Nombreuses compétitions, en 1601, pour entrer dans la maison de la reine. — La maison est une administration fermée ; ses traditions. — Chiffre du personnel. — Le service d'honneur : la dame d'honneur, madame de Guercheville : la dame d'atour ; les demoiselles d'honneur. — Le service domestique ; les femmes de chambre. — Les hommes de la maison de la reine : la chapelle ; le grand aumônier ; nombreux ecclésiastiques. — Le chevalier d'honneur ; le premier maître d'hôtel et ses importantes fonctions ; les gentilshommes servants. — Domesticité proprement dite : huissiers, valets de chambre, médecins, rangés à celte place malgré leurs salaires élevés. — Cuisines : la cuisine bouche ; établissement des menus et transport cérémonieux de la viande de la reine ; la cuisine commun ; les quinze tables du personnel de la reine ; dépense journalière de nourriture. — Vivres et fournisseurs. — L'écurie de la reine ; chevaux et carrosses ; personnel. — Les pages. — La galère de Marie de Médicis. — Bureaux et administration de la maison ; le secrétaire des commandements ; le chancelier, le trésorier général ; le contrôleur général ; la caisse ; les gens du conseil.Préparant avec le gouvernement d'Henri IV la venue de Marie de Médicis en France, la cour de Florence avait tâché de donner à la princesse une nombreuse suite d'Italiens destinés à être pourvus à Paris de places lucratives qu'on demanda. La question fit l'objet d'un échange de notes diplomatiques. M. de Sully, outré, notifia qu'il ne recommanderait ni un médecin, ni un cuisinier, et les gens en fonctions, protestant qu'on voulait leur enlever le pain de la bouche, firent déclarer qu'il y avoit en France des droits acquis. Tout au plus Marie de Médicis parvint-elle à caser quelques Florentins : son amie d'enfance, Léonora Galigaï, des gentilshommes servants, des femmes de chambre, de petits pages. Puis elle renvoya un à un ses compatriotes déçus et doucement découragea ceux qui, de longues années durant, continuèrent à solliciter de sa bienveillance des prébendes à la cour[1]. C'est qu'en principe la maison de la reine est un cercle
fermé. La longue pratique et habitude avec les
maîtres étant nécessaire, on conserve précieusement les vieux serviteurs,
qu'on veut tous hommes de bien et sains de leur
personne : braves huissiers ou fidèles valets de chambre vieillissent
ainsi dans le Louvre sous les règnes successifs de trois ou quatre reines. Pour régner bien chez vous, il faut que votre suite Soit toute de vertu, d'honneur et de mérite. Qui craigne l'Éternel et libre sous sa loi Cherche tout son bonheur au bonheur de son roi[2]. Afin d'assurer la tradition du bon service, les rois ont admis l'usage que chaque serviteur casât les siens, fils et neveux. Ceux-ci entrent tout jeunes — à la cuisine, par exemple, galopins, — gravissent de degré en degré l'échelle de la hiérarchie : leurs pères ou leurs oncles les surveillent, les forment ; et ainsi de véritables dynasties se fondent parmi les domestiques. Les gages ne sont peut-être pas très enviables : ils n'ont pas changé en cent ans. Mais les gratifications compensent : on participe aux faveurs royales, on est nourri, on est exempt d'impôts : la veuve qui reçoit pension est exempte, elle aussi ; on jouit du privilège de committimus, qui permet de faire évoquer tous les procès devant certaine juridiction spéciale ; enfin, simple valet de chambre, on figure dans le protocole général de l'État, immédiatement après-les conseillers des bailliages, sénéchaussées et sièges présidiaux, avant les officiers des élections, greniers à sel et tous autres juges inférieurs, dignité appréciable ! Aussi tout le monde cherche à pénétrer dans la maison royale, et, comme il y a plus de fonctionnaires qu'il n'en faut, on a imaginé le système des quartiers : quatre titulaires, nantis du même emploi, servent, chacun leur tour, trois mois par an : leurs appointements varient, comme de juste, suivant qu'ils sont en quartier ou non[3]. Henri IV, pénétré d'esprit d'économie, réduisit rigoureusement la maison de la reine. La fonction de superintendante fut supprimée ; les gentilshommes d'honneur renvoyés ; les dames d'honneur — Louise de Lorraine, la femme d'Henri III, en avait eu soixante — congédiées. On ne revit plus ces troupes innombrables que Catherine de Médicis, la plus fastueuse des reines, avait eu autour d'elle : vingt-cinq demoiselles d'honneur, quarante-quatre femmes de chambre, quatre-vingts dames de compagnie. Pourtant, année moyenne — 1606, — la maison de Marie de Médicis comprend quatre cent soixante-quatre personnes, dont huit seulement non payées. Sur ces quatre cent soixante personnes, deux cent une fournissent un service quotidien régulier[4]. Immédiatement autour de la reine, se place le service
personnel de Sa Majesté, service d'honneur et service de domesticité. C'est
la dame d'honneur qui le commande, madame de Guercheville. Douce et
silencieuse, si jolie jadis, lorsque à vingt ans, attachée à la maison de
Catherine de Médicis, elle était aimée d'Henri de Navarre, madame la marquise
de Guercheville a été la seule dame d'honneur de Marie de Médicis. Henri IV,
plein d'estime et de respect pour celle qui avait su lui résister, l'a
choisie afin de guider la reine étrangère lorsqu'elle arriva en France, l'instruire
dans une vie nouvelle et la conseiller. Madame de Guercheville, qui a
quarante ans en 1600 et dont le tranquille visage, un peu décoloré
maintenant, décèle le calme bon sens, assure autour de Marie de Médicis le
respect des formes traditionnelles et mène la maison avec tact. D'elle dépend
tout ce qui concerne la personne et la chambre
de la souveraine. Entre ses mains prêtent serment les dames et femmes de
chambre. Elle ordonne seule, fixe les états, arrête les dépenses, contresigne
ordonnances et cahiers, fournit des certificats. Sa maîtresse l'aime-t-elle ?
Mystère. Elle la comble de cadeaux, en tout cas : La dame d'atour, elle, n'a autorité sur qui que ce soit : elle veille aux habillements et toilettes de la reine, les imagine, les fait faire, les présente : grave fonction, moins par l'office lui-même que par l'autorité que confère la faculté d'approcher à toute heure de Sa Majesté. Léonora Galigaï, qui remplit la charge, habite également au second un bel appartement de trois pièces, encombré de vingt coffres sculptés où s'entassent les bardes et habits de la souveraine[6]. Marie de Médicis a une dizaine de demoiselles d'honneur, —
les filles et demoiselles ou les filles d'honneur, — plus généralement de six à
huit, toutes du meilleur monde : Geneviève d'Urfé, Victoire de Cadaillac,
Sabine de Coligny, Anne de Saint-Mars, Marie de Pontcourlay, Madeleine de En revanche, Marie de Médicis s'attache à ses jeunes
compagnes et sait les défendre, le cas échéant, avec âpreté. Elle a voulu
marier une d'elles, amenée d'Italie et nommée Catherine de Médicis, — fille
d'un Côme de Médicis, très lointain parent de la reine, et de Diane, comtesse
de Bardi, — avec le baron de Lorsqu'un mariage est décidé, — et toutes ces jeunes filles n'ont en tête que des rêves de beaux mariages, — Marie de Médicis permet au jeune homme de venir faire sa cour : elle écrit à la gouvernante qu'elle donne au fiancé l'honneste accès auprès de la jeune fille qu'un serviteur doit désirer de sa maîtresse. Petite troupe élégante et fine, le groupe des filles et demoiselles vit retiré dans les appartements, ne paraissant qu'aux fêtes[9]. Le service domestique est fait par les femmes de chambre,
huit à dix, sous le commandement d'une vieille et respectable dame, la bonne femme Trois autres femmes de chambre, Catherine Forzoni, particulièrement en faveur, fille de la nourrice de Maris de Médicis ; madame Sauvât, fille d'un valet de chambre de la reine Louise de Lorraine ; et madame Canche, femme d'un contrôleur général des finances de Poitiers, ne quittent pas l'appartement où elles se relayent pour veiller la nuit — ce qu'on appelle être de chevauchée. — Le reste des femmes de chambre se tient dans la garde-robe : l'une s'occupe du linge de table, l'autre des linceulx ou draps de lit ; une troisième empèse le linge de la reine. Les biens, meubles et immeubles, de quelque étranger décédé ou de quelque enfant naturel leur procurent d'assez bons bénéfices[11]. Autour d'elles gravite un menu personnel accessoire : des nains d'abord, un couple d'Italiens, Marguerite Zavizanca et son frère, Albert ; Merlin et Marin Noué, qui est le portemanteau ordinaire ; puis, une négresse, Madeleine, la more de la reine, que celle-ci finira par marier en lui donnant 600 écus, et aux noces de laquelle elle fait faire un festin digne d'une si belle beauté ; une folle, Mathurine, célèbre et très populaire en ce temps-là ; un bouffon, Pierre Navarre. Dans un ordre plus utile, Nicolas Guillois, le porte-chaise ordinaire, lequel apporte l'objet à la garde duquel il est préposé quand on le lui demande, dans n'importe quelle pièce de l'appartement, et généralement le tient dans la garde-robe ; la lavandière, Madeleine Maupart qui blanchit le linge de corps de Sa Majesté depuis son parlement de Florence ; enfin le petit Gaspard qui soigne les oiseaux des femmes de chambre[12]. En tête des hommes qui figurent dans les états de la maison d'une reine de France viennent d'abord les aumôniers. Marie de Médicis a considérablement augmenté la liste des siens. La reine qui l'a précédée, Louise de Lorraine, n'avait qu'un grand aumônier, une vingtaine d'aumôniers honoraires et quatre chapelains. Grand aumônier, premier aumônier, aumônier ordinaire, quatre aumôniers servant par quartiers, trente aumôniers sans gages, confesseur ordinaire, confesseur du personnel, prédicateur, chapelain ordinaire, dix chapelains : plus de cinquante ecclésiastiques attestent le souci qu'a la femme d'Henri IV de paraître bonne catholique. Depuis Anne de Bretagne, la tradition est que le grand
