HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ORIGINES ET CAUSES DE LA RÉVOLUTION

LIVRE PREMIER. — PROTESTANTISME

L'INDIVIDUALISME EST INAUGURÉ DANS LE MONDE CHRÉTIEN

 

CHAPITRE II. — LUTHER.

 

 

La Révolution au seizième siècle : elle est enveloppée dans la religion, parce que l'État est alors enveloppé dans l'Église. — Luther, tribun mystique. — Il veut le chrétien libre, mais l'homme esclave ; il pousse aux révoltes de la conscience et condamne celles de la misère. — Tout un côté de l'humanité reste en dehors du soulèvement de Luther. — Luther devant Charles-Quint. — Au nom de la fraternité, les Anabaptistes se lèvent comme les Hussites, et comme eux ils succombent : Luther applaudit. — Progrès de la Réformation. — Par quelles conséquences imprévues elle donne essor à l'industrie moderne. — L'individualisme est inauguré.

 

Ici s'ouvre une histoire bien plus émouvante, bien plus tragique que celle des peuples broyés par la conquête ou des bataillons qui se heurtent : l'histoire de la pensée ! de la pensée, partout saisie d'enthousiasme, partout irritée, respirant la lutte, cherchant l'imprévu, et prête à bouleverser, d'un bout de l'Europe à l'autre, le royaume des esprits.

Le seizième siècle fut le siècle de l'intelligence en révolte ; il prépara, en commençant par l'Église, la ruine de tous les anciens pouvoirs : voilà ce qui le caractérise. Alors, en effet, des voix inconnues s'élevèrent pour refuser au pape étonné le droit de trafiquer du ciel et de l'enfer. A Wittemberg, on renversa la grande croix de bois rouge que des missionnaires s'en allaient dressant dans les églises et autour de laquelle ils vendaient denier par denier la miséricorde de leur Dieu. Des moines jetèrent au loin le cilice et les verges, instruments de leur long suicide, tandis que d'autres, sortant de leurs cloîtres, couraient se marier publiquement et pratiquer la piété dans l'amour. Pour la première fois, les excommunications s'étaient trouvées l'objet d'une risée immense, universelle. On put raconter sans mensonge que tel jour, en tel lieu, des étudiants, conduits par des docteurs, avaient fait des feux de joie avec le papier des bulles. Les pénitents désertaient le confessionnal. Les routes de l'Allemagne se couvraient de nonnes échappées. De simples laïques se mirent à dogmatiser, à prêcher. Saints de pierre ou de marbre roulèrent, en maint endroit, sur les dalles du temple, insultés et mutilés par une foule qu'indignait l'idolâtrie papiste. De toutes parts, les nobles montèrent à cheval. Il se fit en Europe un grand bruit d'armes que des clameurs révolutionnaires dominaient. Rome trembla.

Et ce ne pouvait être là évidemment qu'un des aspects de la révolte. Apprendre aux peuples à discuter le pape, c'était les pousser irrésistiblement à discuter les rois. L'Église, d'ailleurs, avait depuis longtemps enveloppé l'État dans sa destinée. Rome se trouvait au fond de tout : en la frappant, on frappait le système général du monde à l'endroit du cœur.

Comment la chose se fit, c'est ce qu'on ne saurait rappeler avec trop d'admiration, tant la main de Dieu est ici marquée dans les moindres circonstances !

En 1511, un moine ignoré, qui s'appelait alors frère Augustin et qui était Luther, fut aperçu montant à genoux l'escalier de Pilate, à Rome[1]. C'était pour obtenir du pape quelque indulgence. Tout à coup ce moine crut entendre une voix céleste : Le juste vivra par la foi. Il se leva aussitôt comme averti par Dieu, et il s'en revint, plein de trouble, l'esprit en proie à des inquiétudes confuses, et pouvant déjà dire : Je ne sais d'où me viennent ces pensées. Elles lui venaient de son siècle. Et voilà pourquoi leur première, leur mystique formule allait se changer en un signal de révolte qui, répété de ville en ville, mit le feu à l'Europe.

Et combien est plus frappant le résultat, quand on songe que Luther, audacieux par élans, avait un naturel craintif ; que ce tribun était un joueur de luth, un rêveur, un poète ; que ses grossiers transports, ses colères, admettaient de mélancoliques retours ; qu'il était sujet à d'étranges doutes, à des abattements d'une profondeur effrayante ; que mille puissances contraires se disputaient son âme fatiguée, âme tumultueuse et tendre, formée de violence et d'amour ! D'ailleurs, quelle avait été sa vie jusqu'alors ? Une vie partagée entre les soucis de l'écolier mendiant et les préjugés du moine. Jeune, il allait de porte en porte tendant la main et obtenant l'aumône par des chansons. Plus tard, sur la route de Mansfeld à Erfurt, un orage l'ayant assailli, il eut peur, tomba la face contre terre, et jura de se faire moine, s'abandonnant ainsi au Dieu terrible qu'il avait senti dans le ciel embrasé. Son entrée dans le cloître silencieux et sombre à jamais, ses défaillances, ce qu'il tenta pour échapper aux désirs qui rongent, sa piété amère, ses épouvantes, les spectres qui descendaient dans sa cellule avec l'ombre du soir, c'est ce qu'il a décrit lui-même en termes d'une naïveté terrible.

Il faut remarquer aussi que le victorieux dénonciateur de tant de superstitions catholiques, que le précurseur du rationalisme, que Luther enfin, était superstitieux à l'excès et plus naïvement crédule qu'aucun homme de son temps. Sorcières se donnant rendez-vous, le lendemain de la fêle de Noël, dans un endroit où quatre chemins se croisent, et tenant, après le coucher du soleil, des assemblées sinistres ; moines accompagnés, le long d'une route inconnue, par l'esprit des ténèbres sous les dehors d'un homme armé ; voix de l'enfer montant dans le silence de minuit, voilà de quels récits Luther entretenait ses auditeurs charmés, voilà de quelles croyances il nourrissait son imagination malade[2]. Mais c'était du démon, surtout, que Luther affirmait et redoutait l'empire. Dans la solitude de ces nuits de trouble où il préparait la ruine du monde ancien, souvent il vit se dresser autour de lui les fantômes de son cœur. Satan lui apparaissait alors ; et lui, frissonnant, oppressé, mais ferme dans sa foi, il entrait en lutte contre son visiteur redoutable[3].

Tel devait se montrer Luther. Or, quand il partit pour Rome, il était ce que le cloître l'avait fait ; son visage n'avait pas alors ce teint fleuri et ces chairs si fermes que nous montrent aujourd'hui certains portraits de Luther ; il trahissait, au contraire, les longues veilles, les veilles ardentes ; ses yeux, qui, depuis, furent comparés à ceux du faucon, brillaient d'un éclat sinistre, et il avait à ce point souffert par la pensée, qu'on aurait pu, dit un historien du temps, compter les os de son corps ; quant à ses scrupules, ils étaient d'un enfant de l'Eglise.

Mais quel spectacle lui réservait la ville sacrée ! La corruption y était devenue générale, prodigieuse. Partout la simonie, des débauches sans nom[4], le blasphème, l'odeur du meurtre[5]... Luther frémit d'horreur, et, de retour à Wittemberg, peu d'années après, en 1517, il commençait sa grande attaque.

Incompréhensible audace, si la révolte d'un homme, ici, n'eût été celle d'un siècle !

Car, bien qu'ébranlée profondément par les hérésies d'un côté, et de l'autre par le concile de Constance et celui de Bâle, la papauté paraissait encore pleine de vie. Rome était à bout d'impuretés ; mais, pour les couvrir, que de splendeurs réunies ! Autour du trône pontifical se pressait un groupe de grands hommes. Le pape d'alors, c'était Léon X, un des Médicis ; et il avait apporté, dans ses fonctions suprêmes, la grâce, la magnificence, l'heureux génie de sa maison.

