HISTOIRE DE FRANÇOIS II

 

CHAPITRE VIII. — RÉACTION PROTESTANTE. - COMPLOT DE LA RENAUDIE : SA RÉPRESSION. - MESURES MODÉRÉES DU GOUVERNEMENT.

 

 

Peu de temps après son avènement, le roi avait paru revenir à la santé et se développer ; sa figure annonçait une certaine prospérité, sans toutefois que son intelligence eût fait des progrès. Tout d'un coup, une fièvre se déclara, son visage devint livide et se couvrit de pustules, une fistule s'ouvrit dans l'oreille. Les médecins conseillèrent à Catherine de Médicis de le transporter de Fontainebleau à Blois, où l'air était plus sain, et confièrent aux Guises qu'il n'aurait jamais d'enfants, et ne pouvait vivre plus de deux ans. Il se répandit quelque chose de cette opinion parmi le peuple, qui crut son monarque lépreux.

Ce n'était pas un mince inconvénient pour le pays de garder à sa tête un souverain trop jeune et inepte à ses hautes fonctions ; le savoir malade et condamné à court terme devint un véritable malheur, en ajoutant à un gouvernement par délégation les incertitudes résultant d'un prochain changement de régime. Si encore la reine-mère eût été régente, elle eût continué ses fonctions sous le règne de son second fils, et, sauf le nom du roi, les choses seraient demeurées à peu près les mêmes !

En vain l'administration publique fonctionnait et donnait à peu près satisfaction aux besoins sociaux immédiats ou matériels. C'est ainsi qu'un édit rendu à Amboise, au mois de février 1560, portait que les prévôts provinciaux[1] des maréchaux de France ne pourraient pourvoir des offices d'archers que des personnes capables, ce qui importait à la bonne composition de nos troupes de police[2] ; — que des lettres patentes permettaient aux Suédois de librement negocier et trafiquer en France, sans estre troublez ou molestez, notamment d'exporter de France tout le sel dont ils auraient besoin, sous la condition que leurs différends avec des Français seraient appréciés et jugés par des magistrats français ; — que d'autres lettres royales confirment les privilèges et prérogatives obtenus sous les règnes précédents par les maistres et gouverneurs de la confrairie de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, fondée en l'église de la Trinité, à Paris, c'est-à-dire par les comédiens du temps, lesquels continuent à posséder le privilège, auctorité et licence de faire et jouer quelque mystère que ce soit de la passion et résurrection de Notre Seigneur, ou autres quelconques, tant de saincts comme de sainctes que ils voudront eslire et mettre sus, toutes et quantes fois qu'il leur plaira.

On comprend le danger de la situation : ce danger se présentait juste au moment où le parti protestant, déjà aigri par une longue persécution, venait d'être plus agité encore par le procès et l'exécution du conseiller du Bourg. Une réaction était imminente : ceux qui sont menacés de la vie aiment mieux la défendre volontairement, de leur initiative, n'hésitent plus, dès lors, à prendre les armes, oubliant les préceptes de la religion et de la morale[3].

Les protestants songeaient à une prise d'armes depuis l'arrestation de du Bourg ; que ce fût une révolte, peu leur importait : les esprits étaient déjà trop habitués à la lutte, depuis plus de vingt ans[4], pour s'arrêter à cette patriotique considération. Seulement, la voie ouverte et le gant jeté, cela pouvait durer longtemps ; la responsabilité en incombe à ceux qui ne craignirent pas de l'encourir.

Ce ne furent pas seulement les protestants, il est juste de le dire. Il y avait aussi de nombreux mécontents, qui voulaient faire de la résistance, moins, il est vrai, à l'autorité du roi, qu'à celle exercée au nom d'un monarque incapable. Cette distinction prenait d'autant plus de force, que François II s'amoindrissait comme homme, et qu'il était facile, en s'approchant de sa personne, de constater qu'il ne pouvait résoudre et ordonner.

Parmi ces mécontents, ou plutôt malcontents, car cette épithète ne tarda pas à devenir, sous cette forme du temps, le nom d'un parti, se trouvaient ces capitaines et soldats dont nous avons parlé au chapitre précédent, qui étaient venus à Fontainebleau pour réclamer leur dû, et qu'on avait éconduits en leur montrant une potence dressée sur la place du Château pour les demandeurs d'argent, manière d'agir imprudente, qui les avait ulcérés et portés à aller de tous costez cercher à estre mis en besongne[5]. La passion agitait et poussait donc le plus grand nombre ; ce qui peut les excuser, c'est que l'autorité elle-même agissait avec passion, avec une violence préméditée, avec un but caché, si ce n'est encore celui de se substituer à la race des Valois, au moins celui de se faire une grande renommée et de pouvoir tout attendre des circonstances.

D'autres étaient chagrinés de la démarche peu patriotique de Catherine de Médicis envers le roi d'Espagne, à l'effet qu'il se déclarât tuteur de François II, son voisin et son allié, ce que l'habile Philippe II fit avec empressement.

