HISTOIRE DE FRANÇOIS II

 

CHAPITRE III. — LES GRANDS PERSONNAGES.

 

 

Après les souverains, étudions les grands personnages appelés à jouer un rôle dans le règne dont nous retraçons l'histoire. Et d'abord, un mot sur les frères du roi.

 

Charles-Maximilien, duc d'Angoulême à sa naissance, duc d'Orléans à l'avènement de son frère aîné, et, lors du décès de ce dernier, roi sous le nom de Charles IX, était né le 27 juin 1550 : il comptait donc neuf ans et deux jours lors de l'avènement de François II. C'était un enfant. On le disait loyal, ayant le sentiment de l'honneur et du vrai[1] ; on lui accordait du talent, on fondait sur lui de grandes espérances. Aussitôt la mort de François II, sa mère écrivait de lui : Il est si bien né et de si bonne nature que les peuples s'en promettent beaucoup de bien et de consolation[2].

 

Édouard (Henri) Alexandre, duc d'Anjou à sa naissance, depuis duc d'Angoulême, ensuite duc d'Orléans, plus tard roi de Pologne, enfin roi de France sous le vocable de Henri III, était, dit-on, l'enfant préféré de Catherine de Médicis. Quoiqu'il eût, à la mort de son père, sept ans neuf mois seulement, étant né à Fontainebleau le 20 septembre 1551, on devinait son intelligence et ses heureuses dispositions ; ses vices ne devaient se développer que plus tard. Il avait, à ce qu'il parait, étant enfant, quelque difficulté à bien prononcer, si nous en croyons Jean Capello, ambassadeur de Venise en France pendant l'année 1554.

 

Hercules, duc d'Alençon, lequel prit plus tard le nom de François, sur le désir de sa mère, comptait alors cinq ans ; on n'en disait rien encore.

 

Les seuls princes du sang appartenaient à la famille des Bourbons[3], qui descendait d'un fils de saint Louis, ne possédait, avec les Valois, que le vingt et unième degré de parenté, et se trouvait séparée du trône depuis trois siècles, sans espoir d'y monter jamais, puisque le défunt roi laissait quatre fils. Antoine, duc de Vendôme, devenu roi de Navarre par son mariage avec Jeanne d'Albret, était le chef de cette famille ; le cardinal de Bourbon et le prince de Condé, déjà converti à la réforme, étaient les seuls puînés existant depuis la victoire et la mort du comte d'Enghien à Cérisoles.

 

Antoine de Bourbon, roi de Navarre, protestant comme le prince de Condé, quoique descendant de saint Louis et destiné à devenir la souche d'une lignée de rois très-chrétiens, nous est représenté comme un esprit lent et irrésolu, plus disposé à se retirer au centre de ses domaines qu'à se lancer au milieu de la lutte pour y saisir le pouvoir en sa qualité de premier prince du sang ; sa prompte disparition de la scène tint en effet autant à son caractère qu'à la propension naturelle de François II pour les oncles de la reine. Il était assez indifférent, crédule et faible, par conséquent souvent trompé et nullement apte à gouverner. Son fils, le prince de Béarn, depuis roi de France sous le nom de Henri IV, tenait son énergie de sa mère Jeanne d'Albret.

 

Le prince de Condé était plus ambitieux que son frère. Encore qu'il fût jeune et qu'il aimât à fêter sa mignonne, il possédait quelque expérience. Sa participation aux campagnes de Piémont, sous le maréchal de Brissac, datait de 1551, et nous le voyons à cette époque — Boyvin du Villars raconte le fait dans ses Mémoires — haranguer le chef de l'armée française au nom des princes, et le prier d'excuser la légèreté de leurs propos et de leurs appréciations[4]. On peut ajouter à ce propos qu'il n'avait point la langue embarrassée ; en effet, quand, après la mort de François de Guise, le cardinal de Lorraine obtint des gardes[5] et que Montmorency, mécontent, chargea lui-même ces gardes dans la rue Saint-Denis : Vous en avez trop fait, lui dit-il, si vous vouliez vous divertir, pas assez si vous vouliez frapper, propos d'autant plus sensé qu'il contrastait avec l'opinion publique, les rieurs s'étant rangés du côté du fils du connétable, à cause de la singularité de voir un cardinal constamment accompagné de soldats, même à l'autel.

