La dissolution immédiate des Ateliers nationaux est demandée par la réaction. — Transformation, proposée par M. Emile Thomas. — Tous les palliatifs sont repoussés. — Rassemblement de forces militaires à Paris. — M. Trélat, ministre des travaux publics. — Monstrueux arrêté pris par lui. — Discussion à l'Assemblée, le 15 juin. — M. Pierre Leroux ; M. Goudchaux. — Réponse des ouvriers au discours de ce dernier. — Complications amenées par les intrigues bonapartistes. — Adresse des délégués, réunis, du Luxembourg et des Ateliers nationaux. — Entrevue des délégués avec M. Marie. — M. Pujol. — Fermentation populaire. — L'ordre est donné au général Cavaignac, ministre de la guerre, de faire occuper la place du Panthéon. — Cet ordre n'est pas exécuté. — Violents débats au sein du Conseil. — Dissidence entre le général Cavaignac et la Commission exécutive. — L'insurrection se développe librement. — Revanche promise à l'armée. — Rôle des bonapartistes dans la révolte. — Le maçon Lahr. — Matinée du 23 juin. — Inquiétudes des vrais amis du Peuple dans l'Assemblée. — Surveillance dont ils sont l'objet. — Pendant que s'élèvent les premières barricades, M. de Falloux présente son rapport sur la dissolution des Ateliers nationaux. — Circulaire de M. Marrast aux douze municipalités. — Caractère de l'insurrection. — La garde nationale est seule à la combattre. — Système de concentration des troupes. — Soupçons qu'il fait planer sur la Commission exécutive. — Péripéties de la lutte. — Vaines instances faites auprès du général Cavaignac pour qu'il ordonne l'attaque des barricades. — Journée du 24. — Paris est mis en état de siège, et le général Cavaignac, investi de la dictature, se décide à agir. — Résultat des opérations militaires. — Les dernières heures du combat.Nier le remède ne suffit pas pour sauver le malade. Immense était le nombre de ceux qui souffraient ou se trouvaient à la veille de souffrir de la faim. L'institution des Ateliers nationaux, telle qu'elle avait été conçue, donnait à dévorer des sommes énormes à un travail factice, humiliant et stérile comme l'aumône, dont il n'était que l'hypocrisie. Et la population des Ateliers nationaux augmentait, augmentait toujours. Et cette bêtise épique attirait, ainsi qu'en un gouffre sans fond, tous les trésors de l'État. Que faire ? Rien, puisqu'il était convenu qu'organiser le travail était une chimère ; puisqu'on posait en principe que la misère et la faim sont d'essence immortelle, et que le mieux est d'en prendre son parti ; rien, puisqu'on reprochait au socialisme comme un de ses crimes de s'être élevé contre ce touchant axiome des économistes : laissez faire, laissez passer ; rien, puisque, pour les réactionnaires de tout degré, la grande affaire du moment était d'écraser l'infâme ! A force d'y réfléchir, cependant, ils s'avisèrent d'un moyen : dès que les Ateliers nationaux étaient un si grand embarras, pourquoi ne pas... eh bien, oui, pourquoi ne pas les dissoudre ? —Les dissoudre, juste ciel ! Mais, si on ne ménageait pas une issue au flot grondant qu'ils contenaient ; si on ne trouvait pas à employer utilement les travailleurs qui, là, n'étaient que nourris ; si, en un mot, on ne voulait à aucun prix tomber dans le socialisme... dissoudre les Ateliers nationaux, c'était jeter sur la place publique cent sept mille ouvriers affamés, c'était leur mettre la rage dans le cœur et les armes à la main, c'était — ce qui eût semblé impossible — commettre une folie plus colossale encore que celle qu'on avait commise en les organisant. — Mais, hélas 1 la réaction et ses aveugles alliés avaient presque moins peur du mal que du vrai remède. Ils disaient, sans avoir conscience de ce que leurs vœux avaient de contradictoire : Plus d'Ateliers nationaux, et pas de socialisme ! Eh ! quoi donc alors, malheureux ? L'insurrection de juin fut la réponse ! Que ce résultat fatal ait été affronté froidement, et même, comme quelques-uns ont osé le dire, désiré, c'est ce que je ne puis ni ne veux croire, quant à moi. Libre aux détracteurs du socialisme de nous attribuer, dans le farouche emportement de leurs haines, la soif du sang et la passion des ruines : serviteurs de la vérité, les socialistes ne repoussent pas la calomnie par l'injure ou la calomnie, et, jusque dans leurs ennemis en état d'ivresse, ils respectent l'espèce humaine. Je ne prétends donc établir ici qu'une chose, savoir : que l'insurrection de juin naquit uniquement de Vidée de dissoudre les Ateliers nationaux sans recourir au socialisme. A cette époque, le thème favori de la mauvaise foi coalisée avec l'ignorance était celui-ci : On a fait au Peuple des promesses impossibles à tenir. Eh ! quelles étaient donc ces promesses impossibles à tenir qu'on avait faites au Peuple ? On lui avait promis le pouvoir de vivre en travaillant : était-ce trop pour prix de son sang versé, pour prix de la protection généreusement accordée alors par des hommes qui manquaient de pain à des hommes qui nageaient dans l'abondance, pour prix du dévouement avec lequel, devenus maîtres de Paris, les hommes sans gîte montaient la garde à la porte des palais ? Impossibles à tenir ? Mais vous qui avez déployé tant de courage contre nos utopies, lorsqu'il y avait entre ce courage et la place publique une armée et des canons, que ne veniez-vous alors, au milieu de la Grève embrasée, crier à la foule qu'on l'abusait ; qu'on la trompait ; qu'après tant d'efforts et de combats, elle ne pouvait être assurée de rien, pas même de gagner sa vie à la sueur de son front ? Impossibles à tenir ? Mais de qui vous venait le don de le savoir ou le droit de le dire ? Car enfin, qu'aviez-vous tenté pour que cette promesse se réalisât, et que n'aviez-vous pas tenté pour qu'elle ne se réalisât point ? Sans revenir sur les obstacles mis à tout essai pratique de la part du Luxembourg, comment fut accueilli celui qui écrit ces lignes, lorsque, dans la séance du 10 mai, il alla proposer à l'Assemblée la création d'un Ministère du Travail et du Progrès, c'est-à-dire d'un ministère spécialement chargé de chercher un remède à la détresse des travailleurs et pourvu des ressources nécessaires pour y remédier ? Il n'y avait pas à craindre que l'auteur de la proposition voulût remonter au pouvoir : il était décidé, quoiqu'il pût advenir, à rester simple représentant, et, afin d'ôter tout prétexte à un rejet basé sur de vils commentaires, il avait eu soin de faire connaître sa résolution, solennellement, d'avance, du haut de la tribune. Cependant, qu'arriva-t-il ? Que, d'un commun accord, blancs, et bleus se récrièrent. Non, non : pas de Socialisme ! — Mais alors, ce sera peut-être la guerre civile. — Non, non : pas de Socialisme ! — Mais, si l'on se borne à chasser des Ateliers nationaux ces cent sept mille ouvriers, on les réduit au désespoir. — Non, non : pas de Socialisme !... En vain l'auteur de la proposition montra-t-il le point noir qui se formait à l'horizon ; en vain prononça-t-il ces paroles prophétiques : On vous disait, avant Février : Prenez garde à la révolution du mépris. Eh bien, je vous dis, moi : Prenez garde à la révolution de la faim ! Tout fut inutile. On empêchait la réalisation des promesses faites au Peuple, afin de pouvoir ensuite fort à son aise les déclarer impossibles à tenir. C'était la continuation du procédé que M. Marie expliquait si naïvement à M. Emile Thomas, lorsqu'il lui disait que l'expérience du Luxembourg montrerait inapplicables les doctrines dont on avait, précisément dans ce but, empêché l'application !... Arriva le 15 mai. Quoique exilé à la suite de cette journée funeste, et parce qu'il n'est pas d'iniquité dont les passions de parti ne soient capables, je puis me rendre hautement ce témoignage que nul n'y fut plus opposé que moi. Je n'avais que trop bien prévu les conséquences ! Elles furent terribles. Des hommes tels que Barbes et Albert jetés en prison dès le premier jour ; la plupart de leurs amis enveloppés de soupçons et frappés d'impuissance ; Paris incertain ; les départements étonnés ; le discrédit qui s'attache à toute faute que punit un insuccès ; la réaction enfin poussée jusqu'aux dernières limites de la confiance dans la fureur, voilà ce que produisit la journée du 15 mai. Elle achevait le désastre que la journée du 16 avril avait commencé. A dater de ce moment, l'idée de dissoudre les Ateliers nationaux devint, de la part des contre-révolutionnaires, une sorte d'idée fixe, et un mot d'une portée sinistre fut prononcé : IL FAUT EN FINIR ! Il faut en finir ! Mais toujours revenait cette question tragique : Comment ? Qui le croirait ? Le directeur des Ateliers nationaux, M. Emile Thomas, fut enfin obligé de reconnaître qu'il était impossible de sortir de la situation sans effusion de sang, à moins qu'on n'adoptât, du moins en partie... quoi ? Les idées du Luxembourg ! oui, ces idées en haine desquelles M. Marie l'avait placé à la tête des Ateliers nationaux, et contre lesquelles, fidèle à son rôle, il s'était épuisé, jusque-là, en déclamations aussi ridicules que violentes ! Comme la vérité à cet égard pourrait paraître invraisemblable, il faut reproduire, et reproduire textuellement, tel qu'il le donne lui-même, le plan proposé par M. Emile Thomas : Je proposai qu'on instituât par voie d'élection, dans chaque spécialité, et à Paris d'abord, un syndicat composé moitié de patrons, moitié d'ouvriers, et nommant un syndic magistrat, ainsi qu'un régisseur professionnel. — Régulièrement constitués, les