Nous ne sçavons qui est tel plus à admirer, ou nostre grande
credulité de nous estre arrestez aux parolles de ceux qui nous avoyent tant
de fois circonvenu, ou l'infidélité de nos adversaires qui ont voulu abuser
de notre rondeur. Début du Tocsain
contre les massacreurs, 1579. Non-seulement la grande exécution de la Saint-Barthélemy
était convenue, arrêtée, nous venons de le voir, mais chacun avait hâte d'en
finir, comme si, dans une décision pareille, ajourner dit été reculer. Aussi
comme tous renversent les obstacles, même aux dépens de leur affection !
Catherine de Médicis en fournit un curieux exemple. Le soir même, lorsque
déjà les fronts s'assombrissent en pensant à la rude besogne de la nuit, elle
dit à la reine de Navarre, sa fille, d'aller se mettre au lit. A ce moment
son autre fille, la duchesse de Lorraine, qui était dans la confidence, se
sent émue, et, en embrassant Marguerite de Valois, lui glisse à l'oreille : N'y allez pas. Ce mot, jeté au milieu des sanglots,
produit son effet. La reine mère gronde celle qui l'a prononcé ; cette
dernière insiste et représente sa sœur de Navarre exposée aux représailles
des protestants, si ceux-ci s'aperçoivent de quelque chose. S'il plaît à Dieu, reprend Catherine de Médicis, votre sœur n'aura pas de mal ; d'ailleurs, quoi qu'il en
soit, elle doit se rendre au milieu des huguenots, afin de n'éveiller aucun
soupçon[1].
Voyez-vous une mère obligée d'en venir à une pareille extrémité ? exposer son
enfant afin de sauvegarder la réussite d'un projet politique ! il n'est pas
une femme qui ne condamne cette conduite. L'auteur des Mémoires de Gaspard de Tavannes nous enseigne que les peres amateurs de leurs enfants doivent, devant leur mort, brusler les papiers qui nuisent[2], et il déduit sagement les motifs de ce précepte. Les auteurs de la Saint-Barthélemy n'agirent pas ainsi ; malgré le secret apporté dans la préparation, il s'est conservé dans les archives divers papiers révélateurs ; il y eut d'ailleurs les dépêches de notification après l'événement et tous les ordres suscités par le mouvement d'opinion politique qui se produisit alors dans la province ; il nous reste surtout cette étrange déclaration par laquelle Charles IX se reconnaît l'auteur du commandement par lequel l'amiral, ses adhérents et complices, ont été mis à mort comme coupables de conspiration. C'est dire qu'il existe encore assez de pièces probantes sur la Saint-Barthélemy ; essayons d'en extraire un récit clair et suffisamment complet des faits qui composent ce grave événement dans Paris Même. Catherine de Médicis était décidée, tout en regrettant son premier projet de se débarrasser seulement des principaux chefs des deux partis[3], afin que la royauté pût marcher sans lisières ; Charles IX enfin venait de donner son assentiment dernier et définitif, sans doute parce que Coligny alité ne pouvait plus exercer sur lui aucune influence, sans doute aussi parce qu'il voulait éviter la scène projetée pour le 24 août même, où les seigneurs protestants seraient venus lui dénoncer publiquement le duc de Guise comme assassin de l'amiral, alors que Gondi venait de lui apprendre que la reine mère et le duc d'Anjou étaient les complices tacites dudit duc. Désormais Catherine et le roi, et avec eux le conseil intime, marchaient entraînés à la remorque de l'opinion populaire, et allaient, en se confiant à ce dangereux torrent, jouir pour un moment de la popularité du duc de Guise, qui avait toujours eu le talent et la bonne fortune de se trouver de ce côté. La faute des huguenots, dont les chefs étaient jeunes, consistait à s'être laissé circonvenir, jusqu'au point de venir dans Paris et de s'y confiner. Dans ce grand milieu, circonscrit et pourtant peuplé de tant de têtes, les passions humaines ont de tout temps fermenté. Et les passions religieuses ne pouvaient s'attiédir quand, devant les signes extérieurs du culte, les huguenots passaient froids et la tête couverte. La faute des catholiques, dirigés par la duplicité de Catherine de Médicis, était de n'éprouver aucun remords à la vue de ces compatriotes qu'ils retenaient par des dehors trompeurs, au moins parmi les classes élevées, et qu'ils devaient cependant égorger sans pitié. Un massacre allait se produire, résultat le plus regrettable et le plus extrême des haines de ces temps et des difficultés sans nombre soulevées par la réforme, laquelle avait été en fait plus dirigée coutre les richesses de l'Église que contre ses idées ou ses mœurs. Tant il est vrai que ce qui divise le plus les hommes, c'est la diversité, disons mieux, l'antipathie, même secondaire, des sentiments et des opinions. A ce meurtre collectif, prescrit au nom du roi, comme une bataille, la cour accorda deux chefs : le maréchal de Tavannes pour les préparatifs militaires, le duc de Guise pour l'organisation du mouvement municipal et la direction à donner aux confréries bourgeoises[4]. On peut comprendre dans les préparatifs militaires l'amas d'armes fait dans les palais royaux[5], la répartition des soldats autour de la cour du Louvre, avec leurs armes chargées ; l'occupation des boutiques touchant à l'hôtel de Coligny, la concession de logements, dans le Louvre même et dans la rue de l'amiral, au plus grand nombre possible de gentilshommes réformés[6] ; enfin l'enregistrement par les quarteniers de tous les protestants logés dans les hôtelleries. L'organisation municipale fut dirigée par le duc de Guise, qui vint la nuit, suivant Davila, trouver les deux prévôts des marchands, le nouveau et celui qui venait de quitter cette charge[7], ou plutôt les manda chez lui, suivant un autre dire. Il fut convenu que les capitaines de chaque quartier se tiendraient prêts, et qu'au signal donné par le tocsin, on mettrait des flambeaux aux fenêtres des maisons : seulement les capitaines bourgeois exigèrent la certitude que le roi prescrivait l'exécution, et le duc la leur donna à deux reprises. Toutes les choses prescrites furent incontinent exécutées, rapporte Davila, et pour l'inclination du peuple, et pour la grande autorité du duc de Guise, outre que le roi le commandait ainsi. C'est bien là en effet la graduation réelle, l'historien doit la relever, quitte à se répéter : la Saint-Barthélemy se fit en premier lieu parce qu'elle plaisait aux masses, en deuxième lieu parce.que le duc de Guise la patronnait, en troisième lieu parce que le roi l'ordonnait ; on n'aurait rien fait sans la volonté de ce dernier, la responsabilité était trop grande, mais il suffisait que cette volonté fût un consentement arraché. Cette simple remarque, disons-le avant de rassembler les pièces du jugement, prouve que si Charles IX fut ici coupable, plus coupables encore furent ses conseillers, surtout en raison de leur âge et de leur expérience. Le duc de Guise avait encore prescrit à chaque catholique de ceindre un linge en blanc autour de son bras et de mettre une belle croix en son chef, précautions qui