 

Le duc de Guise qui figure sous le règne de François II, c'est le duc François, assassiné plus tard sous les murs d'Orléans, souvent surnommé le Grand. Au point de vue militaire c'est une belle figure ; au point de vue politique, il possédait les ruses et l'humeur du courtisan, suivant l'expression de Vincent Carloix[6] ; ce dernier chroniqueur prétend même que Charles IX disait de lui : Non ti fidar, e non sarai gabbato, ne t'y fie pas, et tu ne seras pas trompé. Toujours est-il qu'il n'avait pas la rudesse habituelle aux gens de guerre[7] ; de Thou nous le montre d'un esprit doux et modéré, ne franchissant les bornes de la retenue et de l'équité qu'entraîné par les conseils violents de son frère[8]. Brave, ouvert, généreux et magnifique[9], il était aimé du soldat[10] ; supérieur à son époque, il traitait bien les prisonniers[11] et déclarait libre l'esclave qui avait touché le sol de France ; partout il jouissait d'une grande popularité. Sa défense de Metz contre Charles-Quint même, son expédition de Naples contre le duc d'Albe, qui le vainquit en lui refusant le combat, la prise rapide de Calais et de Thionville, lui assuraient une gloire durable. Le trait le plus saillant de son caractère, c'est qu'il se distinguait et dans la vie militaire et dans la vie civile. On peut dire de lui qu'il était, au début du règne qui nous occupe, le personnage non le plus élevé, mais le plus en évidence, ayant le plus d'avenir, celui qui avait rendu le plus brillant service, car la défense de Metz éclipsait tous les autres actes du règne précédent, et les talents militaires du connétable n'offraient rien de pareil. En outre, il était sage et modéré[12], comme nous venons de le dire, rempli de sang-froid, ce qui lui donnait plus d'empire que l'emportement permanent de ce dernier.

 

Le cardinal de Lorraine était loin de posséder le courage de son frère ; il en plaisantait lui-même et prenait sa revanche par la ruse. Pourtant son orgueil était grand, et la haine excitée par cet orgueil s'augmentait de ce qu'il se ménageait la protection de l'empereur pour le cas où ses trois évêchés de Lorraine retourneraient à ce souverain. Il était avide et le devint encore plus sous le règne dont nous entreprenons le récit. Son opulence le mettait presque au niveau des rois, ou du moins il le croyait : il se disait même le second dans l'Église après le pape, ce qui froissait vivement ce dernier. Mais il possédait une grande qualité, qui doit le faire absoudre de plus d'un défaut : il était généreux à ses heures, et seul il mérita cette louange. Un aveugle auquel il venait de jeter sa bourse, lui dit aussitôt : Très-noble inconnu, tu es le Christ ou le cardinal de Lorraine[13]. Ce frère du duc de Guise avait une grande intelligence, une mémoire heureuse, une éloquence persuasive[14] ; il parlait à merveille l'italien et savait le grec comme le latin ; son instruction ne se bornait pas à la théologie, il était familier avec les sciences ; les armes mises à part, c'était un prince admirablement doué[15], pouvant légitimement, et suivant la pente de son caractère, désirer tous les genres de gloire et aspirer à toutes les dominations.

 

Le duc d'Aumale — Claude de Guise — le troisième frère de cette famille, avait épousé une fille du duc de Ferrare, et obtenu en cette qualité, à la cour de Henri II, le même rang que le premier prince du sang[16].

