LOUIS XVII, SA VIE, SON AGONIE, SA MORT

CAPTIVITÉ DE LA FAMILLE ROYALE AU TEMPLE

TOME PREMIER

 

LIVRE PREMIER. — VERSAILLES.

27 mars 1785 - 6 octobre 1789.

 

 

Popularité de Louis XVI. — Ses vertus, ses qualités et ses défauts. — Suppression des abus. — Coup d'œil sur la situation. — Relevailles de la Reine. — Voyage de Cherbourg. — Mort du premier fils de Louis XVI. — Le duc de Normandie prend le titre de Dauphin. — Son portrait. — Anecdotes. — Le Roi et la Reine président à l'éducation de leur fils. — Goût du jeune Prince pour les fleurs. — Son amour pour sa mère. — Sa réponse à un courtisan. — Visite qu'il reçoit. — La révolution s'annonce. — Journée du 14 juillet. — Madame de Tourzel gouvernante des Enfants de France. — Instructions données par la Reine à madame de Tourzel sur le caractère et pour l'éducation du Dauphin. — Portrait de la Reine. — Journées des 5 et 6 octobre.

 

Louis-Charles de France et de Bourbon, second fils de Louis XVI, roi de France, et de Marie-Antoinette-Josèphe-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d'Autriche et reine de France, naquit au château de Versailles, le dimanche de Pâques, vingt-septième jour du mois de mars 1785, à sept heures moins cinq minutes du soir.

L'accouchement de la Reine avait été si prompt et si heureux, qu'on reçut presque en même temps à l'hôtel de ville de Paris la nouvelle des douleurs de la Reine et celle de la naissance du Prince. Les messagers se succédaient rapidement entre le château de Versailles et la ville de Paris. M. de Brissac, qui en était le gouverneur, avait annoncé, dès huit heures moins cinq minutes, l'imminence de l'événement : à huit heures, le chevalier d'Escours, capitaine des gardes du gouverneur, vint avertir qu'il était accompli. Enfin, à huit heures dix minutes, on vit arriver à l'hôtel de ville M. le comte de Sainte-Aulaire, lieutenant des gardes du Roi, de service auprès de la Reine, et chargé d'annoncer cette nouvelle de la part du Roi[1].

Contrairement à l'ancien usage qui faisait retarder de quelques années le baptême des Enfants de France, Louis-Charles fut baptisé le jour même de sa naissance, à huit heures et demie, par le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, grand aumônier, et par l'abbé Brocqueville, curé de la paroisse Notre-Dame de Versailles. Il eut pour parrain Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence, Monsieur, frère du Roi, et pour marraine Marie-Charlotte-Louise de Lorraine, archiduchesse d'Autriche, reine des Deux-Siciles, représentée par Madame Elisabeth[2].

Il reçut le titre de duc de Normandie, qu'aucun fils de France n'avait porté depuis le quatrième fils de Charles VII. Le Roi, suivi de toute la cour, s'était rendu à la chapelle du château, où le Te Deum fut chanté. La cérémonie terminée, M. de Calonne, contrôleur général des finances et grand trésorier des ordres du Roi, porta au Prince nouveau-né le cordon et la croix de l'ordre du Saint-Esprit.

Vers les neuf heures, on tira sur la place d'armes un très-beau feu d'artifice en présence du Roi et de toute la cour.

A peu près à la même heure, une décharge des boites et des canons de la ville, placés d'avance sur le port au Blé, et la cloche de l'hôtel de ville sonnant en tocsin, .apprenaient aux Parisiens que Dieu avait accordé un second fils au Roi[3].

Le lendemain, de par les prévôt des marchands et échevins, il fut ordonné à tous les habitants de la ville et des faubourgs de Paris, d'illuminer les façades de leurs maisons dans la soirée du 28. A six heures, le gouverneur se rendit à l'hôtel de ville pour assister à la cérémonie du feu de fagots d'usage en pareille circonstance. Sur la place de Grève, du côté de la rivière, était disposé un bûcher de cinq cents fagots, couronné par un arbre vert ; après en avoir fait le tour, suivis d'un grand cortège, le gouverneur et le prévôt des marchands y mirent le feu. Peu 'de temps après, sur cette même place, un feu d'artifice fut tiré ; et aussitôt l'hôtel de ville donna le signal des illuminations. Quinze buffets, dont quatre sur la place de Grève, et autant de fontaines, prodiguèrent au peuple le pain, les cervelas et le vin ; et la musique d'autant d'orchestres fit prolonger les danses bien-avant dans la nuit[4].

Le vendredi 1er avril, par ordre du Roi, un Te Deum fut chanté en l'église de Notre-Dame de Paris ; tous les grands corps de l'Etat s'y trouvaient convoqués. Sa Majesté y arriva à six heures moins un quart. Sur son passage, à sa venue comme à son retour, il fit jeter de l'argent au peuple. En sortant de l'église, à sept heures un quart, il trouva toutes les maisons illuminées[5] ; et les acclamations populaires témoignèrent de l'amour de la France pour le monarque qui, dans la fleur de la jeunesse, faisait sa félicité de la félicité publique.

Jamais, en effet, roi n'était monté sur le trône avec des intentions plus droites et plus pures que Louis XVI. Il n'avait pas seulement le goût, il avait la passion du bien. C'était pour lui une satisfaction inexprimable que de se sentir aimé par son peuple, une souffrance cruelle que de voir cet amour diminuer. De là, la popularité si méritée dont il jouissait au commencement de son règne. Il avait couru droit aux mesures qu'il jugeait les plus propres à obtenir cette affection, à celles aussi qu'on lui indiquait comme propres à atteindre ce but, et c'était non-seulement sans hésitation, mais avec joie, qu'il réforma les abus qu'il découvrit ou qui lui furent signalés, alors même que la suppression de ces abus appauvrissait son épargne ou diminuait l'appareil du trône. Il s'indignait surtout de ces infidélités et de ces rapines qui appesantissaient les charges déjà si lourdes du peuple.

La France applaudit à cette probité vigilante. Elle saluait en même temps les réformes utiles : la servitude personnelle abolie dans le domaine royal, la corvée remplacée par une imposition générale dont le Roi voulut que ses propres domaines ne fussent pas exempts ; les impôts qui pesaient sur l'agriculture diminués par un prince qui avait pour les laboureurs l'affection de Henri IV ; la torture effacée de nos codes ; la vie civile rendue aux protestants ; le port de Cherbourg s'ouvrant sur la côte qui regarde l'Angleterre, Port-Vendres sur celle qui regarde l'Espagne ; tandis que les flottes françaises faisaient reparaître avec éclat sur les mers le pavillon de Duquesne, de Duguay-Trouin et de Jean Bart, et que la jeune Amérique naissait à l'indépendance à l'ombre du vieil étendard fleurdelisé. C'était un beau et grand spectacle qui saisissait tous les esprits en deçà et au delà de nos frontières. Le peuple alors, plein d'enthousiasme pour un Roi dont la plus grande consolation était d'alléger ses souffrances, courait écrire sur le piédestal de la statue de Henri IV : Redivivus, et les voix les plus écoutées dans toute l'Europe annonçaient à ce jeune règne de grandes destinées.

Cependant qui aurait pu confronter les dons, le caractère et l'esprit que le Roi avait reçus du ciel, avec les besoins, les aspirations et surtout les difficultés et les vices du temps, aurait dès lors lu dans l'avenir de graves complications. Louis XVI était un prince profondément honnête, attaché à ses devoirs, d'un esprit éclairé mais sans hardiesse, d'un caractère qui devait se trouver fort devant le malheur, mais dont le courage passif qui accepte le péril ne s'unissait pas au courage qui le surmonte. Il avait le coup d'œil juste, mais une grande défiance de lui-même rendait inutile cette justesse d'esprit. Élevé loin des affaires pendant le règne de son aïeul Louis XV, il avait le sentiment profond de son inexpérience. C'eût été un admirable Roi pour exercer, dans des temps tranquilles, sous des lois depuis longtemps établies, un pouvoir sagement limité et réglementé par des institutions incontestées, car il avait la clairvoyance et le goût du bien, et c'était un de ces hommes pour qui il n'y a qu'une chose difficile, connaître leur devoir. Mais il se trouvait dans une situation en face de laquelle ses qualités ne devaient lui être guère moins fatales que ses défauts, car cette situation eût précisément réclamé des qualités et des défauts contraires.

On était à une époque de rénovation et de changement. Le courant des idées philosophiques du dix-huitième siècle y poussait tout entier. Ce qu'il y avait de plus dangereux, c'est que les esprits étaient à la fois novateurs et théoriques, à cause de la longue suspension des états généraux qui avait laissé la nation étrangère à ses affaires. On ne voyait que le but sans voir la difficulté, et comme on ne la voyait pas, on croyait tout possible.

Les corps mêmes qui, par leur nature, semblaient destinés à modérer le mouvement, la noblesse et une grande partie du clergé, étaient profondément atteints par les idées nouvelles, de sorte que les contre-poids manquaient à ce rationalisme politique, qui passait non-seulement les abus mais les institutions elles-mêmes au crible du libre examen.

Le mouvement intellectuel de Paris remuait le monde. Les échos de l'Europe et de l'Amérique répondaient à la voix de la philosophie française.

Plus hardi mais moins sage que Montesquieu, Beccaria attaquait dans Milan les formes vicieuses de la vieille législation.

Alfieri à Florence, Schiller à Weimar, se faisaient les Tyrtée de leur pays.

Chatham, à la tribune d'Angleterre, inaugurait la politique moderne.

