Le pape, sans doute mieux informé que la cour, n'avait jamais cru aux avantages procurés par la journée de Dreux[1] ; il n'avait point espéré non plus un bénéfice de la paix qui suivit, et cependant il savait combien la reine mère cherchait à rendre service à la papauté, en lui facilitant, par exemple, l'acquisition de l'île de Corse, qu'elle ne voulait pas voir tomber aux mains des Espagnols. Ne se faisant ainsi aucune illusion, le Saint-Père ne pouvait compter pour la suppression de l'hérésie en France, ce royaume demi-huguenot'[2], que sur la continuation de la guerre et sur plusieurs victoires sanglantes, ou sur des mesures violentes. La guerre, maintenant apaisée, avait eu ses alternatives pour les deux partis ; restaient les voies de rigueur, moins humaines et moins franches assurément que les luttes ouvertement armées, mais qui n'avaient point été essayées, les persécutions ayant toujours conservé sous les règnes précédents un caractère partiel. Et ces mesures, on en parlait depuis le massacre de Vassy, nous l'avons indiqué précédemment[3], massacre qui fut suivi d'assez nombreux assassinats commis sur les protestants, au moins jusqu'en 1566 ; il y eut même, en février 1571, un massacre effectué à Orange ; mais, en réalité, cette enclave n'était pas une terre française[4]. Vers la fin de 1564, dans son voyage de France avec Charles IX, à Bayonne, Catherine de Médicis avait vu, comme nous l'avons dit, le duc d'Albe, cet inflexible exécuteur des volontés de Philippe II, dont nous avons esquissé ailleurs la figure, et n'avait pu réussir à lui faire approuver son système d'oscillations et de tempéraments politiques ; la rudesse de ce guerrier, qui parlait de l'emploi du fer et du feu comme d'un moyen habituel pour réduire les volontés des hommes, fit impression sur elle, et, pour la première fois, dit-on, si nous en croyons Sismondi[5], elle aurait laissé percer l'intention d'en finir avec la religion réformée par un massacre général des chefs huguenots (juin 1565). Une pièce trouvée aux archives de Simancas, mais sans signature, paraît même indiquer une ouverture faite par l'Espagne à la cour de France dans ce sens et antérieurement à l'entrevue de Bayonne[6]. En 1568, au moment de la paix de Longjumeau, les catholiques voulaient une bataille décisive : Si nous sommes vainqueurs, disaient-ils, le parti protestant sera abattu pour jamais. — Cela serait vrai, répondait l'Hôpital, s'ils y périssaient tous, mais une faible perte les enflammera et les rendra plutôt irréconciliables[7]. Ainsi, même sans le vouloir, Michel de l'Hôpital mettait aussi en avant l'idée que l'extermination entière des huguenots amènerait l'unification de croyance et par suite la paix. Le projet de guerre contre l'Espagne et l'espoir d'obtenir pour la France une partie des Pays-Bas ne fut pas seulement un leurre et un moyen d'endormir le parti protestant, de maintenir ses chefs à Paris ; il reçut un commencement d'exécution, il fut l'objet de négociations incontestables ; Louis de Nassau y prit part avec Coligny et d'autres sommités, soit parmi les réformés, soit parmi les catholiques. Seulement il se produisit un revirement dans l'esprit de Charles IX, et par suite dans la politique de la France. Tel est, je crois, le vrai point d'où il faut voir les événements. Le roi de France se laissa entraîner au plaisir d'une guerre qui pouvait pacifier son royaume, d'un agrandissement qui eût glorifié son règne, d'un acte viril au souffle duquel son âme se sentait mieux, car déjà, l'histoire ne peut en disconvenir, le malaise l'atteignait. Il entrevit sans doute la possibilité d'une trahison dans ce projet de guerre ; mais, comme