syndicats professionnels eussent, chacun, dans la généralisation de leur spécialité, formé, par l'envoi de deux délégués, des syndicats de famille — famille du bâtiment, de l'habillement, de l'alimentation, etc. —. Enfin, par la même voie, les syndicats de famille eussent composé un conseil général des professions industrielles, soumis à l'administration du Ministère des travaux publics ou de celui du commerce. — Abordant la question urgente, celle de la grève générale, chacun des syndicats eût donné un tarif provisoire du travail de sa partie, en prenant l'heure comme unité. — Puis, chaque syndicat eût délégué son régisseur à l'administration des ateliers spéciaux, où eussent été admis, à salaire réduit de moitié, les ouvriers inoccupés de la profession. Les fabriques en non-activité eussent à l'instant, à des conditions très-basses, fourni les locaux et les outils. — On eût exécuté dans ces ateliers des espèces de chefs-d'œuvre où la matière première est peu, et la main-d'œuvre presque tout, et cela est possible pour presque toutes les industries parisiennes. — Les marchandises produites, garantissant l'avance faite aux ateliers par l'Etat, pour la paye des ouvriers, eussent été livrées à l'exportation, ou vendues au cours rigoureux de la place, le bénéfice, dans ce cas, étant réservé aux syndicats pour la création de caisses de secours. — Enfin, on aurait élevé des quartiers destinés aux ouvriers, quartiers composés de petites maisons meublées, à deux ou trois étages seulement et habitées par trois ou quatre familles. Ces quartiers eussent été pourvus de boulangeries et de cuisines communes, de fours communs ; enfin, de tout ce qui constitue la vie par association, la vie à bon marché[1]. Eh bien, que vous en semble ? Le plagiat est-il assez complet ? Ce que M. Emile Thomas a l'intrépidité d'appeler son-plan, était-ce autre chose qu'un calque maladroit du plan proposé par le Luxembourg et contre lequel M. Emile Thomas n'avait pas eu assez d'anathèmes ? Ateliers spéciaux ouverts aux ouvriers inoccupés de la profession, commandite de l'Etat, créance de l'Etat hypothéquée sur les produits des ateliers, caractère collectif donné à l'emploi des bénéfices, établissement de cités ouvrières, rien n'y manque ! M. Emile Thomas a beau assurer que ce n'était pas là retomber dans le système de M. Louis Blanc ; mais seulement substituer, dans cet ordre d'idées, à l'action directe de l'Etat sa garantie ou ses secours[2] : dire cela, c'était se moquer du public et trop compter vraiment sur son ignorance. Et quelle autre action directe de l'État avons-nous jamais proposée que celle qui consiste dans sa commandite et sa garantie ? Si M. Emile Thomas avait eu le courage de ses opinions nouvelles, il aurait avoué qu'en attaquant le Luxembourg, il s'était grossièrement trompé ; qu'il fallait en revenir aux idées du Luxembourg, sous peine de se trouver écrasé par la situation ; que le socialisme, étudié, n'était pas ce qu'il avait cru, et qu'il n'y avait que cette issue pour couper court aux Ateliers nationaux, sans s'exposer aux horreurs d'une guerre civile. C'est ce que M. Emile Thomas n'eut garde de faire, et il alla développer, comme siennes, à l'Hôtel-de-Ville, les mêmes idées dont il s'était fait l'ignorant calomniateur. Mais MM. Corbon, Bethmont, Danguy, etc., ne s'y trompèrent pas ; ils comprirent à merveille où une pareille transformation des Ateliers nationaux avait son point de départ, et ils la repoussèrent. Prenez-y garde, au nom du ciel, messieurs ; prenez-y garde ! Conserver les Ateliers nationaux est impossible ; les dissoudre purement et simplement est formidable ! Nous approchons à grands. pas, messieurs, de la guerre civile. — Non, non : pas de Socialisme !... Et la Commission exécutive ? La Commission exécutive, elle aussi, semblait prise de vertige. On lui présenta, sur quelques mesures à adopter comme palliatif, sinon comme remède, un rapport qu'elle refusa de signer, parce qu'il contenait la reconnaissance en principe du droit au Travail. Et pourtant, la Commission exécutive se composait d'hommes qui, lorsqu'ils étaient membres du Gouvernement provisoire, avaient prêté au décret consacrant le ; droit au Travail l'autorité de leur nom ! Tout cela menait droit aune grande bataille : comment s'y tromper ? Aussi, dès le 20 mai, la Commission exécutive avait-elle donné ordre au général Cavaignac — il avait été nommé ministre de la guerre et était arrivé à Paris depuis trois jours — d'avoir, comme garnison habituelle de la capitale, 20.000 hommes de troupes de ligne, 15.000 hommes de garde mobile, 2.600 hommes de garde républicaine, 2.500 gardiens de Paris, en tout 45.000 hommes prêts au combat[3]. De plus, 15.000 hommes devaient être échelonnés dans le rayon de la capitale, et deux divisions de l'armée des Alpes appelées en grande hâte[4]. Que le but de la Commission exécutive, quand elle ordonnait ces préparatifs, fût de prévenir l'effusion du sang par un immense déploiement de force, c'est ce qui a été affirmé en son nom[5], et c'est ce qu'il est naturel de croire. Mais la faim est un spectre qui porte avec lui plus de terreurs que le canon. L'erreur était grande d'imaginer que ceux qui ne pouvaient vivre en travaillant craindraient de mourir en combattant ! Et puis, chaque pas dans cette sombre voie était un pas en arrière. Lorsqu'elle réorganisait, en vue d'une lutte possible, et la garde républicaine, et la garde de l'Hôtel-de-Ville, et la préfecture de police, et l'état-major de la garde nationale[6], est-ce que la Commission exécutive faisait autre chose que détruire pièce à pièce l'œuvre de la Révolution de février et travailler à sa propre ruine ? M. Marie ayant été nommé membre de la Commission exécutive, c'était à M. Trélat qu'était échu, dès le 12 mai, le soin de décider, comme ministre des travaux publics, du sort des Ateliers nationaux. Jamais homme d'une plus rare incapacité ne s'était chargé d'une plus lourde besogne. Remplacer M. Emile Thomas par M. Lalanne ; former une Commission des Ateliers nationaux dont les conceptions restèrent, à l'état de mystère, et dont l'intervention connue se réduisit à des mesures d'une parfaite insignifiance ; trahir ses anciens amis ; flétrir, par l'alliance de ses colères avec celles de la réaction, tout son passé de républicain ; commettre des actes d'un arbitraire si violent, qu'on en rougirait en Turquie et qu'ils rappelèrent la tyrannie du conseil des Dix à Venise, voilà en quelques mots l'histoire du passage de M. Trélat aux affaires[7]. Et, pendant ce temps, la plaie, la plaie béante s'envenimait, s'élargissait. Afin de faire disparaître M. Emile Thomas, M. Trélat lui avait envoyé un arrêté qui, entre autres dispositions oppressives, contenait celles-ci : Les ouvriers célibataires, âgés de dix-huit ans à vingt-cinq ans, seront invités à s'enrôler sous les drapeaux de la République pour compléter les différents régiments de l'armée ; ceux qui refuseront de souscrire des engagements volontaires seront immédiatement rayés des listes d'embrigadement des Ateliers nationaux. Les patrons pourront requérir tel nombre de ces ouvriers (ceux des Ateliers nationaux) qu'ils déclareront nécessaire à la reprise ou à la continuation de leurs travaux. Ceux qui refuseront de les suivre seront à l'instant rayés de la liste générale des Ateliers nationaux. Ce monstrueux arrêté était signé : Pour le ministre des travaux publics, par autorisation, le secrétaire général, BOULAGE. Ainsi, l'on sommait les plus jeunes de devenir chair à canon, et les autres de se vendre au prix qu'on voudrait bien donner de leurs personnes. Il est vrai qu'on évitait de la sorte le malheur de tomber dans le socialisme ! Était-ce donc que les avertissements solennels fissent défaut ? Non, certes. Que de voix s'élevèrent, et des plus éloquentes, pour sauver à la France cette horrible épreuve ! Aucun de ceux qui assistèrent à la séance du 15 juin 1848 n'a pu oublier quel frémissement courut sur tous les bancs de l'Assemblée, lorsque, avec l'autorité du philosophe et l'émotion poignante du prophète en deuil, Pierre Leroux s'écria, tourné vers le côté droit : Si vous ne voulez pas sortir de l'ancienne économie politique ; si vous voulez absolument anéantir les promesses de la Révolution française dans toute sa grandeur ; si vous ne voulez pas que le christianisme lui-même fasse un pas nouveau ; si vous ne voulez pas de l'association humaine, je vous dis que vous exposez la civilisation à mourir dans une agonie terrible[8]. M. Goudchaux essaya de réfuter M. Pierre Leroux, et il prononça ces mots : Il faut que les Ateliers nationaux disparaissent immédiatement à Paris et en province. Selon lui, ce qui manquait aux ouvriers, c'était l'instruction gratuite à tous les degrés, une participation au crédit, des taxes moins onéreuses, la réforme des lois protectrices du travail. Mais ces mesures, alors même que rien au delà n'eût été désirable, ne fournissaient pas la solution du problème qui était immédiatement à résoudre. Et M. Goudchaux était si loin de s'abuser sur la portée de ce problème, qu'il disait en terminant : Si vous ne le résolvez pas, la République périra, et la société passera par un tel état de choses, que je ne veux pas vous le dépeindre. Le sol, sous vous, est maintenant très-miné[9]... Trois jours après, on lisait dans une affiche posée sur tous les murs de Paris par les ouvriers des Ateliers nationaux, comme réponse au discours qui précède : Ce n'est pas notre