aumônier de la reine soit un évêque. Celui de Marie de Médicis est l'évêque
de Béziers, Jean-Baptiste Bonsi, un Florentin, sénateur de Florence et
n'allant jamais dans son évêché, que son oncle, Thomas Bonsi, administre. Mal
payé, comme tout le monde, — Tous les ecclésiastiques, quel que soit leur titre,
attachés à la maison de Marie de Médicis : premier aumônier, aumônier
ordinaire, aumôniers par quartier ou chapelains, n'ont en définitive que deux
fonctions définies : dire la messe, le matin, les vêpres le soir, et bénir
les tables aux repas. La messe de la reine doit être prête dès neuf heures du
matin. Les dimanche, vendredi et samedi, on chante une grand'messe à laquelle
sont tenus d'assister, en rochet, les évêques et archevêques présents à Si Sa Majesté ne fait rien dire, on attend sa venue pour
commencer l'office : le matin jusqu'à midi, le soir jusqu'à six heures. Quand
la reine désire entendre la messe ailleurs qu'au Louvre, vite, le sommier de
la chapelle charge sur une haquenée le drap de pied de
Sa Majesté, avec ses carreaux, tapis et dais et va installer le tout à
l'endroit désigné[14]. Un prédicateur attaché à la maison royale, Frère Jacques Buchon, de l'abbaye de Saint-Victor, moyennant l'humble somme de dix livres par an, prêche tous les dimanches et jours de fêtes, le matin après l'offrande de la grand'messe et durant le Carême ou l'Avent à peu près chaque jour. En principe, une messe quotidienne est célébrée pour le personnel de la maison ; il est douteux que laquais, valets de chambre, cochers ou cuisiniers y assistent, mais benedicite et grâces sont régulièrement dits à leurs tables comme à celle de la souveraine par l'aumônier en quartier[15]. Après la chapelle, le chevalier d'honneur est l'homme le plus important de la maison de la reine, personnage grave, très digne, qui accompagne la princesse partout et lui sert de chaperon. Il faut, afin de remplir cette place, Marie de Médicis le dit elle-même, un cordon bleu et une barbe grise. Il n'a pas grand'chose à faire et ne commande à personne. Au Louvre et dehors, il prend la main de Sa Majesté, lorsque celle-ci a besoin qu'on la conduise, se tient à sa droite dans toutes les grandes cérémonies, mais pour monter ou descendre de cheval, la fonction passe au premier écuyer quitte à ce que dès que la princesse a posé le pied à terre, le chevalier reprenne ses droits. Il a sa chambre au palais royal, privilège insigne accordé à peu d'hommes. Dans les cas graves, et si la place est occupée par quelqu'un en qui Marie de Médicis ait pleine confiance, le chevalier d'honneur rédige les lettres importantes, celles qu'il faut particulièrement mesurer et pourpenser[16]. L'autorité sur le personnel de la reine appartient en fait au premier maître d'hôtel, cheville ouvrière de la maison, comme il l'est de toute maison de riche particulier : c'est lui qui a les règlements à appliquer, les papiers à tenir à jour, les punitions à infliger : il est le dirigeant suprême de ce qu'on appelle les Sept offices. Il doit être noble parce qu'il a sous lui des écuyers qui le sont ; il doit être actif, intelligent, volontaire, doué d'une parfaite mémoire pour connaître jusqu'au dernier des enfants de cuisine. Le premier au Louvre, dès l'aurore, — les grandes lanternes de toile posées dans les escaliers du logis royal une fois éteintes, — il veille à ce qu'on balaie et ôte les ordures qui sont à la cour, sur les degrés et aux salles hautes et basses, afin qu'il ne demeure aucune saleté ou puanteur. Il va partout s'assurer que chacun est à son poste à l'heure, — tout le personnel logeant en ville. — Dès le réveil de la reine, il vient dans la chambre royale prendre les ordres qu'il transmet aux cuisines, puis va constater que chaque chose est faite au contentement de la souveraine, que les viandes sont bonnes, et que le vin n'est pas piqué. Tous les trois mois, il dresse la liste des gens devant servir dans le quartier et la présente à la reine qui signe : pièce importante pour la comptabilité, car ceux-là seuls seront payés qui figureront sur cette pancarte. Il rassemble le personnel nouveau le 4 du premier mois du quartier, lit à haute voix les règlements, rappelle à chacun qu'il doit se conduire avec toute fidélité, intégrité, soin et diligence ; recommande rigoureusement d'être présent chaque jour avec défense de se faire remplacer sans une autorisation particulière, qui sera d'ailleurs inscrite sur un registre spécial, ou sans une bonne et due certification de médecin ; puis, rompant le cercle, il va d'office en office apprendre à connaître les nouvelles figures, et renouer connaissance avec les anciennes. C'est lui qui propose les avancements, fixe les attributions, décide les suspensions ou mises à pied. Du haut en bas, hommes et choses doivent lui être familiers. Le soir, à la nuit, il s'occupe de l'éclairage, fait allumer des flambeaux par toutes les salles et passages du logis de Sa Majesté, des falots aux quatre coins de la cour, aux degrés, afin que l'on puisse connaître et voir ceux qui y viendront[17]. Le premier maître d'hôtel a près de lui un maître d'hôtel ordinaire, qui n'a qu'un rôle effacé, et le maître d'hôtel en quartier qui est son vrai collaborateur. Le troisième jour du premier mois de chaque quartier, le premier maître d'hôtel, le maître d'hôtel sortant et le maître d'hôtel entrant se réunissent dans le bureau du maître d'hôtel, tiennent conseil en compagnie d'autres fonctionnaires : le maître de la chambre aux deniers, le contrôleur général et les clercs d'office. On examine ce qui a été fait dans le précédent quartier ; on décide ce qui se fera dans le suivant, puis les registres étant étalés : marchés de vivres et de fournitures, menus, état des batteries de cuisine, des ustensiles, du linge, le tout est revu, signé, paraphé ; car le maître d'hôtel entrant rendra compte du matériel dont on lui transmet la garde. Alors le maître de quartier prend le bâton, marque distinctive de sa fonction, et fait le tour des offices pour connaître, lui aussi, son monde. A défaut de son chef, il va attendre la reine le matin au sortir des appartements et lui demander ses instructions pour le dîner. Après quoi il revient à la cuisine surveiller. Au moment du repas, il informe Sa Majesté que la table est servie, ou plutôt la viande portée. La reine se mettant à table, il lui présente la serviette mouillée avec laquelle Sa Majesté s'essuie les mains. Il préside le service. Il doit être constamment là : défense de prendre le moindre repas hors du Louvre ; défense d'avoir une autre occupation rétribuée hors du palais. Il fait son rapport, à la fin de chaque mois, à la reine, au sujet des fautes du personnel, propose les punitions graves et réunit souvent en conseil les personnages que nous avons indiqués tout à l'heure afin de prendre leur avis et de maintenir les traditions[18]. La reine étant à table et le maître d'hôtel ayant tendu la serviette, ce n'est pas lui qui sert Sa Majesté, ce n'est pas non plus un domestique quelconque : il faut des gens nés ; la fonction revient aux gentilshommes servants. Les trois gentilshommes servants portent les noms antiques de pannetier, d'échanson et de tranchant. L'un donne le pain, l'autre sert à boire, le troisième coupe la viande. Dès que l'heure est arrivée de préparer la table, les trois personnages se rendent processionnellement au gobelet — le gobelet est l'endroit le plus relevé des cuisines, le premier des sept offices, là où se prépare ce qui concerne le couvert de Sa Majesté ; — un huissier les précède ; des officiers les suivent. Au gobelet, ils prennent : le pannetier, la nef royale, vase de cristal en forme de nef de navire, monté sur garniture de métal ciselé et qui contient la serviette ; l'échanson, la coupe ; le tranchant, les couteaux. Ils retournent processionnellement, viennent dans la salle et regardent dresser le couvert. Une fois la reine à table, eux seuls s'occupent d'elle, lui donnent son pain, lui tendent son verre sur un plateau, après avoir essayé vin et eau devant elle pour l'assurer qu'on ne l'empoisonne pas ; lui passent sa viande, apportée par les officiers de la cuisine, et tout ce qu'elle mange : Sa Majesté ne prend rien que de leur main. En principe, leur office devrait s'arrêter là. En réalité,
