HISTOIRE DE CHARLES IX

LIVRE II. — LA SAINT-BARTHÉLEMY

 

CHAPITRE III. — LE MASSACRE EN PROVINCE.

 

 

La veille de l'exécution parisienne, le roi, dit-on, avait fait partir divers courriers pour les principales provinces, avec ordre d'agir de la même façon vis-à-vis des protestants : aucune de ces dépêches n'a pu se retrouver, ou du moins aucune n'est encore parvenue à notre connaissance, ce qui semblerait donner raison aux écrivains niant l'envoi de pareils ordres[1].

On prétend que Catherine écrivit ou prépara, dès la fin de mai, des lettres parlant de la Saint-Barthélemy au temps passé : Aujourd'hui l'amiral et tous les huguenots habitant Paris ont été tués, je vous en avertis : avisez à vous rendre maitre de la ville de ***, et faites aux réformés qui tomberont entre vos mains de même que nous avons fait à ceux-ci. Gardez-vous d'y faire faute, sinon vous desplairez au roi Monsieur mon fils et à moy. Ne dirait-on pas un prélude du principe énoncé par Juste Lipse dans ses Politiques à l'égard des dissidents, afin de ramener l'unité du culte et d'un culte reconnu par l'État[2] : Ure et secabrûlez et tranchez — ? Mais laissons ce raffinement et contentons-nous de savoir que des recommandations verbales avaient été faites : dès la réception de la nouvelle des massacres de Paris, elles devaient avoir cours. Vu la distance, il est assez naturel que ce soit dans un rayon de 12 lieues que l'avis soit arrivé de prime abord. On manque de détails sur la Saint-Barthélemy dans.la plupart des localités situées à l'extrémité de ce rayon, mais une relation existe sur le massacre de ceux de la religion à Meaux en Brie[3]. La reine mère ne pouvait oublier ces derniers, car elle possédait la comté[4] de Meaux. Son courrier entra dans cette ville le dimanche à 4 heures du soir sans que personne fût encore sur ses gardes, les portes de la capitale ayant été rigoureusement closes, et se rendit au logis du procureur du roi. Ce magistrat, nommé Louis Cosset, prend aussitôt ses mesures et donne rendez-vous à 7 heures du soir aux gens qu'il choisit pour exécuteurs. Alors on ferme les portes de la cité, on saisit les religionnaires eu commençant par les rues des Vieux-Moulins, Saint-Remy et Poitevine ; on les conduit en prison. Jusque-là Cosset ne passait pas pour un homme méchant, quoique la relation dont nous extrayons nos détails le dépeigne ignorant jusqu'au bout, punais, puant et vilain comme un bouc, yvrogne et railleur ordinaire, n'ayant dextérité quelconque en audiance, au demeurant demy catholique et aimant plus la femme de son voisin que la sienne. Mais ce jour-là, dit le chroniqueur, sa malice s'aiguisa, surtout sous la pression du sergent de ce bailliage, Denis Roland. Le lundi matin le pillage commença, non-seulement en ville, mais aussi dans le grand marché, c'est-à-dire au faubourg sis de l'autre côté de la Marne ; en ce dernier lieu, comme les hommes s'étaient enfuis, les exécuteurs se ruèrent sur les femmes, outragèrent les unes et massacrèrent les autres, au nombre de vingt-cinq environ. A leur rentrée en ville, ils tuèrent le procureur Jean Maciet et le drapier Gilles le Conte ; ce dernier était haï de tous parce qu'il tenait les fermes de la reine mère pour la draperie et le vin, et exerçait sa charge avec rigueur, ce qui exaspérait d'autant plus les catholiques qu'il était protestant. Le mardi, Cosset lui-même, armé de deux pistolets, conduisit les massacreurs en prison ; il se plaça en haut d'un escalier dominant une grande cour carrée, et là se mit à faire l'appel des prisonniers qui, sortis de l'intérieur dans ladite cour, étaient mis à mort par cinq ou six. Parmi ces victimes il faut citer Faron Hareb, ancien échevin durant les premières guerres civiles, et sous lequel la messe avait été temporairement supprimée à Meaux ; ce malheureux fut mutilé d'une manière affreuse. On employa les jours suivants à courir après les protestants qui s'étaient échappés ou qui demeuraient dans les quartiers éloignés ; ainsi vingt-cinq furent Bagués le vendredi au moulin de la Juiverie, puis jetés dans la Marne[5], leur mise en terre donnant trop de mal. On en poursuivit même à l'extérieur de la ville, au moyen d'une compagnie de cavaliers qui commirent beaucoup de dégâts.

Les protestants de Senlis furent plus heureux que ceux de Meaux ; avertis à temps, les uns s'enfuirent à Sedan, puis en Allemagne ; les autres gagnèrent Chantilly ou autres lieux, enfin rassurés par la présence du maréchal de Montmorency, et aussi, il faut le dire malgré le silence de l'historien de Thou, confiants dans la mansuétude des habitants, revinrent dans leurs logis, où aucun mal ne leur lut fait. Ceci résulte péremptoirement, du passage suivant des Mémoires de Jehan Mallet[6] : Le 24 août 1572, en la journée de la Saint-Barthélemi, furent faits grandes inhumanités et massacre des huguenots, excepté en Picardie et à Senlis, où il ne se fit aucun remuement ni outrage ; les huguenots y demeurant paisibles. Seulement furent avertis de se retirer hors la ville, sans bruit, ainsi qu'ils firent.