tous ceux qui dirigent ici-bas les nations, il était prêt également à profiter des avantages de cette expédition si le vent eût favorablement tourné, et cela tint à peu de chose. Je sais que Capilupi le représente, après la Saint-Barthélemy, comme faisant dire à Philippe II : Telle est la guerre que je méditais contre vous, mais sans pouvoir la divulguer. Ce sont de ces justifications après coup. Si la reine mère persista dans le projet du massacre depuis son entrevue avec le duc d'Albe, Charles IX a certainement oscillé, et la preuve est que dans ce complot, où il était mal affermi, sa mère le surveilla jusqu'à la fin. Le projet de la Saint-Barthélemy ne remonte pas seulement à 1564 et à l'influence du duc d'Albe. Dès 1562, lors du début de la guerre civile, les chefs catholiques parlent de déchaîner la populace contre les huguenots qui s'attaquent aux églises, et de lâcher à cet effet la grande levrière. Ces dispositions sont augmentées par celles des protestants ; ces derniers fulminent la mort contre le cardinal de Lorraine : Garde toi, cardinal, Que tu ne sois traité A la minarde D'une Stuarde[8]. L'assassin de François de Guise sort de leur sein, et ils voudraient jeter hors de France tous les papistes : Non ! non ! il vault mieux hors de France les jetter Avec Villegagnon, pour terres conquester[9]. Ainsi projeté, répété par des têtes ardentes, au milieu d'un siècle qui ne répugnait pas au sang répandu[10], le dessein de la Saint-Barthélemy trouva un appui dans la situation prise par le parti protestant lors de la blessure de Coligny. Déjà Charles IX reconnaissait que les intentions de la cour, relativement à la nécessité d'adopter un grand parti, se découvraient[11], qu'une nouvelle guerre civile devenait imminente ; à l'agitation des huguenots, à leurs menaces jusque sous le Louvre, il se rappela ce mot imprudent de Coligny : Sire, faites la guerre aux Espagnols, ou nous serons obligés de vous la faire, mot qu'il ne pouvait pardonner, car il n'est pas d'un sujet, et alors il préféra livrer une bataille dans Paris. Que ne l'a-t-il fait en plein jour, à armes égales, au lieu d'accomplir traîtreusement un massacre ! Une fois la question posée en ces termes, un acte de la nature de la Saint-Barthélemy devenait inévitable. La cour savait, redisons-le, que pour vivre il lui fallait frapper un grand coup ; le conseil royal réunissait l'unanimité à ce sujet, seulement on gardait le secret sur une pareille décision. Le coup tiré sur l'amiral par Maurevel semble avoir dérangé le voile mystérieux dont on s'entourait. Fut-ce un imprudent qui ne sut pas attendre, ou quelqu'un arma-t-il son bras ? On a souvent exposé ces deux points de vue sans rien résoudre[12]. Charles IX, par ses témoignages d'amitié, apaisa le ressentiment de Coligny et de son parti, qui crurent le roi sincère ; ainsi, près du moment suprême, le roi n'était pas encore si décidé, et, en effet, Catherine de Médicis, dans la fameuse visite à l'amiral blessé, jugea sa présence utile pour détourner l'effet de la parole sensée de ce vieux serviteur[13] sur le caractère capricieux d'un fils qui certainement aurait voulu, par moments, pouvoir secouer le joug maternel et gouverner seul, et de fait elle abrégea l'entretien secret de Coligny et de Charles IX. Nous possédons à ce sujet une scène reproduite par l'auteur des Mémoires de Gaspard de Tavannes ; résumons-en les traits principaux : On avertit la reine mère de regagner la puissance que l'amiral lui avait fait perdre. La jalousie du gouvernement de son fils et de l'Estat, ambition démesurée, enflamme, brusle la royne dehors et dedans, et tient conseil de se défaire de