Marie de Médicis n'ayant pas de gentilshommes d'honneur pour son service
d'apparat, ils en remplissent la fonction. Ils doivent donc venir au Louvre
le matin, vers sept ou huit heures, se rendre dans l'antichambre et attendre
que la souveraine sorte pour l'accompagner. Ils sont tenus d'entretenir deux
chevaux chacun. S'ils n'escortent pas la reine, celle-ci les envoie faire
vingt courses ; porter des condoléances ici, une lettre là-bas. Les
promenades sont parfois longues, tel va en Berry, tel en Touraine. Bien
qu'ils n'habitent pas au Louvre, ils ne peuvent, comme les maîtres d'hôtel,
ni dîner ni souper dehors. Ils touchent à peine La domesticité proprement dite se recrute dans la roture ; d'abord les huissiers, auxquels on dit : Monsieur l'huissier ; il y en a un pour chaque pièce. En permanence à l'entrée de la salle dont ils ont la garde, les huissiers tiennent une verge à la main, souvenir des temps pas très lointains où ils fouettaient ceux qu'ils avaient à reprendre, et ils font le service d'ordre criant : Sortez ! Poussez-vous, sous peine de la baguette ! Le matin, les huissiers arrivent dès les cinq heures, assistent au nettoyage, ne laissent entrer chacun qu'à l'heure désignée pour lui. L'huissier de l'antichambre est celui dont la charge est la plus lourde, parce que la salle qu'il surveille est la pièce où les courtisans et le personnel accourent en plus grand nombre. Le cérémonial interdit qu'on s'asseye sur les coffres garnissant les murs et qu'on approche du buffet ; la première prescription par décence, la seconde par précaution : l'huissier alors barde le buffet, se tient devant. Au moment où l'on va mettre la table de Sa Majesté — si la souveraine prend son repas dans l'antichambre, — l'huissier fait évacuer la pièce. L'huissier du Cabinet, lui, doit connaître son monde, ne pas laisser se faufiler dans ce qui est le Salon de Sa Majesté des inconnus ou des suspects, mais, en même temps, il doit veiller à ne pas irriter quelque grand seigneur ombrageux ou offenser un obscur gentilhomme. La tâche devint particulièrement difficile lorsqu'il a affaire à quelque couple de bavards seigneurs gascons, amis de Henri IV, se disputant, échangeant des gifles : offense criminelle à la dignité de la demeure royale, qui oblige l'huissier à jeter tout ce monde dehors[20]. Ensuite les valets de chambre. Ils sont quatre, en quartier, sous la direction du vieux Pierre Sopitre, le premier valet de chambre, chef d'une dynastie qui se passe la charge de père en fils — Henri III avait un Sopitre premier valet de chambre, Louis XIII en a encore un en 1633. — Les valets de chambre viennent au Louvre à cinq heures du matin, allument le feu, l'hiver, dans l'antichambre et le Cabinet, puis nettoient. Dès que la reine est éveillée, ils se rendent à la cuisine pour aller prendre son bouillon et, sitôt qu'elle est partie à la messe, s'emparent de sa chambre à coucher, font le lit, battent, rangent, époussettent. Le reste de la journée, ils se tiennent dans l'antichambre et, la nuit venue, allument chandelles, bougies et falots. La fruiterie leur a transmis le luminaire nécessaire dont ils ont délivré par poids et comptes une décharge en règle, comme ils donnent récépissé du bois à brûler et des serviettes pour le ménage. Ils mouchent les chandelles et surveillent les lanternes. Derrière eux, évoluent trois valets de garde-robe qui aident les femmes de chambre à transporter et ranger les effets de Sa Majesté dans les coffres[21]. A la suite, dans la domesticité, se placent les médecins,
au nombre de cinq : premier médecin, médecin ordinaire, trois médecins en
quartier, y compris le médecin du commun, aidés de deux apothicaires, de deux
chirurgiens et d'un barbier à l'usage du commun.
Ils se trouvent chaque matin à l'antichambre, au cas où l'on aurait besoin de
leurs services, et ne manquent aucun repas, afin d'essayer les vins. Ils
reçoivent des traitements hors de proportion avec leur place et surtout avec
les gages du reste du personnel : par exemple, à côté du premier maître
d'hôtel qui touche Tous ces médecins soignent aussi le personnel de-la maison. Une centaine de personnes, dont la liste est soigneusement dressée, ont droit aux soins médicaux ; des règlements minutieux prévoient les cas possibles, et définissent les conditions de ce droit de secours dans lequel sont compris les fournitures pharmaceutiques : on n'a pas le médecin pour une maladie contractée hors du service ; on ne l'a pas pour certaines maladies innommables. Il est fait expresse recommandation aux médecins de composer leurs ordonnances avec bonne foi et sévérité ; de n'y mettre aucune superfluité ou délicatesse et recherche, plutôt pour flatter les malades que pour les guérir, par exemple d'y introduire sucre, confiture, odeurs, embellissements qui pourroient être demandés de leur propre mouvement par les malades ; mais seulement ce qui sera nécessaire pour la restauration de leur santé : il faut empêcher, comme dit Robert Estienne, que les marchandises des apothicaires ne soient quasi que pour les friands qui sont en santé. L'apothicaire, qui fournit aussi le jour des Rois l'hypocras qu'on boit et en temps ordinaire le sucre et la cannelle, à la fin de chaque quartier, présente les ordonnances médicales datées, avec les noms des bénéficiaires et leurs qualités ; on contrôle[23]. Cuisines et communs s'étendent hors du Louvre, sur remplacement des pavillons actuels Daru et Denon et du jardin qui est aujourd'hui devant le pavillon de l'Horloge. C'est un amas de constructions basses, adossées aux maisons qui bordent la petite rue Froidmantel, Sa Majesté ne voulant pas qu'il se fasse cuisine dans son château, pour être chose trop déshonneste et indigne du respect que l'on lui doit porter. L'accès des communs est rigoureusement interdit au public — par peur du poison, — si rigoureusement que les maîtres d'hôtel risquent d'être chassés, au cas où l'on y surprendrait un intrus. Marie de Médicis a deux services de cuisines : le premier ne s'occupe que d'elle, et on l'appelle la cuisine de corps ou la cuisine bouche, par simplification, la bouche ; le second prépare les aliments destinés au personnel de la maison et se nomme cuisine commun[24]. La cuisine bouche compte quatorze personnes, hiérarchisées
: l'écuyer ordinaire, qui a le haut commandement et demeure en fonction
l'année entière ; l'écuyer en quartier, qui le supplée. Ces écuyers ne sont
pas des nobles, mais des gens de cuisine ayant gravi tous les échelons : ils
reçoivent la viande et répondent des plats. Puis, dans leur ordre
administratif : le maître-queux qui prépare les entrées ; le potager qui dose
les potages ; le hâteux qui cuit les rôts ; le pâtissier qui tourne les
pâtisseries ; l'enfant de cuisine qui arrange les ficelles et les brochettes
; deux galopins, qui balaient et nettoient pour 45 sous par mois ; deux
sommiers qui tournent les broches ; deux porteurs spécialement chargés
d'apporter l'eau et le charbon ; enfin l'huissier qui garde la porte. Sauf
les galopins, chacun de ces gens ne sert que trois mois par an. La reine de
France n'a donc pas de cuisinier éminent, lui combinant des mets rares. Les
maîtres-queux ont commencé par être galopins à Si la reine est contente, elle octroie des gratifications
qui viennent arrondir les maigres émoluments ; afin d'attirer ses bonnes
grâces, certains ne craignent pas de lui offrir des surprises de leur métier,
tel ce potager qui, au jour de l'an, fait cadeau à Marie de Médicis d'un ouvrage de beurre en rocher ; il eut pour la
peine Les menus de la table royale sont arrêtés au début de
chaque quartier par le premier maître d'hôtel et le maître d'hôtel servant
qui les portent à la souveraine, laquelle approuve et signe : Les officiers, édicte le règlement (est officier tout individu qui remplit un office), seront
très soigneux de bien accoustrer la viande de la reine et qu'on ne lui serve
rien qui ne soit fort bon et tendre. Le bouillon doit être bien cuit et bien consommé et non si plein de graisse et
clair comme il est quelquefois. Il faut surtout faire attention au vin
que, pour plus de sûreté, le premier médecin tastera
afin de voir s'il est de son goût. Les cuisines ont à tenir prêt le
repas de Sa Majesté, le matin, dès neuf heures et demie, le soir à cinq heures.