 

Le connétable faisait ressortir François de Guise, car, quoique vigoureux soldat, ayant assisté à sept batailles rangées[17], ce n'était pas un chef militaire habile, comme nous l'avons indiqué dans un mémoire relatif aux guerres de religion. Henri II l'appelait son compère[18], et de fait lui laissait l'entier maniement de la guerre, des dépesches, des finances, en somme de tout l'Estat de la France et de sa maison[19]. Il lui eût fallu, dans cette fonction multiple et délicate, plus de souplesse de caractère et pouvoir, comme le dit le même contemporain, composer son naturel à toute la patience que comportait la satisfaction de tant de grandes choses au contentement d'un chacun. Cette patience lui manquait, quoiqu'il fût un habile courtisan[20], ou plutôt parce que l'étant, et en même temps fort discret vis-à-vis des princes, il se dédommageait vis-à-vis des petits ; il possédait en effet un genre de boutade spécial et était grand rabroueur de gens, vieux mot qui rentre assez dans la signification de butor, mais exclut moins, comme c'était le cas pour lui vis-à-vis de tout le monde à très-peu près, l'idée d'un supérieur qui a le droit de reprendre, sinon de gourmander à tout propos. Cette interprétation demeure conforme à l'opinion du temps ; écoutez Brantôme[21], son témoignage est formel : Certainement il estoit grand rabroiieur des personnes, cela n'estoit que bon à luy, car il avoit tant veu et pratiqué et retenu[22], que quand il voyoit faire des fautes ou qu'on bronchoit devant luy, il le savoit bien relever avec belles raisons. Ah ! comment il vous repassoit ces capitaines, et grands et petits, quand ils falloient[23] à leurs charges et qu'ils vouloient faire des suffisans et vouloient encore respondre, asseurez vous qu'il leur faisoit boire de belles hontes, et non-seulement à eux, mais à toutes sortes d'estats... Aussi tremblait-on devant lui ; seulement, et sans se douter qu'il déconsidérait ainsi l'autorité, il dépassait la mesure, et, dans ses moments de mauvaise humeur, ne se gênait pas pour traiter d'ânes, de veaux et de sots, les magistrats qui avaient fait quelques pas de clerc[24]. Cette façon d'agir mécontentait assurément, surtout vis-à-vis d'un homme peu heureux comme guerrier, naguère encore battu et fait prisonnier à Saint-Quentin : on ne peut dire cependant qu'il fut impopulaire dans le sens vaste acquis actuellement par ce mot, surtout à Paris où un contemporain prétend qu'on l'aimait assez. Et pourtant il semble que les auteurs militaires se soient fait un devoir de prémunir les chefs d'armée contre cette brutalité notoire, témoin ce passage de l'un d'eux : Le chef se doict bien garder aussi d'estre moqueur ne brocardeur envers mesmes les plus petits. Car... les personnes qui se voient servir de risée par quelque traict de moquerie ont accoustumé de s'en esmouvoir plus aigrement que si on les injurioit tout à faict[25].

On peut également reprocher au connétable de trop priser l'argent, puisqu'il s'irrite du refus du roi de lui accorder une terre de dix mille livres de rente[26], et accepte de M. de Châteaubriand le don d'une maison de plaisance en échange de l'Ordre[27] qu'il lui fait obtenir. Il pousse également et à tort, dès l'origine, au massacre des protestants[28], car, malgré sa conviction de l'urgence d'extirper promptement l'hérésie, le moyen était peu politique et rendait une conciliation presque impossible ; les autres sévérités suffisaient, et certes il ne s'en faisait pas faute lors d'une répression, témoin sa conduite à l'égard de Bordeaux.

Mais il ne reculait pas plus devant les occupations que devant l'ennemi, et, à la tête des affaires près de trente ans sous François r et pendant le règne de Henri II, il présidait presque toujours les conseils, se détournant pour cela de ses plaisirs, notamment de la chasse aux oiseaux qu'il aimait fort.

