§ I. — INSTITUTION DE Jusqu'à l'an 400 av. J.-C., c'est-à-dire jusqu'au milieu de la guerre de Véies, les Romains n'eurent pas d'autre cavalerie que celle des 2.400 chevaliers equo publico formant les 18 centuries. Mais, pendant le siège de cette ville, ils apprirent que leurs machines de guerre venaient d'être incendiées, et ce malheur excita dans Rome un mouvement patriotique d'où sortit l'institution de la cavalerie equo privato[1]. Ceux qui avaient le cens équestre, mais à qui n'avaient pas été assignés de chevaux payés par l'État (equi publici).... allèrent trouver le Sénat, et, ayant reçu la permission de parler, promirent qu'ils serviraient avec des chevaux achetés à leurs frais (equis suis).... Le Sénat leur rendit grâces en termes fort honorables, et aussitôt les hommes de la plèbe, se piquant d'émulation, vinrent offrir de faire un service extraordinaire dans l'infanterie.... Le Sénat déclara que pour tous ces volontaires les campagnes extraordinaires seraient comptées comme temps de service régulier (cura procedere[2]) ; on assigna aussi aux cavaliers une solde fixe. Alors, pour la première fois, les cavaliers commencèrent à servir avec des chevaux qu'ils avaient eux-mêmes achetés[3]. Le service equo privato, de volontaire qu'il était en l'an 400, devint bientôt obligatoire pour tous ceux qui avaient le cens équestre ; et, au siècle des guerres puniques, les censeurs consultaient leurs listes pour trouver les noms des citoyens qui devaient le service à cheval, et ne s'en acquittaient pas[4]. Tite-Live nous fait même comprendre que, dès l'époque des guerres du Samnium, la cavalerie equo privato avait remplacé dans les légions la chevalerie equo publico. Celle-ci était devenue une troupe d'élite, dont les membres formaient à la guerre le torture des tribuns militaires et des lieutenants des consuls. Ils ne servaient plus en corps, mais s'attachaient individuellement à la personne des chefs supérieurs. La victoire fut longtemps balancée, dit Tite-Live en parlant d'un combat de l'an 310 av. J.-C.[5], et la perte égale des deux côtés ; mais pourtant les à Romains furent regardés comme vaincus, parce qu'ils perdirent quelques membres de l'ordre équestre, quelques tribuns des soldats et un lieutenant du consul. Or, dans Tite-Live, les mots ordo equester désignent toujours les dix-huit centuries des chevaliers equo publico[6]. La distinction entre cette chevalerie d'élite et la cavalerie equo privato est encore mieux marquée dans le récit que nous fait le meule auteur d'un combat de l'an 218[7]. Des deux côtés il ne tomba pas plus de six cents fantassins et de trois cents cavaliers ; mais la perte des Romains fut plus grande que le nombre des morts ne le ferait supposer, parce que plusieurs des membres de l'ordre équestre, cinq tribuns militaires et trois préfets des alliés furent tués. Dans ce passage, Tite-Live exprime la même pensée que dans le récit du combat de 310, et emploie mène une forme presque exactement semblable. De la différence qu'il établit entre les cavaliers romains et les membres de l'ordre équestre, on doit conclure, qu'entre 400 et 310 av. J.-C., la chevalerie equo publico s'était déjà transformée en une sorte d'état-major, et qu'elle avait été remplacée par les chevaliers equo privato dans le rôle de cavalerie légionnaire. Pour calculer approximativement le nombre des chevaliers equo privato à l'époque des guerres puniques,
il n'y a qu'à compter le plus grand nombre de légions mises sur pied contre
Annibal, et à tenir compte des pertes que la cavalerie romaine avait faites
depuis le commencement de la guerre. Car, en 216 av. J.-C., Rome ne se
servait encore que de cavaliers romains et latins[8], et si l'on
trouve par exception des cavaliers gaulois auxiliaires combattant au Tésin
sur le front des légions[9], ils firent
presque tous défection après ce combat[10]. Or, en 219 av.