sembleraient faire croire que l'on songeait à une exécution plus nocturne, en ce qu'elle rappelle l'espèce d'expédition militaire appelée camisade. Mais on commença seulement au point du jour et à la date de la Saint-Louis[8] ; il restait encore assez de temps, car les jours sont longs. On recula de la sorte l'exécution de quelques heures, malgré l'impatience fiévreuse qui secouait les conseillers du roi et les chefs de troupes, parce que le maréchal de Tavannes, avec son coup d'œil militaire et la brusquerie qui ne messied pas à un homme émettant une idée juste : Ne voyez-vous pas qu'à la faveur des ténèbres, beaucoup de protestants peuvent s'échapper ? Au jour, il est vrai, aurait-on pu lui objecter, ils se grouperont ; mais non, les mesures étaient telles qu'ils étaient dispersés, isolés à l'avance. Chacun ayant été exact à un premier rendez-vous donné place de Grève, les compagnies occupèrent les quais voisins, et de là, après des instructions de détail, se partagèrent en petits groupes et se répartirent dans les différents quartiers. On assure que les Parisiens armés se comptaient au nombre de 60.000 ; c'était douze contre un : la lutte ne pouvait être longue. A ce moment suprême, le chef du mouvement municipal se rendit au Louvre et rendit compte de ses agissements. Il se concerta une dernière fois avec la reine mère, ne faisant sans doute que répéter et confirmer sa pleine confiance dans le succès. Le roi, à son grand honneur, demeurait incertain. Tous ceux qui l'entouraient, le duc d'Anjou — car le futur Henri III appuya toujours dans le sens de l'accomplissement de la Saint-Barthélemy —, le duc de Nevers, le maréchal de Tavannes, et, bien entendu, Catherine de Médicis et le Balafré, se mirent à le presser, à lui prouver qu'on ne pouvait reculer, que l'occasion était belle. Il finit par dire : Je me fie à mon cousin le duc de Guise. Ce seul mot indique à qui revient, avec la reine mère et le duc d'Anjou, la plus notable part dans le massacre. Et en effet, alors que les calvinistes se bercent encore dans leur aveuglement, car de tous ces préparatifs il ressortait comme un air funeste, comme un avertissement public ; alors, disons-nous, le duc de Guise se dirige sur l'hôtel habité par Coligny, qu'il eût été beau pour lui d'épargner, justement parce qu'il était son ennemi personnel et qu'on l'accusait d'avoir favorisé l'assassinat de son père. A peine remis de sa blessure, Coligny était couché ; il avait demandé comme sauvegarde une compagnie de la garde du roi ; on lui en avait envoyé une commandée par l'un de ses adversaires les plus acharnés[9]. Le Balafré trouva donc de l'aide dans la place ; et en un instant on fut à la porte de la chambre de l'amiral[10]. Ouvrez, au nom du roi, cria un capitaine. Durant ce temps, Coligny disait au ministre Merlin : Mon père, recommandons notre âme à Dieu, et il s'habillait à la hâte. Son valet de chambre ouvrit la porte et tomba aussitôt transpercé de coups. Un des assassins s'avança et dit : Tu es l'amiral ? — Oui. Tu devrais respecter ma vieillesse ; mais, quels que soient tes actes, tu n'abrégeras plus ma vie de beaucoup. Un coup d'épée dans la bouche arrêta sa parole, et vingt coups de poignard mirent fin à ses jours. Le duc d'Angoulême[11] était dans la cour avec le duc de Guise. Est-ce fait ? cria ce dernier. — Oui. — Jette le corps, car d'Angoulême ne veut le croire ; et le cadavre tomba lourdement sur la dalle pour recevoir du duc d'Angoulême un coup de pied et l'apostrophe d'assassin de François de Guise. De restreinte, car la milice bourgeoise de Paris montra de la tiédeur pour accepter l'horrible rôle qui lui était dévolu, et surtout les cloches aidant par une sonnerie à grandes volées, non-seulement celles de Saint-Germain-l'Auxerrois comme au début, mais celles de toutes les paroisses, la partie devint générale. Les uns furent mis à trépas en voulant aller trouver l'amiral afin de former un centre autour de lui en cette occurrence critique et d'aviser à se faire jour ; d'autres furent tués à la porte de leur logis, à peine la reconnaissance de ceux qui frappaient effectuée et comme si les victimes voulaient saluer leurs meurtriers[12]. On fit sortir les gentilshommes couchés dans l'antichambre du roi de Navarre, et on les massacra froidement sur le pont du château ; l'un d'eux, le vicomte de Léran, blessé au bras, et poursuivi par quatre archers, accourt à la porte de la reine de Navarre, et criant, et frappant, se la fait ouvrir. Il se précipite sur le lit de la princesse, et se jette dans la ruelle, ayant saisi Marguerite de façon à se faire un rempart de son corps. Celle-ci effrayée, et ne sachant ce que veut cet homme, ignorant même si l'on n'attentera pas à sa propre vie, crie à son tour. M. de Nançay, capitaine des gardes, arrive, et à la vue de cette scène, où la reine de Navarre était presque nue, ne se peust tenir de rire, et encore qu'il y oust — dans son fait — de la compassion ; mais en homme bien appris, il blâme les archers de cette indiscrétion, les fait sortir et accorde la vie à Léran[13]. Entraînée chez sa sœur, Marguerite de Valois manque en chemin de recevoir un coup de hallebarde destiné à l'une des victimes, et s'évanouit presque ; cependant elle trouve encore assez de force pour aller implorer à genoux la vie de deux officiers de son mari[14], dont le roi et la reine mère lui accordent la grâce[15]. Ce beau rôle joué par la jeune reine, victime de l'ambition de sa mère, car elle était femme d'un protestant malgré elle, et maintenant elle allait supporter les conséquences de cette situation jusqu'à craindre pour la vie de son époux[16], jusqu'à voir la régente songer à rompre son union[17] ; ce rôle, disons-nous, peut assurément parler en sa faveur et atténuer, auprès de la postérité, quelques-uns de ses écarts de conduite. Les protestants qui habitaient le faubourg Saint-Germain, alors recherché des nobles pour la beauté du site, furent sauvés par une circonstance singulière. En voulant gagner ce quartier de Paris, les ducs de Guise, de Nevers et d'Aumale choisirent comme point de passage la porte Buci, niais le portier se trompa de clef et fut obligé de retourner chez lui en quérir une autre ; pendant ce temps le vidame de Chartres, Jean de Fontenay, le comte de Montgommery, Colombières, Jean Laffin, seigneur de Beauvais ; Ferrière de Maligny, Ségur, l'un des Pardaillan, un gentilhomme proussien[18], avertis par un de leurs coreligionnaires qui avait réussi à sortir de la ville, montèrent à cheval et s'échappèrent[19], quoique poursuivis jusqu'à Montfort, d'où ils parvinrent à gagner la côte et à se retirer en Angleterre. Le massacre s'étendant de rue en rue et ne discontinuant pas, le pavé se teignit de sang, des cadavres se virent partout, les eaux de la Seine elle-même, où l'on en jetait beaucoup, se troublèrent. Ce milieu grisa le peuple, et le nombre des meurtriers s'accrut ; d'ailleurs, en prenant part à l'affreux massacre, on