La philosophie avait éclairé d'une lumière douteuse mais brillante tous les sommets de la société ; J. J. Rousseau, Diderot, Helvétius, Voltaire, apôtres irrésistibles d'une société sans foi, avaient rempli le monde de leurs disciples. La généralité du mouvement en augmentait l'intensité.

Toutes les imaginations étaient ébranlées, et il y avait dans toutes les âmes une ardente aspiration au renouvellement de l'ordre social. On remarquait dans l'esprit des sages, comme - dans les instincts du peuple, et l'on sentait dans l'air ces signes certains qui annoncent les grands changements.

Il n'y avait pas en Europe un esprit supérieur qui se confiât au passé. Quelques rares médiocrités se tenaient seules immobiles et les yeux fermés sous l'abri exclusif des vieilles institutions.

Le torrent des griefs, grossi pendant des siècles, allait rompre ses digues. 1789 sortait des entrailles de la France nouvelle ; révolution née des mœurs, des idées, des espérances et des illusions de tous.

Pour conduire ce mouvement à son but légitime en évitant les écueils semés sur sa route et pour l'empêcher de dépasser ce but, il aurait fallu l'esprit le plus prévoyant et le plus prompt dans ses décisions, la volonté la plus ferme, la main la plus vigoureuse, soit pour innover malgré des résistances imprudentes, soit pour arrêter l'innovation à des limites raisonnables malgré tous les entraînements. Encore n'est-il pas bien sûr qu'avec toutes ces qualités on eût réussi, tant les difficultés étaient grandes, les esprits enivrés, et, disons-le aussi, les cœurs corrompus.

Mais Louis XVI n'avait aucune des qualités réclamées par les circonstances. Trop pur pour comprendre la perversité des hommes, trop faible pour les dominer, il avait la bienveillance sans la volonté, le courage sans la décision. Comme un père trop tendre et malheureux d'avoir à gronder, il regardait avec une charité profonde les vices et les ambitions qui se traînaient sous ses pieds ou à ses genoux. Il était instruit, mais une science lui manquait, celle qui lui eût été la plus nécessaire, la science du gouvernement. Honnête, il ne craignait pas la calomnie, car il trouvait au fond de son cœur, dans le témoignage de ses intentions, la justification de ses actes. Cette candeur de conscience devait encore tourner contre lui : aucune vie n'est au-dessus de la calomnie ; les intrigues et les pamphlets allaient amonceler autour de la sienne toutes sortes de haines mesquines, capables de faire trébucher un géant. Son cœur était ferme, mais son esprit timide ; de sorte qu'au lieu de prévoir et de diriger les événements, il les 'suivait, ce qui devait le mener infailliblement à sa perte ; car les idées conduisaient les événements à l'assaut des principes sur lesquels avaient reposé jusque-là la société française, l'hérédité incontestée, la souveraineté royale, la religion.

Pour comble de malheur, Louis XVI, avec tant de vertus, avait deux défauts de caractère dangereux dans tous les temps, mortels dans celui où Dieu l'avait fait naître. Le premier, c'est qu'il ne savait pas résister longtemps à un mouvement d'opinion ; au lieu de s'en servir comme les marins se servent du vent pour avancer dans une direction déjà déterminée, il arrivait bientôt à le servir ; ce n'était plus seulement une force motrice qu'il employait, c'était sa boussole. Le second, c'est qu'il sacrifiait sans cesse ses propres idées, qui étaient ordinairement saines et bonnes, à celles des hommes qu'on lui présentait comme capables. C'est ainsi qu'il laissa appliquer successivement les idées de Turgot, de Brienne, de Calonne, de Necker, etc., quoiqu'il eût les doutes les plus légitimes sur l'efficacité pratique de leurs systèmes. Une telle défiance de lui-même devait mettre sa politique sur le chemin des essais aventureux et des revirements plus périlleux encore au milieu de ces essais. Un mot peint cette tournure d'esprit et de cœur. En arrivant au trône, Louis XVI rappela les anciens parlements, que le chancelier Maupeou avait dissous ; il comprenait les inconvénients de leur retour, mais il répondit à un de ses ministres ami du Dauphin son père, qu les lui rappelait : Je sais tout cela, mon cher du Muy, mais je veux et je dois avant tout commencer par me faire aimer de mon peuple. Dans un temps où le vent des innovations soufflait, et où le peuple devait successivement suspendre ses espérances à toutes les chimères, cette manière de raisonner et surtout d'agir devait mener loin et mena loin Louis XVI. Du rappel des parlements elle le conduisit à la convocation des notables, de la convocation des notables à la réunion des états généraux, au doublement du Tiers, à la confusion des ordres, à l'Assemblée constituante, au 15 juillet, aux 5 et 6 octobre, enfin, d'étape en étape, au terme fatal.

Déjà les idées nouvelles commençaient à fermenter. Neuf jours après la naissance du duc de Normandie (5 avril 1785), on lisait à l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres un Mémoire sur le récit des historiens anciens et modernes au sujet de l'avènement de Hugues Capet au trône. L'auteur semblait s'être proposé de prouver que Hugues avait reçu la- couronne du consentement libre de la nation. Ce thème fut exploité par les encyclopédistes, dont les utopies laissaient entrevoir déjà la possibilité d'une quatrième dynastie.

Mais ces idées d'innovation qui fermentaient au sein du monde lettré n'étaient pas descendues dans la rue : la royauté tranquille suivait encore sa marche heureuse sous un ciel sans nuage. Le 24 mai, Marie-Antoinette vint à Paris remercier Dieu de sa délivrance, et le peuple de son affection.

Dès le matin le corps de ville s'était rendu avec le gouverneur de Paris à la porte de la Conférence, au-devant de Sa Majesté. A neuf heures et demie le canon des Invalides annonça l'arrivée de la Reine. Cinquante gardes du corps du Roi et le plus brillant cortège accompagnaient sa voiture, où elle avait près d'elle Madame Élisabeth et Madame Adélaïde. Le carrosse s'arrêta à l'endroit où avait été la porte de la Conférence ; la portière ayant été ouverte, le corps de ville s'avança, et, présenté par le gouverneur, mit un genou en terre. Le prévôt des marchands adressa à la Reine le compliment d'usage. La Reine y répondit avec grâce, et la portière ayant été refermée, la voiture reprit sa marche. La Reine se rendit d'abord à Notre-Dame, où elle fit ses dévotions, puis à Sainte-Geneviève, et enfin aux Tuileries, où elle arriva à deux heures. Elle y dîna, alla ensuite à l'Opéra, et après le spectacle, se rendit au Temple pour y souper. Au sortir de table, elle fut conduite à la place Louis XV — hélas ! ce trajet se retrouvera dans cette histoire ! — pour y voir tirer un feu d'artifice que le comte d'Aranda, ambassadeur d'Espagne, avait fait placer sur les combles de son hôtel. Il était alors minuit.

Le lendemain, mercredi 25 mai, Marie-Antoinette dina chez la princesse de Lamballe, se rendit ensuite à la Comédie italienne, et repartit après pour Versailles. Dans ces deux journées, la Reine avait été l'objet d'une sorte d'enthousiasme, et elle pouvait croire qu'elle emportait les bénédictions de Dieu avec les acclamations du peuple.

Ces acclamations accompagnèrent d'une façon plus vive encore le Roi dans un voyage que l'année suivante (21 juin 1786) il fit à Cherbourg, afin de visiter les immenses travaux qu'il avait ordonnés dans ce port militaire, destiné à regarder en face un grand peuple, alors notre ennemi. Louis XVI s'était fait de la route qu'il devait parcourir une carte détaillée, contenant les châteaux et les principales habitations des notables, avec l'indication de leurs noms et des services qu'ils avaient pu rendre. Ces braves gens, qui eurent l'occasion de l'aborder, restaient émerveillés de voir que le Roi connaissait non-seulement leurs noms, mais des particularités de leur vie et leurs souvenirs de famille. Leur enthousiasme s'accroissait encore de l'étonnement des courtisans. Aussi Louis XVI rapporta de bien douces émotions de ce voyage, qu'il se plut sans cesse à rappeler, s'applaudissant d'avoir donné au second de ses fils le nom de cette belle province. Viens, mon petit Normand, lui disait-il souvent en le pressant dans ses bras, ton nom te portera bonheur.

On a vu sous quels auspices s'était ouverte cette existence que semblaient attendre de si hautes et do si heureuses destinées. L'avenir ne tarda pas à lui faire encore de plus magnifiques promesses. Le Dauphin (Louis-Joseph-Xavier-François), né à Versailles le 22 octobre 1781, mourut à Meudon le jeudi 4 juin 1789. C'était un enfant charmant, qui annonçait les plus belles qualités du cœur et de l'esprit. Tout le royaume le regretta. Les états généraux, ouverts depuis un mois, se rendirent les interprètes de la douleur publique. Dans la séance même du 4 juin, le Tiers chargea M. le Doyen de présenter à Leurs Majestés l'expression de la profonde affliction dont la mort de M. le Dauphin avait pénétré l'Assemblée ; et la noblesse, sur la motion de M. le duc du Châtelet, convint également, à l'unanimité, de députer au Roi et à la Reine pour leur témoigner la part qu'elle prenait à leur douleur.