Mais sous cet éclat la mort habitait. La raison en est simple. Une puissance ne dure qu'à la condition de conserver la spécialité de ses fonctions et l'originalité de son caractère. Le pape n'avait été possible que comme chef spirituel de l'humanité ; et comme tel, où pouvait-il trouver son naturel appui, si ce n'est dans la foi des peuples ? Le jour où, croyant avoir besoin d'un autre appui, son orgueil le cherchait dans le génie des artistes et des poètes, dans un tumultueux rassemblement de soldats, dans l'opulence et la possession de vastes domaines, ce jour-là, tombé du haut de son majestueux isolement, dans la foule des princes temporels, le pape cessait d'être lui : il disparaissait aux yeux de la terre.

Peut-être Léon X n'aurait-il pas songé à promulguer les indulgences, auxquelles répondit, comme on sait, le premier cri de Luther, si les fêtes, les dons, le désir d'achever la basilique commencée par Jules II, n'avaient poussé le Saint-Siège à l'avidité en le poussant à l'indigence. Mais Léon fut séduit par ce besoin de magnificence, feu qui ne brille qu'à la condition de consumer[6]. Il fallut vendre le chapeau de cardinal, vendre la charge de la pénitencerie, les évêchés, le salut des âmes. L'Église fut un marché, la religion un système d'impôts, la papauté un modèle de gouvernement fiscal ; l'univers chrétien une proie.

Or, la sécularisation de l'Église, si vivement dépeinte par Erasme dans son Eloge de la folie[7], amenait invinciblement plusieurs résultats funestes au clergé.

Les croyances du peuple s'affaiblissant, le pouvoir spirituel qui avait dominé le moyen âge chancela.

Une foule de princes et de nobles, ruinés par les combats, virent dans un soulèvement contre Rome des domaines à conquérir, des monastères à dépouiller.

La bourgeoisie, que la récente découverte de l'Amérique poussait vers l'industrie, s'irrita d'avoir à partager les fruits de son travail avec des moines avides et paresseux.

Enfin, la puissance temporelle des papes leur créait un intérêt politique qui pouvait se trouver et se trouva souvent, en effet, en opposition directe avec l'intérêt religieux.

Ajoutez à cela que les peuples, devenant industriels de militaires qu'ils avaient été, commençaient à se dégoûter des disputes stériles ; que la scolastique, nourriture intellectuelle du moyen âge, ne suffisait plus ; que de Constantinople, prise par les Turcs, s'étaient échappés et répandus sur tout le monde occidental, comme autant de flambeaux vivants, les propagateurs du génie antique ; que, si les lettres renaissantes avaient servi Rome dans Rome, ce n'avait été qu'en la rendant à demi païenne ; que partout ailleurs, et notamment en Allemagne, elles avaient produit leur effet naturel et préparé l'affranchissement de la raison ; que les travaux philologiques de Reuchlin, les écrits d'Érasme, les études astronomiques, semblaient annoncer l'avènement d'une science profane, destinée à remplacer la théologie et à remplir le vide qu'en tombant la papauté devait laisser dans l'histoire.

Y eut-il jamais, pour une vaste révolution, un plus merveilleux concours de circonstances ? Et toutefois, dans les débuts de son entreprise, Luther hésita ; il eut pour l'erreur d'involontaires ménagements, il éprouva par moments des transes mortelles... tant paraissait difficile à soulever le fardeau sous lequel avait jusqu'alors ployé l'Europe ! tant faisait peur encore cette grande figure du pape[8] !

Aussi ne fallut-il pas moins, pour exciter Luther, que le commerce des indulgences, effroyable débordement de scandales. Il se leva indigné, quand il vit l'Allemagne à genoux devant le coffre-fort d'une caravane d'imposteurs, envoyés de Rome pour vendre la rémission des péchés.

Ainsi, pour Luther approchait l'heure des résolutions extrêmes. Bien vainement, eût-il voulu s'arrêter : il était emporté par le mouvement du monde. Les plus ardents champions de Rome furent les premiers à la lancer dans les périls. Ils étaient là, pressant de mille aiguillons le moine encore indécis, tantôt l'encourageant à l'orgueil par l'expression de leurs alarmes, tantôt l'appelant avec violence dans la dispute et l'irritant par l'outrage[9]. Lui, soit pour se défendre, soit pour attaquer à son tour, il étudiait les Pères de l'Église, il comparait les Écritures, il entassait les matériaux d'une érudition redoutable, il s'exerçait à plonger sans effroi dans la tradition de l'Église et ses profondeurs les plus obscures. Bientôt, il la dédaigna, et fut conduit à ne plus reconnaître d'autre autorité que l'Évangile et d'autre maître que le Christ.

Alors se présenta clairement à son esprit le sens révolutionnaire des paroles qui, à Erfurt, étaient sorties des abîmes de son cœur, et que, depuis, il avait cru entendre à Rome sur les marches de l'escalier de Pilate : si, comme l'avait dit saint Paul, le juste vivait par la foi, la foi était donc la grande condition du salut. Et si la foi était tout, si les œuvres n'étaient rien, le moine portant un cilice tombait au-dessous du laïque ayant la foi.

D'un autre côté, n'a point la foi qui veut : Dieu la donne ou la refuse. L'homme n'était donc pas libre. Or, s'il n'était pas libre d'agir, l'Église n'avait rien à lui prescrire. S'il dépendait de Dieu seul, il n'avait à courber le front devant aucun visage humain ; et, confondus dans une même dépendance vis-à-vis du Christ, le dernier des fidèles et le pape devenaient égaux : pourquoi un pape ?

Telles furent les primitives données du protestantisme. Et quant à ses conséquences, ne les pressentez-vous point déjà ? Ce pape qu'il s'agit de renverser, c'est un roi spirituel, mais enfin c'est un roi. Celui-là par terre, les autres suivraient. Car, c'en est fait du principe d'autorité, pour peu qu'on l'atteigne dans sa forme la plus respectée, dans son représentant le plus auguste ; et tout Luther religieux appelle invinciblement un Luther politique.

C'est ce qu'on ne tarda pas à comprendre en Allemagne. Luther n'était pas allé encore, dans ses attaques, au delà de la question des indulgences, que déjà il s'était répandu autour de lui un frémissement inaccoutumé. Plusieurs pressentaient des agitations mortelles, la guerre civile[10]. Dans les calmes régions qu'il habitait, l'empereur Maximilien ne put lui-même se défendre d'un certain trouble. Et averti par lui[11], Léon X enfin commença à s'émouvoir ; il vit bien que de tels débats n'étaient point, comme il l'avait cru d'abord, simples disputes de moines.

Et, en effet, Luther touchait au moment de pouvoir dire avec plus de raison que ne le disait jadis Attila : L'étoile tombe, la terre tremble, je suis le marteau de l'univers.

Que dire encore ? Bientôt Rome en vint à implorer le moine rebelle. Miltitz le vit à Altenbourg, dans la maison de Spalatin ; il essaya sur lui le pouvoir des flatteries[12], il l'accabla de protestations d'amitié, il supplia, il pleura[13].