volonté qui manque au travail ; c'est un travail approprié à nos professions qui manque à nos bras. Nous l'appelons de tous nos vœux. Vous demandez la suppression immédiate des cent dix mille travailleurs qui attendent chaque jour de leur modeste paye les moyens d'existence pour eux et leurs familles. Les livrera-t-on aux mauvais conseils de la faim, aux entraînements du désespoir ? Tel était l'état des choses, quand les intrigues du parti bonapartiste vinrent compliquer la crise. Il est très-vrai que, malgré les efforts inouïs faits pour semer des germes d'antagonisme entre les délégués du Luxembourg et ceux des Ateliers nationaux, ils avaient fini, le bon sens du Peuple prenant le dessus, par se rapprocher et s'entendre ; mais il est vrai aussi que les Ateliers nationaux étaient fortement travaillés par les agents bonapartistes, et que dans cette masse énorme d'ouvriers réunis, enrégimentés, le bonapartisme cherchait avec avidité des recrues. La proclamation suivante, adressée au Peuple vers le milieu du mois de juin, dira dans quel esprit s'exerçait l'influence du Luxembourg : Travailleurs, Nous, délégués des ouvriers du Luxembourg ; nous délégués des Ateliers nationaux ; nous, voués corps et âme à la République, pour laquelle, comme vous tous, nous avons combattu, nous vous prions, au nom de cette liberté si chèrement achetée, au nom de la patrie régénérée par vous, au nom de la fraternité, de l'égalité, de ne pas joindre vos voix et votre appui à des voix anarchiques ; de ne pas prêter vos bras et vos cœurs pour encourager les partisans du trône que vous avez brûlé. Ces hommes sans âme, sans caractère, amèneraient inévitablement l'anarchie au milieu du pays, qui n'a besoin que de liberté et de travail. Nul ne doit prétendre désormais qu'au plus beau de tous les titres : celui de citoyen. Nul ne doit essayer de lutter contre le véritable souverain : le Peuple. Le tenter serait un exécrable crime, et quiconque l'oserait serait traître à l'honneur et à la patrie. La réaction travaille, elle s'agite ; ses nombreux émissaires feront luire à vos yeux, frères, un rêve irréalisable, un bonheur insensé ; elle sème l'or ; défiez-vous, amis, défiez-vous ! Attendez, attendez encore quelques jours, avec ce calme dont vous avez fait preuve, et qui est la véritable force. Espérez, car les temps sont venus, l'avenir nous appartient ; n'encouragez pas ; par votre présence, des manifestations qui n'ont de populaire que le titre ; ne vous mêlez pas à ces folies d'un autre âge. Croyez-nous ; écoutez-nous ! rien maintenant n'est possible en France que la République démocratique et sociale. L'histoire du dernier règne est terrible ; ne la continuons pas. Pas plus d'empereur que de roi ! Rien autre chose que la Liberté, l'Égalité et la Fraternité. Vive la République ! PIERRE VINCARD, président des délégués du Luxembourg ; AUGUSTE BLUM, vice-président ; JULLIEN, trésorier ; LEFAURE, secrétaire ; BACON, président des délégués des Ateliers nationaux ; EUGÈNE GARLIN, secrétaire ; PETIT-BONNAUD, lieutenant ; ARDILLON, lieutenant. Consignons ici un fait peu connu et qui mérite de l'être. La veille même du jour où l'on redoutait une manifestation bonapartiste, le président des délégués du Luxembourg fut mandé au château de Bagatelle par un des membres de la Commission exécutive, celui qui, depuis, s'est si vivement emporté contre les manifestations populaires, celui qui s'est vanté d'avoir sauvé, au 16 avril, la société que personne ne menaçait, M. de Lamartine enfin, s'il faut l'appeler par son nom. Ce fut une étrange conférence. Il s'agissait, pour M. de Lamartine, de préparer, au moyen des délégués du Luxembourg, contre Louis Bonaparte et au profit de la Commission exécutive, un second 16 avril. Seulement, cette fois, M. de Lamartine aurait conduit la manifestation, au lieu de la combattre ! Mais les délégués du Luxembourg n'étaient pas gens à 138 LA RÉVOLUTION-DE FÉVRIER 1848 figurer dans des luttes d'ambition : ils voulaient rester et -ils restèrent les serviteurs de la cause du Peuple. Les heures s'écoulaient. Nous donnons trois mois de misère à la République, avaient dit noblement les ouvriers, et voilà que déjà le jour de l'échéance était passé ! Le 22 juin, la note qui concernait les enrôlements d'ouvriers, enrôlements forcés, puisqu'on les faisait au nom de la faim, cette note éclata dans le Moniteur comme un coup de foudre. Sur plusieurs points, et notamment sur la place Saint-Sulpice, les ouvriers se rassemblent en tumulte ; les brigades envoyées à Corbeil abandonnent précipitamment leurs chantiers et reviennent à Paris ; les premiers grondements de la guerre civile se font entendre. N'importe, n'importe ! il faut dissoudre les Ateliers nationaux, il le faut, et cela sans tomber dans le socialisme. — Mais la guerre civile ! — Non, non : pas de socialisme, et... que les destinées s'accomplissent ! M. Lalanne, le nouveau directeur des Ateliers nationaux, l'homme de confiance de M. Trélat, s'exprimait comme il suit : Les chefs d'arrondissement sont invités à envoyer chacun la cinquantième partie de leur effectif, ce soir, à trois heures, au manège. Il s'agit de départs qui doivent avoir lieu aujourd'hui, demain et après-demain. Je parlerai moi-même aux hommes de bonne volonté qui se présenteront. Le gouvernement veut que ces départs aient lieu. Il faut que sa volonté soit exécutée aujourd'hui même. Quant à faire savoir aux malheureux qu'on proscrivait ainsi, quel genre de travail on leur réservait, à quelles conditions ils seraient tenus de travailler, là où il plaisait aux sauveurs de la société de les envoyer, c'était bien de cela qu'il s'agissait, vraiment ! Le gouvernement veut que ces départs aient lieu. Il faut que sa volonté soit exécutée aujourd'hui même. Le 22 juin, à neuf heures du matin, le citoyen Pujol, délégué par les ouvriers près de la Commission exécutive, était admis, suivi de quatre de ses camarades, chez M. Marie. Il représenta qu'après la Révolution du 24 février, les travailleurs avaient toujours été soumis à l'arbitraire ; que, s'ils avaient versé leur sang, c'était pour arriver à une République démocratique et sociale qui fît enfin justice de l'exploitation de l'homme par l'homme ; qu'ils étaient décidés à faire des sacrifices pour le maintien des libertés publiques, mais qu'ils demandaient, avant tout, l'organisation d'ateliers qui pussent servir de refuge aux ouvriers... Les ouvriers, interrompit violemment M. Marie, qui ne voudront pas se soumettre au décret seront renvoyés de Paris par la force. N'oublions pas que ce M. Marie était le même qui, pendant le Gouvernement provisoire, disait à M. Emile Thomas : Pouvez-vous compter sur les ouvriers ?... Ne ménagez-pas l'argent : au besoin, on vous accorderait des fonds secrets... Le jour n'est peut-être pas loin où il faudrait faire descendre les ouvriers dans la rue !...[10] Suivant un journal du temps[11], celui de tous les journaux d'alors qui avait le plus de rapports et les rapports les plus directs avec les Ateliers nationaux, voici quelle fut la réponse de Pujol : Citoyen représentant, vous insultez des hommes investis d'un caractère sacré, en tant que délégués du Peuple : nous nous retirons avec la conviction profonde que vous ne voulez pas l'organisation du travail ni la prospérité du peuple travailleur. — On vous a tourné la tête, répliqua M. Marie ; c'est le système de Louis Blanc : nous n'en voulons pas. A merveille ! Mais, à la place de ce qu'il ne voulait pas, M. Marie ne disait pas ce qu'il voulait ; et, comme il était devenu nécessaire, ou de vouloir quelque chose, ou d'avoir la guerre civile, on eut la guerre civile. Dans l'entrevue qui vient d'être rappelée. M. Marie, choqué du ton d'autorité qu'il crut remarquer dans M. Pujol, avait dit aux ouvriers qui l'accompagnaient : Êtes-vous donc les esclaves de cet homme ?[12] Le mot, colporté dans les faubourgs, y eut le retentissement du tocsin. L'ordre avait été donné d'arrêter cinquante six délégués : il ne fut point exécuté. Eux, se répandirent dans tous les quartiers, qu'ils enflammèrent. Et, le soir, des colonnes, parties du Panthéon, parcouraient les grandes artères de la ville, à la lueur des torches. Le long des boulevards, on entendait déjà ce refrain lugubre : Du pain ou du plomb ! Le sort en est jeté. A onze heures du soir, M. Marie, effrayé, écrit au général Cavaignac, ministre de la guerre, d'envoyer dès le lendemain au Luxembourg, pour renforcer la garde ordinaire, un régiment d'infanterie et deux régiments de cavalerie[13]. L'ordre est exécuté[14]. A deux heures du matin, nouvelle lettre adressée au général, et, cette fois, par le chef du secrétariat de la Commission exécutive, M. Barthélémy Saint-Hilaire. Elle portait que les ouvriers devaient se réunir, à six heures du matin, sur la place du Panthéon, pour s'y concerter et marcher de là vers le faubourg Saint-Antoine ; qu'on le savait ; qu'il importait d'arrêter le mouvement à son origine, et de faire occuper le Panthéon, dès cinq heures du matin, par deux bataillons d'infanterie et deux de cavalerie. La lettre ajoutait : Je ne sais quels sont les ordres qui vous ont été transmis par la Commission exécutive : vous aviserez dans votre prudence[15]. L'avertissement était grave : il s'agissait, pour n'avoir pas à noyer l'insurrection dans des flots de sang, de la prévenir, de l'essayer du moins. Cependant, le général Cavaignac n'en tint nul compte : pas un soldat ne fut envoyé sur la place du Panthéon. Plus