l'admirai. Le roi chasseur va à Montpipeau, la royne y court ; enfermée en un cabinet avec luy, elle fond en larmes et dit : Je n'eusse pensé pour avoir pris tant de peine à vous eslever, vous avoir conservé la couronne... que m'eussiez voulu donner récompense si misérable. Vous vous cachez de moi... Je scay que vous tenez des conseils secrets avec l'admirai. La guerre d'Espagne, dont de Sauve m'a parlé, malgré vostre défense formelle, mettra vostre royaume en proie à ceux de la religion... Avant que voir cela donnez-moi congé et esloignez de vous vostre frère, qui se peut nommer infortuné d'avoir employé sa vie pour conserver la vôtre. Le roi étonné, ému, malgré sa méfiance envers la finesse de sa mère et envers l'ambition de son frère, avoue et promet obéissance. Il court même jusqu'à Monceaux, où Catherine de Médicis s'était retirée mécontente pour passer la nuit, et là, devant Tavannes et de Rets, se laisse à nouveau transformer en ennemi des huguenots, lui leur ami quand il parlait avec Coligny. Au dernier instant Catherine de Médicis, désireuse (nous venons de le voir) de conserver son pouvoir et de continuer à régner sous le nom de son fils, fut-elle seule à exercer une pression sur le roi, pour lui arracher l'ordre du massacre ? Le duc d'Anjou l'aida : ce. prince savait que Coligny ne l'aimait pas ; en outre, les victoires qu'il avait remportées devaient en faire un ennemi implacable des huguenots. Non-seulement pour soutenir sa. mère, mais parce que l'intimité de l'amiral lui nuisait dans l'esprit du roi, il opina pour l'exécution du parti, ses aveux au médecin Miron, qui l'accompagna en Pologne, en fournissent la preuve, et même il insinue que l'amiral excitait contre lui le caractère fougueux de Charles IX, qui une fois sembla le menacer de sa dague. Aussi, avant le massacre des protestants, tenait-il à se défaire de l'amiral ; ce fut la première résolution arrêtée entre lui et sa mère, et le plus difficile à obtenir de Charles IX. Ce monarque se décida sous une autre cause influente. Cette cause réside dans le désir de vengeance des Guises. Coligny, qui ne s'est jamais totalement lavé de cette accusation, n'avait pas encore payé sa dette pour sa participation à l'assassinat de François de Guise ; aussi la puissante famille de Lorraine continuait-elle à le poursuivre. Or, il n'était plus possible de le massacrer seul, tandis qu'on pouvait l'englober dans une tuerie générale. On le voit, le Balafré et ses oncles devaient pousser à la Saint-Barthélemy[14]. A cette pression capitale se joint l'influence de l'esprit italien dont la cour était imbue, espèce de ferment qui devait fatalement aboutir, dans une situation aussi tendue, à une décision cruelle, car l'Italie de ce temps c'était l'Italie sous la domination espagnole, l'Italie de la décadence, non encore délivrée des habitudes de débauches et de cruautés qui signalent l'époque des Borgia. Catherine de Médicis, en effet, avait traîné à sa suite, dans ce beau royaume de France, une foule d'Italiens, surtout depuis douze années qu'elle gouvernait l'Etat sous le nom de ses fils ; les façons subtiles, l'élasticité des croyances, l'incroyable affaissement des mœurs, la promptitude à recourir au poignard, tout cela, chez ces étrangers, avait frappé et indisposé la population. Ils étaient supportés, mais n'avaient point pris racine ; ils restaient, suivant une expression du temps, cette racaille infinie de foruscis[15] vomie par l'Italie et enrichie par la reine mère. Evidemment ils étaient du complot ; ou Catherine de Médicis leur avait soufflé le mot d'ordre, ou ils la devinaient, car dès qu'un indice des intentions de la cour apparaît, on