De l'union des malcontents avec les protestants surgit le complot de La Renaudie, qui fut une réaction contre l'accaparement du pouvoir par les Guises. En effet, ce complot avait pour but de se saisir des deux frères — le duc de Guise et le cardinal de Lorraine —, et mettre le roy en liberté, qu'ils retenoient par force et violence, et restablir les anciennes loir, statuts et coustumes de France, sans auculnernent attenter à la personne de Sa Majesté[6].

Ceux même qui méditaient une rébellion plus déclarée et désiraient une révolution, avaient été obligés de se mitiger pour faire accepter leur idée de résistance ; la majorité chez les mécontents voulait encore la royauté, et surtout s'effarouchait à l'idée de toucher à cette pierre de couronnement de notre édifice social. Une consultation de jurisconsultes et de docteurs avait même donné cet avis, sur la demande des conjurés, désireux de mettre leur conscience à l'abri : Que, d'après la décision des États tenus à Tours en février 1483, quand un prince montoit sur le trône en bas âge, on étoit obligé d'assembler les États pour lui choisir un Conseil... Cela n'ayant été fait, on pouvoit, sans scrupule et même avec justice, s'opposer à l'usurpation des princes Lorrains, prendre les armes contre eux, pourvu que ce fût de l'aveu des personnes principales des trois Ordres de l'État, et qu'un prince du sang consentît à se mettre à leur tête. Cette consultation péchait au moins par un point : pouvait-on déclarer François II en bas âge ? Physiquement, non, mais moralement ? là se trouvait le point délicat.

Il fallait trouver ce chef prince du sang. Les ministres protestants s'adressèrent premièrement au roy de Navarre, qui avoit quelque sentiment de la religion protestante, ayant espousé une femme qui en estoit, et aussi sa mère, sœur du roy François Ier[7], laquelle fut une des premières princesses qui en fit profession[8]. Après quelque promesse de les assister, ce prince se retira dans le Béarn, et sembla renoncer à toute participation aux affaires. Les protestants se tournèrent alors du côté de l'amiral de Coligny et de ses frères, puis finalement vers Louis de Bourbon, prince de Condé, frère du roi de Navarre, qui avait aussi sa femme de cette religion. C'était un prince né grand, prudent, courageux et pauvre, suivant l'expression de d'Aubigné[9]. Pauvre, en effet, et auquel la cour n'avait accordé, pour une mission récente, que mille écus d'or[10], sous prétexte de l'embarras du Trésor, mais en réalité pour le gêner dans ses allures, et ne pas lui donner le moyen d'acheter des partisans. Dans ces circonstances, cette situation accusée ne parait pas en faveur de Condé, et peut-être, si les contemporains la mettent en lumière, c'est qu'elle le rendit plus accessible à des propositions susceptibles de le porter au pouvoir, et par conséquent à la richesse[11].

Toutefois, les conjurés, en désignant ce prince comme leur chef, furent de l'avis unanime qu'il cachât encore sa résolution, ou plutôt le prince n'accepta ce rôle qu'à la condition de ne pas ouvrir la lutte lui-même, et de n'être obligé de se démasquer qu'après un premier succès.

L'élection d'un chef provisoire devint donc nécessaire. Le choix, dans l'assemblée de la Ferté, tomba sur le sieur de La Renaudie, dit La Forest, originaire du Périgord, d'après d'Aubigné ; originaire, au contraire, du Limousin, et se nommant Godefroi de Barry, dit de La Renaudie, d'après Castelnau. Évidemment, nul chef de marque ne voulait frapper le premier coup, car Coligny assistait à cette assemblée, et y avait promis les secours de la reine d'Angleterre ; cette immixtion de l'étranger dans nos affaires intérieures était grave, même en la considérant comme une riposte au protectorat demandé à Philippe II par la reine-mère, et elle dénote, de la part des protestants, plus qu'une idée dé défense ; l'idée de domination et d'État dans l'État, telle qu'ils l'obtinrent plus tard, semble y percer déjà En tout cas, il y avait cercle vicieux à vouloir chasser les Guises comme étrangers, et à appeler les Anglais.

La Renaudie était un homme entreprenant et courageux. Il se dévoua entièrement pour le prince de Condé, fit preuve d'activité en reliant rapidement les réformés de France avec ceux d'Allemagne et de Suisse, et en organisant le complot sur des bases assez solides.