affichait sa religion, et cela devenait une sauvegarde ; pour beaucoup de gens, dénués de caractère et d'honneur, cela dut les pousser dans les rangs des exécuteurs. Le bruit que le corps de garde du Louvre venait d'être attaqué, et que 20 soldats catholiques y avaient perdu la vie, excita la populace et l'incita encore à plus de férocité. C'est ainsi que périrent un grand nombre de protestants, parmi lesquels on peut citer : Francourt Manseau, émissaire qui avait réussi à obtenir des Allemands l'envoi de secours pour les derniers troubles au profit des protestants. Le président La Place, très-zélé réformé ; son corps fut traîné à la rivière. Ramus — Pierre La Ramée —, ce célèbre professeur de philosophie du Collège de France, qui cependant avait racheté sa vie moyennant une forte rançon, et comptait tant d'élèves, qu'il aurait dû être défendu. Lambin, le célèbre commentateur d'Horace, ennemi comme Ramus, et sans qu'il y eût de sa faute, de son collègue Charpentier. Le secrétaire des finances de Loménie, auquel en voulait un homme qui plaidait contre lui pour un terrain sis à Versailles et qui le poignarda, malgré une renonciation en forme à tous ses droits. Armand de Piles, ce capitaine illustré par sa défense de Saint-Jean-d'Angély. On rapporte que, logé au Louvre, il se tourna vers le balcon du roi, et y lança d'une voix terrible une de ces apostrophes qui font baisser la tête aux plus grands : Tenez donc votre parole royale envers nous, Sire, tenez-la, ou vous aurez menti. Plusieurs utilisèrent cette cruelle journée pour se défaire de leurs ennemis ; ainsi Rouillard, conseiller au Parlement, fut mis à mort, quoique vivant à la catholique, mais on prétendit qu'il nourrissait des opinions protestantes et que sa vie intérieure était autre, en dépit de son titre de chanoine de Notre-Dame. Il fut tué dans la maison du curé de Saint-André-des-Arts, au moment où il opinait que l'on eût dû procéder à l'exécution des protestants suivant un certain ordre de justice. D'autres catholiques périrent ; tel fut Salcède, capitaine d'origine espagnole, chargé du gouvernement de Vie-sur-Seille. Evidemment on tuait ces derniers pour s'emparer de leur argent : ce fut surtout le cas de Guillaume de Bertrandi de Villemor, maître des requêtes, qui était fort attaché à l'Eglise romaine. C'est alors que des secrétaires d'Etat et des conseillers au Parlement insistèrent auprès du roi à l'effet de lui représenter[20] l'incroyable licence[21] prise par la populace qui, dispersée dans Paris, et les armes à la main, achevait de se monter la tête, se verrait bientôt maîtresse de la cité, et pouvait être tentée non-seulement d'un pillage général, mais de faire tourner cette journée en une révolution. Charles IX, frappé de ces observations, et voyant sans doute en imagination le duc de Guise élevé sur le pavois par le peuple, fit proclamer à son de trompe défense de conserver des armes et des prisonniers à tous autres qu'aux officiers de la garde et de la ville. Il fut difficile d'atteindre à l'exécution de cette défense. Les uns voulaient encore recueillir des dépouilles opimes, les autres se plaisaient à tirer sur les toits[22] pour en chasser les pauvres réformés qui fuyaient par cette voie aérienne. La bourgeoisie parisienne qui avait allégrement pris part à l'exécution des protestants, lesquels lui étaient peu sympathiques en raison de leur air austère et de leur ton de critique sur toutes choses, cette bourgeoisie s'émut dès le second jour, et provoqua la mesure de rester chez soi sous peine de mort. Les quarteniers reçurent l'ordre de parcourir les maisons, d'y faire garder les religionnaires et de protéger leurs personnes. Le troisième jour, ordonnance royale pour défendre les pilleries ; enfin, il vint à l'idée de conduire à l'Hôtel de ville les protestants trop menacés en leur demeure. Mais le moyen d'arrêter des gens en armes ? Les mesures
précitées dénotent les craintes conçues par ceux qui possédaient quelque
chose ; elles n'indiquent pas la fin du désordre. Le tumulte dura non-seulement un jour, et avec 2.000 victimes
pour ce jour[23]
; non-seulement trois jours, comme le
laisse croire Davila, mais à peu près la semaine
entière, comme le confirme ce passage : Vn
tel peuple, dit le Frère, composé de si differens
humeurs, vne fois mis en furie pour telle occasion, ne se pouuoit si tost
recognoistre. Ainsi, si altéré de sang huguenot, ne cerchoit que les moyens
de donner vne autre pinsade aux rechapez de sa première chaleur. Vray est que
ceste poursuite sembloit se refroidir à ceux qui n'eussent voulu tenir aucun
moyen à leur vengeance, ou desir insatiable de gangner. Mais aux poursuivis,
le peuple ne paroissoit rien quitter de sa 'fureur. Si bien que le presque
dernier iour de la septmaine, fut peu moins remarqué de meurtres particuliers
qu'auoient été les autres. On ne peut dire que la lutte fut prolongée par la résistance des victimes. En général elles en firent peu et acceptèrent leur sort avec une grande et touchante résignation, se laissant frapper en face et tombant avec une attitude digne, les soldats surtout ; mais plusieurs disputèrent leur vie, comme c'était leur droit et leur devoir, car vis-à-vis d'un ennemi, le retarder et l'affaiblir, c'est toujours sauver quelqu'un de son parti. Ainsi fit le baron de Pont qui, troué comme un crible, l'expression est de ce temps, se battait encore, et, quoique mutilé, coupé presque en morceaux, résista tant qu'il eut du sang dans les veines. D'autres se jetaient sur leurs bourreaux et les entamaient à coups d'ongles et de dents, tellement qu'ils en portèrent longtemps la trace. Le plus triste de ces moments, ce fut assurément la besogne de jour. Au milieu des rues, dont les boutiques et toutes les portes restaient closes, on continuait la tuerie, mais avec plus de sang-froid ou plutôt de calcul. Déjà la spéculation commence, car elle se glisse partout ; le long des quais elle opérait sur les cadavres que l'on livrait à quelque parent éloigné pour une somme débattue ; à l'intérieur des quartiers on se fait payer non la grâce, on ne saurait en accorder, mais le genre de mort ; on va jusqu'à laisser pour 10 écus le patient se tuer lui-même. Et personne ne se regimbe ! avec vingt hommes de cœur formant un noyau de résistance on dit fortement inquiété les catholiques, qui eux aussi se trouvaient éparpillés. Nul des protestants ne montre ce courage ou n'émet cette idée ; on les dirait alors moralement frappés ! Croyaient-ils leur parti anéanti, ou espéraient-ils qu'il aurait la force de survivre à une pareille atteinte ? A peine quelques-uns maudirent-ils la reine mère et vouèrent-ils le roi à une mort prochaine, célèbre appel au tribunal de Dieu qui remémore celui du roi Philippe le Bel par le grand maître des templiers Jacques de Molay, en 1314, et, comme ce dernier, sembla recevoir son accomplissement. Nous ne dirons plus qu'un mot sur le massacre ; ce sera finir par où nous