'appelé, la veille, aux Champs-Élysées, pour une opération de finances, il s'était réveillé dans le bois du Vésinet, sa tête portant sur un tronc d'arbre rougi de sang ; qu'il ne pouvait comprendre ni comment il avait été blessé, ni comment il s'était trouvé en un lieu si éloigné de sa route. On avait mandé à la hâte un chirurgien ; il dit à Pinet : Ce n'est point un tronc d'arbre qui vous a fait cette blessure ; c'est un coup de feu[82]. A ces mots, Pinet se troubla, mit le doigt sur sa bouche, et fit signe qu'il lui était impossible de parler devant témoins. Il finit cependant par déclarer qu'il avait été assassiné ; que ses affaires étaient en bon état ; qu'on ne perdrait rien si on voulait s'entendre ; qu'il désirait vivement être transféré à Paris. et il recommandait d'une façon particulière son portefeuille rouge. Trois jours après, il était mort. On avait dû dresser procès-verbal des déclarations du mourant : ce procès-verbal ne fut point produit ; le portefeuille rouge ne fut jamais représenté, malgré les indications que Pinet avait certainement fournies ; enfin, pour dernière singularité, les rédacteurs de la Chronique publièrent le chiffre exact de la faillite deux mois avant qu'elle eût été vérifiée[83]. Elle ne s'élevait pas à moins de cinquante-quatre millions. C'était un gouffre où quinze cents familles furent englouties. Un pistolet déchargé qu'on ramassa dans le bois du Vésinet, un autre chargé qu'on trouva dans la poche de Pinet, avaient d'abord fait croire à un suicide. Mais on apprit que le malheureux agent de change avait été soumis, dans les jours qui précédèrent sa mort, à un système, suivi, d'intimidation. D'étranges soupçons prirent naissance. Comme preuves de l'assassinat on put alléguer la disparition du portefeuille, le propre témoignage du mourant, les menaces antérieures dont il avait été l'objet, mainte circonstance de nature à prouver que jusqu'au dernier moment sa situation avait été prospère. Examinée de plus près, l'hypothèse de l'assassinat conduisit à des remarques importantes. On se souvint que Pinet avait toujours enveloppé ses opérations d'un voile impénétrable ; que, lorsqu'en lui confiant des fonds l'on s'avisait de le questionner sur le placement, il avait coutume de rendre la somme à l'instant même. La liste de ses amis, passée en revue, livra des noms soupçonnés. De l'argent qu'on plaçait chez lui, il payait un intérêt monstrueux, jusqu'à 75 pour 100[84] : quel était donc le genre d'opération capable de rapporter de tels bénéfices, dans un temps de troubles et de soupçons, dans un temps où l'industrie était morte, où le commerce fuyait devant la guerre, où les champs restaient sans culture ? On crut toucher au mot de l'énigme : impossible que Pinet n'eût pas été le banquier du monopole des grains, le caissier de l'accaparement. Quant à sa bienfaisance, elle servait à le rassurer contre les reproches de son cœur. Nous avons vu l'Assemblée nationale établir un comité de subsistances. Quoique ce comité se fût tenu dans l'ombre, on ne doutait pas qu'il n'eût cherché activement la trace des accapareurs. L'opinion s'arrêta donc à ceci : Pinet avait été pressé de dénoncer les odieux continuateurs de ce système d'accaparement qui, sous le nom de pacte de famine, avait déshonoré le règne de Louis XV[85] ; les coupables avaient redouté une révélation qui les eût fait massacrer sur l'heure ; et, après avoir essayé de la prévenir par des menaces, ils s'étaient décidés à l'étouffer par un assassinat. Jamais on n'en a su davantage. Dans son journal, Loustalot avait écrit en annonçant la mort de Pinet : Cet événement doit produire de grands éclaircissements sur la révolution actuelle[86]. Mais le nombre des coupables, leur rang, leur crédit, leurs richesses, empêchèrent la vérité d'éclater. De là, parmi le peuple, un redoublement de défiance et de colère, l'énormité du crime s'aggravant à ses yeux de tout le scandale de l'impunité. Il y eut à Paris des démonstrations formidables. Les plaintes des familles qui venaient d'être ruinées se mêlaient aux clameurs de la foule qui, se sentant frappée par des mains invisibles, frémissait de ne pouvoir ni échapper aux désastres de l'accaparement ni atteindre les accapareurs. La cherté du pain produisit, autour de Paris, des émeutes violentes, dont le Palais-Royal prolongeait le retentissement. Chatel, maire de Saint-Denis, fut égorgé[87] dans un moment d'ivresse aveugle et furieuse. C'est le danger à la fois et la force de la France que cette