Ce chef de la conjuration est une des tristes figures de notre histoire. Son nom était bien Godefroi de Barry[12], seigneur de La Renaudie, et il appartenait à l'une des bonnes familles du Périgord : La Forest était son nom de guerre, celui sous lequel, comme chef du complot, il avait parcouru toutes les provinces de France. Son passé le rendait propre au rôle de conspirateur, car il ne pouvait l'effacer et se relever que par un service et un succès de ce genre. Dans un procès avec du Tillet, le greffier du parlement de Paris, dont nous avons parlé à l'occasion d'une réponse faite à un libelle dirigé contre les Guises, procès au sujet d'une cure ayant appartenu à son oncle, et que du Tillet avait fait donner à un de ses frères, il fut accusé et convaincu d'avoir produit des titres faux. Les avait-il fabriqués lui-même ? Toujours est-il que, craignant l'influence de son adversaire sur le parlement de Paris, il fit évoquer son procès par-devant le parlement de Dijon. Condamné, il s'évada des prisons de cette ville, grâce aux moyens que lui procura le duc de Guise, qui l'affectionnait surtout à cause de sa bravoure. Retiré à Lausanne, il s'y maria et y devint protestant. Avant la mort de Henri II, les Guises lui obtinrent la révision de son procès : il reçut des lettres de réhabilitation, fut réintégré dans ses biens et autorisé à vivre en France, à condition de n'y pas faire de prosélytes. Il semblerait, d'après ces faits, que La Renaudie aurait dû conserver quelque reconnaissance aux princes Lorrains ; mais depuis, son beau-frère, nommé Gaspard de Heu de Buy[13], avait été enfermé à Vincennes, pour avoir négocié pour le roi de Navarre avec les princes allemands, et, mis à la question, était mort des suites de ce supplice préliminaire ; de là son désir de vengeance.

La Renaudie tint une première conférence à Nantes, où chaque province envoya un délégué ; là par une harangue habile, il fit faire un premier pas à la conjuration, en engageant les envoyés par un serment solennel. Des chefs, pour rallier les protestants sur divers points du territoire, furent ensuite élus. Ces conviez, dit d'Aubigné, lieutenant d'un des chefs désignés, retournèrent de l'assemblée autant secrettement qu'ils y estoient allez, chose esmerveillable à qui aura essayé combien le secret est difficile entre trois ou quatre, voire tant d'hommes de païs si different, avant le serment presté, avant le parti formé, le crime de leze-majesté estant lors si horrible et si peu usité, avoir contre la crainte et l'esperance gardé le secret si precieusement, que les Lorrains en eurent les premières nouvelles d'Italie et d'Allemagne ! Je dis que l'affliction preignante resserra leurs cœurs à la confidence, comme le froid resserre les choses eterogenées.

La difficulté de garder une telle entreprise secrète ne tarda pas à se manifester. Le malheur voulut que La Renaudie, étant à Paris, dans le faubourg Saint-Germain, se logea chez un avocat nommé Pierre des Avenelles, qui tenait maison garnie à Saint-Germain des Prés, et eut la mauvaise inspiration de le mettre dans la confidence, quand celui-ci, voyant tant d'hommes inconnus entrer dans sa demeure, voulut la leur fermer. Cet avocat, quoique protestant, appartenait à la fraction parlementaire, en d'autres termes, au parti modéré : n'étant pas d'avis qu'on poussât les choses si loin, il laissa repartir son hôte, puis, après quelques retards, causés sans doute par une hésitation naturelle, dénonça la conspiration à un maitre des requêtes, partisan des Guises. Cette délation lui valut, suivant l'assertion de La Place, douze mille livres, plus une place dans la magistrature de Lorraine, duché où il ne tarda pas à se réfugier[14].

La Renaudie était déjà près de Blois, au château de Noisay, avec trente capitaines, cinq cents chevaux, et bon nombre de gens de pied ; il devait, le 10 mars 1560, faire son coup, s'emparer de cette ville, et délivrer le roi en s'emparant des Guises ; la dernière recommandation était que tout se fist par forme de justice.

A la révélation qui lui fut faite, la cour de Blois s'émut. Coligny et Condé s'y trouvaient. On questionna le premier sur la conjuration ; il dissimula, sans celer le grand mécontentement causé par les persécutions, et opina pour une amnistie et la proclamation de la liberté de conscience. Catherine de Médicis se prononça pour l'adoption de cette mesure, qui allait affaiblir le parti protestant en le divisant, le chancelier Olivier aussi ; le conseil finit par ratifier cette opinion, et l'édit fut signé même par Coligny. Ce dernier croyait-il avoir assez obtenu, ou jouait-il double jeu ? On nomme cet écrit l'Édit du 2 mars[15].

Le jeune roi avait été transporté au château d'Amboise, place assez bonne, et dont la nouvelle assiette rompait le rendez-vous des conjurés au jour désigné.