Dans la séance du Tiers du lendemain, Bailly proposa d'aller jeter de l'eau bénite sur le corps du jeune Prince, ce qui fut accepté à l'unanimité. Mais si l'on s'en rapporte à plusieurs contemporains dont le témoignage a un grand poids[6], le Tiers montra, dans la plus étrange absence de tact et de sentiment, jusqu'où il portait ses prétentions. Deux heures après la mort de son fils, Louis XVI, qui s'était enfermé pour le pleurer librement, fut averti que le président du tiers état insistait pour entrer, quoiqu'il connût la mort du jeune Prince. Le Roi s'écria alors : Il n'y a donc pas de pères dans cette chambre du Tiers ! et il le reçut.

Ne semble-t-il pas qu'il y ait eu dans la date de la naissance et de la mort de ce prince destiné au trône quelque chose de prophétique et de fatal ? Il naquit le 22 octobre 1781, et les fêtes de son baptême furent renvoyées au 21 janvier de l'année suivante ; et les vieux états généraux, tombés en désuétude depuis Richelieu, ne préludèrent à leurs travaux qu'en assistant aux funérailles de l'héritier de la monarchie, qui semblait reculer jusque dans le tombeau pour éviter une lamentable destinée.

Déjà, en 1787, la Reine avait perdu une fille en bas âge[7]. La mort de ces deux enfants fut le premier anneau de cette chaîne d'afflictions réservée à la maison royale. L'enfance du duc de Normandie était, jusqu'au mois de juin 1789, demeurée comme inaperçue ; la mort de son frère aîné fit reporter sur lui les regards et les espérances de la France, et lui imposa ce titre de Dauphin[8] qui soumet un prince à l'apprentissage et aux obligations de la royauté future. Mais il était encore trop jeune pour savoir jusqu'à quel point il avait à regretter son frère.

Heureux âge ! il ne pouvait apercevoir encore le royal et terrible héritage auquel cette perte, selon toute apparence, devait le condamner dans un avenir lointain ; et de toute la succession fraternelle sa pensée enfantine ne recueillait que la possession immédiate d'un joli petit chien qui, après avoir appartenu au Dauphin, lui appartint à son tour, et qui répondait au nom de Moufflet.

Louis XVI, qui partageait également ses affections entre ses enfants, reporta sur le duc de Normandie cet intérêt particulier, sinon exceptionnel, qu'un roi doit à celui que sa naissance appelle à-occuper après lui le rang suprême. La Reine, de son côté, lui donna les soins les plus attentifs et les plus assidus ; elle voulait être l'institutrice aussi bien que la mère de son fils.

Il avait alors un peu plus de quatre ans. Sa taille était fine, svelte, cambrée, et sa démarche pleine de grâce ; son front large et découvert, ses sourcils arqués ; je peindrais difficilement l'angélique beauté de ses grands yeux bleus, frangés de longs cils châtains ; son teint, d'une éblouissante pureté, se nuançait du plus frais incarnat ; ses cheveux, d'un blond cendré, bouclaient naturellement et descendaient en épais anneaux sur ses épaules ; il avait la bouche vermeille de sa mère, et, comme elle, une petite fossette au menton. On retrouvait dans sa physionomie, à la fois noble et douce, quelque chose de la dignité de Marie-Antoinette et de la bonté de Louis XVI. Tous ses mouvements étaient pleins de grâce et de vivacité ; il y avait dans ses manières, dans son maintien, une distinction exquise, et je ne sais quelle loyauté enfantine qui séduisait tous ceux qui l'approchaient. Sa bouche ne s'ouvrait que pour faire entendre les naïvetés les plus aimables. On l'admirait en le voyant, on l'aimait après l'avoir entendu. Les enfants et les princes sont ordinairement personnels ; mais celui-ci n'avait ni l'égoïsme des princes ni l'égoïsme des enfants, qui sont des rois à leur manière. Il ne songeait jamais qu'aux autres ; il était tendre pour ceux qui l'aimaient, attentif pour ceux qui lui parlaient, prévenant pour ceux qui le visitaient, poli pour tout le monde. Ces excellentes qualités étaient toutefois tempérées par une vivacité et une impatience singulières ; il souffrait avec peine le joug des femmes commises à son service, et combattait de toutes les forces de son âge la règle établie pour son lever et son coucher ; son indocilité cessait à la vue de sa mère.

C'est qu'il trouvait en elle l'ascendant de l'autorité aussi bien que l'influence de l'affection. Aussi avait-il pour elle amour et respect. Cette haute et tendre institutrice savait façonner son caractère, rectifier ses défauts en même temps que lui épargner des peines. Chargée de son instruction avant qu'il passât entre les mains des précepteurs, il n'est sorte de moyens qu'elle n'inventât pour mettre à sa portée les éléments des premières connaissances. Les principes de la lecture n'offrant rien d'attrayant, elle ne lui en fit point d'abord un devoir sérieux ; elle chercha avant tout à lui en inspirer le goût et le désir. Elle lui lisait ou lui faisait lire ces contes naïfs, ces moralités simples, ces fables charmantes à la fois et profondes que le génie de la Fontaine, le talent de Perrault et de Berquin ont mises à la portée de l'enfance ; et ce fut sous forme de récréation que les premières leçons vinrent à lui. Ces lectures donnèrent lieu de remarquer l'esprit et la sagacité du jeune élève : il écoutait très-attentivement, et sa physionomie animée reflétait toutes les couleurs et toutes les péripéties du petit drame qui lui était lu ; les éclats d'admiration s'échappaient au récit des choses qui entraient franchement dans son intelligence ; celles qui restaient en dehors, confuses et indécises, élevaient un petit nuage à son front rêveur et à ses yeux étonnés ; et c'étaient alors cent questions plus naïves les unes que les autres, remarques originales, réflexions ingénieuses qui plus d'une fois surprirent ses auditeurs, et leur donnèrent de l'avenir intellectuel de l'enfant royal l'idée la plus haute et la plus heureuse.

La sensibilité de son cœur, la délicatesse de son âme répondaient à la perspicacité de son esprit, à la noblesse de son caractère. Après les entretiens familiers qui suivaient toujours la lecture, la Reine ordinairement se mettait au clavecin ou à sa harpe ; et ce qu'elle avait tenté pour faire naître chez son fils le goût de la lecture, elle le faisait encore pour lui donner le goût de la musique ; elle lui jouait de petits airs expressifs qu'elle avait appris ou composés pour lui, et il était aisé de voir aux mouvements de tête de l'enfant et à sa figure radieuse qu'il avait l'oreille ouverte au charme de l'harmonie. Un soir, étant à Saint-Cloud, sa mère chantait en s'accompagnant la romance de l’Ami des Enfants :

Dors, mon enfant, clos ta paupière,

Tes cris me déchirent le cœur ;

Dors, mon enfant, ta pauvre mère

A bien assez de sa douleur.

(Œuvres complètes de BERQUIN, t. VIII, p. 101.)

Ce couplet et ces paroles ta pauvre mère chantés avec âme, avaient remué vivement le cœur du Dauphin, qui, silencieux et immobile dans son petit fauteuil, était tout yeux et tout oreilles à côté du clavecin. Madame Elisabeth, qui était présente, surprise de le voir si tranquille, lui dit en riant : Ah ! pour le coup, voilà Charles qui dort. Levant soudain la tête, il repartit d'un air pénétré : Ah ! ma chère tante, peut-on dormir quand on entend maman Reine ?

Il y avait un enfant dont les qualités précoces et la mort héroïque[9] avaient laissé dans la mémoire de la famille royale et de la France un souvenir et un deuil dont le marquis de Pompignan s'était fait à la fois l'interprète et le consolateur en écrivant avec une simplicité touchante la Vie du duc de Bourgogne, fils du grand Dauphin et frère aîné de Louis XVI.

C'est dans ce livre, consacré à l'éloge d'un enfant mort à neuf ans à la suite des souffrances les plus douloureuses, supportées avec un courage extraordinaire, que Louis-Charles apprit à lire. Étrange rapprochement ! Louis XVI, jeune homme, avait, comme étude de la langue anglaise, traduit la vie de Charles Ier, et le Dauphin, enfant, avait sous les yeux, pour s'initier à la lecture, la vie du dernier duc de Bourgogne ! C'est ainsi que dans l'étude du passé, l'avenir, par un triste mirage, se reflétait pour le père comme pour le fils.

Ce livre ne fut pas seulement pour Louis-Charles un sujet de lecture, il devint un sujet d'émulation. Les traits naïfs de l'enfance du petit oncle et les exemples de ses vertus prématurées étaient vivement sentis par le jeune neveu. Excité également par l'amour-propre et par le cœur au désir de l'imiter, il s'informa s'il avait dans la figure quelque ressemblance avec lui, et demanda qu'on lui fit voir son portrait. On le lui donna très-bien peint sur une bonbonnière ; il le contempla longtemps avec une sorte d'étonnement, et le baisant d'un air sérieux et réfléchi : Comment faisait-il donc, mon petit oncle, pour avoir déjà tant de science et de sagesse ?

Louis XVI, contrairement aux usages établis, ne composa point de maison à son fils ; il eût craint, en l'environnant d'un certain nombre d'officiers, de gentilshommes et de domestiques, de l'exposer aux fâcheuses influences de la flatterie. Il voulait que tout ce qui l'approchait ne pût lui inspirer que l'amour de la vertu et de la gloire.