Si nous quittons l'Île-de-France pour la Champagne, nous ferons bien de nous diriger sur la capitale de cette province. La nouvelle de la Saint-Barthélemy se répandit dans la cité de Troyes le mardi 26 août ; aussitôt les protestants effrayés cherchèrent à s'enfuir, mais on ferma les portes ; alors ils se cachèrent. Néanmoins l'un deux, Etienne Manguin — c'était un marchand —, chercha à se diriger vers une des portes de la ville ; on le poursuivit, il se réfugia chez un catholique de ses amis, en sortit déguisé, fut encore suivi jusqu'au pont des Miracles, puis là jeté à terre par un grand coup d'épée qu'un chaussetier nommé Bouc-guet lui asséna sur la tête. Le samedi, Anne de Vaudrey, sieur de Sainct-Phalle, bailli de la ville, envoya, par tous les quartiers, rechercher les religionnaires et les fit conduire en prison ; cet ordre fut exécuté facilement ; on cite même un prisonnier livré par un de ses parents, chez lequel il cherchait un refuge. Là les captifs furent remis à la garde d'une troupe de meurtriers. Le massacre commença le 2 septembre par un pauvre diable qui, sommé de donner 6 écus pour sauver sa vie, n'en voulut ou n'en put donner qu'un ; cette tuerie continua par un marchand nommé Jean Robert. Alors elle eût pu cesser, car les lettres royales du 28 août, défendant de rien entreprendre contre ceux de la religion, arrivèrent entre les mains du bailli. Ce dernier, sur le conseil de Philipe Belin, lieutenant particulier de son bailliage, ne tint compte de ces lettres et hâla l'exécution projetée en y conviant le bourreau, suivant une relation protestante ; toutefois ce dernier refusa d'agir, vu qu'il n'y avait pas de condamnation prononcée. Le gardien des prisonniers gagna de son côté le plus de temps possible, mais le bailli le pressa tellement et lui donna de telles garanties, qu'il revint à des sentiments de cruauté, fit dresser une liste, et, les appelant un à un, envoya hors de ce monde ces pauvres captifs. Ce jour-là, tous les protestants qui purent être saisis à Troyes furent massacrés ; on cite, parmi ces derniers, la femme Colin, brodeuse, et le potier d'étain Pierre Blampignon. Le lendemain, 5 septembre, le bailli, appliquant l'emplastre après la mort, suivant l'expression d'un contemporain, publia à son de trompe la déclaration royale protégeant dorénavant la personne des réformés.

A Auxerre dans le Sénonais il n'y eut point de Saint-Barthélemy, au moins au moment qui nous occupe, c'est-à-dire en 1572 ; de Thou et d'Aubigné sont formels à ce sujet. Claude Baton fournit l'explication suivante : Les premiers advertis du saccagement de Paris, les huguenots eurent moyen de s'enfuir[7] avant qu'on ne s'avisast de mettre la main sur eux. Tout se borna au pillage de châteaux appartenant à des gentilshommes protestants, pillage effectué par des bandes qui profitaient des circonstances[8].

Les autorités d'Orléans reçurent la nouvelle de la Saint-Barthélemy et les ordres y relatifs, s'il y en eut, le lundi 25 août, et le lendemain diverses invitations pressantes, venant sans doute de particuliers, pour attaquer les réformés. Il courait en ville de vieilles animosités contre ceux-ci, surtout depuis l'occupation de la cité par François de la Noue, au nom du prince de Condé, pendant laquelle les églises et les images saintes avaient beaucoup souffert ; en outre, le sieur de Sainte-Foy[9], prédicateur royal et leur grand ennemi, avait attisé l'hostilité des catholiques. L'exécution commença par un conseiller d'Orléans, le sieur de Bouilly, chez lequel le capitaine La Tour alla s'installer avec quelques compagnons afin de souper ; bien reçu et bien repu, ce dernier demanda de l'argent, et comme le conseiller ne lui en voulait donner, il l'y contraignit par le récit de ce qui s'était passé à Paris et la description des préparatifs faits à Orléans, puis le tua sans merci et pilla sa maison. Dans la nuit du 26 mars, on occit d'ensemble, à coups d'arquebuse et de pistolet, les religionnaires logés le long des remparts. Le mercredi, ces scènes de désolation continuèrent et durèrent à peu près la semaine ; il y eut quelque résistance, entre autres celle de quatre réformés résolus qui habitaient la même maison, au milieu de laquelle ils furent brûlés. Les meurtriers ont prétendu avoir mis à mort plus de douze cents personnes ; en admettant qu'ils se soient vantés du double, ce serait encore beaucoup. Le lieutenant général fit soigner un de ses amis qu'il tira des mains des exécuteurs, mais ce fut en vain ; ce dernier, apothicaire de son état, ne tarda pas à mourir. On cite un catholique massacré parce qu'il avait assisté une fois au prêche ; voilà une curiosité cruellement punie. Est-il vrai qu'on fit manger ce qu'on ne nomme pas à un pauvre drapier attaché exprès à un poteau et qui fut ensuite tué[10] ? Je croirais plutôt au raffinement de cruauté qui força des protestants à tuer leurs confrères en religion, pour être ensuite et à leur tour massacrés.

