L'état des lieux convient de tous points : plage de sables, Poseidion, ville haute. La situation convient aussi. La distance entre le pied du Kaiapha et le cap Pheia est d'environ 30 kilomètres, soit trois ou quatre heures de mer. La navigation de Télémaque au retour implique cette distance. Même parti de Pylos assez tard dans le jour, Télémaque, avec le bon vent d'Athèna, peut doubler le cap Pheia à la nuit close. Au cours de cette navigation, — je garde le vers rejeté sans aucune raison par les philologues, — le vaisseau, qui longe la côte éléenne et les bouches de l'Alphée, peut saluer au passage la fontaine Krounoi et le fleuve Chalkis. Tous les textes de l'Odyssée trouvent donc ici leur concordance. Mais l'Iliade nous fournit encore d'autres points de repère. Nestor, dans l'Iliade, conte avec force détails topographiques ses guerres contre les Éléens et contre les Arcadiens. Tâchons sur notre terrain de suivre la marche des armées. Voici d'abord la guerre contre les Éléens. Ils assiègent
une ville pylienne, Pausanias et Strabon en cherchaient déjà inutilement le
site : Personne, parmi les Messéniens ni les Éléens,
n'a pu m'indiquer les ruines de cette ville, et les indigènes ont entre eux
de grosses controverses qui paraissent insolubles. Peut-être le Samikon
était-il l'Arénè au temps des héros. Car, au dire des Arcadiens, le Minyeios
est le même fleuve qui reçut ensuite le nom d'Anigros : il coule non loin du
Samikon[2].
Pausanias plaçait donc Arénè au Samikon, comme Strabon plaçait Pylos trente
stades (cinq kilomètres) au Sud.
C'était toujours simple hypothèse de leur part : ils disent très franchement
qu'ils n'ont recueilli aucun témoignage décisif. Je ne crois pas que ces
localisations puissent convenir au texte de l'Iliade. Calculez en effet les
étapes en plaçant Pylos au voisinage de Lépréon et Arénè au Samikon. Les
cavaliers, partis de Pylos pendant la nuit, se seraient arrêtés au Samikon, à
5 kilomètres de Pylos, pour attendre les gens de pied. Puis, tous ensemble,
chargés de leurs armes et de leurs lourdes cuirasses, dans les sables, à
travers les pins et les torrents côtiers, ils seraient allés d'une seule
traite, sans autre étape, jusqu'à la rive de l'Alphée, à 20 ou 25 kilomètres
de là. Cette marche de 30 kilomètres, accomplie en quelques heures de nuit et
de jour par des hoplites harnachés et chargés de bronze, n'est pas
vraisemblable. La traite a dû être plus courte et mieux coupée.... Replaçons, suivant notre hypothèse, Pylos au Samikon et
cherchons le Minyeios dans quelqu'une des rivières qui plus au Nord
descendent de la montagne Makistia vers les Pêcheries. En partant du Samikon,
on franchit d'abord la rivière de Tavla et sa fontaine voisine de la rive :
nous y avons reconnu le fleuve Chalkis et la source Krounoi. Un peu plus au
Nord, le Village du Vent, Anémochori,
se dresse sur une éminence dont une autre petite rivière contourne la base.
Un vieux khani, encore noté sur nos
cartes, marque en ce carrefour de routes un lieu habituel de repos : c'est
ici que, de la route côtière, se détache un embranchement qui franchit les
collines et passe dans la vallée d'Olympie. Pour la garde et l'exploitation
de cette double route, il dut toujours exister ici un bourg et une acropole.
Cette rivière doit être le Minyeios homérique ; Anémochori doit occuper le
site d'Arénè Avec ce site pour Arénè, reprenons le récit de Nestor. Sortis de Pylos durant la nuit, les cavaliers partent du Samikon. Ils franchissent d'une traite les 8 ou 9 kilomètres qui séparent le Kaiapha d'Anémochori. Les hoplites chargés suivent comme ils peuvent, un peu à la débandade : on est encore loin de l'ennemi. Mais à partir du Minyeios, il faut être sur ses gardes. Les cavaliers attendent les gens de pied et l'on repart en ordre, en colonne. On marche vers le gué de l'Alphée. On suit peut-être le bord de la mer : on aurait alors 10 ou 12 kilomètres à faire. avec précaution, en pays suspect. Peut-être quitte-t-on le chemin côtier pour l'embranchement d'Olympie ; à travers les collines et le pays de Skyllonte, on gagnerait l'Alphée en amont.... Par la côte ou par l'intérieur, on arrive à l'Alphée. Les troupes ont besoin de repos après cette marche dans les sables. On les laisse souffler et dormir : le lendemain seulement, on attaque.... Si Pylos est au Samikon, cette expédition contre les Eléens se comprend sans peine. Voici maintenant la guerre des Arcadiens : Les Pyliens et les Arcadiens luttaient sur le kéladon
rapide, près des remparts de Pheia, autour des courants du Iardanos[4]. Les Arcadiens
habitent à l'Est et au Sud-Est de C'est auprès de l'Anigros que les guides anciens montraient la prairie et le tombeau de Iardanos. L'Anigros, ajoute Pausanias, prend sa source en territoire arcadien, au mont Lapithos. Pausanias fait une petite erreur. Dans le réseau de fleuves côtiers, de ruisseaux et de rivières, qui tout le long de ce pays incliné dévalent à la mer ou à la lagune, il a embrouillé quelques fils. Le Mavropotamo. l'Anigros, n'a que quelques cents mètres de long et prend sa source dans le mont Kaiapha, en territoire triphylien. Mais, tout près, coule une autre rivière beaucoup plus longue, qui descend en effet par une gorge étroite des derniers monts arcadiens. Elle prend sa source dans le territoire d'Aliphèra, la dernière ville arcadienne. Elle se jette à la mer près du Khani de Saint-Isidore. Nous ignorons le nom antique de cette rivière. On serait tenté, par le voisinage du Iardanos, de lui appliquer le nom de l'autre fleuve homérique, Kéladon. Sa vallée trace une roule commode pour une invasion arcadienne vers Pylos. Les Arcadiens descendraient le Kéladon rapide, c'est-à-dire le fleuve de Saint-Isidore. Les Pyliens les mettraient en déroute auprès du Iardanos, c'est-à-dire au pied du Kaiapha. Nous retrouverions ainsi la plupart des lieux mentionnés par l'Iliade. Resterait seulement à découvrir la ville de Pheia, dont parle Nestor. Dès l'antiquité, on relevait en ce nom une faute de texte.
Le cap Pheia que nous connaissons ne saurait être mis en cause : c'est un
cap, non une ville, et les Arcadiens, pas plus que le royaume de Nestor, ne
sont jamais allés jusque-là. La faute de texte parait certaine : aucune ville
du Péloponnèse ni de Non loin des sources du fleuve de Saint-Isidore, gardant
le passage entre l'Alphée et Pylos, une ville arcadienne portait le nom de
Ali-phèra, Άλιφήρα.