L'héritier du trône avait pour gouvernante madame la duchesse de Polignac, amie particulière de la Reine ; il eut pour précepteur l'abbé d'Avaux, qui depuis plusieurs années enseignait déjà à Madame Royale, sa sœur, la religion, l'histoire, la lecture, la fable et la géographie. Ce n'était pas un homme d'un grand mérite, mais il savait si bien se mettre à la portée des enfants, que le moment de l'étude était pour eux une récréation. Tout en donnant un précepteur à son fils, on peut dire que Louis XVI s'était réservé pour lui-même les douces fonctions de gouverneur, car ce sera toujours le plan qu'il tracera lui-même qui sera fidèlement suivi dans cette éducation si importante. En prenant cette haute tutelle, le Roi dit à la Reine : C'est pour vous seconder que je m'occuperai de notre enfant ; car je n'ai pas la prétention de mieux faire que vous n'avez fait jusqu'à ce jour. Je m'estimerai heureux si mes efforts répondent à vos soins, et si je fais tenir un jour à Charles tout ce que vous lui avez fait promettre. Sous ce rapport au moins le Roi devait se croire heureux, car jamais affection de père, jamais orgueil maternel n'avaient reposé sur une petite tête plus digne.

Le Dauphin avait reçu en partage — dit le vertueux M. Hue — une figure céleste, un esprit précoce, un cœur sensible et le germe des plus grandes qualités. Dans un âge encore tendre, ce Prince faisait admirer la grâce et la finesse de ses reparties. Combien d'exemples ne pourrais-je pas en citer !

Un jour, étudiant sa leçon, il s'était mis à siffler ; on l'en réprimandait. La Reine survint, et lui fit quelques reproches. Maman, reprit-il, je répétais ma leçon si mal, que je me sifflais moi-même. Un autre jour, dans le jardin de Bagatelle, emporté par la vivacité, il allait se jeter à travers un buisson de rosiers. Je courus à lui : Monseigneur, lui dis-je en le retenant, une seule de ces épines peut vous crever les yeux ou vous déchirer le visage. Il se retourna, et me regardant d'un air aussi noble que décidé : Les chemins épineux, me dit-il, mènent à la gloire[10].

Instruite par M. Hue de cette réponse, la Reine fit venir immédiatement le Dauphin, et lui dit : le Mon fils, vous avez cité une maxime très-vraie, mais vous ne l'avez pas appliquée justement. Il n'y a aucune gloire à se crever les yeux seulement pour le plaisir de courir et de jouer. S'il eût été question de détruire un animal pernicieux, de tirer une personne de danger, d'exposer enfin sa vie pour en sauver une autre, cela pourrait s'appeler gloire ; mais ce que vous avez fait n'est qu'étourderie et imprudence. Attendez d'ailleurs, mon enfant, pour parler de la gloire, attendez que vous soyez en état de lire l'histoire de vos aïeux et des héros français qui, tels que du Guesclin, Bayard, Turenne, d'Assas et tant d'autres, ont défendu la France et notre couronne au prix de leur sang. Donnée avec l'onction de la tendresse, avec l'autorité de la raison, cette grave leçon fit une impression profonde sur le cœur du jeune Prince, qui d'abord se mit à rougir ; puis saisissant la main de sa mère, il y imprima un baiser : Eh bien, moi, chère maman, dit-il avec un à-propos plein de grâce, je mettrai ma gloire à suivre vos conseils et à vous obéir.

La vivacité de son caractère se retrouvait dans ses jeux comme dans ses travaux. Il se plaisait à courir, à sauter, à passer par les chemins difficiles, à descendre à pic dans les fossés profonds. Il ne craignait rien, aussi dût-on plus d'une fois l'arrêter dans ses petites expéditions entreprises pour montrer sa force et son agilité.

Il aimait beaucoup le Roi, mais le Roi, bien qu'il fût la bonté même, lui imposait, tandis qu'il se trouvait à l'aise avec la Reine qu'il adorait, et à laquelle il exprimait ses sentiments de la manière la plus charmante. Sa gaieté et son enjouement étaient la seule diversion aux peines journalières de sa mère. Elle l'élevait parfaitement, et quoiqu'elle eût pour lui la tendresse la plus vive, elle ne le gâtait pas, et appuyait, en toute occasion, les représentations que sa gouvernante ou son précepteur pouvaient lui faire.

De son côté, il n'est sorte de preuves de tendresse que le petit Prince ne cherchât à donner à sa mère. Il avait remarqué qu'elle aimait les fleurs, et chaque matin sa première occupation était de courir, seul avec une femme de chambre et le fidèle Moufflet, dans les jardins de Versailles, et de cueillir des bouquets qu'il venait déposer sur la toilette de la Reine avant qu'elle fût levée. Tous les jours c'était une nouvelle moisson de fleurs, et tous les jours l'heureuse mère pouvait voir que le premier acte de son fils était pour elle aussi bien que sa première prière. Lorsque le mauvais temps mettait obstacle à la promenade et conséquemment à la récolte, il disait avec chagrin : Je ne suis pas content de moi ! Je n'aurai pas mérité aujourd'hui le premier baiser de maman[11].

Le Roi observait avec un vrai bonheur comme avec une tendre sollicitude les dispositions aimantes de son fils et son culte pieux pour sa mère. Il se plaisait aussi à assister à ses exercices ; il examinait ses cahiers, il l'interrogeait lui-même sans cesse, il l'observait au jeu, afin de mieux connaître ses goûts et son caractère. Il se réjouissait de lui voir des inclinations si douces et si pures, et si propres à développer les forces du corps ; ce fut pour cultiver chez lui ce goût et pour encourager ces dispositions, qu'il lui consacra spécialement un petit terrain devant les appartements, sur la terrasse du château, et lui fit donner un râteau, une bêche, des arrosoirs, et tous les instruments nécessaires au jardinage.

C'est là que le Prince passait les moments de loisir que lui laissait l'intervalle de ses leçons ; il voulait être le seul jardinier de son petit parterre, qui ne fut pas le moins bien tenu de tout le parc. Mon père m'a donné ce jardin, c'est pour en avoir soin moi-même, dit-il un jour. Mais, ajouta-t-il après une légère pause et avec un air charmant, je n'en suis que le fermier ; les produits sont pour maman. C'était pour lui une grande joie de voir croître et fleurir les arbustes qu'il avait arrosés : ses bouquets de chaque matin lui paraissaient hier plus jolis depuis qu'il les composait des fleurs de son petit domaine. Un seigneur de la cour le voyant un jour bêcher sa plate-bande avec tant d'ardeur que la sueur inondait son front et ruisselait sur ses joues, lui dit : Vous êtes bien bon de vous fatiguer ainsi, Monseigneur ; que ne parlez-vous ? Un jardinier vous fera cette besogne d'un tour de main. — C'est possible, répondit l'enfant, mais ces fleurs, je veux et je dois les faire croître moi-même ; elles seraient moins agréables à maman si elles étaient cultivées par un autre[12].

La gentillesse et l'esprit précoce du Dauphin avaient déjà acquis à la cour une certaine vogue qui commençait à se répandre plus loin, et l'on citait de l'aimable petit prince plusieurs particularités qui donnaient grande envie de le voir et de è connaître. Une institutrice qui tenait à Paris un pensionnat renommé, vint un jour dans cette intention à Saint-Cloud, et demanda à une dame de la cour qu'elle connaissait, la faveur d'être admise auprès du Dauphin avec trois de ses élèves qui l'accompagnaient. La Reine s'empressa d'accorder cette grâce, et, pour en augmenter le prix, voulut recevoir l'institutrice et ses élèves, et les présenter à son fils elle-même. Les trois jeunes personnes et leur maîtresse tremblaient d'émotion, mais la dignité imposante de la Reine se fit douce et affable afin de les rassurer. Avant de se retirer, l'institutrice ayant demandé pour ses élèves la permission de baiser la main de l'enfant royal, celui-ci se prêta à ce désir avec une grâce d'autant plus charmante qu'il paraissait gêné et presque humilié de ce qu'il accordait. Puis, ayant retiré sa petite main que les trois jeunes filles venaient de baiser, il s'avança lui-même vers leur maîtresse, qui se tenait respectueusement à distance, et, avec un sentiment exquis de l'âge et de la qualité des personnes, il lui dit en élevant sa tête radieuse : Vous, madame, baisez-moi au front, je vous prie.

Si cette entrevue, si ces paroles donnent une idée du tact du jeune Prince, l'anecdote suivante fera connaître son esprit de justice. L'enfant avait, dans une de ses promenades, dérobé une flûte à un jeune page chargé de l'accompagner, et l'avait par malice cachée dans un if de la terrasse du jardin. Instruite de cette espièglerie, la Reine jugea nécessaire d'en punir l'auteur, non cette fois sur sa personne même, mais dans un objet de son affection ; le pauvre Moufflet porta la peine de l'espièglerie de son maître : compagnon de tous ses jeux, il fut dans cette affaire traité comme son complice et condamné pour lui aux arrêts. Relégué dans un cabinet noir, privé de sa liberté et de la vue de son jeune maître, le pauvre animal se mit à gratter à la porte, à grogner, à pleurer, à japper de toutes ses forces. Ses lamentations retentirent dans le cœur du vrai coupable, qui, plein de compassion pour son chien chéri, s'en alla tout éploré trouver la Reine : Mais, maman, ce n'est pas Moufflet qui a fait le mal, dit-il, ce n'est pas non plus Moufflet qu'on doit punir ; je vous en prie, délivrez-le, et je vais me mettre à sa place. Cette grâce obtenue, le jeune Prince prit en effet la place de l'innocent, et se condamna lui-même aux arrêts, bien au delà du terme prescrit. Ce n'est pas tout : dans la solitude du cabinet, il se prit à réfléchir sur sa conduite, et il se dit que si sa faute était expiée, elle n'était pas réparée ; et le premier usage qu'il fit de sa liberté, ce fut d'aller au jardin chercher la flûte dans sa cachette et de la rapporter à son camarade.