Ce fut aussi le 25 août, jour de foire à Bourges, que la nouvelle de la Saint-Barthélemy parvint en cette ville. Le mardi matin, les catholiques, certains de l'événement, fermèrent les portes ; le même jour, à minuit, ils sonnèrent le tocsin et prirent les armes. La troupe des exécuteurs, dont la plupart s'improvisaient eux-mêmes, toutefois avec l'encouragement de l'autorité, commença par piller les boutiques des meilleurs marchands. Le notaire Simoneau fut le premier tué ; on ne put trouver le célèbre jurisconsulte François Hotman, lequel avait su quitter la ville dès les premières rumeurs sur ce qui se préparait. Il y eut d'autres victimes. Mais les réformés parvinrent à se cacher, espérant que, la furie apaisée, ils pourraient sortir par la porte Dorée. De paisibles catholiques en admirent plusieurs chez eux. Le mercredi et le jeudi se passèrent tranquillement ; des protestants purent même s'enfuir. Cela indiquait l'hésitation où l'on se trouvait sur le sens à donner aux massacres de Paris. A la réception des lettres royales du 30 août 1572 qui interdisaient aux réformés de faire aucunes assemblées ny presches en leurs maisons ni ailleurs, et leur prescrivaient de se retirer en leurs maisons, pour y vivre doucement, comme il est permis par le bénéfice de l'édict de pacification, sous peine qu'il leur soit couru sus avec toutes les forces, afin qu'ils soient taillés en pièces comme ennemis de la couronne, à cette réception la fureur redoubla, les exécuteurs se portèrent aux prisons ; là périrent un conseiller au siège présidial que les supplications adressées au maire par sa femme ne purent sauver, un notaire royal que son neveu avait eu la cruauté de conduire lui-même aux prisons, deux sergents royaux et quatorze autres personnes[11]. Les cadavres de ces malheureux furent jetés dans les fossés de la ville, à la porte Bourbonnoise. Un catholique, Guillaume Palus, fut emprisonné également, mais au bout de trois jours il fut assez heureux pour prouver sa catholicité de bon aloi et put se retirer dans son domicile.

A une journée de Bourges se trouve la Charité. Sous prétexte d'y faire monstre, la compagnie du duc de Nevers entra dans cette cité le jour même du massacre effectué à Paris, ce qui prouve que son capitaine se trouvait dans la confidence des événements probables 2 et que la mesure ne fut pas seulement arrêtée inopinément : toutefois ce chef agit avec précipitation et sans être certain que le projet d'extermination ait été mis à exécution. Cette compagnie se composait d'Italiens ; suivie par la populace, elle massacra une vingtaine de personnes. Après cette exécution, qui offrit des scènes repoussantes, à peu près comme partout, car ceux dont on déchaînait ainsi les passions étaient en général des gens de sac et de corde, les maisons des victimes et de tous leurs coreligionnaires furent pillées. On laissa ensuite sortir de la ville les réformés riches, moyennant une grosse rançon ; quant à ceux qui voulurent ne pas quitter leur foyer, on les contraignit d'aller à la messe.

Le 27 août, vers 6 heures du matin, on apprit à Lyon le massacre fait à Paris ; ainsi les nouvelles se transmettaient entre la capitale et Lyon en quarante-huit heures, car le courrier partit vraisemblablement le lundi matin[12]. Aussitôt les portes furent fermées, les gardes renforcées, des armes distribuées dans les maisons ; déjà la ville possédait un corps de 300 arquebusiers, et la garde du gouverneur et celle de la citadelle comptaient près de 700 hommes. Les réformés voulurent croire que c'était pour les préserver de toute attaque ; sur la surface entière du territoire, telle fut leur attitude, comme s'ils devaient gagner à se laisser faire. Pourtant ordre était donné aux Lyonnais de tailler en pièces chaque réunion des protestants qui se montrerait par les rues. On ne tarda pas à capturer ceux qui sortaient de chez eux. A la nuit, on les rechercha dans leur domicile, pour les conduire aux prisons, mais peu y parvenaient, la fureur populaire grandissant dès qu'elle les tenait et les daguant ou les jetant à l'eau. Un ministre nommé Jacques l'Anglois[13] fut trahi par un apothicaire auquel il avait sauvé la vie en 1562, enlevé vers 10 heures du soir, conduit au pont de la Saône et là frappé d'un coup de hallebarde, poignardé dans les yeux, puis précipité au milieu des eaux. Le vendredi 29 août, le sieur du Perat, chevalier de l'ordre, apporta un pli de la cour. Etait-ce un ordre de massacre ? On a discuté longuement à ce sujet. Pourquoi prescrire une Saint-Barthélemy à Lyon, quand on n'en fit ni en Dauphiné, ni en Languedoc, ni en Provence ? C'est que, assure un contemporain, la royne mère bailla d'elle-même le paquet à du Perat ; car le roy, quelque furieux qu'il fast, ne servoit que d'ombre aux passions cruelles de sa mère ; et, à l'appui de cette opinion, on rapporte que trois échevins de la ville, alors à Paris, ne purent obtenir passeport pour leur courrier avant que du Perat ne fût parti et déjà loin. Toujours est-il que le lendemain on publia à son de trompe ordre aux religionnaires de se rendre chez le gouverneur, afin d'y entendre la volonté du roi. La plupart répondirent à cet appel recéleur d'une trahison ; la nuit, en effet, ils furent mis à mort. Le dimanche matin, on acheva ceux qui occupaient les prisons, et dans la journée ceux qui se trouvaient dans la maison de l'archevêque ; ces derniers furent privés de la vie, avec des raffinements de cruauté, par une troupe aux ordres du capitaine Le Clou, chef des arquebusiers de la ville, lequel considéra ce spectacle, sans y prendre part, du haut d'une, galerie, son porte-enseigne[14] lui servant de cospectateur. Quand les autorités et les notables vinrent ensuite visiter cette cour, elle leur fit horreur ; plusieurs même, dit-on, moururent de l'impression que leur causa la vue d'un pareil tas de corps humains. L'exécution se termina par la poursuite des réformés cachés dans les maisons ; ceux que l'on découvrit furent rançonnés, meurtris de coups, puis traînés à la rivière. Le lundi 1er septembre, on entassa les corps morts dans des bateaux, pour les porter et les étendre de l'autre côté de la Saône en un pré de l'abbaye d'Esnay. Les moines n'ayant voulu les laisser enterrer dans leur cimetière, il fallut, dans le but d'éviter une influence pestilentielle, les remettre à l'eau ; le Rhône les charria au loin, leur passage épouvantant les populations riveraines. La répulsion devint telle qu'elle expliquerait à elle seule l'absence de massacre dans ces contrées : pourquoi faut-il si souvent que le bien ne sorte pour l'homme que de l'excès du mal ? A Lyon, il y eut encore quelques meurtres durant le mois de septembre ; le 4, par exemple, on étrangla trois bourgeois notables.

