Sous Henri II, le protestantisme commençant à faire des progrès en France, on rapporte que le pape manda un jour notre ambassadeur, et lui dit : L'impunité accordée aux sacramentaires donne une très-mauvaise réputation à votre monarque ; que si on les eût menés tout droit au feu... le royaume de France fût demeuré net d'hérésie. — La justice en France ne se mène pas comme cela, répondit notre envoyé. Cet envoyé se nommait Babou de la Bourdaisière, évêque d'Angoulême et depuis cardinal. Son mot était sensé ; il prouvait que l'on conservait encore dans notre pays le respect de l'accusé, et que l'on ne condamnait pas sans entendre. Ce que plusieurs écrivains entendent par l'édit de Loches, rendu sur l'avis du chancelier, eut justement pour but de revenir à ce respect. Cet édit, qui aurait été rendu au mois de mai et enregistré à Grenoble le 29 de ce mois[1], accordait une amnistie générale pour erreur en fait de doctrine religieuse, interdisait les recherches sur le passé, et prescrivait l'élargissement des personnes détenues pour cet objet. Si le chancelier[2] l'avait obtenu, c'est qu'il était en cela soutenu par l'opinion générale ; c'est aussi parce que le cardinal de Lorraine ne possédait pas le courage de son frère, et commençait à s'inquiéter des inimitiés violentes et sans nombre qu'il avait soulevées contre lui[3]. On prétend même que la menace narquoise des prisonniers échappés de Tours, lesquels lui écrivirent qu'ils s'étaient permis de s'évader afin de poursuivre et de lui ramener bien escortés les réformés précédemment échappés des prisons de Blois[4], que cette menace le piqua au vif et augmenta ses dispositions craintives, au point de le pousser à réunir chez lui plusieurs ministres protestants, et à les faire controverser en sa présence sur divers points de la religion nouvelle. Toutefois, ce ne sont guère ces dispositions qui ont amené l'édit de Romorantin, promulgué en mai 1560, et qui donnait aux évêques la connaissance et le jugement du crime d'hérésie. Un historien[5] l'attribue exclusivement au chancelier, qui l'aurait fait rendre pour parer au coup préparé par le cardinal d'un autre édit établissant l'inquisition en France. Il a pu être question, dans le conseil royal, de cet établissement, recommandé sans doute par la papauté et l'Espagne ; mais le cardinal de Lorraine, quoique passionné, était trop éclairé pour ne pas savoir que les catholiques eux-mêmes redoutaient ce terrible tribunal, et que, le décréter, t'eût été peut-être pousser les mécontents à bout et risquer de rendre protestante la moitié de la France, puisqu'alors la religion devenait un drapeau. Une entente entre le chancelier et le cardinal, entente de laquelle sortit l'édit de Romorantin, me parait plus probable[6] ; cet édit constituait en effet une concession faite au pape et à Philippe II et ne mécontentait pas la population, quoique le parlement de Paris crût devoir adresser au monarque plusieurs remontrances à son sujet[7]. En effet, le nouvel édit, créant des tribunaux ecclésiastiques, pouvait contrarier les lois du royaume, et, en tout cas, portait atteinte à la juridiction parlementaire ; mais, en réalité, c'était un palliatif, puisqu'il ajournait, jusqu'à la convocation des États, les procédures ecclésiastiques ; d'ailleurs, il contenait un dispositif qui, à lui seul, le recommandait et améliorait beaucoup la situation, en prononçant la peine du talion contre les gens qui dénonçaient et calomniaient. Sous le double rapport d'éloigner les recherches inquisitoriales et de mettre à l'abri d'une délation, partie du premier déclassé flairant votre héritage ou toute autre récompense pécuniaire, il devait calmer les appréhensions des gens sensés, car de tout temps les citoyens ne vivant pas d'intrigues ont regardé comme le plus grand fléau la compression résultant d'un espionnage et d'une dénonciation perpétuels. Peu après, Michel de l'Hospital, installé