Brantôme exagère en nous montrant le connétable dictant à la fois, comme César, à trois secrétaires, mieux même à trois ministres, car son expression s'applique à des secrétaires d'État.

 

Le maréchal de Saint-André, connu par ses services et ses talents militaires, était discrédité par sa vie luxueuse, ses dettes, son avidité ; il était détesté pour ses exactions et avait tout à craindre d'un nouveau règne.

 

Outre qu'il fit bien la guerre vis-à-vis de chefs espagnols renommés[29] et sut assez conserver et agrandir nos conquêtes en Italie, fait rare pour nos capitaines de ce temps employés au delà des monts, le maréchal de Brissac[30] se distingue par deux qualités honorables : — envers ses inférieurs, il maintient la discipline ; — envers les grands, il ne ménage pas la susceptibilité des cours et expose sincèrement les besoins de la situation. On le voit en Piémont empêcher les murmures de son armée, même chez les volontaires les plus haut placés, et conserver la discipline par des exemples qui sont présents à toutes les mémoires : dans son armée, on payait à l'habitant du pays occupé tout ce que l'on prenait chez lui, et malheur à quiconque oubliait de se fournir ainsi de gré à gré de ce qui lui était nécessaire ; il en résultait que les Français étaient alors aimés en Italie, et qu'on ne cherchait pas à leur nuire. Il sait honorer le courage et promettre, en 1557, lors de la prise de Cairas, la vie sauve à un Allemand qu'il aperçoit défendant vigoureusement la brèche, malgré sa barbe blanche si longue qu'elle lui tombait jusqu'à la ceinture, promesse qui avait pour signification d'applaudir à la valeur et de la proclamer publiquement même chez l'ennemi[31]. En raison de sa tendance à mettre les hauts faits en relief, on accourait volontiers sous ses drapeaux lors d'une affaire ; tous, grands et petits lui rendaient honneur, obéissance et respect, mais en trouvant qu'il se prévalait trop de son rang et de sa renommée, et se montrait moins familier et plus taciturne que le roi. Tenir de haut son autorité rentrait trop dans son caractère pour qu'il s'en départit à l'égard de ses inférieurs, alors qu'il se montrait tel vis-à-vis de ses supérieurs. Il adresse en effet au roi de vives remontrances sur l'abandon où on le laisse, lui et son armée, ne craignant pas pour cela de formuler des reproches et aux secrétaires d'État et au connétable, qui dirigeait par-dessus eux, sous Henri II, les affaires du royaume et surtout celles de la guerre ; et à ce sujet ses paroles ne ménagent rien : S'estant, écrit-il par exemple en 1557, apperceu de longue main que Sa Majesté n'adjouste aucune foy aux advertissemens qu'il donne des necessitez de l'armée et du peu d'hommes où elle est réduite par faute de paiement... s'il ne plaist à Sa Majesté d'y soudainement pourvoir, il se trouvera bien tost tout seul... et de faict il ne rencontre plus en la pluspart des personnes, ni des capitaines, cette gaillarde disposition qu'ils souloient[32] tous avoir à bien combattre et à mieux obeyr[33]. Et il ajoute nettement qu'outre la suppression momentanée des appointements, cela provient de ce que les Français occupés à guerroyer en Piémont n'obtiennent ni les grades, ni les biens, ni les honneurs réservés aux autres. En raison de son système de remontrances, les courtisans aimaient assez qu'il tournât les talons à la cour. Il en était de même du grand personnage suivant.