tard, appelé à répondre à ce grief, le général Cavaignac a prétendu qu'ayant déjà reçu de M. Marie un ordre qui se trouvait exécuté au moment où la missive de M. Barthélémy Saint-Hilaire lui fut remise, il avait cru que cette missive faisait double emploi[16]. Mais l'explication tombe devant ce fait : que la première demande de troupes concernait le Luxembourg, et la seconde, la place, du Panthéon ; que la première avait pour but de protéger le siège du gouvernement, et la seconde d'arrêter l'insurrection à son point de départ. Aussi, qu'arriva-t-il ? Que, vers sept heures, et demie, trouvant la place libre, près de deux mille ouvriers s'y réunirent, pour aller, de là, chercher à la Bastille des compagnons de combat et des armes. Ici se présente un important problème historique qu'il convient d'éclaircir. L'insurrection de juin aurait-elle pu être prévenue, et l'effusion du sang évitée, par un énorme déploiement de troupes, mises en mouvement lorsqu'il n'existait pas encore une seule barricade ? C'est ce que pensaient les membres de la Commission exécutive, et c'est ce que le général Cavaignac ne voulut pas reconnaître. Dans la matinée du 23 juin, le Conseil s'étant rassemblé, on s'y entretint, devant le général Cavaignac, le général Fouché et plusieurs ministres, de l'ordre dont l'inexécution avait permis à un premier grand rassemblement de se former. Là, au lieu de donner l'explication à laquelle il devait plus tard recourir, le général Cavaignac interpella le général Fouché, d'où résulta une altercation très-vive à laquelle le ministre de la guerre mit fin en imposant silence à son subordonné. Le Peuple, en cet instant, occupait encore le Panthéon : diverses mesures qui tendaient à prévenir le combat sont proposées. Mais est-il temps encore de tout arrêter ? M. Recurt, ministre de l'intérieur l'affirme. Le général Cavaignac soutient le contraire. Un ; débat fort animé s'engage, et M. Recurt, violemment ému, s'écrie : C'est donc une bataille qu'on veut ! C'est insensé ![17] Autre point de dissidence entre la Commission exécutive et le général Cavaignac. Selon la Commission exécutive, la marche à suivre consistait à empêcher, dès l'abord, la construction des barricades en envoyant sur tous les points menacés, non pas des gardes nationaux seulement, mais des soldats. Selon le général Cavaignac, au contraire, il fallait commencer par concentrer les troupes de ligne et ne les faire donner qu'au moment décisif. Or, si l'avis du général l'emportait, on pouvait, sans être prophète, faire presque à coup sûr la prédiction que voici : L'insurrection, laissée maîtresse du terrain et libre de ses mouvements à l'origine, ne tardera pas à se développer sur une échelle formidable. — La garde nationale, poussée en avant et non soutenue, sera décimée. — Elle enverra solliciter des secours, et, n'en recevant pas, elle se croira trahie par la Commission exécutive, seule responsable de la situation. — La majorité réactionnaire de l'Assemblée, ardente à abattre les républicains les uns par les autres, sera charmée d'une aussi belle occasion de renverser MM. de Lamartine et Ledru-Rollin par le général Cavaignac. — L'armée ne donnant qu'après la garde nationale, achètera la victoire à moins de frais et en aura la gloire si l'insurrection succombe. — Son chef sera ainsi devenu l'homme nécessaire, et sa dictature, née de la pression des circonstances, s'élèvera dans le sang sur les débris du pouvoir de la Commission exécutive, renversée, bafouée et maudite. Il est probable que des hommes aussi intelligents que les membres de la Commission exécutive ne furent point sans pressentir ces conséquences. Mais l'événement qu'on avait devant soi était une bataille ; le général Cavaignac était un homme d'épée : on jugea indispensable de lui abandonner la direction de la défense, et les suites furent ce que la logique indiquait d'avance. Pour ce qui est du général Cavaignac, eut-il en vue de supplanter, au profit de son ambition personnelle, la Commission exécutive, ou seulement de ménager aux soldats, que la victoire populaire de Février avait humiliés, le moyen de prendre une éclatante revanche ? Suivant moi, cette dernière hypothèse est la vraie ; pas un fait qui ne la confirme ; et elle est entièrement justifiée par le caractère et les dispositions du général Cavaignac, qui, avant tout, par-dessus tout, était un soldat. J'en donnerai dans le chapitre suivant une preuve sans réplique. En attendant, qu'il me suffise de dire qu'à cette époque il y avait dans une partie de l'armée le désir prononcé d'une revanche. Elle s'était persuadée, ou plutôt d'habiles conspirateurs, cachés dans ses rangs, étaient parvenus à lui persuader qu'après les journées de Février, elle avait été traitée avec mépris ; qu'on avait eu l'air de la regarder comme incapable de tenir devant des guerriers de hasard, armés de bâtons ferrés ; et qu'il y allait de son honneur de montrer, à la première occasion, ce qu'elle savait faire quand elle se battait pour tout de bon. Ce sentiment régnait si bien parmi les troupes qu'un capitaine de mes amis vint me voir, vers la fin de mai, pour me donner à cet égard des renseignements qu'il jugeait avec raison d'une grande importance. Soyez certain, me dit-il, qu'on n'a rien épargné de ce qui pouvait exalter outre mesure, et en opposition au Peuple, le point d'honneur militaire. Si une lutte s'engage, je frémis à l'image de ce que j'entrevois. Les soldats tiennent à établir — et on les y encourage par toutes sortes de discours artificieux — que, s'ils sont sortis de Paris, en février, c'est parce qu'ils l'ont bien voulu. Souvenez-vous de es que je vous dis là. Eh bien, ma conviction, appuyée sur une lettre que le général Cavaignac adressa au Gouvernement provisoire et dont il sera fait mention plus loin[18], ma conviction profonde est que le sentiment répandu dans l'armée, le général Cavaignac le partageait. L'idée qu'on pouvait soupçonner l'uniforme d'avoir reculé devant la blouse lui était insupportable. Son intelligence, impuissante à s'élever au-dessus de certaines susceptibilités vulgaires, lui faisait envisager un triomphe de l'armée comme une réparation dont l'occasion ne devait pas être perdue, lorsqu'elle venait s'offrir d'elle-même. Tout ce qu'il est permis de supposer à sa décharge — et cela est juste, peut-être, — c'est qu'il put lui arriver de s'aveugler sur la vraie source de ses inspirations, et de croire, comme ce n'est que trop souvent le cas dans les actions humaines, qu'il se décidait exclusivement par de certains motifs, alors qu'il ne faisait i qu'obéir, sans se l'avouer, à des motifs différents. Toujours est-il que sa conduite fut étrange ; et cette insurrection fatale, qu'au point de vue social, on n'avait point tenté de prévenir, on ne tenta pas davantage de la prévenir, au point de vue militaire. Pour comble de malheur, quoique la révolte qui s'annonçait fût bien la révolte de la faim, la part manifeste qu'y prirent les bonapartistes lui imprima, au début, une couleur si douteuse, que même les républicains les plus dévoués au Peuple tremblèrent qu'elle n'eût d'autre résultat que de couronner un prétendant, si elle réussissait. Et, si elle était écrasée, que devenaient les conquêtes morales de la Révolution ? De l'activité factieuse des bonapartistes dans ces heures funestes, de leurs artifices, de leurs corruptrices manœuvres, de leurs efforts pour faire tourner le désespoir de tant de milliers d'hommes au profit d'un seul, il existe des preuves trop nombreuses et trop frappantes pour qu'à cet égard le doute soit possible. Le parti bonapartiste était représenté dans la presse par le Napoléon républicain, dont le titre n'indiquait qu'à moitié le but, mais révélait une stratégie qui ne trompait personne. Il avait de nombreux affidés parmi les ouvriers appartenant à des pays étrangers. Il soudoyait des orateurs de cabaret. Il mettait une ardeur extraordinaire à se recruter dans la garde nationale. Le soir du 22 juin, la candidature de Louis Bonaparte comme lieutenant-colonel de la 12e légion avait été hardiment posée, et soutenue plus hardiment encore, en vue, osa-t-on dire, d'une lutte prochaine, mais sans autre explication[19]. M. Emile Thomas, naguère directeur des Ateliers nationaux, était un bonapartiste[20] ; et la proclamation au Peuple que nous avons citée un peu plus haut montre de reste combien le péril paraissait réel aux délégués de la classe ouvrière. Au premier rang des recruteurs en blouse du bonapartisme figurait un maçon nommé Lahr. Homme d'une énergie peu commune et qui exerçait sur ses compagnons beau coup d'empire, Lahr était employé sous M. Nadaud, un des représentants les plus vrais qu'ait jamais eus le Peuple à des travaux de maçonnerie commencés place du Panthéon. Un matin, deux ou trois jours avant l'insurrection, M. Nadaud s'aperçoit que Lahr, dont en ce moment l'assistance lui était nécessaire, a disparu. Il va aux informations, et il apprend qu'on a vu entrer son camarade dans un cabaret, situé près de là. Il y court, entre, et trouve Lahr attablé avec plusieurs ouvriers, la plupart Allemands. Aussitôt, celui-ci se lève, et, s'avançant vers le visiteur inattendu, lui tend un verre de vin et s'écrie : Allons, camarade, à la santé du Petit ! Invité à s'expliquer, il ajoute : Oui, à la santé de Louis Bonaparte ; car il est temps de nous mettre à la besogne. M. Nadaud repoussa le verre avec indignation, et sortit. Quelques jours après avait lieu, à la