dans ses fonctions de chancelier, se rendit au parlement et y prononça un discours annonçant deux résolutions essentielles. La première, relative aux ecclésiastiques, qui seraient dorénavant astreints à résider dans leur diocèse, afin de veiller sur leur clergé, d'instruire leurs ouailles, et de réformer leur propre conduite ; résolution extraite de l'édit, qui accordait aux prélats la connaissance du crime d'hérésie, et chargeait les baillifs, seneschaux, ou leurs lieutenants, et les advocat et procureur desdicts bailliages, d'avertir le roi et d'envoyer les noms des évêques qui ne résideroient pas. Le chancelier étendit cette prescription de la résidence et de l'obligation d'exercer leurs offices en personne aux gouverneurs des provinces, leurs lieutenants et baillis[8]. La seconde résolution indiquait combien le roi avait éprouvé l'inutilité de la rigueur pour ramener ses sujets égarés, et déclarait son intention d'employer dorénavant la douceur et la conviction, éclairé qu'il serait par le secours d'en-haut. Il faut voir sous cette dernière déclaration l'état d'irritation d'une partie de la population en présence de cette vie remplie d'angoisses, attristée de supplices, noircie d'embûches, que la France supportait depuis le nouveau règne. Le chancelier cherchait à modérer cette irritation, à laquelle le mauvais exemple d'une conspiration armée, celle d'Amboise, avait montré une voie déplorable pour se faire écouter ; il voulait la contenir, et comme chef de la magistrature et comme poète, car on lit dans une épître qu'il adresse au cardinal de Lorraine : Il est absurde de se figurer que le fer et le plomb soient susceptibles de réconcilier les esprits divisés. Tu décimeras les révoltés ; mais la terre, fécondée par leur sang, les reproduira au centuple. Au milieu de ses soucis politiques, le gouvernement se préoccupait de la question financière. Dans les moments d'embarras, les rois précédents avaient battu monnaie en créant des offices de judicature, et la vente de ces offices s'était opérée sur une vaste échelle. Pour parer aux inconvénients de cette prodigalité, pour se mettre surtout en position de pouvoir recourir de nouveau à ce moyen extrême, un édit fut rendu, qui supprimait tous les offices nouvellement créés et vaquant par mort, forfaiture, résignation et autrement, jusqu'à réduction au nombre ancien[9]. L'Hospital fit rendre aussi un édit concernant les intérêts civils dans les familles, l'édit de juillet 1560, promulgué à Fontainebleau, sur les secondes noces et donations y relatives, lequel bornait la donation faite à son nouveau mari par une veuve se remariant à la raison — portion — de celuy des enfans — de son premier mariage — qui en aura le moins, cette donation ne pouvant être prélevée que sur ses biens personnels, et non sur les biens à elle laissés par le mari défunt, afin que ces derniers biens fussent entièrement réservés aux enfants issus du premier mariage ; même réserve quand c'était un veuf qui se remariait. Il s'occupa de l'administration des hôpitaux, de l'exploitation des mines, des arbitrages relatifs aux différends entre marchands, des statuts concernant les marchands apothicaires et épiciers de Paris. Il compléta l'édit de Romorantin en faisant décider que la connaissance du crime d'hérésie et la répression des assemblées illicites accordées aux évêques n'ôtaient pas, néanmoins, au parlement de Paris la connaissance de ces assemblées[10] : l'autorité ecclésiastique avait charge, disait-il, des choses de la conscience ; l'autorité civile devait réprimer ce qui tendait à la sédition. Afin de prévenir les troubles et ce qui pouvait devenir un aliment pour la révolte, le chancelier fit expressément défendre de lever aucune imposition sans le consentement exprès du roi ; cette défense[11] atteignait un autre abus, moins grave il est vrai, mais qui épuisait les revenus des particuliers et les