 

Vieilleville, plus tard maréchal de France, était un caractère modéré, appartenant au parti des politiques, lesquels échouèrent parce qu'ils n'étaient pas aussi passionnés que leur siècle. Il savait sacrifier son ambition personnelle, comme il le montra plus tard en refusant les fonctions de connétable pour faire déclarer le prince Henri — le duc d'Anjou — lieutenant-général du roi son frère ; il s'opposait à toute idée de massacre et d'extermination des Huguenots, et, fait singulier, il périt empoisonné chez lui, à son château de Durestal, le roi étant son hôte, peu avant la Saint-Barthélemy[34]. Il était de bon conseil et ne craignait pas, en s'opposant à telle mesure grave, de dire au roi que par son adoption il se mettait en danger de voir sa couronne par terre. Ou bien dans les troubles, quand le parti royal l'emportait, il assurait que la lutte avait été engagée au profit du roi d'Espagne, car de toute façon elle affaiblissait la France et l'empêchait de conquester la Flandre et tous les Pays-Bas.

 

Le chancelier Olivier était un homme austère qui désirait rétablir l'ordre et l'économie. Dévoué à l'autorité royale, il n'hésitait pas à employer les moyens les plus rigoureux pour la soutenir, mais il affectionnait peu le séjour des cours. Aimant au contraire la retraite, se suffisant à lui-même par le culte de la vertu et l'étude des lettres, il subissait avec noblesse sa disgrâce[35] au sein d'un petit domaine[36], quand le règne de François II commença. C'est lui qui a écrit la réflexion suivante : Dans tous les emplois publics, le sage a besoin alternativement de prudence et d'habileté ; mais jamais il ne doit s'écarter du sentier de l'honneur, ni blesser sa conscience ; la conscience donne aux bons la plus douce des jouissances ; elle est pour les méchants le plus terrible des bourreaux[37].

 

Son ami et successeur Michel de l'Hospital, homme de milieu, croyant à l'universalité de la raison, et chef des politiques de ce temps, n'était pas cependant exclusivement porté pour la paix ; il a même chanté les Avantages de la guerre. La probité et l'exactitude dans ses fonctions, principalement comme surintendant des finances[38], telles sont ses premières et plus solides qualités. Il sortit de charge pauvre, et il fallut que la cour pourvût à ses aliments et dotât sa fille. Quand il jugeait des procès et tenait des audiences, il arrivait au palais avant le jour, se retirait à dix heures passées, et pendant ce temps, au lieu de se promener comme la plupart de ses collègues sous les arceaux des salles, restait constamment et presque immobile sur son siège, tant que durait une audience : aussi le citait-on pour sa patience[39]. Il désirait le maintien de l'autorité royale fondée sur la base des libertés publiques, afin d'assurer l'unité du pouvoir et l'unité du pays, c'est-à-dire devançait son siècle et allait opposer aux violences des luttes intestines le courage civil. Sa vertu le fit respecter et lui rallia plus d'un suffrage, trait d'union qu'il présente avec l'une des grandes figures du règne de Louis XIV, avec Vauban. Le trait qui sépare Vauban et l'Hospital, c'est que le célèbre maréchal était bourru, tandis que l'illustre chancelier se servait envers les grands, sans doute pour écarter des disputes oiseuses sur le rang, d'une déférence qui trompa les Guises et leur fit croire qu'il demeurerait leur instrument docile : mais le chancelier créé par la perspicacité et la connaissance des hommes de la reine-mère, avait autant de caractère que d'intelligence et de talent, et s'il voulait une politique de transaction[40], s'il ménageait la forme, il devait peu plier quand il s'agissait des idées d'intérêt général et d'amour de la patrie ; sa vertu pouvait servir la fourberie de Catherine de Médicis, à condition de la tourner vers le bien, vers l'introduction des conditions morales dans l'ordre politique[41], et surtout vers les mesures propres à réaliser la pacification de la France[42].

L'amiral de Coligny, fils d'un maréchal de France, occupait sa charge depuis 1552, étant alors âgé de trente-cinq ans, ce qui indiquait la faveur dont il avait joui à la cour. A l'avènement de François II il n'était pas encore protestant, et son caractère n'avait pu se révéler comme il le fit pendant les troubles religieux. Nous le citons en raison du poste élevé qu'il occupait et de sa belle défense de Saint-Quentin. C'était un caractère froid, combinant longtemps et en secret ses pensées et ses projets ; on le disait aussi tenace qu'intrépide ; ses mœurs sévères et champêtres lui donnaient un grand avantage à cette époque de dissolutions. Quoique revêtu des fonctions d'amiral, il combattit toujours sur terre : c'était à la fois un guerrier, un diplomate, un administrateur.