A Dijon, un seul gentilhomme, le sieur de Traves, fut massacré ; tous les autres, il est vrai, se soumirent à une abjuration. Dans la plupart des villes de ce gouvernement, le triste événement se passa d'une manière analogue.

Le vendredi matin, 29 août, un Poitevin, Montsoreau, appartenant à la noblesse et venant de Paris[15], atteignit Saumur où il excita les catholiques et donna le signal de l'extermination, en tuant de sa main le lieutenant de cette ville. Il gagna ensuite Angers le plus rapidement possible et en fit fermer les portes. Se rendant, chez le sieur de la Barbée, ancien guidon du feu prince de Condé, il le trouva parti et tua sou frère. Alors il vint chez le ministre de la Rivière, et, conduit, au jardin de la maison par la femme de ce ministre, eut la cruauté, en causant avec ce dernier, de lui dévoiler qu'il arrivait de la capitale, par ordre du roi, pour le mettre à mort ; sa victime lui répondit qu'elle n'avait commis aucun forfait, adressa au ciel sa prière et se laissa abattre d'un coup de pistole. Deux autres ministres devinrent la proie d'un tel forcené. Il y eut aussi sept autres victimes, et si tous les réformés ne furent pas massacrés, ce fut grâce à la modération que les magistrats opposèrent aux désirs de Montsoreau. En revanche, les biens des emprisonnés comme ceux des morts furent mis sous les scellés ; le duc d'Anjou, auteur de cet ordre, tira de son idée de rapine plus de 100.000 francs[16].

La cité de Rouen fut épargnée durant trois semaines, le sieur de Carrouges, gouverneur pour le roi, ayant interprété et appliqué avec la plus grande prudence les dépêches officielles, ayant même résisté aux incitations particulières. Ce retard permit à un grand nombre de réformés de s'échapper et même de passer en Angleterre, mais les derniers jours on commença à les emprisonner. Sur de nouvelles instances du gouvernement, Carrouges laissa le massacre s'accomplir, sans y mêler toutefois la main et en se retirant pendant cette journée à l'intérieur du château de la ville. Un curé et un capitaine dirigèrent l'exécution. Elle commença par les prisonniers de la conciergerie, au nombre de 60 environ, et continua par les maisons privées. On calcule 500 victimes environ, dont 50 femmes. Les cadavres furent chargés dans des tombereaux et jetés, à la porte Cauchoise, au milieu de grandes fosses : les habillements qui en provenaient furent lavés et distribués aux pauvres.

Dans les rues de Toulouse le sang coula une dizaine de jours, après le massacre de Paris. Un grand nombre de réformés s'étaient enfuis, n'ajoutant aucune foi, dès qu'on eut connaissance des événements de la capitale, aux protestations des catholiques et surtout à la proclamation, portant, au nom du roi, défense de molester en rien ceux de la religion. Les exécuteurs assouvirent leur rage sur ceux qui avaient eu la simplicité de demeurer. Un conseiller au parlement fut placé à chaque porte, en compagnie d'un commerçant catholique notable, pour reconnaître ceux qui sortiraient, et commandement fait aux catholiques de dénoncer les protestants qui seraient cachés. On amassa par ces mesures des prisonniers — dont cinq conseillers — qu'on laissa languir jusqu'à la réception d'ordres positifs. Deux marchands de la ville — on les nommait Delpech et Madron — ayant enfin, dit-on, apporté l'expression de la volonté royale, à savoir la signification de ne plus remettre l'exécution, celle-ci eut lieu sans délai ; 300 réformés environ périrent, et leurs corps entièrement dépouillés, après être restés exposés deux jours, furent jetés dans de grands fossés que l'on creusa exprès au milieu des terrains de l'archevêché. Les conseillers prisonniers furent pendus en robes. Des maisons des victimes, aucune n'échappa au pillage.

On ne peut évaluer le nombre total des protestants mis à mort dans les provinces au sujet et à la suite de la Saint-Barthélemy parisienne ; il y en eut plusieurs milliers, et, suivant l'expression d'un chroniqueur appartenant à la religion nouvelle, il serait pourtant désirable de ne fruster à ce sujet la posterité de ce qu'il faut qu'elle cognoisse, pour estre plus sage aux despens d'autruy.