mécontentait : celui des gouverneurs de provinces, de leurs lieutenants, des présidents de cours, trésoriers généraux, et mitres officiers, qui ne se gênaient pas pour lever une annexe à la taille, dont ils faisaient leur profit, sous forme de don, libéralité et récompense de plusieurs peines, salaires, vacations et frais. Ces adoucissements divers, ces satisfactions données à la population, furent acceptés, consentis par les Guises malgré leur victoire, c'est-à-dire malgré la répression de la conjuration d'Amboise, parce qu'ils sentaient bien que cette victoire, loin de clore la lutte, ne faisait que la commencer, et qu'ils étaient plus menacés encore qu'avant cette entreprise. Disons-le à ce propos, on ne peut leur reprocher de n'avoir pas compris la situation politique et sociale de la France ; et, au milieu de ces troubles, ce n'est pas leur intelligence qu'il faut accuser. On alla plus loin que l'édit de Romorantin. Après avoir défendu, antérieurement à la conjuration d'Amboise, de parler des États et de leur réunion, sous peine d'être déclairé ennemi du roy et coulpable du crime de leze-majesté[12], on en vint à les prôner à nouveau. Ce revirement fut dû à l'Hospital ; mais les princes Lorrains, qui avaient fait rendre l'ordonnance de défense, s'opposèrent, dit-on, à sa demande, ne comprenant pas encore qu'il leur fallait un appui dans la nation au lieu du seul appui d'un roi faible et débile, comprenant encore moins que le gouvernement royal, joint à l'influence catholique, devait, s'ils administraient avec justice et manœuvraient habilement, leur procurer la majorité. Au lieu des États généraux, le chancelier borna sa prétention à une simple assemblée composée des grands du royaume et des principaux magistrats. L'amiral, consulté par la reine-mère comme très-sage et fort affectionné à la conservation de l'Estat, dit Castelnau, se rangea au même avis. Sur quoy lettres furent expédiées de toutes parts pour se trouver le quinziesme du mois d'août à Fontainebleau ; mais le roy de Navarre et le prince de Condé furent advertis par leurs amis et serviteurs de n'y aller auculnement, s'ils ne vouloient courir le danger de leur vie. Le connestable, qui avoit amené quelques six cens chevaux, s'y trouva fort bien accompagné, ce qui donna à penser à ceux de Guise[13], qui, toutefois, ne firent semblant d'avoir soupçon de telle suite, et fut, le connestable, fort bien reçu et caressé du Roy et de la Reyne sa mère[14]. Catherine de Médicis n'avait d'ailleurs cessé de l'appeler mon compère, comme Henri II, en tête des lettres qu'elle lui écrivait, se signant au bas Vostre bonne commère et amye'[15]. Anne de Montmorency était en effet un trop grand personnage pour rester longtemps à l'écart, d'autant plus qu'on voyait, par l'affaire du comté de Dammartin, que le duc de Guise cherchait à le contrecarrer et à lui nuire en tout[16]. Quant au roi de Navarre et au prince de Condé, le premier n'avait donné encore lieu contre lui par aucun acte, tandis que le second prêtait le flanc par des propos vifs et indiscrets, dont ses faux amis ne manquaient pas de rendre témoignage ; en ces temps troublés et avec l'introduction des mœurs italiennes, la délation n'était pas rare en effet. Au surplus, ces deux princes ne se rendirent pas à Fontainebleau, comme on le leur conseillait[17]. La cour se réunit dans cette cité vers la fin de juillet, et l'assemblée eut lieu le 20 août. Elle se composait, outre Le Roi, La Reine, La Reine-mère, de : Les frères du Roi, Les cardinaux de Bourbon, de Lorraine, de Tournon et de Guise, Le duc de Guise, Le connétable, Le duc d'Aumale, Le chancelier de l'Hospital, Les maréchaux de Saint-André et de Brissac, L'amiral de Coligny, L'archevêque de Vienne (Jean de Marillac), L'évêque d'Orléans (Morvilliers), L'évêque de Valence (Montluc), Guillard du Mortier[18], conseiller d'État, D'Avanson[19], Les chevaliers de l'Ordre, Les maîtres des