Elle était bâtie dans une très forte position. A 822 mètres d'altitude, elle
occupait le sommet d'une grosse et raide butte absolument isolée[7]. Tout autour, les
affluents de l'Alphée creusent de larges et profonds ravins. C'est pour les
gens de l'intérieur la clef du passage vers Si l'on examine les vieilles légendes, il semble bien
qu'Aliphèra soit Dioclès règne donc à Aliphèra dans le bassin inférieur de
l'Alphée. Nous comprenons alors certains oublis apparents de la géographie
homérique. D'après le Catalogue des Vaisseaux. l'Arcadie homérique est déjà
une Arcadie grecque. Le royaume fédéral d'Agapénor n'a plus sa capitale à
Lykosoura, comme la vieille Arcadie des Pélasges, mais à Tégée, comme la
récente Arcadie des Hellènes. Les grandes villes ou les grands dèmes
arcadiens sont déjà dans le voisinage des ports helléniques, sur la façade
qui borde l'Archipel, à Phénée. Orchomène, Stymphale et Mantinée. L'Iliade
connaît en outre les Arcadiens qui habitent dispersés autour du Kyllène, dans
l'Arcadie du Nord-est, et ceux qui occupent Le royaume de Dioclès tient ainsi les confins de l'Arcadie et de Pylos : sur son territoire devront se rencontrer les caravanes et les armées des deux voisins. Or, dans cette région d'Aliphèra, Pausanias tonnait un sons-affluent de l'Alphée, nommé Kélados. Cette rivière descend des monts qui bordent vers le Sud le bassin du fleuve. Cet affluent de la rive gauche est l'un des nombreux torrents qui barrent aujourd'hui la route entre Karytaina et Andritzéna, la route ancienne des Arcadiens descendant vers Pylos.— Je crois que nous allons comprendre sans aucune hypothèse tout notre texte de l'Iliade. Il n'est plus besoin des corrections proposées par Strabon. Il n'est plus besoin même de supposer, comme nous l'avions fait, l'existence d'un Kéladon voisin du Iardanos. Nous avons ici le Kéladon homérique. En changeant une seule lettre comme le proposait Didymos, en lisant Phèra au lieu de Pheia, nous avons un texte parfaitement intelligible : Sur le Kéladon rapide, combattaient les Pyliens et les Arcadiens belliqueux, près des murs de Phèra, non loin des courants du Iardanos. Sur le terrain, nous reconstituons les phases de la lutte. Quand les Pyliens sont en force, ils chassent les Arcadiens jusqu'aux frontières arcadiennes et même au delà, jusqu'au bord du Kélados-Kéladon. Quand les Arcadiens ont le dessus, les Pyliens reculent sous Pylos, jusqu'aux prairies du Iardanos et jusqu'aux sources Anigrides. Les murs de Phèra-Aliphèra sont comme le point mort de cette bascule. Phèra est le bazar et la forteresse-frontière, la première étape pour les peuples de la mer, la dernière étape pour les gens de l'intérieur, comme nous le constatons par le voyage même de Télémaque. Nous avons maintenant notre route de D'Aliphèra à Sparte, l'étape est fort longue, 90 ou 100 kilomètres. Mais pour deux chevaux légèrement chargés, elle n'est pas impossible à franchir en une longue journée coupée d'un arrêt. Télémaque et Pisistrate partent de Phères dès l'aurore. Ils n'arrivent à Sparte qu'à la nuit close. Ils font la route, dit le poète, grâce à la vélocité de leurs chevaux[12]. Il ne faut pas oublier — Helbig dans son Épopée homérique a raison d'insister là-dessus — que ces chars sont extrêmement légers. Ils volent à travers les champs de bataille, sans être arrêtés par les morts ni par les débris d'armes qui jonchent le sol. Ils sautent par-dessus les fossés : Eumélos tire son char lui-même. Diomède se demande s'il ne chargera pas sur ses épaules le char de Rhésos[13]. Un pareil véhicule, attelé de deux trotteurs. peut voler en un jour d'Aliphèra à Sparte cinq ou six heures de route le matin, quatre heures de repos durant la grosse chaleur du jour, cinq ou six heures de route le soir, et les quatre-vingt-dix ou cent kilomètres sont franchis. La route est assez commode. Le couloir de l'Alphée monte à la plaine parrhasienne, d'où le couloir de l'Eurotas redescend vers Sparte. D'Aliphèra jusqu'à la plaine parrhasienne, la montée n'est ni longue ni difficile. La traversée de la plaine, puis la descente vers Sparte sont moins dures encore. Quelque jour, un chemin de fer reliera par ici les golfes
d'Élide et de Laconie. De tout temps une route fréquentée des étrangers a
suivi ce couloir. Turcs. Vénitiens ou Francs, les armées et caravanes
étrangères montaient et descendaient d'un golfe à l'autre, et la forteresse
de Karytaina surveillait le passage du seul défilé dangereux : Karytaina,
perchée tout en haut d'une roche, dresse ses créneaux sur la rive droite de
l'Alphée ; mais aujourd'hui .Karytaina est en ruines. Pour Avec leurs grasses terres d'alluvions, leurs eaux, leurs
lacs, leurs champs facilement irrigables, leurs routes faciles vers les
golfes vraiment grecs de l'Archipel, chacune de ces plaines pouvait en effet
nourrir une ou deux villes. La plus grande eut les deux capitales rivales de
l'Arcadie grecque, Tégée et Mantinée, et la capitale du Péloponnèse turc,
Tripolitza. C'est en vain qu'Épaminondas essaya de ramener aux cantons de
l'Alphée Si donc Lykosoura devint puissante et célèbre, c'est que
vers cette mer de l'Occident descendait le trafic contemporain. Aux temps
primitifs, les caravanes passent ici. Entre la mer du Sud et la mer de
l'Ouest, Lykosoura est l'étape médiane. Les coursiers de Télémaque ne s'y
arrêtent pas. Mais les sommiers des marchands ne volaient
pas d'un tel bond. Ils coupaient en deux journées les cent kilomètres qui
séparent Aliphèra de Sparte. Le premier soir, ils montaient dans la ville
haute de Lykosoura pour y passer la nuit, comme Télémaque est monté dans la
haute ville de Phères. On s'étonnera que Dans les périples éginétiques, où Kyllénè était décrite comme le débarcadère et le grand port, Phigalie dut être mentionnée comme le bazar et la grande ville de l'intérieur : auprès de Katakolo, qui est actuellement l'échelle de ces parages. nous verrons nos Instructions nautiques signaler de même la ville et le marché de Pyrgos. Dans les périples que put lire notre poète odysséen ou dans les récits qu'il put entendre, Pylos est l'échelle et c'est Phères-Aliphèra qui est le bazar. Les convois maritimes remontent jusqu'à Phères, mais pas plus haut : jusqu'à Phères, les caravanes de la montagne descendent à leur rencontre. Les marins peuvent savoir que ces caravanes arrivent de loin, qu'elles viennent de Sparte en une journée environ. Mais ils ne connaissent ni les relais ni les détails de la route.... Le batelier de Smyrne ou de Beyrouth sait aujourd'hui que Marseille est l'échelle de Paris ; mais il ignore que Lyon et Dijon sont les grandes étapes intermédiaires. Étudiez maintenant ce bazar d'Aliphèra et voyez si l'existence même de ce bazar n'implique pas le débarcadère des étrangers au point où nous l'avons mis, à l'échelle du Samikon. C'est comme une vérification de tout notre calcul topologique que je vous propose. Bien qu'un peu longue, cette vérification vaut la peine d'être faite. Aliphèra est donc le bazar. L'Arcadie occidentale eut de tout temps un bazar de cette sorte, à une étape. courte ou longue, de l'échelle. Mais ce bazar ne resta pas toujours dans la même ville. Depuis l'antiquité préhellénique jusqu'à nos jours. il se transporta dans quatre ou cinq places, à Pyrgos aujourd'hui, à Andritzéna sous les Turcs, à Phigalie aux temps helléniques, à Aliphèra aux temps odysséens. Ces changements du bazar coïncidaient, comme on peut le prévoir. avec les changements de l'échelle. Cette échelle