Plus tard, revenant à ce souvenir, quand déjà brûlaient du feu par lui allumé son pays et l'Europe, Luther s'est écrié : Si la conduite de Miltitz avait été celle de l'archevêque de Mayence, lorsque je l'avertis, puis du pape, avant ma condamnation par ses bulles, l'affaire n'aurait point abouti à un si grand tumulte... Maintenant on demande en vain conseil, on s'ingénie en vain. Dieu s'est éveillé, et il est là debout pour juger les peuples[14]. Rien ne montre mieux combien Luther était peu lui-même dans le secret de son œuvre. Non : plus de prudence, à l'origine, n'aurait pas empêché ce tumulte, parce que la liberté humaine ne vaut que dans les choses secondes et ne règle que les accidents. Sur des faits dont la moitié du globe devra s'émouvoir, que peut la conduite de quelques hommes, sagesse ou folie ? Chacun remue et combine, selon sa fantaisie, les grains de sable du rivage ; mais l'heure de la marée montante, nul ne l'avance et nul ne la retarde.

Cependant, l'année 1519 s'était ouverte, et, le 12 janvier, l'empereur Maximilien était mort. On le sait : entre François Ier et Charles-Quint, trop pesants tous les deux pour l'Allemagne et tous les deux redoutés de Léon X, la couronne impériale demeura longtemps suspendue. Elle fut offerte à Frédéric de Saxe ; mais il la refusa, et, en la refusant, il la mettait sur la tête de Charles-Quint. Or, ce refus généreux, que Pallaviccini[15] célèbre comme une inspiration d'en haut, comme une marque éclatante des préférences de Dieu pour l'Église catholique, ce refus servit néanmoins la Réformation, par l'état d'infériorité morale et de volontaire dépendance où il plaça Charles-Quint vis-à-vis du protecteur de Luther. Aussi verrons-nous, à partir de ce moment, les coups frappés sur le trône pontifical se succéder sans interruption, la Révolution se hâter. Et la diète de Worms ne l'arrêtera pas.

Étrange et ordinaire destin des pouvoirs qui penchent ! par les plus fougueux partisans de Rome fut provoquée cette fameuse disputé de Leipzig qui produisit tant d'émotion en Allemagne[16]. Des étudiants, accourus de toutes les universités, affluaient tumultueusement dans la ville, et, avec une curiosité frémissante, ils se hâtaient vers ce tournoi, si nouveau, dans lequel allaient s'échanger, non de vains coups de lance, mais des idées terribles et des mots irréparables. Luther y fut amené à combattre la primauté de l'évêque de Rome, à nier qu'elle fût de droit divin, à rejeter la tradition ecclésiastique, à accepter, du moins en partie, l'héritage révolutionnaire du martyr de Constance. S'il l'emporta ou non sur son adversaire par l'érudition et l'éloquence, la question, violemment débattue autrefois, est aujourd'hui pour nous sans intérêt. C'est le résultat qui nous importe, et le résultat se trouve dans la nature des trois déclarations suivantes, qu'allaient se renvoyer tous les échos de l'Allemagne :

J'accorde que l'Église militante est une monarchie ; mais son chef, ce n'est pas un homme, c'est Christ[17].

Si, en parlant de l'édification de l'Église, saint Augustin et les autres Pères, tous ensemble, ont voulu désigner par le mot pierre l'apôtre saint Pierre, je leur résisterai, moi seul[18].

Il est certain que, parmi les articles de Jean Hus ou des Bohémiens, beaucoup sont parfaitement chrétiens et conformes à l'Évangile[19].

Ainsi, plus de souveraineté humaine fondée sur le droit divin ; à la place du principe d'autorité, le sentiment individuel ; et, pour toute tradition, celle des révoltes de la conscience injustement opprimée. Il y avait au bout de telles nouveautés une révolution et des abîmes. L'évêque de Brandebourg en fut si profondément ému, qu'il s'écria, en jetant au feu un tison : Que ne puis-je de la sorte jeter dans les flammes ce Martin Luther ![20] Comme défenseur du vieux monde, l'évêque de Brandebourg avait raison de s'effrayer : la Réformation venait de pousser son cri de guerre.

Était-ce un cri sauveur ? Le pape une fois abattu, Luther entendait-il pousser droit aux maîtres de la terre ? Le peuple souffrait par l'âme et par le corps, il était superstitieux et misérable : double servitude à détruire !

Luther entendait-il y porter la main ? Non ; car, en ce révolutionnaire, le moine resta. Dans un livre qu'il publiait quelques mois après la dispute de Leipzig, et que tant d'auteurs, trompés par le titre, ont pris pour la charte d'affranchissement du genre humain, dans l'écrit intitulé de la Liberté chrétienne, Luther soutint que la vie de l'homme étant un combat entre la chair et l'esprit, la liberté du chrétien devait être toute spirituelle et intérieure. Que sert à l'âme, disait-il, que le corps se porte bien, qu'il soit libre et vivace, qu'il mange, qu'il boive, qu'il agisse à son gré : n'est-ce point là le partage même des esclaves du crime ? Et, d'un autre côté, quel obstacle opposent à l'âme la mauvaise santé, la captivité ou la faim, ou la soif, ou le mal extérieur, quel qu'il soit ? est-ce que les hommes les plus pieux, les plus libres par la pureté de leur conscience ne sont pas sujets à tout cela ?[21]

Ainsi, Luther semblait prendre son parti de l'asservissement d'une moitié de l'homme, et se montrait prêt à laisser en dehors de sa révolte tout le côté matériel de l'humanité. Ce fut, entre les erreurs de ce tribun mystique, la plus profonde et la plus fatale.

L'âme et le corps sont unis par des liens qu'il y a folie et cruauté à méconnaître. L'esprit s'énerve dans un corps flétri ; et si le corps s'accoutume à fléchir, tôt ou tard l'âme s'abaissera. Sans doute il en est qui restent libres dans un cachot et sont rois sous des haillons : on en a vu qui mouraient debout ; mais le nombre est bien petit de ces hommes au cœur puissant, et l'héroïsme est d'autant moins nécessaire que les sociétés sont moins imparfaites. Pourquoi l'homme n'arriverait-il pas, de progrès en progrès, à voir se réaliser au dedans de lui-même cette divine loi d'harmonie qui maintient la paix des mondes, régulièrement emportés dans le silence des cieux ? Alors peut-être cesserait ce gémissement des misérables humains qui, depuis l'origine et toujours inutilement, monte vers Dieu à travers l'histoire. Donc plus d'esclavage par le vice ; mais aussi plus d'esclavage par la pauvreté. Il ne faut pas que l'âme se souille, mais les souffrances du corps valent qu'on en prenne souci ; car la vie humaine, en chacun de ses modes, est respectable à jamais.

Il est probable que Luther, en commençant, n'était pas averti du redoutable caractère de son entreprise. Quand il entrevit tout ce que pouvait dévorer et contenir cette fosse qu'il creusait ; quand les pressentiments de son génie lui montrèrent, dans le lointain, tous ces prélats, tous ces rois, tous ces princes, tous ces nobles, se tenant par la main, s'entraînant l'un l'autre, foule solitaire, et tombant enfin d'une chute commune. Luther recula d'épouvante. Voilà pourquoi il se hâtait de séparer l'âme du corps, ne désignant aux coups des peuples soulevés que les tyrannies spirituelles, et demandant que les tyrannies temporelles demeurassent inviolables. En approuvant les révoltes de la dévotion, il se préparait à condamner celles de la faim. Il espérait perdre les prêtres et sauver les princes. Aussi lui entendrons-nous dire avec Rome : Mon royaume n'est pas de ce monde, lorsque de plus hardis logiciens tireront la conclusion de ses doctrines. Et pourtant, il aurait pu se rappeler qu'au moyen de ce texte fatal, mal compris, mal interprété, Rome avait rendu patientes jusqu'à l'hébétement les douleurs des damnés d'ici-bas, et consacré le long scandale des peuples résignés sous les oppresseurs impunis. Mais on n'arrête pas la pensée en révolte et en marche.