barrière de Fontainebleau, le meurtre du général Bréa, meurtre pour lequel Lahr fut condamné à mort et exécuté[21]. Comment fermer les yeux à cet extraordinaire concours de circonstances qui toutes tendaient à montrer, à travers les horreurs d'une guerre civile, le bonapartisme ? Comment ne pas frissonner, en songeant que l'unique résultat d'une lutte où les prolétaires joncheraient Paris de leurs cadavres risquait de n'être que le triomphe de l'ambition d'un homme ? Et si, comme il n'était que trop aisé de le prévoir, les insurgés succombaient !... Non, je ne crois pas que jamais agonie de l'esprit et du cœur ait été comparable à celle dont cette odieuse alternative infligea le tourment aux sincères amis du Peuple. Quant à moi, je voyais les choses tellement en noir que, pour conjurer l'orage, j'aurais volontiers donné tout le sang de mes veines ; mais, outre que je n'étais plus investi d'aucun pouvoir officiel, les défiances haineuses dont me poursuivaient et les autorités du moment et la majorité de l'Assemblée avaient rendu mes relations avec l'ensemble de la classe ouvrière très-difficiles. Et puis, quoiqu'une inquiétude menaçante agitât depuis plusieurs jours la population des Ateliers nationaux, et que l'insurrection n'eût été que trop aisée à prévoir, l'adoption des mesures insensées qui changèrent définitivement les alarmes en fureur eurent un tel caractère de soudaineté que chacun se trouva comme enveloppé dans, l'ouragan avant d'avoir eu le temps de se reconnaître. Dans la matinée du 23 juin, je montais en voiture avec un
de mes compatriotes, M. Savelli, qui était venu me voir et s'était offert
pour m'accompagner à l'Assemblée, lorsque tout à coup quelques ouvriers
paraissent à la portière : Ami, le Peuple s'ébranle
dans Paris ; que faut-il faire ? On juge ce que ma situation avait
d'affreux ! Y a-t-il, répondis-je, un rendez-vous général où je puisse aller, et dire ce que
je sens ? Ils répliquèrent à la hâte, et avec beaucoup d'animation : Pour Dieu, n'allez pas ! Et où iriez-vous ? Presque tout
Paris est debout, depuis la barrière Rochechouart sur la rive droite de la
Seine, jusqu'au Panthéon sur la rive gauche. Seulement, que désirez-vous que
nous disions à ceux de nos camarades que nous rencontrerons ? — Eh bien, dites-leur que, si le glaive est tiré en ce
moment, c'en est fait, selon toute apparence, de la République ; dites-leur
qu'on travaille depuis longtemps à rassembler des forces immenses contre le
Peuple ; que la contre-Révolution ne soupire qu'après une occasion de
l'écraser ; que la défaite est presque certaine ; que rien n'est prêt pour le
succès ; et que, pour usurper la victoire du Peuple, à supposer qu'il y eût
victoire, les ambitieux ne manquent pas. Ils firent un mouvement de tête
qui semblait signifier : Il est trop tard ; me
serrèrent vivement la main, et partirent[22]. J'étais consterné. Quel parti prendre ? Je crus que le mieux était de me rendre à l'Assemblée, où je pouvais être au moins de quelque utilité en m'opposant aux mesures violentes, et de nature soit à aggraver soit à compliquer la situation. Tous ceux de mes collègues qui appartenaient à l'opinion socialiste avaient eu la même pensée que moi ; tous ils étaient à leur poste de représentants du Peuple ; et je les trouvai tous en proie à la douloureuse incertitude née de la succession rapide des faits et du mélange de tant d'éléments confus. Toutefois, le vrai caractère du mouvement ne tarda point à se dessiner. Les factions bonapartiste et légitimiste, qui avaient d'abord essayé de s'en emparer et qu'on pouvait craindre de voir réussir, furent amenées à cacher leur drapeau ; et le seul étendard arboré sur les barricades fut celui du Peuple, celui qui portait ces mots touchants : Du pain ou du plomb ! Mais l'Assemblée alors était devenue permanente. Une sorte de vigilance farouche entourait ceux qu'on savait sympathiques à la cause qui avait réduit le Peuple au désespoir, et le premier d'entre nous qui eût tenté de franchir le seuil de l'Assemblée, eût été arrêté à l'instant, même. Dans la matinée, une colonne compacte s'était formée sur la place de la Bastille et avait roulé comme une avalanche jusqu'à la porte Saint-Denis, où eut lieu le premier engagement. Mais déjà, et tandis que, dans les quartiers aristocratiques, les légions se réunissaient lentement, dans les quartiers populeux les rues se hérissaient de barricades. Ce fut cet instant que M. de Falloux choisit pour présenter, du haut de la tribune de l'Assemblée, le rapport qui concluait à la dissolution des Ateliers nationaux, moyennant une indemnité d'environ trente francs par homme[23]. M. Proudhon a écrit : Trente francs pour avoir fondé la République, pour la rançon du monopole, et en échange d'une éternité de misère ! Cela rappelait les trente deniers payés par Judas pour le sang de Jésus-Christ. Et pendant ce temps, la fusillade continuait, les barricades s'élevaient, tout Paris s'armait. Je ne crois pas qu'en ce moment la lecture du rapport soit opportune ! s'était écrié M. Raynal. Mais les contre-révolutionnaires : Lisez, lisez !... M. de Falloux s'empressa de lire. Puis, afin que la guerre au socialisme fût partout, on se mit à tonner dans l'Assemblée contre l'exécution des chemins de fer par l'État. Au dehors, le Peuple continuait de crier : Du pain ou du plomb ! Alors, comme si, pour étouffer ces mots d'éternelle douleur, il n'eût pas suffi de charger les canons à mitraille, de mettre en mouvement fantassins et cavaliers, de renforcer la garde nationale par la garde républicaine, et la garde républicaine par la garde mobile, la calomnie fut appelée au secours. Dans une circulaire adressée aux municipalités des douze arrondissements, M. Marrast osa présenter cette armée de la faim qui se levait, comme un ramas de brigands à la solde d'agents étrangers. Il osa écrire en parlant des prétendus auteurs de l'insurrection : Ce n'est pas seulement la guerre civile qu'ils voudraient allumer parmi nous, c'est le pillage qu'ils préparent. Ah ! sans doute, les partis à livrée légitimiste et à livrée impériale comptaient dans leur sein des hommes prêts à pousser au désordre, dans l'espoir de le faire aboutir au triomphe de leurs desseins, et ces hommes poussèrent effectivement au désordre. Mais confondre avec des instigations semblables, qui nulle part n'osèrent se définir nettement, la vraie cause qui mettait à tant de milliers d'hommes les armes à la main ; mais prétendre que les barricadés ne se formaient que contre la République ; mais affirmer que le pillage était le but auquel le Peuple courait à travers la mort !... Elle eut néanmoins le succès qu'on en avait espéré, cette calomnie étonnante. Des Républicains sincères crurent la République en péril ; les faux républicains affectèrent de la voir attaquée : il y eut une immense incertitude et une immense confusion. Les insurgés continuaient décrier, en marchant au combat : Du pain ou du plomb ! Il est digne de remarque que cette insurrection, si générale dans ses causes et par son esprit, revêtit presque partout le caractère d'une protestation locale. Dans maint quartier, il arriva que les habitants se réservèrent exclusivement la garde de leurs barricades, repoussant le concours des étrangers, se bornant à défendre l'accès de leurs rues et refusant de prendre part aux mouvements d'attaque. Après la prise de la huitième et de la neuvième mairie, par exemple, et lorsqu'il fut question d'emporter l'Hôtel-de-Ville, c'est à peine si on put réunir, au bas de la rue Saint-Antoine, quelques centaines de combattants. Et pourtant, il s'agissait d'enlever une position très-forte, très-vivement défendue. On demanda des renforts au Faubourg, dont les barricades pouvaient être aisément dégarnies : ce fut en vain. Non que, parmi les combattants, beaucoup ne comprissent qu'une insurrection qui n'avance pas, ou même qui s'arrête, est perdue ; mais toute unité de direction manquait, et, d'un autre côté, une partie des insurgés étaient retenus par le sentiment de leur infériorité dans le maniement des armes. Cinquante mille hommes avaient pris le fusil : combien qui, dans ce nombre, étaient inhabiles à s'en servir ! Tel qui contribuait efficacement à défendre une barricade eût risqué d'être ailleurs un embarras. Toujours est-il que, dans les quartiers riches, des milliers de combattants isolés attendirent inutilement qu'une trouée leur permît de rejoindre l'insurrection, et que les faubourgs avaient une réserve de près de vingt mille hommes dont la marche en avant eût changé, peut-être, le destin de ces journées. Aux motifs qui empêchèrent les combattants de trop s'aventurer hors des barricades, il importe d'en ajouter un autre, bien décisif : le défaut de munitions. La poudre dont ils se servaient, les insurgés étaient obligés de la fabriquer eux-mêmes, et cette circonstance donnait un avantage énorme aux troupes, abondamment approvisionnées de tout ce qu'exigent les batailles ! Mais, si les forces de l'insurrection se trouvèrent insuffisantes sous le rapport.de l'offensive à prendre ; si les chefs manquèrent pour concentrer les opérations ; si la poudre finit, par manquer pour continuer le combat, la lutte n'en fut, pas moins surprenante, par l'indomptable énergie des combattants. Gardes nationaux et soldats se battirent vaillamment, comme les Français se battent. Mais ceux qui ont mis le plus d'acharnement à calomnier les sentiments. des insurgés conviennent que leur intrépidité tint du prodige, et