Le transport de la viande jusqu'à l'antichambre est une cérémonie pleine de
dignité. On forme un cortège : en tête marchent deux archers de la garde, en
hoqueton ou casaque brodée, la hallebarde sur l'épaule ; derrière, vient un
huissier, verge à la main ; puis le maître d'hôtel servant, tenant le bâton ;
après quoi un gentilhomme servant, le pannetier ; enfin, la viande de Sa
Majesté, portée par des pages ; l'écuyer de cuisine bouche, un
garde-vaisselle et deux gardes du corps avec leurs hallebardes — quelquefois
leurs arquebuses — veillent à ce qu'on n'approche pas du rôt royal. Quand le
cortège est arrivé à l'antichambre de la reine, tous ceux qui le composent se
découvrent ; l'huissier reste à la porte afin de prendre au passage les
bonnets des pages, qu'il garde dans ses poches. La cuisine commun a le même nombre de gens que la cuisine bouche, quatorze, avec les mêmes titres, les mêmes hiérarchies, les mêmes appointements. Tout autour, se groupent quelques services accessoires : la fruiterie, composée de deux chefs, de deux aides, d'un sommier, qui a charge des fruits et de la salade ; la fourrière (un chef, deux aides) qui apporte ou emmagasine le bois, le charbon, les fagots, la paille, les falots et autres matières similaires ; le serdeau, qui recueille les restes des tables, ceux de la table royale étant transmis par un gentilhomme servant[26]. Sur les deux cents personnes composant le service quotidien de Marie de Médicis, cent soixante-quinze sont nourries par la reine, et sont dites commensaux de la maison du roy, gens ayant bouche à cour, ou à pain et à pot chez la reine. On les distribue à l'heure des repas entre quinze tables, chaque table recevant un chiffre de convives variant de cinq à vingt-deux, et portant les désignations respectives de : table des gentilshommes servants, à laquelle prennent place l'aumônier et les chapelains ; table des demoiselles d'honneur, avec leur gouvernante et sous-gouvernante ; table du premier maître d'hôtel, la plus importante par la qualité de ceux qui y figurent ; tables des femmes de chambre, des valets de chambre, de la fourrière, de la cuisine bouche, etc. ; toutes tables occupées par des convives bruyants, parlant ensemble, faisant le long du dîner un vrai vacarme avec leurs cris, leurs huées et leurs risées. La vaisselle d'argent abonde ; ils en ont tous ; la fruiterie éclaire sa table avec des flambeaux d'argent vermeil doré ; la cuisine ne compte pas les poêlons, bassins, réchauds, culières, plats et écuelles d'argent qui s'alignent sur les fourneaux. Deux fois par semaine, un contrôleur vient vérifier s'il n'y a bien à chaque table que ceux qui ont le droit d'y prendre place. La surveillance est sévère. Défense est faite de rien réclamer si l'on n'arrive pas à l'heure ; défense de se mettre à une autre table que celle qui vous est désignée ; défense d'emporter quoi que ce soit dans ses poches, principalement le reste du pain ; défense surtout aux chefs de modifier les menus fixés par la reine ou le nombre et les noms des convives. Les mets sont du même genre que ceux que l'on sert à la table de Marie de Médicis, lourds, abondants, sans attrait. Ils varient à chaque table. Les demoiselles d'honneur auront par exemple pour dîner le matin : trois entrées, trois potages ; des pièces bouillies, telles que morceau de bœuf, poule, poulets, morceau de mouton ; des pièces rôties, à savoir : épaule de mouton, chapon, poulets ; et le soir des rôtis différents ; plus, les dimanches et jeudis, un gibier. Mais les valets de chambre n'auront que deux entrées, trois plats bouillis, deux rôtis et jamais de bouilli le soir. En fait de vin, chaque convive dispose d'une pinte-chopine par jour, soit un litre et demi ; les chefs reçoivent une quarte — près de deux litres ; — on distribue des pains d'une demi-livre[27]. Tous les soirs est dressé un bordereau de ce que la maison
de Sa Majesté a consommé : en moyenne, la consommation pour une journée
s'élève à 175 personnes seulement sur 200, avons-nous dit, prennent
place aux tables de la maison de la reine. Un certain nombre d'autres, en
réalité, sont encore nourries aux frais de Sa Majesté, mais d'une manière
différente. Madame de Guercheville, Léonora Galigaï, le chevalier d'honneur,
le premier maître d'hôtel, le trésorier général, les grands dignitaires,
reçoivent d'abord de larges indemnités, ingénieuse compensation à
l'insuffisance des traitements : Vivres et approvisionnements arrivent aux cuisines de
Marie de Médicis par adjudication. On a fait annoncer à son de trompe dans
les places et carrefours que marchés dévoient être
faits à jour dit, en plein bureau et donnés au rabais, à l'extinction de la
chandelle. Les sons de trompes se font entendre non seulement à Paris,
mais dans les villes circonvoisines comme de la
rivière de Loire. Il vient du monde, car la qualité de fournisseur de Quatre boulangers se sont associés pour soumissionner la
fourniture du pain : Martin Gallet, de la rue Saint-Honoré, Crespin Grillet,
de Châtillon-sur-Loing, André Moreau, de Poissy, et Jean Bardin, de la rue
Coquillière. Un traité a été passé entre eux et la souveraine, représentée
dans la circonstance par le chevalier d'honneur, le premier maître d'hôtel,
le maître d'hôtel servant et le trésorier général de la maison. Les
boulangers s'engagent à fournir pendant deux ans le pain de Sa Majesté et de
son personnel, un pain bien cuit et rassis,
du poids de neuf à dix onces, moyennant le prix fixe de douze sols par
douzaine de pains, l'un portant l'autre, payé
à la fin de chaque mois. Ils apportent leur pain à la panneterie dans des
sacs de cuir et des couvertures aux armes et couleurs de Marie de Médicis.
S'ils ne fournissent ni le poids ni la quantité demandée, on achètera le
surplus ailleurs et la dépense sera défalquée de leur note. Quand la reine
voyage, ils sont tenus d'expédier leurs fournitures à la suite de la
souveraine ; on les indemnise de leurs frais de transport. Lors de la fête des
Rois, ils confectionnent les gâteaux traditionnels pour la maison entière, ce
qui coûte Le roi de France n'a pas de provision de vin ; il fait
tout venir au jour le jour de chez le marchand. L'adjudicataire du vin de
Marie de Médicis est M. Vincent Voiture, bourgeois
de Paris, demeurant rue Saint-Denis, en la paroisse Saint-Eustache,
qui s'est engagé, par son traité, à fournir du vin blanc ou du vin clairet pour la reine, au prix de Viandes, — viande de bœuf venant du marché de Poissy, vachine de Florence, mouton de Madrid, vitelle de Rome,
— poisson, qu'on apporte le vendredi matin, graisses, bois, charbon,
chandelle, les autres provisions sont fournies par les fournisseurs Robert
Allard, Augias, Begny, Gilles Fournier, Claude Pommier, qui sont liés par des
engagements analogues. Comme chauffage, l'ensemble du personnel reçoit, par
jour d'hiver, 186 bûches et 193 fagots, c'est réglementé. Le luminaire n'est
pas moins fixé : Hors du Louvre, tout près de Saint-Germain-l'Auxerrois,
dans la petite rue des Poulies qui va du quai à la rue Saint-Honoré, sont les
écuries de la reine. Marie de Médicis a loué là, en Trente chevaux de carrosse, dix chevaux de selle, vingt
mulets, composent l'écurie spéciale affectée au service de Marie de Médicis :
des entrepreneurs, avec qui marché a été fait, fournissent par jour à chaque
bête cinq mesures d'avoine, deux bottes de foin de vingt livres et demie, une
botte de paille. Suivant marché conclu, le maréchal ferrant ferre cette
cavalerie moyennant Sous les hangars, remises et appentis, voici rangés les
lourds et pesants carrosses. Le carrosse ordinaire d'abord, monté sur une soupente à courroies doubles, de traverse simple,
garni à l'intérieur de velours rouge ; il peut être attelé de huit chevaux ;
— le carrosse riche, ensuite, exécuté en
1604, toujours en velours rouge et rehaussé d'or ; — puis, la voiture de gala
qu'Henri IV a donnée à Marie à son arrivée en France, en 4600, voiture toute couverte de velours tanné avec clinquant d'argent ;
le dedans de velours incarnat en broderie d'or et d'argent, les rideaux de
damas incarnat ; on y attelle quatre chevaux gris pommelés ; — enfin
les quatre voitures de la suite de Sa Majesté, carrosse
des femmes, carrosse des filles, etc., traînés par six chevaux chacun
; on remplace chaque année le plus vieux carrosse pour la somme fixe de mille
livres, de même que le charron renouvelle tous les ans les trains, parties
délicates des véhicules, pour Ils ont un superbe costume, toujours bleu et blanc, en
velours, couvert de broderies d'or, avec aiguillettes et ceinture d'or, bas
blancs et un grand chapeau. Cinq postillons mènent les bêtes de volée. Enfin,
deux valets de pieds par voiture, grands laquais du corps
et grands valets de pied, costumés de mantilles
et chausses de velours bleu, avec pourpoint de chamois,
aiguillettes et ceintures d'or, montent derrière les voitures[36]. Il est fait expresse défense aux gens de l'écurie de prêter à qui que ce soit, chevaux, carrosses, mulets ou chariots de la reine. Marie de Médicis consent à admettre au milieu de ses bêtes les montures de ses serviteurs immédiats, et elle les nourrit : chevaux de charroi de madame de Guercheville ou chevaux de selle des écuyers. Le chef de l'écurie est M. le premier écuyer. M. le
premier vient tous les jours faire son inspection et écouter le rapport ;
l'écuyer servant qui sert en quartier se rend chaque matin dans l'antichambre
de la reine afin de prendre les ordres et sort à cheval avec le carrosse de
la souveraine. Cochers, palefreniers, muletiers, laquais, garçons, tout le
monde de l'écurie célèbre sa fête patronale à A l'écurie, il faut joindre les pages, petite bande de douze jeunes garçons de bonne famille confiés à la reine, avec un aumônier précepteur qui les instruit et les dirige, un écuyer cavalcadour qui leur apprend à monter à cheval ; un baladin qui leur enseigne à danser. Aux jours de grande cérémonie, les pages portent un bel uniforme en toile d'or imprimée avec force passements d'argent large de deux doigts, et montent sur des chevaux richement harnachés ; les jours ordinaires, ils ont une jupe, chausses et capot de velours, un pourpoint de satin, des bas de soie blanche, des aiguillettes et l'épée. Leur trousseau comporte huit chemises et autant de coiffes, de mouchoirs, de rabats, de paires de manchettes, de chossons ; vingt-quatre paires de souliers de maroquin et quatre paires de bottes. Trois domestiques les servent, un barbier leur fait les cheveux et les panse, un lavandier blanchit leur linge. Les pages et les laquais jouissent à Il ne faut pas oublier le bateau de plaisance de Sa
Majesté, sa galère, fantaisie de jeune femme
et de Florentine, coûteuse et inutile. C'est au moment de sa venue en France
que la jeune princesse a supplié Henri IV de lui faire construire un petit
bâtiment à Marseille ; puis, trouvant le travail trop long, elle a préféré en
acheter un qui s'achevait. M. de Sully avait commencé par refuser l'argent.