Toujours est-il que les réformés survivants à ces terribles événements, et aux angoisses qui pour eux les avaient accompagnés, se trouvaient comme éperdus. La plupart, contraints d'abjurer et suivant une formule officielle[17], allèrent à la messe, puis ensuite quittèrent la France dès qu'ils le purent ; chez beaucoup de ceux qui restèrent en France, l'abjuration n'eut lieu que du bout des lèvres, et ils se maintinrent de cœur avec la cause protestante. Tel fut sans doute Nicolas Harlay de Sancy, au moins lors de sa première abjuration[18].

Qu'eût donc été le résultat de la Saint-Barthélemy si un bon nombre de gouverneurs de province[19] ne s'étaient opposés[20] au massacre ? Un plus grand appauvrissement de la population, une perturbation plus notable dans les rouages sociaux.

Parmi ces gouverneurs dont la conduite offre à l'esprit attristé une espèce de compensation, on peut citer :

Le comte de Charny, en Bourgogne. Ce gouverneur, qui désapprouvait des actes de cruauté aussi révoltants, contint l'ardeur des catholiques de sa province. On lui attribue ce propos : Avec le temps et la douceur on obtiendra plus des réformés que par la violence. Ses instructions disaient bien que la voie douce était celle qu'on aimait le mieux, mais en même temps elles l'autorisaient, comme celles déjà précitées, à courir sus aux protestants assemblés en armes, expression dont la violence abusa tant dans d'autres provinces. Ainsi l'interprétation d'un ordre, et le refus de lire entre les lignes d'un factum officiel ce que les esprits extrêmes d'un parti veulent qu'on y aperçoive, voilà ce qui préserva toute une province ; rien ne prouve mieux l'influence d'un homme et avec quel soin la monarchie doit le choisir, surtout quand il occupe une position élevée, ou même une position modeste, mais essentielle. Et pour que le lecteur comprenne mieux cette réflexion, qui peut paraître au premier abord banale et de redite, nous reproduisons une partie des instructions adressées au comte de Charny, et dont, suivant nous, on pouvait tirer tant de choses, malgré leur rédaction fort sage et leur ton paternel. ... Le comte de Charny, grand écuyer de France, lieutenant général au gouvernement de Bourgogne, advisera les meilleurs moyens qu'il pourra de faire vivre en paix, union et repos, tous les sujets de Sa Majesté, tant de l'une que de l'autre religion... Il ira par tous les endroits de son gouvernement et fera entendre la vérité de l'esmotion advenue en la ville de Paris, contre ceux de la religion prétendue réformée... Sous ombre de la blessure du feu amiral, de laquelle le roy voulait faire justice, les gentilshommes du dit amiral auroient fait une détestable conspiration, comme les principaux adhérons l'ont confessé... Pour prévenir cet abominable desseing, et non pour aucune cause de religion, Sa Majesté a été contrainte, à son grand regret, de permettre ce qui est advenu le dimanche 24 du mois d'aoust[21]... Nonobstant les dits de la religion peuvent vivre et demeurer en toute liberté et seureté, avec leurs femmes, enfans et famille, en leur maison, sous la protection et sauvegarde royales, s'ils se veulent contenir doucement sous l'obéissance légitime comme Sa Majesté le désire... Le comte de Charny leur offrira et baillera lettres de sauvegarde en bonne et authentique forme... Si aucuns catholiques estoyent si téméraires de faire choses contre les distes sauvegardes, le roy, bon prince et bening pour les réformés, veut que punition prompte, rigoureuse et exemplaire en soit faite... Comme les entreprises faites par les dits de la religion contre le service royal ont esté résolues entre eux aux assemblées des presches, mondit sieur le comte de Charny leur fera particulièrement entendre qu'ils fassent cesser les presches en question, lesquels émeuvent les catholiques, jusques à ce que autrement en soit ordonné, et qu'ils s'accommodent à cela comme chose qui sert grandement son intention d'une vraye concorde entre ses sujets... Le gouverneur repetera aux sujets catholiques que ce n'a jamais esté et n'est encore l'intention de Sa dite Majesté qu'il soit fait aucun tort à ceux de la dite religion. La défense des prêches et assemblées pouvait être un moyen d'atténuer l'irritation des catholiques, mais elle se trouvait en désaccord avec la promesse de tenir en son plein effet l'édit de pacification.

Le comte de Tende-Sommerive, en Provence[22]. A la réception d'un ordre secret à lui apporté par un domestique du duc d'Alençon[23], le comte de Tende répondit qu'un pareil ordre ne pouvait provenir du roi, que plusieurs membres du conseil abusaient de son nom et de son autorité. Et, à l'appui de son dire, il invoqua les lettres royales qui rejetaient l'événement sur le duc de Guise et en laissaient à ce seigneur la responsabilité entière. J'aime mieux me fier à ces premières lettres, énonça-t-il ; celles dont vous êtes porteur sont tellement cruelles que je n'y obéirais pas, le roi lui-même me le commanderait-il en personne. Cette résolution est d'une dignité des plus louables ; elle fait honneur à son auteur et un peu à son temps. Pourquoi faut-il, en la rapportant, ajouter que, peu de semaines après, le comte de Tende fut empoisonné dans Avignon !