qu'ils dépensèrent, plus de bravoure qu'il ne leur en aurait fallu, conduits par. un grand capitaine, pour conquérir le monde. D'ailleurs, les Ateliers nationaux avaient été organisés militairement ; grâce à M. Marie ; on les avait divisés par brigades, escouades et compagnies, comprenant les hommes, du même arrondissement, du même quartier, de la même rue ; et, dans cette guerre de barricades où chacun voulait combattre et mourir devant sa maison, pour le pain, de sa famille, une pareille organisation imprimait nécessairement un certain ensemble à la résistance, même localisée. Voyons maintenant de quelle manière la défense était conduite. Le général Cavaignac avait répondu à la lettre que M. Marie lui avait adressée le soir du 22 juin, par l'envoi de deux bataillons incomplets qui ne s'élevaient pas à plus de 800 hommes[24]. Malgré l'insuffisance de ces forces, la Commission exécutive employa la garde du Luxembourg à prévenir la construction des barricades. Mais ce système ne fut suivi que sur la rive gauche, et partiellement. Conformément au plan du général Cavaignac, investi de la direction supérieure des forces, les troupes de ligne ne devaient être à aucun prix disséminées, de sorte qu'elles ne parurent qu'après des engagements meurtriers entre la garde nationale et le Peuple. Que le système de concentration eût semblé le meilleur au général africain, on le conçoit ; mais on se demande pourquoi, dans ce cas, ce système ne fut pas appliqué par lui à la garde nationale ; pourquoi il ne l'empêcha pas, elle aussi, de se disperser dans Paris, et d'y combattre par compagnies isolées ; pourquoi la concentration mit tant de temps à s'opérer, et pourquoi des troupes qu'on avait représentées à M. Ledru-Rollin comme pouvant être réunies au premier coup de tambour, ne furent pas engagées pendant de longues heures de la journée[25]. J'ai lu avec beaucoup d'attention la réponse du général Cavaignac aux accusations de M. Barthélémy Saint-Hilaire dans la séance du 25 novembre 1848, et elle ne m'a point fourni la solution de ces problèmes. Mais il faut laisser les faits parler d'eux-mêmes[26]. Vers midi et demi, le général écrit à M. Garnier-Pagès, resté seul au siège du gouvernement, qu'il ait à renvoyer à l'Assemblée nationale les deux bataillons de ligne. Ils étaient employés à combattre : M. Garnier-Pagès refuse. L'aide de camp chargé du premier message en rapporta un second qui enjoint au colonel commandant le Luxembourg, d'obéir, sous peine d'être traduit devant un conseil de guerre. M. Garnier-Pagès cède devant cette insistance ; et la retraite des troupes a lieu, livrant cette partie de la rive gauche à l'insurrection, qui s'y propage avec rapidité[27]. Vers deux heures, M. Garnier-Pagès, désespéré, va rejoindre ses collègues de la Commission exécutive à l'Assemblée nationale dans le cabinet de la présidence, où le siège du Gouvernement a été transféré. Triste spectacle ! De toutes parts affluaient, demandant du secours, officiers de la garde nationale et envoyés des mairies. M. Bixio vint dire qu'il avait vu une barricade s'élever rue Saint-Jacques, mais que, si on lui donnait seulement deux cents hommes, il répondait de tout arrêter de ce côté. La réponse invariable du général Cavaignac était : Je ne veux pas disséminer et compromettre mes troupes[28]. Toutefois, le général Lamoricière avait été chargé d'enlever les faubourgs Poissonnière, Saint-Martin et Saint-Denis. A trois heures, le général Cavaignac apprend que, sur le flanc droit de Lamoricière, des barricades importantes se forment dans la rue du Faubourg-du-Temple. Il juge nécessaire que des renforts arrivent sur ce point ; mais quelle inspiration put le pousser à aller en personne dégager son lieutenant, lorsque tant d'officiers habiles et intrépides étaient à ses ordres, et que la présence du commandant en chef était si impérieusement réclamée au siège du Gouvernement, où tout venait aboutir et d'où il était indispensable que tout rayonnât ? Il partit néanmoins, emmenant avec lui sept bataillons, et promettant de revenir dans une demi-heure ; il partit, et cela après avoir recommandé de la manière la plus expresse qu'on ne donnât aucun ordre en son absence. C'était, pour peu que son absence se prolongeât, laisser la Commission exécutive dans une situation intolérable ; et son absence se prolongea tellement, qu'on ne le revit plus qu'à huit heures du soir[29]. D'après l'explication qu'il a présentée depuis, ce retard vint de ce qu'il avait mal apprécié la durée de la résistance qui l'attendait : J'avais cru que c'était l'affaire d'une demi-heure, malheureusement, cela a pris trois grandes heures[30]. Toujours est-il que ce fut le coup de mort pour la Commission exécutive ; car, lorsque les officiers d'ordonnance, dépêchés de divers quartiers par des compagnies de garde nationale en détresse, accouraient les uns après les autres, disant : On égorge nos hommes ! Un bataillon ! au nom du ciel, un seul bataillon ! que pouvait-elle répondre, sinon : Nous n'avons pas d'ordre à donner, le général en chef est absent. Attendez ! Et cette réponse, colportée de rang en rang dans la garde nationale, était naturellement accueillie par ce cri : La Commission exécutive trahit. A bas les traîtres ! M. de Lamartine s'ét.ant rendu au faubourg du Temple, M. François Arago dans le quartier du Panthéon, et M. Garnier-Pagès s'étant mis à parcourir les huit premiers arrondissements, tout le poids de la situation retomba sur M. Ledru-Rollin, demeuré seul avec M. Marie au siège du Gouvernement, et que ses opinions désignaient plus particulièrement aux défiances delà garde nationale. Ce qu'il eut à souffrir, il l'a décrit lui-même avec une éloquence passionnée. En ce moment, Paris, d'un bout à l'autre, se trouvait transformé en champ de bataille. Le soir, la Société des Droits de l'homme put se réunir ; mais déjà, en mille endroits, les communications étaient interrompues, et il fut impossible de donner aux sections une impulsion uniforme. Les sectionnaires du huitième arrondissement prirent une part active à l'attaque de la place des Vosges, conduits qu'ils étaient par des hommes ardents et décidés. Dans les bureaux des feuilles socialistes, régnait une poignante incertitude, tant étaient confuses, contradictoires, les nouvelles qui arrivaient du théâtre de la lutte ! A qui resterait la victoire ? Quelque formidable que fût la masse des forces à la disposition du Gouvernement, le succès parut longtemps indécis. Sur plusieurs points, les insurgés firent des prodiges. Au faubourg du Temple, dès que le général Cavaignac y parut, le combat prit des proportions gigantesques. Le canon gronda contre les insurgés, mais sans étonner leur courage ; et leur résistance fut si énergique, que le général Cavaignac, malgré ses sept bataillons et son artillerie, fut obligé de demander du secours au général Lamoricière, qu'il venait secourir. Autour des pièces de canon, l'on apercevait étendus morts les deux tiers des canonniers qui les avaient servies et les chevaux qui les avaient amenées[31] ! A l'Assemblée, une succession presque non interrompue de rapports divers tenait les esprits dans une perpétuelle alternative de crainte et d'espoir. Nous apprenions, tantôt que les rues Saint-Jacques, des Maçons-Sorbonne et dès Mathurins se couvraient de barricades ; tantôt que les fenêtres de la rue de La Harpe étaient devenues autant de meurtrières ; tantôt qu'à une barricade construite à l'entrée de la rue Saint-Maur, le Peuple avait déployé une intrépidité indomptable. M. Payer ayant informé l'Assemblée qu'à la place Saint-Michel il y avait cinq pièces de canon qui faisaient feu, lorsque s'était présenté M. Arago, oui, ce jour-là, joua sa vie avec l'insouciance héroïque d'un jeune homme, M. Bineau poussa ce cri de la haine et de l'ingratitude : Qu'est-ce que cela nous fait ?[32] Voilà comment la réaction vous récompensait de lui avoir servi d'instruments contre l'avant-garde de votre propre parti, républicains inconséquents ! Jusqu'où peut s'emporter la fureur des passions politiques, je le sus alors. C'est en vain que M. Considérant, d'une voix presque suppliante, demande la permission de lire une proclamation destinée, dit-il, à ramener les malheureux égarés. On lui crié : au milieu du tumulte : Vous appelez ainsi des assassins[33]. Et l'on vote la question préalable. A son tour, M. Caussidière propose une proclamation aux flambeaux ; et lui, moi, plusieurs autres membres de la gauche, nous offrons d'aller aux barricades, pour tâcher d'arrêter, s'il est possible, l'effusion du sang : ces propositions et ces offres ne rencontrent que défiances ; on les traite de factieuses. Nommerai-je celui qui osa demander qu'on arrêtât pendant la nuit certains journalistes, et que la déportation eût lieu sur la reconnaissance de l'identité des individus ? L'auteur de cette motion monstrueuse n'était pourtant pas un membre de la droite ; c'était un homme à qui la peur du socialisme avait donné le vertige, et qui figurait parmi... les républicains. Comme il doit être étonné aujourd'hui de son égarement d'alors ! Le Gouvernement, répondit le ministre des finances, M. Duclerc, vous a montré de l'énergie. Exigez-vous de lui un coup d'Etat ? Il ne le fera pas[34]. M. Barthélémy Saint-Hilaire a raconté en ces termes, du haut de la tribune, une scène qui, dans là soirée du 23 juin, eut lieu entre le général Cavaignac et les membres de la Commission exécutive. Une dernière tentative fut