On aurait vraiment droit d'estimer dans un tout petit enfant du peuple une telle façon de penser et d'agir, et combien ne semble-t-elle pas plus louable dans un fils de roi, livré, malgré les précautions paternelles et par la force même des choses, aux flatteries d'un entourage obséquieux !

Des frayeurs prophétiques se mêlèrent bientôt aux joies qui saluaient le berceau royal : déjà de sourdes rumeurs se faisaient entendre. De graves événements s'annonçaient ; des fautes commises, des systèmes économiques témérairement essayés, des imprudences amenées par l'inexpérience du Roi, des concessions arrachées à sa faiblesse, des disettes désastreuses, des mouvements tumultueux avaient dissipé les espérances qui brillaient à l'aurore de ce règne. Des calamités financières et politiques allaient fondre sur la France. Il y avait quatre ans que Louis XVI avait tracé à la Pérouse sa route à travers les mers ; le Roi et le marin s'étaient dit adieu : la Pérouse partit pour ces plages lointaines, d'où il ne revint pas, et le Roi partait lui-même pour l'océan des révolutions, d'où il ne devait pas non plus revenir. Le dix-huitième siècle avait remué toutes les bases de l'ancien ordre social, et avait préparé par des nouveautés hardies les orages qui devaient signaler ses dernières années.

Tandis que les passions s'agitaient dans les assemblées et déjà se déchaînaient par les rues, le Dauphin, peu troublé de ces bruits et ne s'en occupant même que parce qu'ils semblaient inquiéter sa mère, passait paisiblement ses heures de récréation dans son jardin ; il suivait avec l'intérêt le plus attentif le développement de ses fleurs, observant dès la veille au soir celles dont il pourrait composer le bouquet du lendemain. Un jour, dans un moment de distraction, il y avait mêlé quelques soucis ; s'en étant aperçu au moment même de le présenter, il les arracha aussitôt en disant : Ah ! maman, vous en avez bien assez d'ailleurs !

Un autre jour, Louis XVI l'ayant appelé et lui ayant dit : Tu sais que c'est demain un grand jour, la fête de ta mère ; il faut que tu prépares un bouquet extraordinaire, et je veux que tu composes toi-même le compliment dont tu accompagneras ton cadeau. — Mon père, répondit-il, j'ai une belle immortelle dans mon jardin, elle sera à la fois mon bouquet et mon compliment. En la présentant à maman, je lui dirai : Je désire que maman ressemble à ma fleur[13].

Jetons cependant un coup d'œil rapide en dehors de la demeure et du jardin où s'écoulaient paisiblement les derniers beaux jours de cet enfant, car la révolution va bientôt venir frapper à la porte du château de ses pères.

Dès le 17 juin 1789, les députés du Tiers, à qui l'on avait accordé la double représentation, avaient proclamé l'unité des états généraux et usurpé le titre d'Assemblée nationale. Il vaut mieux accorder aux assemblées politiques ce qu'elles sont disposées à prendre ; l'erreur la plus fatale, après leur avoir refusé des droits qu'elles ont conquis, c'est de commencer contre elles une résistance qu'on n'a pas la volonté ou la puissance de pousser jusqu'au bout. En effet, de cette manière on leur révèle à la fois le secret de son mauvais vouloir et de leur force, et la passion les pousse à abuser d'autant plus de l'une, qu'elles croient voir partout la trace de l'autre. On entra dans cette voie dangereuse quand Louis XVI, qui avait tenté de dissoudre, à l'issue de la séance du 23 juin, l'assemblée du Tiers, vint à faiblir devant la séance du Jeu de paume.

Dès ce jour la question fut posée entre la royauté et la révolution : tout équilibre fut rompu entre la royauté et l'Assemblée, qui était maîtresse de la situation,, et dans laquelle le Tiers, qui sentait à la fois sa force et son injure, avait pris une influence prépondérante. Dès lors plus d'améliorations progressives, réglées, contenues ; la réforme paisible et régulière faisait place à la révolution. L'Assemblée voulait dominer la royauté ; mais pour exercer cette domination, il fallait faire un appel aux forces irrégulières de la rue, et pour s'affranchit de l'autorité, accepter l'appui et bientôt le joug de la multitude. ; Sous l'influence de cette situation, qui ne fut tout d'abord autre chose que l'anarchie constituée, la France devient une arène de gladiateurs ; les nouvelles des provinces annoncent, chaque jour, des incendies de châteaux et d'archives, des séditions et dès assassinats ; l'effervescence des esprits est à son comble. Le Roi essaye de prendre quelques mesures de sûreté : il fait avancer une dizaine de mille hommes qui sont répartis entre Paris et Versailles ; la tribune retentit des clameurs formidables de Mirabeau, et le renvoi des troupes est demandé. Le 11 juillet, M. Necker quitte le ministère et s'exile. M : Necker devait sa popularité moins à des actes utiles qu'à des paroles novatrices et calculées de manière à flatter les masses la couronne avait peu de sympathie pour lui, et cela se conçoit : Sénèque nous apprend que pour plaire aux princes, il faut leur rendre beaucoup de services et leur parler peu ; Necker avait fait tout le contraire. Le 12, au soir, la nouvelle de son départ circule : Paris s'étonne, Paris s'indigne, le signal de l'explosion est donne, les théâtres sont désertés, les boutiques se ferment, les cafés se remplissent, les rues bourdonnent ; le Palais-Royal s'encombre ; les bustes du duc d'Orléans et de M. Necker y sont apportés triomphalement ; Camille Desmoulins, alors enivré des faveurs de cette révolution qui devait l'en- voyer au supplice, distribue des cocardes vertes en criant le premier aux armes ; les clubs descendent dans la rue ; le tocsin sonne, le feu est aux barrières, tout se lève, tout se précipite, Paris est dans la fournaise : la révolution est debout.

L'appareil militaire est un instant déployé, mais en vain ; les soldats n'ont point d'ordre et n'agissent point ; le régiment des gardes françaises se laisse gagner. La sédition se grossit de ses succès, elle se compte, elle se régularise ; elle remarque que la cocarde verte, adoptée la veille, avait la couleur de la livrée du comte d'Artois, elle la proscrit et adopte le ruban tricolore, bleu, blanc et rouge. On court aux Invalides, on s'empare des armes, et l'on marche sur la Bastille (14 juillet 89) ; aussitôt prise qu'attaquée, la forteresse aux funèbres légendes est envahie par une innombrable populace qui massacre le gouverneur et quelques invalides désarmés. M. de Flesselles, prévôt des marchands, est tué d'un coup de pistolet ; Bailly le remplace, mais sous le nom de maire de Paris. Le Roi se rend à l'Assemblée nationale ; les troupes sont congédiées : le marquis de la Fayette est chargé d'organiser la garde nationale. Rentré à pied au château, le Roi se montre sur le balcon ; la Reine et ses enfants y paraissent avec lui, des acclamations se font entendre ; de là, se rendant à la chapelle, la royale famille va chercher au pied des autels quelque adoucissement à ses chagrins. — Dès le 14 juillet la révolution était faite : tout tourne, en effet, contre les pouvoirs qui laissent apercevoir, au début, qu'ils ne sont pas en mesure de se défendre. Malheur aux faibles, dans les révolutions, comme, après les batailles, malheurs aux vaincus ! Chaque résistance mal calculée et mal soutenue faisait faire aussi un nouveau pas en arrière ; la retraite de la royauté allait devenir une déroute :

Dans ces circonstances critiques, le Roi et la Reine voient sans regret s'éloigner ceux de leurs sujets qui semblaient le plus intimement attachés à leurs personnes ; ils poussent même l'abnégation jusqu'à engager plusieurs de leurs serviteurs à les quitter ; c'est ainsi que l'émigration commence. La famille de Polignac jouissait de faveurs trop marquées pour n'avoir point excité l'envie ; il n'était pas non plus de famille que la calomnie eût plus obstinément désignée à la fureur. de la populace. La Reine ordonne à la duchesse de Polignac de se retirer, la duchesse refuse. Vous voulez donc augmenter mes inquiétudes, dit Marie-Antoinette, et me donner un tourment de plus ? Madame de Polignac n'avait point cédé à la Reine, elle obéit à son amie ; sous le prétexte d'aller aux eaux, elle se retira en Suisse, et de là en Autriche ; mais comme la gouvernante des Enfants de France ne peut s'absenter, elle donna sa démission. Marie-Antoinette choisit madame la marquise de Tourzel pour remplir des fonctions si importantes dans tous les temps, mais périlleuses dans celui-ci ; les désastres qui dans la suite ont accablé la famille royale ont cruellement éprouvé madame de Tourzel, dont la fidélité courageuse a si noblement justifié les paroles par lesquelles la Reine lui fit connaître sa nomination : Je donne en dépôt à la vertu ce que j'avais confié à l'amitié[14].

Dans un temps où la calomnie la représentait comme livrée entièrement aux plaisirs et aux distractions frivoles, Marie-Antoinette consacrait la plus grande partie de la journée à ses devoirs de mère. Elle ne perdait jamais de vue ses enfants ; à dix heures, une sous-gouvernante les lui amenait, et c'est en sa présence qu'ils recevaient les leçons de leurs différents maîtres. Les inquiétudes, les appréhensions d'un avenir déjà menaçant ne firent qu'accroître cette active surveillance et ces tendres soins, qui étaient hier un bonheur et qui deviennent une consolation. La Reine mit aux mains de madame de Tourzel toutes les armes que son expérience lui avait acquises, et elle lui fit connaître, avec une sincérité libre de tout ménageaient, le caractère des personnes qui entouraient ses enfants. Nous eussions peut-être hésité à publier in extenso des renseignements tout confidentiels qui sont de nature à blesser quelques susceptibilités légitimes, mais nous ne pouvons ni dissimuler ni amoindrir un document de cette importance et qu'une publication récente[15] a donné dans son entier :

Ce 24 juillet 1789.