Saint-Herem, comte de Montmorin[24], gouverneur de l'Auvergne. Cet officier refusa d'obéir aux ordres royaux, mais nullement de la façon ordinairement contée. Voltaire rapporte à ce sujet une lettre digne et fière qui est fausse. L'ordre du massacre avait été confié à un colonel, François Combelles de Clermont, frère d'un président aux aides. En route, ce messager rencontre un calviniste échappé au massacre, lequel, pour mieux cacher sa religion, lui assure qu'il porte une dépêche dans le Languedoc au maréchal d'Amville. Cet aveu inspire confiance à Combelles, qui divulgue également sa mission, sans réfléchir qu'il ne connaît pas son interlocuteur. On arrive à Moulins ; le hasard veut qu'on soit logé dans la même chambre. L'A le réformé recourt à la ruse ; il laisse son compagnon s'endormir, puis, trahissant son généreux abandon, enlève sa dépêche, part au point du jour, se rend à Issoire et remet le paquet dérobé au ministre Baduel, lequel gagne incontinent le Languedoc avec ses coreligionnaires. L'historien qui rapporte ces détails, et les emprunte à des manuscrits locaux[25], ne cite ni le nom du protestant qui joua ce tour à Combelles, ni la teneur de l'ordre royal, et cependant cet exemplaire, parvenu entre des mains intéressées à le conserver, n'a pu être détruit par les catholiques, comme on le prétend de tant d'autres. Quoi qu'il en soit de son récit, et des côtés qui peuvent faire soupçonner sa véracité, Saint-Herem se trouva fort embarrassé quand le colonel Combelles vint lui avouer qu'il ne possédait plus la lettre royale dont il devait être le porteur officiel. Il hésita, puis finit par répondre qu'une indication verbale ne pouvait lui suffire dans une conjoncture aussi grave. Le courrier repartit pour Paris. Alors le gouverneur conserva sa situation expectante ; afin de la maintenir, il fit même incarcérer les protestants, car sans cela, si l'ordre formel revenait, il n'en aurait plus eu un seul à ce moment sous la main. Cette mesure devint le signal de plusieurs massacres, principalement à Aurillac, car les catholiques connaissaient les événements, et la difficulté de contenir leur fureur d'imitation augmentait de plus en plus. Assurément, c'est regrettable, mais je ne crois pas que Saint-Herem fût libre d'agir autrement qu'il n'a fait ; à la distance où il se trouvait, il ne pouvait connaître les tendances de la cour, très-variables d'ailleurs ; il ne pouvait. prévoir que la terreur, si vivement implantée, durerait peu et que jamais il ne tiendrait en main un duplicata de l'ordre de massacre à lui destiné. Son rôle reste moins chevaleresque, c'est incontestable, que dans les histoires de France antérieures à la seconde moitié du XIXe siècle[26], mais il doit encore compter parmi ceux qui ne cédèrent pas à l'entraînement général et n'autorisèrent aucun meurtre.

Le vicomte d'Orthez, à Bayonne. D'Aubigné rapporte seul la fameuse lettre qu'on attribue à d'Orthez, mais le caractère du personnage, et aussi la diversité des versions[27], fout douter de son authenticité. Toujours est-il que les protestants furent épargnés dans la ville de Bayonne.

Simiane de Gordes, dans le Dauphiné. Le gouverneur de cette province se retrancha dans une excellente raison pour ne pas procéder au massacre prescrit ; suivant lui, les protestants du Dauphiné étaient tellement nombreux et puissants qu'on ne pouvait les attaquer par surprise, qu'au moindre signal ils traiteraient les catholiques comme la cour voulait qu'on les traitât eux-mêmes, et s'érigeraient aussitôt en république avec l'aide des Suisses[28].

Hennuyer[29], à Lisieux. Celui-ci était un évêque qui signait du nom apostolique de Jean. Pour sauver la vie aux réformés de son diocèse, il les recueillit lui-même dans son palais, les secourut en tout ce qui dépendait de lui, et, par cette conduite généreuse, parvint à en ramener bon nombre dans le giron de l'Église.

Matignon, gouverneur de Normandie[30], lequel empêcha le capitaine Lago, gouverneur du château de Caen, d'effectuer un massacre.

Le duc de Guise, en Champagne. Cette province vit à peine quelques meurtres, notamment à Reims, où l'on eut l'attention de laisser s'esquiver la plupart des protestants ; l'influence du cardinal de Lorraine se retrouve dans ce fait autant que celle de son frère, qui était gouverneur de la Champagne.

Dans plusieurs contrées on fit contre les massacreurs un semblant de poursuite ; transformé en poursuite réelle, cet acte se serait d'autant mieux justifié que si l'exécution avait été prescrite, tout au moins tolérée, il n'en était plus de même des excès qui l'avait accompagnée partout comme dans une cité prise d'assaut, à savoir du vol, du viol, voire même de l'inceste et autres vilenies.

La Providence sembla se charger de leur punition, du moins on peut l'inférer de la mort violente qui vint saisir chacun d'eux, et le lecteur peu imbu de croyances religieuses, ou simplement morales, ne pourra manquer d'être frappé de ce fait que nous avons déjà remarqué pour les massacreurs de Paris.

Ainsi Montsoreau, qui apporta jusque dans Angers les lettres royales ordonnant le massacre, fut plus tard exécuté comme meurtrier ; Maromme, l'un des tueurs de Rouen, mourut furieux et désespéré ; un des meurtriers du sergent royal Bardot, à Lyon, succomba également, dit-on, comme un démoniaque reniant Dieu et scandalisant tous les habitants de la ville. Les cheveux de Catherine de Médicis blanchirent ; sa figure se rida. Cette nuit du 24 août pesa, ce semble, sur sa personne comme plusieurs années. Il en fut de même pour Charles IX. L'historien doit exposer ces faits malgré la tendance à l'exagération, et le désir de se venger des auteurs de la Saint-Barthélemy qui a dû animer assurément les auteurs protestants desquels proviennent surtout de telles remarques et de tels rapprochements ; il doit les citer et ajouter combien ils s'appuient sur un fond réel, les personnes qui sont mêlées à de pareilles luttes y usant, à toutes les époques, leurs forces et leur existence, notamment quand le milieu troublé où elles passent de longs jours devient aussi sanglant et aussi parsemé d'embûches et de trahisons[31].