avons commencé. Il s'agit du cadavre de Coligny. Les assassins l'avaient laissé dans la cour de son hôtel pour courir après de nouvelles occupations. Quand la populace envahit la demeure de l'amiral, elle se porta d'abord à sa chambre ; le lit étant vide, elle redescendit et. vit ses restes. Alors un Italien saisit la tête par les cheveux et la sépara du tronc : comme il disparut, on a prétendu, mais sans preuves, que cette tête fut portée à Catherine de Médicis, et qu'ensuite, embaumé, un tel trophée parvint jusqu'au pape. Quoi qu'il en soit, les sévices continuèrent sur ce pauvre corps : l'un coupa les pieds, celui-ci les mains ; puis, quand il ne resta qu'une masse informe[24], eut encore l'idée féroce et tenace de l'attacher à une claie et d'aller la pendre au gibet de Montfaucon. Pendant plusieurs jours la foule des curieux se porta sur ce point afin de contempler ce hideux spectacle, et c'est là que Charles IX, dans une visite à laquelle le mouvement populaire le conviait[25], prononça, dit-on, cette répétition du mot de Vitellius : Est-ce que jamais le corps d'un ennemi sent mauvais ? Voilà certes beaucoup de méchancetés, et, si l'histoire ne se voile pas la face, c'est qu'il lui faut tout dire et virilement, sinon son enseignement n'aurait pas de portée. Eh bien ! il y eut encore d'autres cruautés !... Sous ce rapport on peut adopter le mot de la complainte intitulée le Déluge des huguenots : . . . . . L'amiral de Chastillon Servit à tous d'eschantillon. Qu'étaient devenus les princes du sang après le massacre de leurs gardes ? Anxieux, ils erraient d'une salle à l'autre et questionnaient ceux qu'ils rencontraient ; personne n'osait leur répondre, et l'auteur des Mémoires de Gaspard de Tavannes, qui se trouva dans ce cas, prétend que Henri de Navarre, quand il fut devenu Henri IV, lui en voulut toujours de sa réserve silencieuse. Enfin ils surent que le roi venait de les racheter, car originairement il avait été question de leur massacre, un seul protestant ne devant pas survivre, et assurément, dans la conception du sinistre projet, c'était logique ; Charles IX les avait rachetés non pour les faire mourir à son plaisir, comme ces trente huguenots acquis à beaux deniers comptants par le comte de Coconas, mais pour les sauver[26] au prix d'un retour à la religion catholique[27]. Le prince de Condé se montra récalcitrant à l'autorité royale, et le roi dut le menacer ; dans ce cas Charles IX savait exécuter son monde et prenait un ton de sévérité très-digne, mêlée parfois d'un peu d'emportement. Il accorda trois jours seulement au prince. Au besoin on aurait eu recours à la torture pour le contraindre : le conseil royal l'avait entendu ainsi, sur la proposition de Gonzague[28]. Le roi de Navarre avait été plus souple, et, en homme adroit comme dans toute sa vie, s'était plié à la nécessité du moment[29]. Baptisé catholique[30], devenu protestant en 1563 par la conversion de sa mère, il reprenait le catholicisme pour sauver sa vie[31], comme il retournera vers la religion réformée afin de devenir le chef du parti protestant, comme il se fera définitivement catholique afin d'obtenir la couronne de France. Ses sentiments du moment, sentiments forcés puisqu'on lui imposait une abjuration officielle six jours après son mariage[32], se retrouvent fixés sans doute possible dans sa lettre au pape, tirée des archives secrètes du Vatican et qui porte la date du 3 octobre 1572. Voici cette lettre, ou plutôt cette longue phrase : Tres sainct Pere, Pesperance que j'ay de la paternelle affection que portéres tousjours, comme vicaire de Dieu en terre, à ce que ses enfans, desvoyés pour quelque temps de nostre saincte Église Catholique, Apostolique et Romaine, et se repentans, y soient benignement recueillis et receus, a tellement vaincu le doubte qu'aultrement je peu-vois avoir de la juste severité de Vostre Saincteté, qu'après avoir esté conforté tant par le Roy Irez chrestien, que par la sage et prudente admonition de la Royne, madame ma belle mère, Messieurs frères du Roy, Monsieur le cardinal de Bourbon, mon oncle et de mon cousin, Monsieur le duc de Montpensier, en cette persuasion je me suis finalement résolu que Vostre dicte Saincteté me recognoissant pour l'ung des siens par les premières marques que j'ay receues eu ladicte Église en la foi de laquelle j'ay esté baptisé, et ne m'imputant l'institution qui depuis m'a esté donnée, dont il n'estoit point en moy, veu mon bas aage, de faire jugement ou ellection, elle ne desdaignera de m'ouvrir les bras de son indulgence, et en recevant la confession de ceste mienne penitence, réduction et obeissance, comme je l'ay icy tesinoignée et protestée en la présence du nonce de Vostre Saincteté, me recevoir au giron d'icelle Église dont je vous recougnois chef, et nie tenir et reputer desormais pour trez humble, trez obeissant et trez devot fils, comme j'en supplie tuez humblement Vostre dicte Saincteté, à laquelle j'espere rendre bientost soleinnelle soumission pareille à celle de mes predecesseurs roys, sitost qu'il lui plaira l'avoir agreable, ainsi qu'elle l'entendra par le gentilhomme que depesche a present le sieur cardinal de Bourbon, mon oncle, tant pour test effect qu'aussi pour supplier trez humblement Vostre dicte Saincteté de ma part, qu'en apprenant le mariage dont il a pieu au roi m'honorer avecques Madame sa sœur, nous en donner et octroyer, pour la consanguinité qui est entre nous, la dispense qui sera nécessaire, avecques telle absolution que nous et nostre postérité en demeurions deschargez envers Dieu et Vostre Saincteté. Lettre tardive assurément, car elle aurait pu partir avec la notification de la Saint-Barthélemy envoyée au pape, mais on ne voulut sans doute compliquer eu rien l'annonce d'une telle nouvelle ; lettre travaillée par un secrétaire, car chaque prince y obtient une louange et par conséquent une bonne note auprès du pape ; lettre qui contient en postscriptum le plus essentiel, car sans cette autorisation le mariage restait nul. Peut-être le retardement de cette lettre provient-il de ce que Henri n'avait rien répondu sur le moment à Charles IX, ce qui était un acquiescement tacite, mais sans une promesse bien empressée, en sorte qu'il fallut venir en aide à cette réserve et rompre cette froideur, calculée assurément et fort habile, vu la gravité exceptionnelle des circonstances. On peut se rallier à cette idée quand on sait que le roi de Navarre fit en définitive son abjuration solennelle à la date du 26 septembre seulement, alors que le prince de Condé, d'abord plus récalcitrant, l'avait déjà prononcée depuis neuf jours. Là lettre du prince de Condé au pape est également datée du 3 octobre ; le prince y demande aussi dispense pour son mariage accompli entre cieux cousins germains enfans du frère et de la sœur, et les époux disent au saint-père : Nous vous recognoissons pour chef et vicaire général de Dieu en terre. Comme tel nous