Réclamer la liberté du chrétien conduisait irrésistiblement à réclamer la liberté de l'homme. Luther, qu'il le voulût ou non, menait droit à Münzer. Ceci n'a point échappé à Bossuet. Luther, s'écrie amèrement l'illustre auteur des Variations[22], Luther en affirmant que le chrétien n'était sujet à aucun homme, nourrissait l'esprit d'indépendance dans les peuples, et donnait des vues dangereuses à leurs conducteurs.

Le 23 juin 1520, Luther publiait son Appel à la noblesse germanique sur la réformation du christianisme, et cette déclamation puissante retentit en Allemagne comme un coup de tonnerre. Que tardait-on ? La tyrannie romaine avait-elle encore quelque chose à ajouter à ses excès ? Pourquoi les nobles ne se levaient-ils pas pour délivrer l'Allemagne, pour la venger ? On parlait d'une société ecclésiastique distincte de la société laïque : mensonge ! Tous les chrétiens étaient prêtres, et il n'était pas de moine, d'évêque, de cardinal, de pape, qui ne fût soumis aux puissances qui tiennent l'épée. Le pape mange le grain, à nous la paille, disait Luther en s'adressant à l'empereur, et comme pour résumer son pamphlet terrible.

Rome ne pouvait rester indifférente aux emportements de Luther. Il est douteux, néanmoins, qu'abandonné à ses inspirations propres, Léon X se fût précipité dans des mesures de rigueur. Esprit facile, nature aimable et généreuse, Léon X était homme à aimer le moine allemand pour son érudition, son éloquence et l'éclat de son génie orageux. Mais vers le riant ami de Raphaël étaient accourus des prêtres à l'intelligence méditative, des logiciens sombres et effrayés. Ils lui peignirent l'Allemagne en feu, l'Église ébranlée, la conscience des peuples agitée de désirs inconnus, une impulsion nouvelle et funeste imprimée aux choses de l'avenir, et, le 15 juin 1520, paraissait la fameuse bulle qui donnait à Luther soixante jours pour se rétracter, et, ce délai passé, le frappait d'anathème. Elle commençait en ces termes : Lève-toi, Seigneur, et sois juge dans ta cause[23].

Pendant ce temps, Luther grandissait en force, en popularité, en audace. Des nobles, Sylvestre de Schauenbourg, François de Sickingen, lui faisaient promettre leur protection[24]. Et lui, de plus en plus animé au combat, il écrivait à Spalatin : L'humilité dont j'ai fait preuve jusqu'ici, et vainement, prendra fin ; elle a trop enflé l'orgueil des ennemis de l'Évangile[25]. Alors parurent coup sur coup des livres que s'arrachait l'Allemagne, livres pleins d'une colère sublime et d'un trivial délire, étranges, monstrueux, mais irrésistibles, par où se montraient le mystique et le bouffon, le pamphlétaire et le prophète.

Plus de trois siècles se sont écoulés depuis Luther, et, aujourd'hui encore, c'est par les sacrements que la domination de l'Église s'exerce et se maintient. Par les sacrements, l'Église possède l'homme, du berceau à la tombe. Né à peine, elle se hâte de l'appeler dans le temple, le baptise, le fait sien. Enfant, elle le marque de son signe. Adulte, elle le déclare époux et l'autorise à devenir père. Coupable, elle l'interroge, le condamne ou l'absout. Mourant, elle promène sa main sur lui, comme pour s'emparer de son agonie. Mort, elle le confie à la terre, et, même au delà du cercueil, elle le poursuit dans les régions éternellement ignorées. C'est ce prodigieux empire que Luther essaya de miner dans son livre de la Captivité babylonienne de l'Église. Il réduisit les sacrements à trois : le baptême, la pénitence, l'eucharistie ; et il en faisait consister la vertu dans la foi du chrétien, non dans l'intervention du prêtre[26].

Ce livre redoutable n'avait pas encore paru lorsque la bulle qui frappait Luther arriva en Allemagne. Et lui, enflammé de colère, il résolut d'étonner les hommes.

Le 10 décembre 1520, des affiches annoncèrent à la jeunesse de Wittemberg qu'à neuf heures du matin, vers la porte orientale, un grand spectacle allait être donné. L'heure venue, on se mit en marche. La foule était immense. Un bûcher s'élevait sur le lieu désigné : un professeur célèbre y mit le feu. Puis, Luther s'approchant : Tu as contristé le saint du Seigneur, dit-il, eh bien, que le feu éternel te consume. Et il jeta dans les flammes le livre des décrétales et la bulle[27].

Or, dès le 1er décembre, il avait protesté par le fameux écrit intitulé : Contre l'exécrable bulle de l'Antéchrist. J'aimerais mieux mourir mille fois que de rétracter une seule syllabe des articles condamnés. Et, de même qu'ils m'excommunient, pour leur sacrilège hérésie, je les excommunie, moi, au nom de la sainte vérité de Dieu. Christ, notre juge, verra des deux excommunications laquelle vaut[28].

Le pape excommunié à la face des nations, et par le fils d'un obscur mineur de Mansfeld ! ce fut en Allemagne un tressaillement universel. Les villes savantes s'ébranlèrent à la voix de mille puissants écoliers. Les livres du réformateur ne suffisaient plus à l'attente. D'anciens religieux les colportaient. A Nuremberg, à Strasbourg, à Mayence, on se passait, de main en main, humides encore, les feuilles qui portaient, fixée dans une indélébile empreinte, la condamnation de Rome. Et à ce rapide essor des pensées d'un moine, à cette illumination si menaçante et si soudaine de la Germanie, on put reconnaître ce que l'imprimerie avait apporté de nouveau parmi les hommes. Luther — il l'a dit lui-même — se sentait porté par le vent populaire[29]. Luther remplissait l'Allemagne. Il est vrai que devant lui pouvait se dresser, sérieuse et irritée, la figure de Charles-Quint ; mais il avait pour lui la circonspection de ce même empereur, jeune alors, et qui, par la timidité, s'essayai t à la prudence ; il avait pour lui les désordres introduits dans l'Église, les fêtes où Léon X oubliait son empire miné, l'épuisement des anciennes formes de l'oppression, et ce besoin du changement qui est la vie de l'histoire.

Le mouvement de l'Allemagne était trop vif pour ne pas se communiquer à l'Europe. Le Nord inclinait à suivre Luther. Mais les superstitieuses contrées du Midi s'étaient émues en sens contraire. On s'y demandait avec inquiétude où conduiraient ces nouveautés étranges, et si c'était Dieu qu'il s'agissait de mettre en cause, Dieu lui-même. Il y en eut auxquels il n'échappa point que du fond de semblables innovations religieuses sortirait tôt ou tard une révolution politique, parce qu'elles nourrissaient l'esprit d'indépendance dans les peuples et donnaient des vues dangereuses à leurs conducteurs. L'anxiété devint donc générale. Une diète solennelle avait été convoquée à Worms, elle s'y était assemblée le 6 janvier 1521. Et tous les regards montaient vers le trône sur lequel était assis Charles-Quint, grave déjà, taciturne, et maître, à vingt ans, du secret de ses pensées.

Par un rare concours de circonstances, Charles-Quint régnait à Vienne, à Naples, à Saragosse, à Valladolid, à Bruxelles, et sa domination atteignait, par delà les mers, le continent américain. Entre le pape et Luther, si Charles-Quint penchait d'un côté, il semblait pouvoir de ce côté-là faire pencher le monde : qu'allait-il décider ?