Mentionnons cependant parmi les meurtriers des gens assez convaincus pour croire qu'ils accomplissaient un acte agréable à Dieu[32] ; ce sont des fanatiques, l'aven est nécessaire, mais peut-on les juger et les flétrir en 1572 autant qu'on serait en droit de le faire dans le dernier quart du XIXe siècle, c'est-à-dire trois siècles après la Saint-Barthélemy ?

Pour clore ce chapitre et esquisser un tableau complet du sort des malheureux protestants dans ce massacre général, nous dirons un mot des échappés, soit au massacre de Paris, soit au massacre de la province.

Nous les diviserons en quatre catégories :

I. Échappés cachés en France. Il y en eut beaucoup, dans toutes les villes, dans les campagnes ; la plupart furent recueillis par les catholiques dont les maisons seules offraient un refuge assuré.

II. Échappés poursuivis. Il y en eut également, et l'acharnement déployé contre eux indique une inimitié des plus regrettables. Le plus connu de tous est le comte de Montgommery, l'un des échappés du faubourg Saint-Germain. Dès le soir de la Saint-Barthélemy, le roi écrivait au gouverneur de Normandie la lettre suivante : Monsieur de Matignon, pour ce que j'ai entendu que le sieur de Montgommery s'est retiré en ses maisons du costé de Normandie, où il est à craindre qu'il esmeuve mes subjects et assemble ceux-là de sa religion, et face esmouvoir aussy par ce moyen mes autres subjects catholiques, j'ay advisé vous faire cette lettre, outre l'autre que je vous escripis, pour vous prier de prendre garde doucement et sans bruit où il se sera retiré, afin que, avec ce que vous pourrez assembler de forces, vous le preniez ou faciez prendre, et vous en asseuriez, si bien que j'en puisse demeurer en repos ; mais que l'on ne sache que je vous en ay escript, et y procedez le plus dextrement qu'il vous sera possible[33]. Montgommery, quoique pris, se sauva encore, et reparut plus tard devant la Rochelle avec une armée d'Anglais venant au secours de cette ville ; certain qu'on ne lui pardonnerait jamais d'avoir tué involontairement le roi Henri II, ce seigneur ne pouvait se réconcilier avec la cour et se trouvait fatalement voué aux hostilités contre la France.

III. Échappés retirés dans des places fortes. Menacés de la vie, les protestants avaient tout intérêt à se grouper pour se défendre au moins les armes à la main. Ils se jetèrent donc dans Montauban, dans la Rochelle, dans d'autres places, et renouvelèrent la guerre civile. Il fallut envoyer contre eux pour les réduire et les soumettre, ce qui donna lieu à des événements dont nous donnerons le récit en un autre chapitre.

IV. Échappés sortis de France. Il y en eut un grand nombre. Ils se retirèrent en Suisse, en Allemagne, en Angleterre. Précurseurs de ceux de leur religion qui s'exileront un siècle plus tard, à la révocation de l'édit de Nantes, ils commencent à fonder des colonies et hésitent à revenir en France malgré les instances royales[34].

 

 

 



[1] PAPYRE MASSON, dans son Histoire ou plutôt Eloge de Charles IX, publié en latin (1571), dit : Aussitôt l'exécution de Paris faite, le roi envoya ordre par écrit à tous les gouverneurs de provinces de faire passer les restes du parti au fil de l'épée.

[2] En vain Juste Lipse prétendit-il ensuite que son principe était une métaphore ; l'animosité devint telle à Leyde qu'il fut obligé de quitter cette ville et sa chaire d'histoire.

[3] C'est un écrit des protestants. En général, les récits des massacres viennent d'eux ; beaucoup de pièces relatives à ces temps ont d'ailleurs été détruites.

[4] Comté était alors féminin, et lettre masculin (les lettres royaux).

[5] L'un de ceux-ci, ayant nom Pierre Foulé, fut rejeté sur le bord, et revint à la vie ; il se fit depuis catholique.

[6] On trouve ces mémoires dans un volume qui porte un titre assez mal défini, savoir : Mémoires inédits de l'histoire de France, 1400-1600, publiés par Bernier, 1835, Paris-Senlis, et comme sous-titre : Mémoires concernant les villes d'Amiens, Beauvais, Clermont-Oise, Compiègne, Crépy, Noyon et Senlis. En réalité cet ouvrage contient les mémoires de Mallet et de Vaultier.

[7] A Sedan, en Allemagne, à Genève.

[8] Histoire de la prise d'Auxerre, par LEBOEUF, Auxerre, 1723, p. 199.

[9] Arnaud Sorbin, dit de Sainte-Foy, comme nous l'apprend le titre de son Histoire de la vie de Charles IX, Paris, chez Chaudière, 1774.

[10] Ce drapier se serait nomme Cochon, et son corps aurait été jeté à la voirie.