Mon fils a quatre ans quatre mois moins deux jours ; je ne parle pas ni de sa taille ni de son extérieur, il n'y a qu'à le voir ; sa santé a toujours été bonne, mais même au berceau on s'est aperçu que ses nerfs étaient très-délicats et que le moindre bruit extraordinaire faisait effet sur lui ; il a été tardif pour ses premières dents, mais elles sont venues sans-maladie ni accident ; ce n'est qu'aux dernières, et je crois que c'était à la sixième, qu'à Fontainebleau il a eu une convulsion ; depuis il en a eu deux, une dans l'hiver de 87 ou 88 et l'autre à son inoculation, mais cette dernière a été très-petite. La délicatesse de ses nerfs fait qu'un bruit auquel il n'est pas accoutumé lui fait toujours peur ; il a peur par exemple des chiens parce qu'il en a entendu aboyer près de lui. Je ne l'ai jamais forcé à en voir, parce que je crois qu'à mesure que sa raison viendra, ses craintes passeront ; il est comme tous les enfants forts et bien portants très-étourdi, très-léger et violent dans ses colères, mais il est bon enfant, tendre et caressant même, quand son étourderie ne l'emporte pas ; il a un amour-propre démesuré qui en le conduisant bien peut tourner un jour à son avantage ; jusqu'à ce qu'il soit bien à son aise avec quelqu'un, il sait prendre sur lui et même dévorer ses impatiences et colères pour paraître doux et aimable ; il est d'une grande fidélité quand il a promis une chose, mais il est très-indiscret, il répète aisément ce qu'il a entendu dire, et souvent sans vouloir mentir il y ajoute ce que son imagination lui a fait voir, c'est son plus grand défaut, et sur lequel il faut bien le corriger ; du reste, je le répète, il est bon enfant, et avec de la sensibilité et en même temps de la fermeté, sans être trop sévère, on fera de lui ce qu'on voudra, mais la sévérité le révolterait, car il a beaucoup de caractère pour son âge ; et, pour en donner un exemple, dès sa plus petite enfance, le mot Pardon l'a toujours choqué ; il fera et dira tout ce qu'on voudra quand il a tort, mais le mot Pardon il ne le prononce qu'avec des larmes et des peines infinies. On a toujours habitué mes enfants à avoir grande confiance en moi, et quand ils ont eu des torts, à me le dire eux-mêmes, cela fait qu'en les grondant j'ai l'air plus peiné et affligé de ce qu'ils ont fait que fâché ; je les ai accoutumés tous à ce qu'un oui ou un non prononcé par moi est irrévocable, mais je leur en donne toujours une raison à la portée de leurs âges, pour qu'ils ne puissent pas croire que c'est humeur de ma part. Mon fils ne sait pas lire et apprend fort mal ; mais il est trop étourdi pour s'appliquer, il n'a aucune idée de hauteur dans la tête, et je désire fort que cela continue. Nos enfants apprennent toujours assez tôt ce qu'ils sont.

Il aime sa sœur beaucoup et a bon cœur : toutes les fois qu'une chose lui fait plaisir, soit d'aller quelque part, ou qu'on lui donne quelque chose, son premier mouvement est toujours de demander pour sa sœur de même ; il est né gai, il a besoin pour sa santé d'être beaucoup à l'air, et je crois qu'il vaut mieux le laisser jouer et travailler à la terre sur la terrasse que de le mener promener plus loin : l'exercice que les petits enfants prennent en courant et jouant à l'air est plus sain que de les forcer à marcher, ce qui souvent leur fatigue les reins.

Je vais à présent parler de ce qui l'entoure.

Trois sous-gouvernantes, mesdames de Soucy belle-mère et belle-fille, et madame de Villefort.

Madame de Soucy la mère, fort bonne femme, très-instruite, exacte, mais mauvais ton.

La belle-fille même ton, point d'esprit ; il y a déjà quelques années qu'elle n'est plus avec ma fille ; mais avec un petit garçon elle n'a point d'inconvénient ; du reste elle est très-fidèle et même un peu sévère avec l'enfant.

Madame de Villefort est tout le contraire, car elle le gâte ; elle a au moins aussi mauvais ton et plus même que les autres. Celle-ci n'est pas aimée des autres, mais à l'extérieur toutes sont bien ensemble.

Les deux premières femmes toutes deux fort attachées à l'enfant, mais madame Lemoine une caillette et bavarde insoutenable, contant tout ce qu'elle sait dans la chambre, devant l'enfant ou non, cela est égal.

Madame Neuville a un extérieur agréable, de l'esprit, de l'honnêteté, mais on la dit dominée par sa mère, qui est très-intrigante.

Brunier le médecin a ma grande confiance toutes les fois que les enfants sont malades, mais hors de là il faut le tenir à sa place ; il est familier, humoriste et clabaudeur.

L'abbé d'Avaux peut être fort bon pour apprendre les lettres à mon fils, mais du reste il n'a ni le ton ni même ce qu'il faudrait pour être auprès de mes enfants, c'est ce qui m'a décidée dans ce moment-ci à lui retirer ma fille. Il faut bien prendre garde qu'il ne s'établisse hors des heures de leçons chez mon fils : c'est une des choses qui a donné le plus de peine à madame de Polignac, et encore n'en venait-elle pas toujours à bout, car c'était la société des sous-gouvernantes ; depuis dix jours j'ai appris des propos d'ingratitude de cet abbé qui m'ont fort déplu.

Mon fils a huit femmes de chambre[16], elles le servent avec zèle, mais je ne peux pas compter beaucoup sur elles : dans ces derniers temps, il s'est tenu beaucoup de mauvais propos dans la chambre, mais je ne saurais pas dire exactement par qui. Il y a pourtant une madame Belliard qui ne se cache pas sur ses sentiments, et sans soupçonner personne, on peut s'en méfier.

Tout son service en hommes[17] est fidèle, attache et tranquille. Ma fille a à elle deux premières femmes et sept femmes de chambre. Madame Brunier, femme du médecin, est à elle depuis sa naissance, la sert avec zèle, mais, sans avoir rien de personnel à lui reprocher, je ne la chargerai jamais que de son service, elle tient du caractère de son mari ; de plus, elle est avare et avide des petits gains qu'il y a à faire dans la chambre.

Sa fille madame Fréminville est une personne d'un vrai mérite : quoique âgée seulement de vingt-sept ans, elle a toutes les qualités d'un âge mûr, elle est à ma fille depuis sa naissance, et je ne l'ai pas perdue de vue ; je l'ai mariée, et le temps qu'elle n'est pas avec ma fille elle l'occupe en entier à l'éducation de ses trois petites filles ; elle a un caractère doux et liant, est fort instruite, et c'est elle que je désire charger de continuer les leçons à la place de l'abbé d'Avaux. Elle en est fort en état ; et, puisque j'ai le bonheur d'en être sûre, je trouve qu'elle est préférable à tout ; au reste ma fille l'aime beaucoup et y a confiance.

Les sept autres femmes sont de bons sujets, et cette chambre est beaucoup plus tranquille que l'autre. Il y a deux très-jeunes personnes ; mais elles sont surveillées par leurs mères, l'une à ma fille, l'autre près madame Lemoine.

Les hommes sont à elle depuis sa naissance ; ce sont des êtres absolument insignifiants, mais comme ils n'ont rien à faire que le service, et qu'ils ne restent point dans la chambre par delà, cela est assez égal.

 

Puisque nous sommes encore à Versailles, hâtons-nous de tracer une esquisse du portrait de la Reine dans ses derniers beaux jours, car les beaux jours de cette reine tant calomniée, calomniée dans le passé par la politique, et de notre temps par la légèreté, vont finir sans retour.

Les grandeurs illusoires dont on l'avait bercée dès l'enfance, l'admiration des peuples, la mémoire glorieuse de ses aïeux, la pensée qu'elle était assise sur le trône le plus beau de l'univers, tout lui faisait un grand piédestal et nourrissait en elle une sorte de croyance naïve, dépouillée d'orgueil, qui la faisait supérieure aux autres femmes.

Sa charmante figure, son esprit et sa grâce semblaient, aussi bien que son rang, lui donner accès dans la sphère des êtres heureux ; ses fraîches matinées s'écoulaient dans les enchantements, sa jeune vie se dépensait dans le mensonge riant des plaisirs de la cour et dans le charme de toutes les affections douces et pures.

Jamais elle n'était insensible à la vue d'un malheureux ; elle allait où l'appelait son cœur, et son cœur la poussait vers ceux qui souffrent.

Elle avait pour ses amies une affection tendre et sincère, et était toujours prête à leur en donner des preuves.

Ce ne fut pas seulement aux jours du péril et du malheur que se montrèrent les touchantes qualités de Marie-Antoinette.

Elle n'avait encore reçu aucun outrage des hommes ni du sort, tout était encore bonheur autour d'elle, et déjà son âme était l'asile des plus sérieuses pensées et des plus généreux sentiments.

Ce siècle de la philosophie, ce siècle de décevante lumière et d'éclairs funestes, recevait à son déclin un rayon dont il n'était pas digne, un rayon pur et bienfaisant de cette jeune Reine que d'infâmes pamphlets allaient poursuivre jusque dans la gloire du martyre : la royauté qui allait mourir retrouva par elle un instant de sa gaieté élégante, de son humeur chevaleresque et de sa grandeur.