J.-C., Rome tint sur pied vingt-trois légions, sans compter celles d'Espagne[11]. Si chacune
d'elles eût conservé son effectif complet de cavalerie (justum equitatum[12]), c'est-à-dire trois cents cavaliers romains
et neuf cents latins, cet armement de vingt-cinq légions eût exigé qu'on mit
en campagne 7.500 cavaliers romains equo privato.
Mais en admettant que la moitié de ces légions eussent été réduites par la
guerre à ne plus avoir que 200 cavaliers romains, il faut toujours compter
pour 25 légions au moins six mille cavaliers romains equo privato, en l'an 212. Tite-Live dit qu'il
resta 1.350 cavaliers romains sur le champ de bataille de Cannes[13], sans compter
ceux qui furent pris on dans le combat, ou à Cannes, ou dans les deux camps
romains qui se rendirent l'un après l'autre ; et combien n'en avait-il pas
péri au combat de cavalerie du Tésin, aux batailles de Les calculs les plus modérés prouvent donc qu'en l'an 218 av. J.-C., il y avait au moins dix mille citoyens dont les familles avaient le cens équestre, et qui, pour cette raison, étaient astreints à faire dans les légions le service de la cavalerie equo privato. Le nombre des citoyens portés sur les registres du cens de Lui 220 av. J.-C. étant de 270.213[16], dix mille Romains de famille équestre devaient former toute la première classe, nécessairement beaucoup moins nombreuse que chacune des classes inférieures ; cette induction, tirée des faits de l'histoire militaire de Rome, sera bientôt confirmée par des preuves directes de l'identité presque complète de la chevalerie et de la première classe de citoyens, après l'an 400 av. J.-C. Pour le moment, il nous suffit de remarquer que, le nombre
des citoyens astreints à servir à cheval s'étant considérablement accru
depuis l'établissement des chevaliers equo
privato, le mode de recrutement de la cavalerie dut changer. En effet, dit Polybe[17], autrefois les tribuns militaires avaient coutume
d'examiner les cavaliers après avoir enrôlé l'infanterie de la légion mais
aujourd'hui ils choisissent les cavaliers avant les fantassins, après que le
censeur en a fait un premier choix parmi les citoyens les plus riches.
Avant l'an 400, lorsqu'il n'y avait encore que des chevaliers quo publico,
les douze centuries équestres formaient la cavalerie permanente des quatre
légions consulaires. Les tribuns militaires n'avaient point à choisir ni à
ranger les cavaliers, qui étaient tons désignés d'avance et distribués dans
les cadres anciens des escadrons equo publico.
Mais, après l'an 400 av. J.-C. quand toute une classe d'à peu près dix mille
citoyens fut appelée au service de la cavalerie légionnaire, il fallait que
le censeur dressât d'abord la liste de ceux qui, ayant le cens équestre,
appartenaient à cette classe ; et c'est sur cette liste que les tribuns
militaires avaient à choisir les douze cents cavaliers destinés à former les
ailes des légions de la nouvelle levée. Avant l'an 400, les tribuns n'avaient
qu'à passer en revue[18] douze cents
chevaliers equo publico, pour voir
s'ils étaient prêts à entrer en campagne ; mais, après que la chevalerie equo privato fut instituée, ils durent procéder
à un véritable enrôlement de la cavalerie légionnaire, et de plus, ranger par
décuries[19]
les cavaliers qu'ils avaient choisis, de même qu'ils rangeaient les
fantassins par centuries. § II. — SERVICE DE Bien que les dix escadrons (turmæ) d'une légion soient quelquefois appelés une aile d'une armée consulaire[20], la dénomination de cavaliers des ailes (alarii equites) s'applique plus spécialement aux cavaliers latins, pour les distinguer des cavaliers légionnaires[21]. Ces derniers sont les cavaliers romains equo privato. Chacun de leurs escadrons (turmæ) se composait de trois décuries et était commandé par trois décurions et par trois lieutenants[22]. Le décurion en chef qui dirigeait l'escadron entier de trente hommes est quelquefois appelé par Tite-Live præfectus turmæ[23], bien que le nom de préfet