requêtes, Les secrétaires d'État, Les trésoriers de l'épargne, Les trésoriers généraux. La séance eut lieu dans l'appartement de la Reine-mère. Avant que personne n'eût pris la parole, l'amiral, si nous en croyons le récit de Castelnau[20], se l'arrogea et expliqua comment, ayant été en Normandie, par ordre du Roi, afin de se renseigner sur le motif des troubles, e avait trouvé que tout venait des persécutions ; en conséquence, g demanda qu'on y mit fin, réclama des temples et le libre exercice de la religion réformée, puis remit à cet effet une requête non signée, mais que signeraient, assurait-il, plus de cinquante mille personnes. Cette déposition étonna l'assemblée. Toutefois, François II, ouvrant après coup la séance, car la parole lui appartenait avant tout autre membre, pria les seigneurs présents de luy donner conseil sans aucune passion, et selon que la nécessité du temps et des affaires le requeroit. Catherine de Médicis corrobora par quelques paroles l'invitation royale. Le chancelier parla dès que le Roi et la Reine-mère eurent terminé. Dans un discours assez long, orné, suivant l'usage du temps, de comparaisons tirées de la médecine[21], il présenta un tableau pathétique des factions qui déchiraient la France, de la corruption des divers Ordres du royaume, de l'esprit d'indépendance qui agitait la population et la portait sans cesse à se plaindre. La religion, assura-t-il, n'était le plus souvent qu'un prétexte pour prolonger et accroître les dissensions ; le Roi avait le désir de pacifier le pays, de rendre justice à tous, et la mémorable assemblée lui en suggérerait les voies ; de la sorte, on parviendrait, suivant le vœu de chacun, à guérir la France malade[22]. Le duc de Guise rendit compte de sa charge, relativement à l'administration de l'armée ; le cardinal de Lorraine parla finance, et, pour indiquer sans détour la profondeur de la plaie, déclara que les charges et dépenses dépassaient les recettes annuelles de deux millions et demi. Après divers propos des autres assistants, bien empeschez à donner quelque bon remède au mal qui se voyait à l'œil, l'assemblée fut remise au 23 du même mois. En se séparant, chacun des membres emporta un état sur lequel se trouvaient brièvement inscrits les articles sur lesquels porterait, par ordre du Roi, la délibération prochaine. On émit son opinion dans cette deuxième séance, en commençant par le plus jeune conseiller, usage existant en France, afin que la liberté des avis restât entière et que l'autorité des premiers parlants n'enchaînât pas la langue de ceux qui opineraient les derniers, et auraient ainsi le double désavantage de s'expliquer devant une réunion fatiguée, sans en imposer encore par leur réputation et leur puissance. Sur l'invitation du Roi, le dernier conseiller au Conseil privé, Montluc, évêque de Valence, prit donc la parole. Son discours revêtit un certain reflet de la Réforme, à laquelle on l'accusait d'être enclin ; il reprocha aux magistrats leur avidité, aux évêques de séjourner à Paris[23] et d'y dépenser leurs revenus d'une façon au moins frivole, aux deux Reines de laisser leurs filles d'honneur chanter des poésies licencieuses, plutôt que des cantiques ou des psaumes ; il conclut en recommandant la convocation d'un concile national, où les novateurs seraient appelés et pourraient exposer les motifs de leur séparation des catholiques. Marillac, archevêque de Vienne, prononça, dans le même sens, un discours plus véhément. Il insista surtout contre la possession des bénéfices par les Italiens[24], et contre la vente des sacrements par le clergé. Sa conclusion fut pour la réunion des États, qui permettent au peuple d'exposer sa misère et au souverain de juger par lui-même si les doléances sont réelles : bien entendu, il se rangeait, comme ecclésiastique, à l'opinion de Jean de Montluc[25], sur l'utilité d'un concile national. Débité avec une remarquable