daignez desormais tenir et reputer pour vos tres humbles, tres deuots enfans et simples brebis de vostre saint troupeau[33]. Les princes de Conti et de Soissons, cadets de Condé, suivirent son exemple et celui du roi de Navarre, et tous deux persévérèrent depuis dans la religion catholique, différence essentielle entre ces quatre convertis par force. En cette ville de Paris, où l'on tuait alors un homme pour 33 écus[34], les quatre princes du sang dont nous venons de parler ne furent pas les seuls sauvés des horribles cruautés qui s'y commettaient. Parmi ces échappés nous citerons : Jacques de Crussol, comte d'Acier, frère du duc d'Uzès, que la reine mère sauva à la considération de son frère, qui le cacha dans sa seigneurie de Tonnerre ; il se fit plus tard catholique et s'attacha aux Guises. Biron, grand maître de l'artillerie, auquel le maréchal de Tavannes fit dire de se retirer immédiatement dans l'arsenal et de s'y tenir sur la défensive ; la menace de quelques couleuvrines bien pointées arrêta les bandes d'égorgeurs[35]. Si Tavannes, un des instigateurs de la Saint-Barthélemy, sinon comme conception, au moins comme exécution, sauva ainsi Biron, c'est que ce dernier était catholique et seulement compromis par ses liaisons avec les protestants. Biron, à son tour, sauva l'un des frères La Chastegneraye, lequel tout blessé avait gagné cependant l'arsenal ; il le sauva en le refusant à M. de La Chastegneraye, sa sœur, qui le réclamait sous prétexte de le faire panser et soigner, mais en réalité pour le faire achever et recueillir son héritage. On s'était rendu incontinent chez ces deux frères afin de plaire à cette sœur sans cœur, et cela parce qu'elle était la maîtresse du capitaine de la garde du duc d'Anjou. Si les princes, car ici le futur Henri III avait donné des ordres particuliers, si les princes réfléchissaient combien leur autorité perd à de pareils actes, ils comprendraient mieux que ce sont eux, le plus souvent, qui font naître les bouleversements politiques, tels que les guerres de religion et la Fronde. Mais revenons à nos échappés. La Neufville, Bethunes, Baignac et la Verdin furent soustraits au danger par Jean de Tavannes[36]. Gramont, Duras, Gamache et Bouchavanes obtinrent la vie sauve sous promesse de ne plus porter les armes en faveur du calvinisme ; Marguerite de Valois avait pris le même engagement pour Léran, et tous cinq le tinrent fidèlement. On fit également grâce à Cugy, à Saint-Romain, au jeune Briquemaut[37]. Le maréchal de Cossé dut la vie à l'intérêt que lui portait la maîtresse du duc d'Anjou, la belle et résolue de Rieux de Châteauneuf, demoiselle d'honneur de la reine mère. Le vicomte de Monclar et le baron de Paulin furent graciés, grâce à l'intervention du marquis de Villars, et envoyés dans le midi pour conserver les villes de cette partie de la France dans l'obéissance du roi[38]. Reniers[39], gentilhomme du Quercy, averti, emmené hors de Paris et jusque dans son château par le dévouement admirable du lieutenant de roi de sa province, M. de Vezins, qui nourrissait coutre lui une haine mortelle. D'autres se tirèrent eux-mêmes du massacre. Tel fut le jeune de Caumont, depuis maréchal de la Force, qui raconte lui-même ses aventures en tête de ses Mémoires ; il comptait alors douze ans d'âge. Tel fut Jacques de Saint-Auban, fait prisonnier par la Mardeille et conduit près la porte Buci, où il fut menacé de périr par le poignard pendant plusieurs semaines ; enfin conduit à la conciergerie, confronté avec d'autres coupables, sans qu'on pût le comprendre parmi ceux qui avaient poursuivi Maurevel, il devint libre et se retira dans sa maison du Dauphiné[40]. Tels furent encore le ministre Merlin et Cornaton, gentilhomme dévoué à Coligny, lesquels réussirent à s'échapper de la maison même de ce dernier, et pendant qu'on l'assassinait ; ils avaient fui sur son ordre exprès, ainsi formulé : Sauvez-vous, car vous ne sauriez garantir ma vie. Parmi les principaux exécuteurs de ce jour fatal, exécuteurs commandés ou qui s'arrogèrent eux-mêmes un tel pouvoir, nous citerons, outre le duc de Guise et Cosseins, auteurs de l'assassinat de Coligny, les cinq noms suivants : Crucé, Pezou, Coconas, René, Ferrier. Thomas Crucé, dit Croizier, était un tireur d'or ; son nom se rattache au meurtre du conseiller Rouillard, l'une de ses victimes. Il portait comme armes deux poignards à la ceinture, une dague dans chaque main ; un mauvais manteau bleu couvrait ses épaules. La population l'avait remarqué, car il ne se reposait pas, même pour manger ; et en le voyant venir, on criait : Gare à Crucé ! L'historien de Thou avoue son soulèvement de cœur à la vue de cet homme, qui se vantait cyniquement d'avoir tué 400 personnes en un seul jour. Cette audacieuse menterie ne réussit pas à lui valoir la première place parmi tant de bourreaux. On l'accorde généralement à Pezou, boucher de profession, lequel traitait les réformés comme les bœufs, en les assommant à coups de massue[41]. Annibal de Coconas obligeait ses prisonniers à renier leur culte, et leur donnait la mort, lorsqu'ils croyaient s'être rachetés par ce sacrifice. René, célèbre empoisonneur, se rendait aux prisons où l'on avait entassé les victimes, et là satisfaisait ses instincts de meurtre en les poignardant. Jean Ferrier, avocat et capitaine de la nie Saint-Antoine, tua tant de monde que le surnom de massacreur lui en demeura. La plupart de ces exécuteurs, le duc de Guise et le capitaine du Guast[42] compris, finirent d'une mort violente. Y eut-il un ordre signé de Charles IX pour l'exécution de la Saint-Barthélemy, ordre d'ailleurs délibéré et arrêté dans un Conseil intime ? La plupart des historiens le croient. On peut cependant conserver des doutes, par la raison qu'un ordre écrit de cette importance ne se rend jamais par celui qui l'a reçu ou par sa famille. Nous possédons d'ailleurs la teneur d'une lettre royale par laquelle le gouvernement rejetait la responsabilité de l'événement sur la maison de Guise, et pourtant cette lettre ne fut pas envoyée ; on voit donc que rien ne se perd. Les minutes conservées devaient parvenir aux gouverneurs de Bourgogne, de Touraine[43] et du Poitou[44] : Charles IX y traite l'amiral de cousin et, qualifie la Saint-Barthélemy de bien grande et lamentable SÉDITION, pendant laquelle il n'a peu apporter le remède à désirer, ayant eu assez d'affaire à employer ses gardes et autres troupes pour se tenir le plus fort, en son château du Louvre avec ses frères. Il déchire qu'il n'y a pas rupture de l'édit de pacification, et qu'on doit l'entretenir autant que jamais par tous les endroits de son royaume. Il annonce un merveilleux regret si le massacre s'étend dans les provinces de la monarchie, et fait entendre que chacun doit demeurer en repos, sans prendre les armes ni offenser autrui. La lettre adressée aux magistrats de Bourges et datée du 27, trois jours après la précédente, annonce la Saint-Barthélemy et