elle-même se déplaçait au gré des différentes marines, mais non pas suivant leur caprice : des nécessités inéluctables déterminaient les changements. Pareil aux autres fleuves méditerranéens, l'Alphée ne saurait avoir son port à ses bouches. Nous savons que, Barcelone près de l'Èbre, Marseille près du Rhône, Livourne près du Pô, Smyrne près de l'Hermos, Milet près du Méandre, tous les ports méditerranéens s'installent à l'écart des 'deltas, sur la première pointe rocheuse ou sur la plus commode. Aujourd'hui l'Alphée a son grand port à Katakolo, sur le promontoire rocheux ou, plus exactement, sur l'ancienne île de roche noyée dans l'alluvion, qui porte le cap Pheia : Pyrgos dans la plaine voisine est devenu le grand bazar. Mais, jusqu'au milieu du XIXe siècle, c'est Pyrgos même qui, en réalité, était l'échelle ; la plage toute proche fournissait un mouillage suffisant pour les caïques. Ce mouillage attirait vers Pyrgos les caravanes de l'intérieur. Deux routes montaient alors de Pyrgos vers l'Arcadie. L'une suivait la rive droite de l'Alphée dans le fond de la vallée, jusqu'au saut de Karytaina. C'était la moins importante, étant la moins sûre et la moins bordée de villages. En cet état de civilisation, — tyrannie des Turcs, pillages des Klephtes, avanies des Albanais. — les plaines étaient abandonnées pour les hauteurs : les lieux habités étaient, tous, au sommet ou à la pente des montagnes. Aujourd'hui les villages redescendent lentement vers le fleuve. Quelque jour, une voie ferrée entre Pyrgos et Sparte rétablira la voie antique, à travers les vieilles villes de la vallée, Olympie et Héraia[17]. Mais, au siècle dernier, c'était l'autre route que suivait le commerce. Partie de Pyrgos, cette autre route allait droit au gué de l'Alphée : sous la ville des Joncs, elle franchissait le fleuve. Puis, gravissant les collines de la rive gauche, elle s'accrochait aux flancs des montagnes qui bordent le bassin. Elle se tenait sur le versant des monts, à mi-pente. Elle reliait et relie encore un grand nombre de villages perchés. Elle menait au grand bazar de l'intérieur, qui était alors Andritzéna. Ce bazar s'était ouvert à une journée environ de l'échelle et à l'intersection de deux routes venues de la mer. A cet endroit, en effet, la route venue de Pyrgos rencontre le chemin qui vient de l'autre port de l'Alphée, Kyparissia. Car, à l'extrémité méridionale du golfe, tout au bout de
la courbe des dunes, Kyparissia sur les roches occupe pour l'Alphée la
position symétrique à Katakolo. Elle aussi est un port de l'Alphée. Elle est
un peu plus éloignée des bouches du fleuve ; à certaines époques, cependant,
les marins pourront la préférer. Car elle s'offre d'abord aux navires qui
viennent du Sud ou de l'Est, comme Katakolo s'offre aux navires qui viennent
du Nord et de l'Ouest. De Kyparissia, le chemin vers les vallées arcadiennes
est aussi commode : le couloir de Sur les bords actuels du golfe, avec les sables et les lagunes qui encombrent la rive, et dans l'état actuel des marines, avec nos énormes vaisseaux qui demandent des eaux profondes et des rivages accores, nous n'imaginons pas que l'Alphée puisse avoir d'autre échelle. Mais sur nos cartes rétablissons le rivage d'autrefois. Supprimons les Pêcheries d'Agoulinitza. Le Samikon redevient un libre promontoire couvrant un mouillage abrité : les roches de Katakolo et les roches de Kyparissia n'offriront pas un meilleur refuge.... Remettons dans ces eaux la marine homérique avec ses bateaux peu profonds et légers, que l'on échoue au port de débarquement et que l'on hale sur la plage : les sables du Samikon deviennent le meilleur débarcadère du golfe.... Rétablissons enfin, à travers les collines de l'intérieur, la route des caravanes vers Aliphèra : Pylos devient le port le plus voisin de l'Alphée. Pylos est alors pour l'Alphée exactement ce que Gênes est pour le Pô, — toutes proportions gardées. Séparée du bassin fluvial par les montagnes, Pylos en est pourtant le véritable débouché sur la mer, parce que les défilés du Kaiapha détournent vers elle, comme les défilés des Apennins détournent vers Gênes, une route plus courte que la descente du fleuve lui-même. Par la trouée du fleuve de Saint-Isidore et par la plaine du Iardanos[18], cette route directe mène de l'Alphée moyen à la côte, en passant par Aliphèra et en aboutissant à notre Pylos. Quand donc Pylos. grâce à cette route, devient l'échelle, Aliphèra devient le bazar ; au pied de Phères, se rencontrent les caravanes de l'intérieur et les caravanes de la tuer. Voilà, je crois, tout notre calcul topologique vérifié : l'échelle à Pylos entraîne le bazar à Phères, et réciproquement. Fréquentant l'échelle de Pylos, les marins primitifs connaîtront le bazar de Phères. Voyez comment nos Instructions nautiques décrivent auprès de leur échelle de Katakolo le bazar de Pyrgos : Katakolo est fréquenté par les paquebots et, pendant la saison des fruits, de grands vapeurs viennent charger des raisins de Corinthe et du vin provenant des plaines de Pyrgos. L'eau y est rare ; il n'existe qu'un puits dans le fond de la baie. La ville de Pyrgos, avec 5000 habitants, est bâtie sur une colline à sept milles de Katakolo. Elle possède un télégraphe. Les plaines environnantes sont bien cultivées. Mais près de la cote les miasmes des lacs rendent l'air insalubre[19]. Parmi les détails importants, nos Instructions notent
qu'il y a un télégraphe à Pyrgos. C'est un instrument commode pour la
rapidité des échanges. Mais c'est, mieux encore, un véritable garant de la
sécurité et de la légalité, la voix du droit et de la justice. Nos marins et
nos trafiquants introduisent partout ce grand régulateur, qui rend moins
fréquentes les rapines populaires ou les exactions de l'autorité. Ce n'est
pas que les indigènes accueillent mal les peuples de la mer : Pompos jadis
donnait à son fils le nom d'Éginétès en l'honneur des marins d'Égine ;
aujourd'hui les gens de Pyrgos donneront à leurs rues les noms de Gladstone
ou de Gambetta. Mais ce bon vouloir peut être intermittent. et les peuples de
la mer ont toujours dû veiller à ses caprices. Faute de télégraphe, les
marins d'autrefois, pour se protéger, apportaient leurs dieux et
s'efforçaient d'en inculquer le respect aux barbares de leur clientèle. Le
culte commun était le seul garant de la paix et des contrats. Qui dit alors
bazar commun, dit aussi cultes communs : le commerce régulier ne peut se
faire qu'à l'abri de la religion ; les échanges de marchandises supposent
forcément un échange de dieux. C'est ce que les mythologues semblent parfois
oublier pour cette période des origines grecques. Et pourtant le spectacle
des derniers siècles devrait leur fournir matière à réflexion. Jusqu'au jour
où le télégraphe installa les principes du droit international dans le inonde
levantin, — et ce jour est tout récent et les principes s'installent à peine,
— ce fut toujours sous le seul abri d'une communauté de cultes et de serments
religieux que le commerce put s'établir. Une influence commerciale se
traduisit toujours par une influence religieuse : l'Anglais apporta sa Bible
; le Franc amena son jésuite ou son capucin ; l'Arabe apporta son Coran et
son tapis de prières. A Memphis, dans le Camp des Tyriens, Hérodote a vu le temple
de l'Aphrodite Étrangère[20]. Au temps des
Croisades, les Vénitiens se réservent, dans chacune des villes prises,
l'emplacement d'une église et d'un marché : partout ils installent le culte
de saint Marc[21].