appartienne ordinairement à ces chefs militaires romains que les consuls imposaient aux contingents du Latium[24]. Dans le camp contenant deux légions, les six cents cavaliers romains partagés en vingt escadrons (turmæ), campaient des deux côtés de la rue qui séparait les deux légions. Cette rue s'ouvrait d'un côté derrière le prétoire, sur l'espace qu'on appelait principia[25], et aboutissait de l'autre côté en face de la porte Décumane[26]. L'estime que l'on avait pour chaque corps de l'armée romaine peut se mesurer d'après la distance qui le séparait de cette rue du milieu occupée par la chevalerie. Aussi le rang le plus solide de l'infanterie, celui des vétérans triaires, avait ses tentes adossées à celles des chevaliers[27]. Les chevaliers equo privato étaient chargés de faire les rondes de nuit pour inspecter les postes[28]. Ce soin était confié successivement aux dix escadrons de chaque légion. Quatre jeunes gens choisis dans l'escadron de service se partageaient les quatre veilles de la nuit. Ils couchaient auprès du centurion primipilaire chargé, de faire sonner la trompette pour relever les postes, et pour réveiller les chefs de rondes. Le malin, tous les chevaliers venaient aux tentes des tribuns militaires pour recevoir leurs ordres en mène temps que les centurions[29]. Le service du simple cavalier romain était plus estimé[30] que celui du centurion qui conduisait une des deux centuries d'un manipule de fantassins[31]. Aussi, au temps de Polybe, le cavalier recevait par jour une solde d'une drachme[32] ou de six oboles, c'est-à-dire un denier d'argent, tandis que le centurion ne recevait que quatre oboles, et le simple fantassin, deux. La solde du cavalier était donc par an de 360 deniers ou drachmes qui valaient[33] 310 fr. 32 c. Celle du centurion n'était annuellement que de 240 drachmes, ou de 206 fr. 88 c., et celle du simple légionnaire, de 120 drachmes ou deniers, c'est-à-dire de 1.200 as[34] de deux onces valant 103 fr. 44 c. Dans toutes les distributions d'argent un suivait la tanne proportion. C. Claudius, dans son triomphe, en l'an 177 av. J.-C., fit donner quinze deniers à chaque soldat, le double à chaque centurion, le triple à chaque cavalier[35]. La solde des cavaliers equo privato avait été établie dès l'an 400 av. J.-C.[36], et, en 398, elle avait été fixée au triple de celle des fantassins[37]. Grâce à Cn. Cornélius, qui leur avait procuré cet avantage, les hommes de la première classe, qui s'étaient offerts comme cavaliers volontaires, eurent à la fois tous les honneurs du dévouement et tous les bénéfices du privilège. Aussi les fantassins regardaient-ils les cavaliers d'un œil jaloux : ils accusaient ces riches si bien traités de s'être vendus à l'aristocratie patricienne[38]. Dans les distributions de blé. le cavalier avait aussi
trois fois plus que le Fantassin. Celui ci recevait par mois les deux tiers
d'un médimne, c'est-à-dire Chaque cavalier romain devait faire dix ans de service, et ce n'était qu'après avoir achevé ses dix campagnes, qu'il pouvait exercer une magistrature[44]. La questure, dit Cicéron, est le premier échelon des honneurs[45]. C'était donc la première charge qu'un chevalier pouvait briguer après avoir rempli ses devoirs militaires. Or, quoique ton pût faire ses premières armes à dix-sept ans, comme Cicéron les fit en l'an 89 av. J.-C., dans la guerre contre les Manses, en temps ordinaire, on ne commençait à servir qu'entre vingt et vingt et un ans, comme chez nous. César avait vingt ans lorsqu'il lit ses premières armes ; sous Minucius Thermus, au siège de Mitylène, 80 av. J.-C.[46] ; et le modèle des vétérans de l'époque des Scipions, Spurius Ligustinus, qui avait plus de cinquante ans en 171 av. J.-C. ; et qui, par conséquent ; était né en 221, n'était devenu soldat que sous les consuls P. Sulpicius et C. Aurelius, en 200 av. J.