recommande également la tranquillité, mais sans accuser la maison de Guise. Ce n'était plus nécessaire. Soit que Charles ait craint, en mettant en avant cette maison princière, de donner à entendre qu'il ne dirigeait plus son gouvernement ; soit qu'il ait voulu ôter au Balafré un moyen de popularité de plus, car, il ne faut pas se le dissimuler, l'ivresse du succès fit que, pendant les premiers temps, cette sanglante exécution fut applaudie par les catholiques ; soit encore qu'il ait redouté de porter l'animosité entre les huguenots et les Guises à un tel degré qu'une nouvelle guerre civile en surgît, au moment où la France avait tant besoin de repos, toujours est-il qu'il avoua le massacre et eu prit la responsabilité, mais en prétextant la découverte d'un complot tramé par les protestants, complot dont Coligny devint le principal chef[45], quoique l'inventaire de ses papiers, fait avec soin par le chanceler Morvilliers, n'ait rien découvert[46] compromettant[47] pour sa mémoire[48]. Cet aveu officiel porte au début que le roi veut expliquer la cause et occasion de la mort de l'amiral et de ses adhérents et complices, ledit fait ayant pu être déguisé autrement qu'il n'est. Puis la proclamation continue en ces termes : Sa dite Majesté declare, que ce qui en est ainsy advenu a esté par son exprès commandement et non pour aucune cause de contrevenir à ses edits de pacification qu'il a toujours entendu, comme encore veult et entend observer, garder et entretenir, pour obvier et prévenir l'exécution d'une malheureuse et detestable conspiration faicte par le dit amiral, chef et auteur d'icelle, et ses dits adhérents et complices, en la persuasion du dit seigneur roy et contre son estat, la royne, sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs estans près d'eux. Plaignons Coligny d'être ainsi publiquement accusé d'avoir conspiré contre le roi de Navarre ! et même contre le fils du capitaine muet, qui se trouve compris sous l'expression générale de princes estans près d'eux ! Dans cet événement, il porte toute la peine, mais c'est un homme de taille à la supporter. L'un de ses meurtriers, nommé Attin, avouait n'avoir jamais vu une de ses victimes envisager la mort avec autant de calme et d'intrépidité. Chez lui cela provenait d'un caractère fortement trempé qui en avait fait un guerrier de mérite et un profond politique. Ajoutons la modération qui tempérait son amour du commandement, mentionnons sa disposition à rectifier et parfois à censurer, citons ses talents d'administrateur, et nous obtiendrons de la sorte mi raccourci de son portrait[49]. Mais revenons à l'aveu du 28 août. Il défend d'attenter en
rien contre les dits de la religion prétendue
réformée, leurs femmes, enfans et famille, sous peine de vie. En
même temps, il interdit aux protestants de faire
assemblées pour quelque occasion que ce soit, jusques à ce que le roi, après
avoir pourvu à la tranquillité de son royaume, en ordonne autrement.
Enfin il s'oppose à ce que les particuliers fassent des prisonniers et en
tirent rançon. Ces diverses mesures avaient pour but de prévenir un
soulèvement des protestants en province, ce à quoi aidaient les massacres qui
avaient lieu sur plusieurs points et dont nous parlerons dans le chapitre
suivant. Nous avons écrit ci-dessus l'aveu du vingt-huit août ; il doit être en réalité daté du vingt-six, parce que ce jour-là une séance du parlement avait eu lieu et la même proclamation s'y était faite de vive voix. Dans cette séance, Charles IX, que ses frères et le roi de Navarre accompagnaient, accusa en effet hautement l'amiral, en présence de toutes les chambres assemblées, d'avoir conspiré contre sa personne et contre la famille royale[50], et ajouta que, pour empêcher l'accomplissement d'un pareil dessein, il avait été contraint d'en venir à une extrémité cruelle, mais indispensable. Il termina en disant que tout s'était passé ce jour-là par ses ordres, et prescrivit à la cour une enquête afin de découvrir et de punir les coupables. Ainsi la notification écrite, et la notification verbale qui l'avait précédée, se trouvaient pleinement d'accord. Le gouvernement, longtemps indécis entre le système de contenir le parti catholique par le parti protestant, et le système de sacrifier celui-ci afin de reprendre la popularité aux dépens des Guises, se trouvait fixé ; il penchait définitivement vers les catholiques et adoptait leurs idées, leurs passions ; Henri III et même Henri IV agiront de même, seulement ils ne seront pas obligés de l'avouer dans une occurrence aussi difficile et aussi solennelle. Après un tel aveu, je ne vois pas que les médailles frappées à Paris en souvenir de la Saint-Barthélemy revêtent une grande importance, et je ne puis partager l'avis d'un écrivain qui les considère, contrairement à l'intention de leurs auteurs, comme ayant perpétué l'infamie d'une action détestable, honteuse pour le prince et pour la nation, et que les races futures auront perpétuellement en horreur. Les actes officiels et publics dont il vient d'être question atteignaient seuls et déjà ce but. L'une de ces médailles portait : Pictas excitavit justitiam. — Virtus in rebelles. — 24 Augusti 1572. On lisait sur une autre : Charles IX dompteur des rebelles le 24 août 1572 : c'était, on le voit, une consécration du succès royal. Quant au principal vaincu, à Coligny, il fut condamné comme criminel de lèse-majesté, déclaré vilain, roturier, et dégradé de noblesse, lui et toute sa postérité. Dans la notification de la Saint-Barthélemy aux souverains étrangers, la cour de France prit des tons différents suivant l'esprit et la religion des princes auxquels elle s'adressait. Vers Philippe II on dépêcha un envoyé spécial[51] chargé de narrer de vive voix, mais cet envoyé était porteur de deux billets. Charles IX disait à son beau-frère : La royne ma dame et mère a voulu vous despecher Montaigne[52] pour vous raconter de nos nouvelles et nous rapporter des vostres. J'ai pour tres agreable cette election (ce choix), et je veux croire que vous prendrez plaisir d'en entendre parler par lui. Catherine de Médicis disait plus nettement sa pensée : Monsieur mon fils, je ne fais nulle doute que ne ressentiez comme nous mesme la heur que Dieu nous a faicte de donner le moyen au roi mon fils de se desfaire de ses subjccts rebelles a Dieu et a luy. Ici le ton est allègre, mais j'aime à croire que la reine mère était plus satisfaite de posséder enfin une politique accusée et vigoureuse que de l'événement en lui-même. Vis-à-vis du pape, la cour se félicitait également de l'extermination des huguenots. Le pape[53], et avec lui la chrétienté, fut dans la joie. C'était inévitable ; on croyait à Rome comme à Paris avoir remporté une grande victoire ; ce n'était qu'un répit, et vingt ans encore la lutte continuera en France entre catholiques et protestants. Auprès de l'empereur Maximilien II, son beau-père, qui désapprouva le massacre, le roi de France atténua le plus qu'il put, alla même, dit-on, jusqu'à nier sa participation à la Saint-Barthélemy. A l'égard des cours protestantes, la notification devenait