Charles-Quint n'hésita pas longtemps. S'établir juge de Luther convenait à sa politique et plut à son orgueil. Il comprit que par là il allait se présenter à l'Europe comme l'arbitre des affaires de la chrétienté, comme le protecteur suprême des papes. Peut-être aussi son âme profonde éprouvait-elle un naturel dédain pour le procédé vulgaire de la violence : sur ces hauteurs où l'avait placé la fortune, il put se croire assez fort pour se passer d'être injuste.

Dès le 21 décembre 1520, l'électeur Frédéric avait fait demander à Luther ce qu'il ferait si on l'appelait à Worms, et Luther avait répondu qu'il obéirait en recommandant sa cause à celui qui sauva les trois enfants dans la fournaise ardente[30]. Seulement, il réclamait un sauf-conduit[31]. Il l'obtint, à la sollicitation de Frédéric. Et le plus puissant monarque de la terre à cette époque, Charles-Quint, écrivit à un moine naguère obscur et maintenant excommunié : A notre honorable, cher et dévot docteur, Martin Luther, de l'ordre des augustins[32].

Le 2 avril 1521, Luther partit de Wittemberg pour se rendre à Worms, monté sur un char recouvert d'une toile, tel qu'en avaient alors les Allemands[33]. Près de lui se tenaient, l'enveloppant de leur courageuse amitié, Amsdorf, Schurf et Suaven. Simple moine, il était précédé par un héraut portant l'aigle de l'empire[34]. Il marqua dans la vie du réformateur, ce voyage. Luther y éprouva, dans ce qu'elle a de plus intime, l'exaltation douloureuse que donne la majesté de certains périls. A Erfurt, il fut pris de mélancolie, en apercevant le cloître où s'était flétrie, dans de solitaires combats, la fleur de ses vives années : or, comme le jour baissait, il alla s'asseoir au pied d'une croix de bois, sur une pierre qui recouvrait des cendres aimées, et là il s'oublia en de telles rêveries, que, la nuit venue, il n'entendit pas la cloche du couvent, qui appelait au repos. Sur ses pas, du reste, semblaient accourir et se presser, le long de la route, de tristes fantômes. Ici, on lui mettait sous les yeux le portrait du martyr florentin Savonarole ; ailleurs, on lui rappelait la tragique histoire d'un sauf-conduit violé, et Sigismond, et Jean Hus[35]. Traversant une ville, il entendit crier par les rues la condamnation de ses livres. Mais, quoique malade, il s'était promis d'aller jusqu'au bout : Nous entrerons dans Worms, disait-il, malgré les portes de l'enfer et les puissances de l'air[36]. On montre, à quelque distance de Worms, un arbre qu'un paysan était en train de planter quand Luther passa. Donne, dit le voyageur au paysan, que je le mette en terre. Et puisse, comme ses branches, croître ma doctrine !L'arbre a grandi, s'écrie, en rappelant le fait, un auteur moderne, un fervent catholique, l'arbre a grandi ; et la doctrine, qu'est-elle devenue ?[37] La doctrine ? vous la retrouverez, condamnée à son tour par les grandes âmes et ensevelie à moitié sous les ruines qu'elle a faites. Mais de ces ruines entassées, si la justice enfin l'emporte, les générations actives feront sortir des constructions toutes neuves et d'une immortelle beauté.

Le 16 avril, Luther entrait dans Worms et allait descendre à l'hôtel des Chevaliers de Rhodes. La ville entière s'y porta en tumulte pour voir le monstre, dit Pallaviccini, monstre de sagesse ou d'iniquité[38]. Lui, plein d'émotion, mais intrépide, il dit, en sautant à bas de son char : Dieu sera pour moi[39]. Cependant, quand il se trouva seul avec ses pensées, et qu'il songea devant quelle assemblée de personnages, imposants et terribles, il allait rendre compte de tant de choses qu'il avait osées, du principe d'autorité avili, des règles anciennes de la conscience changées, et de ce prochain, de cet inévitable remuement de peuples, sa gloire ou son crime, il tomba dans le trouble et se mit à prier avec angoisse. Devant les princes réunis, devant Charles-Quint, Luther montra une indécision qui surprit, et dans laquelle historiens catholiques et historiens protestants ont eu tort de voir, les uns une admirable modestie, les autres l'absence de foi et la peur. La vérité est que, dans la première audience, Luther parut hésiter et demanda du temps pour réfléchir[40]. On lui accorda jusqu'au lendemain. Mais Charles-Quint se prit à dédaigner un homme qui ne le bravait pas. Il avait cru que ce moine essayerait de s'égaler à lui par l'audace, qui est la force des faibles et la dignité des inférieurs.

Le lendemain, du reste, Luther se releva. Le fiscal de Trèves lui ayant demandé, au nom de l'empereur, s'il reconnaissait les livres dont, la veille, on lui avait lu les titres et s'il consentait à se rétracter, il répondit par un discours plein d'humilité à la fois et de grandeur. Il fit remarquer que, parmi ses livres, quelques-uns avaient été, par ses adversaires eux-mêmes, reconnus pieux et conformes à l'Évangile : ceux-là il n'y avait lieu de les rétracter. Quant à ceux dans lesquels il s'était élevé contre la papauté, contre les papistes, contre les impures doctrines et les exemples impies, fléau du monde chrétien, il déclara ne les pouvoir renier sans se faire complice de la tyrannie. Il confessa, d'ailleurs, que, dans ses écrits purement polémiques, il s'était laissé aller à plus de violence qu'il ne convenait à son état et à un chrétien. Il en appela, du reste, de l'infirmité des jugements humains à la parole infaillible de Dieu[41]. Après une courte délibération des princes, le fiscal de Trèves somma impérieusement Luther de déclarer s'il se rétractait oui ou non. Alors le pauvre moine dit à ces guerriers au visage sombre et au cœur irrité : Me voici ! je ne puis autrement. Que Dieu me soit en aide ![42] Il avait prononcé son discours, en latin d'abord, puis en allemand : il était épuisé, et la sueur ruisselait sur son front. Mais déjà l'ombre du soir descendait dans la salle. On se sépara.

Luther quitta Worms le 26 avril 1521. De Friedberg, il écrivit à Charles-Quint une lettre soumise, presque suppliante, mais dans laquelle il disait : Ma cause est celle de toute la terre ![43] On lui répondit par un édit de proscription[44].

Il avait cependant continué sa route. Étant allé recevoir, au village de Mora, les embrassements de sa grand'mère, il en revenait, accompagné de son frère Jacques et d'Amsdorf, et il longeait les bois de la Thuringe, quand tout à coup parurent des cavaliers masqués. Ils arrêtent le chariot, saisissent Luther, le mettent à cheval après lui avoir jeté sur les épaules un manteau de chevalier, et, l'entraînant avec eux, ils disparaissent dans les profondeurs de la forêt. A minuit, ils arrivèrent aux portes d'un château, ancienne demeure de landgraves et situé sur des hauteurs solitaires[45]. Ce fut là que les guerriers inconnus déposèrent Luther. Il y resta plusieurs mois, entouré d'un profond mystère, assailli de fantastiques frayeurs, et ne voyant personne, si ce n'est deux jeunes garçons nobles qui lui venaient apporter la nourriture de chaque jour. L'ordre de le dérober à tous les regards pour le soustraire à ses ennemis venait de l'électeur de Saxe. Mais l'asile choisi fut longtemps ignoré de Frédéric lui-même, qui, en s'imposant à cet égard une volontaire ignorance, s'était ménagé le moyen de tenir cachée, sans mensonge, la retraite du proscrit[46].