-C., à l'âge de vingt et un ans[47]. Un chevalier romain, après avoir fait dix ans de service de vingt à trente ans, revenait briguer la première charge, la questure, et il l'exerçait dans sa trente et unième année. C'est ainsi que Cicéron, né en 106 av. J.-C., fut nommé questeur en l'an 76, et exerça la questure à Lilybée, en 75[48]. César, né en l'an 100, ne fut nominé questeur que dans sa trente et unième année, et il suivit à ce litre le préteur Antistius en Espagne, en 68. Cicéron, du reste, nous fait entendre, dans un passage du Pro lege Manilia, que l'on ne pouvait avant trente ans arriver à la questure. Pompée, n'étant encore que simple chevalier, fut envoyé contre Sertorius avec pouvoir consulaire[49]. Appien lui donne 34 ans lorsqu'il revint, en 71 av. J.-C., pour demander au peuple un consulat plus régulier[50]. Né en l'an 105, il avait 29 ans lorsqu'en 76 il partit pour l'Espagne avec ce titre extraordinaire de consul nommé par le Sénat. Cicéron, rappelant cette faveur inouïe comme un précédent qui autorise la loi Manilia[51], s'écrie : Qu'y a-t-il de si singulier que d'avoir vu Pompée, mis au-dessus des lois par un sénatus-consulte, devenir consul avant que les lois lui permissent de recevoir aucune autre magistrature ? A vingt-neuf ans, Pompée n'avait donc pas encore l'âge légal de la questure. Cet âge était celui de trente ans, l'âge où Cicéron fut désigné pour cette première charge politique. Ainsi, les lois Annales avaient pour principes l'usage où l'on était à Moine de faire ses premières armes à vingt ans, et la loi qui exigeait de tout cavalier dix ans de service, en lui défendant d'aborder la carrière politique avant de les avoir achevés. § III. — LE RANG DE CHEVALIER EQUO PRIVATO ÉTANT ATTACHÉ AU CENS ÉQUESTRE, DEVIENT INAMISSIBLE ET HÉRÉDITAIRE. Depuis l'an 400 av. J.-C., posséder le cens équestre était la seule condition nécessaire pour faire partie de la chevalerie. Les censeurs, qui choisissaient les chevaliers equo publico, n'avaient qu'il enregistrer les noms des chevaliers equo privato. Le litre de ceux-ci était la conséquence de leur fortune. Aussi devint-il promptement inamissible et héréditaire. Celui qui le possédait, eût-il, comme Gellius, dilapidé la fortune qui composait le cens équestre, restait toujours chevalier de nom[52]. Il suffisait mine d'appartenir à une famille de chevaliers pour are en droit de servir dans la cavalerie equo privato. Aussi les lois judiciaires du siècle de Cicéron faisaient une distinction entre les chevaliers qui avaient le cens équestre. et ceux qui, sans le posséder, avaient fait dans la cavalerie leurs années de service. Les premiers siégeaient dans les tribunaux, les derniers n'y avaient point de place parce qu'ils ne présentaient pas les garanties reconnues nécessaires à l'indépendance d'un juge[53]. Le censeur ne pouvait ôter à un chevalier que ce qu'il pouvait lui donner. Il était maître de l'inscrire sur la liste des chevaliers equo publico ou de l'en effacer[54]. Mais lui enlever sa fortune ou la qualité de sa famille n'était pas au pouvoir d'un magistrat. Le chevalier, même couvert de notes infamantes, restait chevalier. Privé du cheval pavé par l'État (equo publico), il rentrait dans les rangs de la cavalerie (equo privato). Pour le faire descendre de cheval, pour le réduire à la condition de fantassin, il fallait un sénatus-consulte, c'est-à-dire une mesure politique dérogeant à la loi ordinaire. Après la bataille de Cannes, plusieurs jeunes nobles, à l'instigation