difficile. Celles qui étaient dans notre alliance allaient se trouver
froissées qu'on n'ait pas eu égard à leur intérêt légitime pour les réformés
; l'animosité des autres allait croître. On s'y prit habilement. M. de
Schomberg dit à l'Allemagne, au nom de Charles IX : L'amiral,
Téligny, la Rochefoucauld ont confessé avant de mourir que les protestants
voulaient mettre à mort Sa Majesté, la reine mère et les princes. De quoi
averti, le roi, pour se garantir d'un danger certain, a été obligé de lâcher
la main à Messieurs de la maison de Guise, qui, le 24 de ce mois d'août, avec
un petit nombre de soldats, ont tué le dict amiral et quelques autres
gentilshommes de sa faction. Sa Majesté prie les princes germaniques
d'ajouter foi à ce qu'elle leur faict savoir présentement et de refuser ce
qui leur en serait dict pour calomnie. A la reine d'Angleterre, on fit
expliquer par Lamothe Fénelon, et par Castelnau pour lequel elle avait de
l'estime, que, tout en voulant dans la France l'exercice d'un seul culte, on
souffrirait les protestants de la même manière qu'elle souffrait les
catholiques en Angleterre[54]. Auprès des
ligues suisses on présenta la chose en ces termes : Le
roy sent un bien grand desplaisir et regret de l'accident survenu ces jours
passés. Sa Majesté n'a pu y pourvoir, estant la chose montée avec telle rage
et fureur populaire, qu'elle avoit assez affaire de se garder avec la royne
sa mère, messeigneurs ses frères, roy de Navarre et autres princes : Cet
inconvénient et accident est advenu par querelles particulières, et non pour
altérer les édits de pacification donnés par Sa Majesté, qu'elle veut
conserver et entretenir. Si c'était le monarque qui minutât lui-même ses lettres, nous pourrions offrir ici une remarque au lecteur : jamais Charles IX ne parle de sa personne et de l'intérêt ou des soins qu'elle mérite, sans y accoler sa mère, ses frères, ses cousins. Mais une semblable attention ou convenance est peu de chose en présence du cortège de précautions et de mensonges auquel le gouvernement français se trouve obligé de recourir pour justifier une semblable mesure. Relativement au massacre dans Paris, une dernière question se présente : Charles IX a-t-il tiré sur les protestants[55] ? Quoiqu'on se grise à la vue du sang, surtout avec le caractère de Charles IX, nous croyons pouvoir répondre non. D'Aubigné mentionne le fait sans insister, et pourtant, s'il avait eu lieu, ce serait un point important de ces tristes Vêpres[56]. L'historien de Thou n'en parle pas. Brantôme, le seul qui en fasse mention, énonce le trait par ouï-dire, car, de son aveu, il était absent, assistant alors à l'embarquement qui s'effectuait à Brouage[57]. Le duc d'Anjou n'en souffle mot dans son entretien avec le médecin Miron, durant une de ses nuits d'insomnie en Pologne. Ces preuves négatives[58] semblent probantes[59]. Enfin Charles IX a-t-il, d'une fenêtre du Louvre ; froidement envisagé certains actes du massacre, comme la mise à mort de Pardaillan, Pilles et Saint-Martin[60] ? Le Tocsain contre les massacreurs l'affirme, et à ce sujet le compare à Néron considérant avec joie, dans Rome, les progrès de l'incendie qu'il avait allumé. Il est probable, en effet, que le roi voulut s'assurer de l'exécution de ses ordres dans une circonstance aussi grave ; que, se regardant comme le capitaine d'une armée, ii fut curieux de voir la façon d'agir de ses soldats. |
[1] Voyez les Mémoires de Marguerite de Valois, année 1572.
[2] Collection Petitot, t. XXV, p. 224.
[3] Ce n'eût pas été assez, si nous en croyons ce mot de Jean de Tavannes : En France faudroit tuer mil seigneurs, ce qui ne se pourroit. Jean de Tavannes appelle ce procédé : tuer pour s'établir ; ce moyen, dit-il, ne vaut rien ni en France, ni en Flandre, mais il est profitable en Angleterre.
[4] Aussi les considère-t-on comme deux des instigateurs de la Saint-Barthélemy. Un coup aussi expéditif rentrait dans les allures militaires de Tavannes ; pourtant rappelons le dire de son fils, à savoir que, mourant, il se confessa sans faire mention d'avoir adhéré au conseil de la Saint-Barthélemy. Remarquons, à notre tour, que ni Guise, ni Tavannes, n'obtinrent de récompense pour leur participation à la Saint-Barthélemy.
[5] Aucuns protestans augmenterent leur premier soupçon, quand ils virent entrer au Louvre six crocheteurs chargez d'armes. Vraye et entiere histoire des troubles, par JEAN LE FRÈRE. Paris, 1584, t. II, p. 548.
[6] Si la cour envisageait les réformés en ennemis, elle les eût volontiers tenus dispersés ; donc elle ne les redoutait plus, mais c'était pour en avoir un plus grand nombre sous la main, l'intention est évidente. Eux croyaient venir défendre l'amiral ; ils se livraient.
[7] Celui-ci s'appelait Marcel.
[8] La Saint-Barthélemy tombe la veille de la Saint-Louis.
[9] Cosseins, qui lui porta le premier coup. Quelle tromperie !
[10] Le peintre Vanloo habita cette chambre (1747) ; elle faisait partie d'un hôtel, qui devint une auberge, et se trouvait rue des Fossés-Saint-Germain-l'Auxerrois.
[11] Et non le duc d'Anjou ; celui-ci stationnait alors, avec sa mère, en une chambre du portail du Louvre joignant le jeu de paume.
[12] Cæsar ! te morituri salutant, auraient-ils pu dire, eux aussi, à Charles IX, comme les anciens gladiateurs à Home, surtout quand ce monarque s'établit à une fenêtre pour mieux voir, comme nous l'indiquons dans le dernier alinéa de ce chapitre.
[13] Marguerite de Valois le fit coucher et soigner dans son cabinet.
[14] Miossans et Armagnac.
[15] C'était fort rare. Charles IX refusa la grâce du capitaine Monins au brave Fervaques, qui fut obligé de livrer son ami.
[16] Tous, tous, aurait d'abord dit Charles IX, en parlant des protestants à égorger, mais le mot n'est pas prouvé.
[17] La reine ma mère me demande si le Roy mon mary estoit homme, me disant que si cela n'estoit, elle auroit moyen de me desmarier. Mémoires de Marguerite de Valois.
[18] Sans doute russe.
[19] Nous nous garderons bien de ranger l'exécution de la Saint-Barthélemy parmi les guerres, et par conséquent ne citerons pas ce fait, quoiqu'il s'y rattache, dans la nouvelle édition que nous préparons de notre mémoire le Bonheur à la guerre.
[20] Ces représentations furent renouvelées à la séance royale du Parlement par l'avocat général Guy du saur de Pibrac, l'un des amis de Michel de l'Hospital.
[21] On prétend qu'il existe une estampe du massacre fait le jour même (voyez la Réforme et la Ligue, par CAPEFIGUE) ; mais, dans leur Histoire de France, MM. BORDIER et CHARTON déclarent n'en avoir trouvé aucune.
[22] Sous Louis XV, le comte de Charolais se livrait encore à de pareils passe-temps, jeux de prince pour lui assurément, mais qui sapaient l'autorité et le prestige de sa famille.
[23] De Thou l'affirme.