Il n'en fut pas autrement au bazar primitif d'Aliphèra : certains cultes de
cette ville sont des importations de l'étranger. Dans
la fête d'Athèna, dit Pausanias, on sacrifie
d'abord au héros Myiagros, qui délivre des mouches. Ce héros Myiagros,
que les Aliphériens honorent auprès de leur grande déesse Athéna et de leur
dieu guérisseur Asklépios, semble de même origine que le Zeus Apomyios,
chasseur de mouches, dont Héraklès avait introduit le culte à Olympie, à
quelques lieues plus bas dans la même vallée de l'Alphée. Ce dieu éléen, que
d'autres appellent Myiodès et Myiagros, est aussi un dieu de la santé, car,
chassant les mouches. il supprime la peste, muscarum
multitudine pestilentiam afferente. Or c'est aussi un dieu de la
santé, ce dieu de Site et situation, plage et routes, le Samikon réunit donc
toutes les conditions pour être L'histoire traditionnelle de Pylos mérite surtout qu'on
s'y arrête. Pylos n'est pas une ville indigène. Ce sont des peuples de la mer
qui l'ont fondée. On sait que Nestor et son père Nélée sont venus de
Thessalie. Ils sont de la race de Poséidon, de Tyro et de Salmoneus. Leur
famille régnait à Iolkos, sur le golfe Pagasétique, où s'était rassemblée
jadis la flotte des Argonautes. Or la ville du Samikon est bien le type des
établissements étrangers sur une côte méditerranéenne, un Gibraltar primitif
ou, comme disait Thucydide, l'un de ces promontoires surplombant la mer, que
les Phéniciens tout autour de Le nom de Pylos est indigène : c'est un nom grec. Une
particularité, qui toujours a été notée par les indigènes, lui donna
naissance. Nous savons qu'une véritable porte est aux pieds île la
forteresse. Un défilé côtier étrangle en ce point la route terrestre qui
longe la mer et qui unit l'Élide et Mais, si le nom de Pylos est indigène, il se peut que le
nom de Samikon soit venu de l'étranger. Same,
Σάμος, Σάμη, Σαμικόν,
dit Strabon, signifie sans doute la hauteur, car les anciens appelaient Sames, σάμους,
les lieux élevés. La racine שפס
s. m. m., ou שפה s.
m'., existe dans toutes les langues sémitiques : en arabe surtout
elle a donné de nombreux dérivés, sammoun,
samimoun, asammoun,
qui tous signifient élévation, hauteur, haut,
élevé ; sammaou
désigne la crête la plus élevée d'une montagne. Il semble donc que ce texte
de Strabon nous ait conservé le doublet gréco-sémitique sam- ΰψηλος,
et que Samos soit un nom d'origine sémitique, apporté là par les peuples de
la mer. Or, si la topologie nous amène à penser que Samikon et Pylos sont une
seule et même chose, il est facile toponymiquement aussi d'expliquer cette
identité. Les deux vocables ne sont pas synonymes parce qu'ils ne furent pas
inventés par les mêmes gens pour décrire la même vue de pays. Dans ce site,
les peuples de la mer voient d'abord le haut cap, dominant le golfe et la
plage basse, et ils disent Samos, la hauteur. Les indigènes ne distinguent
pas cette colline dans le troupeau des hauteurs voisines : elle est
indiscernable à leurs yeux de montagnards, parce qu'ils la dominent du haut
des monts voisins. Mais les indigènes redoutent un peu le passage étranglé du
bas, où quelque précaution n'est jamais inutile : cette Porte est soigneusement notée dans leur
géographie ; Le premier fondateur de cette Porte, le père du Portier, Πύλος, Πύλας ou Πυλών, était l'Homme à Samos se présente à nous comme un nom sémitique. On a voulu trouver une pareille origine au nom de l'autre roche qui borne vers le Nord le golfe de l'Alphée : Pheia, φέα, φεΐα, φειά ou φειαί, serait la transcription grecque du sémitique פה phea, l'extrémité, la pointe[31]. La transcription en φεΐα ou φέα serait régulière. Le nom conviendrait bien à cette île étroite, rocheuse et aiguë, que les alluvions n'ont soudée à la plaine que par son extrémité Nord et qui pointe, longue et droite, vers la haute mer. Mais aucun doublet ne vient nous certifier la valeur de cette étymologie. Si, par contre, on réunit en système les noms des fleuves
débouchant sur cette côte, Alphée, Iardanos, Néda, il est assez remarquable
qu'ils n'aient tous aucune étymologie grecque. On a, depuis Olshausen,
rapproché le Iardanos pylien (comme aussi les Iardanoi de Crète, de Lydie et d'Élide)
du fleuve de l'Écriture, ירדן,
Iardan ou Iordan.
Ce nom hébraïque parait signifier le Fleuve de ληΐδα δ᾽ ἐκ πεδίου συνελάσσαμεν
ἤλιθα πολλὴν πεντήκοντα βοῶν ἀγέλας, τόσα πώεα οἰῶν, τόσσα συῶν συβόσια, τόσ᾽ αἰπόλια
πλατέ᾽ αἰγῶν, ἵππους δὲ ξανθὰς ἑκατὸν καὶ πεντήκοντα[32]. En faveur de l'étymologie sémitique Alpheios = Fleuve des Bœufs, on trouverait quelques indices. L'Alphée. disait-on, reçoit sept affluents. Pausanias, qui adopte ce chiffre traditionnel, énumère en effet sept rivières, le Brenthéatès, le Gortynios, le Bouphagos, le Ladon, l'Élisson, le Kladéos, l'Érymanthe.. Il oublie seulement qu'il en a cité lui-même beaucoup d'autres (le Mylaon, par exemple), et l'on voit bien qu'il est un peu embarrassé pour mettre d'accord ce qu'il connaît avec la tradition des sept affluents[33]. Or nous retrouverons par la suite bien des exemples de ce chiffre sept appliqué par les Grecs à des phénomènes qui ne le comportent pas : souvent ce chiffre sept parait subsister comme la marque d'une période ancienne où sept était le nombre rituel.... Pour l'Alphée, les légendes d'Héraklès[34] peuvent s'invoquer aussi, et la situation du sanctuaire d'Olympie. Sur le fleuve, à une courte étape de la mer, près du
dernier point où remontent les barques, les hellènes eurent leur grand
sanctuaire d'Olympie. Pourquoi les grands sanctuaires de C'est près de l'Alphée que les Hellènes ont le Marché des Bœufs, Βουπράσιον, connu déjà des poètes homériques, et l'Avale-Bœuf, Βουφάγος. Bouprasion, bourg éléen cité par l'Iliade, avait disparu au temps de Strabon[36]. La contrée entre Élis et Dymé conservait ce vieux nom. Sur cette côte occidentale du Péloponnèse, il y a toujours eu dans l'intérieur, mais non loin de la mer, un marché de bestiaux où les îles voisines viennent s'approvisionner de gros bétail. Car les îles rocheuses ne nourrissent que des chèvres, des moutons et des porcs : Aucune des îles n'est bonne aux chevaux et n'a de belles prairies. Ithaque est sans larges espaces, sans pâturages[37]. Ulysse n'a que des chevriers et des porchers pour garder ses troupeaux.... Aux temps homériques. le marché du gros bétail est donc à Bouprasion. Au temps de Strabon, ce marché est dans l'Amphidolide[38]. Au temps des Turcs et de nos jours, c'est Gastouni, non loin du Pénée et de la côte, qui longtemps est resté le grand, le seul marché à bœufs de tout le Péloponnèse[39]. On peut donc admettre que l'Alpheios fut pour les premiers navigateurs le Fleuve des Bœufs. Mais, ici encore, il nous manque la preuve décisive de cette étymologie, je veux dire un doublet gréco-sémitique. Pour Cette Rivière de l'Impureté coule au pied de Phigalie. Les
Sémites ont la racine phagal pour
désigner les choses impures : de cette racine פכל, ph. g.