franchise et par une bouche éloquente, ce discours produisit un grand effet. Le cardinal de Tournon y répondit en se prononçant contre les États généraux, qui mettent les rois en tutelle, et en déduisant les motifs de son avis. La journée fut suffisamment occupée par les allocutions des trois ecclésiastiques. A la séance du lendemain, Coligny réclama également la convocation des États généraux, et s'éleva contre la multitude de gardes dont le Roi se trouvait entouré. Il voulait faire allusion à la garde écossaise, réorganisée par les Guises, ou encore à une compagnie d'arquebusiers, créée en 1560 pour la garde de François II, car, quant au nombre des troupes groupées près du Roi, il restait minime[26]. Le duc de Guise, mal disposé envers l'amiral et piqué des observations de ce dernier contre la nouvelle garde du Roi, répondit vertement que la conjuration d'Amboise avait rendu plus que jamais nécessaire de veiller à la sécurité de Sa Majesté, et d'empêcher qu'on ne lui présentât, à l'avenir, une requête en armes. A l'égard' de la religion, il déclara se trouver peu compétent, mais en ajoutant que la décision contraire d'un concile ne le ferait jamais renoncer à sa croyance, notamment en ce qui concerne l'Eucharistie. Pour la convocation des États, il s'en remettait à la volonté royale, c'est-à-dire ne s'opposait plus à ce sujet au désir presque général de la noblesse. Fait singulier : des deux frères, le guerrier fut le plus contenu[27]. Le cardinal, au contraire, s'éleva fortement et sans cacher son émotion contre les assertions de Coligny, surtout contre la requête présentée par lui au nom des protestants de la Normandie ; il demanda qu'on punît sévèrement les religionnaires se livrant à la propagande, et ne fut pas d'avis de convoquer un concile national, parce que les prescriptions de celui de Trente suffisaient. Puis, comme son frère, il consentit à la convocation des États généraux. Dans la troisième séance, qui eut lieu le 25, tous les chevaliers de l'Ordre se rangèrent à l'avis du cardinal de Lorraine, mais sans harangue. Le roi congédia aussitôt l'assemblée. Un édit du 26 août résuma les délibérations et leur donna le résultat suivant : 1° désir du roi de consulter les États généraux sur les affaires du royaume ; 2° demande au Pape de convoquer un concile œcuménique destiné à s'occuper des affaires de la religion ; 3° rejet de la requête de Coligny, mais suspension de l'emploi des peines corporelles contre les religionnaires. Sur le premier point, il fut expédié lettres patentes à tous les baillifs, seneschaux, juges et magistrats, portant la publication des Estats, et assignation de se trouver à Meaux le neufième de décembre ensuivant. Auparavant, en octobre, chaque bailli ou sénéchal devait rassembler, en son ressort, les trois États du bailliage, afin de s'accorder, d'arrêter les remontrances, plaintes et doléances à présenter, puis d'élire de bons personnages et pour le moins un de chascun Ordre[28], a l'effet d'être députés aux Etats. Ces États d'après l'édit du 26 août, devaient se tenir à Meaux : un ordre postérieur (novembre 1560), transféra leur siège à Orléans. Sur le deuxième point, on finit par convoquer, en attendant la décision du Saint-Père qui pouvait tarder, un concile national devant se tenir le 20 janvier 1561 à Paris. Une lettre royale, relative à ce concile, recommande aux évêques, pour ramener les brebis égarées, la plus grande douceur, et reflète exactement à cet égard les inspirations puisées dans la parabole évangélique du Bon Pasteur. Si les Guises avaient cédé sur le point relatif à une réunion des États, ils sentaient bien que ce serait un moment décisif pour eux, car tout s'y discuterait, et on y attaquerait leurs empiétements de pouvoir, qu'ils ne se faisaient pas l'illusion d'avoir caché à personne. Ils se préparèrent donc à y paraître armés de toutes pièces et à sortir victorieux de la grande lutte