le leur doit[16], ou plutôt on le leur attribue[17]. La cour de Rome, il faut employer cette expression puisque deux pontifes ont été mêlés à l'événement de la Saint-Barthélemy, a été accusée d'avoir trempé dans le projet de cette journée, et même d'avoir émis la recommandation de recourir à ce moyen extrême. Nous n'irons pas aussi loin que l'abbé de Caveirac, en sa Dissertation sur la Saint-Barthélemy, lequel assure que la religion n'a eu aucune part dans la résolution relative à ce massacre, mais nous dirons : rien n'est prouvé relativement à l'ingérence de la papauté avant l'événement. Qu'elle se soit réjouie après, et avec trop de fracas, c'est incontestable ; il eût été plus charitable de dire des messes pour le repos éternel des protestants trépassés. Mais quelle différence entre cet entraînement et la faute contre la morale chrétienne de pousser froidement à une extermination ! Je ne connais aucune pièce écrite de Rome en faveur du massacre, je doute même qu'il en existe. On se sera gardé d'avertir officiellement le Saint-Père, et d'ailleurs jusqu'au dernier moment la décision était non-seulement secrète, mais ajournée et douteuse ; on s'en sera gardé parce qu'alors celui-ci eût été obligé de réprouver l'acte projeté[18], et alors, si longs eussent été les délais de sa réponse, ils eussent paralysé les bras cruels et méchants que l'on ne voulait plus retenir. En outre, Charles IX connaissait le caractère énergique de Pie V et le savait capable de lancer subitement une remontrance contre laquelle il n'eût plus été possible de revenir[19]. Ce pape mourut le 1er mai 1572. Son successeur, Grégoire XIII, fut entraîné dans la même ligne de conduite ; il n'y avait donc pas à en espérer davantage. Ajoutons que le nouveau pontife se montra toujours opposé à l'assassinat, comme il le fit voir plus tard en soutenant la Ligue, mais avec la réserve formelle qu'il ne fallait pas attenter aux jours du roi Henri III. Quant à l'Église de France, elle ne dit d'elle-même ni messes, ni louanges pour ceux qui avaient trempé leurs mains dans le sang des huguenots à la Saint-Barthélemy ; plus tard Charles demanda pour ce fait des prières, des chants, des processions, et ils lui furent accordés parce que la sollicitation, conforme à l'aveu en parlement, fut présentée en faveur de la répression d'une conjuration. L'historien ne peut statuer que sur les faits ; si des prêtres catholiques ont désiré qu'on en vint à un massacre, c'est autre chose, mais l'intention n'est pas l'approbation, ni surtout la coopération. On a également argué d'une convention secrète entre Pie V
et Catherine de Médicis ; nous ne croyons pas que la reine mère, dans cette
affaire, ait négocié sans l'attache officielle, sans l'entremise des
secrétaires d'État, et à ce sujet nous avons marqué ci-dessus notre avis, à
savoir que l'intervention réelle de la papauté n'apparaît pas dans la
décision relative à la Saint-Barthélemy. La lettre de Pie V à la reine mère
dans laquelle on lit : Si Votre Majesté continue à
combattre ardemment les ennemis de la religion catholique jusqu'à ce qu'ils
soient tous massacrés, qu'elle soit assurée que le secours de Dieu ne lui
manquera jamais ; cette lettre, par sa généralité, reste étrangère à