de L. Cæcilius Metellus, avaient formé le projet d'abandonner Nous retrouvons les mêmes chevaliers en Sicile, en l'an 210. Les censeurs M. Cornelius Cethegus et P. Sempronius Tuditanus étaient aussi disposés que leurs prédécesseurs à épuiser contre eux toutes les sévérités de la censure. Pourtant ils durent se borner à renouveler contre ces chevaliers equo publico la note qui les effaçait de la liste des dix-huit centuries, et à, leur faire recommencer leurs dix ans de service dans la cavalerie equo privato[58]. Ainsi l'on ne pouvait perdre le rang équestre, ni le droit de figurer dans la cavalerie légionnaire. Dès le siècle des guerres puniques, ces privilèges étaient devenus la possession inaliénable des familles équestres ; une diminution de fortune ou une note d'un censeur n'y pouvaient porter atteinte ; tandis qu'avant l'an 400, lorsqu'il y avait seulement deux mille quatre cents chevaliers equo publico ; un patricien qui n'avait pas le cens équestre, comme Tarquitius, servait dans les rangs de l'infanterie[59] et un plébéien qui l'avait ne cessait d'être un fantassin que si le consul ou le tribun militaire lui assignait un cheval donné par l'État[60]. Le titre de chevalier, et le service dans la cavalerie romaine étaient même devenus entièrement héréditaires au temps de Fabius Pictor, contemporain d'Annibal[61]. Voici comment ce vieil historien décrivait, d'après ses souvenirs, la première partie de la fête du 15 juillet, instituée en mémoire de la victoire du lac Régille[62]. Avant de donner le signal des luttes, les magistrats suprêmes conduisaient en l'honneur des dieux une procession qui se rendait du Capitole à travers le Forum, jusqu'au grand Cirque. A la tête de la procession s'avançaient les fils des Romains arrivés soit à l'adolescence, soit à l'âge oit l'on peut assister aux fêtes. Ceux dont les pères avaient le cens équestre étaient à cheval ; ceux qui devaient un jour servir dans l'infanterie étaient à pied ; les premiers étaient rangés par tribus et par curies[63], les seconds par classes et par centuries. Les fils de ceux qui avaient le cens équestre étaient donc dès leur enfance destinés au service de la cavalerie, et cet honneur héréditaire les distinguait de leurs jeunes compagnons d'âge appelés à remplacer un jour leurs pères dans les rangs des fantassins. De plus, la manière dont les fils des chevaliers étaient rangés dans celle procession militaire, nous montre que du temps de Fabius Pictor toutes les familles équestres avaient trouvé place dans les cadres des trente curies et des six tribus anciennes des premiers et des seconds Rhamnes, Tities et Luceres. Cette introduction dans les curies de tant de familles étrangères à la ville primitive avait commencé par le partage des charges curules et par l'admission des plébéiens au Sénat. Elle fut rendue plus facile par les rapports de patronage et de clientèle qui s'établirent entre les vieilles familles romaines et les familles des municipes et des colonies[64]. Le client était inscrit dans la curie de son patron et devenait quelquefois beaucoup plus puissant que lui. Enfin la révolution de 240 av. J.-C. avait fait entrer toute la plèbe rustique dans les curies de la ville. L'hérédité du rang équestre inspirait aux chevaliers un orgueil tout aristocratique, et Ovide, sorti de la petite ville de Sulmone, cachée dans une vallée froide et sauvage da plateau des Abruzzes, était aussi fier de sa généalogie que l'eût été un patricien descendu des premiers sénateurs de nome. Le rang équestre, dit-il, est un vieil héritage de ma famille[65] ; qu'on examine ma race, et l'on trouvera que nous avons été chevaliers de toute antiquité pendant d'innombrables générations[66]. Le titre de chevalier étant attaché au cens depuis l'an 400 av. J.-C., était donc devenu héréditaire comme la fortune et même plus durable qu'elle. Cette hérédité tendait à s'établir jusque dans les dix-huit centuries equo publico, dont la composition dépendait en partie du choix des censeurs. Æbutius qui, en 186 av. J -C., obtint du Sénat le privilégie de ne point recevoir du censeur un cheval payé par l'État[67], et qui fut exempté de tout service militaire, était fils d'un père qui avait servi dans les dix-huit centuries equo publico[68], probablement dans les douze dernières. Nous verrons que l'hérédité du rang de chevalier était encore plus complètement établie dans les six centuries sénatoriales equo publico, parce que l'esprit aristocratique y était plus puissant. |
[1] Tite-Live, V, 7. Quibus census equester erat, equi publici non erant assignati.