politique qui allait s'ouvrir. Sur ces entrefaites, les événements vinrent donner raison à leurs appréhensions et à leur résistance : les protestants se soulevèrent en Dauphiné, sous la conduite de Montbrun[29], en Provence, sous la direction de Mouvans[30], et accomplirent avec le jeune de Ferrières-Maligni, un des échappés d'Amboise, une tentative pour s'emparer de Lyon, qui pensa tomber entre leurs mains[31], mais fut défendu vigoureusement par les mortes-payes[32] de la ville, qui perdirent dans la lutte une centaine des leurs, et appuyé par une apparition à propos du gouverneur du Dauphiné, à la tête de trois compagnies. Au lieu de profiter sagement de ces circonstances, les oncles de Marie Stuart se laissèrent emporter par leur passion haineuse contre les princes du sang, se saisirent de Condé par une trahison, l'accusèrent sans preuve et le firent condamner. Nous consacrerons un chapitre à cette poursuite des Lorrains contre les Bourbons ; mais auparavant, il faut nous occuper des luttes guerrières soutenues par la France durant ce règne. |
[1] Je ne trouve sous cette date, en pièce officielle, qu'une ordonnance touchant les postes, peu connue, reproduite à la p. 416 des Négociations sous François II, publiées par M. Louis Peins. Cette ordonnance, rédigée dans un sens économique, supprime, comme étant sur chemin passant, les gages payés par l'Etat aux chevaulcheurs qui font le service de Paris à Bordeaux et de Paris à Péronne, et réduit le traitement des autres.
[2] Ce n'était pas encore l'Hospital, qui devint chancelier an mois de juin suivant, se trouvait alors absent, et s'installa par-devant le parlement comme chancelier le 5 juillet.
[3] Déjà l'assurance de Condé à la cour, lors de la découverte de la conspiration d'Amboise, l'avait mis en grand effroi.
[4] La plupart avec des cordes qu'on leur avait données en cachette.
[5] Regnier de la Planche.
[6] SISMONDI, dans son Histoire des Français, rappelle que l'Hospital, à l'époque de l'édit de Romorantin, n'était pas encore chancelier ; mais il ajoute : peut-être toutefois en faisait-il les fonctions avant d'avoir reçu ses lettres de provision ; tome XVIII, p. 457 ; ou tout au moins, dirons-nous à notre tour, était-il déjà consulté sur les questions graves. Sa nomination date du 1er avril, alors qu'il était encore à Nice ; en mai il pouvait être de retour à la cour. De Thou prétend que l'Hospital ne voulut exercer aucune fonction de sa charge avant que Bertrandi eût renoncé au droit qu'il y avait, d'après ses lettres de provision, comme garde des sceaux.
[7] L'édit fut enregistré le 16 juillet 1560, d'après des lettres de jussion.
[8] Voyez l'édit rendu à ce sujet, à Fontainebleau, en juillet 1560. Ces prescriptions ne furent pas très-observées, puisque, vers la fin d'octobre 1560, le gouvernement du Languedoc se plaint encore que, sur les vingt-deux évêques de ce pays, six à peine y résident.
[9] Un peu plus tard, on révisa également fréquemment en France les concessions de lettres de noblesse, tant pour poursuivre ceux qui prétendaient en posséder indûment que pour être à même d'en vendre de nouvelles.
[10] Déclaration du 6 août 1560.
[11] Édit de juillet 1560, rendu à Fontainebleau.
[12] Mémoires de Vieilleville, VIII, III.
[13] Outre la lettre royale de convocation, le cardinal de Lorraine avait cependant écrit au connétable pour lui annoncer le jour et le lieu de la prochaine assemblée.
[14] Mémoires de Castelnau, II, VIII.
[15] Dans une lettre de ce temps, Charles-Maximilien de Valois, depuis Charles IX, l'appelle mon connestable et mon plus grand ami, et signe Vostre meilleur amy.
[16] Deux frères utérins se disputaient ce comté ; le connétable ayant acquis les droits de l'un d'eux, le duc de Guise acquit les droits de l'autre ; de là un procès violemment soutenu, avec de nombreux partisans des deux côtés et une aigreur telle, que l'on était prêt à en venir aux mains.