électricité morale qui, à des heures données, y communique à tous les esprits un même ébranlement. Telle vient de se montrer la capitale, tel se montra le royaume. La province eut ses tragédies, non moins sombres que celles de Paris. Comme Bertier à Paris, le major Belsunce à Caen expia par une mort terrible l'emportement de ses dédains. Abhorré du peuple parce qu'il poursuivait la Révolution d'outrageants défis ; parce qu'à cheval, armé jusqu'aux dents, accompagné d'un homme à figure sinistre, il affectait de sourire de mépris aux fêtes du rappel de Necker ; parce qu'on l'accusait d'avoir fait enlever avec insulte à trois grenadiers du régiment d'Artois une médaille décernée à leur civisme ; parce qu'on le soupçonnait de pousser le régiment de Bourbon, dont il était major, à quelque sacrilège coup de main[88], il fut attaqué dans sa caserne, livré, traîné à l'hôtel de ville, tué d'un coup de fusil durant le trajet. Aussitôt on se jeta sur son corps, dont on se partagea les lambeaux ; et, les vengeances de l'amour offensé se faisant place à travers les colères publiques, une femme lui arracha le cœur[89]. Ainsi, partout une inquiétude farouche, partout, à l'égard des ennemis de l'esprit nouveau, une haine sans pitié, mais partout aussi le courage, l'ardeur, un puissant espoir, les frémissements de la vie aux premiers rayons du jour, et un peuple se tenant debout, le visage tourné vers Paris, la ville du soleil. Voici en quels termes un Allemand, arrivé en France dans les derniers jours de juillet, décrivait, à cette époque, l'émotion que lui causa l'aspect de notre pays : Je ne saurais rendre les impressions qui s'emparèrent de moi lorsque, pour la première fois, je vis la cocarde française aux chapeaux et aux bonnets de ceux que nous rencontrions, bourgeois et paysans, enfants et vieillards, prêtres et mendiants, et que je pus lire sur les fronts joyeux une sorte de fierté, en présence d'hommes appartenant à d'autres pays. J'aurais voulu pouvoir serrer dans mes bras les premiers qui se présenteraient à moi. Ce n'étaient plus des Français ; mes compagnons et moi, nous avions cessé un instant d'être des Brandebourgeois, des habitants de Brunswick ; les dissidences, les intérêts de nation avaient disparu : Je suis homme, disait chacun de nous, et rien de ce qui concerne l'humanité ne m'est étranger[90]. Ce fut un beau spectacle, plus beau que tous ceux des temps héroïques. Cette cocarde aux trois couleurs[91] à laquelle Lafayette avait prédit tant d'immortelles conquêtes et qui rayonnait portée par le laboureur, l'artisan, le gentilhomme, le prêtre, le soldat, le vagabond, elle donnait un emblème à l'égalité en attendant qu'on lui donnât un empire. Il y eut aussi cela d'admirable que beaucoup d'humbles pasteurs de paroisse se trouvèrent alors subitement élevés à l'intelligence de l'Évangile, code du monde affranchi. Car, ce ne fut pas à Paris seulement que des prêtres comme l'abbé Fauchet appelèrent le Crucifié en témoignage de la sainteté des nouveaux désirs ; ce ne fut pas à Paris seulement qu'à la vue des blanches processions de jeunes filles allant prier la patronne du lieu pour le salut du peuple, on put s'écrier : Ô bienheureuse ! que de vœux différents vous avez exaucés ! Saint Louis vous demandait la conquête de Jérusalem, Louis XI le pardon de ses crimes, Charles IX la Saint-Barthélemy, Louis XIV ses victoires, et nos vierges vous demandent la liberté[92]. C'est qu'en effet, avec une soudaineté prodigieuse, la Révolution s'était portée de la ville au village, du village aux chaumières, laissant partout après elle une longue traînée d'enthousiasme. Oui, l'enthousiasme révolutionnaire, voilà ce qui, avant et mieux que les lois, changea la carte géographique de notre pays de France. D'un même élan vers le règne du droit sortit l'unité du territoire. La liberté fit la patrie. |
[1] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVI, p. 55.
[2] Mémoires de Weber, t. I, chap. IV, p. 396.
[3] Moniteur, séance du 20 juillet 1789.
[4] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 18, p. 301.
[5] Si peu, que presque tous les journaux de l'époque l'appellent Robert-Pierre.
[6] Voyez le Courrier de Versailles à Paris, n° 18, p. 305 et 306.
[7] Ce changement soudain est constaté par le Moniteur lui-même, où, du reste, la physionomie de cette séance importante se trouve non-seulement reproduite d'une manière incomplète, mais altérée.
[8] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 19, p. 319 et 321.