l., on tirerait régulièrement un substantif פכךה, phigalea, dont Phigalia,
Φιγαλία,
serait la transcription grecque adéquate. Toute cette onomastique nous serait
sans doute expliquée par la présence des eaux chaudes et des bains, auprès
desquels passe le Lumax. Comme les bains des Nymphes Anigrides, au pied du
Kaiapha, et des Nymphes Ionides, au pied du Pholoé, où venaient en foule les
lépreux, galeux, cancéreux et miséreux de toute peau, les bains de Phigalie
devaient être fréquentés par une clientèle qui valut à la capitale des
Kaukones voisins le nom de Ville des Lépreux,
Lépréon[42].
La lèpre était pour les Sémites une impureté dont les lois religieuses
connaissent. Le Lévitique a de longs chapitres sur la purification des
lépreux. Les marins étrangers avaient-ils introduit dans notre région
pylienne les rites purificateurs de la lèpre et des autres ulcères ? Les
Phéniciens fréquentent la côte de Pylos et de l'Élide ; ils font le métier de
passeurs entre La vallée de En haut de Pour revenir à Pylos, il est possible que la généalogie
légendaire de Nestor nous fournisse un dernier indice. Nestor descendait de
Tyro, fille de Salmoneus, que Poséidon avait aimée sous les traits du beau fleuve
Énipeus. On ne sait au juste où cette amoureuse violence avait pris place.
Strabon retrouvait en Élide le fleuve Énipeus et la source Salmoneus.
D'autres les mettaient en Thessalie. Le nom de Tyro offre une parfaite
ressemblance avec celui de Tyros que
les Grecs donnent à la ville phénicienne de Sour : nous verrons par la suite
la légitimité de cette transcription grecque Tyros
pour le mot sémitique עיך,
Sour ou Tour,
En résumé, la topologie et la toponymie de Pylos prouvent, je crois, la vérité historique des traditions anciennes, qui montrent ce pays disputé entre les tribus montagnardes et les peuples maritimes. Il suffirait, au reste, d'en étudier l'histoire récente et l'état actuel. Aujourd'hui, débarrassée des peuples de la nier et des conquérants étrangers, Francs, Vénitiens, Turcs et Albanais, cette côte se peuple de communautés arcadiennes[58]. Dans la plaine maritime du Pénée et de l'Alphée, non loin des échelles de Glarentza et de Katakolo, les Arcadiens de Magouliana et de Phénée ont fondé leurs villages de Phonanika et Magonlianitika, dont l'onomastique même montre assez l'origine[59]. Mais la vieille onomastique des étrangers et des peuples de la mer subsiste toujours, avec ses vocables francs, italiens et turcs, Santameri, Portais, Castel Tornèse, Roches Montague, Dervich-tchelebi, Veseri, Duka, Ali-Pacha, Soliman-Aga, etc. Aux temps homériques ou posthomériques, le processus fut tout pareil. Des peuples de la mer, Phéniciens, Achéens et Kaukones, avaient occupé ou exploité ce golfe. Les montagnards d'Arcadie, d'Élide ou d'ailleurs les en chassèrent. Une nouvelle onomastique grecque s'installa. Mais les vieilles onomastiques étrangères subsistaient, qui se transmirent plus ou moins fidèlement. Nous en avons cru retrouver quelques traces. Nous attribuons les noms de Pylos, Ptéléon, Hélos, Thryon, etc., aux Achéens. Il semble que les Phéniciens aient importé Samos, Néda, Alpheios, Tour Salmon, peut-être Phigalie. Quelle fut la part des Kaukones et des Minyens dont nous ignorons totalement l'origine, la race et la langue ? Dans la période moderne, c'est du Nord qu'étaient venus à
cette côte les peuples de la mer, Vénitiens et Francs. Dans la période
primitive, c'est du Sud vraisemblablement que vinrent les marines
exploitantes. Pour les gens du Nord. c'était la côte septentrionale de
l'Élide qui la première offrait ses ports : les Francs prirent l'habitude de
débarquer à Kato-Akhaia, et les Vénitiens à Glarentza. Pour les gens du Sud,
c'est la côte méridionale qui d'abord offrira ses mouillages : Pylos est dans
l'Achaïe primitive ce que fut plus tard Kyllènè dans le Péloponnèse
hellénique, ce qu'est aujourd'hui Patras dans Il est capital, pour la compréhension de toute l'Odysseia,
que nous nous représentions bien ce rôle et cette importance de Pylos dans le
monde des origines. L'exemple de Patras, dans notre monde contemporain, ou de
Glarentza, dans le monde vénitien et franc, nous peut mettre sous les yeux
cette représentation. Pylos est le grand port du Péloponnèse achéen : sa
renommée se colporte au loin et sa gloire survit longtemps à sa ruine. Après
la disparition du monde achéen. c'est la famille des anciens seigneurs de
Pylos qui fournit leurs rois aux villes ioniennes d'Asie : trois ou quatre
cents ans après la disparition de la chevalerie franque et de la
thalassocratie vénitienne, les Anglais ont encore des ducs de Clarence parmi
leurs fils de roi.... Comme Patras et comme Glarentza, Pylos est d'abord un
grand marché de produits indigènes. Le commerce à alors ne vit pas du raisin
sec ; mais il exporte les autres produits du sol, qui de tout l'intérieur
descendent vers la côte, grâce aux routes de l'Alphée. L'Alphée n'est à nos
yeux qu'un petit fleuve, de même que la mer Égée n'est qu'une toute petite
mer. Mais il faut nous bien représenter que la mer Égée était alors un océan,
Descendu des forêts et des pâturages arcadiens, c'était le
fleuve des bœufs et des bois. Les peuples de la mer venaient à son embouchure
charger le bétail. les peaux et les sapins ou les chênes du haut pays. Ils
trouvaient dans cette population agricole et pastorale une clientèle pour
leurs objets fabriqués. Nous étudierons plus loin ce régime d'échanges. C'est
avec des troupeaux et des cuirs que les Achéens sous Ilion paient les peuples
de la mer. Ce sont des vivres que les marins de Sidon achètent aux îles
égéennes[61].
Ces marines ont besoin de cuirs et de bois. Leurs cordages sont de cuir,
leurs boucliers sont de cuir. Leurs constructions navales, leurs rames et
leurs mâts sont de sapin, et le sapin couvre ces pentes. Au temps de Strabon,
les Romains ont fondé Aquilée à l'extrémité de la mer Adriatique pour trafiquer
avec les barbares de l'Illyrie voisine : Aquilée est
à soixante stades du rivage et l'on y monte par le fleuve Natison. Les
Barbares viennent y prendre les chargements venus par mer ; ils emmènent le
vin dans des tonneaux de bois et l'huile : ils amènent des esclaves, des
troupeaux et des cuirs[62]. Elle aussi,
l'Arcadie a toujours fourni en abondance cette denrée que les peuples de la
mer ont toujours appréciée : du bétail humain, des esclaves ou des
mercenaires. L'Arcadie n'a jamais pu nourrir sa population trop féconde.