Déjà Michel de Castelnau, qui se trouvait alors près du roi, avait été envoyé vers les révoltés pour recueillir des renseignements sur leurs projets ; cet envoyé n'apprit rien de nouveau. Alors François II, sur le conseil des princes Lorrains, manda M. de Vieilleville, et lui commanda d'aller jusqu'à Noisay — on écrivait alors Noyzé — demander à La Renaudie et aux siens pour quelle raison ils étaient assemblés et en armes. Le futur maréchal, qui cognoissoit la félonie des deux frères, flaira une trahison et ne voulut y tremper. Il représenta son opinion en ces termes : Votre Majesté me faict très grand honneur de m'employer en ceste créance, que j'executeray de très ardant courage et en toute fidelité ; mais je m'as-genre que je perdray ma peine, parce que, ayants commis une telle faulte, qui ne se peult mieux nommer que vraye rebellion à son roy, et par conséquent convaincus du crime de lèze-majesté, il faut nécessairement que ce soit ung prince qui leur porte ceste parole de vostre part. Sur cette observation, à laquelle le digne conseiller ajouta plus au long que la parole du roi ne se pouvait rétracter, la mission d'aller parler aux révoltés fut confiée au duc de Nemours. Ce dernier, parti avec cent chevaux, put pénétrer avec neuf personnes dans le château de Noisay. Il fit sa harangue, et engagea les conjurés à venir présenter librement leur remontrance au Roi, jurant en foi de prince ; sur son honneur et dampnation de son âme, et oultre ce, signant de sa propre main, Jacques de Savoye, qu'il les rameneroit sains et saulves. Quinze des conjurés le crurent et le suivirent pour exposer leurs réclamations à François II ; mais à peine arrivés à Amboise, ils furent jetés en prison et mis aux fers. Le duc de Nemours entra vainement en colère et désespoir ; on lui répondit qu'un roi n'est point tenu de garder sa parole envers son sujet rebelle, sans se douter que cette interprétation tuait le plus grand prestige royal, l'honnêteté, pour tout le temps où ce serait un Valois qui règnerait. Les quinze prisonniers furent exécutés en présence d'une grande partie de la cour ; l'un d'eux trempa ses mains dans le sang de ses complices, et, les levant au ciel toutes sanglantes, prononça ces émouvantes paroles : Voilà le sang innocent des tiens, ô grand Dieu, et tu le vengeras ! Le chancelier Olivier fut saisi à l'instant d'un tremblement, pleura abondamment, et succomba peu de jours après, répétant : Maudit cardinal de Lorraine, tu te damnes et nous fait aussi tous damnés[16].

Comme on veillait sur les chemins y aboutissant, et cela depuis la démarche de M. de Nemours, dès que La Renaudie se présenta pour joindre sa troupe à Noisay, il rencontra un détachement, en tua le chef de son épée, mais fut abattu par un soldat d'un coup d'escopette. Son corps fut pendu sur le pont d'Amboise avec ces mots : le Chef des rebelles, puis coupé par morceaux et exposé, sur des pieux aux alentours de la ville. Les murs de cette ville furent promptement garnis de pendus, et la rivière demi-pleine de noyés, comme un contemporain nous en rend témoignage, et ce, malgré l'opposition du chancelier mourant à de telles violences.

Une autre voix contemporaine stigmatise également ces cruautés officielles, et la pompe dont on crut devoir les accompagner, alors et plus tard, pour l'exemple. Écoutez Montaigne[17] : Je vis en une saison en laquelle nous abondons en exemples incroyables de cruauté, par la licence de nos guerres civiles ; et ne voit-on rien aux histoires anciennes de plus extrême, que ce que nous en essayons tous les jours ; mais cela ne m'y a nullement apprivoisé. A peine me pou-vois-je persuader, avant que je l'eusse vu, qu'il se fut trouvé des aines si farouches, qui, pour le seul plaisir du meurtre, le voulussent commettre ; hacher et destrencher les membres d'aultruy ; aiguiser leur esprit à inventer des tourments inusitez et des morts nouvelles, sans inimitié, sans profit, et pour cette seule fin de jouir du plaisant spectacle des gestes et mouvements pitoyables, des gemissements et voix lamentables d'un homme mourant en angoisse.

Devant ces rigueurs, le prince de Condé et Coligny furent obligés de faire de grandes démonstrations pour se disculper. Le premier se retrancha surtout derrière son rang de prince du sang, niant au cardinal de Lorraine la faculté d'interroger personne contre lui, et donnant un démenti, en plein conseil, à ceux qui prétendaient qu'il estoit chef de la conjuration contre la personne du Roy et son Estat, ce à quoi personne ne répondit rien. Il était temps pour ces deux personnages de chercher à se justifier : l'opinion catholique se soulevait en effet et donnait au complot ses véritables proportions, que les protestants cherchaient à réduire : la première savait non-seulement que Condé devait être aidé par la reine d'Angleterre[18], mais qu'il aspirait à devenir roi de France, roi protestant, bien entendu, sous le nom de Louis XIII, et qu'alors il gouvernerait d'accord avec la noblesse huguenote, laquelle, au sein de la conjuration, poussait à ce projet, peut-être pour sauver le principe de la royauté qu'une autre fraction des réformés attaquait violemment[19]. Au résumé, on peut dire avec Montluc que chez les religionnaires personne ne se monstroit pour le roy[20]. Et n'oublions pas qu'outre les Huguenots de religion il existait les Huguenots d'Estat, comme les appelle un contemporain, c'est-à-dire les opposants et révoltés par suite de mécontentement politique[21].