[2] C'est le sens de l'expression æra procedunt, stipendia procedunt, que Tite-Live emploie même en pariant de l'époque où la solde n'était pas établit (Tite-Live, III, 37), ou quand il s'agit de chevaliers equo publico qui n'étaient pas soldes (Tite-Live, XXVII, 11 et XXV, 5). Chaque cavalier devait dix ans de service et chaque fantassin seize (Polybe, VI, 19, n° 2.)
[3] Le texte de Tite-Live (V, 7), est : Tum primum equis merere cœperant. Le texte primitif devait porter : equis S merere et l's initial de suis a dû être confondu par un copiste avec l's final d'equis. Car l'épitomé V de Tite-Live répète ainsi cette phrase : Equites tum primum equis suis merere cœperunt, et Tite-Live lui-même dit, quelques lignes plus haut : Equis se suis stipendia facturos promittunt.
[4] Tite-Live, XXVII, ch. XI. An 209. Censores magnum numerum eorum conquisiverunt qui equo merere
deberent.
[5] Tite-Live, IX, 38.
[6] Tite-Live, XXIV, 18. His superioribusque illis equi adempti qui publicum equum habebant ; neque senatu modo aut equestri ordine regendo cura se censorum tenuit. (Comparez XXI, 59, XXX, 18, et XLIII, 16.)
[7] Tite-Live, XXI, 59.
[8] Tite-Live, XXII, 37.
[9] Tite-Live, XXI, 46.
[10] Tite-Live, XXI, 48 et 55.
[11]
Tite-Live, XXV, 3 et 5, et XXVI, 1. Cn. Fulvius Flaccus, préteur, a, en Apulie,
deux légions ; Claudius Nero, préteur, dans le Picenum, deux légions ; M.
Junius, préteur, en Étrurie, deux légions ; le consul Q. Fulvius, deux légions,
à Casilin ; le consul Appius Claudius, deux légions, à Suessula ; le proconsul
Titi. Sempronius Gracchus, deux lisions, en Lucanie ; P. Sempronius Tuditanus,
cieux légions, en Cisalpine ; P. Lentulus, deux légions, dans
[12] Tite-Live, XXI, 47.
[13] Tite-Live, XXII, 49.
[14] Tite-Live, XXII, 8.
[15] Tite-Live, XXI, 59.
[16] Tite-Live, épitomé XX.
[17] Polybe, VI, 20, n° 9.
[18] Polybe, VI, 20, n° 9.
[19] Tite-Live, XXII, 38. Comparez XXIX, 1, et VI, 2.
[20] Tite-Live, XXIX, 1.
[21] Tite-Live, XXXV, 5, et XL, 40.
[22] Polybe, VI, 25.
[23] Tite-Live, VIII, 7.
[24] Tite-Live, XXIII, 7.
[25] Place ainsi nommée parce qu'elle était bordée par les tentes des chefs de la première turma de chaque légion, et par celles des premiers manipules, des rangs de triaires, de princes et de hastats. Les décurions des premiers escadrons et les centurions des manipules appelés primus pilus, primus princeps, primus hastatus, campaient le long de cette place, sur le front de la légion.
[26] Porte ainsi appelée parce qu'elle s'ouvrait en face des tentes des dixièmes escadrons.
[27] Polybe, VI, 27, 28, 29.
[28] Polybe, VI, 35, n° 8, et 36, 37.
[29] Polybe, VI, 34, n° 6.
[30] Cicéron (1re Philippique, 8) dit : Quicumque inquit Antonius ordinem duxit, judicet. — At si ferretis, quicumque equo meruisset, quod est laudatius, nemini probaretis.
[31] Tite-Live, XLII, 31. Sp. Ligustinus, commanda, comme centurion, la première des deux centuries du premier manipule de hastats.
[32] Polybe, IV, 39, n° 12.