Cette Suisse ou cette Auvergne du Péloponnèse déverse sur toutes ses pentes
un trop-plein de soldats, d'ouvriers ou de bandits, suivant les époques[63]. Dans C'est que Pylos n'est pas seulement un marché local ;
c'est aussi un port de transit : comme Patras aujourd'hui, c'est la dernière
escale levantine sur le chemin des mers occidentales. Patras a tenu ce rôle,
du jour où le commerce levantin a pris vers l'Europe la route de Corinthe.
Aux temps achéens, Pylos est aussi le terminus de la grande route terrestre
qui traverse alors le Péloponnèse : c'est la route de Le transit sur la ligne Pirée-Patras implique des marines amenant leurs passagers et leurs marchandises dans le golfe d'Athènes ; il faut que les routes trans-égéennes confluent vers ce golfe. Or toutes les routes de l'Archipel ne peuvent pas des quatre coins de l'horizon converger ici : toutes les marines levantines n'ont pas intérêt à diriger leurs convois vers Athènes. Seuls, les chargements venus de l'Archipel Nord, Nord-est et Est, seuls, les convois de Salonique, des Dardanelles et de Smyrne, peuvent trouver une voie plus courte à travers l'isthme franchi ou coupé. Quel profit auraient à ce grand coude vers le Nord les convois de l'Extrême-Levant méridional ? Partis d'Égypte, de Syrie ou de Crète, ces convois de l'Extrême-Levant passent au Sud, très loin au Sud, du Matapan. Dans l'état actuel de nos marines, ils n'ont que faire des routes trans-péloponnésiennes. Mais nos marines actuelles ne sont pas les marines primitives. Partis de l'Extrême-Levant et destinés vers l'Europe
occidentale, nos grands vaisseaux viennent tout droit d'Alexandrie, Beyrouth,
Rhodes ou Mais que l'on prenne bien garde à cette solidarité des
routes terrestres et maritimes. La route de Donc, comme Patras aujourd'hui, Pylos est alors le dernier port grec vers l'Occident. Ce n'est pas que les terres grecques, alors comme aujourd'hui. se soient arrêtées à cette rive du Péloponnèse. De tout temps, les îles voisines, Zante, Képhallénie, Ithaque, etc.. ont vécu sous l'influence des Grecs, Hellènes ou Achéens. Pylos ou Patras, la grande échelle du Péloponnèse occidental est toujours reliée aux îles par le va-et-vient de barques et de bateaux nombreux. Mais le canal entre Ithaque et Képhallénie est la dernière porte du monde grec sur le Couchant. Au bout de ce canal, finissent les mers grecques : au delà. commencent les mers et les terres albanaises, — thesprotes, dirait l'Odyssée. — Vers le Couchant, les Hellènes antiques ou les Grecs modernes ont pu s'approprier des îles ou des morceaux de ces terres étrangères[67] : ils possèdent aujourd'hui Paxos et Corfou. Mais le bourdonnement des barques et des petits vapeurs grecs s'arrête toujours au bout du canal d'Ithaque ; le grand abîme de mer qui sépare Ithaque de Paxos ou de Corfou n'est franchi régulièrement que par les vaisseaux des thalassocrates. Autrichiens. Italiens ou Anglais. Au temps de Pylos. Ulysse déjà est le dernier des Achéens sur la route du Couchant ; Ithaque est la dernière des lies achéennes vers le Nord-Ouest, αὐτὴ δὲ χθαμαλὴ πανυπερτάτη εἰν ἁλὶ κεῖται πρὸς ζόφον[68]. L'échelle de Corfou est tenue par les Phéaciens. Ithaque
devient ainsi la relâche entre le dernier grand port des Achéens, Pylos, et
le premier grand port des Étrangers, Pylos n'est pas seulement un grand port, une ville : c'est
encore un territoire Le rôle que nous attribuons à la ville implique en effet
la possession d'une certaine région, pour donner le libre usage des routes
terrestres et maritimes à ces navigateurs. En cet état des marines,
l'exploitation de la mer ne va pas sans la remontée des fleuves. Dans
l'Alphée et dans Pour l'exploitation des rivières côtières, le royaume
pylien a dû s'étendre sur l'Alphée et sur πᾶσαι δ᾽ ἐγγὺς ἁλός, νέαται Πύλου ἠμαθόεντος[76]. On revient toujours, comme on voit, aux termes des poèmes
homériques. De cette étude de Télémaque, partant de Pylos. remet à la voile vers Ithaque. Il double le cap Pheia. Poussé par le vent favorable de Zeus, il longe l'Élide et la plaine des Épéens (c'est la plaine actuelle du Pénée). Puis il s'avance vers les Iles Pointues avec le double souci d'éviter le naufrage ou l'échouement. Où peuvent être ces îles Pointues ? Entre la côte éléenne et le canal d'Ithaque, aucune île n'apparaît sur nos cartes ordinaires. Les géographes anciens éprouvaient le même embarras que nous. Strabon, copié par tous les commentateurs anciens et modernes, hasarde une hypothèse. Télémaque, dit-il. craignant d'être pris ou tué par les prétendants, quitte la route directe vers Ithaque. Il continue de suivre la côte éléenne et va chercher au Nord du golfe de Corinthe une route détournée. Il rencontre ainsi, à l'embouchure de l'Achéloos, sur la côte d'Acarnanie, un archipel d'Iles Pointues qui s'appellent aussi Iles Echinades[77].... Un terrien peut raisonner ainsi. Mais cette navigation est impossible. Après que les rues sont remplies d'ombre, la brise de terre se lève et chasse les navires vers la haute mer. Télémaque, poussé par cette brise, quitte les rivages péloponnésiens au dernier cap occidental à notre cap Trépito. Il veut gagner le promontoire extrême de Képhallénie. Il vogue à travers le canal de Zante. Dans ce canal, les marins connaissent un danger que signalent les Instructions nautiques et que les cartes marines indiquent soigneusement. C'est, en pleine mer, un archipel d'écueils, les uns à peine émergés, les autres couverts d'eau, que les terriens ne connaissent pas. mais que les navigateurs redoutent. Ce sont les Roches Montague, comme disent nos Instructions. Ce nom est la transcription du vieux nom vénitien Monte Acuto, le Mont Pointu : Ce dangereux plateau de roches s'étend sur un espace d'un mille du Nord au Sud et comprend quatre pâtés distincts, couverts de cinq à neuf mètres d'eau. La plus petite profondeur trouvée en 1844 sur le pâté Nord fut de 5m,02. En 1865, on a eu 4m,09. Mais certaines aiguilles ont encore pu échapper aux recherches. Un navire à voiles devra tourner ces dangers à bonne distance. Par des vents faibles ou par calme. il pourrait être drossé par le courant qui, par les vents du Sud, est fort dans leur voisinage[78]. Voilà les lies Pointues du poète, qui parle d'après les périples ou les récits de son auditoire de matelots. On comprend alors l'inquiétude de Télémaque, que pousse la brise favorable de Zeus, le vent du Sud. Télémaque, en longeant les Îles Pointues, craint d'être drossé par le courant et de perdre la vie ou de rester pris dans ces aiguilles de roches. Cet exemple des lies Pointues devra nous servir, quand
nous rencontrerons le Port Creux et l'Île Petite. Ce ne sont pas là des noms communs
affublés d'une épithète. Ce sont des noms propres comme les Belle-Île ou les Château-Roux
de notre onomastique. — Nous avons encore notre Port-Creux enfoncé dans les
contreforts pyrénéens ; les Grecs modernes ont une foule de Mikronisi, Petite
Île, par opposition aux Îles Grandes.