Pourtant les Guises se contentèrent de quelques têtes de gentilshommes à eux abandonnés par Condé et Coligny, tandis qu'ils eussent pu poursuivre ces deux chefs muets, surtout le premier ; on se contenta de les compromettre aux yeux de leur parti, et on y réussit, car, pendant qu'ils le reniaient, la conjuration devenait un fait populaire et glorieux parmi les réformés, dont beaucoup, donnant exemple à ces deux seigneurs, disaient, suivant Brantôme : Hier nous n'étions pas de la conjuration, et ne l'eussions pas dit pour tout l'or du monde ; mais aujourd'hui nous le disons pour un écu, et que l'entreprise était bonne et sainte. Cette riposte indique non-seulement de la fierté, mais la perte de l'habitude de l'obéissance, c'est-à-dire la qualité qui fait sa principale force ; un pays où l'on ose ainsi proclamer la sainteté de l'insurrection est un pays perdu, qui ne peut se relever que sous une succession de grands hommes[22].

Et cependant, dès le lendemain de l'échec de la conjuration[23], deux édits d'abolition avaient paru, l'un en faveur des hérétiques, à l'exception de ceux qui auraient conspiré contre à roi, la reine ou l'État ; le second en faveur des gens trouvés en armes aux environs de la ville d'Amboise, pourvu qu'ils se retirent incessamment dans leurs maisons. Le premier comprend dans son préambule cette phrase significative : ... ne voulans que le premier an de notre règne soit au temps à venir remarqué par la postérité comme sanglant et plein de supplices de la mort de nos pauvres subjets, posé ores qu'ils les eussent bien méritez, ains à l'exemple du père céleste espargner le sang de nostre peuple, et ramener nos sujects à la voye de salut, et conserver leurs vies, espérant, moyennant la grâce de Dieu, tirer plus de fruict par la voye de miséricorde que par la rigueur des supplices, avons dit, statué et ordonné...

Il fallait consolider et continuer ces mesures modérées, car, dans la vie des peuples, le règne des rigueurs ne peut être que l'exception, et, dans l'espèce, il n'apportoit point de bien aux affaires de la France... pouvant porter les conjurés au désespoir[24], et ils étaient nombreux. Catherine de Médicis le sentait ; elle savait en outre que la bourgeoisie ne voulait pas desgainer ses couteaux sur elle-même, sur ses frères et enfants, à l'appétit des Guises[25], et pour lui venir en aide, elle fit appeler, en qualité de chancelier, Michel de l'Hospital, ami de celui qui venait de décéder. C'était, suivant l'expression du temps, un homme de grande estime, qui parait pourtant avoir trempé dans le complot d'Amboise, non comme protestant, mais comme mécontent ; au moins d'Aubigné l'affirme-t-il, prétendant avoir vu sa signature tout au long sur l'original de l'entreprise[26]. Si le fait est vrai, on peut supposer que la reine-mère ne fut pas fâchée, au moment où le parlement de Paris décernait à François de Guise le titre de conservateur de la patrie, d'introduire comme contrepoids dans le conseil un homme qui ne fût pas rivé aux Lorrains et qu'on pût en détacher.

Ceux-ci avaient profité de la conjuration pour s'agrandir. Le duc de Guise était devenu lieutenant général du royaume, représentant la personne du roi, absente et présente, avec plein pouvoir, auctorité et mandement special d'assembler, toutes et quantes fois que l'affaire le requerra, tous les princes, seigneurs, capitaines, gentilshommes et autres, ayant charge et conduicte des gens de guerre. On lui écrivit dorénavant : A Monseigneur, Monseigneur le duc de Guise, lieutenant général du roy en ses royaulmes et païs, grand maistre et pair de France. Pouvoir trop considérable, car de là à la souveraineté il n'y avait qu'un pas, et celui qui le possédait ne pouvait plus obtenir d'autre récompense que le trône : ces lettres patentes firent donc à François de Guise un grand nombre d'ennemis, et, en augmentant sa puissance, affaiblirent son autorité morale par l'exagération même[27], d'autant plus qu'elles lui concédaient aussi le droit de punir les séditieux et rebelles sans forme ne figure de procès.

Pour faire accepter la consolidation et l'agrandissement de leur influence, les Guises notifièrent la conjuration d'Amboise comme une victoire.

D'abord, au roi de Navarre. Ils lui écrivirent au nom de François II : Mon bon oncle[28], Dieu, dans sa grâce et bonté, a fait tourner en fumée la damnable entreprise de ces malheureux hérétiques et rebelles à Amboise... J'ai bien voulu vous avertir que tout est tranquille, sachant combien cette nouvelle vous sera agréable... Je ne m'esbahis point si vous avez été faché du bruit qui a couru de vous en Espagne de favoriser aux entreprises que ces malheureux hérétiques avaient dressées contre moi, sachant combien une telle calomnie vous est imputée faussement, veu le tort que vous fussiez fait, si ainsy eust esté ; il n'y a personne qui n'ait grande occasion de croire que telles choses vous ont apporté ung extrême regret et desplaisir. Une pointe d'ironie perce dans ce style à la fois officiel et intime. Antoine de Bourbon y répondit avec plus d'à-propos qu'on ne pouvait en attendre de lui ; il se mit à la poursuite d'un corps de deux mille réformés[29] ayant pris les armes du côté d'Agen, et qui se rattachait à la conjuration d'Amboise, le défit, et ferma de la sorte la bouche à ses ennemis aux dépens de ses amis[30]. Puis il notifia au roi sa déclaration à un agent d'Élisabeth, reine d'Angleterre, lui apportant une proclamation de sa maîtresse et venant sonder ses intentions, qu'il n'était ni serf ni biche de sa maistresse, et qu'il ne pourrait jamais porter aulcune amitié aux ennemis de la couronne de France[31].