Malheureusement la Reine avait, en montant sur le trône, la même inexpérience que le Roi ; tout fut tourné contre elle, ses qualités autant que ses défauts, les grâces de son esprit autant que les erreurs d'appréciation qu'elle put commettre, l'enjouement de son humeur, la simplicité de ses habitudes, la vivacité et la constance de ses amitiés.

La calomnie s'attacha à elle comme à sa proie ; elle noircit ses démarches, envenima ses paroles, empoisonna ses actions, et sema autour d'elle ces haines furieuses qui devaient finir par l'étouffer.

Le 17 juillet, le Roi, malgré de sinistres avis, voulut tenir la promesse qu'il avait faite d'aller à Paris ; il monta en voilure à onze heures, après avoir fait les plus touchants adieux à sa famille. La Reine, tremblante pour les jours du Roi, passa cette journée dans les plus vives alarmes ; ses enfants ne la quittèrent pas un instant ; le Dauphin allait sans cesse à la fenêtre, voulant être le premier à annoncer le retour de son père. Il va revenir, maman, s'écriait-il, il va revenir. Mon père est si bon qu'on ne peut pas lui faire de mal ! Le Roi arriva, il passa de sa voiture dans les bras de la Reine, dans ceux de ses enfants ; Versailles fut dans la joie ; le peuple envahit la cour de marbre, portant des branches de saule garnies de rubans, et qui, à la faveur de la nuit, offraient l'apparence de rameaux d'olivier. Demandé par les transports de la plus vive allégresse, le Roi parut par deux fois au balcon avec sa famille. Cette soirée toutefois ne pouvait lui faire oublier les soucis de la journée : l'orage qu'il avait laissé derrière lui à Paris menaçait d'un jour à l'autre de venir fondre sur Versailles.

Depuis longtemps les factieux épiaient l'occasion de tenter un coup de main. Un repas fut donné par les gardes du corps du Roi, dans la salle de spectacle du château, aux officiers du régiment de Flandre qui venait de prendre garnison à Versailles (1er octobre 89), et ce repas fut un instant honoré de la présence de la famille royale. Cette circonstance fut tout aussitôt interprétée calomnieusement par les meneurs, et leur servit de prétexte pour donner le signal de l'insurrection : les récits mensongers circulent, les accusations s'élèvent, les colères se déchaînent, une troupe de furies parcourt la capitale, criant : Du pain ! du pain ! Le tambour bat, le tocsin sonne. La populace des faubourgs s'ameute et se met en route (5 octobre) ; des femmes échevelées, des hommes ivres, ouvrent le cortège, qui va grossissant à travers la ville ; les provocateurs, armés de haches et de couteaux, se mêlent à la garde nationale et entourent M. de la Fayette, qui est tristement contraint de les conduire à Versailles[18]. A six heures, à travers un brouillard épais, on entrevoit dans l'avenue de Paris cette multitude de femmes qui servaient d'avant-garde à la milice parisienne : elles se dirigent vers le château, elles y envoient une députation ; Louise Chabry, ouvrière en sculpture, âgée de dix-sept ans, chargée de prendre la parole, balbutie quelques mots sur la disette et sur la misère du peuple, et semble prête à s'évanouir, tant le maintien calme et le regard assuré du Roi l'ont frappée d'étonnement et de respect. Mes amis, leur dit-il, si vous êtes malheureux, ce n'est pas ma faute ; je le suis plus que vous. Je vais faire donner aux directeurs des greniers de Corbeil et d'Etampes l'ordre de délivrer les grains et les farines dont ils peuvent disposer. Puissent ces ordres être mieux écoutés que ceux que j'ai donnés jusqu'à ce jour ! La jeune artiste, se rassurant, fit alors à la Reine quelques remontrances sur son goût excessif de dépenses et de plaisirs frivoles qui contrastait avec la pénurie publique. Aux termes modérés de ces reproches se mêlèrent, du fond de la foule, quelques paroles menaçantes. Ne craignez rien, Madame, dit alors à la Reine une des poissardes, c'est un conseil d'amies que nous vous donnons, et pour prouver que nous vous pardonnons le passé, nous vous demandons la faveur de vous embrasser. Ce que firent trois ou quatre d'entre elles. En se retirant, Louise Chabry voulut baiser la main de Louis XVI ; celui-ci l'embrassa. Ces femmes, stipendiées pour maudire, laissèrent échapper des bénédictions ; venues pour proférer des menaces de mort, elles se retirèrent en criant Vive le Roi ! A ce cri inattendu répondent des cris de haine et de rage ; la pauvre Louise Chabry, qui ignorait que la demande de pain, n'était qu'un prétexte, allait être pendue à la lanterne, si quelques gardes du corps, fendant la foule, ne l'eussent arrachée aux furieux. Elle retourna presque aussitôt à Paris avec sa bande, qui n'eut aucune part aux crimes de la nuit suivante.

Cependant, tout à l'entour du palais grossissaient en bouillonnant les hordes de mégères que le crime avait ramassées dans les boues de Paris pour les pousser sur Versailles ; et avec elles arrivaient ces bataillons hideux et déguenillés, armés au hasard de haches et de bâtons, de piques et de couteaux, troupes recrutées dans les cachots et que la révolution commençait à mettre en ligne ; puis enfin les colonnes régulières de la milice parisienne, ayant à leur tête un chef que le mouvement pousse et qui semblait le conduire, esprit honnête mais plein d'illusions et d'irrésolution, qui passa sa vie à préparer ce qu'il aurait désiré empêcher, et à s'étonner de voir les conséquences qu'il ne voulait pas sortir des causes qu'il avait voulues.

La Fayette était donc venu au secours de son Roi, qu'il voulait sauver et qu'il craignait de fortifier. Cependant il se rassure et rassure le Roi : il répond sur sa tête du salut de tout le château, donne quelques consignes, place quelques sentinelles, harangue la garde nationale et visite les principaux quartiers de la ville.

La Reine était convenue avec madame de Tourzel qu'au moindre bruit elle lui amènerait ses enfants chez elle ; mais elle lui fit dire à onze heures du soir, que si on avait de l'inquiétude, elle devait au contraire les conduire sur-le-champ chez le Roi. La Reine venait d'être avertie des périls personnels qui la menaçaient dans son appartement, et comme on l'engageait à passer la nuit dans celui du Roi : Non, dit-elle, j'aime mieux m'exposer à quelques dangers et les éloigner de la personne du Roi et de mes enfants.

Un calme apparent succède au tumulte ; M. de la Fayette, satisfait de la ronde qu'il vient de faire, remonte au château, assure le Roi et la Reine qu'il n'y a plus rien à craindre, et se retire à l'hôtel de Noailles pour prendre lui-même du repos. Quelques personnes envoyées dans les rues confirment la tranquillité qui y règne, et, à deux heures du matin, la Reine fait dire à madame de Tourzel qu'elle va se coucher, et qu'elle lui conseille d'en faire autant.

Mais le crime ne dort pas. Les chefs du complot cherchent dans la garde nationale de Versailles une sympathie qu'ils ont peine à y trouver. Par un mélange de superstition qui accompagne leurs sinistres projets, ils se rendent avant le jour (6 octobre 89) chez le curé de Saint-Louis, dans l'église duquel ils ont passé la nuit, et le prient de leur dire la messe. De l'église, ils se portent sur le château, ils en forcent les grilles, envahissent l'escalier, massacrent Varicourt et Deshuttes, jeunes gardes du corps qui barraient le passage conduisant à l'appartement de la Reine. Un autre garde, RI. Guéroult d'Huberville, grièvement blessé lui-même d'un coup de massue, court frapper à la chambre de la Reine. Madame Auguier avertit sa maîtresse de l'approche des brigands. Marie-Antoinette se sauve, à demi vêtue, dans l'appartement du Roi. Trompés dans leur rage, les visiteurs déchirent de la pointe de leurs sabres le lit que la Reine vient de quitter. Tremblant pour les jours de son fils, le Roi avait couru par un souterrain à la chambre de ce précieux enfant ; madame de Tourzel, de son côté, prévenue du danger par le comte de Sainte-Aulaire, chef d'escadron des gardes du corps, de service auprès du Dauphin, avait réveillé et habillé le jeune Prince : le Roi s'empare de son fils, l'emporte dans ses bras, et reprend son chemin, précédé de M. d'Huberville, qui, malgré le sang qui coule de ses blessures, a encore la force d'accompagner son maître. Dans le trajet, la bougie qui les éclaire s'éteint ; ils arrivent à tâtons aux petits appartements[19]. Louis XVI y trouve la Reine, entourée de sa famille, à laquelle se réunissent bientôt le comte et la comtesse de Provence et Mesdames, tantes du Roi. Le marquis de Digoine, député à l'Assemblée nationale, qui pénétra plus tard dans cette chambre du palais dont il trouva les portes ouvertes, a raconté que la Reine se tenait debout dans l'encoignure d'une fenêtre, ayant à sa droite Madame Elisabeth, à sa gauche et tout contre elle, Madame, fille du Roi, et devant elle, debout sur une chaise, M. le Dauphin, qui tout en badinant avec les cheveux de sa sœur, disait : Maman, j'ai faim ; à quoi la Reine répondit, les larmes aux yeux, qu'il fallait prendre patience et attendre que le tumulte fût passé[20]. Ainsi réunie, la famille royale attend avec moins d'effroi le sort qui la menace.