la Saint-Barthélemy. Au résumé, c'est le sentiment de la vengeance qui a principalement produit la triste exécution de la Saint-Barthélemy. Le Balafré et sa famille nourrissaient une haine implacable et un désir de vendetta contre Coligny[20]. Charles, parfois sous le charme de la supériorité de l'amiral quand il était près de lui, une fois rentré dans son palais, et soumis à son entourage habituel, ne pardonnait plus à ce seigneur sa grande influence[21], sa fierté, la prétention de se poser en chef de parti et de vouloir élever, vis-à-vis de lui, Etat contre Etat. Il n'était ni assez éclairé, ni assez mûri, ni assez puissant, puisque les catholiques l'avaient menacé de le faire sans lui, pour le châtier de cette outrecuidance à la façon du cardinal de Richelieu, c'est-à-dire en attaquant les protestants ouvertement et en les réduisant à l'impuissance. Catherine de Médicis en voulait à tous ceux qui avaient entravé son pouvoir et cherchaient à l'en priver, à Coligny et aux chefs protestants autant qu'aux princes lorrains et aux catholiques zélés[22]. Ces derniers étant les plus forts, elle pencha vers eux, quitte à faire assassiner un de leurs chefs quand Coligny ne serait plus. Les gentilshommes frivoles ne pouvaient s'habituer aux manières froides et réservées de la plupart des réformés ; de là une méfiance qui pouvait facilement dégénérer en inimitié. Ainsi les protestants, Coligny surtout, possédaient peu d'amis parmi les catholiques. Si ce dernier, dangereux avant tout pour les deux plus grands personnages de ce temps, pour la reine mère et le duc d'Anjou, odieux aux Guises, hostile aux Italiens, gênant pour les courtisans ; si Coligny, disons-nous, qui avait été à coup sûr un rebelle vis-à-vis de son roi, et qui fit une si mince défense dans l'enquête de l'affaire de Poltrot, ne paraît pas exempt de culpabilité à ce sujet, il a mérité son sort, au défaut de légalité et aux raffinements près, c'est-à-dire la Saint-Barthélemy étant admise, et il semble naturel, logique, que le massacre ait commencé par lui : l'historien peut déduire ce résultat, tout en le regrettant. |
[1] Avant le 4 janvier, il manifesta en congrégation ses doutes sur cette victoire.
[2] Dernière expression de la cinquantième et dernière lettre de Prosper de Sainte-Croix au cardinal Borromée.
[3] Au chapitre qui expose le massacre de Vassy, chapitre V du livre Ier.
[4] La principauté d'Orange appartenait depuis 1530 à la maison de Nassau, dont le fils aîné en porte encore le titre.
[5] Ecrivain protestant.
[6] La Réforme et la Ligue, par CAPEFIGUE, fin du chapitre X.
[7] Le mot n'est donc pas nouveau en politique.
[8] On trouve ce quatrain dans les Mémoires de Castelnau.
[9] Recueil de poésies calvinistes (1560-1566), publié en 1866 par Prosper Tarbé.
[10] Reportez-vous à la note de la page 45 de notre Histoire de François II. Voyez aussi le livre fort rare intitulé : Théatre des cruaudez des Hereticques de nostre temps, et les images repoussantes qu'il contient, surtout les neuf images du cahier : Quelques crvavtez horribles exercées en France par les Hvgvenots, depuis leur première rébellion contre le Roy, l'an 1562. Cet affreux factum a été édité en 1568 par Adrien Hubert, libraire d'Anvers ; on en attribue la composition à Jean Crespin, d'Arras. L'artiste qui a composé les illustrations de ce livre montre parfois un certain talent.
[11] Le Roy present cognoissant que tout s'alloit descouvrant. Mémoires de Gaspard de Tavannes.
[12] Ce furent sans doute la reine mère et le duc d'Anjou, ou la famille des Guises, qui poussèrent Maurevel à ce meurtre, après avoir osé proposer à Mme de Nemours, veuve remariée de François de Guise, de tuer elle-même l'amiral au milieu de la cour, d'un coup de pistolet, comme l'indique une lettre de Salviati, datée du 24 août. Consultez sur ce point un travail très-bien fait : la Saint-Barthélemy, par M. ATH. COQUEREL fils, 1859, p. 25.
[13] L'amiral, se croyant près de la mort et ayant des choses importantes à dire au roi, avait sollicité cette visite par l'entremise de Damville et de Téligny.