 

Gaspard de Saulx-Tavannes, maréchal de France dix ans plus tard, jouissait d'une belle réputation militaire conquise à Cérisoles, à Renty et dans plusieurs autres actions ; il possédait, depuis la fin de 1556, la lieutenance générale du gouvernement de Bourgogne ; mais il fut éloigné de la cour, et son rôle demeura secondaire pendant le règne dont nous avons entrepris de retracer l'histoire.

 

 

 



[1] Suivant M. Henri MARTIN (Histoire de France, tome X, p. 270), c'est le Florentin Gondi, créé maréchal de Retz, qui étouffa en lui ces généreux sentiments.

[2] La reine-mère à M. de Limoges, 19 décembre 1560.

[3] On en comptait jusqu'à dix, en comprenant Henri de Bourbon (depuis Henri IV), fils d'Antoine, roi de Navarre.

[4] S'il est advenu, Monsieur, que ces seigneurs, et peut estre moy, avec eux, raillans en nostre privé, nous soyons un peu librement esgarez en propos, selon ce qui est souvent permis à une courageuse jeunesse, non encores bien apprivoisée aux disciplines militaires, nous vous supplions tous de croire que ce n'a esté en intention d'apporter offense ny à vous ny au rang que meritoirement vous tenez, reverans comme nous faisons et l'un et l'autre. Livre II, p. 103 de l'édition princeps, Paris, 1606.

[5] Ses adhérents prétendaient même que c'était François II qui lui avait accordé ce privilège, ce qui le rendrait antérieur à l'assassinat de son frère (1663).

[6] Mémoires de Vieilleville, IX, III.

[7] Poésies latines de Michel de l'Hospital, Épitre sur les avantages de la guerre.

[8] Histoire universelle, livre XXIII. Au livre XXV, cet auteur nous montre le duc de Guise qui se piquoit de modération et de douceur, calmant la colère de son frère.

[9] Sa dépense dans un seul tournoi fut de 25.000 écus.

[10] Même des mercenaires dont il contenait l'indiscipline.

[11] Le fait était rare. Le capitaine écossais Stuard ayant été pris à la bataille de Jarnac, le marquis de Villars l'obtint de Monsieur (le frère du roi, depuis Henri III), et le fit tuer sur-le-champ, parce que c'était lui qui avait, à la bataille de Saint-Denis, blessé par derrière le connétable son frère, vengeance qui rappelle celle commise par Achille sur le corps d'Hector en souvenir de Patrocle, mais doit être blâmée, car une bataille est un champ commun où nul ne doit demeurer personnellement responsable.

[12] BRANTÔME, Vie du maréchal de Brissac.

[13] Le cardinal de Lorraine montra aussi une grande énergie lors de l'assassinat de son frère François de Guise.

[14] Théodore de Bèze disait de lui : Si j'avais telle élégance que M. le cardinal de Lorraine, j'espérerais convertir et rendre moitié des personnes de la France à la religion de laquelle fais profession. Mot cité dans le Journalier d'un bourgeois de Reims, dont un extrait se trouve inséré à la p. 797 des Négociations sous François II, publiées en 1844 par M. Louis PARIS, archiviste bibliothécaire de la ville de Reims, dans la Collection des documents inédits sur l'histoire de France. Je dois beaucoup à cet excellent volume.

[15] Les supplications et remontrances des princes de Bourbon et des protestants en général le chargent beaucoup et espluchent par le menu ses bougreries : mais elles accusent encore plus les mœurs et les extorsions de ses frères le Grand Prieur et le marquis d'Elbeuf.

[16] Antoine de Bourbon, roi de Navarre.