— Il suffit quelquefois de retrouver l'exacte localisation de ces noms de
lieux pour éclairer soudain toute une description odysséenne. Et l'expérience
m'a prouvé que l'on peut toujours arriver à cette localisation. Quand nous ne
réalisons pas une description odysséenne,
c'est faute de tout expliquer, faute de respecter le texte, faute d'en suivre
toutes les indications et de le traiter en véritable document géographique.
On pourrait, à première rencontre, s'étonner d'une pareille exactitude. Pour On ne pourra pas s'étendre
longuement ici sur les problèmes compliqués qui sont connus sous le nom de
question homérique. On se contentera de signaler quelques faits parfaitement
établis ou très probables, en acceptant complètement l'opinion de von
Wilamowitz-Moellendorf développée dans ses Homerische Untersuchungen.
L'Épopée, telle que nous la connaissons, est l'œuvre de plusieurs siècles.
Elle se développa d'abord chez les Éoliens de l'Asie Mineure, puis chez les
populations ioniennes de cette région et des îles. Quelques fragments
seulement prirent naissance dans En nous tenant aux arguments géographiques, nous verrons
que le poète ou les poètes odysséens parlent en habitants des côtes asiatiques.
Pour eux, l'île Syra est de l'autre côté de Délos
vers le couchant, ce qui suppose des navigateurs partis de Chios ou de
Milet et rencontrant, sur le chemin du couchant, d'abord Délos, puis Syra.
Pour eux encore, l'Eubée est la plus lointaine des
îles, ce qui suppose une pareille navigation de Samos à Icaria.
Mykonos, Ténos et Andros, pour atteindre, à l'autre horizon de l'Archipel,
l'Eubée, la dernière des îles. Il se peut, — je ne le crois pas, — que
l'arrangement final des poèmes odysséens ait été fait dans Voici l'explication qui me parait la plus vraisemblable.
Composée dans une île ou une ville asiatiques, ioniennes, Mélanthos est donc le véritable fondateur des dynasties ioniennes. Établi chez les Athéniens, il reçoit la royauté après la mort du dernier Théséide, Thymoitas[83]. Quand les Ioniens émigrent en Asie Mineure, ils transportent avec eux des rejetons de Mélanthos. Mélanthos est le héros auquel les villes ioniennes rapporteront plus tard leurs rois. Or examinez la famille de ce Mélanthos. Mélanthos est fils d'Andropompos, le Transporteur d'Hommes, et de Hénioché, αὐτὰρ
ἐμὲ προέηκε Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ τῷ ἅμα πομπὸν ἕπεσθαι[84]. Mon père Nestor, dit Pisistrate à Ménélas, m'a envoyé comme passeur, πομπος, de Télémaque. C'est le métier ordinaire des fils de Nestor. εἰ δ᾽
ἐθέλεις
πεζός, πάρα τοι δίφρος τε καὶ ἵπποι, πὰρ δὲ τοι υἷες ἐμοί, οἵ τοι
πομπῆες
ἔσονται ἐς Λακεδαίμονα δῖαν[85], ces Néléides sont des lieurs de chevaux, ζεύξιπποι, des teneurs de rênes, ήνίοχοι, des meneurs de chars, άρμένιοι, παῖδες ἐμοί,
ἄγε Τηλεμάχῳ καλλίτριχας
ἵππους ζεύξαθ᾽ ὑφ᾽ ἅρματ᾽ ἄγοντες[86]... πὰρ δ᾽ ἄρα
Νεστορίδης Πεισίστρατος,
ὄρχαμος
ἀνδρῶν, ἐς δίφρον τ᾽ ἀνέβαινε καὶ ἡνία λάζετο χερσί[87]. Ce n'est pas que, dans la tradition, il n'y eût aucune
part de vérité ni, parmi les Ioniens, aucun Pylien ou descendant de Pyliens
authentiques. Hérodote savait que des Kaukones Pyliens figuraient entre les
premiers émigrants. J'admettrais volontiers que, parmi les Ioniens,
adorateurs d'Athéna, ce sont les Pyliens, peut-être, qui ont fait prédominer
le culte de Poséidon. Car nous voyons que Néleus de Milet avait dressé l'autel
de ce dieu sur le cap des Milésiens : prenez la carte : ce Poseidion était
aux bouches du Méandre dans la même situation que le Poseidion pylien aux
bouches de l'Alphée. En outre, Poséidon devint le dieu fédéral du Panionion.
comme il avait été le dieu fédéral de Pylos. Aussi le poète odysséen,
poursuivant sa flatterie, fait de Poséidon le père des Néléides. Cette belle
invention ne va pas sans quelques difficultés. Dans les légendes authentiques
de Ces relations historiques entre Pylos et l'Ionie
expliquent suffisamment, je crois, l'exactitude des descriptions odysséennes.
La gloire de Pylos vivait et vécut longtemps dans les souvenirs de
l'émigration. La topographie survivait aussi dans les récits ou dans les
périples apportés d'outre-mer. Bien des aèdes, avant l'auteur de Entre Nestor et notre poète odysséen, des générations, des
siècles peut-être s'étaient écoulés. Dans le bouleversement de |
[1] Iliade, XI, 710 et suiv.
[2] Pausanias, V, 6, 2 ; cf. Strabon, VIII, 346.
[3] Cf. Frazer, Pausanias, III, p. 481.
[4] Iliade, VII, 135-136.
[5] Sur tout ceci, cf. Frazer, Pausanias, III, p. 478.
[6]
Cf. Ebeling, Lexic. Hom., s. v. Κελάδων.
[7] Voir la carte de Philippson et la description de Frazer, Pausanias, IV, p. 297.
[8] IV, 77 et suiv.
[9] Iliade, V, 542 et suiv.
[10] Iliade, II, 604 et suiv.
[11] Odyssée, XV, 193.
[12] Odyssée, III, 495-496.
[13] Cf. W. Helbig. trad. Trawinski. p.
162.
[14] Pour ceci et la suite, je renvoie à mon étude sur l'Origine des Cultes Arcadiens.
[15] Pausanias, VIII, 38, 1.
[16] Pausanias, VIII, 5, 8.
[17] Cf. Diplom. and Consular Reports.
n° 2575 (avril 1901), p. 17 : A new line is now being
constructed front Pyrgos to Megalopolis, via Karytena, which, it is expected,
will be completed within the year.
[18] Cette route au siècle dernier était encore très fréquentée. La carte de Lapie, avec laquelle les troupes françaises firent l'expédition de Morée, porte cette route qui, partie du Fort Clidi, longe d'abord la mer sur la levée de la lagune, puis remonte par la trouée du fleuve de Saint-Isidore vers Xerochorion ; elle rejoint enfin la grand'route Pyrgos-Andritzéna.
[19] Instruct. naut., n° 691, p. 88.
[20] Hérodote, II, 112.
[21] Heyd, I, p. 136 et 132.
[22] Pausanias, VIII, 26, 5-6 ; Clermont-Ganneau, Journal asiatique, X, p. 457 ; Pline, X, 40 ; XXIX ; 34 ; II Rois, I, 2 et suiv. ; cf. Frazer, Pausanias, III, p. 558.