faite auprès du général. MM. Arago, Marie, Lamartine, Ledru-Rollin, avec M. Barthélémy Saint-Hilaire, le pressèrent de commencer l'attaque. Le général fut inflexible, et les instances dont il était l'objet irritant sa colère : Croyez-vous, dit-il, que je sois ici pour défendre vos Parisiens, votre garde nationale ? Qu'elle défende elle-même sa ville et ses boutiques. Je ne veux pas disséminer mes troupes. Je me rappelle 1830 ; je me rappelle Février. Si une seule de mes compagnies est désarmée, je me brûle la cervelle ; je ne survivrai pas à ce déshonneur. On eut beau représenter au général que son suicide ne remédierait à rien, que la question était d'enlever les barricades qu'il avait laissé former ; aucun argument ne put le décider à donner l'ordre de l'attaque ; le moment décisif ne lui paraissait pas encore venu. On ajouta que les insurgés gagnaient à chaque instant du terrain. Que m'importe ! répondit le général ; s'ils sont maîtres de Paris, je me retirerai avec mon armée dans les plaines de Saint-Denis, et je leur livrerai bataille. — Oui, dit M. Arago, mais ils ne vous y suivront pas[35]. Du reste, quand le général Cavaignac s'étudiait à différer de la sorte une attaque générale, ce n'était point dans l'attente de circonstances de nature à la rendre inutile. Il avait si bien en vue une bataille, et une bataille sur une formidable échelle, que, ce soir-là même, le colonel Martimprey fut envoyé à Vincennes, avec un régiment d'infanterie et un régiment de cuirassiers, pour en rapporter les canons, les boulets, les bombes et les obus que réclame le siège en règle d'une place forte ! Nous avons dit que le général Cavaignac était revenu du faubourg du Temple à huit heures du soir. Il s'absenta de nouveau, désirant visiter le général Bedeau, qui avait été blessé en défendant l'Hôtel-de-Ville, et le général Damesme, qui occupait le faubourg Saint-Jacques. Il ne rentra qu'à deux heures du matin, et parlait d'aller prendre du repos au ministère de la guerre, lorsque, M. Ledru-Rollin s'y opposant avec beaucoup de vivacité, il se décida enfin à rester, et courut se jeter tout habillé sur un des canapés d'un cabinet voisin où il s'endormit. Plus tard, quand cette circonstance fut rappelée, à la tribune, il répondit d'un ton ironique : On a dit que j'avais dormi ; j'en conviens. Cela m'arrive quelquefois[36]. Le mot fut trouvé admirable par ceux de la droite !... Quant aux membres de la Commission exécutive, ils ne dormirent pas. A cinq heures du matin, M. Dupont, chef de bataillon de la 12e légion, demande à être introduit auprès du général. Il est admis, avec quelques citoyens qui l'accompagnaient : Eh bien, que voulez-vous ? — Je viens vous prier d'ordonner la retraite des baïonnettes dont le douzième arrondissement est hérissé. Je suis du quartier ; je le connais. Je réponds de sa tranquillité, si la mesure que je sollicite est prise. Le général, sans quitter la position horizontale, répondit laconiquement : Impossible. Je n'ai que onze bataillons sur la rive gauche. On se battra[37]. Qu'elle fut longue, qu'elle fut lugubre, cette nuit du 23 au 24 juin ! Le lendemain, le soleil ne se montra pas ; le ciel semblait aussi triste que le cœur des hommes ; les pavés frémirent sous les roues des canons ; et ceux que la faim donnait à la mort, reprirent le cri de la veille : Du pain ou du plomb ! En ce moment, tout était mûr pour la dictature d'un soldat. L'impossibilité où la Commission exécutive avait été mise dans la journée précédente d'envoyer des secours où ils étaient attendus, avait accrédité parmi la garde nationale l'idée d'une trahison, et elle se montrait exaspérée contre les traîtres. Dans l'Assemblée, on n'ignorait pas que ces traîtres avaient bravement payé de leurs personnes au service d'une cause qui, en effet, n'aurait pas dû être la leur ; mais beaucoup, dans les rangs de la droite, pensaient tout bas ce que M. Bineau s'était hasardé à penser tout haut : Qu'est-ce que cela nous fait ? Les habiles, tels que M. de Falloux et M. Thiers, souriaient d'avance au spectacle de ces républicains qu'un républicain allait fouler aux pieds, en se perdant lui-même. Et M. Marrast se tenait derrière le général Cavaignac, lui soufflant de déplorables conseils. Déjà, dès le 22 juin, le général avait reçu de plusieurs membres de la réunion du Palais-National, des ouvertures qu'il ne s'était pas cru obligé de repousser, bien qu'il eût mis à son acceptation les conditions de bienséance indispensables en pareil cas ; agent de la Commission exécutive, il consentait bien à la supplanter, si tel était le désir de l'Assemblée, mais non pas sans avertissement préalable. Ce fut dans cette disposition d'esprit qu'il tint, le 23 juin, la conduite décrite plus haut ; et ses vues n'avaient certes subi aucun changement, lorsque, le 24, à huit heures du matin, les représentants, qui le voulaient dictateur, allèrent requérir la Commission exécutive de donner sa démission... Sa démission avant la fin du combat, sa démission sous le coup d'une exigence qui était une flétrissure ! Plusieurs de ses membres refusèrent de laisser disposer, ainsi de leur honneur ; et il leur revint amèrement à la mémoire qu'ayant eu l'intention de quitter la scène, lors du vote d'admission en faveur de Louis Bonaparte, ils en avaient été empêchés, par qui ? Par le général Cavaignac lui-même, dont, en cette circonstance, le langage avait été celui-ci : Se retirer serait un déshonneur, et si, dans l'état où est la République, la Commission exécutive se retirait du pouvoir, elle n'y pourrait revenir que par un 15 mai honnête[38]. La démission, si ardemment poursuivie, fut donc refusée, sauf à voir ce que l'Assemblée en masse déciderait. Au dehors, les insurgés tuaient et mouraient, en criant : Du pain ou du plomb ! Vers midi, nous vîmes paraître à la tribune M. Pascal-Duprat. Il venait proposer : pour Paris, l'état de siège ; pour, le général Cavaignac, la dictature. Quelque hésitation se manifesta ; des protestations s'élevèrent. Non, pas de dictature ! s'écriait M. Larabit. Et, plein d'émotion, réclamant la parole, bravant les murmures, il se tenait cramponné au marbre de la tribune. M. Bastide se présente et dit : Je vous conjure de mettre un terme à vos délibérations et de voter le plus tôt possible ; dans une heure, peut-être, l'Hôtel-de-Ville sera pris. La fermeté d'âme, de M. Bastide était connue ; la sensation fut profonde ; et l'on vota par assis et levé, au nom de la République, le renversement de tous les principes de la République. Une heure après, la Commission exécutive envoya sa démission. Les royalistes, qui s'étaient servis d'elle contre les membres socialistes du Gouvernement provisoire, se servaient maintenant du général Cavaignac contre elle, en attendant l'heure de se servir de Louis Bonaparte contre le général Cavaignac. Dans les rues, c'était toujours le même cri : Du pain ou du plomb ! Elle n'était que trop claire, hélas ! la pensée que ce cri exprimait. Et cependant, par un de ces malentendus épouvantables qui ajoutent à l'horreur de toutes les guerres civiles, il arriva qu'au sein des ténèbres sanglantes où Paris fut quelque temps plongé, beaucoup de républicains, et très-sincères, — j'en ai vus depuis verser des larmes, à ce souvenir de deuil ! — combattirent l'insurrection, au nom de la République, qu'ils crurent attaquée. Et, chose affreuse ! où la lutte fut sans pitié, ce fut surtout entre les gardes mobiles et les ouvriers des faubourgs. Ici les. enfants, là les pères ! Nul n'ignore aujourd'hui qu'au début de l'insurrection, la garde mobile était disposée à la soutenir. Mais ils entendirent tant répéter, ces malheureux, que les coups étaient dirigés contre la République ! Et, par malheur, les intrigues bonapartistes imprimèrent un moment à cette crainte une impulsion si fatale ! Le cœur se brise quand on songe au vertige dont tant d'hommes furent saisis, en ces noires journées. Oh ! comme mon père va être heureux ! s'écria le jeune Hyacinthe Martin, lorsque le général Cavaignac lui attacha à la boutonnière la croix de la Légion d'honneur. Il pensait à son père, cet enfant du Peuple, qui venait de s'armer contre le Peuple ! Je n'entrerai pas dans le détail des opérations militaires. Elles eurent pour résultat la prise du Panthéon le 24, la conservation de l'Hôtel-de-Ville le 25, et, le 26, à la suite d'un bombardement, la reddition du faubourg Saint-Antoine. Mais sur quel champ de bataille la victoire fut-elle jamais disputée avec une intrépidité semblable et achetée aussi cher ? Je prouverai dans le chapitre suivant que la balle qui frappa l'archevêque de Paris ne sortit point du fusil d'un insurgé, et que le meurtre du général Bréa fut commis par des bonapartistes. Quant aux généraux Damesme, Duvivier et Négrier, leur mort attesta du reste l'importance et l'acharnement de cette lutte. Il y eut telle barricade où quarante assaillants sur cent trente furent tués[39]. Le courage des combattants, égal de part et d'autre, entassait les funérailles. Voici, sur l'agonie de l'insurrection, quelques particularités qui ne sont pas connues et qui en dessinent vivement le caractère. Dans la soirée du dimanche 25, un régiment d'infanterie, commandé par le colonel Blanchart et soutenu par un nombre considérable de gardes nationaux de la 5e légion, ayant tenté d'enlever la position de la rue Grange-aux-Belles, et s'étant vu repoussé, un lieutenant, le citoyen Raucher, s'avance vers la barricade, suivi de quatre gardes