[33]
La drachme de
[34] Sur la solde de 1.200 as, voir M. Mommsen, Les tribus romaines, Altona, 1844, pages 41-46.
[35] Tite-Live, XLI, 13.
[36] Tite-Live, V, 7.
[37] Tite-Live, V, 12.
[38] Tite-Live, VII, 41, fin.
[39]
Polybe, VI, 39, n° 13. Nous suivons, sur la capacité du médimne, l'opinion de
M. Letronne, qui en fait une mesure de
[40] Polybe. VI, 39, n° 14 et 15.
[41] Tite-Live, XXII, 42. Duo servi alter Formiani, alter Sidicini equitis.
[42]
Polybe, VI, 39. La ration du cheval du cavalier latin était de celle du cheval
du cavalier romain. Elle émit d'un peu plus de
[43] Livre Ier, ch. III, § 2.
[44] Polybe, VI, 19, n° 2 et 4.
[45] Cicéron, In verrem Actio prima, IV.
[46] Histoire de Jules César, Paris, 1865, liv. II, ch. Ier, I et III.
[47] Tite-Live, XLII, 34.
[48] Orelli, Tableau de la vie politique et littéraire de Cicéron.
[49] Épitomé du livre XCI de Tite-Live.
[50] Appien, Guerres civiles, I, 121.
[51] Cicéron, Pro lege Manilia, XXI.
[52] Cicéron, Pro Sextio, LI.
[53] Cicéron, Philippique I, 8.
[54]
Cicéron, De legibus, III, 3. Tite-Live, IV, 8.
[55] Tite-Live, XXIV, 18.
[56] Nous expliquerons plus loin, ch. II, § 1, le sens du mot ærarii.
[57] Tite-Live, XXIV, 18. additumque tam truci censoriæ notae triste senatus consultum. Comparer : De Republica, IV. Censoris judicium nihil fere damnato nisi ruborem affect.
[58] Tite-Live, XXVII, ch. XI. Ne præterita stipendia procederent iis quœ EQUO
PUPLICO
emeruerant, sed DENA STIPENDIA EQUIS PRIVATIS facerent.
[59] Tite-Live, III, 27. An 456 av.
J.-C.
[60] Tite-Live, V, 7. An 400 av. J.-C.
[61] Krause, Vitæ et fragmenta veterum historicorum romanorum, p. 40.
[62] Denys, VII, 71 et 72. Comparez VI, 10 et 13, et Tite-Live, II, 20 et 42.
[63] Nous traduisons κατ' ΐλας τε καί κατά λόχους : par tribus et par curies, en opposition à κατά συμμορίας τε καί ταξεις : par classes et par centuries. Denys (II, 7) dit : On peut traduire en grec le mot latin tribus par φυλή ou τριττύς et le mot curia par φράτρα ou λόχος. La centurie de fantassins ayant été primitivement fournie par la curie de citoyens (Denys, 14, fin). Denys a employé le même mot λόχος pour désigner et la curie et la centurie. Dans la description de l'assemblée centuriate, il a bien dû appeler aussi λόχοι les dix huit centuries équestres (IV, 18), puisqu'elles font un total avec les quatre-vingts centuries de fantassins de la première classe. Mais le sens primitif de λόχος chez Denys est celui de curie. Quant à l'expression κατ' ΐλας, elle a ici le même sens que κατά φυλας dans la description de la même fête (Denys, VI, 13). Zonaras, X, 35, pour dire que Gaius César fut nommé, sevir unius turmæ equitum publicorum, emploie l'expression ΐλαρχος φυλής. Chacune des six turmæ (ΐλαι) représentait une des six tribus anciennes des Rhamnes, des Tities et des Luceres (Comparez Denys, III, 71).
[64] C'est ainsi que la famille des Marius était cliente de celle des Herennius (Plutarque, Vie de Marius, V).
[65] Ovide, Amours, liv. III, élégie XV.
[66] Ovide, Ex Ponto, liv. IV, épître VIII.
[67] Tite-Live, XXXIX, 19.
[68] Tite-Live, XXXIX, 9.