[23] Pausanias, V, 5, 9 ; Strabon, VIII, 546.
[24] Strabon, VIII, 244.
[25] Iliade, V, 397.
[26] Iliade, XI, 690.
[27] Frazer, Pausanias, III, p. 479.
[28] Cf. Expédition de Morée, p. 46 : De Pyrgos, dont les environs sont plantés de vignes, nous partîmes pour Agolinitza, en prenant la route du S.-E. Étant entrés dans une plaine, après avoir passé plusieurs ruisseaux, nous arrivâmes aux bords de l'Alphée. Des rives de l'Alphée, nous nous rendîmes à Agolinitza, village considérable placé sur le penchant d'une montagne : les arbres des jardins d'Agolinitza s'aperçoivent entre les habitations et donnent au village un aspect assez pittoresque. A droite. sont les marais servant de pêcheries au milieu desquels l'Alphée a Son embouchure. En continuant la route, on parvient à un nard en ruine. Une vallée de jolis coteaux couverts de pins est à gauche ; à droite se groupe un bouquet de cyprès parmi des buissons et au delà s'étendent des marais ; la vue est bornée par le mont Smyrne ; elle embrasse un bel ensemble de paysage. Après trois quarts d'heure de marche, nous reconnûmes un monticule sur lequel nous avions campé précédemment en nous rendant à Olympie. Nous traversâmes ensuite une partie de la fora dont les arbres avaient été déracinés en grand nombre par la violence d'un orage récent et quelques instants après nous arrivâmes au Khan de Saint-Isidore. Le lendemain nous repartîmes en nous dirigeant au S.-E. A gauche s'étendaient des terrains cultivés, dominés dans l'éloignement par des montagnes presque entièrement couronnées de pins : la mer était à notre droite et vis-à-vis de nous se voyait l'extrémité des montagnes de Triphylie.
[29]
Cf. Boutant, Mém. sur
[30] Pausanias, IV, 56, 1 ; VI, 22, 5.
[31] Pour ceci et la suite. cf. H. Lewy, p. 232 et suiv.
[32] Iliade, XI, 677-680.
[33] Pausanias, V, 1, 7.
[34] Sur tout ceci. cf. Clermont-Ganneau, le Dieu Satrape et les Phéniciens dans le Péloponnèse, Journal Asiatique, X, p. 450 et suiv.
[35] Pausanias, V, 7, 4 ; V, 8, 1 ; V, 14, 5 ; V, 5, 2. — Odyssée, XIII, 272.
[36] Strabon, VIII, 342.
[37] Odyssée, IV, 605-607.
[38] Strabon, VIII, 342.
[39] Philippson, Peloponnes., p. 323.
[40] Strabon, VIII, 348.
[41] Pausanias, VII, 41, 1.
[42] Pausanias, V, 5, 5.
[43] Odyssée, XIII, 272-275. Je reviendrai longuement là-dessus.
[44] Pausanias, VIII, 41, 5.
[45] Lucian, De dea Syria, 14 ; cf. Diodore Sic., II, 4, 2-5.
[46] Pausanias, VIII, 41, 4.
[47] Pausanias, VIII, 42, 4-7.
[48] V. Bérard, De l'Origine des Cultes Arcadiens, p. 97 et suiv.
[49] Lucian, De dea Syria, 60.
[50] Pausanias, VIII, 41, 2.
[51] Athénée, IV, p. 148 ; cf. V. Bérard, op. laud., p. 235.
[52] Bochart, Chanaan, p. 485.
[53] Odyssée, III, 366.
[54] Hérodote, IV, 148 : I, 147. Strabon, VIII, 345 : Pausanias, V, 5, 5 ; IV, 1, 5 ; 26, 7.
[55] Pausanias, IV, 33, 4 ; cf. Roscher, Lexic. Myth., s. v.
[56]
J'aurai plus tard à examiner les théories d'Evans sur le culte du pilier : Zeus
Lykaios est le nourrisson de
[57] Helbig, l'Épopée Homérique, p. 16.
[58] Cf. Philippson, Pelopon., le chapitre sur le Pénée.
[59] Dans les Diplom. and consular
Reports, Annual Series, n° 2575, p. 5. le consul anglais de Patras (avril
1901) donne les vraies raisons de cette descente des Arcadiens : ils viennent
transformer en vignobles pour la culture du raisin de Corinthe, cette façade
maritime du Péloponnèse, jusque-là abandonnée à la pâture : When the destruction of the vineyards in France by the
phylloxera brought about an almost unlimited demand for wine and all
wine-producing articles, the attention of nearly all the classes of the
population was turned towards increasing the area of vineyards. Large tracts of
land, all along the western coast of the Morea and on the shores of the Gulf of
Corinth, which had up till then served for the pasturage of innurnerable flocks
of sheep, goats and cattle, were planted with vineyards. Large numbers of the
peasantry, who had before led a pastoral life in the mountainous districts of
the interior flocked down to the various plains bordering the sea, and took
possession of waste Government lands. The former shepherds become husbandmen
and all this land without exception was transformed into vineyards.
[60] Cf. Diplom. and Consular Reports,
n° 2214, p. 6 : The majority of shipping agents and
shipbrokers established in Patras are of British nationality.
[61] Iliade, VII, 474 ; Odyssée, XV, 456.
[62] Strabon, V, 214.
[63] Cf. Thucydide, VII, 37.
[64] Odyssée, II, 326-327.
[65] Pausanias, VIII, 3, 2.
[66] Strabon, XIV, 654.
[67]
Cf. les appréciations des consuls anglais dans les Diplom. and Consular
Reports, Annual Series, n° 2269, p. 5 et suiv. Connaissant l'ignorance des
commerçants anglais, le consul de Corfou explique fort bien qu'il ne faut pas
ranger Corfou parmi les terres du raisin sec avec les autres îles Ioniennes et
les côtes du Péloponnèse : The curant is unknown in
Corfu ; the common idea that it grows here as well as in the other islands and
in the Peloponnesus is wrong. Successive attempts to introduce it here resulted in
failure. Geographically, Corfu is an
[68] Odyssée, IX, 25-26.
[69] Instruct. naut., n° 691, p. 87.
[70]
Cf. Geog. Græc. Min., I, p. 8-9.
[71] Strabon, VIII, 550.
[72] Strabon, VIII, 549-550.
[73] Cf. Pauly-Wissowa, Real Enc.,
s. v. Aipion.
[74] Pour Dorion, cf. Frazer, Pausanias, III, p. 445.
[75] C'est la route que prochainement empruntera le chemin de fer du raisin de Corinthe, reliant à Patras tous les districts du Sud-ouest et passant de Kalamata à Kyparissia, par Méligala, puis à Pyrgos par le pied du Kaiapha, au long de la côte.
[76] Iliade, IX, 153.
[77] Strabon, VIII, 351 ; cf. Buchholz, Homer.
Real., I, p. 148.
[78] Instruct. naut., n° 691, p. 69 et 87.
[79]
Helbig, trad. Trawinski, p.
1-2.
[80] Hérodote, I, 147.
[81] Hellan., F. H. G.,
[82] Hérodote, V, 65.
[83] Cf. Roscher, Lexic. Myth.,
s. v. Melanthos.
[84] Odyssée, IV, 161-162.
[85] Odyssée, III, 524-526.
[86] Odyssée, III, 475-476.
[87] Odyssée, III, 482-483.
[88] Cf. Roscher, Lex. Myth., s.
v. Neleus.
[89] Von Wilamowitz, Homer. Unterzuch.,
p. 292.