Marie dut emprunter au banquier Zamet de quoi payer, équiper le bateau, et donner
Cette galère, Restent les bureaux, c'est-à-dire l'administration de la maison de la reine, où l'on paie et où l'on paperasse : contentieux, caisse publique, dont le personnel porte le titre général de gens de conseil. L'homme le plus influent ici est le secrétaire des commandements, M. Phélippeaux, seigneur de Villesavin, personnage très intelligent, actif, autoritaire, qui a l'oreille de la souveraine et lui écrit le plus grand nombre de ses lettres qu'il contresigne. Ses recommandations sont les plus efficaces quand on veut obtenir de l'avancement ou des gratifications. Il fréquente peu les antichambres ou les assemblées de Cour, agit plus sûrement dans ses audiences au Cabinet, et le reste du temps travaille à sa table, discrètement, en compagnie de ses deux commis, MM. Samuel Lechalas et Laurent Deshaye. Il a bien au-dessus de lui un chef attitré, le surintendant ou intendant général de la maison et finances de la reine. Mais tant que la fonction de surintendant a été remplie par l'honnête M. Sébastien Zamet, qui avait bien autre chose à faire, ou par M. d'Attichy qui n'était pas combatif, M. Phélippeaux est resté le maître. En 1614, arrivera à la surintendance M. Claude Barbin, moins maniable, qui commencera à saper la puissance du secrétaire des commandements, et quand, en 1619, Richelieu deviendra surintendant, il fera chasser M. Phélippeaux[41]. Il y a un chancelier de la reine, c'est le vieux M. Potier de Blancmesnil, président à mortier au Parlement de Paris, dont la fonction, honorifique surtout, peu absorbante, consiste principalement à présider, à peu près chaque mois, un conseil de juristes composé de quatre ou cinq personnes : MM. Florent d'Argouges, Bullion, d'Ocquerre, Marescot, où l'on donne des avis aux divers agents des domaines de la reine sur les poursuites à exercer ou les procès à soutenir. Marie de Médicis ne s'est jamais séparée de son digne chancelier à la barbe vénérable[42]. Le trésorier général de la maison a une charge autrement active, d'autres responsabilités. M. Florent d'Argouges, qui l'occupe — le fils succède au père en 1615, le petit-fils sera surintendant de la maison d'Anne d'Autriche, — dirige la comptabilité et signe les ordonnances de paiement. Chaque trois mois, le trésorier de l'épargne (manière de caissier central du trésor de l'Etat) lui transmet le montant des crédits alloués au personnel de la reine et c'est lui qui paie ce personnel. Il arrive souvent que le trésorier de l'épargne soit en retard : alors le malheureux personnel vient gémir à la porte du trésorier général de la maison de la reine, crie, profère des insolences. C'est du moins ce dont se plaint M. Florent d'Argouges, un peu humilié des réclamations dont il est assiégé. Nous verrons, en parlant du budget et des finances de Marie de Médicis, les inextricables embarras dans lesquels l'humeur capricieusement dépensière de la princesse jette M. Florent d'Argouges[43]. Les difficultés de ce genre amenant une multitude de
procès, ainsi que les affaires innombrables des domaines dont dispose Marie
de Médicis pour son douaire, tout un monde de praticiens est attaché à sa
maison afin de vaquer à la poursuite de ces procès. Ces praticiens ont de
beaux titres, analogues à ceux des dignitaires du Parlement : voici par
exemple le procureur général de la reine, M.
Louis Dolé, un avocat vigoureux, éloquent, un peu intrigant, si bien en cour
à certaines heures qu'il joue un rôle politique, que de grands seigneurs
usent de ses bons offices, et qu'il sera même question de lui pour le
contrôle général des finances, pour la charge du chancelier de France ; puis
le solliciteur général des affaires, M.
Pierre Baudouin ; l'avocat général, M.
Guillaume Marescot ; l'avocat ordinaire, M.
Adam Thévenot ; ensuite près Le trésorier général, avons-nous vu, est une façon de
directeur des finances ; à côté de lui est le chef de service qui tient la
comptabilité : le contrôleur général, M. du Buisson. Vers la fin de chaque
année, M. du Buisson dresse, par le menu, l'état
général par estimation des dépenses de la maison pour l'année suivante
: c'est notre projet de budget ; l'état est soumis à l'approbation du roi ;
il faudra qu'il soit rigoureusement exécuté dans les limites des crédits, comme nous dirions. Le contrôleur
général veille à ce que chaque article soit appliqué tel qu'il est porté. Le
trésorier général se chargeant de régler les traitements du personnel, le
contrôleur s'occupe, lui, des dépenses matières. Chaque soir, il se fait
donner par le maître d'hôtel les bordereaux signés et paraphés de ce qui a
été dépensé dans la journée, les totalise, les enregistre, inscrit au compte
de chaque fournisseur et ce qu'il a donné et ce qui lui est dû, en comparant
avec les marchés passés dont il garde les minutes. Lorsque, à la fin du mois,
lesdits fournisseurs viennent se faire payer, il relève l'extrait des parties qui sont employées es escrous sous
leurs noms et leur délivre une ordonnance de paiement que ceux-ci
iront présenter à la caisse, la chambre aux deniers.