Ainsi écarté de la scène du monde, Luther n'en devint que plus imposant. Un instant on l'avait cru mort : son cadavre, disait-on, avait été trouvé percé de coups. Ses partisans gémirent alors, ils s'indignèrent ; et tels furent les transports de quelques-uns, que les deux nonces du pape coururent risque de la vie[47]. Mais la vérité ne tarda pas à être soupçonnée sinon connue. D'ailleurs, la pensée du réformateur planait toujours sur l'Allemagne émue. Pendant que Léon X se mourait à Rome, Luther, du haut de la Wartbourg, répandait avec plus de profusion que jamais les inspirations de son esprit indompté et les amers trésors de sa haine.

Ses lettres, qu'il datait de la région de l'air, de la région des oiseaux, de Patmos, guidaient ses amis, encourageaient leur espérance ; et par des livres il exaltait et remuait le peuple. Tantôt il tonnait contre les messes privées[48], tantôt contre les vœux monastiques[49]. La Bible, traduite par lui en langue allemande, vint ajouter la gloire littéraire à l'éclat dont il rayonnait ; et mis face à face avec le texte des Écritures, le peuple apprit à se passer des commentaires de Rome.

De la résultèrent, cependant, des excès de nature à ébranler le règne du réformateur. D'un verset de la Bible sortit la guerre aux images ; les statues furent insultées, on les brisa ; à Wittemberg l'Église de tous les saints fut impitoyablement dévastée, Carlstadt animant la foule de la voix et du geste. Luther était dépassé ; il le sut et n'attendit pas l'agrément de l'électeur de Saxe pour quitter son donjon ; il en descendit tout à coup, impétueux et irrité ; le moine d'autrefois semblait avoir disparu. Luther s'appelait le chevalier Georges, il s'avançait à cheval, l'épée au côté, sous la cuirasse de l'homme d'armes ; son entrée à Wittemberg fut un triomphe ; à peine arrivé, il prêcha, et quelques sermons de lui ramenèrent tout sous sa loi.

Ainsi réglé, le mouvement s'étendit avec une rapidité extrême. La messe fut abolie ouvertement, et par autorité publique, à Francfort, à Hambourg, à Nuremberg[50] ; Le prince d'Anhalt fit prêcher la doctrine luthérienne dans ses États ; elle envahit les duchés de Lunebourg, de Mecklembourg, de Brunswick, traversa la Livonie, gagna la Baltique. En Suisse, où il avait commencé à prêcher dès 1516 le pur Évangile, Zwingle combattait le célibat des prêtres[51], provoquait à une dispute religieuse le vicaire général de l'évêque de Constance, et faisait adopter par le sénat de Zurich un édit portant qu'on enseignerait l'Evangile sans y mêler les traditions des hommes[52].

C'est une des grandes inconséquences de Luther d'avoir admis en religion et repoussé en politique le droit de résistance à la tyrannie ; lui qui recommandait sans cesse l'obéissance aux pouvoirs temporels, quels qu'ils fussent ; lui qui se vantait d'être revenu à Wittemberg pour empêcher qu'une violente sédition ne s'élevât en Allemagne[53], il osait tout contre les princes, dès qu'il s'agissait d'un point de doctrine théologique. Henri VIII, roi d'Angleterre, ayant eu l'imprudence d'emprunter, pour réfuter le livre de la Captivité de Babylone, la plume de son chapelain, Luther s'emporta contre le théologien royal jusqu'aux derniers excès de la fureur et de l'outrage. Tu mens, s'écria-t-il dans sa réplique, roi stupide et sacrilège, toi qui, d'un visage impudent, fais signifier aux infaillibles paroles de Dieu autre chose que ce qu'elles signifient ![54] etc. De sorte que Luther se montrait à la foi minant la papauté, bravant l'empereur d'Allemagne, et cherchant à couvrir d'opprobre le roi d'Angleterre. De quel prestige, après cela, pouvaient rester entourées, aux yeux des peuples, les puissances humaines ? Luther poussait lui-même à ces révolutions politiques dont sa nature incomplète avait horreur.

Lorsque le cri qu'il avait fait entendre contre Rome, des milliers de voix en vinrent à le répéter contre les rois et les princes ; lorsque impatients de secouer l'ancienne servitude, les paysans de l'Allemagne dressèrent en douze articles le programme de leurs réclamations, si semblables à celles des cahiers de la Révolution française, on sait avec quelle violence Luther éclata contre les paysans, avec quelle hauteur il leur prêcha le devoir des douleurs patientes et l'esclavage résigné. On sait aussi avec quelle joie sauvage il célébra leur extermination dans cette fameuse guerre qui couvrit l'Allemagne de deuil et de ruines. Il est vrai que la révolte des paysans relevait d'une doctrine rivale. C'était au nom du principe de la doctrine de la fraternité humaine, dont l'anabaptisme fut alors la formule religieuse, c'était à la voix de Storck et de Münzer que les paysans avaient pris les armes[55]. Et c'est ce que ne leur pardonna pas Luther. La seule doctrine que fussent alors en état d'accepter les hommes, c'était l'individualisme, et Luther ne venait pas leur en apporter d'autre.

Et en effet, voilà que tout se précipite. Dans le nord de l'Allemagne les vœux monastiques ont été abolis, les églises dépouillées ; à travers mille hésitations, l'Église nouvelle s'organise ; il fallait, contre le célibat des prêtres ajouter l'exemple au précepte : Luther se marie ; ramenant la Réformation à son point de départ, Érasme lance son livre sur le libre arbitre et force ainsi Luther à dire sur cette question décisive le dernier mot de la révolution qui s'accomplit. Le défi fut audacieusement accepté : Non, s'écria le prophète de Wittemberg, en ce qui concerne Dieu, en ce qui touche soit au salut, soit à la damnation, l'homme n'a pas de libre arbitres Il est soumis ou à la volonté de Dieu, ou à celle de Satan ; il est enchaîné, il est esclave[56]. C'était ou revenir au manichéisme qui livrait l'univers à la lutte de deux génies rivaux, ou bien, comme l'a dit Bossuet, rendre Dieu auteur de tous les crimes[57]. Nous verrons quelles terribles conséquences sociales Calvin fera sortir de ce dogme de la prédestination si hardiment posé par Luther.

Du reste, les luttes qu'elle portait dans son sein, la Réformation les annonça dès l'origine. Peu de temps après le décret de la diète de Spire contre lequel les réformés protestèrent, ce qui leur valut, on le sait, le nom de protestants, deux hommes se trouvaient, par les soins du landgrave de Hesse, réunis à Marbourg et mis en 'présence. C'étaient le prophète de Wittemberg et le nouvel apôtre de la Suisse, Luther et Zwingle. Dans l'eucharistie, Dieu était-il réellement présent sous les espèces du pain et du vin ? Oui, disaient Luther et ses disciples ; mais les sacramentaires et Zwingle leur chef ne voyaient dans l'eucharistie qu'un pur symbole. Car, la Réformation s'installait à peine, que déjà l'anarchie des opinions venait l'envahir et la pénétrer. Au colloque de Marbourg, Luther s'était fait accompagner par Mélanchthon, par Osiander, par Jonas et Agricola. Zwingle avait pour lieutenants Hédio, Bucer et le Mélanchthon des sacramentaires, cet Œcolampade dont l'éloquence était si douce que, suivant Érasme, elle aurait séduit les élus mêmes ; le débat fut animé, l'accord impossible. Cependant, comme on se séparait, Zwingle fut saisi d'un soudain attendrissement ; et, les mains jointes, les yeux baignés de larmes, il s'approcha de Luther en disant : Du moins, restons frères. Luther le repoussa[58]. Tristes emportements de l'orgueil, bien capables de détruire ce qui n'eût été que l'œuvre d'un homme, mais non ce qui était une évolution de l'histoire.