Le gouvernement notifia également l'insuccès de la conjuration aux parlements, aux bailliages, aux gouverneurs de province, et, à l'étranger, dans les principales cours : non sans doute pour faire savoir à tous combien il avait été menacé, mais pour annoncer qu'il se trouvait maintenant consolidé et sûr de vivre.

La notification au parlement de Paris eut lieu de vive voix par le connétable, chargé d'une mission expresse ; mais le vieux guerrier, une fois en face de cette assemblée de magistrats (28 mars), qualifia le complot d'une attaque contre les ministres du roi, sous les yeux de ce monarque même, et ne le considéra nullement comme une insurrection dirigée contre le roi et sa famille[32]. Cette manière de s'acquitter d'un rôle public, quoique partant du grand rabroueur, montre assez combien peu les Guises pouvaient compter se faire obéir ; ajoutons que, suivant une version, ils ne confièrent cette mission au connétable, soupçonné de connivence avec les conjurés, que pour l'embarrasser ; l'embarras, on le voit, ne fut grand ni pour lui, ni pour Condé, ni pour le roi de Navarre.

La notification aux princes allemands eut lieu par un envoyé spécial, Bernard Bocherel, évêque de Rennes, lequel avait reçu ordre d'insinuer que plusieurs des conjurés, mis à la question. finirent par avouer que ces princes les avaient encouragés, circonstance à laquelle le roi de France ne voulait croire : il fut répondu, avec beaucoup de réserve, à notre ambassadeur, que l'alliance de la France avait procuré beaucoup d'avantages à l'Empire ; que, loin de vouloir favoriser des factieux, les princes allemands recommandaient l'inviolabilité des rois et le respect des magistrats ; mais qu'au milieu des troubles religieux agitant la France, ils demandaient que l'on fît grâce aux Français professant la même religion qu'eux, et pensaient que la meilleure mesure consisterait à permettre le libre exercice de la religion dans le royaume comme en Allemagne.

Cette notification produisit un grand mouvement dans les esprits, parce qu'elle avertit les catholiques, c'est-à-dire le pays presque entier, du danger qu'il venait de courir, et les porta résolument à l'action contre les protestants. D'ailleurs, les lettres royales se terminaient en recommandant cette action, n'oubliant pas de stimuler l'esprit national par cette réflexion, que si la reine d'Angleterre avait promis son appui aux révoltés, c'était pour le mauvais vouloir qu'elle nourrissait contre François II — comme roi d'Écosse[33] —, accompagné d'un extrême regret qu'elle a de Calais. Le roi de France écrivait encore : Les moyens de douceur sont épuisés ; je suis forcé d'employer les plus rigoureux contre les Huguenots... faites-les pendre sans forme de procès. Et le comte de Villars répond à cette injonction par une dépêche qui se termine ainsi : Que faire par rapport au prévost, lequel refuse de pendre les prisonniers sans forme de procès ? Sans aucun doute ce prévôt était catholique ; il réclama seulement une condamnation légale avant d'exécuter.

Catherine voyait avec déplaisir les Guises célébrer ainsi leur victoire et faire sentir à la France l'utilité et le succès de leur intervention. Cela l'incita plus encore à recommander l'adoption de mesures modérées, appauvrissant moins la France d'hommes, d'argent et de richesses mobilières : car l'agriculture recevait un rude coup de cet état perpétuel d'agitations et de troubles, diverses localités étaient pillées, un grand nombre de maisons rasées, en un mot les misères inséparables de la guerre, et surtout de la guerre civile, s'abattaient sur le pays.

C'est alors que Catherine conseille d'appeler à la cour Regnier de la Planche, protestant et confident du maréchal de Montmorency, afin d'en obtenir des révélations sur les intentions des familles de Montmorency et de Châtillon ; mais ce moyen, qui plaisait à la reine-mère, parce qu'elle aimait à osciller de l'un à l'autre parti, renseigne les Guises sans les contenter, surtout sans leur donner plus de confiance envers la veuve de Henri II, laquelle, suivant l'expression du passionné mais bien informé Regnier de la Planche, caressait ceux qui la rudoyaient. Il valait mieux pourtant interroger les protestants avec franchise, que les laisser répandre des écrits justificatifs ou des plaidoyers en leur faveur, qui parvenaient, par des mains inconnues, jusque sur les tables autour desquelles siégeaient les membres des principaux parlements.

C'est alors aussi que le chancelier de l'Hospital intervient et commence à jouer un rôle, sinon très-accentué, au moins demeurant dans la voie du juste et de l'utile.