Le contrôleur a des commis, — les contrôleurs clercs d'offices, — qui copient
les registres, dressent les duplicata, transcrivent les bordereaux, vont
surveiller les cuisines, assistent à la recette du
poisson et de la chair et examinent discrètement si les bordereaux que
fournissent les maîtres d'hôtel correspondent bien à la réalité[45]. La caisse, la chambre aux deniers,
n'a exactement qu'à payer ce qu'on lui demande contre la présentation des
ordonnances. Son chef, le maître de la chambre aux
deniers, avait tendance au début à faire des objections et des
observations à propos de tout : les règlements un peu secs lui ont rappelé
qu'il n'était qu'un comptable recevant de l'argent du trésor et le débitant à
son guichet. Tout au plus l'autorise-t-on à représenter la reine dans les
traités passés avec les fournisseurs, aux côtés des autres dignitaires, à se
rendre au bureau des maîtres d'hôtel, afin d'examiner les papiers des
officiers et à donner aux nouveaux officiers de la maison lecture du brevet
qui les nomme. Car nul, fût-il simple galopin de cuisine, n'est nommé sans
recevoir un brevet, ou lettre de retenue,
signé de la main de Marie de Médicis ; il va au bureau de Marie de Médicis a nombre de gens auxquels elle peut demander un conseil ou une aide juridique, magistrats, procureurs, avocats, hommes de loi, à Paris, en province, particulièrement dans les pays de ses domaines particuliers ; elle leur donne un titre — maître des requêtes de la reine, secrétaire ordinaire de la reine, — de petits émoluments variables : dix à cinquante livres ; les appelle parfois auprès d'elle pour un service plus régulier pendant un mois ou deux, ce qui leur vaut une gratification raisonnable. Ainsi s'est-elle constituée une clientèle de serviteurs qu'elle récompense de quelque service, ou qu'elle se ménage en vue d'affaires à venir. En 1601, les maîtres des requêtes de la reine étaient dix-sept et les secrétaires ordinaires vingt-six ; en 1630, les premiers sont soixante-six et les seconds soixante-huit : on trouve, au milieu d'eux et parmi des noms inconnus, un Edouard Colbert de Villacerf, un M. Bénigne Bossuet, avocat au Parlement, conseiller aux Etats de Bourgogne. Ces noms évoquent la pensée d'une époque prochaine autrement fastueuse où les sept mille personnes entourant Louis XIV à Versailles laisseront loin derrière elles la petite cour décente des deux cents commensaux de Marie de Médicis[47] ! |
[1]
B. Zeller a détaillé les discussions auxquelles donna lieu l'organisation de la
maison de la reine, et qui commencèrent dès que la nouvelle du mariage de Marie
de Médicis fut annoncée, tout le monde réclamant une place, surtout d'Italie
(B. Zeller, Henri IV et Marie de Médicis, p. 76 et suiv.). Pour cette
organisation on s'inspira de l'état de la maison de la reine en 1590 (États
de la maison de Marguerite de Valois, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 858,
fol. 493 et suiv. ; Arch. nat., KK, 158-181). — D'Italie, les négociations
furent infinies, les recommandations venant de toutes parts (Cardinal d'Ossat, Lettres,
éd. Amelot de
[2]
J. de
[3]
Les règlements royaux recommandent expressément le recrutement du personnel de
la maison de la reine dans les familles des anciens domestiques (Bibl. nat.,
nouv. acq. fr. 1 225, fol. 39 v°) et les princes tiennent aux vieux serviteurs
(Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 88, fol. 37 r°). Les privilèges de ce personnel
sont souvent confirmés (Bibl. nat., ms. Dupuy 489, fol. 16 ; Déclaration du
roi sur le rang et ordre que doivent tenir es assemblées, les valets de sa
chambre et garde-robe, portemanteaux, huissiers.... 28 fév. 1605, Paris, F.
Morel, 1605, in-8° ; Déclaration du roi portant confirmation des privilèges et
exemptions accordés aux officiers domestiques et commensaux de Sa Majesté,
Paris, 1610, in-8° ; N. Valois, Inventaire des arrêts du Conseil d'État,
II, 452). Les rois n'ont jamais voulu que les charges de la maison de la reine
fussent vénales (Isambert, Recueil, XVI, 87) ; Cf. J. Leschassier,
[4] Nous avons la liste détaillée des maisons des rois et des reines de France du XVIIe siècle et siècles antérieurs dans plusieurs précieux manuscrits (Bibl. nat., mss fr. 7 854, 6 393, nouv. acq. fr. 9 175) et en plus, pour Marie de Médicis, dans le ms. 1 073 de la collection Moreau, Bibl. nat., et aux Arch. nat., KK, 187-191. Il est facile de comparer sa maison avec les maisons royales, qui ont précédé ou suivi la sienne. Celle de Catherine de Médicis en 1583, comptait 600 personnes (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 43-35) ; celle d'Anne d'Autriche en 1640, 512 (Ibid., fol. 301-329). Ajoutons que la maison d'Henri III en 1589 comprenait 1.725 personnes (Ibid., fol. 143-172) ; celle d'Henri IV en 1601, 1.041 (Ibid., fol. 183-206) ; celle de Louis XIII, en 1630, 1.132 (Ibid., fol. 271-299).
[5] Il existe au Cabinet des Estampes un joli dessin aux quatre crayons, attribué à Fr. Quesnel et représentant madame de Guercheville. Sur elle, voir la notice de E. Thoison (Madame de Guercheville, esquisse historique. Fontainebleau, 1S9I, in-8°). Elle avait été demoiselle d'honneur de Catherine de Médicis (Bibl. nat., ms. fr. 1 854, fol. 18 r°) et de Louise de Lorraine, femme d'Henri III (Ibid., fol. 175 v°) ; son père lui-même avait été gentilhomme de la chambre d'Henri II (Ibid., fol. 4 r°). L. de Choisy a écrit une notice sur elle (Bibl. de l'Arsenal, ms. 3 186, fol. 165-168). Son histoire avec Henri IV est connue (Princesse de Conti, Hist. des amours de Henri IV, Leyde, 1664, p. 6 ; Tallemant, I, 280 ; Eug. Halphen, Lettres inédites d'Henri IV, p. 65). Le roi l'appréciait (Lettres missives, V, 313), et lui écrivait volontiers (Bibl. nat., ms. Dupuy 569, fol. 34). C'était madame de Guercheville qui avait reçu Marie de Médicis à Marseille en 1600 (Ph. Hurault, Mém., éd. Michaud, X, 604). Un passage de Bassompierre (Mém., I, 172) nous suggère la réserve que nous faisons sur les rapports de la reine avec sa dame d'honneur. Quant aux attributions et privilèges de la dame d'honneur, voir les règlements de la charge (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 859, fol. 160 et suiv. ; 9 738, pièce 50 ; 7 225, fol. 351 r°). Guercheville était un important marquisat (Bibl. nat., ms. fr. 32 379-80). La dame d'honneur eut des procès compliqués (Bibl. nat., ms. Dupuy 857, fol. 125). Sur sa chambre au Louvre, voir Héroard (Journal, II, 118) et consulter G. Hanotaux (Hist. de Richelieu, II, 249).
[6]
Nous reviendrons plus loin sur Léonora Galigaï. Aux grandes cérémonies, la dame
d'honneur et la dame d'atour paraissent avec une robe
de toile d'argent et d"or frisé, à double queue traînante sur haquenées
blanches (P. Matthieu,
[7] L'histoire de mademoiselle de Sagonne est contée par L'Estoile (Journal, VIII, 123 et Tallemant (I, 73). C'est Anne de Bretagne qui aurait étendu l'institution des demoiselles d'honneur (Bibl. nat., nouv, acq. fr. 1 859, fol. 130 r°). Il en existait au XVe siècle (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 347 v°). Malherbe (Lettres, III, 347) et Tallemant (I, 73) ne s'accordent pas sur la place de leur appartement. Elles portent toujours une toilette uniforme (Mercure français, 1612, p. 473).
[8] L'aventure de la petite Catherine nous est révélée par une série de lettres de Marie de Médicis (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 122 r°, 132 r°, 135 r°). Il est question de cette jeune personne à propos de son mariage avec Marillac, dans les Lettres missives (VII, 303, VIII, 933) et Tallemant (II, 118). Marie de Médicis s'entremit pour le mariage avec Marillac et réussit mieux cette fois (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 87, fol. 141 v° et 158 r°).
[9] Sur les rêves que caressent les filles d'honneur de faire de brillants mariages, voir Balzac (les Entretiens, Paris, 1658, in-12°, p. 129), Héroard (I, 31 ; II, 53).
[10]
Françoise Frugelet, demoiselle de
[11] Catherine Forzoni, la plus favorisée, reçut la charge de capitaine châtelain du château de Belleperche en Bourbonnois (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 108 r°). Ce fut elle qui accompagnait Marie de Médicis dans sa fuite de Blois (Relation de la sortie de la reine mère de Blois, dans Aubery, Mém. pour l'hist. du card. de Richelieu, Paris, 1660, in-fol., I, 142). Catherine estoit une brutale, dit Tallemant (III, 238). Il y avait un certain nombre d'autres femmes de chambre (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 141 v° ; 93, fol. 171 r°, etc.)
[12]
L'usage d'avoir des nains près de soi était très répandu chez les seigneurs du
moyen âge (note très documentée de B. Prost, dans Inventaires mobiliers et
extraits des comptes des ducs de Bourgogne, Paris, 1904, I, 519). Les
reines se passaient les leurs de règne à règne (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9
175, fol. 407 r°). Catherine de Médicis avait parmi ses femmes de chambre des
négresses, des Grecques, des Turques et des Polonaises (Bibl. nat., ms. fr. 7
854, fol. 19 r°). Mathurine était très connue du public (Bassompierre, Mém.,
II, 112). On empruntait son nom pour des libelles (les Essais de Mathurine
(s. l. n. d.), in-8° ;
[13]
Le premier grand aumônier de la reine évêque, celui d'Anne de Bretagne, a été
Guill. Briçonnet (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 358 r°). Thomas Bonsi
avait été évêque de Béziers avant son neveu et aumônier d'Henri III, ainsi que
d'Henri IV (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 145 V et 185 r°). Il appartenait à
une famille de gentilshommes toscans (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol.
10 v°). Sur les prélats italiens évêques en France, voir le cardinal d'Ossat, Lettres
(éd. Amelot de
[14] Voir l'Ordre que le roi veut estre tenu par son grand aumosnier, le maistre de son oratoire et le maistre de sa chapelle, dans Ordre et règlement qui doit estre tenu et observé en la maison du roy, Paris, M. Leché, 1657, in-12°, p. 23 ; et Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 37 et 87.