nationaux qui portaient, en signe de paix, la crosse de leurs fusils en l'air. Quand il est à portée de se faire entendre, il demande à parlementer, et, comme on le couchait enjoué, le chef de la barricade se jette entre le lieutenant et les insurgés. Après un échange de quelques mots, ce même chef de barricade se décide à accompagner le lieutenant jusqu'au canal, où il fut reçu, ainsi que deux hommes qui s'étaient joints à lui, par le colonel Blanchart. Les soldats dont le colonel était entouré frémissaient de colère, et les députés de l'insurrection eussent été, peut-être, égorgés, sans les officiers de la garde nationale, dont l'intervention, en cette circonstance, fut aussi courageuse que loyale. Le commandant de la barricade exigeait des garanties pour les hommes qui avaient pris part au combat sur toute la rive gauche du canal : le colonel Blanchart refusa de donner ces garanties ; il fit déposer ses armes au chef insurgé, et l'envoya, sous bonne escorte, au général Lamoricière, lequel se trouvait alors au café Arnaud, près la rue du Temple, sur le boulevard. Le général n'avait pas donné l'ordre d'entamer des négociations, et, d'un autre côté, les insurgés n'entendaient pas solliciter, surtout après un succès, l'étrange faveur de se rendre à discrétion. Ce qui était vrai, cependant, c'est qu'une plus longue résistance était devenue impossible ; une foule de postes avaient été enlevés, et, dans ceux qui tenaient encore, on n'avait plus de cartouches. Il ne s'agissait donc que de succomber fièrement, et, sous l'influence de cette idée, le chef de barricade consentit à laisser croire qu'il venait demander des conditions de paix. Le général Lamoricière paraissait fort animé ; il reçut le chef de barricade, le chapeau sur la tête, et celui-ci, qui avait d'abord ôté sa casquette pour saluer, se couvrit aussitôt. Qu'êtes-vous venu faire près de moi ? demanda le général d'une voix fatiguée. L'insurgé répondit que le lieutenant Raucher était venu l'adjurer de faire cesser un combat que lui-même, du reste, considérait désormais comme inutile, et qu'en conséquence les insurgés désiraient savoir à quelles conditions le gouvernement accepterait la reddition du faubourg du Temple. Le général Lamoricière : Vous serez traités comme la garde nationale de la 12e, c'est-à-dire désarmés d'abord. On avisera ensuite. — Eh bien, puisqu'il en est ainsi, répliqua le chef insurgé, les citoyens que j'ai l'honneur de commander préfèrent chercher leur salut dans une résolution désespérée. Le général Lamoricière serra convulsivement la poignée de son sabre, sur lequel il était appuyé, et, d'une voix que faisait vibrer la colère : Dans ce cas, dit-il, nous vous enverrons des coups de fusil. Puis, se tournant vers les officiers de la garde nationale : La garde nationale a de la poudre et des balles pour faire accepter ce que je propose. Voici une proclamation du général en chef. Lisez et réfléchissez : vous avez jusqu'à demain à dix heures. — C'est inutile, repartit froidement l'insurgé. J'ai réfléchi, quant à moi, et je refuse. Nous aussi, nous avons des fusils, de la poudre, des balles. — Il ne voulait pas donner à son interlocuteur l'avantage et la joie d'un aveu d'infériorité matérielle. — Nous aussi, nous avons des balles, et ce qui s'est passé a pu vous apprendre que nous étions gens à nous protéger nous-mêmes. Comme il demandait s'il était libre de se retirer, le général le fit reconduire aux avant-postes, où il reprit ses armes pour aller rejoindre ses compagnons. Au sortir de son entrevue avec le général Lamoricière, interpellé violemment par un représentant du Peuple, il l'avait en ces termes réduit au silence : L'état de siège a annulé l'intervention officielle des membres de l'Assemblée, en plaçant l'autorité aux mains des soldats. Arrivé à la barricade de la rue Grange-aux-Belles, il rendit compte à ses' camarades, qui l'attendaient avec inquiétude, du résultat de sa démarche, leur lut la proclamation du général Cavaignac ; et l'impression qu'ils en reçurent lui prouva que, si les munitions n'eussent fait défaut aux insurgés, le champ de bataille n'eût pas été abandonné par eux. Mais comment la résistance se serait-elle prolongée, quand il ne lui restait plus, contre un formidable appareil de forces, que des amas de pierres et des fusils vides ? La nuit, néanmoins, s'écoula sans agression de la part des troupes : ce fut le lendemain 26 seulement que, vers huit ou neuf heures, le faubourg fut investi de toutes parts. Les insurgés battirent en retraite alors, dans un sombre désespoir, et ne cessèrent le feu qu'après avoir épuisé leurs cartouches jusqu'à la dernière. A cinq heures du soir, la Villette fut prise. Le Peuple n'avait plus de plomb et n'avait pas de pain ! |
[1] Histoire des Ateliers nationaux, par M. Emile Thomas, pp. 240, 241 et 242.
[2] Histoire des Ateliers nationaux, par M. Emile Thomas, p. 240.
[3] Ce chiffre, attesté par M. Barthélémy Saint-Hilaire, an nom de l'ex-Commission exécutive, dans la séance du 25 novembre 1848, ne fut point nié par le général Cavaignac. Voyez le Moniteur, novembre 1848, n° 331.
[4] Voyez le Moniteur, novembre 1848, n° 331.
[5] Voyez le discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire, séance du 25 novembre 1848.
[6] Voyez le discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire, séance du 25 novembre 1848.
[7] La manière dont il fit arrêter M. Emile Thomas n'a rien de comparable dans les annales du despotisme.
[8] Voyez le Moniteur, séance du 15 juin 1848.
[9] Séance du 15 juin 1848.
[10] Histoire des Ateliers nationaux, par M. Emile Thomas.
[11] La Vraie République, rédacteur en chef, M. Thoré.
[12] Voyez le discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire, séance du 25 novembre 1848, Moniteur, n° 331.
[13] Lettre de M. Marie, lue par le général Cavaignac, dans la séance du 25 novembre 1848. Voyez le Moniteur, n° 331.
[14] C'est ce que le général prouva, pièces en main, dans la séance sus-mentionnée. Moniteur, n° 331.
[15] Lettre de M. Barthélémy Saint-Hilaire, lue par le général Cavaignac, dans la séance du 25 novembre 1848. Moniteur, n° 331.
[16] Voyez sa réponse à M. Barthélémy Saint-Hilaire, dans la séance du 25 novembre 1848. Moniteur, n° 331.
[17] A ces particularités si caractéristiques, que M. Barthélémy Saint-Hilaire affirma dans son discours du 25 novembre 1848, le général Cavaignac, dans sa réponse, n'oppose aucune dénégation. Voyez la Moniteur, n° 331.
[18] Voyez le chapitre intitulé Ostracisme.
[19] Je tiens ce fait de M. Dupont, à la candidature de qui celle de Louis Bonaparte était opposée.
[20] Il est passé, depuis, au service de Louis Bonaparte, comme on pouvait s'y attendre.
[21] Je tiens ces importants détails de M. Nadaud lui-même, un des hommes les plus droits et un dès plus nobles caractères que j'aie rencontrés dans ma vie.
Il est dit, dans la notice que la récente Biographie des Contemporains consacre à M. Nadaud, qu'il est rentré en France, et s'est rallié, dans. les derniers temps, à la doctrine de M. Proudhon. Il y a là deux erreurs. M. Nadaud n'a pas cessé d'être réfugié en Angleterre, et ses idées n'ont absolument rien de commun avec celles qui appartiennent en propre à M. Proudhon.
[22] On trouvera la confirmation de ceci dans une lettre de M. Savelli au président de la Commission d'enquête, Voyez le Moniteur, compte rendu de la séance du 25 août 1848.
[23] La somme proposée était de trois millions, à répartir entre cent sept mille hommes. Voyez le Moniteur, juin 1848, n° 176.
[24] Discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire, dans la séance du 25 novembre 1848. Moniteur, n° 331. Sur ce fait particulier, la réponse du général Cavaignac est muette. Ibid.
[25] Voyez le discours de M. Ledru-Rollin dans la séance du 25 novembre 1848. Moniteur, n° 331.
[26] Je n'emprunte du discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire qua les faits auxquels le général Cavaignac n'a pas répondu.
[27] Discours de M. Barthélemy Saint-Hilaire, etc. Moniteur, 25 novembre 1848, n° 331.
[28] Discours de M. Barthélemy Saint-Hilaire, etc. Moniteur, 25 novembre 1848, n° 331.
[29] Ces faits, en tant que faits, sont certains. Ils n'ont pas été niés. Voyez la séance du 25 novembre 1848. Moniteur, n° 331.
[30] Voyez la réponse du général Cavaignac à M. Barthélémy Saint-Hilaire. Ibid.
[31] Voyez le discours du général Cavaignac, dans le Moniteur, compte rendu de la séance du 25 novembre 1848.
[32] Voyez le Moniteur, juin 1848, n° 176.
[33] Voyez le Moniteur, juin 1848, n° 176.
[34] Compte rendu de la séance du 23 juin 1843.
[35] Discours de M. Barthélémy Saint-Hilaire, séance du 25 novembre 1848. Dans sa réponse, le général Cavaignac ne nie pas au fond l'exactitude de ce récit. Seulement, il se défend d'avoir employé des termes offensants pour la garde nationale. Voyez le Moniteur, novembre 1818, n° 331.
[36] Voyez le discours du général Cavaignac dans la séance du 25 novembre 1848.
[37] Je tiens le fait de M. Dupont lui-même.
[38] Ceci affirmé, dans la séance du 25 novembre 1848, par M. Barthélémy Saint-Hilaire, et non nié par le général Cavaignac dans sa réponse. Voyez le Moniteur, novembre 1848, n° 331.
Je me suis étudié, je le répète, à n'enregistrer ici, de tous les faits articulés dans la séance du 25 novembre, en présence du général Cavaignac lui-même, que ceux que sa réponse laissa debout.
[39] A la place Maubert, par exemple. Voyez le Moniteur, compte rendu de la séance du 24 juin 1848.