[24] Il ne fut donc pas pendu par un pié, comme plusieurs relations le disent, comme le répétait récemment M. Victor Guichard, dans son écrit la Liberté de penser. Nous savons que l'astrologue Michel de Nostredame, dans le paragraphe 47 de sa Centurie IV, dit :
. . . . . les plus grans par col et pieds pendus ;
mais cette prédiction ne concerne pas uniquement Coligny. Au surplus, les historiens ne sont pas d'accord sur les mutilations que subit le corps de l'amiral ; nous signalons le fait sans y attacher d'importance, à titre de curiosité historique.
[25] Il fut aussi obligé de visiter en grande pompe l'aubépine du cimetière des Innocents qui, desséchée, se mit à refleurir pendant la deuxième journée de la Saint-Barthélemy, ce que la populace attribua à un miracle.
[26] On lit dans la Relation des massacres de Lyon (une édition in-18, publiée par M. Gonon, a paru à Lyon en 1818) une promesse de la reine mère de les faire périr avant le Toussaint ; évidemment c'était une défaite, car il était facile de les mettre à mort pendant la Saint-Barthélemy, mais non après.
[27] Malgré l'assertion de Varillas, Charles IX n'eut pas besoin de faire grâce à Ambroise Paré ; ce célèbre médecin n'était pas protestant, M. Jal l'a démontré. Suivant Marguerite de Valois, son frère et voulu sauver le jeune et intéressant Téligny (gendre de Coligny), la Noue et la Rochefoucault.
[28] Voyez Mémoires de l'Etat de France sous Charles IX, tome Ier, ou les Archives curieuses, de CIMBER et DANJOU, t. VII, p. 109.
[29] Il put être effrayé, mais je doute qu'il se soit jeté aux genoux du roi.
[30] Le 6 mars 1554, à l'âge de deux mois et demi.
[31] Le roi de Navarre avait alors affaire : 1° à un roi de France parfois furieux, l'expression est de Péréfixe ; 2° au duc d'Anjou, personnage dissimulé ; 3° au duc d'Alençon, prince faux ; 4°0 à Catherine de Médicis, laquelle lui en voulait depuis la prédiction qui lui donnait un jour le trône de France ; 5° à la maison de Guise, vis-à-vis de laquelle il jouait le rôle d'obstacle. Que de gens intéressés à sa perte !
[32] Ce mariage avait donc bien été un des moyens employés pour capter les protestants et les retenir à Paris.
[33] On lit cette lettre au chapitre XXI de LE FRÈRE, ou XXX de LA POPELINIÈRE, ce qui est tout un.
[34] Mémoires de l'Estoile, 25 avril 1575.
[35] Vie de Gaspard de Tavannes, par l'abbé PERAU, dans les Hommes illustres de la France, 1749, in-12, p. 468.
[36] Mémoires de Gaspard de Tavannes, t. III, p. 298.
[37] Briquemaut l'aîné périt, non sur le moment, mais comme condamné après l'enquête. C'était un vieux gentilhomme qui combattait pour sa religion et non par ambition. On lui attribue un mot au prince de Condé aspirant à la couronne : Je vous quitte si vous venez là. Prenons le parti de Dieu ; autrement je me retire. Sa mémoire fut réhabilitée, au début de la Révolution française, avec celle de Coligny.
[38] De Brion succomba, mais son élève, le jeune prince de Conti (François de Bourbon) ; lequel se convertit, nous venons de le dire, chercha non-seulement à le sauver, mais à le couvrir de son corps.
[39] On écrit souvent Regnier. Je lirais Reniés, Reiniès, de Reyniès : il existe aujourd'hui une famille catholique de ce nom.
[40] Début des Mémoires de Jacques Pape, seigneur de Saint-Auban.
[41] Un autre homme du peuple, Tanchon, ne valait guère mieux.
[42] L'un des favoris du duc d'Anjou. Il fut assassiné en sa maison de Paris, rue Saint-Honoré, le lundi dernier jour d'octobre 1575, et Pierre de l'Estoile dit de lui, dans son Journal : Ce capitaine avait répandu beaucoup de sang innocent à la Saint-Barthélemy.
[43] Le sieur de Prie.
[44] Le sieur de Montpezat.
[45] Camille Capilupi place ce complot antérieurement à la tentative d'assassinat de Maurevel sur l'amiral. Voyez le Stratagème de Charles IX. Il est possible qu'une portion des protestants en ait émis l'idée, sans que Coligny ait eu part à ce projet, sans qu'il ait songé à devenir roi lui-même, après le prince de Condé.
[46] L'abbé de Caveirac, dans sa Dissertation sur la Saint-Barthélemy, répond à cette constatation.
[47] Son escarcelle, qui tomba au pouvoir du capitaine florentin Tosinghi, contenait seulement une médaille avec ce mot Extermine, suivi des lettres R. L. P., mais ces trois dernières voulaient-elles réellement dire : Roi, Lorraine, Papauté ?
[48] Vie de Coligny, par PERAU, dans les Hommes illustres de la France, 1747, t. II, p. 646, 649. D'après une conversation de l'ambassadeur anglais (Valsingham) à Paris avec Catherine de Médicis, on sait seulement que l'amiral avait recommandé an roi de France d'abaisser autant que possible l'Angleterre et l'Espagne ; c'est là un conseil éclairé et tout patriotique.
[49] Nous avons esquissé ce portrait au paragraphe XV, Influence des chefs de guerre, de notre mémoire l'Art militaire pendant les guerres de religion.
[50] Dans la visite de la famille royale à Coligny blessé, la reine mère et le duc d'Anjou tremblent en se voyant entourés de plus de deux cents gentilshommes et capitaines du Party de l'amiral, avec des faces tristes et des gestes et des contenances de gens malcontens. Mémoires de l'Estat de France.
[51] Notre ambassadeur à Madrid était M. de Saint-Goard.
[52] Ce n'est pas l'auteur des Essais.
[53] Le pape envoya la Rose d'or à Charles IX, mais cet envoi honorifique n'exprime rien de plus que la médaille Ugonottorum strages, les peintures de Vasari et la prédication du 1er janvier par le prêtre français Muret.
[54] Outre les Mémoires de Castelnau, modestement succincts au sujet de cette mission, lisez la Correspondance de Lamothe Fénelon, récemment publiée.
[55] Il aurait tiré d'un balcon abattu en 1758.
[56] On appelle souvent la Saint-Barthélemy les Vêpres parisiennes, par opposition aux Vêpres siciliennes.
[57] L'abbé PERAU, dans sa Vie de Coligny, reproduit le dire de Brantôme, mais sans l'appuyer d'aucune preuve.
[58] Relevées par M. ROISSELET DE SAUCLIÈRES, en son Coup d'œil sur l'histoire du calvinisme, 1844, p. 249.
[59] M. ATH. COQUEREL fils adopte la version que Charles IX a giboyé aux passants, mais il considère le trait comme peu important au point de vue historique. La Saint-Barthélemy, p. 55. Ce travail de M. Coquerel acquiert une importance particulière des communications que l'auteur avait reçues de M. Mignet, l'écrivain le plus versé en ces sortes de matières.
[60] Saint-Martin dit de Brychanteau.