Le catholicisme avait singulièrement abusé de la force, il avait dénaturé sa mission ; et pourtant, à la veille de voir se détacher les premières pierres d'un tel édifice, quelle âme douée d'élévation, de tendresse, ne se serait sentie atteinte de mélancolie et de regret ? Quoi donc ! ces splendides fêtes, spectacles de la multitude ; ces cathédrales, demeures du pauvre, plus éclatantes que les demeures des souverains ; cette langue des temps anciens que murmurait en l'ignorant le peuple en prière, et dont les syllabes mystérieuses portaient au ciel les aspirations des cœurs simples et leurs espérances confuses ; ces hymnes, ces parfums dans les temples, ces figures des vieux vitraux ; ce culte des saints patrons, dieux amis, dieux familiers, qui étaient venus remplacer, sous le toit chrétien, les pénates antiques ; ces cloîtres ouverts aux âmes blessées, à la dévotion vigilante du moine des Alpes, à la tristesse d'Héloïse. tout cela était-il vraiment destiné à périr ?

Aussi Mélanchthon fut-il profondément troublé, à l'approche de l'heure décisive. Grâce, criait-il à Luther, pour la juridiction des évêques, grâce pour les fêtes qu'aima notre enfance et qui étaient le pieux enchantement de nos pères ! Choisi pour écrire la Confession de foi qu'en 1550 les réformés présentèrent à la diète d'Augsbourg, il apporta dans ce travail célèbre une modération et des ménagements infinis ; effort inutile ! la Confession de foi ne fut pas acceptée. Et rien de plus louchant, de plus solennel, que les angoisses auxquelles fut alors livré Mélanchthon. J'emploie mes jours à pleurer[59], écrivait-il à Luther. Vainement Luther s'efforçait de le soutenir et de le consoler ; lui, l'œil fixé à l'horizon, il assistait déjà au spectacle de l'Allemagne noyée dans le sang et de l'Europe devenue un champ de bataille.

Ce qu'il y eut de prophétique en de telles inquiétudes, nous ne l'ignorons pas, nous qui voyons aujourd'hui passer dans nos souvenirs Charles-Quint à Muhlberg, le duc d'Albe et ses bourreaux dans les Pays-Bas, le calvinisme armé contre la Ligue en France, Gustave-Adolphe et Tilly dans les plaines de Leipzig, Wallenstein et Gustave-Adolphe dans les pleines de Lutzen ; l'Angleterre enfin, dominée par les soldats de Cromwell et donnant pour précédent au 21 janvier la tragédie de White-Hall.

Que contenait-elle donc, soit en malheurs, soit en bienfaits, cette doctrine nouvelle qui caractérise le seizième siècle et le remplit tout entier ? Avant d'analyser les effets, résumons les actes.

L'Église, en s'attribuant le privilège d'interpréter la parole divine et de fixer le sens des Écritures, avait en quelque sorte pris possession de toute l'âme humaine ; la Réformation demanda que, les médiateurs disparaissant, le fidèle fût rapproché de Dieu ; elle rejeta l'autorité des traditions, elle plaça devant le peuple à genoux une Bible traduite et l'Évangile ouvert.

L'Église avait dit aux fidèles : Confessez-vous, jeûnez, adorez le prêtre à l'autel, où il fait descendre Dieu ; achetez les indulgences, pratiquez ce que j'ordonne, et vous aurez le ciel : la Réformation couvrit de son dédain le mérite des œuvres purement extérieures ; elle affirma que, depuis le péché originel, l'homme, par lui-même et par ses œuvres, était incapable de se sauver. Le bien, c'était la grâce seule qui le pouvait opérer en nous. Croire au bienfait du sang versé par le Christ, croire à la rédemption d'une foi vive et forte, là était le salut.

En défendant aux prêtres de se marier, l'Église avait mis la société religieuse d'un côté, la société civile de l'autre : la Réformation, pour confondre les deux moitiés du monde, séparées, exalta la vie de famille.

L'Église régnait temporellement par sa hiérarchie : la Réformation répéta le cri des Vaudois : Tous, les chrétiens sont prêtres.

Enfin, la Réformation atteignit jusqu'aux entrailles cette, domination que Rome avait si savamment établie lorsque, s'adressant à la partie sensible de notre nature, elle avait inventé des spectacles d'une pompe sans égale, construit des basiliques d'une beauté sans modèle, et appelé les peuples ravis dans ces temples qu'ornaient tant de peintures vivantes, et qu'inondaient, aux heures de la prière commune, des flots de lumière, d'harmonie et d'encens.

Ainsi, pas un coup de Luther qui ne fût pour dissoudre la grande association, formée sous l'empire du principe d'autorité, dans la ville des pontifes.

Et maintenant, si des résultats de la Réformation nous rapprochons ses maximes, quelle sera notre surprise, de les trouver, de tout point, contraires !

La Réformation commandait à la raison de s'humilier devant la foi ; et cependant le rationalisme prévalut.

Elle faisait des Écritures la règle unique, l'immuable règle des croyances ; et cependant, le droit d'examen fut déchaîné.

Enlevant aux hommes le libre arbitre, elle les clouait au fatalisme ; et cependant, plus que jamais, les sociétés humaines devinrent actives.

Elle déclarait la race d'Adam précipitée par le péché originel, dans un abîme d'impuissance, de corruption ; et cependant, abandonné à ses propres forces, isolé de ses semblables, l'homme se crut assez grand pour se suffire.

De sorte que la doctrine qui semblait le mieux condamner l'individualisme, fut précisément celle qui l'introduisit dans le monde.

Comment expliquer cet étrange phénomène ? L'explication est bien simple.

Que servait d'affirmer l'infaillibilité des Écritures, quand on niait le droit de l'Église à en donner le sens ? Mis sans commentaire sous les yeux de la multitude, le texte saint pouvait-il ne pas ouvrir carrière à une lutte ardente où chacun apporterait le témoignage et l'orgueil de sa raison ?

D'autre part, assurer que l'homme est esclave d'une volonté supérieure, dans l'ordre spirituel, n'était-ce pas le conduire à concentrer dans l'ordre matériel toute son activité ?

Quant au dogme de la prédestination interprété à la manière des luthériens, nul doute qu'à l'égard de Dieu il ne rabaissât l'homme outre mesure ; mais prenez garde que cet homme déchu dont il s'agit ici, ce n'est pas seulement un valet, un pâtre, un mendiant ; c'est le maître et le roi, c'est l'empereur, c'est le pape. Entre le monarque et le berger, il y a égalité de réprobation. Il faudra donc que les distinctions sociales disparaissent sous le niveau de l'universelle infortune. S'il reste une distinction à faire, ce ne sera plus qu'entre l'élu, qui a la grâce, et le réprouvé qui ne l'a point. Mais ce qu'on nomme la grâce en théologie, en politique on l'appellera le mérite ; et à l'orgueil social succédera l'orgueil individuel, à la souveraineté du rang celle de la personne.

Oui, la Réformation avait dit à l'homme :

Créature condamnée, créature imbécile et misérable, tu ne vaux que par le sang du Dieu qui te racheta. C'est de la vertu de ce sacrifice et non du prétendu mérite de -tes actes pieux que dépend, pour toi, le salut éternel. La sainteté n'est pas dans les pratiques extérieures ; elle habite le sanctuaire d'une âme humble et croyante. Se croire sauvé, c'est l'être déjà. S'il a plu au Christ de te donner la foi, que t'importe le reste ? Tu peux t'endormir sur ce doux oreiller.