[15]
Les princes du XVIe siècle avaient à cœur de prendre parmi leurs aumôniers des
personnages tels que Pierre Ronsard (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 115 r°,
143 v°, 146 r°, de 1564 à 1586), Philibert Delorme (Ibid., fol. 2 et 101
V), Pierre Lescot (Ibid., fol. 115 v° et 144 v°). Jacques du Cerceau (Ibid.,
fol. 25 r°). A part Jean Bertaut et plus tard, en
[16]
Non seulement une barbe grise (Malherbe, Lettres, III, 421), mais una barba canuta (Canestrini, V, 566) est nécessaire
pour cette fonction comme pour celle d'écuyer. Ses attributions sont indiquées
dans un mémoire de l'abbé de Dangeau (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 738, n° 49).
Les chevaliers d'honneur de Marie de Médicis ont été : Jeronimo Gondi jusqu'en
[17]
La situation de maître d'hôtel et ses fonctions dans la maison de la reine,
identiques à ce qu'elles sont dans une maison de seigneur du temps (Audiger,
[18]
Toutes ces indications sont fournies par les manuscrits suivants : Bibl. nat.,
nouv. acq. fr. 9 175 (fol. 365 r° et suiv.) ; nouv. acq. fr. 7 225 (fol. 39 r%
89 r° et suiv. 189 r°) ; nouv. acq. fr. 7 859 (fol. 102 r°, 103) ; nouv. acq.
fr. 9 738 (fol. 125) ; Cinq-Cents Colbert 94 (fol. 202). En fait de noms connus
nous ne relevons que des Brulart parmi les maîtres d'hôtel de Marie de Médicis
(Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 416 v°). Le dauphin fils de François
Ier avait eu comme maître d'hôtel Loys de Ronsard,
seigneur de
[19]
Les gentilshommes servants avec Marie de Médicis sont peu de chose à côté de ce
qu'ils étaient sous Catherine de Médicis (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175,
fol. 385 r°). L'ambassadeur vénitien Suriano explique pourquoi on est obligé de
les faire servir par quartier, en raison des frais excessifs que représente
pour eux leur service à
Vivez donc aux champs, gentilshommes !...
puis du Faur de Pibrac, les Quatrains arec les
plaisirs de la vie rustique, Paris, 1583, in-12° ; G. Binet, les
Plaisirs de la vie rustique et solitaire, Paris, 1583, in-12° ; les
Plaisirs de la vie rustique qui sont divers poèmes sur ce sujet, Paris,
1583, in-12°). De la situation du gentilhomme aux champs sous Henri IV, nous
avons un curieux tableau que trace l'auteur du Païsan français au roi
(s. l. n. d.), in-12°, p.
[20]
Les huissiers avaient des chaînes d'or ; ceux de la chambre du roi, des masses
(Discours sur l'ordre observé à l'arrivée de Don Pèdre de Tolède, p. 8).
Leurs cris sont indiqués dans les Visions admirables du pèlerin du Parnasse,
Paris, J. Gesselin, 1635, in-16, p. 82. Le règlement des huissiers, comme celui
des valets de chambre, se trouve dans les mss. : nouv. acq. fr. 9 738, 1 225,
fol. 39 et 109 ; 9 175, fol. 334 r°, 525 V, de
[21] On éclaire l'antichambre de six flambeaux de cire jaune et la chambre de six flambeaux de cire blanche (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 269 r°). Avant Henri II les valets de chambre étaient nobles (Scaliqeriana, éd. de 1669, p. 246). Sur la dynastie des Sopitre, voir Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 229 r°. — Henri IV donna une abbaye à l'un d'eux (Lettres missives, VII, 816). Les quatre valets de chambre de la reine en 1614 s'appelaient Rouvre, Marcel, Berault, Dagron (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 209 r°). Un d'eux couchait toutes les nuits dans l'appartement (Ibid., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 91 r°). Les valets de chambre de Marie de Médicis sont des inconnus. Catherine de Médicis avait eu dans cette fonction Balthasard Beaujoyeux (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 396 r°) ; Henri II, Léonard Limousin (Ibid., ms. fr. 7 854, fol. 9 V).
[22] Pour le règlement royal concernant les maladies des gens de la maison, voir Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 94, fol. 203 r°.
[23]
Il y a eu trois du Laurens successivement médecins d'Henri IV : Michel, Richard
et André (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 201 r°). André, le premier médecin de
Marie de Médicis, né en 1538 à Tarascon, professeur à Montpellier en 1583, fit
nommer par la reine un de ses frères, Gaspard, archevêque d'Embrun (Lettres
du cardinal d'Ossat, éd. Amelot de
[24] La cour des cuisines, ou basse-cour, gardée par un concierge (N. Valois, Inventaire des arrêts du Conseil d'État, II, 511), était l'œuvre de François Ier (Ad. Berty, Topographie hist. du vieux Paris, 1, 204). Un règlement de 1585 explique pourquoi il faut que les cuisines soient hors du Louvre (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 99 r°). Sur leur accès interdit au public, voir J. Corbin (le Code Louis XIII, Paris, 1628, in-fol., p. 339). Personne n'y demeurait ; ainsi l'huissier de la cuisine, Martin Valet, habitait rue Saint-Honoré, au Bras d'or (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 221, fol. 143 r°).
[25]
Cependant d'autres personnes que la reine se préoccupaient d'avoir de bons
cuisiniers. J'ai découvert un fort bon cuisinier,
écrit le duc de
[26]
Tous ces détails sont fournis par les divers règlements manuscrits déjà cités.
On fait maigre à la table royale, en dehors des jours ordinaires prescrits par
l'Église, les veilles des six fêtes de Notre-Dame, la veille de
[27]
Les sept offices sont les véritables officiers
commensaux de la maison du roy ; lorsqu'ils sont en service, ils ont bouche à
cour dans la maison de Sa Majesté (
[28]
Nous avons conservé les rôles
journaliers des comptes de bouche de la maison royale (1574-1608 : Bibl. nat., nouv. acq. fr. 5
906, pièces 122-207 ; pour 1608-1721, Ibid., 5 907, pièces 208-266). On
trouvera un bordereau journalier de nourriture royale, longue feuille de
parchemin, datée du 27 mai 1602, et signée de quatre noms dans le ms. nouv.
acq. fr. 5 824, fol. 112, de
[29] Une douzaine de personnes en janvier 1610 reçoivent des livrées (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 6 r°). Nous avons conservé des modèles de brevets de livrée (Bibl. nat., ms. Dupuy 489, fol. 126 et 127, et nouv. acq fr. 7 225, fol. 183 r°). Les mots quartes, pintes et chopines sont les expressions courantes de mesure de vin, employées dans la maison de la reine comme dans les cabarets du temps (Lettre d'écorniflerie et déclaration de ceux qui n'en doivent jouir, Paris, P. Mesnier [s. d.], in-8°). Les projets de menu de la maison de la reine n'ont pas prévu les réceptions extraordinaires, festins d'ambassadeurs, soupers de gala. Pour ceux-ci il est tenu un registre spécial soumis à la reine tous les mois, et qui mentionne aussi le matériel emprunté, linge, tables, vaisselle, verres, bouteilles (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 7 v° et 8 v°).
[30]
L'expression à l'extinction de la chandelle
signifie qu'on allume une chandelle et qu'à l'extinction de celle-ci on adjuge
au dernier enchérisseur (Ordre et règlement qui doit estre tenu et observé
en la maison du roi, p. 18). Il arrivait qu'on rallumât d'ailleurs des
chandelles (Héroard, Journal, II, 168). Toutes les maîtresses de maison
importantes en ce temps passent des traités analogues avec leurs fournisseurs
(voir un traité de ce genre signé en 1608 par la marquise de Rambouillet dans
O. Teissier, Meubles et costumes, Paris, H. Champion, 1904, in-8°, p. 69).
Sur les privilèges des fournisseurs de
[31]
Voir leur traité : Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 201 r°. Le pain de Paris est beau et bon, mais cher ; il vient en
grande partie du dehors, apporté dans des charrettes par les paysans les
mercredis et samedis, jours de marché (il y a huit places de marché dans
la ville) ; les boulangers sont nombreux cependant
dans la ville (G. d'Ierni, Paris en 1596, dans Bullet. de
[32]
Ce Vincent Voiture est le père du poète bel esprit connu (Tallemant, III, 43).