[17] Suivant La Planche, ce fut un faux conseil, communiqué par les émissaires des Guises pour les écarter de cette assemblée.
[18] Fils d'André Guillard, seigneur du Mortier et d'Espichelière, aussi conseiller d'État.
[19] Jean de Saint-Marcel, sieur d'Avanson, créature des Guises.
[20] Suivant d'autres, Coligny ne présenta sa requête que dans la deuxième séance.
[21] Il était lui-même fils d'un médecin.
[22] CHARRON écrira bientôt : Il n'y a mal plus misérable ni plus honteux que la guerre civile ; c'est une mer de malheurs.De la sagesse, III, XI, p. 566 de l'édition de 1613 (Paris). Le même auteur a composé, en avril 1589 : Discours chrétien qu'il n'est permis au sujet, pour quelque cause et raison que ce soit, de se liguer, bander et rebeller contre son Roi ; ce discours a été imprimé à Paris, en 1644, chez Durand, dans le format in-12. — Pierre Charron, l'auteur du traité De la sagesse, naquit en 1544, et fut l'un des vingt et un enfants que Nicole de la Barre, sa deuxième femme, donna à Thibaud Charron, libraire, demeurant à Paris, rue des Carmes, près le collège des Lombards, lequel Thibaud Charron possédait déjà quatre enfants de son premier mariage. — L'exemplaire du traité De la sagesse en ma possession date de 1643, et parut à Paris, chez le libraire Douceur ; la couverture en parchemin contient en dedans ces mots à la main : Ex libris francisci xauerii Chardon curat sancti tupi altissiodorenstis. Au sujet de ce dernier nom, on lit en français dans un livre de ce temps : Il y a un docteur nommé Altissiodorensis qui dit que jamais on ne célèbre la messe qu'on ne délivre une âme du purgatoire : pour ce (dit-il) que l'épouse de Jésus-Christ, l'Église, fait commémoration spéciale pour la délivrance des âmes. Et n'est pas vraisemblable que cest espoux qui ayme tant son espouse et qui est tant benin et misericordieux, puisse refuser les prières de ceste épouse. Donc la messe sert beaucoup... Sermons de la saincte messe et cérémonies d'icelle, par Pierre DYVOLÉ, Docteur en théologie, de l'Ordre de Sainct-Dominique ; Paris, chez Chesneau, in-12, 1577, huitième sermon, p. 603. — Si dans l'inscription manuscrite précitée on doit lire autissiodtiorensis, alors il s'agit d'une paroisse nommée Saint-Loup-l'Auxerrois.
[23] On avait vu quarante évêques à la fois dans la capitale.
[24] Suivant cet orateur, un tiers des bénéfices se trouvait dans des mains italiennes.
[25] Montluc et Marillac portaient le même prénom.
[26] A Orléans, lors de l'avènement de Charles IX, huit, mille hommes au plus. Histoire de l'ancienne infanterie française, par M. le général SUZANE, tome Ier, p. 145.
[27] A son lit de mort, François de Guise conseilla la paix et déclara qu'elle avait toujours été son but pendant nos querelles civiles. Cela cadre bien avec leur caractère annoncé en notre chapitre in, intitulé les Grands personnages.
[28] Lettre du bailli de Dijon, 27 octobre 1560.
[29] Charles du Puy-Montbrun. On lui opposa quatre mille fantassins et cinq mille chevaux.
[30] Voyez sur les troubles du Dauphiné et de la Provence notre chapitre X ci-après, intitulé : les Guerres intestines.
[31] Gouverneur de Lyon, le maréchal de Saint-André y accourut et tira beaucoup d'argent des familles riches suspectes, en les menaçant de les livrer aux tribunaux ; il en avait exigé cent mille écus, mais il fut obligé d'en rabattre jusqu'au dixième.
[32] Vétérans pensionnés.