Les lettres de provision de l'office de chancelier de France en faveur de Michel de l'Hospital sont datées de Saint-Léger[34], le dernier juin 1560. Après les considérans sur la vacance des fonctions et la convenance d'y pourvoir, elles se terminent ainsi : Savoir faisons que nous, ces choses considérées, et pour l'entière confiance que nous avons de la personne dudit de l'Hospital, et du bon zèle auquel il continue chacun jour au bien de la justice et chose publique, aussi de ses vertus, sens, suffisance, fidélité, intégrité, expérience et grande diligence, iceluy avons esleu, créé, ordonné et retenu, élisons, créons, ordonnons et retenons chancellier de France, nostre conseiller especial, et ledit estat et office de chancellier de France vacant tant par le trespas dudit Olivier, que par la démission dudit Bertrand, luy avons donné et octroyé, donnons et octroyons pour l'avoir, tenir et doresnavant exercer, aux honneurs, authoritez, prérogatives, prééminences, pouvoirs, puissances, facultet, franchises, libertez, gaiges, pensions, droits, proffits, revenus et émolumens accoutumez et qui y appartiennent, et tels et semblables dont jouissoit ledit Olivier, dernier paisible possesseur dudit estat, office et dignité de chancellier de France.

Le nouveau chancelier est l'un des premiers auquel nos annalistes reconnaissent l'intention de servir le pays et ses intérêts avant tout, même à l'encontre des projets des princes Lorrains, ses premiers protecteurs, auxquels la multitude le croyait encore attaché. Le passage suivant de Regnier de la Planche est formel : Quant au chancelier de l'Hospital, peu de gens se resjouissoient au commencement de le voir eslevé en cette dignité, ayant esté familier du cardinal ; en sorte que l'on tenoit qu'il n'oseroit lui contredire en rien, ayant eu tant de faveurs et advancement de ceste part. Mais tout ainsi qu'il cognoissoit le naturel de ceux de Guise, pour les avoir de longue main pratiqués, aussi eut-il ceste prudence de prévenir leurs aguets dextrement, sinon comme il devoit, à tout le moins comme il pouvoit, selon la malice du temps, rabattant leurs plus furieux coups avec une industrie singulière. Car s'estant proposé, si tost qu'il eust esté estably en sa charge, de cheminer droict en homme politique, et de ne favoriser ny aux uns ny aux autres, ains de servir au roy et à sa patrie, il luy fallut user de merveilleux stratagèmes pour contenir les Lorrains en leurs bornes.

Nous allons voir le chancelier à l'œuvre dans le chapitre suivant ; il justifiera cet amour de la chose publique ou de la patrie, que lui attribuent ses lettres de provision et l'opinion du chroniqueur.

 

 

 



[1] Établis par une ordonnance de février 1554.

[2] Ces archers portaient la hallebarde et un mousqueton, l'arc ayant été supprimé en 1484 ; ils faisaient partie des non combattants et se transformèrent en soldats de maréchaussée (gendarmerie moderne).

[3] Aux yeux de Calvin, toute résistance à l'autorité légitime constituait un crime.

[4] François Ier commença, dès 1535, la poursuite contre les réformés.

[5] Histoire universelle de d'Aubigné, II, XIII. Dès qu'une nation possède ainsi un grand nombre de guerriers pour ainsi dire en disponibilité, dont la pension n'est plus payée et prêts par cela même à reprendre les armes, elle n'est pas loin de la guerre civile.

[6] Mémoires de Vieilleville, VIII, IV.

[7] Marguerite de Navarre.

[8] Mémoires de Castelnau, I, VI.

[9] Histoire universelle, II, XV.

[10] Le cardinal de Lorraine, surintendant des finances, ordonna mille beaux escus au prince de Condé pour son voyage (en Espagne — il allait recevoir le serment de paix), ce qui ne fut pas une des moindres offenses à ce prince pauvre et courageux. Histoire universelle, par d'Aubigné, II, XII. Suivant M. Henri Martin, Condé regarda cette lésinerie comme une insulte à son indigence.

[11] Michel SURIANO, à la fin de sa Relation, avance que les Huguenots avaient promis cent mille écus par an au prince de Condé pour être leur chef. Si l'assertion est exacte, leurs docteurs leur prescrivant d'abriter leur conjuration sous le nom d'un prince du sang, ils en achetaient un.

[12] Et non Godefroi de la Barre, comme plusieurs auteurs l'écrivent par erreur.

[13] Des écrivains le nomment de Buy seulement ; il parait qu'il portait les deux noms et était un des premiers magistrats de Metz.

[14] La Place prétend également que l'un des conjurés, le capitaine Lignières, révéla directement le complot à la reine-mère.

[15] Enregistré le 12 au parlement.

[16] Mémoires de Vieilleville, VIII, IV et V.

[17] Essais, II, XI.

[18] Le gouvernement anglais, depuis ses révolutions religieuses, s'étoit donné en Europe, et surtout aux yeux des calvinistes de France, l'importance de chef et de protecteur des Églises réformées, et cette couleur de religion lui avoit servi pendant trois siècles à désoler la France de ses intrigues. Du traité de Westphalie et de celui de Campo-Formio, par l'auteur de la Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, Paris, chez Le Normant, an IX, brochure in-8°, p. 56.

[19] La Réforme et la Ligue, par M. CAPEFIGUE, 3e édition, grand in-18, 1844, p. 187.