Nous avons son traité (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 283-284) et un
arrêt le concernant (N. Valois, Inventaire des arrêts du conseil d'État,
II, 245). Il y avait une douzaine de marchands de vin fournisseurs en litre de
[33]
Les visions admirables du pèlerin du Parnasse (Paris, J. Gesselin, 1635,
in-16°, p. 218) énumèrent les viandes qu'on mange à Paris, et un document
publié par O. Teissier, leur prix (Meubles et costumes, p. 72) ; ce même
document, daté de 1605, fournit la liste des poissons ; il y en a une
trentaine, dont entre autres la grenouille : le cent vaut 5 sous ; la baleine,
5 sous la livre (Ibid., p. 74). On mangeait toute espèce de poissons de
mer et de rivière ; la vente en était réglementée (édit de 1602, dans Isambert,
XV, 266) ; on apportait de bonne heure le poisson le vendredi matin au Louvre
(Héroard, Journal, II, 161). Les vivres en général sont chers à cette
époque (G. d'Ierni, op. cit., p. 168). Le charbon, utilisé seulement à
la cuisine, venait du Languedoc, de Carmaux, de Graissessac, de
[34]
En 1664, en effet, cet hôtel appartient à M. du Buisson, auquel il est acheté
[35] Sur l'écurie de Marie de Médicis. Voir Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, 94, fol. 206 v°. On peut comparer avec l'écurie d'Henri IV (Estat de la despense de l'escurie du roy, 1605. Bibl. nat., ms. Dupuy 853, fol. 253). Sully parle du haras de Mehun (Économies royales, II, 26). Les achats de bêtes sont réglementés par les Lettres patentes portant règlement pour les marchands de chevaux (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 738, pièce 82 ; cf. Ibid., Actes royaux, F. 5 001 [56]). L'archevêque d'Embrun fit cadeau de mules à Marie de Médicis (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 89, fol. 148 V).
[36] Pour la confection des carrosses, c'est le premier écuyer qui indique la façon et l'ornement (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 168 r°). Voir la description de la voiture de gala de la reine dans Palma-Cayet (Chronologie septennaire, éd. Michaud, XII, 120), P. Matthieu (l'Entrée de Marie de Médicis dans la ville de Lyon, p. 14). Les carrosses étaient recouverts de coutil ciré ou treillis-ciré, manière de tissu imperméable (Discours sur l'ordre observe à l'arrivée de Don Pèdre, p. 5). Sur les housses des chevaux attelés aux carrosses, consulter G.-B. de Lagrèze (Henri IV, vie privée, p. 57). Les habits des cochers, postillons, laquais, valets de pied, muletiers, palefreniers, sont donnés par les comptes des tailleurs (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 94, fol. 211 r° et suiv.). Il y a encore à l'écurie une quinzaine d'aides (Ibid., 93, fol. 145 v°) et des garçons préposés aux carrosses (Ibid., 92, fol. 141 r°).
[37]
Marie de Médicis a eu pour premiers écuyers : M. de
[38]
La grande quantité de pages et de laquais dans une maison était signe
d'opulence (le Fidèle sujet de
[39] L'histoire de la galère de la reine se trouve dans la correspondance de Marie de Médicis (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 80, fol. 288 r°, 292 r° ; 87, fol. 158 v°, 245 v° ; 88, fol. 18 r° ; 91, fol. 152 V). Voir aussi Hobier : De la construction d'une galère et de son équipage, Bibl. nat., Rec. Fontanieu, t. 199, p. 478, puis sur les frais d'un bateau et le prix de ravitaillement, entretenement d'un navire à cette époque, Bibl. nat., ms. Dupuy 233, fol. 74 ; les galères et les galériens, Bibl. nat., ms. fr. 18 592, fol. 287 et suiv. Les expéditions du grand-duc de Toscane contre les côtes barbaresques étaient des représailles (Mercure français, 1613, p. 81). On évaluait à 10.000 le nombre des Turcs enlevés en Afrique par les navires toscans de 1570 à 1619 et à 6.000 le chiffre des chrétiens esclaves délivrés par eux (Galluzzi, Hist. du grand-duché de Toscane, VI, 175). Le roi de France avait d'ailleurs des Turcs dans ses galères (Lettres missives, VII, 439 ; Trésorerie et recette générale de la marine de Ponant, 1610-1612, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 999). Il en eut longtemps (J. Fournier, Un marché de Turcs pour les galères royales, 1685 [Extrait du Bullet. hist. et phil.], Paris, 1902, in-8°).
[40] Nous avons l'inventaire complet de la galère (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 64). Comparer avec un autre inventaire : Arch. des Aff. Étrang., France, 792). Henri IV parle de ce bateau à propos du voyage du P. Ange (Lettres missives, VII, 518). Voir aussi L'Estoile (Journal, IX, 414).
[41] Les Phélippeaux sont nombreux. C'est une famille qui a été attachée de bonne heure au service royal (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 389 r°) ; on sait sa fortune au XVIIe siècle. Celui-ci, Paul, rend de grands services à la reine (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 39 r°). On n'est nommé que sur sa présentation. Pour se rendre compte du travail qu'il a à faire lorsqu'il écrit les lettres de la souveraine, il suffit de dire que M. de Brèves, ambassadeur de France à Rome, partant pour l'Italie, emporte de Marie de Médicis, adressées à ses parentes, amies et autres de la péninsule, 41 lettres différentes ! (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 81, fol. 212 r° et suiv.). Sur sa disgrâce en 1619, consulter G. Hanotaux (Hist. de Richelieu, II, 316).
[42] Comme président au Parlement, M. de Blancmesnil rendit des services importants à la reine dans des circonstances difficiles (Canestrini, Négociations, V, 631 ; cf. Mercure français, 1614, p. 587). Il ne parait pas avoir eu beaucoup d'ordre dans ses affaires personnelles (L’Estoile, Journal, VIII, 3). La reine Marguerite de Valois avait eu pour chancelier Guy du Faur de Pibrac, le magistrat poète (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 858, fol. 497).
[43] Il était fils d'un contrôleur au grenier à sel de Vendôme. On trouve un d'Argouges, clerc d'office de Catherine de Médicis en 1564 (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 28 r°). Le nôtre était un des 210 secrétaires d'Henri IV (Ibid., fol. 193 V). Le trésorier général d'Anne d'Autriche nommé probablement en 1616 demeura en fonction jusqu'en 1639 (Ibid., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 445 r°) et un autre d'Argouges prit la succession en 1644 (Ibid., fol. 430 r°). C'est M. d'Argouges qui rapporte les affaires au conseil de contentieux de Marie de Médicis dont il vient d'être question, conseil qui se réunit à peu près une fois par mois (voir le registre de ce conseil : Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 95).
[44]
Il a été fixé très anciennement par des arrêts que la reine pouvait plaider par
procureur général (Bibl. nat., ms. fr. 10 830, fol. 100 v° ; Arch. du min. des
Aff. Étrang., France, 176). Dolé a été procureur général de la reine de 1601 à
1616 (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 418 v°). Il s'était fait connaître
par de véhéments plaidoyers contre les Jésuites (Sully, Économies royales,
I, 191). Nous avons conservé un discours de lui (Bibl. nat., ms. Dupuy 266,
fol. 275). Pour son influence, son rôle, la confiance qu'a en lui Marie de
Médicis, voir Richelieu (Mém., I, 48 et 55) ;
[45] Le contrôleur général est le bras droit du premier maître d'hôtel (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 192 v°). Ses fonctions sont minutieusement décrites par les règlements (Ordre et règlement qui doit estre tenu et observe en la maison du roy, p. 16 ; Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 54 v°). M. Simon Arnout, sieur du Buisson, succéda à Valerian Perocel (Ibid., 93, fol. 201 r°).
[46] L'expression Chambre aux deniers est conservée du moyen âge (Camera denariorum sous saint Louis, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 738, fol. 264). Sur le travail de la comptabilité en ce temps. voir Ant. Arnauld d'Andilly (Mém., éd. Michaud, p. 426). Quand quelqu'un des personnages dont nous venons de parler avait à recevoir des reproches de Marie de Médicis, celle-ci le mandait dans son petit cabinet (maréchal d'Estrées, Mém., p. 389).
[47] Ces gens auxquels la reine accorde les titres de secrétaire ordinaire et de maître des requêtes sur des recommandations, principalement en province, ont des privilèges (Déclarations du roy pour les privilèges accordés aux maistres des requêtes et secrétaires de la royne sa mère. Paris, 1616, in-8°. Bibl. nat., Actes royaux, F. 46 927 [23]). Ils viennent faire un service auprès de la souveraine pendant quelques semaines ; la reine leur délivre certificat de ce service (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 180 et suiv.). Edouard, ou plutôt Odoart Colbert, sieur de Villacerf parait en 1611 (Ibid., 92, fol. 19 v° ; 93, fol. 62 v°). C'était un marchand qu'on voit ailleurs intéressé dans l'établissement à Paris d'une manufacture d'habits de drap, de toiles d'or, d'argent et de soie (Isambert, Recueil, XV, 284). Bénigne Bossuet est mentionné comme maître des requêtes (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 419 r°). Sur les Bossuet à cette époque, voir Jules Thomas (les Bossuet en Bourgogne, Dijon, 1903, in-8°). Il est à remarquer que Bossuet, l'évêque de Meaux, garda jusqu'à sa mort dans son appartement le portrait de Marie de Médicis, qui devait lui venir des siens (consulter l'inventaire de ses meubles publié par E. Lévesque, le Testament de Bossuet, imp. de Soye, 1901, in-8°, p. 28).