[17] Les batailles de Ravennes, Marignan, la Bicoque, Pavie, Saint-Quentin, Dreux et Saint-Denis.

[18] C'était une expression familière parfois employée aux XVe et XVIe siècles. Agnès Sorel, par exemple, se sert de cette appellation envers Pierre de Brézé, seigneur de La Varenne, quand elle lui écrit. Voyez deux de ses lettres citées dans Jacques Cœur et Charles VII, par M. Pierre CLÉMENT, chap. VIII.

[19] Mémoires de Boyvin du Villars, p. 114. Il le rappela auprès de lui malgré les recommandations de François Ier mourant. L'auteur de l'Histoire du duc de Mercœur (1689, Cologne, in-12, chez Marteau, p. 48), prétend qu'il exerçait une certaine séduction sur Henri II, et que cette séduction ne fut contrecarrée que par celle plus puissante de Diane de Poitiers.

[20] C'est dans ce sens qu'il faut prendre l'expression de plusieurs historiens : le sage Montmorency.

[21] Hommes illustres, M. le connétable Anne de Montmorency.

[22] Plus loin Brantôme l'appelle le Nestor français, donnant ses conseils le cul sur la selle, tandis que le Nestor des Grecs les baillait à la mode d'un morveux président en ne bougeant de sa tente.

[23] Manquaient.

[24] Il traita même de veaux les conseillers de Bordeaux qui lui reprochaient de donner aux gardes du roi, pour le dépecer et se chauffer, un navire qui pouvait encore sertir.

[25] L'art militaire d'Onosander, traduit par VIGENÈRE, 1605, folio 45 au recto.

[26] C'est en 1563. Charles IX conte lui-même le fait. Voyez Mémoires de Vieilleville, IX, XXXII. Brantôme avoue que le connétable mourut riche, mais qu'il le devait aux bienfaits royaux attirés par ses grands services, notamment par l'acquisition de Metz. D'autres prétendent qu'il s'enrichit par la confiscation.

[27] Il s'agit de l'ordre de Saint-Michel ; celui du Saint-Esprit n'était pas encore créé.

[28] Mêmes Mémoires, IX, XXXIV et XXXV.

[29] Entre autres le duc d'Albe.

[30] Le beau Brissac, disait-on vers 1525, aimé du dauphin mort en 1536 (il avait alors vingt ans), apprécié de Henri II et remarqué par la duchesse de Valentinois : évidemment il possédait le don de plaire, sauf toutefois à Philippe II, dont la haine (causée par la façon glorieuse dont il avait soutenu nos affaires en Italie) forme le plus bel éloge.

[31] Malheureusement cet Allemand succomba pendant l'assaut.

[32] Avaient coutume.

[33] Mémoires de Boyvin du Villars, livre VIII, édition de 1606, p. 556 et 557.

[34] Vieilleville mourut le 30 novembre 1571. La Saint-Barthélemy date du 24 août 1572, la veille de la Saint-Louis, fête autrefois nationale.

[35] Due à Mme de Valentinois.

[36] A Leuville.

[37] Réponse à Michel de l'Hospital dans les Œuvres de ce dernier. Cette lettre se trouve datée du 17 des calendes d'août.

[38] L'un de ses panégyristes assure qu'il refusa courageusement de fournir les sommes qu'on lui demandait lorsqu'elles ne devaient pas servir à l'avantage du prince et de son peuple. Vie de Michel de l'Hôpital, chancelier de France, 1767, édition d'Amsterdam, chez Rey, p. 35.

[39] C'est lui-même qui nous donne ces détails. Voyez son Épître à Jean Morel d'Embrun.

[40] On présume qu'il n'était ni catholique ni protestant, et se contentait d'une religion vague quoique chrétienne.

[41] La politique du temps vivait d'expédients plus que de principes.

[42] L'éloge de l'Hospital a été souvent écrit ; lisez surtout ceux de Thomas et de M. Villemain.