[20] Début du livre V des Commentaires.

[21] Voyez les Commentaires de l'estat de la religion et république sous les rois Henry et François seconds et Charles neufviesme, par Pierre DE LA PLACE, président de la cour des monnoies, édition du Panthéon littéraire, p. 44.

[22] Henri IV, Richelieu, Louis XIV. — Le fanatique Knok répondit dans le même sens un an après à Marie Stuart assise sur le trône d'Ecosse. Comme elle lui demandait : Vous pensez donc qu'il est permis aux sujets de résister à leurs princes lorsqu'ils en ont le pouvoir. — Très-certainement, Madame, dit-il, si les princes excèdent leurs devoirs... A un prince qui voudrait frapper les enfants de Dieu, il serait permis d'ôter l'épée, de lui lier les mains et de le mettre en prison jusqu'à ce qu'il soit devenu plus calme. Ce ne serait pas lui désobéir, mais se conformer à la parole de Dieu. M. MIGNET a vigoureusement retracé cette scène. Voyez le chapitre III de son Histoire de Marie Stuart.

[23] En mars 1560 : le complot éclata le 10 mars.

[24] Mémoires de Castelnau, I, IX. — Les rigueurs religieuses caractérisent ce siècle. Sans s'apercevoir de cet excès de contradiction, a dit M. MIGNET au sujet du supplice de Servet, celui qui aurait été martyr dans un lieu se faisait bourreau dans un autre. Voyez dans les Mémoires historiques de cet auteur le mémoire intitulé : Établissement de la réforme religieuse et constitution du calvinisme à Genève.

[25] Le livre des marchands, par REGNIER DE LA PLANCHE, Discours du marchand de soie : Sitost qu'un de nos membres se deult,  dit-il, nous ne le coupons pas ; sitost qu'un de nos frères ou amis est mallade, et fut-il abandonné des médecins, nous ne le tuons pas ; les ladres incurables, les pestiférés contagieux sont nourris et sollicités... Nous avons des moyens aussi de pourveoir à ceste maladie, qui tient tous les endroits de nostre royaume.

[26] Histoire universelle, II, XVI. Cet original de l'entreprise fut consigné entre les mains du père de d'Aubigné, et lui-même le fit voir, dit-il expressément, à plusieurs personnes de marque.

[27] Le quatrain suivant, lancé contre les deux frères, doit dater de cette époque :

Quelque mine que tu fasse

Bien aussi hoché te voy

De mourir sans estre Pape

Que celuy sans estre Roy.

Les libelles contre les Guises furent alors nombreux : l'un d'eux contient, sur le cardinal de Lorraine, l'anagramme suivant, que j'emprunte aux Poésies calvinistes, publiées par Prosper TARDÉ, Reims, 1866, p. 33.

Anagramme de CHARLES DE LORRAYNE

(1559-1560)

Si lors qu'Henry vivoit encor

Tu as, meschant, ravy tout l'or

Et tout le bien de France, en sorte

Que le peuple en est appauvry,

Ton nom tourné à bon droit porte

Que — Raclé as l'or de Henry.

Rappelons un passage de Regnier de la Planche : Quelques gens d'esprit tournèrent son nom, qui estoit Charles de Lorraine, en quatre sortes, à l'imitation des Grecs, qui appellent ceste façon de faire anagramatisme, et se trouvèrent toutes ces sentences si convenables à ce dont estoit question qu'il sembloit que ce fussent comme prophéties, à savoir : RACLÉ AS L'OR DE HENRI. — HARDI LARRON SE CÈLE. — RENARD LASCHE LE ROI. — IL CHERRA L'ASNE DORÉ. Édition du Panthéon littéraire, p. 230.

[28] Terme d'amitié, car le degré de parenté était plus éloigné, même par les femmes, le roi de Navarre ayant épousé la fille de la grand'tante de François II ; Antoine de Bourbon, par réciprocité, appelait François II mon neveu.

[29] Plusieurs historiens prétendent qu'il en reçut commission spéciale de la cour.

[30] En même temps, son favori Jean de Ferrières quitta la cour.

[31] Le roi de Navarre au roi, 6 mai 1560.

[32] Ils vouloient qu'on publiât et qu'on crût que la conjuration avoit été formée contre le Roi, la Reine sa mère et les princes ses frères, par des hérétiques qui, ayant violé la foi qu'ils devaient à Dieu, avoient osé attenter à la personne du prince, pour renverser l'État, répandre partout la confusion et le désordre, et établir en France une République semblable à celle des Suisses. Histoire universelle, par DE THOU, début du livre XXV. — M. Louis PARIS, à la p. 313 des Négociations sous François II, fait observer que les registres du parlement ne contiennent rien qui justifie cette opinion énoncée par de Thou ; mais cela n'affaiblit pas ladite opinion, car elle n'était pas de nature à être constatée officiellement sous la dictature même des Guises.

[33] Il en avait obtenu le titre dès son mariage, et on l'appelait, du vivant de Henri II, le roi-dauphin.

[34] Près Fontainebleau.