[11] Parmi ces victimes, citons le mercier l'Amoureux, dont la femme, qui se mourait, fut amenée le lendemain par les meurtriers en pleine rue, et jetée sur le sol, secousse qui acheva de la tuer.

[12] En effet, un homme à cheval peut franchir dans ce temps une distance de 480 à 500 kilomètres, soit le plus long chemin entre ces deux cités.

[13] Nous écririons aujourd'hui Langlois.

[14] Il se nommait Saupiquet.

[15] Nous aurions voulu citer au début de ce chapitre un ordre émanant du roi, relatif à la Saint-Barthélemy en province, et n'avons pu en trouver, mais les relations disent expressément que Montsoreau obtint à son départ passeport avec lettres pour aller faire saccager ceux de la religion à Angiers. Ce pouvaient être des lettres particulières.

[16] MOURIN, la Réforme dans l'Anjou.

[17] Citons-en quelques passages : J'abjure et anathématise toute erreur et hérésie luthérienne, calviniste, huguenotique, et toute autre hérésie quelle qu'elle soit, de laquelle j'ai été cy devant entaché et diffamé.... Je confesse ce qui est contenu au symbole des Apostres (et l'on récitait le Credo).... Je recognois ce qui est contenu ès livres tant du Vieil que du Nouveau Testament, approuvez par la saincte Eglise catholique, apostolique et romaine... Je declare, les sept sacrements instituez par rostre seigneur Jesus Christ, necessaires pour le salut du genre humain.... Je recognois que la saincte messe est un sacrifice et oblation du vray corps et sang de Jesus Christ, et que cette messe est salutaire et profitable tant, aux vivans qu'aux très-passés.... Je croy pareillement et accepte tous les articles du peché originel et de la justification.... Je confesse le pouvoir des indulgences... Tout cela était trop formel pour être admis sincèrement par les protestants.

[18] Il abjura plusieurs fois. C'est lui qui avait acheté 100.000 livres le diamant princier dit le Sancy. On lui doit un Discours sur l'occurrence des affaires, qui se trouve à la suite des Mémoires de Villeroy. D'Aubigné a composé une satire intitulée la Confession de Sancy.

[19] Est-il vrai que les gouverneurs dans ce ras se trouvaient suffisamment éloignés de la cour pour n'en avoir rien à craindre, ou qu'un fleuve, une citadelle, tout autre obstacle, leur permettait de se mettre à l'abri ? On a présenté cette remarque.

[20] A Paris il y eut des refus. Ainsi Nanssey ou plutôt de Nancé ou de Nançay, capitaine aux gardes, déclina la mission d'assassiner le comte de la Rochefoucault deux heures après ses ébats dans l'intimité du roi ; la Barge, capitaine originaire d'Auvergne, le remplaça et se fit ouvrir la porte de la victime en lui annonçant une communication pressante de Sa Majesté.

[21] Ce sont à peu près les termes de l'aveu royal en Parlement. Voyez notre précédent chapitre.

[22] Suivant un auteur, le commandant de la Provence s'appelait de Villeneuve.

[23] Il se nommait la Mole, et fut plus tard exécuté. Voyez notre chapitre II du livre III.

[24] D'une ancienne famille d'Auvergne ; le village de Montmorin s'élève à 23 kilomètres sud-est de Clermont-Ferrand. Plusieurs ouvrages écrivent le nom de Saint-Herem ainsi : Theran, ne reproduisant de la sorte que la consonance finale.

[25] M. IMBERDIS, Histoire des guerres religieuses en Auvergne, 1855, p. 133 et 134.

[26] Varillas se rapproche de la vérité en disant : Saint Herem répartit que pour exécuter un ordre si sanguinaire, il voudroit le recevoir de la bouche du roi.

[27] Nous copions la version la plus habituelle : J'ai communiqué le commandement de V. M. à ses fidèles habitants et gens de guerre de la garnison ; je n'y ai trouvé que bous citoyens et braves soldats, mais pas un bourreau. C'est pourquoy eux et moi supplions tues humblement Votre dite Majesté vouloir employer en choses possibles, quelque hasardeuses qu'elles soient, nos bras et nos vies, comme estant, autant qu'elles dureront, Sire, vostres.

[28] L'idée protestante de constituer la France en république, et même de la composer de petites républiques fédératives, apparais déjà

[29] Nous avons rencontré pour ce nom la forme Eunuyer.

[30] Suivant Monteil, de Tanneguy le Veneur commandait en Normandie, et Matignon à Bordeaux.

[31] De nos jours également, les hommes qui ont le plus trempé dans les mouvements révolutionnaires, et y ont encouru de graves responsabilités, ont vieilli avant l'âge.

[32] Casimir Delavigne exprime ce sentiment dans sa tragédie Une Famille au temps de Luther, en faisant dire à Paolo, prêt à égorger son frère Luigi :

. . . . . . . . . . Voici l'heure ! Ah ! pardonne,

Colère du Très-Haut, si ta voix me l'ordonne,

A ta voix frissonnant, si je suis plein de toi.

Un ordre encore ! Un signe ! Et marche devant moi,

Marche, et je te suivrai ; marche, sainte Colore,

Consume et purifie, immole et régénère.

Le signe demandé vient : c'est la mère des deux frères lisant ce verset de la Bible : Prends celui que tu aimes, et va me l'offrir en holocauste. Et le meurtre, le fratricide s'accomplit.

[33] Recueil des anciennes lois françaises, par JOURDAN, DECRUSY et ISAMBERT, t. XIV, p. 256.

[34] Voyez le Réveille-matin des François.