[9] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 19, p. 321.
[10] Rapport de Bessin, commandant de la milice bourgeoise du district de Saint-Méry et procureur au Châtelet.
[11] Prud'homme, Révolutions de Paris, t. I, p. 34.
[12] Montjoie lui-même l'avoue. Voyez l'Ami du roi, 4e cahier, chap. LVIII, p. 75.
[13] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 16, p. 264.
[14] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVI, p. 54.
[15] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 15, p. 227.
[16] Rapport de Le Camus à l'Assemblée nationale.
[17] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVIII, p. 79.
[18] Le cousin Jacques, p. 122. — Événements de la Semaine, petite feuille du temps. — Gorsas, Courrier de Versailles à Paris. — Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, p. 117. — Lettre à M. le marquis de Luchet, etc., etc.
[19] D'une note détaillée qui nous a été remise par la famille de M. Foullon et que nous n'avons consultée qu'avec une extrême défiance, comme c'était notre droit et notre devoir, de cette note il résulte que la fortune laissée par M. Foullon à ses enfants n'égalait pas ce qu'eussent représenté le capital et les intérêts, capitalisés, de ce qu'il possédait en 1747.
[20] Voyez dans les Mémoires de madame Campan, ce qu'elle raconte des deux mémoires que Foullon avait présentés au roi.
[21] Note remise par la famille.
[22] Dans la note qui nous a été remise par la famille, ce fait est nié purement et simplement ; ce qui ne nous empêche pas de le tenir pour vrai :
1° Parce que la plupart des écrits du temps l'affirment ;
2° Parce qu'il n'est pas nié même par Montjoie, qui l'appelle un innocent stratagème, 4e cahier, chap. LVIII, p. 79.
3° Parce que le peuple y fut si bien trompé qu'au Palais-Royal on plaisantait sur ce que Foullon était de lui-même descendu aux enfers ;
4e Enfin, parce que l'histoire serait impossible si, pour détruire les faits de notoriété, il suffisait d'une simple dénégation de la part des parents, à qui un sentiment, très-respectable d'ailleurs, rend l'impartialité si difficile.
[23] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVIII, p. 79.
[24] Mémoire de Grappe.
[25] Procès-verbal de l’assemblée des électeurs, t. II, p. 314. — L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVIII, p. 83.
[26] L'Ami du roi, 4e cahier, chap. LVIII, p. 80.
[27] Mémoires de Bailly, t. II, p. 111.
[28] Prud'homme, Révolutions de Paris, t. II, p. 23.
[29] Mémoires de Bailly, t. II, p. 111.
[30] Que le meurtre de Foullon n'ait pas été véritablement l'ouvrage du peuple, c'est ce que donnent clairement à entendre et le Procès-verbal des électeurs et les Mémoires de Bailly. Telle était aussi, on peut le voir dans les Mémoires de madame Campan, l'opinion de la reine.
[31] Ce discours est celui que tous les journalistes du temps recueillirent et qui se trouve rapporté dans l'Histoire de la Révolution par deux amis de la liberté. Plus tard, par des raisons qu'on devine aisément, Bailly, les électeurs, Lafayette, ne publièrent ce discours qu'après en avoir singulièrement adouci les formes.
[32] Voyez le tome II du Procès-verbal ; et L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LVIII, p. 83. — C'est, du reste, le mot dont se sert Bailly, t. II, p. 114.
[33] L'Ami du roi, 4e cahier, chap. LVLIII, p. 84. — Mémoires de Ferrières, t. I, p. 160.
[34] Charles Comte, Hist. de la garde nationale, p. 104.
[35] Le cousin Jacques, p. 124. — Annales parisiennes, p. 61.
[36] Ce fait est nié dans un mémoire qui nous a été remis par la famille de M. de Bertier. Il y est dit, au contraire, sans qu'aucune preuve, du reste, en soit fournie, que M. de Bertier s'opposa à la fauchaison des récoltes sur pied et que les chevaux furent nourris au sec. D'après la note, M. de Bertier aurait représenté au maréchal de Broglie que faucher les récoltes sur pied serait une mesure impopulaire et inutile. En tout cas, c'est criminelle qu'il aurait fallu dire.
[37] Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, p. 128, 129.
[38] Gorsas, Courrier de Versailles à Paris et de Paris à Versailles, t. 17, p. 288, 289.
[39] Voyez dans l'Ami du roi, dont l'auteur est le défenseur le plus véhément de la mémoire de Foullon et de Bertier, 4e cahier, chap. LIX, p. 87.
[40] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LIX, p. 88. — L'auteur qui rapporte ce fait assure le tenir d'un témoin oculaire.
[41] Dans le mémoire manuscrit qui nous a été remis par la famille de M. de Bertier.