[14] Ils paraissent cependant avoir désiré ensuite reporter sur le roi la responsabilité de l'acte par lequel débuta la Saint-Barthélemy et dont ils se chargèrent, de l'assassinat de Coligny. Le passage suivant indique cette disposition : S'il se propose un dessein qui profite ayant des incommoditez, il ne faut debattre les contrarietez des temps, à ce que, par ces difficultez du mal non encore present, le bien qui en peut advenir ne se perde. Ainsi sagement firent MM. de Guise, ne contrariant la proposition de se charger du meurtre de l'amiral au commencement, mais attendirent qu'il fust faict [quelle haine ! c'était bien là le principal pour eux] pour dire qu'il n'estoit raisonnable qu'ils fussent coupables de ce que le Roy avait fait faire pour son utilité. Mémoires de Gaspard de Tavannes, collection Petitot, t. III, p. 323.
[15] Vieux mot qui veut dire provenant du dehors. — En bon italien, uscita signifie sortie, tandis que sortita est un mot moderne et familier.
[16] Il est juste de leur rendre un témoignage d'après la Popelinière ; dans son récit de la Saint-Barthélemy, cet auteur en signale plusieurs ouvrant la porte de leurs maisons aux protestants poursuivis dans Paris et leur sauvant ainsi la vie, parce qu'ils ne haioient pas tant les personnes que les opinions qu'ils s'estoient imprimées au cerneau.
[17] Pendant les massacres de la Saint-Barthélemy, un Italien nommé Marsilii, banni pour meurtre, acheta 30 écus la tête d'un compatriote réfugié à Lyon et l'envoya à Lucques ; cette traîtrise raffinée ne lui fit pas obtenir sa grâce, car les seigneurs de sa ville natale eurent horreur de cette affreuse action commise à l'encontre d'un protestant.
[18] Nous raisonnons d'après ce qui advint pour le mariage du roi de Navarre et de Marguerite de Valois ; jamais, malgré le dire de Varillas, le pape ne l'approuva avant la Saint-Barthélemy (il ne le pouvait) ; il proposait même de marier la princesse Marguerite au roi de Portugal. Après cette catastrophe, il céda, voilà tout, et encore plus tard cette union fut rompue. S'il avait voulu favoriser la Saint-Barthélemy, il se fût au moins abstenu de dissuader Charles IX de conclure ce mariage (voyez le Stratagème contre les Huguenots), et aurait conservé la neutralité. Pour presser la conclusion du mariage, le roi fut obligé de simuler une dépêche de son ambassadeur à Rome, lui assurant la réception prochaine d'une dispense papale.
[19] On sait que Pie V a été proclamé saint en 1712 par Clément XI. Ses ennemis l'appellent l'auteur de la Saint-Barthélemy, et prétendent qu'on l'a canonisé pour cet acte. Or, à l'époque de sa mort, près de quatre mois avant cette sanglante exécution, qui pouvait répondre qu'elle aurait lieu ? On pouvait peut-être croire à une action semblable, et encore, en pareille matière, la décision finale est tout.
[20] Coligny et les principaux chefs protestants abattus, les Guises se montrèrent favorables, généreux, même envers les protestants de moindre volée dont leur ambition n'avait rien à craindre. La distinction est essentielle. Pour plus de clarté, la vengeance des Guises en voulait à Coligny, leur ambition aux chefs protestants et au roi.
[21] ..... Il etoit mieux obei de ceux de la nouvelle religion que je n'etois.... je me pouvois dire commandant seulement une des parts de mon royaume.... Il ne m'a pas été possible de le supporter plus longuement, et me suis résolu de laisser tirer le cours d'une justice à la vérité extraordinaire et autre que je n'eusse voulu, mais telle qu'en semblable personne il etoit nécessaire de pratiquer. Lettre de Charles IX à M. de Schomberg, son ambassadeur en Allemagne, 13 septembre 1572.
[22] Il y avoit en France deux partis formez, dont le Roy avoit un interest egal à se defaire, le party des calvinistes et celuy des catholiques zelez. VARILLAS, Histoire de Charles IX, livre IX.