M. de la Fayette se réveille et parait enfin ; il fait évacuer le château ; il demande au Roi, au nom du peuple, de venir dès ce jour même fixer sa résidence à Paris, en lui peignant sous des couleurs alarmantes les dangers d'un refus. La foule des forcenés, chassée du palais, se replie en arrière, se rallie et bouillonne en vociférant dans la cour du château et appelant le Roi à grands cris. Les serviteurs, justement alarmés, conjurent le Prince de ne point céder à ce vœu ; le Roi rejette tous les conseils de la prudence, se montre sur le balcon, et annonce lui-même qu'il va partir pour Paris avec toute sa famille. — Que la Reine se montre ! demandent quelques voix. La Reine s'avance, tenant d'une main le Dauphin et de l'autre Madame Royale : à cet aspect les cris augmentent : La Reine seule ! point d'enfants ! la Reine seule ! Le Roi veut parler, les clameurs ne lui permettent pas de se faire entendre ; il se retire emmenant la Reine et ses enfants. Les vociférations redoublent : La Reine, point d'enfants ! la Reine seule, la Reine ! Sans s'effrayer des intentions menaçantes que ce vœu annonce, la Reine, ayant remis ses enfants à leur père, s'élance sur le balcon, seule, intrépide, entre les menaces de la terre et le délaissement du ciel ; elle croise ses mains sur .sa poitrine, et promène majestueusement ses regards sur la multitude : le peuple, frappé d'admiration, applaudit ; la sédition demeure interdite.

Revenue auprès du Roi, Marie-Antoinette lui dit avec émotion, en serrant son fils dans ses bras : Promettez-moi, Sire, je vous en conjure, au nom de ce que vous avez de plus cher, pour 4e salut de la France, pour le vôtre, pour celui de ce cher enfant, oh ! promettez-moi que s'il se présente jamais une pareille circonstance, et que vous ayez les moyens de vous éloigner, vous n'en laisserez pas échapper l'occasion. Ce discours affecta le Roi profondément ; sans rien répondre, il passa dans la chambre voisine.

Les préparatifs de départ se font à la hâte ; quand ces dispositions sont connues, l'Assemblée nationale décrète qu'elle est inséparable du monarque et qu'elle le suivra à Paris.

A une heure, Louis XVI, la Reine, le Dauphin, Madame Royale, Madame Elisabeth et la marquise de Tourzel montent en voiture, ayant pour cortège des trains d'artillerie ; des brigands armés de piques, couverts de boue, de vin et de sang ;,des femmes ivres, échevelées, à cheval sur des canons ou montées sur des chevaux de gardes du corps, les unes en cuirasse, les autres armées de fusils ou de sabres, vociférant des chants obscènes ou des imprécations féroces : parmi elles figure Reine Audu, que la populace appelle la Reine des halles. Les enfants du Roi s'étonnent de la fureur et de la méchanceté de ce peuple qu'on leur disait d'aimer. Puis viennent deux cents gardes du corps désarmés, sans chapeaux et sans bandoulières, conduits un à un entre deux grenadiers ; quelques Cent-Suisses, des dragons et des soldats du régiment de Flandre ; au milieu de tout cela des canons chargés à mitraille. Les têtes livides de Deshuttes et de Varicourt, ces deux premières victimes du devoir et de l'honneur militaire, tombées dans le palais même du Roi, sont portées au bout d'une pique par deux hommes qui au village de Sèvres s'arrêtent pour en faire friser et poudrer la chevelure. Entre ces deux sanglants trophées on distingue Nicolas Jourdan[21], cet homme à la longue barbe noire, qui servait de modèle à l'Académie de peinture et de sculpture, et qui aujourd'hui, les bras nus, les yeux étincelants, le visage et les mains rouges du sang dans lequel il les a lavés, marche en agitant sa hache, s'enorgueillissant du surnom de Coupe-Tête, que cette journée vient de lui donner.

Les événements se précipitaient toujours dans le même sens : à chaque engagement la royauté perdait de son terrain, de ses forces et de ses chances. Elle recule le 27 juin 1789, elle recule le 14 juillet, elle recule les 5 et 6 octobre, et rappelle M. Necker au pouvoir ; et voilà qu'on la conduit à Paris, dans cette ville où non-seulement elle n'est pas en mesure de résister à l'Assemblée, mais où l'Assemblée elle-même n'est déjà pas en mesure de résister aux forces de la révolution.

Ce n'est qu'au bout de près de sept heures de marche que le convoi de la royauté arrive de Versailles à Paris. Le peuple est aux fenêtres et contemple avec stupeur un. spectacle qu'on ne décrira pas. Ne craignez plus rien, criaient les femmes de la funèbre escorte, plus de disette désormais ; nous vous amenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron.

C'est dans cet appareil que la Fayette remet Louis XVI entre les mains de Bailly. Bailly dit au Roi : Sire, c'est un beau jour que celui où Votre Majesté vient dans sa capitale avec son auguste épouse, avec un prince qui sera bon et juste comme Louis XVI. Puis il exprime au nom de Paris, dont il est maire, le vœu de voir Sa Majesté fixer sa résidence habituelle dans sa capitale. Le Roi répondit : C'est toujours avec plaisir et avec confiance que je me vois au milieu des habitants de ma bonne ville de Paris. Bailly se tournant vers le peuple, dit : Le Roi vient parmi vous avec plaisir. — Vous oubliez de dire et avec confiance, reprend Marie-Antoinette. — Vous l'entendez, ajoute aussitôt Bailly ; c'est bien mieux que si je l'avais dit moi-même.

Ainsi se terminèrent ces tristes événements des 5 et 6 octobre, dont il n'est pas difficile, malgré les ténèbres dont les passions les couvrirent, de distinguer les motifs réels. Trois combinaisons, qui avaient entre elles peu de liaison, semblent avoir contribué simultanément à les produire : le club Breton voulant forcer le Roi à transporter dans Paris le siège du gouvernement, les femmes de Paris réclamant du pain, et le parti du duc d'Orléans poussant la royauté vers une pente qui devait le précipiter lui-même.

 

 

 



[1] On trouvera à la fin du volume tous les détails du cérémonial observé en ces circonstances sous l'ancienne monarchie. Notes et Documents N° 1.

[2] Voir l'acte du baptême aux Notes et Documents N° 2.

[3] Notes et Documents N° 1.

[4] Notes et Documents N° 1.

[5] Notes et Documents N° 1.

[6] Entre autres M. Ferrand (Éloge de Madame Élisabeth).

[7] Sophie-Hélène-Béatrix de France, née à Versailles le 9 juillet 1786.

[8] Dans la journée même du 4 juin, M. de Villedeuil, secrétaire d'État au Département de la maison du Roi, d'après l'ordre qu'il en avait reçu de Sa Majesté, annonça (en présence de la duchesse de Polignac, gouvernante des Enfants de France) à Monseigneur le duc de Normandie, que le Roi venait de le proclamer Dauphin.

(Journal politique de Bruxelles, n° 24, 13 juin 1789.)

[9] Cette expression ne doit point paraître exagérée : on sait avec quelle patience et quelle grandeur d'âme ce malheureux enfant, qui devait servir de modèle à celui dont nous esquissons la vie, avait supporté des douleurs inouïes. C'est en parlant de lui qu'un contemporain a dit : Une maladie longue développa encore plus ses rares qualités ; les suites de cette maladie cruelle l'enlevèrent à la France, et à neuf ans il mourut en héros. Portrait de feu Monseigneur le Dauphin. — Paris, 1766, chez Lottin l'aîné, pages 19 et 20.

[10] Dernières années de Louis XVI, 2e. édit., page 460.

[11] Eckard, Mémoires historiques sur Louis XVII, 2e édit., 1817, page 7.

[12] Détails donnés par madame la duchesse d'Angoulême.

[13] Eckard, Mémoires historiques, 2e édit., page 9.

[14] Eckard, Mémoires historiques, 2e édit., page 11.

[15] Histoire de Marie-Antoinette, par MM. de Goncourt, 2e édit., 1860.

[16] Mesdames Rambaud, Miscelier, Le Baris, de Saint-Brice, Belliard, de Cermé ; mesdemoiselles van Blarenberghe et Thouin.

[17] Deux valets de chambre, les sieurs Villette et Cléry ;

Un valet de chambre barbier, le sieur Carpentier,

Deux garçons de chambre, les sieurs Fontaine et Allard.

[18] L'ordre de la municipalité était ainsi formulé :

Vu la volonté du peuple, il est enjoint au commandant général de se rendre à Versailles. Signé, BAILLY.

(Anecdotes du règne de Louis XVI. Paris, 1791, t. VI, p. 426.)

[19] Certain que le Roi était sauvé, M. d'Huberville s'évanouit. On fut obligé de le faire trépaner à l'instant même. La famille de ce brave gentilhomme conserve religieusement le linge que la Reine fit remettre elle-même aux chirurgiens pour le pansement du blessé ; ce sont des mouchoirs portant en broderie le chiffre M. A. surmonté d'une couronne royale.

[20] Procédure criminelle instruite au Châtelet de Paris sur la dénonciation des faits arrivés à Versailles dans la journée du 6 octobre 1789, imprimée par ordre de l'Assemblée nationale. Paris, Baudouin, 1790. 2 vol. in-8°.

[21] Plusieurs écrivains, entre autres M. Delandine de Saint-Esprit, ont confondu ce Nicolas Jourdan avec l'auteur des massacres d'Avignon. Ces deux hommes n'avaient de commun que le nom et la scélératesse.