Or, il advint qu'en Hollande, en Angleterre, en Amérique, chez les grands peuples protestants, devenus les peuples travailleurs, l'homme répondit :

Puisque, dans les voies spirituelles, je ne saurais échapper à la honte de mon impuissance, je chercherai ailleurs la preuve et les conditions de ma grandeur. Puisque le fatalisme de la prédestination dérobe à ma prise les choses d'outre-tombe, c'est aux choses d'ici-bas que s'attaquera cette impétueuse conviction de ma liberté, inséparable de mon être. Et, comme j'ai le cœur plein d'une agitation puissante ; comme il faut à mes forces un emploi et de l'espace à mon désir, je ne rejetterai les pratiques dont le catholicisme avait embarrassé la vie religieuse, que pour m'élancer éperdu dans la vie industrielle. Laissant à la grâce, laissant à Dieu le soin de me faire une place dans le royaume du ciel, j'aviserai à m'emparer du royaume de la terre. Je construirai des ateliers immenses, j'équiperai des navires ; mes routes perceront les montagnes ; et si, désormais, j'entreprends des guerres, si je marche du côté de l'Orient, ce ne sera plus pour délivrer le saint sépulcre, ce sera pour prendre possession du globe, mon domaine.

Ainsi, un nouveau principe d'action, un but nouveau d'activité : l'individualisme, l'industrie, voila ce qu'à l'insu de ses propres docteurs, la Réformation venait inaugurer dans le monde.

 

 

 



[1] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo, p. 56.

[2] Propos de table, traduits par Gustave Brunet, part. I.

[3] Propos de table, p. 31.

[4] Merle d'Aubigné, Hist. de la Réformation, t. I, p. 73.

[5] Ranke, Hist. de la papauté, t. I, p. 80.

[6] Quæ instar ignis tantum fulget quantum consumit. Pallaviccini, Hist. conc. Trid., pars I, lib. I, cap. II.

[7] Voyez l'Éloge de la folie, t. I, p. 212, de la traduction française de M. de Panalbe.

[8] Fateor, mi Erasme, etc. Omn. oper. Lutheri, t. III, p. 173.

[9] Sleidan, Hist. de la Réformation, t. I, p. 9. — Plane ipsum edocuit (scriptum Prieriæ) hanc infamiam evitari non posse, nisi oppugnata romani pontificis potestate. Pallaviccini, Hist. conc. Trid., pars I, lib. I, cap. VI.

[10] Pallaviccini, Hist. conc. Trid., pars l, lib. I, cap. VI.

[11] Sleidan, Hist. de la Réformation, t. I, p. 11.

[12] Ecce ubi unum pro papa stare inveni, tres pro te contra papam stabant. Omn. oper. Lutheri t. 1, præfatio.

[13] Pallaviccini, Hist. conc. Trid., pars 1, p. 19.

[14] Lutheri præfatio.

[15] Tam excelsa repudiatio, etc. Pallaviccini, lib. I, cap. XXII.

[16] Voyez dans le tome I des Œuvres latines de Luther, depuis la page 199, B, jusqu'à la page 244, B, le chapitre intitulé : Disputatio Lipsiæ habita, anno XIX, a notariis excepta, et encore : Sleidan, liv. I, p. 48 et 49 ; Pallaviccini, p. 20, 21, 22, 23 et 24 ; et Seckendorf, à partir de la p. 72.

[17] Monarchiam Ecclesiæ militantis. Omn. oper. Lutheri t. I, p. 200, A.

[18] Resistam eis ego unus. Omn. oper. Lutheri t. I, p. 207, B.

[19] Hoc certum est inter articulos Joh. Hus. Omn. oper., Lutheri t. I, p. 208, A.

[20] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo, lib. I, p. 80.

[21] Quid enim prodesse queat animæ ? De Libertate christiana. Omn. oper. Lutheri t. I, p. 387, B.

[22] Hist. des Variations, liv. II, t. V des Œuvres complètes, p. 556.

[23] Exsurge Domine et judica causam tuam. Omn. oper. Lutheri t. I, p. 423.

[24] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo, lib. I, p. 111.

[25] Amplius inflari hostes Evangelii. Apud Seckendorf, p. 111.

[26] De Captivitate babylonica Ecclesiæ. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 265, A.

[27] Exustionis antichristianarum decretalium acta. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 320, A.

[28] Christus judex viderit utra excommunicatio apud eum valeat. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 292, A.

[29] Fovebat me aura ista popularis. Omn. oper. Lutheri, t. I, præfatio.

[30] Deo commendaturum esse causam qui tres pueros in fornace ignis servaverit. Omn. oper. Lutheri t. I, p. 148.

[31] Omn. oper. Lutheri t. I, p. 148.

[32] Honorabili nostro dilecto, devoto doctori, Martino Luthero, augustiniani ordinis. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 411, B.

[33] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo t. I, p. 152.

[34] Viti Warbeccii relatio, apud Seckendorf, lib. I, lib. I, p. 153.

[35] Sleidan, Hist. de la Réformation, t. I, liv. III, p. 91.

[36] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo lib. I, p. 152.

[37] Audin, Hist. de Luther, t. I, p. 312.

[38] Tota civitas sollicite confluxit, quo monstrum spectaret seu sapientiæ seu nequitiæ. Pallaviccini, Hist. conc. Trid., t. I, pars I, lib. I, cap. XXVI.

[39] Deus pro me stabit ! Pallaviccini, Hist. conc. Trid., t. I, pars I, lib. I, cap. XXVI.

[40] Acta reverendi patris Martini Lutheri, coram Cæsarea majestate, etc., in comitiis principum Wormatiæ. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 412, B.

[41] Voyez ce discours dans les Œuvres latines de Luther, t. II, p. 411, A et suiv., au chapitre intitulé : Acta reverendi patris M. Lutheri, in comitiis principum Wormatiæ.

[42] Adjuvet me Deus ! Seckendorf, Comment. de Lutheranismo lib. I, p. 154.

[43] Sleidan, liv. III, p. 100.

[44] Voyez pour la teneur de l'édit : Sleidan, t. I, liv. III, p. 105 ; Fra Paolo, liv. I, p. 14 ; Pallaviccini, lib. I, cap. XXVIII.

[45] In monte a commerciis semoto sitam. Pallaviccini, lib. II, cap. I.

[46] Pallaviccini, Hist. conc. Trid. lib. II, p. 46.

[47] Pallaviccini, Hist. conc. Trid. lib. II, p. 46.

[48] Omn. oper. Lutheri, t. II, p. 441, A.

[49] Omn. oper. Lutheri, t. II, p. 477, B.

[50] Seckendorf, Comment. de Lutheranismo, p. 241.

[51] Sleidan, Hist. de la Réformation, t. I, liv. III, p. 112.

[52] Sleidan, Hist. de la Réformation, t. I, liv. III, p. 126.

[53] Ne qua magna et horribilis seditio in Germania oriatur. Epistold duci Frederico in qua reditum suum ex Patmo excusat. Omn. oper. Lutheri t. II, p. 316, A.

[54] Mentiris, rex stolide et sacrilege... Contra regem Angliæ. Omn, oper. Lutheri t. II, p. 527, A.

[55] Voyez aux Développements historiques, à la fin du volume, la Guerre des paysans. Elle nous a paru digne d'un exposé dont l'étendue dépassait notre cadre.

[56] Subjectus et servus est vel voluntatis Dei, vel voluntatis Satanæ, De servo arbitrio. Omn. oper. Lutheri t. III, p. 172, B.

[57] Hist. des Variations, liv. II, p. 559.

[58] Ulembergius, Vita et res gestæ Philippi Melanchthonis, cap. v, p. 41. Coloniæ Agrippinæ, 1622.

[59] Versamur hic in miserrimis curis et plane perpetuis lacrymis. Ep. Mel. ap. Ulemb., p. 52.