[42] Mémoires de Bailly, t. II, p. 91 et 92.
[43] Note remise par la famille de M. de Bertier.
[44] Note remise par la famille de M. de Bertier.
[45] Quinzaine mémorable. — Lettre à M. le marquis de Luchet.
[46] L'Ami du roi, 4e cahier, chap. LIX.
[47] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LIX, p. 91.
[48] Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, p. 131.
[49] Lettre à M. le marquis de Luchet, conforme à une gravure du temps qui représente l'entrée de Bertier dans Paris, et que nous avons sous les yeux.
[50] Récit d'Étienne de la Rivière, cité par Bailly, dans ses Mémoires, t. II, p. 120.
[51] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 17, p. 285.
[52] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 17, p. 286. — Le cousin Jacques, p. 126.
[53] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 17, p. 286.
[54] Mémoires de Bailly, t. II, p. 123.
[55] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 17, p. 287.
[56] Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. II, chap. V, p. 137.
[57] Dix-neuvième lettre du comte de Mirabeau à ses commettants.
[58] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LX, p. 98.
[59] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 20, p. 338.
[60] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LXIII, p. 143.
[61] En annonçant la mort de son père, Mirabeau dit : La perte de mon père qui, j'ose le dire, met en deuil les vrais citoyens du monde. Dix-neuvième lettre.
[62] Correspondance secrète de plusieurs grands personnages, etc., p. 109.
[63] Droz, Hist. du règne de Louis XVI, t. II, p. 368.
[64] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LXI, p. 121.
[65] L'Ami du roi, etc., 4e cahier, chap. LXI, p. 122.
[66] Arrêté sur les colporteurs.
[67] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 21, p. 7.
[68] Quelques-uns disaient de l'incendier. Voyez Prud'homme, Révolutions de Paris, t. I, n° 3, p. 39.
[69] Moniteur, séance du 27 juillet.
[70] Moniteur, séance du 28 juillet.
[71] Madame de Staël, Considérations sur la Révolution française, t. I, chap. XXIII, p. 243.
[72] Barère dit, dans le Point du jour, que cette lettre fut accueillie avec transport par l'Assemblée.
[73] Relation de ce qui s'est passé à Chaumont en Bassigny, lors de l'arrivée de M. Necker (publiée à l'époque même), p. 3.
[74] Relation de ce qui s'est passé à Chaumont en Bassigny, lors de l'arrivée de M. Necker, p. 3.
[75] Relation de ce qui s'est passé à Chaumont en Bassigny, lors de l'arrivée de M. Necker, p. 3.
[76] Notice sur M. le comte de Saint-Priest, par M. de Barante, p. CVII.
[77] Le Courrier de Versailles à Paris, n° 23, p. 48.
[78] L'Ami du roi, etc., 5e cahier, chap. LXVIII, p. 43.
[79] Prud'homme, Révolutions de Paris, t. I, n° 3, p. 41.
[80] L'Ami du roi, etc., 5e cahier, chap. LXX, p. 69.
[81] Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. III, chap. III, p. 92, édition de 1792. — Tout ce que le Moniteur contient soit sur le pacte de famine, soit sur l'aventure de Pinet, n'est que la reproduction textuelle du récit des deux amis de la liberté, lequel a besoin lui-même d'être rectifié et complété.
[82] L'Ami du roi, etc., 5e cahier, chap. LXX, p. 70.
[83] L'Ami du roi, etc., 5e cahier, chap. LXX, p. 71.
[84] Hist. de la Révolution par deux amis de la liberté, t. III, chap. III, p. 91. Édition de 1792.
[85] Les détails de cette abominable spéculation se trouvent dans un ouvrage intitulé le Prisonnier d'État ou tableau historique de la captivité de J.G.G. Leprévost de Beaumont. C'est là qu'ont puisé tous les auteurs qui ont parlé du pacte de famine.
[86] Révolutions de Paris, t. I, n° 3, p. 42.
[87] Le cousin Jacques, p. 141 et suiv.
[88] Voyez Prud'homme, Révolutions de Paris, t. I, n° 7, p. 45. — Mémoires de Dumouriez, t. II, liv. III, chap. III, p. 53 et 54.
[89] On prétend qu'elle le mangea, dit Dumouriez, t. II, p. 55.
[90] Lettres écrites de France, à l'époque de la Révolution, par J.-H. Campe (en allemand), lettre première, p. 11.
[91] Aux couleurs rouge et bleue qui étaient celles de Paris, on avait joint le blanc, pour honorer le roi, selon d'Alonville ; pour représenter le peuple, selon Campe.
[92] Révolutions de Paris, t. I, n° 6, p. 26.